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  • La destruction du patrimoine religieux de Bucarest

    La destruction du patrimoine religieux de Bucarest

    Le régime communiste a détruit de nombreuses églises et monastères

     

    L’histoire du patrimoine religieux de Bucarest durant le 20e siècle, surtout celle de la seconde moitié du siècle, ne fut pas des plus reluisantes. Le régime communiste fut loin d’être un allié de la religion et n’hésita pas à s’en prendre aux églises et aux monastères qui essaimaient le Bucarest d’antan. Il en fut ainsi du monastère Văcărești, le plus grand monastère orthodoxe de l’Europe de Sud-Est.

     

    L’historienne Speranța Diaconescu ancienne fonctionnaire à l’Office culturel national de Bucarest raconte dans une interview de 1997, conservée par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, la manière que le régime communiste de l’époque a utilisé pour mettre à terre nombre de lieux de culte.

     

    Speranța Diaconescu : « Les choses évoluaient de mal en pis. Il y a eu des destructions d’églises dès l’installation du régime communiste en Roumanie. Il y a eu l’église Stejarului, l’église du chêne, sise place du palais royal, qui fut détruite pour laisser la place à l’ensemble Sala Palatului et aux buildings d’habitations avoisinants. Pourtant, dans ces années, et l’on parle des années 50-60, c’était l’exception. Le phénomène a pris pourtant de l’ampleur plus tard, dans les années 80, lorsque Nicolae Ceausescu s’est évertué de rebâtir à sa sauce le nouveau centre de Bucarest, en détruisant pour ce faire des quartiers historiques du vieux Bucarest. Des quartiers qui avaient du cachet et où les églises étaient présentes en nombre. Ce fut pour la capitale roumaine une perte inestimable en termes de patrimoine architectural, culturel et religieux. » 

     

    Des destructions massives dans les années 1980

     

    En effet, pour les Bucarestois les années 80 furent synonymes de destructions massives. Les nouveaux plans de systématisation de la capitale roumaine n’ont pas épargné les lieux de culte. Les églises, victimes de la folie destructrice du dictateur roumain, ont été, pour une minorité, translatées, pour la plupart détruites.

     

    Speranța Diaconescu rappelle le cas de l’église Pantelimon, située sur une ile du lac homonyme, église démolie en 1986 :

    « L’on a fait des fouilles, l’on est parvenue à sauver des choses. Ensuite seulement elle fut démolie. C’était la procédure. C’était une église voïvodale, où se trouvait la dépouille d’Alexandru Ghica. Elle recueillait des éléments décoratifs précieux, certaines pièces uniques que l’on est parvenu à sauvegarder ». 

     

    Un mépris généralisé pour le patrimoine religieux

     

    Mais le mépris pour le patrimoine religieux était généralisé, depuis les décideurs politiques et jusqu’aux simples ouvriers.

     

    Speranța Diaconescu :

    « Après avoir soulevé la pierre tombale, l’on a découvert le sarcofage du voïvode Alexandru Ghica. La dépouille était embaumée, bien conservée, enfermée dans un cercueil de plomb, ensuite seulement dans son cercueil de bois. Vu l’état de conservation, l’on décida alors d’étudier de près la dépouille. Mais vous savez quoi ? Ils ont pris le cercueil de plomb pour l’amener au musée, c’était une pièce qu’il fallait conserver. Ils ont ensuite soulevé la chemise du voïvode et ils se sont étonnés qu’il n’avait pas de médaillon d’or autour du cou. La dépouille n’avait qu’une bague et une chaîne avec une petite croix en or autour du cou. A la fin, la dépouille a été entassée dans un sac en plastique et jetée derrière un buisson. Il est vrai qu’elle commençait à sentir mauvais, mais était-ce cela une raison pour la jeter de la sorte ? C’était pire que du vandalisme. Avec l’aide d’une collègue et du prêtre, je suis finalement parvenue à lui creuser une tombe et à réinhumer sa dépouille dans la dignité. Mais ce fut lamentable, vraiment lamentable ».     

     

    Quoi qu’il en soit, durant la seconde moitié du 20e siècle, pendant les 45 années de régime communiste, le patrimoine religieux de Bucarest souffrit des pertes irréparables. Sa mémoire, tronquée, tant qu’elle a pu être épargnée par les bulldozers, demeure d’autant plus précieuse. (Trad Ionut Jugureanu)

  • Le Monastère de Lainici

    Le Monastère de Lainici

    Situé dans les gorges du Jiu, à 32 km de la ville de Târgu Jiu, le monastère de Lainici a été fondé au 14ème siècle par le moine Nicodim dans un endroit alors isolé. La première construction en bois n’existe plus. Le premier document attestant de l’existence d’un lieu monastique à Lainici date de 1784, époque à laquelle les nobles de la région de Gorj ont contribué à la construction d’un monastère avec des dépendances et de hautes enceintes en briques. L’église du monastère a été construite dans la première moitié du 19ème siècle, décorée par la suite avec des fresques intérieures et une iconostase de style byzantin. En 1880, la route traversant les gorges du Jiu a également été construite, facilitant le voyage vers ce lieu de culte.

     

    Le monastère de Lainici a été très endommagé pendant la Première Guerre mondiale, étant dévasté et pillé par les soldats allemands. Après avoir été restauré, il a de nouveau subi des épreuves dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale, au moment de l’instauration du régime communiste en Roumanie. Le monastère a été transformé en une soi-disant “maison de repos pour prêtres” jusqu’en 1970, sans possibilité d’y célébrer des offices religieux, car les portes de l’église avaient été verrouillées.

     

    Un monastère en plusieurs étapes qui reflètent chacune un pan de l’histoire

     

    Après la chute du régime, d’autres constructions ont été érigées au sein du monastère de Lainici, y compris une église qui surprend toujours les visiteurs par sa conception architecturale. Le père archimandrite Ioachim Pârvulescu, l’abbé du monastère, nous a fourni plus de détails à ce sujet :

     

    « La construction d’une autre église était envisagée depuis des décennies et la Révolution de 1989 nous a offert l’occasion de le faire. Le 18 avril 1990, la première pierre a été posée. Le terrain étant en pente, cela a créé un sous-sol, et nous avons décidé d’en faire une église. Nous avons alors pensé à concevoir le programme iconographique de manière à ce que l’église en bas représente l’église des catacombes, car l’histoire de notre Église chrétienne se divise en deux périodes fondamentales. La première est celle de l’église des catacombes, lorsque le christianisme était une religion illégale. Ensuite, de 313 jusqu’à aujourd’hui, c’est l’église libre. En tenant compte de cette division de l’histoire de l’Église en deux périodes fondamentales, nous avons conçu le programme iconographique ainsi. L’église du sous-sol n’est pas encore peinte. Elle sera ornée de peintures retraçant l’histoire de l’Église, de l’an 1 à 313, avec des représentations concrètes, non pas des fables, mais de l’archéologie biblique, de l’histoire et des saints des trois premiers siècles. Ensuite, les peintures de l’église supérieure, déjà consacrée depuis 2011, représentent des sccèbes allant de 313 jusqu’à aujourd’hui. Finalement, il s’agit d’une chronologie de l’histoire de l’Église, de ses origines à nos jours, avec des saints de toutes les époques et de toutes les régions, marquant ainsi son universalité. »

     

    Un moment important de l’histoire récente a eu lieu le 23 juillet 2006, lorsqu’une copie de l’icône miraculeuse “Gorgoepicuus”, ou en roumaine “Grabnic Ascultătoarea” (celle qui écoute rapidement), a été apportée du Mont Athos au monastère de Lainici. Cette icône a été spécialement réalisée pour le monastère de Lainici et représente la cinquième copie réalisée au cours du dernier siècle par les moines du Mont Athos.

    (Trad. Rada Stanica)

  • Les anciens livres religieux roumains

    Les anciens livres religieux roumains

    Avant l’apparition de l’imprimerie au milieu du 15e siècle, qui a représenté la révolution la plus importante de l’histoire du livre et de la circulation des textes, les ouvrages écrits étaient des objets peu connus du grand public. On les retrouvait principalement dans les monastères, aux cours nobiliaires et dans les chancelleries des rois et des princes. Dans l’espace roumain aussi, l’imprimerie a joué le rôle de promoteur du langage écrit utilisé dans l’enseignement, dans l’église et à la cour. Peu à peu, les livres sont devenus de plus en plus populaires.

     

    De petits chefs d’œuvres

     

    Mais les livres du passé étaient loin de ressembler à ceux de nos jours : des ouvrages simples et pratiques, accessibles à tous. Ils étaient le fruit d’un travail intellectuel et physique remarquable. Les couvertures étaient somptueuses, avec des gravures et de très beaux ornements et les pages étaient elles aussi décorés de dessins suggestifs, le texte calligraphié étant lui-même un petit chef d’œuvre d’art manuel. Un élément important, y compris pour els livres des Principautés roumaines, était le sceau de celui qui avait payé pour leur publication : un prince, un métropolite, un noble, un marchand. Souvent, il s’agissait des armoiries de la famille, accompagnées d’une sorte de dédicace en vers, composée par ceux qui s’occupaient de la publication de l’édition.

     

    Les vieux livres à l’honneur

     

    Le Musée de la ville de Bucarest a organisé une exposition de livres roumains datant du 17e siècle au début du 19e siècle, ayant comme thème les armoiries princières et les versifications que ces ouvrages contenaient. Ramona Mezei de la Bibliothèque métropolitaine de Bucarest, institution qui détient une riche collection de livres anciens roumains, a expliqué que l’exposition « Anciens livres princiers avec des armoiries et des vers poétiques » était d’une très grande valeur, du fait notamment qu’elle contient des objets vieux de plusieurs centaines d’années. « La majorité des livres anciens exposés sont des livres religieux. Et c’est assez normal, étant donné l’époque de leur publication. Il était très important, jadis, que ces textes imprimés sortent sous le patronage des princes de l’époque. Afin d’illustrer la gratitude envers les princes, les livres portaient aussi leurs armoiries. Qui plus est, ceux qui s’occupaient de l’édition – les éditeurs et même les typographes – imaginaient quelques vers, quelques rimes, certains plus sérieux et d’autres plus humoristique. Lorsqu’une image était imprimée, le livre devenait aussi un objet esthétique, et pas seulement une source de sagesse. Finalement, les livres ont été, sont et seront des objets d’une valeur inestimable, surtout que le temps y a laissé son empreinte. »

     

    Le livre, plus qu’un simple objet

     

    La muséographe Daniela Lupu a quant à elle coordonné l’exposition. Elle explique le rôle central qu’occupaient les armoiries du prince qui avait réalisé l’œuvre de mécénat et la valeur des compositions littéraires qui lui étaient dédiées : « Les armoiries sont les principaux points d’intérêt pour les amateurs d’héraldique. Les vers ont été étudiés par les historiens littéraires. Certains ont vu dans ces paroles, les débuts de la poésie d’hommage en langue roumaine, même s’il s’agit au début de courtes versifications. Parmi eux on retrouve les grands auteurs de livres des siècles derniers : Udriște Năsturel, Antim Ivireanul, ou encore le « logofăt », chef de la chancellerie princière – Radu Greceanu. Datant du 17e siècle, ces vers suscitent encore aujourd’hui l’intérêt du public. »

     

    Un voyage dans le temps

     

    Les livres exposés dans les vitrines du Palais Sutu, dans le centre de Bucarest, nous permettent de voyager dans le temps. Pour Daniela Lupu, l’exposition est aussi un regard posé sur la façon dont les armoiries et les dédicaces ont évolué au cours de ces trois derniers siècles : « Si en général les armoiries princières figurant sur les premiers livres imprimés apparaissent dès le 16e siècle en Valachie et en Moldavie, nous savons désormais que cette pratique existait aussi sur des livres beaucoup plus anciens, tels l’euchologe de Macarie de 1508. Ce dernier porte en effet les armoiries de la Valachie sur sa première page. Puis, elles réapparaissent sur la page du titre, comme ce fut aussi le cas dans les livres suivants. C’est ce que l’on observe à l’époque de Matei Basarab, au 17e siècle. Si nous analysons brièvement l’évolution des représentations des armoiries princières, nous observons que les thèmes ne respectent pas les règles d’écriture et de composition classique de l’héraldique. »

     

    Les armoiries princières et les vers sont plus que de simples ornements.

     

    La beauté des images va de paire avec la beauté de la langue dans laquelle ont été écrits les vers. L’alphabet cyrillique, que la langue roumaine a utilisé pendant plusieurs siècles dans la transmission des connaissances et la calligraphie, sont d’autant plus intéressants puisqu’ils ne peuvent pas être compris à première vue. Les armoiries princières et les dédicaces figurant sur les vieux livres nous aident à découvrir de nouvelles informations sur les gens de l’époque, sur leur univers et sur la position sociale qu’ils occupaient. Ces petites œuvres d’art parlent de princes et de la représentation du pouvoir, d’élites économiques et culturelles qui ont fait circuler les idées de leurs temps, de principes et de valeurs morales qui circulent encore de nos jours. D’ailleurs, nous mesurons combien nous sommes similaires à ceux qui ont vécu il y a plusieurs siècles. (Trad : Alex Diaconescu)