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  • L’établissement des relations diplomatiques entre la Roumanie et la RFA

    L’établissement des relations diplomatiques entre la Roumanie et la RFA

    L’apparition, après 1945, de deux Etats allemands sur la carte d’Europe, décidée par les grandes puissances après la défaite de l’Allemagne nazie, était censée prévenir la résurgence d’une puissance allemande menaçante. Mais la guerre froide qui s’en est suivie transforma ces deux Etats, l’un, l’Allemagne de l’Ouest ou la RFA, qui se trouvait sous le contrôle des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, l’autre, l’Allemagne de l’Est, sous le contrôle de l’URSS, en frères ennemis qui se regardaient en chiens de faïence. Walter Hallstein, premier président de la Communauté économique européenne, embryon de la future UE, avait légué son nom à la doctrine ouest-allemande selon laquelle la RFA ne pouvait nouer de relations diplomatiques avec les Etats qui avaient reconnu l’existence de la RDA. Une position que la RDA reprit à son compte en sens inverse. Aussi, les deux Allemagnes, de l’Est et de l’Ouest, n’allaient dorénavant nouer des relations diplomatiques qu’avec les Etats de leur propre bloc. 

     

    La Roumanie – des relations diplomatiques d’abord avec la RDA

     

    La Roumanie, membre du bloc communiste et du pacte de Varsovie, n’avait ainsi noué des relations diplomatiques qu’avec la RDA. A partir de la seconde moitié des années 60, la position de Bucarest en matière de politique étrangère qui semblait la distancer de plus en plus de Moscou, amena la RFA à établir des relations diplomatiques avec la Roumanie en 1967. Ce fut un tournant, la Roumanie devenant le premier Etat membre du bloc communiste ayant noué des relations diplomatiques avec l’Allemagne de l’Ouest. La visite à Bonn du ministre roumain des Affaires étrangères, Corneliu Manescu, suivie par la visite de son homologue ouest-allemand, Willy Brandt, à Bucarest, ont mis les bases du rapprochement entre les deux capitales.

     

    L’ancien diplomate Vasile Șandru, interviewé en 1994 par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, remémorait les coulisses de ce changement de paradigme dans la politique étrangère de deux Etats :   

    « La visite du vice-chancelier et ministre des Affaires étrangères ouest-allemand Willy Brand à Bucarest a eu lieu après l’établissement des relations diplomatiques entre les deux capitales. Mais les choses se sont déroulées de la manière suivante : à l’été 1966 a eu lieu à Bucarest la réunion du Conseil politique consultatif du Pacte de Varsovie. Le document adopté à la fin de la réunion lançait l’idée de convoquer une conférence pour la sécurité et la coopération européenne. Un autre passage faisait état d’une volonté de promouvoir une politique de détente avec les deux Etats allemands sans distinction. Or Bucarest s’est appuyé sur ce document dans sa tentative de rapprochement avec Bonn, mais sans pour autant se consulter avec ses alliés, ni même les en informer. Cela ne manqua pas de provoquer l’ire de l’Union Soviétique en premier lieu, mais aussi des autres Etats membres du Pacte de Varsovie, qui appréciaient que le rapprochement diplomatique avec l’Allemagne de l’Ouest aurait dû avoir lieu de concert ».      

     

    La nouvelle politique de l’Est – un écho o positif en Allemagne

     

    La nouvelle politique de détente promue par le bloc de l’Est et par Bucarest en premier lieu trouva un écho positif en Allemagne.

    Vasile Șandru :  

    « L’initiative roumaine fut accueillie à bras ouverts à Bonn. Aussi, au début de l’année 1967, des relations diplomatiques furent établies entre les deux Etats. Auparavant déjà, la Roumanie avait établi des relations consulaires et commerciales officielles avec la RFA. Une première représentance commerciale et consulaire a été établie à Cologne. Pour la RFA, l’établissement des relations diplomatiques avec la Roumanie signifiait l’abandon de facto de la doctrine Hallstein, ce qui constituait un grand pas en avant et un changement de paradigme dans le contexte qu’était celui de la guerre froide. Jusqu’alors, Bonn s’était refusé à tout prix de reconnaître l’existence de la RDA et s’était refusé de nouer des relations diplomatiques avec quelque Etat que ce soit qui avait reconnu l’Allemagne de l’Est et qui avait établi des relations diplomatiques avec cette dernière. »  

     

    Le rôle positif du rapprochement entre les deux capitales 

     

    Vasile Șandru apprécie le rôle positif joué dans ce rapprochement entre les deux capitales par leurs leaders respectifs :    

    « Willy Brandt a été accueillie avec sa famille par Nicolae Ceaușescu sur la côte roumaine de la mer Noire. L’entrevue entre les deux leaders a duré près de 5 heures. Ils ont abordé des questions de la politique de sécurité en Europe, mais aussi les relations entre les partis de gauche européens. Willy Brandt a été accompagné durant sa visite officielle par son épouse et par leur fils, Lars, un militant de gauche lui aussi. Madame Brandt et son fils ont eu le temps de visiter des objectifs culturels, de toucher au folklore roumain, de connaître d’autres aspects de la vie en Roumanie. Ils sont repartis avec une autre image que celui d’un pays hostile. »  

     

    Une autre vision des faits

     

    Ancien dignitaire communiste et fin connaisseur du régime, Paul Niculescu-Mizil donnait en 1997 sa version des faits au sujet de ce rapprochement inédit entre la Roumanie et la RFA : 

    « J’avais entendu Cornel Manescu, l’ancien ministre des Affaires étrangères, raconter à la télévision, après la chute du régime communiste, sa version des faits. En l’écoutant, cela avait l’air très simple. Il disait être allé en Allemagne, avoir rencontré Brandt, et que ce dernier lui eut proposé de nouer des liens diplomatiques. Qu’ils s’étaient ensuite serrés les mains et qu’ils s’étaient départis heureux. Ce sont des histoires à dormir debout. Moi j’étais à l’époque membre du Comité exécutif du Comité central du parti. J’ai pris part à tous les débats sur le sujet et à de nombreuses missions. Cette question a été longuement débattue au sein des instances dirigeantes du parti. L’on a analysé tous les scénarios. La réaction des Soviétiques, la réaction des Allemands, les répercussions potentielles. Lorsqu’il est parti négocier, Manescu avait un mandat précis. Celui d’établir des relations diplomatiques avec la RFA. Et il est resté en permanence en contact avec Bucarest. Ce fut loin d’être une initiative personnelle ou un geste irréfléchi. »   

     

    Ainsi la Roumanie devenait en 1967 le premier Etat satellite de Moscou à nouer des relations diplomatiques avec la RFA. Un geste fort posé par Nicolae Ceausescu dans sa volonté de s’affranchir de la tutelle soviétique et d’enclencher un rapprochement avec l’Occident. (Trad Ionut Jugureanu)

  • Relations diplomatiques entre la Romanie et la RFA

    Relations diplomatiques entre la Romanie et la RFA

    A la fin de la seconde guerre mondiale, l’Allemagne était divisée en deux Etats : la République fédérale d’Allemagne et la République démocratique allemande. Le nouvel Etat fédéral allemand a refusé de reconnaître l’existence de l’autre Etat, communiste, leurs relations se limitant, après 1961, à une compétition économique et à une propagande acerbes, d’un côté et de l’autre du Rideau de fer et du Mur de Berlin. Membres d’alliances militaires opposées et adeptes de modèles économiques contraires, la Roumanie et la RFA se sont ouvertes l’une vers l’autre dans la seconde moitié des années 1960. Un moment important des nouveaux rapports entre un pays capitaliste très développé et un pays communiste en voie de développement fut la visite en Roumanie, en 1967, du vice-chancelier de l’Allemagne occidentale, Willy Brandt.

    A cette époque-là, les relations internationales étaient en train de changer et les frontières entre les deux grands blocs économiques et militaires, le capitalisme et le communisme, n’étaient plus aussi rigides qu’auparavant. Chaque pays souhaitait avoir des relations économiquement profitables et chacun tentait de s’ouvrir aux zones géopolitiques qui l’intéressaient le plus. Suivant la tradition de ses liens avec l’espace allemand, la Roumanie opta pour des relations diplomatiques avec l’Allemagne Occidentale, le premier pays du bloc communiste à faire ce choix.

    Les liens avec l’Allemagne capitaliste ont donc repris en 1967 par la visite à Bucarest du vice-chancelier Willy Brandt, futur chef du gouvernement allemand.

    Le ministre adjoint des AE de la Roumanie était à l’époque le diplomate Vasile Șandru. En 1994, il racontait pour le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine les préliminaires de cette visite.

    Vasile Șandru: « Cet acte de politique étrangère de la Roumanie était une manifestation de l’attitude indépendante de la Roumanie dans ses relations internationales. En voici le contexte : à l’été 1966, Bucarest avait accueilli la réunion du Comité Politique Consultatif du Traité de Varsovie, l’alliance militaire des pays du bloc communiste. Le document, adopté à cette occasion-là, lançait l’idée de convoquer une conférence européenne de coopération et de sécurité afin de normaliser les relations avec les deux Etats allemands. En suivant ce document, la Roumanie a initié, de son propre chef et sans consulter ses alliés, l’établissement de relations diplomatiques normales avec la RFA. Evidemment, cela a causé une vague de mécontentement, notamment de la part de l’Union Soviétique, mais aussi des autres pays membres du Traité de Varsovie. »

    Arrivé au pouvoir en 1965, le nouveau leader communiste de Bucarest, Nicolae Ceaușescu, était perçu par le peuple et par l’Occident comme l’adepte d’un communisme moins dogmatique. C’est lui et son équipe qui ont été les artisans de l’ouverture vers la République Fédérale d’Allemagne.

    Vasile Șandru : « Les relations diplomatiques entre les deux pays ont été établies à l’occasion d’une visite à Bonn du ministre roumain des Affaires Etrangères, Corneliu Mănescu, une visite qui a suscité un grand intérêt dans la presse internationale, surtout en raison des réactions hostiles de l’Union Soviétique. Un journal allemand publiait d’ailleurs une carricature éloquente qui présentait Corneliu Mănescu et Willy Brandt dans une barque sur un lac d’Allemagne. Depuis la rive, des tireurs braquaient sur eux tout un arsenal. O n y voyait d’une part la réaction du Traité de Varsovie, de l’autre la réaction des milieux plus radicaux de la République Fédérale d’Allemagne. »

    La visite de Willy Brandt marquait une détente diplomatique et laissait espérer une nouvelle ère dans les relations diplomatiques entre les deux pays.

    Vasile Șandru : Après son arrivée, Willy Brandt a eu tout d’abord un entretien avec le ministre des Affaires étrangères, Corneliu Mănescu. Il a été ensuite reçu par le premier ministre, Ion Gheorghe Maurer, avec lequel il a abordé des questions politiques, certes, mais aussi et surtout les relations économiques entre la Roumanie et l’Allemagne fédérale. Enfin, Willy Brandt s’est rendu au bord de la mer Noire, où il a été reçu par Nicolae Ceauşescu, avec lequel il a eu un long entretien de 5 heures. Les questions abordées avec Nicolae Ceauşescu avaient été pour la plupart politiques, les entretiens portant non seulement sur la situation politique en Europe, mais aussi sur les relations entre les partis communistes, socialistes. »

    La visite du haut responsable allemand a également eu une teinte personnelle et les Roumains ont été des hôtes très accueillants.

    Vasile Șandru : « Comment Willy Brandt a-t-il regardé sa visite ? Il est venu accompagné par sa femme et son fils, Lars, un garçon qui allait participer, plus tard, aux mouvements de gauche d’Allemagne. Brandt a donc envisagé cette visite d’un point de vue non seulement politique, mais aussi personnel, comme un rapprochement avec notre pays. Mme Brandt et leur fils ont bénéficié d’un programme spécial, sur le littoral ils ont eu un programme très intéressant. Ils ont pu assister à des spectacles de folklore et visiter des sites culturels. Ils ont été très contents de leur visite, dont le programme leur a permis de se faire une image de la Roumanie. Il faut dire qu’en établissant des relations diplomatiques avec la République Fédérale d’Allemagne, la Roumanie n’a pas freiner ses relations avec la RDA, afin de ne pas fournir – et elle n’a pas fourni – de prétexte pour se voir reprocher une quelconque préférence accordée à l’une ou l’autre des parties. La Roumanie a eu une approche équitable des relations avec les deux Etats allemands. »

    Par la suite, les relations économiques de la Roumanie avec la République Fédérale d’Allemagne ont connu une évolution ascendante. Pourtant, dans les années ’80, elles se sont détériorées à un rythme accéléré, la crise au sein du système communiste ayant prouvé que celui-ci ne pouvait pas entretenir des relations correctes avec des Etats qui mettaient les droits de l’homme à la première place. (Trad. Valentina Beleavski, Dominique)