Tag: propagande

  • Le ministère roumain de la Défense déconstruit des désinformations russes

    Le ministère roumain de la Défense déconstruit des désinformations russes

    Le ministère roumain de la Défense nationale a dénoncé une nouvelle campagne de désinformation lancée par la presse russe contre  la Roumanie. Les journalistes ont changé la date des attaques de drones perpétrées dans la nuit du 16 au 17 janvier contre l’infrastructure portuaire civile d’Ukraine, à proximité de la frontière roumaine. Aux dires de la presse russe, ces attaques sont intervenues un jour plus tard, dans la nuit du 17 au 18 janvier et elles ont été dirigées contre une opération de transport sur l’eau de militaires et de mercenaires roumains de la rive roumaine vers celle ukrainienne. Durant l’attaque, les forces de l’armée roumaine auraient ouvert le feu depuis le territoire roumain sur les drones russes, accuse la presse de Moscou. Selon elle, l’attaque aurait été ordonnée au sommet de l’armée russe et aurait entrainé de nombreuses victimes dans les rangs des Roumains. Dans le scénario imaginé par le Kremlin, des hélicoptères des Forces aériennes roumaines seraient intervenus pour contribuer à l’évacuation des blessés et épauler les forces ukrainiennes.

     

    Bucarest qualifie les propos de la presse russe « d’absurdités »

    Face à toutes ces accusations, la réaction de la Roumanie n’a pas tardé. Le ministère roumain de la Défense a qualifié les propos de la presse russe « d’absurdités »,  « des aberrations sans aucun fondement réel ». Le ministère a montré que dans la nuit du 16 au 17 janvier, les systèmes de surveillance de l’Armée roumaine ont détecté des violations de l’espace aérien national. Par conséquent, la population du département de Tulcea a été alertée et une paire de chasseurs F-16 a surveillé la zone. Par la suite, des équipes d’experts roumains du ministère de la Défense, du Service de Renseignement et du ministère de l’Intérieur ont identifié des débris de drones russes dans deux zones. Selon le ministère de la Défense de Bucarest, malgré leur absurdité, les informations fabriquées dans les laboratoires propagandistes du Kremlin respectent le même schéma de manipulation auquel la Roumanie et le reste de la région se confrontent. Le même ministère affirme que par cette campagne de désinformation, Moscou alimente la fausse perception que l’OTAN cherche à entrer en guerre contre la Russie et qu’elle pousse la Roumanie dans le conflit.

     

    La propagande du Kremlin vise aussi la population russe

    Cette formule de propagande, ajoute le ministère roumain, vise aussi la population russe, manipulée à croire que leur pays risque de se voir attaquer par l’OTAN et que les soldats de la Fédération russe sont déployés en Ukraine pour combattre contre les forces alliées, dans le cadre d’une soi-disant opération militaire spéciale. Selon Bucarest, la réalité que la propagande du Kremlin cherche à cacher est la violation par la Russie des normes internationales, la campagne de militarisation de la mer Noire, l’invasion de l’Ukraine, l’annexion illégale de la Crimée en 2014 et l’agression militaire contre Kiev depuis 2022. Enfin, le ministère de la Défense roumaine affirme s’attendre à ce que les fausses informations présentées par la presse russe soient reprises par les vecteurs de la propagande russe agissant au sein de l’espace public de Roumanie et amplifiées sur les plateformes numériques.

  • Grandes plateformes et désinformation en ligne

    Grandes plateformes et désinformation en ligne

    « La liberté des électeurs de se forger une opinion présuppose le droit d’obtenir des informations exactes sur les candidats, de sorte que l’ingérence d’entités étatiques ou non étatiques dans la conduite de campagnes électorales ou de désinformation doit être exclue », a déclaré vendredi la Cour constitutionnelle de Roumanie, dans le raisonnement de la décision par laquelle elle a annulé les élections présidentielles dans le pays. Selon les notes d’information présentées au Conseil suprême de la défense par les services de renseignement, qui ont ensuite été déclassifiées, « les principaux aspects du processus électoral pour l’élection du président de la Roumanie en 2024 sont ceux qui concernent la manipulation des votes des électeurs et la distorsion de l’égalité des chances pour les concurrents électoraux, par l’utilisation non transparente des technologies numériques et de l’intelligence artificielle dans la campagne électorale, en violation de la législation électorale, ainsi que par le financement de la campagne électorale à partir de sources non déclarées, y compris en ligne », a déclaré la Cour constitutionnelle Roumaine. 

     

    Les grandes plateformes en ligne indifférentes aux messages et sollicitations

     

    C’est l’ancien candidat indépendant Călin Georgescu, extrémiste, souverainiste et admirateur de Vladimir Poutine, qui fait l’objet de toutes ces accusations. Depuis le mois d’août, l’Autorité nationale pour l’administration et la régulation des communications (ANCOM) et l’Autorité électorale permanente (AEP) ont informé les principales plateformes, par lettre officielle, de leurs obligations une fois le processus électoral lancé. Par la suite, l’Autorité électorale permanente a envoyé des notifications à TikTok signalant diverses irrégularités et lui a demandé de prendre les mesures nécessaires pour garantir que la campagne électorale en Roumanie se déroule dans des conditions légales, mais les représentants de la plateforme n’ont pas réagi rapidement à la demande de l’autorité roumaine, a déclaré l’ANCOM. Le Conseil national de l’audiovisuel et l’ANCOM ont également notifié aux plateformes Meta, TikTok, X et Google leurs obligations en matière de lutte contre la désinformation, conformément au règlement européen en la matière, et leur ont demandé de renforcer leurs mécanismes de modération des contenus. 

     

    La lutte contre les “fake news” se poursuit

     

    Malgré ces efforts et ces appels, le ministère de la Défense signale de nouvelles désinformations en ligne, notamment sur la plateforme TikTok. Selon le portail InfoRadar, un outil du ministère de la Défense pour lutter contre les « fake news », ce sont les frontières et les infrastructures portuaires roumaines qui sont visées. L’un des messages prétend à tort que les frontières de la Roumanie seront fermées et sécurisées par des effets militaires, tandis que l’autre montre à tort que des technologies militaires qui ne sont pas en possession de l’armée roumaine sont concentrées dans le port de Constanta, ce qui, selon les auteurs de la fake news, est la preuve de préparatifs de guerre. Le ministère affirme que toutes ces informations sont fausses et que ses structures de communication continueront à signaler les cas de désinformation de l’opinion publique au fur et à mesure qu’ils seront identifiés.

  • Personnages historiques féminins dans le cinéma roumain de l’époque communiste

    Personnages historiques féminins dans le cinéma roumain de l’époque communiste

    À l’instar de tous les régimes dictatoriaux, de droite
    comme de gauche, le régime communiste de Roumanie avait transformé le film
    historique en un moyen de propagande. Le cinéma devait porter l’idéologie
    nationale-communiste et toutes ses distorsions historiques et vérités occultées.
    Plus encore, les productions cinématographiques jouaient aussi un rôle
    pédagogique, de formation des générations successives à l’histoire nationale et
    au type de patriotisme que les Roumains étaient censés intégrer dans leur
    comportement. L’implication programmatique du cinéma dans le projet de
    propagande du parti communiste, de « création de l’homme nouveau,
    constructeur conscient de la société socialiste multilatéralement développée et
    de la nation socialiste », s’intensifia
    notamment
    après 1974. Les films historiques
    traitaient des sujets tirés de l’antiquité daco-romaine, de l’époque médiévale
    de renforcement des principautés de Moldavie et de Valachie, ainsi que des XIXe
    et XXe siècles, mais sans rappeler la contribution de la monarchie à la
    modernisation de l’État roumain.

    Parmi les réalisateurs qui se firent
    remarquer, mentionnons Mircea Drăgan, Gheorghe Vitanidis, Doru Năstase et
    surtout Sergiu Nicolaiescu, probablement « le plus efficace réalisateur de
    films historiques, qui ont contribué à la fondation et à la montée de la
    mythologie nationaliste-communiste », selon la professeure des universités
    Mihaela Grancea, de l’Université « Lucian Blaga » de Sibiu. Dans cet
    univers manichéen dominé par les hommes, héros ou ennemis en égale mesure,
    quelle place les personnages historiques féminins occupaient-ils ? Les
    femmes bénéficiaient-elles d’une description plus réaliste, malgré les
    informations insuffisantes sur les épouses, les mères et les filles des princes ?
    Étaient-elles aussi soumises à l’idéologie? Pr Mihaela Grancea répond à ces
    questions: Dans la plupart des films, la présence
    des femmes était exotique et passagère. Dans « Mihai Viteazul/Michel le
    Brave », probablement le film historique roumain le plus connu, il n’y a
    que deux présences féminines fugaces : Dame Stanca, l’épouse du prince, et
    celle qui était l’amante en-titre de Mihai, et qui lui facilitait certaines
    relations étrangères pour obtenir des prêts financiers. Les stéréotypes
    masculins dominaient ces films, où les femmes brillaient par l’absence,
    notamment dans les films de Sergiu Nicolaescu. Par sa personnalité et par les
    scénarios qu’il a écrits seul ou avec des collaborateurs choisis parmi les
    historiens les plus en vue à l’époque, ce réalisateur a réduit au maximum dans
    ses films l’existence même des femmes appartenant à l’élite des deux
    principautés roumaines.




    Une exception existe tout-de-même : le film « Întoarcerea
    lui Vodă Lăpușneanu/Le retour de Vodă Lăpușneanu », tourné en 1980 par la
    réalisatrice Malvina Urșianu sur un scénario d’après la nouvelle classique « Alexandru
    Lăpușneanu » de Costache Negruzzi. Dans cette production, qui présente le
    second règne et la fin tragique du prince moldave Alexandru Lăpușneanu, deux
    personnages féminins se font remarquer pleinement: Ruxandra, l’épouse du prince,
    et sa sœur, Dame Chiajna, celle qui dominait à l’époque la scène politique
    locale. Filles du prince Petru Rareș et petites-filles du prince Ștefan cel
    Mare (Étienne le Grand), les deux femmes assumeront la régence durant l’âge
    mineur de leurs fils respectifs. Pr Mihaela Grancea raconte: Les deux femmes avaient des
    caractères différents, mis en évidence dans le film. Nous y suivons l’évolution
    de Ruxandra et sa transformation graduelle. Être atone, dépourvu de tout
    enthousiasme, destinée à épouser l’usurpateur Joldea, elle s’adapte d’une
    certaine manière à la réalité environnante, durant les premières années de son
    mariage avec Alexandru Lăpușneanu, l’homme qui, durant son jeune âge, semblait
    être un chef politique plus raisonnable. Au fur et à mesure que la paranoïa s’empare
    de Lăpușneanu, nous constatons que Ruxandra s’éloigne de lui, tout en faisant
    attention à conserver son propre statut et celui de ses enfants. Elle fera le
    geste, hypothétique mais radical, d’empoisonner son mari. À ce que je sache,
    les chroniques historiques sont plutôt ambigües là-dessus. En revanche, dans le
    film de Malvina Urşianu, tout comme dans la nouvelle de Negruzzi, Ruxandra
    empoisonne Alexandru Lăpușneanu et installe son fils, Bogdan, sur le trône
    moldave, en assumant la régence.




    L’autre
    personnage principal féminin du film « Le retour de Vodă Lăpuşneanu »
    est Dame Chiajna, une autre fille du prince de Moldavie, Petru Rareș, et épouse
    du prince de Valachie, Mircea Ciobanul. D’ailleurs, Dame Chiajna fait aussi
    l’objet d’autres œuvres littéraires, où elle est un symbole de cruauté et
    d’ambition, une sorte de contre-exemple du modèle de femme docile et douce, qui
    a longuement circulé dans l’histoire. Or, le film de Malvina Urșianu maintient
    cette approche du personnage, devenue un lieu commun en historiographie et
    littérature. Pr Mihaela Grancea en fournit des détails: Dame Chiajna est un
    personnage stéréotypé. Elle est très arrogante, dépourvue de subtilité. Mais
    elle montre tout de même une partie de la volonté extraordinaire et réelle de
    cette femme qui, à une époque de crise politique – le XVIe siècle ayant été
    constamment secoué par des crises politique d’une grande cruauté – a réussi à
    imposer sa volonté. Sans mourir jeune ni de manière tragique, comme ce fut le
    cas de la princesse de Moldavie, emportée par la maladie à 32 ans. Ce film se
    fait remarquer par les couleurs, par la qualité de l’image et de la
    reconstitution historique. On y constate aussi le désir de mettre en place un
    décor qui rappelle les films d’après les pièces shakespeariennes, où l’on
    rencontre également le jeu d’ombres et de clairs-obscurs. Je pense notamment au
    « Macbeth » d’Orson Wells.



    Bien
    que l’analyse de la présence féminine dans les films historiques débute à peine
    en Roumanie, les spécialistes l’approfondiront sans aucun doute. (Trad. Ileana
    Ţăroi)

  • La Chine entre le coronavirus et une nouvelle guerre froide

    La Chine entre le coronavirus et une nouvelle guerre froide

    Cette semaine nous allons parler de la Chine. Depuis quelques mois, elle est à la fois accusée d’avoir répandu le virus et admirée pour sa gestion de la pandémie. Mais si tout cela cachait des enjeux plus profonds et globaux ? C’est à cette question que nous allons répondre avec l’anthropologue Monique Selim qui connaît très bien cette société.




  • La lutte pour la paix

    La lutte pour la paix

    La paix a été un thème privilégié de la propagande communiste, sans doute pour mettre en défaut son adversaire, le capitalisme, sorte de va-t-en-guerre. Déjà dans leurs écrits, les théoriciens du marxisme-léninisme postulaient le pacifisme axiologique du prolétariat opprimé, au contraire des propriétaires, entichés du conflit sous quelque forme que ce soit. Le schéma, à la fois confus et réducteur, appelait à la révolution mondiale pour changer le monde, tout en appelant à la violence pour liquider, au sens propre du terme, la bourgeoisie et conquérir le pouvoir afin d’instaurer la paix éternelle sur la terre. Mais la victoire du bolchévisme en 1917 n’a apporté la paix, loin s’en faut.

    L’Union soviétique cherchera, au contraire, à mettre le feu aux poudres à la moindre occasion qui se présentait. En réalité, le régime communiste aimait le conflit, à l’instar de tout autre régime d’ailleurs, mais la paix est restée un slogan largement étayé par la propagande. Et c’est ainsi que la propagande soviétique a inventé le slogan de la lutte pour la paix qui, au-delà du paradoxe de la formule, heurtait violemment la réalité. Le slogan de la lutte pour la paix commence à faire son chemin dans la propagande communiste, et cela dès le début de l’occupation soviétique de la Roumanie, à compter du milieu de l’année 1944, et jusqu’à la chute du communisme, fin décembre ’89. Dans les années ’50 une blague faisait fureur, qui disait : « Nous allons si bien lutter pour la paix, qu’il n’y restera que de la terre brûlée ».

    Clamer la recherche de la paix fut un véritable dada de la propagande communiste qui ne désarma à aucun moment. Le dernier dictateur de la Roumanie communiste, Nicolae Ceausescu, adorait se faire appeler le « héros de la paix ». L’ingénieur Ştefan Bârlea a été un important militant des Jeunesses communistes des années 1950-1960. Interviewé en 2002 par le Centre d’histoire de la Radiodiffusion roumaine, il remémore l’année 1955 et on cite :« En 1955, plusieurs événements ont eu lieu. D’abord, le patriarche Iustinian, de l’Eglise orthodoxe roumaine, avait lancé une lettre pastorale, dont nous avons eu vent, et que nous avons perçue de manière très positive. Dans sa lettre, le patriarche faisait appel à la dénucléarisation. C’était une première, du moins pour l’église orthodoxe. C’était un acte presque politique, je dirais. Il n’est pas exclu qu’il ait produit cette lettre pastorale suite à une demande formulée par le régime, je n’en sais rien. Difficile à le savoir avec précision, les routes du Seigneur s’avèrent tortueuses. Mais cela a eu lieu au moment où le mouvement pacifiste, lancé par l’Union soviétique, dès 1949, battait son plein. En 1955, une grande Assemblée mondiale pour la paix a été ainsi organisée. »

    Après la Seconde Guerre mondiale, il est certain que le désir de paix de l’humanité répondait à un véritable besoin. Mais l’Union soviétique avait d’autres desseins, cela s’entend. Ştefan Bârlea avait été en charge de l’organisation des manifestations publiques dans ce cadre-là:« Nous organisions des réunions, des manifs des jeunes. Tous les ans, nous avions deux, trois grandes manifs. Le deuxième congrès pour la défense de la paix a été organisé en 1950, et c’est à ce moment-là qu’a été élu un Conseil mondial et que deux organisations de jeunesse ont fait leur entrée, parmi les autres participants officiels, parmi les délégués des différents pays. Il s’agissait de la Fédération mondiale des jeunesses démocrates et de l’Union internationale des étudiants. Les deux organisations avaient des conseils basés l’un à Prague, en Tchécoslovaquie, et l’autre quelque part en Pologne. Ces organisations étaient censées représenter le mouvement pacifiste et, en leur qualité de membres de plein droit du Conseil mondial pour la paix, elles demandaient aux autres organisations nationales de jeunesse ou d’étudiants d’organiser à leur tour des manifs, entraînant les jeunes dans ce mouvement en faveur de la paix. Et c’est aussi ainsi que nous avons été les chevilles ouvrières de quelques rassemblements d’envergure, ici même, à Bucarest, dans le pavillon H, situé dans le parc Herăstrău, ou dans la salle de compétitions sportives Floreasca. Parfois les meetings prenaient place aussi à l’extérieur. »

    Suivant la coutume communiste, ces meetings constituaient autant d’occasions d’entendre des discours mobilisateurs. Ştefan Bârlea remémore le déroulement d’une de ces grandes messes pour la paix : « L’ordre du jour nous parvenait par l’entremise du Comité central des Jeunesses communistes, par la suite par l’intermédiaire du Conseil des associations estudiantines. Les discours étaient lus soit par un représentant des organisations internationales de jeunesse, et là il fallait s’attendre à un discours qui dure, soit par un responsable local. Les responsables y étaient conviés. Quant à nous, nous organisions ce genre de manif dans tous les centres universitaires, dans toutes les villes du pays. Les discours, c’était les responsables locaux qui s’en chargeaient. Ion Gheorghe Maurer, l’ancien premier ministre de plus tard, par exemple, a parlé lors d’un tel rassemblement, alors qu’il était directeur juridique de l’Académie roumaine. La propagande était chargée d’éditer les brochures qui devaient constituer le fondement des discours des responsables. Il s’agissait somme toute d’un spectacle politique, avec sa mise en scène et tout le tralala. Si un ponte du parti était attendu, là il y avait un metteur en scène attitré. Y en avait des connus même, tel Hero Lupescu, et bien d’autres encore, des gens qui travaillaient en tant que metteurs en scène à l’Opéra de Bucarest. »

    La lutte pour la paix s’est brusquement arrêtée à la fin du régime communiste. Outre les slogans et les mots creux, rien n’y est resté derrière. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Radio Donau

    Radio Donau

    La propagande de guerre a été un des moyens les plus importants de rehausser le moral de l’armée et de la population civile, de justifier les décisions et les actions d’un régime politique. Tant les démocraties que les régimes totalitaires ont utilisé la propagande par la radio et exercé leur contrôle sur l’information diffusée sur les ondes. La chaîne Radio Donau a été créée pour diffuser des informations du monde allemand vers l’espace de l’Europe Centrale et du sud-est. La rédaction était à Vienne, alors que les émetteurs se trouvaient dans les montagnes de la Bohème. L’émission en langue roumaine de Radio Donau commençait en juin 1940, le programme étant assuré par une rédaction formée de quelques traducteurs.



    Après le 23 août 1944, lorsque la Roumanie a tourné les armes contre l’Allemagne nazie, un gouvernement roumain de la Légion de l’Archange Michel fut formé à Vienne avec le leader du mouvement d’extrême droite, Horia Sima, en tant que premier ministre. Ses messages envers les Roumains étaient transmis par le biais de la section roumaine de Radio Donau, une chaîne qui allait fermer définitivement en mai 1945.



    En 1942, Iustin Liuba, originaire de la ville de Timisoara, dans l’ouest de la Roumanie, partait faire des études à Dresde. Il s’est installé en 1944 à Vienne et dans une interview accordée en 1998 au Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, il se souvenait que cette radio employait des étudiants roumains de la capitale autrichienne: « Une petite équipe d’environ trois Roumains traduisaient des commentaires écrits en langue allemande de deux ou trois minutes maximum. La plus grande partie de leur activité se réduisait aux infos. Le bulletin informatif était fourni par le Commandement suprême allemand qui annonçait par exemple : « Nos sous-marins ont coulé dans l’Atlantique Nord 50 milles tonnes de navires marchands et de cargos alliés. Trois heures plus tard, l’émission s’interrompait à nouveau et le public apprenait que « nos sous-marins ont coulé 80 mille tonnes de navires dans l’Atlantique central ». Ces infos étaient traduites dans plusieurs langues car la section roumaine n’était qu’une section parmi d’autres. Radio Donau émettait aussi en tchèque, slovaque, hongrois, serbo-croate, ainsi qu’en japonais et italien, les langues de l’Axe donc. »



    Les programmes étaient brefs, 15 minutes environ, et étaient uniquement des bulletins d’informations concis. Iustin Liuba se rappelait aussi les programmes de Radio Donau et de la manière dont l’équipe travaillait: « On faisait des enregistrements, qui étaient ensuite rediffusés à différentes heures. Mais de toute façon il n’y avait pas beaucoup d’heures d’émission. Certains textes étaient diffusés en direct, et d’autres étaient enregistrés, pas sur bande magnétique, parce qu’elle n’existait pas à l’époque, mais sur des disques en vinyle, similaires aux disques de gramophone. Mais le désavantage, c’était qu’en cas d’erreur, il fallait tout simplement jeter la plaque et recommencer depuis le début. C’était donc assez compliqué. C’étaient les services secrets allemands qui fournissaient à Radio Donau les plus récentes informations provenant de Roumanie. La source n’était pas citée, mais on disait seulement « par des sources dignes de confiance ». D’habitude c’était l’agence « Deutsche Nachrichten Agentur », DENA, qui transmettait les nouvelles. Une équipe d’Allemands de Roumanie, Saxons ou Souabes qui parlaient tant le roumain que l’allemand, qui était évidemment leur langue maternelle surveillaient que les textes soient traduits conformément à l’original et que les infos soient lues correctement ».



    Après l’acte du 23 août 1944, quand le chef de l’Etat, le maréchal Ion Antonescu, a été arrêté et la Roumanie est passée au camp des Alliés, les chefs de la Garde de fer ont formé « un gouvernement national » à Vienne et des dissensions sont apparues entre ce cabinet dont Horia Sima était le chef et les autres Roumains de la ville. Radio Donau a été le média par lequel le gouvernement de Sima a parlé aux Roumains. Iustin Liuba se rappelle des rivalités de l’époque: « Un gouvernement national fut créé à Vienne. Il existait une rivalité entre Horia Sima, le commandant des légionnaires de l’Archange Michel, et le général Ion Gheorghe, l’ex-ambassadeur du maréchal Ion Antonescu, le général Ion Gheorghe, qui ne faisait pas partie du mouvement de l’Archange Michel. Le général Ion Gheorghe représentait l’armée, la tradition anticommuniste du peuple roumain, alors que Horia Sima était le représentant d’une organisation politique d’extrême droite. Le général Ion Gheorghe a été professeur à l’Ecole de guerre de Bucarest, étant spécialisé en chars de combat. Il disait souvent « Nous menons la guerre contre les Soviétiques, mais nous ne voulons pas non plus être dirigés par les légionnaires de l’Archange Michel. Le peuple roumain par le biais de son armée a réduit au silence le mouvement de la Légion de l’Archange Michel qui s’était révolté contre l’ordre de l’Etat ». Cette friction entre le général Ion Gheorghe et Horia Sima se déroulait à Vienne et les Allemands ne savaient pas à qui confier la direction de ce nouveau gouvernement, censé organiser une sorte de résistance contre l’armée soviétique qui avançait à grands pas. »



    Iustin Liuba se rappelle également de la rencontre tendue entre Horia Sima et les étudiants roumains de Vienne en vue de la création d’une soi-disant « armée nationale de libération » : « Nous, on n’aimait pas le fait que ce gouvernement national ait adopté l’idéologie du mouvement de la Légion de l’Archange Michel parce que finalement les Allemands ont décidé d’installer Horia Sima à la tête du gouvernement. Et ils ont écarté le général Ion Gheorghe qui était quand même sympathisé par les jeunes Roumains de Vienne parce qu’il symbolisait l’armée roumaine anticommuniste. Les Allemands ont favorisé Horia Sima et ils l’ont prié de parler aux étudiants, de les recruter dans l’armée nationale. Ce fut un échec total puisqu’il n’y a eu aucune inscription. Seules deux ou trois jeunes filles de la Faculté de Médecine ont signé le papier parce qu’elles disaient « Nous sommes médecins, nous pouvons travailler dans un hôpital ». Les autres étudiants n’ont pas signé les demandes d’inscription. Horia Sima a pris les papiers, il les a arrachés, les a jetés sur terre et a dit : « J’ai honte de vous, vous ne vous rendez pas compte de ce que vous faites ? » Et nous avons dit : « Nous sommes désolés ». C’est à cela que s’est réduite notre rencontre avec Horia Sima qui est parti en claquant la porte. »



    Notons aussi que la dernière mission de combat de l’armée roumaine durant la seconde guerre mondiale a visé la destruction des émetteurs de Radio Donau. C’est par cette mission accomplie avec succès que s’est achevée la participation de la Roumanie sur le front de la Seconde guerre mondiale. (trad.: Mariana Tudose, Alex Diaconescu)

  • La Radiodiffusion Roumaine et le fascisme

    La Radiodiffusion Roumaine et le fascisme

    La radio, aussi bien comme institution de presse que technologie de pointe, était une nouveauté absolue dans le paysage médiatique de lentre-deux-guerres. A commencer des années 1930, la Radio sest trouvée au centre des événements les plus importants, ce qui justifie sa qualité actuelle de source dinformation historique exceptionnelle pour lépoque contemporaine.



    A la fin des années 1930, des régimes fascistes ou autoritaires de droite étaient installés dans la quasi-totalité des Etats européens. La radio y était utilisée comme un instrument de propagande, de légitimation et de consolidation de ces régimes. Ce fut aussi le cas de la Radiodiffusion de Roumanie. Fondée en 1928, elle a dû surmonter des obstacles difficiles, dont la politisation qui allait impacter son objectivité et son équidistance. Les témoignages recueillis par le Centre dhistoire orale de la Radiodiffusion roumaine dans les années 1990 et 2000 ont confirmé la difficulté de garder un équilibre entre la conscience professionnelle et la pression du régime politique. Les infos nont jamais occulté lactualité, comme ce fut le cas du meurtre, en 1938, du patron de la Légion, la Garde de fer, Corneliu Zelea Codreanu.



    En 2001, le professeur Olimpiu Borzea se souvenait de cet épisode quil avait appris par la Radio. “Chaque année, le 29 novembre, la veille de la Saint André, lapôtre Andrei était commémoré dans la grande salle de lAcadémie théologique, où se rassemblait la crème de la crème de lintelligentsia de Sibiu. Nous, nous venions dune école neuve, très moderne ; cétait déjà ma deuxième année là-bas. Nous étions arrivées à la Place du fromage, qui était pleine de bergers, quand nous entendîmes un “Attention, attention !”, lancé par les haut-parleurs installés dans les rues. Cétait une annonce de la radio : un groupe de légionnaires, mené par Corneliu Codreanu, avait tenté de sévader lors dune escorte, les gardiens leur avaient tiré dessus et les avaient tous tués. Nous, on était resté figé sur place. “Comment ?!” Les gens sur la place du fromage étaient comme paralysés !”



    Vasile Blănaru a commencé à travailler dans la rédaction théâtre de la Radio en 1938, avant doccuper des postes de direction. En 1999, il racontait la présence du fascisme dans linstitution. “A la radio, les légionnaires constituaient une section. Ils étaient membres de lOrganisation “Răspândiţi”, autrement dit ils travaillaient à la Radiodiffusion, au futur ministère de la culture, dans des imprimeries et autres. Il y avait 5 ou 6 sections, siégeant toutes rue Esculap, près de la Radio. De par ma fonction mais aussi en tant que représentant politique, je participais aux réunions du conseil dadministration dont le président était Nichifor Crainic. Un décret de lépoque évinça les Juifs titulaires de fonctions dEtat. Moi, jétais également le responsable du service “salaires” et javais avancé une proposition : si nous licencions des gens, il faudrait leur payer au moins six mois de salaire. Il y eut un Juif, travaillant aux programmes de la Radiodiffusion ; il fut le seul limogé et reçut six mois de salaires.”



    Lassassinat du premier ministre Armand Călinescu, le 21 septembre 1939, par un commando de légionnaires, avait été un autre événement. Les assassins avaient annoncé leur “exploit” à la radio. Vasile Blănaru se trouvait là au moment où les légionnaires de la Garde de fer avaient fait irruption dans le studio. “Jétais à la radio, complètement par hasard. Parmi ces personnes, il y en avait 6 de ceux qui avaient exécuté Armand Calinescu à Cotroceni. Ils étaient montés à la salle démission, où jouait lorchestre. Ils étaient tous armés de fusils, de pistolets et de grenades. Les musiciens, effrayés, sétaient levés et lun des autres, Traian Popescu, a annoncé à lantenne quune équipe de légionnaires avait exécuté lennemi du peuple, enfin, tout ce qui sétait passé. Les autres avaient déposé leurs armes près de la porte du studio, pour aller se rendre au commissariat de police de la Société de radio. Moi-même, je les avais vus se rendre.”



    La Radiodiffusion roumaine sétait trouvée en première ligne pendant la rébellion de la Garde de fer, entre le 21 et le 23 janvier 1941, évincée du pouvoir par le général Ion Antonescu, appuyé par larmée roumaine et par lAllemagne nazie.



    Lingénieur Gheorghe Crisbăşanu a travaillé aux émetteurs de Bod en 1934. En 1997, il se souvenait de ces moments-là : “Moi, je venais en voiture depuis Bucarest, mais on ne mavait pas laissé entrer, de peur dapporter de larmement aux légionnaires. Le colonel qui maccompagnait à dit à la sentinelle dappeler le commandant de la garde légionnaire pour discuter. Celui-là arrive et le colonel lui demande de rendre toutes leurs armes, lassurant que chacun allait pouvoir partir sans aucune difficulté, que rien nallait leur arriver. Le gars sabsente pendant quelques instants pour revenir ensuite accompagné par la garde entière ; ils ont tous défait leurs ceintures et déposé leurs pistolets; ils étaient une douzaine, et on les a tous enfouis dans une fourgonnette qui les a emmenés à la prison de Braşov. Ce nest quaprès que jai pu entrer dans la cour où jai subi un contrôle pour voir si je ne transportais pas darmement.”



    La Radiodiffusion roumaine recouvrait sa liberté après le 23 août 1944, mais ce fut pour peu de temps, car lhistoire avait dautres plans. Lautre totalitarisme, le communisme, allait la soumettre pendant plusieurs dizaines dannées. (trad. : Ileana Taroi )