Tag: résistance anticommuniste

  • Corneliu Coposu

    Corneliu Coposu

    Corneliu Coposu a été une grande figure de la résistance politique anticommuniste pendant les décennies noires de lépoque communiste, mais il fut également lhomme politique ayant joué un rôle essentiel dans la renaissance de la démocratie roumaine et du multipartisme après 1989. Il fit de la sorte le lien entre la démocratie davant-guerre, celle qui précéda linstauration du communisme daprès la guerre, et celle qui allait renaître au début des années 90 du siècle passé. Sa foi inébranlable dans la démocratie, dans lesprit de résistance et dans la nation roumaine, le modèle de lutte pour lhonneur, pour la liberté et la justice quil incarna, notamment par les 17 ans de traversée du Goulag roumain, lérigent sans nul doute parmi les grandes figures du Panthéon des hommes dEtat que la Roumanie compte dans son histoire récente. A la fin de sa vie, Corneliu Coposu se faisait, à bon escient, appelé par ses jeunes partisans, le « Sénior ».





    Né le 20 mai 1914 dans le département de Salaj, en Transylvanie, dans une famille de prêtres grecs-catholiques, Corneliu Coposu fait des études de droit, devient avocat, pour décrocher ensuite un doctorat ès sciences juridiques à lUniversité de Cluj. Il parvient à devenir un des plus proches collaborateurs du président du Parti national paysan, Iuliu Maniu, figure historique de lémancipation nationale des Roumains de Transylvanie, auquel lunissent des liens familiaux et, surtout, son crédo politique. Dans la période trouble de la fin de la guerre et de loccupation soviétique de la Roumanie, Corneliu Coposu devient secrétaire personnel du leader national-paysan et secrétaire général adjoint de son parti. Le 14 juillet 1947, Coposu, à linstar de la quasi-totalité des leaders de son parti, est arrêté, suite au guet-apens imaginé par le nouveau pouvoir communiste. Le même pouvoir communiste qui sétait installé, pour 43 ans, au mois de novembre 1946, après avoir falsifié les résultats des élections, à lombre et sous la protection des chars russes et de la Commission alliée de contrôle, dirigée, à Bucarest, par les Soviétiques. Condamné aux travaux forcés à perpétuité sur la base dun dossier monté de toutes pièces, il ne sera libéré quen 1964, à la faveur dune amnistie générale des prisonniers politiques, après avoir passé 17 ans au Goulag roumain, dont 9 à lisolement.





    Mais, Corneliu Coposu survécut dans la dignité à ce calvaire prolongé. Son épouse, Arlette, dorigine française, prisonnière politique à son tour, mourut quelques mois après sa libération, en 1965.



    Interviewé en 1993 et provoqué à un exercice dimagination par la journaliste Lucia Hossu-Longin, qui voulait savoir sil aurait choisi la même voie pour autant que le choix se présentât devant lui à nouveau, Corneliu Coposu a répondu par laffirmative : « Ecoutez, jai eu le temps de passer en revue toutes les souffrances, les misères endurées pendant mon emprisonnement, puis le nombre et lampleur des persécutions vécues après la libération. Mais je ne pense pas avoir le choix. Les yeux fermés, je choisirais de vivre le même destin. Peut-être que notre destin est écrit davance. Je ne suis pas fataliste, mais si javais cette alternative devant moi, je choisirais, le même chemin sans hésiter ».





    Côtoyer de tels personnages est un privilège rare. Cest le pénitentiaire politique de Râmnicu Sărat qua le plus marqué Corneliu Coposu, lhomme qui fera renaître le Parti national paysan chrétien-démocrate et en deviendra le président, après 1989.





    Corneliu Coposu : « Le pénitentiaire de Râmnicu Sarat comptait 34 cellules, 16 au rez-de-chaussée et tout autant au premier étage. 4 cellules disoloir étaient situées au sous-sol. Cétaient des cellules de 3 mètres sur 2, disposées en rayons de miel, lune à côté de lautre. A 3 mètres de hauteur, on trouvait une fente de lumière, à laquelle on navait en revanche pas daccès, et qui était dailleurs condamnée de lextérieur. La seule source de lumière, allumée en permanence, provenait dune ampoule de 15 watts, suspendue au plafond, et qui donnait une lumière sépulcrale. Passons le chauffage, car il ny en avait pas, il sagissait dun bâtiment érigé aux environs de lan 1900, avec des murs épais et entourés de deux autres murs denceinte dune hauteur de 5-6 mètres. Des gardes armés guettaient, perchés dans leurs tours de garde. Il y régnait une atmosphère sinistre. »





    Corneliu Coposu a marqué durablement la conscience collective roumaine, par la sérénité avec laquelle il a accepté son sort et par sa capacité singulière de pardonner à ses bourreaux. Plus encore, il a marqué ses contemporains par lobstination avec laquelle il a mené sa lutte pour la liberté, la démocratie, pour lidéal national et en faveur du système monarchique, quil avait investi, jusquà la fin de sa vie, de tous ses espoirs. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • La semaine du 30 avril au 6 mai 2018

    La semaine du 30 avril au 6 mai 2018

    Décès de Doina Cornea – symbole de la résistance anticommuniste roumaine


    Figure emblématique de la lutte anti-communiste de Roumanie, Doina Cornea, est décédée dans la nuit de jeudi à vendredi, à 89 ans, des suites d’une longue maladie. Née dans une famille ayant de fortes valeurs morales et religieuses, elle a été enseignant des universités à la chaire de langue Française de l’Université Babeş-Bolyai de Cluj Napoca. Dans les années 1980, elle s’est fait connaître pour avoir critiqué le régime communiste de Nicolae Ceausescu. Ses lettres contre le régime ont été lues sur les ondes de Radio Free Europe, causant la rage des autorités communistes. Résultat, Doina Cornea a été licenciée de l’université de Cluj, battue par les agents de la police politique et assignée à domicile. La même Doina Cornea a été l’une des figures centrales de la révolution de 1989, figurant aussi parmi les premières personnalités à protester contre les abus du premier parti post communiste de gauche. Ses mérites lui ont valu la reconnaissance du pape Jean Paul II, qui la décorée de l’Ordre de Saint Grégoire le Grand, et de l’ancien souverain de Roumanie, Michel I, qui l’a récompensée de la Croix de la Maison Royale de Roumanie. De même, Doina Cornea a été récompensée de l’Ordre L’Etoile de Roumanie et a reçu la Légion d’honneur de la part de l’Etat français.

    Les lois de la justice de nouveau sur la table de la Cour Constitutionnelle


    Le président roumain, Klaus Iohannis a décidé de renvoyer sur la table de la Cour Constitutionnelle le paquet des lois de la Justice. Adoptées à la va vite par le Parlement sous la forme avancée par la coalition au pouvoir, ces lois attendaient leur promulgation. Mais voilà que le président Iohannis a décidé de les renvoyer à la Cour et de saisir la Commission de Venise au sujet du contenu législatif du paquet en question. Celui-ci ne correspond ni aux exigences de l’Etat de droit, ni aux attentes des Roumains, a déclaré le chef de l’Etat ajoutant que les lois n’étaient conformes ni au cadre constitutionnel, ni aux normes européennes visant le statut des magistrats, l’organisation judiciaire et le bon fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature. Selon lui, les nouvelles lois pouvaient influencer directement les juridictions et risquaient même de bloquer l’acte de Justice alors que les structures nouvellement créées étaient censées intimider les magistrats. La coalition gouvernementale formée par le PSD et par l’ALDE affirme que par cette démarche le chef de l’Etat ne cherche qu’à ajourner la mise en application des lois de la Justice. En revanche, l’opposition a salué la démarche du président Iohannis et a demandé la démission du ministre de la Justice, Tudorel Toader. Par ailleurs, la Commission spéciale en charge des lois de la Justice du parlement de Bucarest a démarré les débats au sujet de la modification du Code pénal, du code de procédure pénale et du code de procédure civile.

    Prévisions économiques


    Dans ses prévisions économiques de printemps, rendues publiques jeudi, la Commission européenne a maintenu à 4,5% ses estimations sur la croissance de l’économie roumaine en 2018, tandis que pour l’année prochaine elle table sur une progression 3,9 % du PIB. La Commission européenne signale aussi le fait que le déficit budgétaire de la Roumanie devrait s’élever à 3,4% du PIB en 2018, et à 3,8% en 2019, en raison notamment des hausses salariales du secteur public. Quant à l’inflation, la Commission européenne estime qu’elle va continuer à s’accroître, mais que cette croissance devrait se tempérer en 2019. Au niveau de l’UE, on assiste à la poursuite de la croissance économique. C’est ce qui explique le fait que le chômage en Europe est au plus bas depuis dix ans, a fait savoir le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici. L’économie de l’UE et celle de la zone euro vont continuer à croître en un rythme soutenu, de 2,3% cette année et de 2% en 2019, ce qui confirme le constat de Bruxelles que l’on assiste non seulement à une relance économique, mais aussi à une expansion robuste et solidement installée.

    Journée mondiale de la liberté de la presse


    Célébrée le 3 mai, la Journée mondiale de la liberté de la presse a été marquée par nombre d’événements à travers le monde. Dans le message transmis à cette occasion, António Guterres, secrétaire général de l’ONU, a affirmé qu’« en soutenant la liberté de la presse, nous défendons notre droit à la vérité ». Ces dernières années, les médias ont dû relever un nombre croissant de défis, dont celui des fausses nouvelles, des institutions prestigieuses de certains pays ayant même été accusés d’encourager ce phénomène. L’édition 2018 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières témoigne de l’accroissement des sentiments de haine et d’hostilité envers les journalistes. La Journée mondiale de la liberté de la presse a également été l’occasion de rendre hommage aux journalistes qui ont perdu la vie dans l’exercice de leur profession. Le dernier bilan en date fait état de 65 journalistes tués en 2017. Le plus récent rapport de spécialité dressé par l’agence de suivi de la presse « Active Watch » révèle qu’en Roumanie les médias continuent d’être utilisés à des fins de propagande, de désinformation et d’intoxication. Dans le classement mondial de la liberté de la presse, la Roumanie occupe la 44e place, devant les Etats -Unis et l’Italie, mais après la Corée du Sud.

  • Le groupe anticommuniste « La Roumanie indépendante »

    Le groupe anticommuniste « La Roumanie indépendante »

    Après l’installation brutale du communisme en Roumanie, les mouvements de résistance organisés par les partis démocratiques n’ont pas tardé. Le groupe « La Roumanie indépendante », créé par les jeunes du Parti National Paysan (PNŢ) compte parmi eux. Pendant l’été 1947, la direction du PNŢ a été arrêtée par le gouvernement communiste, suite à l’incident de Tămădău.



    Il s’agit du moment où les leaders de cette formation politique se virent offrir un avion pour quitter le pays. En fait, les communistes leur avaient tendu un piège, afin d’avoir un prétexte pour arrêter l’opposition démocratique.



    Pourtant, les choses ne se sont pas arrêtées là. L’opposition s’est rendu compte qu’une nouvelle étape approchait : celle des affrontements armés, après que les communistes soutenus par les Soviétiques eurent accaparé le pouvoir, entre 1944 et 1947.



    A l’initiative des jeunes membres du Parti National Paysan, des groupes de résistance furent créés, dont « La Roumanie indépendante », organisé en 1947.



    Nistor Bădiceanu, sénateur du Parti National Paysan Chrétien et Démocrate entre 1992 et 1996, a participé à l’organisation du groupe « La Roumanie indépendante ». Il raconte comment les choses se sont passées dans un entretien conservé par le Centre d’Histoire Orale de la Radiodiffusion roumaine.



    Nistor Bădiceanu: « Nous, jeunes membres du Parti Paysan, avons essayé de jeter les fondements d’un réseau subversif. C’est ainsi qu’est née toute une série d’organisations : Vlad Ţepeş (soit Vlad l’Empaleur), Vulturii (Les Vautours), Grupul 4 (Le groupe 4), România Independentă (La Roumanie indépendante). Nous avons estimé que nous devions nous préparer, rester en contact, nous armer et démarrer une rébellion armée au bon moment. Nous espérions que l’occasion d’une intervention se présenterait, nous pensions qu’une nouvelle guerre allait éclater… Les jeunes étaient enthousiastes — et pas seulement eux. J’étais resté le contact avec toute une série d’anciens membres, présidents et militants du parti dans la partie Nord du comté de Bihor dont je provenais, et j’ai essayé de refaire la filière. Les gens ont répondu avec joie et confiance, ils se sont engagés. J’ai mis chacun d’entre eux en garde sur les risques d’une telle action. Malgré notre enthousiasme, nous nous rendions bien compte du danger, nous savions à qui nous avions affaire et quelles méthodes ils pouvaient utiliser, sans hésitation. »



    Nistor Bădiceanu nous parle de la structure du groupe et de ses membres : « Il y avait un noyau de 32 à 35 membres. Finalement, à vrai dire, je ne sais plus combien on était au total. Plusieurs centaines, de toute façon ! L’idée s’était répandue, tous ne se connaissaient pas entre eux. Un membre sur trois recrutait trois autres membres et ainsi de suite. Si une révolte éclatait, on pouvait agir en force. Le groupe avait été organisé dans l’ouest du pays et la plupart de ses membres avaient été recrutés dans la région de la ville d’Oradea et du côté de Marghita, où je connaissais des gens auxquels je pouvais faire confiance. De nombreux souvenirs nous liaient : notre vie de lycéens passée ensemble, les bals ou les différentes activités au sein du parti. Je connaissais leur choix, leurs convictions, leur force de caractère. On ne pouvait pas recruter n’importe qui. »



    Quel rôle Bădiceanu a-t-il joué au sein du groupe « La Roumanie indépendante »? Eh bien, celui d’un initiateur, d’un révolutionnaire qui tâchait d’éveiller les autres, de leur faire prendre conscience du danger qui menaçait la Roumanie.



    Nistor Bădiceanu : « J’étais « l’instigateur », si vous voulez, l’organisateur. Parce que là, il ne s’agissait pas de direction démocratique, de tenir des conférences ou des congrès, d’élire démocratiquement un dirigeant. C’était un groupe paramilitaire et il fonctionnait comme tel. Nous nous apprêtions à lutter contre le pouvoir ; ce que nous faisions était vraiment ce que les communistes qualifiaient de « crime ourdi contre l’ordre social » – prévu dans le Code pénal et puni comme tel ; son but était en effet de changer l’ordre social par la force. Nous avions des armes — pendant la guerre c’était permis. Nous avions même une charrette à grenades, ensuite des pistolets et des mitraillettes. Ce n’était pas un problème pour nous. Les Allemands s’étant retirés en désordre, des soldats étaient morts, l’arme à côté. Ceux qui l’ont trouvée l’ont prise et cachée. Je parcourais les villages, je rassemblais les gens dignes de confiance et je leur disais ce qu’ils devaient faire, où parler aux autres, à quoi faire attention. Le cercle se resserrait : on avait introduit les quotas, on prélevait le blé des champs, la politique devenait de plus en plus répressive et les conditions pour notre activité de plus en plus propices. »



    Bădiceanu avait voulu organiser un groupe de partisans qui devait se retrancher dans les montagnes et mener une lutte armée. Des militaires de l’armée royale, d’anciens membres de la Légion de l’Archange Michel et des paysans dépossédés de leurs terres ont rejoint les membres du PNŢ pour participer à ce mouvement de résistance anticommuniste. 8 mois plus tard, le groupe « La Roumanie indépendante » a été découvert et son noyau arrêté, une personne nouvellement recrutée n’ayant pas gardé le secret.



    Ce groupe a prouvé que devant cette hydre du mal, certains ne se sont pas laissé intimider. (Trad.: Dominique)


    Après l’installation brutale du communisme en Roumanie, les mouvements de résistance organisés par les partis démocratiques n’ont pas tardé. Le groupe « La Roumanie indépendante », créé par les jeunes du Parti National Paysan (PNŢ) compte parmi eux. Pendant l’été 1947, la direction du PNŢ a été arrêtée par le gouvernement communiste, suite à l’incident de Tămădău.



    Il s’agit du moment où les leaders de cette formation politique se virent offrir un avion pour quitter le pays. En fait, les communistes leur avaient tendu un piège, afin d’avoir un prétexte pour arrêter l’opposition démocratique.



    Pourtant, les choses ne se sont pas arrêtées là. L’opposition s’est rendu compte qu’une nouvelle étape approchait : celle des affrontements armés, après que les communistes soutenus par les Soviétiques eurent accaparé le pouvoir, entre 1944 et 1947.



    A l’initiative des jeunes membres du Parti National Paysan, des groupes de résistance furent créés, dont « La Roumanie indépendante », organisé en 1947.



    Nistor Bădiceanu, sénateur du Parti National Paysan Chrétien et Démocrate entre 1992 et 1996, a participé à l’organisation du groupe « La Roumanie indépendante ». Il raconte comment les choses se sont passées dans un entretien conservé par le Centre d’Histoire Orale de la Radiodiffusion roumaine.



    Nistor Bădiceanu: « Nous, jeunes membres du Parti Paysan, avons essayé de jeter les fondements d’un réseau subversif. C’est ainsi qu’est née toute une série d’organisations : Vlad Ţepeş (soit Vlad l’Empaleur), Vulturii (Les Vautours), Grupul 4 (Le groupe 4), România Independentă (La Roumanie indépendante). Nous avons estimé que nous devions nous préparer, rester en contact, nous armer et démarrer une rébellion armée au bon moment. Nous espérions que l’occasion d’une intervention se présenterait, nous pensions qu’une nouvelle guerre allait éclater… Les jeunes étaient enthousiastes — et pas seulement eux. J’étais resté le contact avec toute une série d’anciens membres, présidents et militants du parti dans la partie Nord du comté de Bihor dont je provenais, et j’ai essayé de refaire la filière. Les gens ont répondu avec joie et confiance, ils se sont engagés. J’ai mis chacun d’entre eux en garde sur les risques d’une telle action. Malgré notre enthousiasme, nous nous rendions bien compte du danger, nous savions à qui nous avions affaire et quelles méthodes ils pouvaient utiliser, sans hésitation. »



    Nistor Bădiceanu nous parle de la structure du groupe et de ses membres : « Il y avait un noyau de 32 à 35 membres. Finalement, à vrai dire, je ne sais plus combien on était au total. Plusieurs centaines, de toute façon ! L’idée s’était répandue, tous ne se connaissaient pas entre eux. Un membre sur trois recrutait trois autres membres et ainsi de suite. Si une révolte éclatait, on pouvait agir en force. Le groupe avait été organisé dans l’ouest du pays et la plupart de ses membres avaient été recrutés dans la région de la ville d’Oradea et du côté de Marghita, où je connaissais des gens auxquels je pouvais faire confiance. De nombreux souvenirs nous liaient : notre vie de lycéens passée ensemble, les bals ou les différentes activités au sein du parti. Je connaissais leur choix, leurs convictions, leur force de caractère. On ne pouvait pas recruter n’importe qui. »



    Quel rôle Bădiceanu a-t-il joué au sein du groupe « La Roumanie indépendante »? Eh bien, celui d’un initiateur, d’un révolutionnaire qui tâchait d’éveiller les autres, de leur faire prendre conscience du danger qui menaçait la Roumanie.



    Nistor Bădiceanu : « J’étais « l’instigateur », si vous voulez, l’organisateur. Parce que là, il ne s’agissait pas de direction démocratique, de tenir des conférences ou des congrès, d’élire démocratiquement un dirigeant. C’était un groupe paramilitaire et il fonctionnait comme tel. Nous nous apprêtions à lutter contre le pouvoir ; ce que nous faisions était vraiment ce que les communistes qualifiaient de « crime ourdi contre l’ordre social » – prévu dans le Code pénal et puni comme tel ; son but était en effet de changer l’ordre social par la force. Nous avions des armes — pendant la guerre c’était permis. Nous avions même une charrette à grenades, ensuite des pistolets et des mitraillettes. Ce n’était pas un problème pour nous. Les Allemands s’étant retirés en désordre, des soldats étaient morts, l’arme à côté. Ceux qui l’ont trouvée l’ont prise et cachée. Je parcourais les villages, je rassemblais les gens dignes de confiance et je leur disais ce qu’ils devaient faire, où parler aux autres, à quoi faire attention. Le cercle se resserrait : on avait introduit les quotas, on prélevait le blé des champs, la politique devenait de plus en plus répressive et les conditions pour notre activité de plus en plus propices. »



    Bădiceanu avait voulu organiser un groupe de partisans qui devait se retrancher dans les montagnes et mener une lutte armée. Des militaires de l’armée royale, d’anciens membres de la Légion de l’Archange Michel et des paysans dépossédés de leurs terres ont rejoint les membres du PNŢ pour participer à ce mouvement de résistance anticommuniste. 8 mois plus tard, le groupe « La Roumanie indépendante » a été découvert et son noyau arrêté, une personne nouvellement recrutée n’ayant pas gardé le secret.



    Ce groupe a prouvé que devant cette hydre du mal, certains ne se sont pas laissé intimider. (Trad.: Dominique)

  • Les héroïnes de la résistance anticommuniste : Elisabeta Rizea

    Les héroïnes de la résistance anticommuniste : Elisabeta Rizea

    La résistance armée anticommuniste et antisoviétique vit le jour dans les montagnes de Roumanie, dès l’automne 1944. Les groupes de partisans se sont notamment concentrés dans les Carpates; c’est là que leurs leaders et leurs successeurs ont agi, en mettant leur empreinte sur l’histoire de la Roumanie, de sorte que les générations futures n’aient pas honte de leur passé et de leurs ancêtres.



    Les pages de la résistance armée anticommuniste de Roumanie ont été écrites par des militaires, étudiants, paysans, ouvriers, par des hommes et des femmes. La participation des femmes à la résistance est restée méconnue aux Roumains jusqu’en 1989, lorsque le silence dans lequel tout le pays avait plongé fut brisé. La paysanne Elisabeta Rizea de la commune de Nucsoara, du département de Arges (sud de la Roumanie) est alors apparue comme la figure iconique de l’héroïne qui a gardé sa verticalité. Elle est devenue célèbre grâce au documentaire de télévision « Memorialul Durerii » — Le mémorial de la souffrance.



    Elisabeta Rizea n’a pas lutté sur les fronts, n’a sauvé personne de la mort et n’a pas donné sa vie pour quelqu’un d’autre. En revanche, Elisabeta Rizea a gardé ses principes : elle n’a pas menti, n’a pas donné d’informations à la Securitate sur ses voisins et ses parents ; elle a gardé vive sa conviction que la justice l’emportera finalement. Elisabeta Rizea s’est rangée du côté de ceux qui défendaient la justice et la vérité : elle leur a donné à manger et elle les a mis à l’abri des ennemis.



    Elisabeta Rizea a représenté le symbole du paysan digne qui défend son petit univers : sa propriété, sa famille, sa foi. 12 années de prison — ce fut le prix qu’elle a dû payer pour tout cela. Le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine a eu l’honneur d’interviewer Elisabeta Rizea en 2000, lorsqu’elle était âgée de 88 ans. Dans ce qui suit, elle s’attarde sur la manière dont elle maintenait le contact avec le groupe de partisans Arsenescu-Arnăuţoiu: « Je ne suis pas une femme politique, je suis une femme juste. Je suis Roumaine, pourquoi passer du côté d’un autre pays et ne pas me mettre du côté de mes Roumains? Les partisans – je ne les ai jamais rencontrés. C’est un saule dans le tronc duquel il y avait un creux qui me servait de boîte postale. Voilà comment je m’y prenais: si je voyais l’armée arriver je leur écrivais un message: Faites attention au passage de l’armée”. Quand j’avais les gens de la Securitate sur mes traces, j’accrochais le pot à eau sur le mur extérieur de la maison. Quand les agents restaient chez moi pour manger, je pouvais entendre de la pièce à côté ce qu’ils discutaient. Et je me mettais aussitôt en route, en empruntant un sentier qui donnait sur un escalier au bout duquel il y avait ce saule, avec le trou où je mettais le billet. Et monsieur le capitaine Arnautoiu le cherchait et le lisait. Je l’informais sur la position de l’armée, sur l’endroit où j’avais mis de la nourriture, selon mes possibilités. »



    Selon ses témoignages, pendant les enquêtes, on la faisait pendre par les cheveux à un crochet et on la passait à tabac. Elle se souvient qu’à ces moments-là, elle se faisait le signe de croix à l’aide de sa langue et elle priait Dieu de lui donner la force de ne pas dire ce qu’elle savait. C’était là un serment qu’aucune personne honnête n’acceptait de violer.



    Elisabeta Rizea remémore également les visites que la Securitate lui rendait avant son arrestation: « C’était un petit pont non pas en ciment, mais en bois et je me rappelle que l’agent de la Securitate était chaussé de bottes. A leur simple bruit, je paralysais de panique, mon cœur battait fort comme s’il allait sortir de ma poitrine. Je me disais: ça y est, c’est fini ! Il va m’emmener pour me tuer. C’est comme cela que je passais le plus clair de mon temps! Au moment où il venait, il augmentait la flamme de la lampe à gaz, il commençait l’interrogatoire. Et moi je m’obstinais à dire que je ne savais rien de tout cela. Je n’ai rien déclaré, ils n’ont pas réussi à me faire parler. Je me rappelle avoir juré la main sur une Evangile et sur une croix qui se trouvaient dans cette chambre – là, sur une table. J’ai pris la Croix dans la main et j’ai juré sur la Bible devant le colonel Arsenescu, devant Tomita Arnautoiu et devant d’autres intellectuels. J’ai donc juré devant tout ce monde que je n’allais jamais trahir. Et j’ai tenu ma promesse ».



    Il y a plus de 200 ans, le philosophe et l’homme d’Etat irlandais Edmund Burke disait : « pour que le mal triomphe, il suffit que les gens de bien ne fassent rien ». Or, dans le cas d’Elisabeta Rizea, ce furent justement les gens de bien qui ont appuyé les mauvaises gens. Les voisins restaient les yeux rivés sur elle pour rapporter par la suite à la Securitate tout ce qu’elle faisait. Jetée en prison, Elisabeta Rizea a été remise en liberté en 1963, en arrivant à survivre au régime politique qui avait marqué son existence.



    L’impact qu’Elisabeta Rizea a eu sur l’opinion publique roumaine fut des plus importants, surtout dans les années 1990 — 2000. En témoigne un classement des plus grandes personnalités roumaines réalisé en 2006 et où Elisabeta Rizea a occupé la 58e position. Au moment où les autorités roumaines ont avancé l’idée d’un monument à la mémoire de la résistance anti communiste, l’opinion publique a choisi Elisabeta Rizea comme première proposition.




    En 2003, Elisabeta Rizea quitta ce monde, à 91 ans, en laissant derrière une leçon de patriotisme et de dignité humaine. A connaître son histoire, on comprend qu’il y a des gens qu’on peut chasser, torturer, humilier, sans arriver jamais à les anéantir. (trad. : Alexandra Pop, Ioana Stancescu)