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  • La révocation de la procureure en chef de la Direction nationale anticorruption

    La révocation de la procureure en chef de la Direction nationale anticorruption

    Lundi matin, la porte – parole de l’Administration présidentielle faisait savoir que le chef de l’Etat, Klaus Iohannis, avait décidé de révoquer de ses fonctions Mme Kovesi, se conformant ainsi à une décision de la Cour Constitutionnelle.

    Cette destitution survient le jour même où la coalition au pouvoir, formée par le Parti social – démocrate et par l’Alliance des démocrates et des libéraux menace de débattre d’une éventuelle suspension du président. Le chef de file des sociaux-démocrates et président de la Chambre des députés, Liviu Dragnea, a maintes fois accusé le président Iohannis de violation de la loi fondamentale, vu le retard inadmissible qu’il a mis à signer le décret de révocation.

    Cette décision lui avait été pratiquement imposée, le 30 mai dernier, par la Cour constitutionnelle, qui avait constaté l’existence d’un conflit juridique de nature constitutionnelle entre le chef de l’Etat et le gouvernement. C’est le ministre de la Justice, Tudorel Toader, qui en a saisi la Cour, après qu’au mois de février le président eut rejeté pour manque de fondements sa demande de démettre Mme Kovesi et exprimé nettement sa confiance dans la probité et l’efficacité de celle-ci. Toader a pourtant affirmé que la solution formulée par la Cour Constitutionnelle reposait sur le principe constitutionnel selon lequel les procureurs mènent leur activité sous l’autorité du ministre de la Justice. Il soutient également qu’à la différence du ministre, le chef de l’Etat n’est pas légalement habilité à évaluer les compétences professionnelles ou managériales des procureurs de haut rang.

    Mme Kovesi, considérée par certains comme le fer de lance de la lutte contre la corruption ou par d’autres comme la cheffe d’un système policier abusif, affirmait récemment à New York, lors d’un débat organisé au siège de l’ONU, que le plus grand défi qui se posait devant la Roumanie était celui de garder l’indépendance des juges et des procureurs. Il y a eu des tentatives répétées de modifier la législation anticorruption afin de limiter les instruments législatifs dont disposent les procureurs anticorruption ou de dépénaliser certains faits. Des fois, on a refusé la levée de l’immunité des hommes politiques accusés de corruption.

    Tout le système judiciaire a été confronté à des attaques par le biais des fausses nouvelles ou des déclarations publiques censées affaiblir la confiance dans la justice. Voilà en bref la chronique de cette dernière année et demie pendant laquelle le pouvoir a été accusé d’entraver la lutte anticorruption et de se subordonner les magistrats. Le ministre de la Justice, Tudorel Toader, a rétorqué que les acquittements, les conflits juridiques de nature constitutionnelle, les dossiers frappés de prescription ou bien les abus des procureurs n’étaient pas de fausses nouvelles.

    Rien que ces cinq dernières années, les procureurs anticorruption ont renvoyé devant les juges 14 ministres et ex ministres et 53 parlementaires. 27 d’entre eux ont déjà été condamnés définitivement. Dans la même période, la DNA a décidé de la mise en place de mesures conservatoires visant à récupérer près de 2,3 milliards de dollars. Les analystes estiment que le Parquet national anticorruption doit poursuivre son assaut, car, dans une démocratie mature, les instituions fonctionnent et accomplissent leurs tâches quels que soient les noms de leurs chefs. (Trad. Mariana Tudose)

  • Réactions à la proposition de révocation de la cheffe du Parquet anticorruption

    Réactions à la proposition de révocation de la cheffe du Parquet anticorruption

    Une décision en ce sens du ministre roumain de la Justice avait été longuement ajournée et par conséquent attendue avec beaucoup d’impatience. Finalement, Tudorel Toader a fait savoir jeudi dans la soirée avoir déclenché la procédure de révocation de ses fonctions de la cheffe du parquet anticorruption de Roumanie, Laura Codruţa Kövesi, qui occupait ce poste depuis 2013.

    Une décision reposant sur des faits et des actes intolérables dans un Etat de droit, aux dires du ministre, des faits qu’il a réunis dans un rapport présenté devant la presse. La cheffe de la DNA aurait excédé ses attributions et exercé une pression sur le gouvernement et sur le bon fonctionnement des institutions, accuse le ministre de la Justice. Tergiversation des solutions de différents dossiers, manque de réaction dans la vérification de certains procureurs, déclarations publiques inadéquates – autant de reproches formulés également par le ministre à l’adresse de Mme Kövesi.

    Tudorel Toader: « La Direction nationale anticorruption (DNA) ne s’identifie plus à son procureure en chef, dont les actions, cette dernière année, ont prouvé être à même de mettre en danger l’institution même qu’elle dirige, par son excès d’autorité, par son comportement discrétionnaire, son non-respect de l’autorité du Parlement et du rôle et des compétences du gouvernement, par ses contestations des décisions de la Cour Constitutionnelle et de son autorité.»

    Les réactions de la classe politique de Bucarest n’ont pas tardé. Le Parti Social Démocrate (PSD), principale formation politique de la coalition au pouvoir, estime que cette demande de révocation est fondée, car basée sur un rapport très bien argumenté. De l’avis du sénateur social-démocrate Şerban Nicolae, un tel document devrait donner du fil à retordre à tous, car il met en lumière plusieurs vulnérabilités des autorités de l’Etat roumain.

    Şerban Nicolae : « Mieux serait que toutes ces choses n’existent pas : ni les faits graves présentés, ni le besoin de demander une révocation. Malheureusement, le ministre de la Justice vient de présenter des éléments extrêmement graves, ce qui explique en quelque sorte les sérieux dysfonctionnements signalés par la société en ce qui concerne l’activité de la DNA, tout comme la faible crédibilité des actions des procureurs anticorruption et les résultats discutables obtenus notamment ces derniers temps. »

    Pour sa part le Parti National Libéral (PNL), d’opposition, ne partage pas cette opinion. Bien au contraire, il pointe de doigt une décision prise par le ministre Tudorel Toader, sous la pression des politiciens ayant des démêlés avec la Justice.

    Le porte-parole des libéraux, Ionel Dancă affirme : « Au moment où le chef de la DNA est révoqué suite aux pressions de personnes faisant l’objet de procès pénaux, le respect de la loi et la lutte contre la corruption en Roumanie deviennent optionnels. Cela est inacceptable dans une Etat de droit de l’UE».

    Un message critique vient aussi de la part de l’Union Sauvez la Roumanie (autre parti de l’opposition de droite), qui demande au président Klaus Iohannis de ne pas accepter la proposition du ministre de la Justice. Juste après l’annonce faite par Tudorel Toader, le chef de l’Etat, le seul en mesure de révoquer la procureure en chef de la DNA, a précisé dans un communiqué de presse maintenir son point de vue positif sur l’activité de l’institution. Estimant que le rapport sur l’activité du Parquet anticorruption manquait de clarté, le président, qui cohabite difficilement d’ailleurs avec le gouvernement, a promis que le document serait analysé dans les moindres détails par les départements de l’Administration présidentielle.

    A noter aussi que la présentation du rapport du ministre de la Justice était accompagnée par une manifestation contre Laura Codruta Kövesi, doublée par une nouvelle descente dans la rue, à Bucarest comme dans les grandes villes du pays, des milliers de Roumains pour lesquels Mme Kövesi est un symbole de la lutte anticorruption. Mécontente de la décision du ministre Toader, la population a demandé sa démission. Voici quelques-unes de ses explications :

    « Parce qu’il a demandé la révocation de la personne qui bénéficie du plus haut degré de confiance et parce que ses raisons ne sont pas très bien fondées»

    « Je veux vivre dans un pays où la justice soit indépendante, et non pas pilotée par le politique ».

    Avant de terminer, précisons que les événements de Roumanie ont eu aussi des échos dans la presse internationale. Par exemple, l’AFP note que le déclenchement de la procédure de révocation de Laura Codruţa Kövesi marque l’apogée des tensions entre la majorité politique de gauche et le pouvoir judiciaire, tensions alimentées par l’intention du PSD de modifier les lois de la Justice. (Trad. Valentina Beleavski)