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  • Les représentations diplomatiques de la Roumanie dans l’espace turc

    Les représentations diplomatiques de la Roumanie dans l’espace turc

    C’est au XIXème
    siècle que les Principautés roumaines commencent à s’affranchir graduellement
    de l’ottomanisme et à importer
    massivement la civilisation et la culture de l’Occident. Dans ce contexte, les
    relations diplomatiques bilatérales vont elles-aussi acquérir une nouvelle
    dimension. Au fur et à mesure que la Roumanie gagne son droit d’Etat
    indépendant, elle repense également ses missions diplomatiques, ouvertes à ceux
    qui allaient représenter les intérêts roumains dans le monde ottoman et turc.


    A l’heure où l’on parle, un
    groupe d’historiens roumains s’est engagé dans un projet d’écrire une histoire
    des représentations diplomatiques de la Roumanie, dont la vedette est, de toute
    évidence et de loin, celle de Paris. Mais les missions diplomatiques roumaines
    dans l’Empire ottoman et en Turquie ont elles-aussi leur propre poids dans ce
    projet. Silvana Rachieru, qui enseigne l’histoire ottomane à l’Université de
    Bucarest, a réalisé une étude sur les résidences diplomatiques de la Roumanie
    dans l’espace turc. Une recherche dont le point de départ est un bâtiment à
    proximité de la Place Taksim d’Istanbul, siège de légation d’abord, de
    consulat, plus tard, et de l’Institut culturel roumain à présent. Silvana
    Rachieru a commencé son travail en écoutant les histoires de ce bâtiment
    particulier: « La plus palpitante de ces histoires
    était celle qui disait qu’un amoureux de la princesse Marthe Bibesco avait joué
    le bâtiment au poker ou un autre jeu de hasard et l’avait perdu, et que l’État
    roumain avait réussi à le récupérer. Toute cette histoire, très belle et très
    romanesque, correspondait parfaitement à l’espace où nous nous trouvions. Mais
    l’information sur l’appartenance de l’édifice à Marthe Bibesco était clairement
    mentionnée dans les archives. »



    Pera la diplomatique était
    le quartier européen d’Istanbul. Les Grandes puissances y avaient installé
    leurs résidences diplomatiques dans « La Grand-Rue de Pera » depuis
    le XVIIème siècle. Deux cents ans plus tard, au XIXème siècle, le nouvel État
    roumain envoyait ses représentants diplomatiques auprès des grands décideurs de
    l’époque, mais les besoins de financement de cette démarche dépassaient les
    moyens de Bucarest, raconte Silvana Rachieru: « L’Agence
    diplomatique roumaine avait fonctionné entre 1859 et 1878 dans un espace loué.
    En réalité, c’était l’appartement-même de l’agent diplomatique, qui servait
    aussi de siège de l’agence. Dimitrie Brătianu, le premier représentant de la
    Roumanie à Constantinople d’après l’indépendance, l’affirmait haut et fort en
    1878. Quelques semaines à peine après son arrivée dans la capitale ottomane, il
    informait déjà Bucarest que la légation fonctionnait dans une maison en pierre,
    dans le quartier de Çukurcuma, dans la zone de Pera où se trouvait aussi son
    logement. Brătianu écrivait que ce n’était pas le siège le plus approprié pour y
    ouvrir une légation et que le ministère aurait dû faire le beau geste de
    financer la location d’un espace plus généreux et plus adapté aux nouvelles
    exigences. »



    Ce
    n’est qu’en 1887 que Bucarest loue le premier siège séparé du logement du
    représentant diplomatique. Et à partir de 1903, la Roumanie exprime ouvertement
    son intention d’acheter un bâtiment pour y installer la représentation
    permanente, précise Silvana Rachieru: « L’adresse finale de la
    mission diplomatique roumaine dans la capitale de l’Empire ottoman et, par
    après, dans la ville la plus importante de la République turque se trouvait Rue
    Sîraselviler, « La rangée de cyprès » en turc. La Roumanie y loue un
    édifice en 1903, grâce à l’implication du ministre plénipotentiaire de ce
    temps-là, Alexandru Lahovary. Dans le contrat de bail, il est écrit que lorsque
    le propriétaire décidera de vendre la construction, l’État roumain sera le
    premier à faire une offre d’achat. La discussion deviendra plus sérieuse à
    partir de 1905 et la finalisation aura lieu en 1907. Donc, depuis 1907, près de
    la Place Taksim, nous avons un repère associé à la Roumanie. »



    L’édifice
    est connu sous le nom de « manoir de Musurus Pacha », d’après le nom
    de son propriétaire, un diplomate turc d’origine grecque. D’ailleurs, le
    quartier est lui-même grec et son essor avait débuté après le grand incendie de
    1870. C’était une zone commerciale, active, pleine d’énergie, où l’on construisait
    des appartements sur le modèle français et des bureaux. La plus importante
    église orthodoxe grecque d’après la chute de Constantinople en 1453 se dresse
    dans la même zone. C’est donc là que la légation de la Roumanie allait
    fonctionner jusqu’en 1927.


    La première guerre mondiale
    allait avoir des conséquences dramatiques sur l’Empire ottoman. Après la
    proclamation de la République turque en 1923, le transfert de la capitale dans
    la ville d’Ankara a modifié le centre de gravité du nouvel État. Et les
    représentations diplomatiques ont dû suivre, bien qu’avec un certain retard. La
    Roumanie a, elle aussi, longtemps hésité à faire le pas et Silvana Rachieru en
    explique la raison: « Elle a hésité parce qu’en 1923 Ankara
    était plus rurale. Le président Mustafa Kemal offre aux premières missions
    diplomatiques des voitures de train pour y fonctionner. Il était difficile de
    quitter le Bosphore et une résidence imposante. Le voyage vers Ankara était
    long. Les autres puissances n’étaient pas non plus pressées de déménager, mais
    elles ont fini par le faire. La Roumanie avait laissait passer un train dans
    cette gare, pour ainsi dire, car, dans premier temps, des parcelles avaient aussi
    été distribuées dans une zone que Mustafa Kemal voulait transformer en quartier
    diplomatique. Lorsque la Roumanie déménagea enfin à Ankara, il n’y avait plus
    de terrains disponibles dans ce quartier. »

    La
    Roumanie revient donc à la location d’espaces pour sa légation dans le quartier
    résidentiel de Çankaya. Dans les années 1950, elle y achètera un terrain rue de
    Bucarest et y fera construire son ambassade. (Trad. Ileana Ţăroi)