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  • Les aînés valent leur pesant d’or

    Les aînés valent leur pesant d’or

    Certains clichés dangereux ont vu le jour dans la société roumaine. Parmi eux, l’idée qu’il est presque impossible de retrouver du travail après 45 ans. Par conséquent, nombreux sont ceux qui, malgré leur mal-être au travail, ne se pressent pas pour trouver un autre emploi, partant du principe que personne ne voudra d’eux. D’autres, sans emploi, et qui ont déjà essuyé plusieurs refus à l’embauche, ont perdu confiance en eux et n’ont plus la motivation de continuer à chercher du travail. Existe-t-il vraiment une malédiction des plus de 45 ans ? Est-ce notre réalité désormais ? Ils ne peuvent pas trouver de travail après cet âge, dans une société qui évolue, il est vrai, à une vitesse vertigineuse ? Quelles qualités et compétences doit présenter un candidat de plus de 45 ans pour espérer se faire embaucher ? Et qu’est-ce qui l’empêche d’avancer ? Raluca Dumitra, Directrice Marketing du groupe eJobs, explique :



    « Il est vrai que les candidats de plus de 45 ans sont ceux qui ont le plus de défis à relever sur le marché de l’emploi. L’une des raisons principales, c’est leur manque d’aisance avec les outils numériques, à la différence des nouvelles générations. Les questions de la flexibilité et de la volonté de sortir de sa zone de confort, de découvrir autre chose, sont aussi moindres chez les candidats de cette tranche d’âge. A l’inverse, il ne faut pas oublier qu’ils présentent aussi de nombreux atouts. Par exemple, leur grande expérience, qu’ils peuvent partager ensuite avec les plus jeunes de leur équipe. Ils ont aussi beaucoup d’endurance et sont très ponctuels. »



    Autrefois, on parlait d’apprentissage sur le tas, littéralement de « voler le métier », en roumain, donc de l’apprendre en regardant quelqu’un qui le pratique. Aujourd’hui on parle d’observation (shadowing, en anglais). C’est du pareil au même : le plus âgé transmet son savoir au plus jeune, et il est d’ailleurs très possible que l’inverse soit vrai aussi. En somme, un employé de plus de 45 ans a plus de chances de conserver son poste (ou d’en trouver un nouveau) s’il est disposé à partager son expérience avec les autres. Après tout, il a lui aussi sûrement « volé » le travail de quelqu’un d’autre pour commencer. Ou plutôt, il a sûrement fait de l’observation. Raluca Dumitra raconte :



    « Il est évident qu’il existe une grande différence en termes de connaissances et d’expérience, et c’est tout naturel, entre les candidats âgés de plus de 45 ans et les plus jeunes. Mais il est possible d’en faire un atout. Il faudrait créer des programmes dans lesquels les plus jeunes feraient de l’observation, pour profiter de l’expérience des plus âgés. Tout le monde pourrait en profiter, les plus jeunes, comme ceux âgés de plus de 45 ans, qui pourraient partager leurs connaissances et ainsi se sentir valorisés au sein de l’entreprise. Et bien sûr, cela représenterait aussi un avantage pour l’employeur. »



    Les candidats de plus de 45 ans présentent aussi des inconvénients. Ils sont souvent plus rigides et certains ne sont pas disposés à revoir leur salaire à la baisse pour un nouvel emploi. Mais voyons ensemble, avec Raluca Dumitra, quels sont les avantages :



    « Les employeurs préfèrent le plus souvent faire appel à des plus jeunes sans expérience, et ce pour des raisons très simples. D’abord, parce qu’ils peuvent les former selon leurs critères, ce qui, pour être honnête, est beaucoup difficile avec les candidats de plus de 45 ans. En effet, plus nous vieillissons, plus il est difficile de faire preuve de flexibilité et de se plier aux attentes des employeurs. D’autre part, il est évident que la question financière entre aussi en compte. Les candidats de plus de 45 ans ont, pour la plupart, des prétentions salariales qu’ils ne veulent pas revoir à la baisse. Il est donc souvent plus rentable pour l’employeur d’embaucher un candidat sur un poste junior avec un salaire moindre, qui sera formé et modelé pour correspondre aux besoins de l’employeur. Bien évidemment, embaucher et former un jeune ne veut pas dire qu’il fera toute sa carrière dans la même entreprise. C’est un risque que l’employeur est prêt à prendre. A l’inverse, on sait que cela représente un risque moindre chez les candidats de plus de 45 ans, car ils sont beaucoup plus stables dans leur choix de carrière. »



    La dernière étude réalisée par eJobs a mis en évidence certains aspects positifs pour la génération des plus de 45 ans. Les voici :



    « Je ne crois pas que 45 ans rime forcément avec difficultés. Il est vrai que ces candidats rencontrent des difficultés lorsqu’il s’agit pour eux de s’intégrer dans une équipe plus jeune. Ils le reconnaissent eux-mêmes. Il est donc évident qu’il existe un conflit générationnel en ce sens, une différence de mentalité qui engendre des problèmes de communication. Dans le cadre de notre étude la plus récente, 42 % d’entre eux ont reconnu ne pas avoir de sujet de conversation en commun avec leurs collègues plus jeunes, et avoir l’impression que c’est à cause de la différence d’âge. C’est encourageant de voir que ces candidats de plus de 45 ans sont prêts à faire ces concessions pour obtenir un meilleur emploi. Près de 45 % d’entre eux affirment être prêts à effectuer une reconversion professionnelle si cela s’avère nécessaire pour l’obtention d’un poste plus intéressant. 16,5 % seraient même prêts à revoir à la baisse leur salaire pour un poste qu’ils considèrent plus prometteur. 8,4 % seraient prêts à partir travailler à l’étranger, et 7 % dans une autre ville de Roumanie. 7 % ont répondu être disposés à apprendre à se servir d’un ordinateur pour travailler. Mais il ne faut pas négliger qu’environ 16 % d’entre eux refuseraient tout compromis, même pour un meilleur poste. »



    L’une des meilleures solutions pour les candidats de plus de 45 ans qui cherchent un travail reste la reconversion professionnelle. Raluca Dumitra ajoute que les Roumains acquièrent ainsi de nouvelles compétences, découvrent un nouvel environnement de travail et gagnent en confiance :



    « Dans l’idéal, il faudrait que de nombreuses entreprises emploient des candidats de plus de 45 ans qui partageraient leur savoir, leurs compétences et leur expérience professionnelle avec les plus jeunes. Tout le monde sortirait gagnant de ce genre de programme. Par ailleurs, j’espère voir de plus en plus de candidats entamer la reconversion professionnelle que 45 % d’entre eux affirment vouloir effectuer. Ils doivent aussi être conscients que leurs compétences sont aussi utiles dans d’autres domaines que le leur. Et surtout, il faut qu’ils comprennent qu’en 2021, le numérique n’est plus un effet de mode, mais bien une condition sine qua non à l’embauche. Ceux qui n’ont pas les compétences numériques nécessaires ont moins de chances que les autres d’être recrutés. Et c’est valable pour toutes les catégories d’âge, pas seulement les plus de 45 ans », a conclu notre interlocutrice, Raluca Dumitra.


    (Trad.: Charlotte Fromenteaud)

  • Quelles sont les attentes des salariés vis-à-vis de leur employeur ?

    Quelles sont les attentes des salariés vis-à-vis de leur employeur ?

    Année particulièrement surprenante, marquée par des changements et des défis, 2020 a sévèrement bouleversé le marché de lemploi, mais aussi la perception des gens à légard de leur travail et de leur parcours professionnel. A peine commencé, 2021 trouve les salariés un peu plus calmes et plus optimistes, comme lindique une enquête menée récemment par la plateforme de recrutement à distance eJobs. Selon son directeur, Bogdan Badea, à lheure où lon parle, de plus en plus de gens espèrent voir diminuer la pression sur le lieu travail et le stress alimenté par un cumul de facteurs.« Dune part, on a la pression engendrée par la crise sanitaire, à laquelle sajoute la peur des gens de se retrouver au chômage, tout comme la pression que les employeurs mettent sur eux pour les faire atteindre, en une année marquée par la pandémie, les mêmes résultats quauparavant. Ceux qui avaient déjà un emploi stable ont préféré le garder au lieu de chercher quelque chose de meilleur. Pourtant, si lon prend en compte le nombre de demandes denregistrement sur notre plate-forme, 2020 fut marquée par un record absolu, car les chiffres enregistrés 5 mois durant ont été supérieurs à tout ce que notre plateforme a connu en 21 années dexistence. La plupart des abonnés étaient des personnes en quête de travail soit parce quils avaient perdu leur emploi, soit parce quils risquaient de le perdre ou parce que leur entreprise se portait mal. Voilà pourquoi, le nombre de personnes inscrites sur eJobs a dépassé un million par mois, ce qui est bien au-dessus de la moyenne normale et cest un chiffre supérieur de 40 à 50% par rapport à 2019. »



    Ces chiffres indiquent non seulement que beaucoup de Roumains ont perdu leur emploi, pandémie oblige, mais quils souhaiteraient avoir un emploi plus sûr afin dêtre à labri si la situation se répète, affirme Bogdan Badea. Un constat prouvé par une hausse des demandes de reconversion professionnelle, parallèlement à la baisse des demandes demploi à létranger à une époque où les voyages posent problème. « En 2020, les demandes de reconversion professionnelle ont été à la hausse. Entre 10 et 15% des sujets questionnés ont vécu un tel changement et une fois les cours de formation achevés, ils ont réussi à trouver plus facilement un travail. En revanche, pour ce qui est des offres de travail à létranger, on constate une baisse spectaculaire des personnes qui sy intéressent. En 2019, sur dix millions de recherches lancées sur notre plate-forme, deux millions visaient un job à létranger. Comme quoi, le désir des Roumains de travailler ailleurs était grand. En 2020, ce pourcentage a baissé de 20% à 2%. Une chute spectaculaire qui, à regarder les chiffres de janvier 2021, reste toujours dactualité. »



    Quelles sont les attentes des employés en 2021, suite à la pandémie ? Dabord, des horaires de travail flexibles, répond Bogdan Badea. « Les employés voudraient pouvoir moduler leurs heures de travail. Ce type dhoraire variable était déjà pratiqué par plusieurs compagnies, notamment les multinationales. Je pense donc que de la même manière que le travail hybride sera de plus en plus privilégié, les horaires flexibles commenceront aussi à faire lunanimité. Cest le souhait aussi bien des salariés que des patrons et la plupart des postulants sont en quête demplois aux horaires souples et où le télétravail soit accepté. »



    La flexibilité saccompagne souvent de prédictibilité, notamment au bout dune année tellement difficile comme 2020, renchérit Petru Pacuraru, à la tête dune société de RH. « Je crois que ce que les employés ont notamment cherché en 2020, ce fut la prédictibilité. Même si cétait une année particulièrement difficile de plusieurs points de vue, cest surtout le manque de prédictibilité qui a fait les gens souffrir. Ils ne savaient pas si un vaccin serait mis sur le marché, ils ignoraient combien de mois ils allaient être obligés de travailler de chez eux ou encore, jusquà quand le confinement allait durer. Après la prédictibilité, en seconde position, on retrouve le besoin de flexibilité. Comme les gens ont dû bosser depuis chez eux et que les enfants aient fait des cours à distance aussi, ils ont dû jongler avec tous ces éléments. Or cela implique énormément dénergie et des horaires plutôt souples afin que la vie privée y trouve sa place aussi. »



    Salué dans un premier temps avec beaucoup denthousiasme et despoir, le télétravail na pas tardé à montrer ses limites. Toutefois, il reste une option valide aussi bien pour les salariés que pour les employés qui préféreront, le plus probablement, des horaires de travail hybrides, avec une semaine en télétravail et trois en présentiel. Petru Păcuraru. « Je crois que lon continuera à discuter du télétravail les 50 prochaines années aussi. Cela veut dire quune partie des coûts et du temps utilisés pour se rendre sur les lieux de travail sera réorientée. Evidemment, cela saccompagne de la nécessité que les gens développement une série de compétences quils nont pas en ce moment. Par exemple, savoir séparer lunivers professionnel de celui privé au sein du même logement. Cest laspect le plus important que lon doit apprendre quand il sagit de travailler à distance. Le fait que lon nait pas su le faire a débouché sur le taux dépuisement le plus élevé depuis que lhumanité mesure ce niveau. Mais, à lavenir, on pourrait proposer aux gens des cours afin de les aider à faire la part des choses entre vie professionnelle et vie privée. Je crois que petit à petit, les gens finiront par améliorer leur discipline, surtout que 2021 sera elle aussi, une année hybride pendant laquelle de nombreuses sociétés opteront pour le télétravail un ou deux jours par semaine », a opiné notre interlocuteur. (trad. Ioana Stancescu)

  • La reconversion professionnelle des enseignants

    La reconversion professionnelle des enseignants

    Ce n’est plus un secret, la situation financière des enseignants n’est pas du tout brillante. Pire encore. Les postes dans l’éducation ne sont pas recherchés, même ceux ayant exercé le métier de pédagogue choisissant de se réorienter, en raison du salaire trop bas et du stress toujours plus difficile à supporter.



    La situation s’est détériorée davantage en raison de la crise mondiale lorsqu’en Roumanie les salaires des enseignants se sont vu couper de 25% en raison de l’austérité budgétaire. Quels en ont été les effets? Eh bien, il paraît que ces 3 dernières années, 40 mille enseignants ont quitté le système d’enseignement. Et l’exode ne va pas s’arrêter là, relève le sondage intitulé « La vie du jeune enseignant », réalisé par la Fédération des Syndicats libres de l’Education — FSLI. Son président, Simion Hancescu, s’arrête sur les principaux résultats : « Une grande partie des sondés, soit plus de 41% envisagent de quitter le système d’enseignement dans les 5 prochaines années. Près de 30% ne sont pas décidés quand il s’agit de leur avenir professionnel. Les pourcentages sont inquiétants et les raisons sont multiples. Le revenu mensuel net d’un jeune enseignant se s’élève à environ 8 cent lei par mois, soir près de 180 euros. Avec un tel salaire, un enseignant peut à peine assurer sa subsistance. Dans pas mal de cas, ils continuent d’être soutenus financièrement par leurs familles. Il y a aussi ceux qui font la navette, c’est-à-dire qu’ils habitent en milieu urbain mais travaillent dans des localités rurales. Bien que selon la loi les dépenses pour faire la navette doivent être remboursées, peu de conseils locaux respectent cela. Par conséquent, il arrive qu’un enseignant dépense même la moitié de son salaire pour couvrir les frais de transport » .



    Dans l’enseignement secondaire, quitter son poste ne date pas d’hier. Et les raisons ne sont pas toujours financières. Ana a été institutrice 5 années durant ; elle avait embrassé ce métier juste après la fin de ses études au lycée pédagogique. Ce n’est pas l’argent qui l’a poussée à renoncer à son premier amour, car à l’époque elle était jeune et idéaliste. Elle n’a tout simplement pas agréé certains changements qui ont lieu au début des années 2000 : « On avait déjà commencé à nommer des directeurs et des adjoints aux directeurs selon des critères politiques. Les enseignants et le management ne se mettaient pas toujours d’accord. Quant aux changements, ils étaient formels, vu qu’en réalité, les salles de classe restaient les mêmes. C’était comme si on appliquait une nouvelle teinture à une clôture, sans tenir compte que la clôture en question était presque effondrée. En plus, je n’ai pas été d’accord avec cette décision d’alourdir, sans logique aucune, les cartables des élèves. Aujourd’hui, les élèves doivent porter des cartables très lourds, et ils perdent leur enfance quelque part entre 300 problèmes et 600 exercices, ce que je ne peux pas accepter » .



    De véritables conflits de mentalités ont opposé Ana d’un côté et les parents et enseignants de l’autre. Ecoutons à nouveau Ana : « Par exemple, moi je portais des pantalons et non pas de jupe et pour eux cela constituait un problème. Moi, pour ma classe, je faisais les cours d’éducation physique et je ne cédais pas en faveur de l’arithmétique et de la lecture. Aux cours d’éducation musicale, je faisais de l’éducation musicale et non pas de la géographie ni de l’histoire » .



    Après avoir jonglé entre deux emplois en même temps, Ana a choisi de quitter l’enseignement et de faire une carrière dans la télévision. Du point de vue financier, elle n’a plus de problèmes. Aucun regret non plus du point de vue professionnel : « Je regrette uniquement la magie qui se produit au moment où 26 paires d’yeux vous regardent comme la personne la plus importante au monde » .



    Avant la crise, Aura enseignait le français dans deux lycées bucarestois. Elle a quitté le système en raison notamment du salaire très bas. Et pourtant elle n’a pas changé de métier, puisqu’à commencer par l’année 2009, elle enseigne le français aux hommes d’affaires. Ecoutons-là : « Je fais toujours mon métier. J’aime énormément enseigner. Je n’ai pas quitté l’éducation nationale parce que je n’aimais pas enseigner, mais parce que je n’avais pas un revenu décent. Maintenant je travaille avec les adultes. C’est un peu plus facile qu’avec des adolescents. Je ne peux pas dire que je regrette d’avoir quitté l’enseignement parce que ma vie s’est considérablement améliorée. Il est vrai, je pense parfois aux satisfactions que j’ai eues en travaillant avec des enfants, qui s’attachent beaucoup aux enseignants. Si on les traite bien, si on s’occupe d’eux, les enfants sont également capables d’exprimer leur affection » .



    Malheureusement, le départ massif des enseignants aura des conséquences aussi sur la formation des nouvelles générations de professeurs, affirme Aura : « Un enseignant ne peut pas être performant en l’absence d’un salaire décent. D’après moi, ce n’est pas correct d’affirmer qu’il faut tout d’abord faire preuve de performance et puis exiger de l’argent. Il faut qu’il y ait un équilibre entre la rémunération et la prestation. L’absence d’un tel équilibre a des effets négatifs sur la qualité de l’enseignement. Je connais des élèves de lycée et je peux dire que la manière d’enseigner est désastreuse. Dans la compagnie où je travaille je m’occupe aussi du recrutement, ce qui m’a permis d’entrer en contact avec des jeunes diplômés d’universités. Il m’arrive de constater assez souvent que le niveau de connaissance d’une langue étrangère – anglais, français ou allemand – est bas pour quelqu’un qui vient de sortir d’une faculté spécialisée » .



    De même, beaucoup de ceux qui embrassent à présent le métier de pédagogue ne le font pas par vocation et n’y voient qu’une solution jusqu’à l’apparition de nouvelles opportunités plus attractives. (trad.: Alexandra Pop, Alex Diaconescu)