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  • 70 années depuis l’abdication du roi Michel

    70 années depuis l’abdication du roi Michel

    L’abdication du roi Michel fut suivie par l’instauration de la république, une nouvelle forme de gouvernance, dépourvue de toute légitimité en raison notamment de la manière dont l’ordre de droit a été modifié.

    Le souverain a raconté à plusieurs reprises le déroulement de ce jour qui a changé en fait l’histoire de la Roumanie contemporaine, la manière dont les leaders communistes lui ont présenté le document d’abdication. D’autres témoignages décrivent une atmosphère pesante dans laquelle on pouvait ressentir la brutalité du nouvel ordre communiste. Un de ces témoignages appartient au sous-lieutenant Milos Pavel, officier du bataillon de la Garde royale, celui qui a commandé le dernier peloton à saluer officiellement le roi de Roumanie le 30 décembre 1947.

    Le bataillon de la Garde royale était subordonné au ministère de la Défense comme toute autre unité de l’armée roumaine. Les cadres, les officiers et les sous-officiers bénéficiaient des mêmes droits à la solde que les autres militaires. Les membres de la Garde portaient pourtant un uniforme un peu différent pour des raisons de protocole. Le bataillon était formé de quatre compagnies, deux pour chaque résidence royale, respectivement à Bucarest et à Sinaia. Chaque compagnie comptait une centaine de militaires divisés en trois pelotons. Le bataillon n’était muni que d’armes légères d’infanterie, soit de pistolets mitrailleurs et de fusils utilisés uniquement pour le service de garde.

    Interviewé en 1997 par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, Milos Pavel racontait comment les militaires étaient acceptés dans le bataillon de la Garde royale : « Les officiers détachés dans cette unité d’élite de l’armée roumaine étaient les meilleurs de leurs générations ; certains avaient étudié dans des écoles militaires étrangères, d’autres avaient fait preuve de mérites professionnels exceptionnels dans leur activité militaire en Roumanie. L’origine sociale des officiers n’étaient pas un critère de sélection. Moi, je suis fils de paysan et les trois camarades de ma génération provenaient de la classe moyenne : fonctionnaires, commerçants etc. Et même dans le cas des soldats recrutés pour la Garde royale, le critère social n’était pas important. En revanche, ils devraient être non seulement cultivés mais aussi assez athlétiques, hauts de plus d’un mètre 80 et assez beaux garçons parce qu’ils participaient à des missions de protocole. »

    A l’automne 1947, la compagnie de garde du Château de Peles à Sinaia était commandée par le capitaine Mihail Georgel. Milos Pavel était en charge d’un de ces pelotons et le 30 décembre 1947 un officier qui avait bénéficié d’une permission pour Noël devait le remplacer.

    Milos Pavel : « Le matin du 30 décembre 1947, à 8h30, j’étais le dernier officier de la garde de Peles à avoir l’occasion de saluer officiellement Leurs Majestés le roi Michel et la reine Mère à l’occasion de leur départ pour Bucarest, conformément aux règles du protocole qui visaient un tel déplacement. A midi, j’ai été remplacé par mon camarade qui rentrait de sa permission de Noël et j’ai commencé à préparer mon départ pour un village où j’allais fêter le Nouvel An. Afin d’encaisser la solde à laquelle j’avais droit, je devais passer par la caserne du Palais Victoria de Bucarest, où se trouvait la caisse du bataillon. C’est pourquoi, vers 13 heures, je suis parti pour Bucarest dans un camion de l’administration du Palais qui transportait du personnel civil et du matériel entre les différentes résidences royales. »

    Afin de simplifier sa tâche, le gouvernement communiste a remplacé la Garde royale du palais royal de Bucarest par des militaires de la division « Tudor Vladimirescu », formée de prisonniers roumains d’URSS, qui avaient rejoint l’armée soviétique. Milos Pavel se souvenait aussi de son arrestation dès son arrivée à Bucarest.

    Milos Pavel : « Le temps était morose, une météo typiquement hivernale, avec peu de neige mais avec un froid polaire et du brouillard, surtout en montagne. En raison de ces conditions hivernales, je suis arrivé à 16 heures à Bucarest. Notre véhicule devait entrer dans la cour du Palais Victoria via l’entrée de service. Le long du voyage, je n’ai observé aucun indice sur le fait qu’un événement avait eu lieu dans la vie et l’histoire du peuple roumain. La porte d’entrée était gardée d’habitude par un soldat de la compagnie de garde de Bucarest, qui connaissait toutes les plaques d’immatriculation des véhicules du Palais, portant le symbole SR – Service royal. Mais cette fois-ci nous avons été arrêtés et par deux militaires équipés et armés à la façon des soldats russes, l’unique différence étant le fait qu’ils parlaient roumain et portaient sur le bras gauche les enseignes de la Division Tudor Vladimirescu, le symbole de la trahison et de la honte. Ce fut le moment où tout mon esprit et mon âme ont été frappés comme par un coup de tonnerre, issu de la tension qui s’était emparée de la Roumanie cet automne-là. L’inévitable s’était produit et le peuple roumain pénétrait dans l’inconnu. Le personnel civil du Palais Victoria fut escorté au bureau de l’administration et moi-même en tant qu’officier, j’ai été emmené à la caserne de la compagnie de garde. C’est là que je suis tombé sur mes camarades officiers du bataillon de garde qui y avaient été surpris par les évènements. Ils étaient tous dépourvus d’armes, , alors que les soldats étaient placés sous haute surveillance dans leurs dortoirs. »

    Ainsi prenait fin la monarchie roumaine, dernière redoute de la démocratie face à l’assaut du régime communiste. Les Roumains se sont résignés et ont dû adapter leur vie aux nouvelles réalités. (Trad. Alex Diaconescu)

  • La République de Ploiesti

    La République de Ploiesti

    Les comploteurs sétaient proposé de prendre le contrôle du service de télégraphe, tout en misant sur lappui de larmée et de la population de plusieurs villes importantes. Inspirés par les libéraux de gauche, les groupes de conspirateurs étaient déçus par le règne de Carol et par linstabilité gouvernementale des années 1866-1870. A cela sajoutait la guerre franco- allemande, déclenchée le 19 juillet 1870 et qui allait sachever par la capitulation de la France le 10 mai 1871 ; un dénouement qui a provoqué dans les rangs des Romains une vague de sympathie envers lHexagone et dantipathie envers le roi allemand Carol.



    Bien que les leaders du complot aient hésité à mettre en œuvre leur projet, les conspirateurs de Ploiesti, menés par le futur général Alexandru Candiano-Popescu, ont avancé dans leur démarche et se sont emparés de la Préfecture et du Télégraphe. Devant une foule de plusieurs milliers de personnes, Candiano-Popescu a décrété la déchéance du roi Carol et sest proclamé préfet du département de Prahova dont Ploiesti était le chef-lieu.



    La foule, enflammée par son discours, sest dirigée ensuite vers une unité militaire pour se munir darmes. Face au refus dobéir du comandant, elle sest rendue à la prison de la ville où elle a libéré les détenus. Le putsch militaire a pris fin peu de temps après que le chef du service de télégraphe de la ville de Predeal eut interrompu la communication avec Bucarest. Le soir même, larmée a procédé à larrestation de quelque 400 suspects et des responsables politiques libéraux Ion C. Bratianu, Eugeniu Carada, Nicolae Golescu. Le leader des conspirateurs de Ploiesti a été à son tour arrêté à Buzau.



    Moins de 24 heures après sa création, la République de Ploiesti disparaissait. 41 conspirateurs ont été déférés à la justice, qui les a pourtant acquittés. Bien quépisode court et intense de lhistoire roumaine, la République de Ploiesti a joué un rôle important dans la vie politique autochtone. De lavis de Silvia Marton de la Faculté de Sciences Po de lUniversité de Bucarest, la rébellion était inévitable, vu le dysfonctionnement des structures de lEtat roumain de lépoque : « A lépoque, tout semblait encore possible. Les protagonistes de la République de Ploiesti, le roi Carol I, les conservateurs, les modérés, dautres libéraux, se trouvaient tous au début de leurs démarches, à une époque où tout semblait encore possible. On avait limpression que lon pouvait encore construire. On assistait à une vague de volontarisme qui allait entraîner pas mal de choses blâmables. Les conspirateurs espéraient, mais sans beaucoup de conviction, construire un Parlement et un régime, éventuellement une République. Mais, avant tout, ils voulaient dun régime où le Parlement occupe une place importante. Carol lui-même cherchait sa place, il ne comprenait pas très bien ce qui se passait. Très sûr de ses actes, Bratianu tentait de dominer tous les gouvernements quil rejoignait. Par ailleurs, les conservateurs essayaient davoir leur mot à dire. Finalement, jeunes ou moins jeunes, ils semblaient tous fort confiants en la justesse de leurs idées. »



    On a interrogé Silvia Marton sur les principales idées ayant servi de fondement à la République de Ploiesti : « Qualifiée de coup dEtat par les procureurs, la République de Ploiesti a été en quelque sorte une contre-réaction à ladresse des conservateurs et surtout du roi prussien de Roumanie, Carol de Hohenzollern. Deux caricatures parues dans le journal libéral-radical Ghimpele (Lépine), une publication très progressiste de lépoque, se sont avérées fort suggestives pour la dimension sociale de cette période-là. Par linstallation de la République, les conspirateurs souhaitaient mettre un terme aux privilèges. La plupart des boyards se rangeaient du côté des conservateurs; ils avaient préservé leurs fonctions politiques, ils étaient élus et réélus et du coup très visibles sur la scène politique. Une sensibilité sociale, démocratique, existait indéniablement. Le terme “démocrate” est dailleurs employé par les initiateurs de la République pour désigner la fin des prérogatives attribuées traditionnellement aux boyards en tant que seuls représentants et auteurs de la politique roumaine. On assistait, si vous voulez, à une réaction de la bourgeoisie. »



    La République de Ploiesti a également marqué une révision de lattitude de la classe politique envers lEtat, les réformes et le souverain. Silvia Marton : “Toujours en vie, Cuza était en exile quand il fut élu à trois reprises, dans plusieurs circonscriptions. Il renonce aux mandats, écrit des lettres élégantes, pour refuser dassumer ses mandats et pour remercier son électorat. Mais, les libéraux, les révolutionnaires de 1848, les radicaux sont ses adversaires. A leurs yeux, Cuza et le roi Carol étaient des dirigeants autoritaires. Carol était bien autoritaire. Il adoptait des décisions en ignorant le Parlement et en cela il ressemblait de nouveau à Alexandru Ioan Cuza. Or cette situation était insupportable. De lavis des libéraux, trop de pouvoir concentré entre les mains du gouvernement indiquait une tendance dangereuse. Cest ce qui les pousse à manifester des tendances républicaines et à exiger la responsabilité du gouvernement devant le parlement. Ce ne sera quà partir de 1870- 1871 que lon acceptera la responsabilité du gouvernement qui fonctionne de mieux en mieux, tandis que le roi redéfinit son rôle, arrivant au bout de quelques années à faire et à défaire les gouvernements. »



    Dernier spasme de la formation de lEtat roumain moderne et démocrate, lépisode de la République de Ploiesti a renforcé la démocratie roumaine. Après 1870, la Roumanie obtient son indépendance en 1877- 1878 et devient royaume, ce qui lui permettra dadopter une politique censée lui assurer de la stabilité et une meilleure gouvernance.

  • Qu’est-ce qui inquiète les Roumains?

    Qu’est-ce qui inquiète les Roumains?

    La hausse des prix, la perte de l’emploi et la diminution des revenus constituent les principales inquiétudes des Roumains. S’y ajoutent l’angoisse liée à un mauvais état de santé et la peur des calamités naturelles, d’un conflit ou d’une guerre dans la zone.



    Même si le pourcentage des personnes inquiétées par la hausse des prix a baissé de plus de 34 à moins de 30%, il continue d’être assez élevé. La majorité des sujets questionnés constate que les tarifs de l’énergie et des carburants ont grimpé par rapport à l’année dernière, qu’ils sont plus grands que dans d’autres pays européens et qu’en hiver, quasiment la moitié des revenus moyens de la plupart des ménages est allouée au paiement des factures afférentes.



    Quant à la perte de l’emploi, cela préoccupe 6% de plus des Roumains, leur nombre passant de 22,4% en février à 28,6% en juillet. En légère hausse aussi, le pourcentage des Roumains inquiétés par la réduction des revenus, qui passe de 16 à 17,5%.



    En tout et pour tout, un peu plus de 22% seulement des personnes interrogées n’ont pas d’inquiétude pour l’avenir, estimant que la Roumanie va dans la bonne direction. La majorité écrasante — 65,5% – considère, au contraire, que le pays fait fausse route. Et le mécontentement ne date pas d’hier. Il est traditionnel et c’est le résultat tant d’une inertie des perceptions négatives accumulées ces dernières années de crise économique, mais aussi celui des retards des mesures de redressement économique et social que la population attend.



    D’autre part, parmi les questions du sondage, figurent aussi certaines liées à la forme de gouvernement souhaitée par les Roumains. Dans le cas d’un référendum concernant le retour de la monarchie en Roumanie, 41% des personnes questionnées voteraient en faveur du maintien de la république. Et si toutefois la Roumanie devenait une monarchie — une option pour 27,2% des citoyens — près d’un tiers des Roumains pensent que l’ancien souverain Michel devrait monter sur le trône, alors que 19% expriment leur option pour sa fille, la princesse Margarita. Si plus de la moitié des Roumains sont d’accord avec l’idée que la république présente l’avantage d’une élection périodique du président par les citoyens, 4 citoyens sur 10 pensent que la monarchie présente l’avantage que le roi ne dépend pas des partis et qu’il peut ainsi servir d’arbitre équidistant de la vie politique.



    Le sondage a été commandé par un quotidien national de Roumanie et réalisé du 12 au 21 juillet sur un échantillon de 1050 personnes de 37 départements du pays et de Bucarest. L’erreur maximale des données est de 3%, en plus ou en moins. (trad. : Ligia Mihaiescu)