Tag: récit

  • La micro-histoire –  Histoires vraies sur le vif

    La micro-histoire – Histoires vraies sur le vif

    Qui sommes-nous, 100 ans après? A quoi les habitants de ce pays ressemblent-ils en 2018, après deux guerres mondiales, 40 ans de communisme et 30 ans de transition vers le capitalisme? Quels sont les problèmes auxquels ils se confrontent ? Quelles traces ces événements ont-ils laissés sur les différentes générations et ethnies? De quel avenir rêvent-ils ? Mis en œuvre par l’Association roumaine pour la promotion des arts du spectacle, en collaboration avec le Théâtre national radiophonique, le projet « La Micro-histoire. Histoires vraies sur le vif » essaie d’apporter des réponses à toutes ces questions. Lancé en octobre dernier, le projet « Roumanie 100. Histoires vraies sur le vif » est arrivé à sa deuxième édition, qui s’est déroulée début mars. Ses promoteurs ambitionnent de réaliser une archive vivante réunissant des événements de l’existence monsieur et madame tout-le-monde. Un casting est organisé dans ce but, sous forme d’interviews avec les personnes ayant accepté de raconter sur scène une histoire personnelle devant une audience constituée d’une centaine de personnes. Les 13 histoires choisies pour chaque édition ont été archivées sur le site www.microistoria.ro. La directrice de casting Florentina Bratfanof nous parle du choix des finalistes : « Ce sont des personnes que j’ai trouvées suite aux recommandations des gens de mon entourage ou de l’entourage des membres de l’équipe du projet. Le 15 janvier, j’ai commencé à lancer les invitations et à parler avec différentes personnes. La plupart, je ne les connaissais pas. J’ai eu avec elles des entretiens qui ont duré parfois trois ou quatre heures et qui se sont avérés très intéressants. Nous avons raconté des histoires. Notre communication ressemblait à une étreinte, car ces gens-là me racontaient des événements de leur existence et moi – de la mienne ; je voulais apprendre le plus de choses sur l’inconnu qui était devant moi. Les critères ont été le sexe masculin ou féminin, l’âge… Il y a eu aussi des histoires que je peux qualifier de révélatrices. Par exemple celle d’une adolescente de 18 ans, très intéressante pour moi aussi, alors que j’ai deux fois son âge. J’ai privilégié les histoires et la présence scénique, la façon dont ces gens-là racontaient leur histoire. »

    Lors des deux éditions déjà déroulées, c’est le metteur en scène Peter Kerek qui s’est chargé de préparer les finalistes pour la scène, pour le public : « Je leur ai offert la possibilité de se tenir devant un public – en l’occurrence, les autres membres du groupe – et de ne rien faire, de ne rien dire, seulement de penser à quelque chose. Des fois, ces silences duraient jusqu’à cinq minutes. Ensuite, nous avons commencé à les associer à des morceaux de musique et ils se taisaient individuellement ou ensemble et de différentes façons. Nous avons ainsi fermé, pratiquement, la porte de la parole et celle-ci ne s’est rouverte que devant le public. Je voulais qu’ils écoutent leur propre histoire, pour voir ce qui les y intéressait vraiment, et puis travailler sur elle, la voir à leur façon, devenir les auditeurs de leur propre histoire. »Le thème de la deuxième édition de « La Micro-histoire » était « la façon dont ils avaient survécu à la transition du communisme au capitalisme ».

    Dana Vlăsceanu, 36 ans, d’ethnie rom, s’est présentée au casting où elle a raconté la façon dont elle, consommatrice de drogues à l’époque, est arrivée à ouvrir un centre communautaire, pour aider les habitants du quartier défavorisé de Ferentari. Elle a souhaité participer au projet, car elle croit en la force de l’exemple, elle croit que son histoire peut inspirer et motiver les autres : « J’ai beaucoup changé. Ceux qui me connaissent depuis 8 ans l’ont constaté. Je suis la même personne, mais j’ai beaucoup évolué. J’ai voulu apprendre davantage, alors j’ai appris et je continue d’apprendre. J’ai repris mes études, parce que je n’avais fait que 7 années d’études sur les 10 de l’enseignement obligatoire. J’ai voulu être un exemple pour mes enfants. Et mes proches sont très contents pour moi, ils se réjouissent de mes réalisations. Au centre, nous avons commencé à travailler avec les enfants de la communauté. Nous avons organisé toute sorte d’activités: des ateliers, des spectacles pour Noël… Nous nous sommes engagés dans un travail pour la communauté. Les gens du quartier qui sont confrontés à une difficulté et qui ne savent pas à qui s’adresser, viennent nous demander conseil. Ils savent que je peux le faire. »

    Thomas Mendel, 39 ans, est médecin dentiste et croit que les histoires peuvent nous inspirer. En 1988 il a quitté le pays avec sa famille, qui s’est établie en Israël. En 2003, il est revenu en Roumanie. Parmi le grand nombre d’événements qui ont changé sa vie, il a choisi de raconter une histoire de son enfance : « En 1989, ma grand-mère est venue nous visiter en Israël. Dans la matinée, nous sommes allés avec elle au magasin alimentaire du quartier, acheter des choses pour le petit déjeuner. Elle avait à l’époque un peu plus de 50 ans. Elle est restée figée au milieu du magasin et s’est mise à pleurer. J’étais encore enfant et pour moi c’était quelque chose d’incroyable, car elle était une femme de caractère, elle avait tout surmonté et c’était peut-être le premier moment où je me rendais compte combien la vie avait été difficile en Roumanie et combien ces gens-là ont dû souffrir. Je pense que le contraste entre les deux mondes est important. Nous devons comprendre où nous nous trouvons et où nous pouvons être. Pour la vérité et la justice, le prix à payer est grand, et pour la liberté aussi, mais ça vaut la peine de faire des efforts pour les obtenir. Et si l’on s’engage, si l’on fait des sacrifices et si l’on prend des décisions courageuses, on a la chance d’arriver dans un monde meilleur. »

    L’initiatrice et en même temps curatrice du projet « La Micro-histoire » est le critique de théâtre Cristina Modreanu. Elle remarquait, à la fin de cette deuxième édition, qu’une fresque extrêmement diverse d’événements très personnels commençait à s’esquisser, provenant de différents coins du pays, de différentes catégories sociales ou d’âge. A quoi ressemble la Roumanie contemporaine vue à travers les histoires des gens habituels qui y vivent? Cristina Modreanu : « Elle semble plutôt traumatisée par cette période de transition de près de 30 ans, écoulés depuis la révolution anticommuniste. Si je me rapporte à cette période, c’est parce que cette année le thème visait justement la transition post-communiste. Pourtant, des histoires racontées lors de la première édition s’y inscrivent aussi. On y voit donc une Roumanie bouleversée par les événements historiques, une Roumanie où les gens ont essayé de trouver leur voie et où, en grandissant, ils ont tenté de trouver des repères, une Roumanie qui ressemble à un chantier, on pourrait dire, mais aussi, en quelque sorte, pleine d’espoir, pleine d’optimisme et capable de renaître, après n’importe quelle tragédie.»
    (Trad.: Dominique)

  • «Nous sommes nos propres histoires», festival

    «Nous sommes nos propres histoires», festival

    «Que l’on veuille y croire ou pas, on est tous des histoires». Voilà l’une des phrases sous lesquelles s’est déroulée la première édition du Festival international de narration – l’art de raconter une histoire – «Nous sommes nos propres histoires», accueilli récemment par Bucarest. A l’affiche de l’événement: ateliers, conférences, sessions et soirées de narration, un spectacle de musique et de poésie et un marathon du récit déroulé dans plusieurs hôpitaux pédiatriques de la capitale.

    Selon l’organisatrice du festival, Adriana Ene, chaque individu est une histoire qui mérite d’être racontée: «Comme son nom l’indique, le festival de narration fut à lui seul une très belle histoire. On est tous des histoires, car chaque individu a ses propres récits de vie. La première édition du festival a réuni à Bucarest des conteurs sud-coréens, britanniques, marocains, géorgiens, turcs et roumains. Un agenda bien chargé, comme vous pouvez le constater».

    L’idée de mettre sur pied une telle manifestation, Adriana Ene l’a eue depuis l’année dernière quand elle fut invitée à participer à la quatrième édition d’un festival similaire organisé à Arad.

    Une expérience extraordinaire qu’Adriana a voulu répéter à Bucarest aussi: « L’année dernière, je fus la seule à représenter la Roumanie au festival d’Arad. A mes côtés, il y a eu des conteurs de Hawaï, du Portugal, du Danemark et de Thaïlande. Et puisque la manifestation m’a semblé vraiment magnifique, je me suis dit qu’il faudrait en faire une à Bucarest aussi. Et voilà qu’une année plus tard, on a eu cette première édition du Festival de narration de Bucarest. Pour la deuxième édition, prévue l’année prochaine, on a déjà invité plusieurs conteurs kenyans, on espère faire venir à Bucarest des noms célèbres de cet art tels John Mukeny, Claude Delsoll de France, Eric Wolf du Royaume Uni, Jeff (Meyer) de Hawaï. On voudrait accueillir de nouveau la Sud-coréenne Alicia Dongjoo Bang. Comme vous pouvez le remarquer, on a déjà démarré les préparatifs pour la prochaine édition».

    Les histoires racontées durant le festival ne sont jamais dépourvues de message. Que ça soit l’amour, la pauvreté, la bonté, l’espoir, le bonheur, le courage ou la tristesse, les messages inspirent et sont toujours et pleins de sagesse, affirme Adriana Ene: «Tout le monde sait que lorsqu’on raconte des histoires aux enfants, on leur transmet des messages de confiance, de bonté ou de courage. Mais les histoires racontées durant un festival de narration diffèrent de celles traditionnelles car elles proviennent des quatre coins du monde et sont donc peu connues. Les histoires pour enfants se construisent toujours autour d’une interaction. La plupart d’entre elles comportent des passages musicaux invitant les enfants à chanter avec les personnages. Elles vous laissent souvent deviner la suite ou la véritable nature du protagoniste. Souvent, ces histoires laissent leurs messages se mêler à la participation du public. Elles sont pour la plupart des histoires qu’il faut raconter, mais pour cela il faut du talent. Par exemple, le conteur turc a enfilé son costume traditionnel qu’il a tenu à présenter au public avant de se lancer dans son histoire. Tatiana Montic de Géorgie est une journaliste qui nous a fait part d’une de ses expériences professionnelles vécues à Noël, à Kiev. Il y a des conteurs qui mettent en lumière l’importance de la mère dans la vie d’un enfant ou celle de l’indulgence dans telle une telle circonstance. Les histoires sont extrêmement variées, mais toutes se proposent de faire passer leur petit message. Toutes débutent par « il était une fois », que ça soit formulé en anglais ou en n’importe quelle autre langue de la planète. Bien sûr qu’avant de se lancer, le conteur doit s’arranger un peu avec l’interprète pour l’aider à trouver la meilleure adaptation».

    On a voulu savoir si parmi tant d’histoires écoutées et racontées, Adriana Ene en a des favorites: « Oui, j’en ai une. Ce n’est pas une histoire roumaine et elle traite de la sagesse et de l’indulgence. J’aime beaucoup cette histoire car elle nous ramène aux principes essentiels de notre esprit humain, souvent balayés par le tumulte quotidien. Cette histoire s’appelle «C’est par la sagesse que l’on peut pardonner les erreurs». C’est une histoire asiatique originaire de ces petits villages que les marchands traversent sur leurs chameaux pour rejoindre Bagdad. Et la route est parsemée de toute sorte d’aventures. C’est une histoire qui s’adresse aussi bien aux enfants qu’aux adultes. Je l’ai découverte il y a quelques années lors d’une session de narration à l’étranger et depuis, je la raconte à mon tour, car c’est pour cela que les conteurs se réunissent: pour écouter le plus d’histoires possibles et les raconter, à leur tour, en y ajoutant leur touche personnelle. A chaque conteur, sa façon de raconter».

    Le Festival de narration «Nous sommes nos propres histoires» a pris fin. Derrière cette incursion dans un univers propre aux enfants, le public a eu la chance de se connecter à l’âme de chaque conteur. Couronnée de succès, l’expérience d’une telle rencontre se répétera l’année prochaine à l’occasion d’une deuxième édition du même festival. (Trad. Ioana Stancescu)