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  • Radio Bessarabie

    Radio Bessarabie

    Dès ses débuts, Radio Roumanie a été un projet à vocation nationale, un élément important dans le cadre de l’objectif que la société roumaine s’était donnée en matière d’information et d’éducation de masse. Couvrir par ses émissions radio l’entièreté du territoire national a fait partie de la stratégie nationale visant à consolider l’union de tous les Roumains sous la bannière d’un même Etat, le Royaume de Roumanie, union enfin réalisée en 1918. Suivant cette vision, mis à part le siège central, situé à Bucarest, Radio Roumanie, qui a commencé à émettre le 1er novembre 1928, avait fondé ses antennes régionales à Cluj, Iaşi et Chişinău. Situé en Bessarabie, l’antenne de Chişinău aura notamment pour mission de combattre la propagande anti roumaine diffusée, à partir de 1930, sur les ondes de Radio Tiraspol, située en République soviétique de Moldavie, au-delà du Dniepr. Par ailleurs, les transmissions réalisées depuis Bucarest n’étaient reçues à Chisinau qu’avec beaucoup de peine. Et c’est ainsi que, pour ces deux raisons, l’antenne de Chişinău deviendra, à compter du 29 octobre 1937, la date du vote décidant de sa création, la première antenne régionale de la Radiodiffusion roumaine, émettant sous le nom de « Radio Bessarabie ».

    Dans les années 30, Gheorghe Crisbășanu a été l’un des techniciens qui ont œuvré à l’installation des équipements de Radio Bessarabie sur place. Lors d’une interview accordée en 1997 au Centre de l’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, il se rappelle ces moments de début de Radio Bessarabie : « Le poste d’émission d’une puissance de 20 KW avait été démonté, avant d’être transporté, par la route, à Chişinău. La route nous a pris près de deux journées. La première, on est arrivés à Bacau, puis à Iasi, là on s’est arrêté pour la nuit, mettant le poste à l’abri, dans une cour, pour réalimenter les camions. Le transport était réalisé au moyen de plusieurs poids lourds d’une capacité de 4 tonnes chacun. Il y a avait International, Ford, Plymouth et Dodge, parce qu’à la Radiodiffusion, nous n’avions que des marques américaines. Et de là on est arrivés à Chisinau. Nous avons tout déchargé, le bâtiment nous attendait, flambant neuf. Dans notre équipée il y a eu le directeur général Lulu Ionescu et son adjoint, Lohan. Une fois l’antenne installée, ils sont rentrés à Bucarest, alors que nous autres, les techniciens, sommes restés sur place, pour l’entretien ».

    Le numéro du 1er octobre de la revue « Radio Univers » titrait en caractères gras : « A partir du 1er janvier 1939, nos auditeurs de Bessarabie pourront réceptionner nos émissions et notre musique roumaine avec leurs postes de radio, sans plus avoir besoin d’utiliser les amplificateurs de signal. L’antenne de Chişinău est prête à l’emploi, et cela constitue une occasion de réjouissance pour les habitants de Bessarabie. La finalisation des travaux aux installations techniques, tout comme l’aménagement du studio de la rédaction, sise rue Pouchkine, au centre de Chisinau, sont dans la dernière ligne droite ». Les transmissions de Radio Chisinau ont débuté le 8 octobre 1939. La même revue, « Radio Univers », notait avec satisfaction le même jour : « Depuis la mise en route de Radio Chişinău, on constate une augmentation sensible du nombre d’abonnés en Bessarabie et dans toute la Moldavie. Aujourd’hui les détenteurs d’un poste de radio à galène, les postes à une ou deux lampes, pourront recevoir sans problèmes nos émissions de radio ».

    Les transmissions de Radio Bessarabie allaient cependant brusquement s’arrêter l’année suivante. En effet, suite à l’ultimatum remis par les Soviétiques au gouvernement de Bucarest, l’URSS occupe la Bessarabie en trois jours, soit le territoire situé entre les rivière Prut et Dniepr. Parmi les immenses pertes humaines et matérielles subies par la Roumanie lors de l’occupation soviétique de la Bessarabie, notons aussi les 90 mille abonnés et les 150 millions de lei, soit la moitié du budget annuel de la Radiodiffusion roumaine de l’époque. Au mois de juin 1941, pendant que les troupes roumaines marchent vers Chisinau pour libérer la Bessarabie des Soviétiques, les bataillons de la NKVD, l’ancêtre du KGB, auront pour mission la destruction complète de plusieurs bâtiments publics de Chisinau, dont le siège de Radio Chisinau. Les Soviétiques avaient d’ores et déjà tué sans autre procès les employés de Radio Chisinau, considérés comme, je cite, « des traîtres et des agents de l’impérialisme », fin de citation, et cela peu après avoir occupé la capitale de Bessarabie. Leurs cadavres seront récupérés plus tard, dans un puits abandonné.

    Gheorghe Crisbășanu, témoin de l’époque, se rappelle : « Au début de la guerre, j’avais été enrôlé dans la 1e division blindée, dans la 1e compagnie de chars, et c’est nous qui avons libéré, les premiers, la ville de Chisinau. Une fois Chisinau libérée, j’ai pris deux soldats avec moi et nous sommes allés au siège de Radio Chisinau. Les pylônes qui supportaient l’antenne avaient été minés, mais certaines charges n’avaient pas pris feu. J’en avais informé le directeur général de la Radiodiffusion par un courrier porté par un motard. Quatre jours plus tard nous y sommes revenus. Ionescu, le directeur général, était passé par là, avec des techniciens, quatre camions de matériel et deux voitures. J’ignore ce qu’il est ensuite advenu, car j’ai dû rejoindre mon unité, avec laquelle on a chassé les Russes jusqu’à Odessa ».

    Malgré cela, après 1941, Radio Bessarabie n’a plus diffusé, ses émissions étant reprises par Radio Iaşi. Enfin, depuis le mois de décembre 2011, la Radiodiffusion roumaine est à nouveau présente en République de Moldova, dans la province historique de Bessarabie, cette fois par l’entremise de Radio Chişinău. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Radio Bessarabie, 80 ans

    Radio Bessarabie, 80 ans

    Une décennie après la fin de la première guerre
    mondiale, la Roumanie se dotait du meilleur moyen de communication de l’époque :
    la radio, seule capable de pénétrer dans les coins les plus reculés du pays. Surtout
    que le territoire national avait été élargi suite à l’effondrement des empires
    multinationaux voisins qui englobaient jusqu’alors une partie des territoires à
    population roumanophone. C’est ainsi que, le 1er novembre 1928, émettait pour
    la première fois la Société de diffusion radiotéléphonique de Roumanie, la même
    entité qui allait devenir, suite aux transformations successives, la Société
    roumaine de Radiodiffusion. Le 8 octobre 1939, la radio roumaine d’Etat créait sa
    première antenne régionale, à Chişinău, la ville la plus importante de Bessarabie.
    Cette région, aujourd’hui la République de Moldova, constituait à l’époque la
    frontière est de la Roumanie avec l’Union soviétique de Staline, et se trouvait
    constamment sous la menace russe.

    Silvia Grosu, docteur en histoire, remarque le
    caractère stratégique de la création de cette station, qui visait à contrebalancer
    la propagande communiste de la radio soviétique de Tiraspol, de l’autre côté du
    Dniestr : « Les
    réserves de la Société de Radiodiffusion de Roumanie, ainsi que les nouvelles
    installations commandées pour l’occasion, ont assuré d’excellentes conditions
    techniques pour la transmission de Radio Bessarabie. Le signal de la station dépassait
    de deux fois celui de Radio Bucarest, mais aussi celui de Radio Tiraspol, et c’était
    là un énorme enjeu stratégique. »


    Radio Bessarabie a fonctionné 300 jours seulement.
    En juin 1940, les Russes annexaient la Bessarabie, mais aussi le nord de la Bucovine,
    et la station de radio était reprise par le pouvoir soviétique. Encore un an
    plus tard, l’Armée rouge, dans sa retraite, a fait sauter le bâtiment qui abritait
    les locaux de la station et a massacré le personnel. Radio Chişinău, antenne
    locale de la Société roumaine de Radiodiffusion, a été relancée le 1er décembre
    2011, jour de la fête nationale roumaine, deux décennies après que la
    République de Moldova a déclaré son indépendance par rapport au Moscou.

    L’Ambassadeur
    de la Roumanie à Chişinău, Daniel Ioniţă : « Vous
    avez démontré que tout ce qui est roumain ne périt pas. Pour que tout ce qui
    est roumain ne disparaisse pas de Bessarabie, une voix correcte, une voix forte
    est nécessaire. Il faut du professionnalisme et du soutien. Nous comptons sur
    vous, sur la Télévision publique roumaine à travers la chaîne TVR Moldavie et
    sur Radio Roumanie à travers son antenne régionale Radio Roumanie Chişinău. C’est
    à eux de contribuer à la création de cet espace de communication entre la
    Roumanie et la République de Moldova que nous souhaitons tous. »








    Les analystes média soulignent que le rôle de Radio Chişinău reste
    stratégique, même sans une revendication publique dans ce sens. Trois millions de citoyens sur les trois millions et demi que
    compte la République de Moldova, parlent roumain. Environ un million d’entre
    eux détiennent la nationalité roumaine. Tous ces gens ont le droit à une
    information correcte, alors que la propagande russe est très présente en
    Moldavie dans l’espace publique et que la gauche moldave, soit elle communiste,
    socialiste ou populiste, perpètre souvent des discours roumanophobes, héritage
    direct de l’époque soviétique. (Trad. Elena Diaconu)