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  • Spa roumain à 100 %

    Spa roumain à 100 %

    De la mer à la montagne, nous voilà partis en quête de facteurs de cure naturels et à la découverte de la créativité locale qui sappuie sur lutilisation des plantes de chacune de nos régions.


    Ioana Marian, fondatrice de la plateforme desprespa.ro, nous a accompagnés tout au long de ce périple :



    « Je pense que le moment est idéal pour rechercher à se détendre et retrouver de lénergie, ce dont nous avons besoin en ces temps troublés. Je vous encourage à essayer certaines cures dans des spas qui sont uniques au monde. Elles nexistent quen Roumanie et chaque lieu dispose de ses propres ressources, mais toutes sappuient sur des ingrédients locaux : des plantes, du sel, de largile, de la boue, des eaux thermales ou minérales. Cest un mélange de lensemble de ces richesses, et lavantage, cest quon ne le trouve que dans les spas en question, et seulement en Roumanie. »



    Ioana Marian nous a mis leau à la bouche avec quelques propositions alléchantes, avec lidée de nous faire parcourir le pays à la découverte des spas les plus intéressants :



    « Je suggère de commencer par le littoral, car le bord de mer nous manque à tous. Vous pouvez commencer par un rituel de spa à Eforie Nord, que lon appelle « Romanian Organic Body Experience ». Tout commence par un gommage au sel de mer et au basilic, suivi dun massage du corps à lhuile de pépins de raisin et au basilic. Pour finir, rien de tel quun masque dalgues et de lierre. Le résultat ? Vous vous sentirez revigorés, avec une peau fine et élastique. Sur la côte toujours, vous pouvez vous rendre à Mamaia Nord-Năvodari, pour un rituel appelé Hammam. Détendez-vous dans un premier temps avec un bain de vapeur avant de profiter dun gommage aux germes de blé, à la cassonade et à leau de romarin effectué sur une table en marbre chauffée. Cest une expérience très agréable. Après quoi, retour dans le hammam pour un nouveau bain de vapeur, avant dêtre recouvert dun masque de poudre de graines de raisins des vignobles locaux et de terminer par un massage de la plante des pieds à laide de coquillages. Un rituel idéal pour se sentir détendu, déconnecté et serein. »



    Ioana Marian nous a ensuite emmenés dans louest du pays :



    « Rendez-vous à présent dans une ville à côté de Cluj, dans louest du pays. Jai choisi de vous présenter deux types de spas, mais il en existe tant dautres ! Laissez-moi dabord vous présenter le rituel de « Pureté dans la lande de la rivière Mureş », qui dure deux heures. Il commence par un gommage au sel de la mine de Praid mélangé à des plantes médicinales locales et à de lhuile. Le gommage est suivi dun masque à largile blanche de Raciu, unique au monde par ses 41 minéraux et oligoéléments et que lon mélange à de leau de source. Le tout se termine sur un massage à lhuile de lavande. Ce rituel a des vertus relaxantes et contribue au bien-être de la peau. Le second soin, nommé « Fraîcheur des Monts Apuseni », dure lui aussi deux heures. Il comprend un bain de plantes médicinales des Monts Apuseni, cest-à-dire un mélange de bourgeons de sapin, daubépine, dabsinthe, de sauge et de millepertuis. Le bain est suivi dun masque à largile blanche, riche en calcium. On la mélange à du miel et à de la gelée royale. Le soin se termine par un massage énergisant à lhuile de menthe, afin de ressentir la fraîcheur des Monts Apuseni. Ce soin est revigorant et connu pour ses vertus cicatrisantes et régénératrices. »



    Ioana Marian nous aide à découvrir la Roumanie au travers de ces rituels de soin :



    « Je serais ravie que les auditeurs tentent lexpérience en partant en vacances pour profiter de ces soins. Lobjectif est de se reposer dans lun des spas du pays et de participer à lun de ces rituels, car il y en a beaucoup ! Je vais maintenant vous parler de Poiana Braşov, ou vous pouvez découvrir le soin appelé « La Clairière ensoleillée ». Il comprend un massage avec des oreillers chauffants et parfumés avec des fleurs diverses – foin, myrtillier, marguerites et autres. Les coussins chauffants sont appliqués sur différentes parties du corps pendant le massage. Cela permet de détendre les muscles, tout comme les huiles essentielles qui agissent subtilement, mais en profondeur. Je vous donne un dernier exemple de station balnéaire où vous pourrez profiter à la fois des eaux thermales riches en soufre et dun massage énergétique. Il sagit de la station de Băile Herculane et du soin que lon appelle « Hercule, cest moi ». Un soin pour homme revitalisant. Mais il existe une autre variante destinée aux femmes appelé « Le rituel dAphrodite ». Il propose une séance de plusieurs saunas avec des herbes locales – basilic, sauge, romarin, serpolet -, et un massage au miel. »



    A loccasion du Global Wellness Day (la Journée mondiale du bien-être), le mois de juin nous réserve comme toujours bien des surprises. Ioana Marian nous en dit plus :



    « La Journée mondiale du bien-être a lieu en juin. Cette année ce sera la 11. Nous encourageons tous les auditeurs à participer. Les nombreux spas offriront une kyrielle dexpériences bien-être : des soins spa ou plutôt de mini-thérapies spa, mais aussi des exercices, de yoga, détirement, des activités diverses et des ateliers variés autour du bien-être. Nous publierons le programme, probablement courant mai, pour que chacun puisse sinscrire à temps. »



    Persuadés que le bien-être peut être lun des atouts de la Roumanie, nous ne manquerons pas de tester les recommandations de notre interlocutrice. Et vous ?


  • Le rituel des Paparude …

    Le rituel des Paparude …

    La tradition des Paparude est spécifique des régions de la Roumanie où jadis lon pratiquait lagriculture intensive, à savoir dans les zones de plaine, comme celle du Danube, mais aussi dans les vallées des rivières de Transylvanie, du Banat ou de Crișana. Elle était rigoureusement respectée dans les communautés archaïques, afin que les terres agricoles reçoivent des quantités optimales deau apportées au printemps par la pluie. Les étapes et lorganisation de la fascinante procession des Paparude étaient très strictes, ce que nous raconte en détail lethnologue Florin Ionuț Filip-Neacșu.



    « Ce rite remonte à la nuit des temps et il existe tout un débat entre ethnologues et ethnographes roumains et étrangers sur la question de ses origines. On pense que cest une vieille tradition préchrétienne par laquelle on invoquait une divinité marine. Les Paparude représentaient ainsi une cérémonie consacrée à la pluie durant les périodes de sécheresse. Dans les écrits conservés de Descriptio Moldaviae, de Dimitrie Cantemir, on voit quil sagit dun groupe de jeunes filles dirigées par une femme plus âgée, elle aussi une paparudă dans sa jeunesse. Elles étaient sommairement habillées et recouvraient leur corps dun vêtement fait de feuilles darmoise et dautres plantes qui poussaient au bord de leau. Les chansons accompagnaient la constitution dun cortège funèbre qui allait noyer une poupée réalisée en pailles et en argile, incarnant la sècheresse et la fin de celle-ci grâce au retour des pluies. »



    La manifestation publique du rituel des Paparude est similaire à la pratique du colindat, qui consiste, notamment pour les enfants, à aller de porte en porte pour annoncer par des chants la Nativité ou encore larrivée du Nouvel An. Le nombre de personnes qui participent au convoi peut varier, mais il est obligatoire quau moins une ou deux dentre elles portent des costumes traditionnels de feuilles ou de guirlandes de hêtre, de chêne, de noisetier et des rubans rouges. Dans cette danse rudimentaire les femmes tapent des mains en prononçant une incantation. Le groupe arpente les rues du village et se laisse asperger deau par les habitants, notamment par des femmes, entrant par la suite chez ceux qui leur offrent symboliquement des œufs, de la farine de maïs, du lait ou des bretzels roumains. Parfois, dans certaines régions du pays, on donne aux Paparude en guise de récompense de vieux vêtements ayant appartenu aux défunts. Cet aspect rattache la tradition des Paparude à un ancien culte des morts. Florin Ionuț Filip-Neacșu nous en offre encore plus de détails:



    « Les villageois attendaient le cortège devant leur porte avec des seaux remplis deau et lui lançaient de largent, des fruits ou des fleurs. Daprès certains écrits conservés, le groupe des Paparude se serait constitué comme une fratrie initiatique qui déposait un serment, et le cortège avait une structure hiérarchique. Il nous reste beaucoup dimages de cette cérémonie. Aujourdhui encore, en temps de grande sècheresse, dans les villages de Roumanie, des vestiges de cette coutume refont surface, sous la forme dun jeu denfants. »



    Autrefois il était nécessaire que tous les membres de la communauté y participent et, le plus important, que personne ne soit vexé sil finissait par être trempé de la tête aux pieds. Les conflits étaient considérés néfastes et auraient eu le pouvoir dannuler les effets du rituel.


    (Trad. Ilinca Gângă)


  • Les rites de Nouvel An

    Les rites de Nouvel An

    Sans égard pour la langue, la culture ou le fuseau horaire, la nuit qui marque le passage à la nouvelle année est un moment particulièrement festif pour tout un chacun. Que ce réveillon soit passé en famille, entre amis ou, tout simplement, à la belle étoile, il nen reste pas moins quil demeure toujours un moment privilégié, une occasion de faire la fête et de se réjouir. Dans certaines régions de Roumanie pourtant, les traditions anciennes gardent entier leur pouvoir de séduction, et se perpétuent de la sorte, de génération en génération, faisant fi de lacception moderne de lexpression « faire la fête ». Selon ce rituel, le repas de Nouvel An se rapproche de son acception sacrée. Sabina Ispas, directrice de lInstitut dethnographie et de folklore « Constantin Brăiloiu » de Bucarest, détaille au micro de Radio Roumanie :



    « Le rituel du Nouvel An suit une série dactions de nature cérémoniale, bien que festives. Prenons le rituel de la « sorcova », très prisé par les petits, qui vont souhaiter, à laide dun rameau fleuri, utilisé en guise de baguette magique, le bonheur à leurs proches, en prononçant une sorte dincantation versifié, dont les vers sont hérités de génération en génération. Même chose au sujet de la cérémonie du Pluguşor, pratiquée par les jeunes hommes mariés du village, avec sa version pour les enfants, qui se déplacent en groupe, de foyer en foyer, pour prononcer des vœux, censés assurer la protection du foyer et de ses hôtes, et la richesse de la récolte au printemps. Ces rituels font partie de la famille de ce que lon appelle les « colinde » (cantiques populaires), censés chasser la peur, la malédiction et le péché, et qui, dans certaines régions, ne prennent fin que le 7 janvier, à la Saint Jean. »



    Dans certaines régions reculées, à la campagne notamment, les gens croient encore dans les vertus particulières du jour de lAn, perçu comme un moment qui permet un accès plus aisé au divin, au miracle, à lau-delà. Et, en effet, selon la tradition, il sagit dun moment charnière, dun temps suspendu, chargé de pouvoirs magiques, aussi bien pour lindividu, que pour la communauté dans son entièreté. Sabina Ispas :



    « Pour les gens, lors des fêtes de Noël et du Nouvel An vécues dans la tradition, cest comme si les cieux souvraient. Cela renvoie au concept de théophanie, selon lequel la volonté divine se manifeste, devient compréhensible et accessible. A ce moment, le divin descend sur terre, se répand, se fait connaître aux êtres humains. Ce sont des instants particuliers, lors desquels les hommes peuvent connaître la volonté divine, ce que présage la nouvelle année, qui vient de commencer. Les gens perçoivent cela non pas comme une sorte de sorcellerie ou de magie, mais véritablement comme un message qui leur est transmis par Dieu lui-même, et qui leur devient accessible, lisible et compréhensible. »



    Si de nos jours lon chasse lannée qui vient de sachever à coups de feux dartifices, cétait par le bruit des fouets qui claquaient, maniés adroitement par les jeunes des villages, que lon chassait autrefois lannée qui brulait ses derniers feux. Les cris aigus que lon entendait à loccasion avaient par ailleurs pour fonction de rétablir, pour lannée qui venait de commencer, les rapports déquilibre entre les hommes. Delia Şuiogan, ethnologue à lUniversité de Nord de Baia Mare :



    « Une coutume bien suivie autrefois était de produire ces cris aigus que lon entendait de loin, à travers le village. Cette coutume visait les jeunes filles et les jeunes hommes en âge de se marier, et qui ne létaient pas encore. Daucuns pensaient que ce rituel avait pour objectif de tourner en ridicule, voire de punir ces jeunes gens qui tardaient à prendre leurs responsabilités. Il nen est rien. Mais il sagit en effet dun rituel censé les pousser à prendre leurs responsabilités. Car, dans les communautés traditionnelles, il fallait se ranger à temps. Sécarter du chemin tracé signifiait mettre en danger la communauté dans ses fondamentaux. Il sagit donc dun rituel voué à défendre la communauté. Toujours au Nouvel An, lon remarque le rituel du pardon universel. Ceux qui sétaient disputés devraient se pardonner, en se serrant les mains au-dessus du pain béni à Noël. Au fait, il sagit de rituels qui témoignent dun désir de concorde, de faire la paix, de rétablir lunité de la communauté. Par lintention qui les sous-tende, il sagit dactes éminemment positifs et, au demeurant, très beaux dans leur expression. »



    Quoi quil en soit, les cérémonies qui accompagnent le passage dune année à lautre ont un double rôle. Il sagit tout dabord, en quelque sorte, d« enterrer » lannée qui vient de sachever, ensuite de fêter la naissance de la nouvelle, de léternel recommencement. Les masques quenfilent les joueurs des « colinde » protègent de laction des esprits maléfiques. Danciennes « colinde » renvoient par ailleurs à des rituels de fertilité ancestraux. En Bucovine, les jeunes gens qui vont chanter les « colinde », se déplaçant de maison en maison, vont dabord enfiler des costumes représentant des personnages ou des créatures fantastiques. Parfois les villageois les suivent et forment ensemble une sorte de cortège de carnaval, qui passe au milieu du village, avant de sarrêter aux portes pour chanter les « colinde ». Et le cortège se pare alors dun air joyeux, parfois loufoque, sinon carrément exubérant.



    Certes, fin 2020, les cortèges de Nouvel An seront sans doute bien moins étoffés que de coutume, pandémie oblige. Il nen reste pas moins que les ressorts intimes de ces traditions millénaires vont demeurer les mêmes. Pourvu que ça dure.


    (Trad. Ionuţ Jugureanu)


  • La Saint Ignat

    La Saint Ignat

    En décembre, au fur et à mesure que Noël approche, les préparatifs des
    fêtes commencent. Si, en ville, tous les commerces se disputent les meilleures
    offres, dans les communautés traditionnelles d’autrefois chaque instant était
    pensé en relation avec le solstice d’hiver qui approchait. Que la Saint Ignat soit
    reprise comme un ancien rituel de sacrifice ce n’est pas un hasard, explique






    Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare : « Bien
    sûr, nous assistons encore une fois à un chevauchement d’une fête préchrétienne
    avec une fête chrétienne. Il faut dire dès le début que c’est une fête très, très
    ancienne et que ce jour était célébré chez beaucoup de peuples : chez les
    Grecs, les Romains et les Slaves. Nous, les Roumains, conservons à ce jour de
    nombreux éléments, préservés notamment des Daces et des Romains. Pendant cette
    période, les Daces et les Romains célébraient un dieu du feu. Ce n’était pas un
    dieu quelconque, mais celui du feu domestique, terrestre, un dieu du feu
    sacrificiel. Ce jour-ci, les deux peuples sacrifiaient un cochon. Entre le 17
    et le 30 décembre, les Romains célébraient les Saturnales, les jours du dieu
    Saturne, lorsqu’une truie était sacrifiée du 19 au 20 décembre. L’animal devait
    être de couleur blanche, car le dieu eu du feu était en même temps le dieu du
    soleil. »







    Le sang est un symbole de la vie et de la purification, de la renaissance
    de l’être humain sous le signe du bien. La lumière et la chaleur, des éléments
    solaires, l’accompagnent ainsi tout au long de l’année suivante. La Saint Ignat
    est avant tout une tradition du sacrifice animal. Dans de nombreuses
    communautés traditionnelles de Roumanie, les rituels d’aujourd’hui ont survécu
    pendant des siècles, malgré le fait que la société moderne condamne de plus en
    plus ce type de pratiques, affirme Delia Suiogan : « La Saint Ignat
    est mieux connue dans la région extra-carpatique de Roumanie. Elle est
    également attestée à l’intérieur de l’arc des Carpates, dans les anciens
    recueils de folklore, mais elle est entrée dans une mémoire passive. On en sait
    moins sur la Saint Ignat comme fête préchrétienne et davantage depuis la
    perspective religieuse. Chez les Roumains de l’extérieur des Carpates, c’est
    une fête très suivie et qui s’appelle l’Ignat des cochons. Le 20 décembre, on
    sacrifie le cochon. La race de l’animal à abattre est très importante, il faut
    que ce soit un cochon noir ou un cochon blanc. Le cochon noir est sacrifié si
    l’on veut utiliser le sang et le saindoux pour toutes sortes d’incantations et
    de remèdes contre les maladies. Mélangé avec de la farine d’avoine, le sang de
    porc noir pouvait être utilisé comme remède toute l’année suivante, par tous
    les membres de la famille tombés malades. Il semble avoir été un remède très
    bien conservé dans la mémoire du paysan roumain. Le saindoux de porc noir,
    mélangé avec une grande variété de produits naturels, était utilisé pour
    fabriquer toutes sortes de pommades. »

    En Europe, la
    Saint Ignat est respectée que par les Roumains et les Aroumains. À présent, les
    habitudes culinaires roumaines autour de Noël impliquent la préparation de
    plusieurs charcuteries et plats à base de viande de porc, tels que les
    saucisses, les sarmale (mélange de viande de porc hachée et de riz, enveloppé
    dans des feuilles de choucroute), la piftia (porc en aspic) et le caltaboş (une
    saucisse plus spéciale, que l’on fait bouillir). (Trad. Felicia Mitrasca)






  • Le Caloian

    Le Caloian

    Jadis, dans la campagne roumaine, dans la période comprise entre Pâques, lAscension et la Pentecôte, les pratiques agraires marquaient le début dun nouveau cycle annuel. Le principal intérêt des communautés rurales était dobtenir des récoltes aussi riches que possible. Et elles nhésitaient pas à faire appel aux rituels. Par exemple, dans le sud et le sud-est de la Roumanie, dans des régions vouées à la sécheresse telles lOlténie, la Munténie ou encore la Dobroudja, la pluie était invoquée par le biais dun personnage appelé Caloian, une tradition qui existe encore de nos jours. Pour plus de détails, nous invitons au micro Delia Suiogan, ethnologue à lUniversité du Nord de Baia Mare:



    « Tous les mardis et les jeudis entre Pâques et la Pentecôte sont marqués par des rituels, strictement observés afin davoir des récoltes riches. La fête de Saint Georges (célébrée le 23 avril) marque le début de lannée agraire et pastorale. Par conséquent, toutes les fêtes qui senchaînent après sont des célébrations de la richesse de lannée, tant pour les cultures que pour lélevage des animaux. Le 3e mardi après Pâques est le jour dun rituel très ancien, aux origines daciques : le Caloian. Cest un rituel dinvocation de la pluie fondé sur un rite solaire de lantiquité. Cette fête est marquée notamment à lextérieur de larc des Carpates roumaines, elle na pas dattestation documentaire exacte à lintérieur de larc. Quest-ce que le Caloian ?


    Cest un rituel par lequel, le matin du 3e mardi daprès Pâques, les jeunes filles confectionnent une poupée en terre glaise. Une fois la poupée terminée et séchée au soleil, le mardi suivant, les jeunes filles et les vieilles femmes du village forment un cortège et portent cette poupée appelée le Caloian près dune rivière, où elles lenterrent. Elles la pleurent comme si cétait une vraie personne. Leur geste symbolise « lenterrement du père du soleil », dans lespoir que le soleil arrêtera de briller pour quelques instants et laissera la place à la « mère de la pluie ». Le jeudi qui suit ce mardi symbolique, la poupée est retirée de terre et cassée en plusieurs morceaux que lon jette par la suite dans la rivière. »



    Souvent, cette poupée anthropomorphe en terre glaise est décorée des coquilles dœufs rouges peints à Pâques. Des fois, on lui confectionne même un cercueil en bois en miniature, porté à la rivière par le cortège des femmes. Evidemment, le rituel du Caloian varie dune région du pays à lautre. Par endroits, la poupée est enterrée au croisement des routes importantes du village ou bien aux confins du village, justement pour faire référence directe à la frontière entre le monde réel et celui de lau-delà.



    Dailleurs, lenterrement du Caloian respecte toutes les normes dun enterrement réel, étant suivi par un repas charitable. Les jeunes filles se réunissent dans une maison, où elles apportent de la nourriture et organisent une sorte de veillée.



    Il faut dire aussi que parmi tous les rituels de passage, lenterrement est, sans doute, le plus complexe. Il se fonde sur la conception religieuse de la communauté qui le pratique, mais aussi sur la vision de cette dernière sur la vie et sur la mort. La culture traditionnelle roumaine part de lidée que lhomme ne meurt pas, il passe dans une autre dimension. Il en va de même pour la notion de temps. Par conséquent, par le biais de lenterrement symbolique du Caloian, le temps est renouvelé.



    Avant de terminer, précisons que la signification profonde de ce rituel nappartient pas exclusivement à lespace roumain. Ses racines sont à retrouver dans un rituel romain dinvocation du dieu Jupiter en tant que maître de la pluie, mais chaque communauté le décline à sa manière, selon ses spécificités culturelles. (Trad. Valentina Beleavski)


  • La danse des Paparude

    La danse des Paparude

    Nous découvrons cette fois-ci un autre rituel censé assurer le bon fonctionnement de la vie des communautés traditionnelles. Un rituel très populaire au commencement de l’été, car c’était le début de l’année agraire et les anciens fermiers tentaient de convaincre la nature à protéger leurs récoltes d’automne. Et comme la sécheresse est le pire ennemi de la récolte, invoquer la pluie était un geste absolument nécessaire. Dans la campagne roumaine, un des rituels les plus répandus pour invoquer de la pluie s’appelle les « Paparude ». En fait, il s’agit d’une danse. Plusieurs personnes parcourent le village. Au moins une ou deux portent des masques spécifiques, étant couvertes de feuilles et de guirlandes de hêtre et de chêne et de rubans rouges. Leur danse est rudimentaire : les gens frappent dans leurs mains au rythme de tambours improvisés de poêles et récitent une incantation. C’est la danse des Paparude.

    Davantage de détails sur ce rituel, avec Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare : « La forme la plus ancienne de ce rituel attestée dans la tradition roumaine parle de la fabrication d’une poupée, le plus souvent en tissu. La poupée est ensuite fixée sur un squelette en bois. C’est la représentation d’une divinité féminine, une vielle femme en fait. Elle a la capacité de communiquer avec le macro-cosmos et d’attirer ainsi la pluie. Cette poupée s’appelle d’ailleurs « la mère de la pluie ». Les jeunes filles et les vieilles femmes dansent avec cette poupée pour invoquer la pluie. Chacune porte un seau rempli d’eau dans la main et arrose toute personne qu’elle rencontre sur son chemin. Il faut absolument arroser la poupée aussi, pour que son pouvoir se répande sur les autres.»

    Au début du 18e siècle, le prince moldave Dimitrie Cantemir, encyclopédiste et ethnographe, décrivait la danse des Paparude comme un jeu d’enfants en Europe du sud-est. Une manifestation collective, publique, un acte magique censé attirer certains phénomènes météorologiques. Comme toute tradition, ce rituel se décline différemment, selon les régions.

    Delia Suiogan explique : « On dit que ce jour-là, les femmes se voient pardonner toute erreur. Les hommes n’ont pas le droit de se fâcher s’ils sont arrosés, car toute colère peut annuler la pluie. Trois jours plus tard, la poupée est déchirée, car la pluie en excès n’est pas bonne non plus. Cette « mère de la pluie », on ne la laisse agir qu’une période de temps limitée. En Dobroudja (sud-est) il existe une autre variante de cette coutume selon laquelle une jeune fille de moins de 14 ans est vêtue de feuilles vertes. Même ses yeux sont couverts de feuilles. Cette poupée vivante est portée à travers le village et tout le monde doit l’arroser. »

    Des danses similaires existent chez d’autres peuples de l’Europe du sud-est et dans les Balkans, notamment en Hongrie, en Serbie et en Bulgarie. Jadis, c’était une danse d’enfants ayant une jeune fille pour protagoniste. Par la suite, d’autres formes ont vu le jour, les femmes et les hommes ayant rejoint la danse. De nos jours, ce rituel n’est plus respecté. Les Paparude restent une légende, une histoire ou sont souvent transformées en spectacle. (Trad. Valentina Beleavski)

  • L’univers de Noël (1)

    L’univers de Noël (1)

    Cest Noël au Café des francophones. Cest Noël un peu en avance, car nous voulons pleinement profiter des fêtes de fin dannée. Tout un mécanisme symbolique se met en marche, mais sait-on vraiment ce que l’on fête? Cette semaine nous allons parler des origines d’un des moments festifs les plus importants sur la planète, de ses significations éclipsées par le côté commercial de cette fête, si prononcé dans le monde occidental. Sagit-il dun rituel pour conjurer le sort ? Ou pour renforcer les liens sociaux ? Pour en parler nous recevons Nadine Cretin, docteur en histoire et spécialisée dans lhistoire des traditions.


  • Les «căluşari» et leur danse

    Les «căluşari» et leur danse

    Dérivé du mot latin «caballus» qui signifie cheval, «căluş» est un mot roumain qui désigne la danse traditionnelle de l’homme – cheval. Les danseurs, exclusivement des hommes, sont appelés « căluşari ». Les origines de la danse sont à retrouver dans un rite de fertilité païen, dont le but était d’apporter la chance, la santé et le bonheur dans les villages où il était pratiqué.

    De nos jours, ce rituel est de plus en plus rare. C’est une danse traditionnelle connue perpétuée sous forme de spectacle, mais ses liens avec les rites anciens sont tombés dans l’oubli. Peu de Roumains savent encore que la danse des « căluşari» est spécifique à la fête de la Pentecôte. En tant que personnages, les « căluşari » jouaient un rôle précis, étroitement lié à d’autres personnages mythiques, comme les sirènes.

    Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, explique : «Les participants à la danse des « căluşari » changent complètement de statut au moment où ils acceptent de faire partie du groupe des « căluşari ». Ils jouent un rôle qu’ils doivent assumer complètement. Entrer dans le groupe des « căluşari » signifie renoncer à sa nature humaine pour se transformer en un personnage mythique, ayant une fonction magique bien précise. C’est pourquoi le groupe des « căluşari » prête un serment qu’il doit respecter à tout prix et porte toujours un drapeau. Sans ce drapeau la danse ne peut pas être réalisée, c’est le symbole d’un axis mundi autour duquel les danseurs forment un cercle magique. Par ailleurs, les « căluşari » sont les seuls capables de guérir les jeunes hommes charmés par les sirènes, ces personnages maléfiques, avec des pouvoirs extraordinaires.»

    Le groupe de « căluşari » a toujours un nombre impair de danseurs. Au début il y en avait 5, puis – 7, puis – 9, pour arriver ensuite à 12, soit le nombre des mois de l’année. Deux danseurs dirigent le rituel. L’un est muet, l’autre porte le drapeau et commande le groupe.

    Delia Suiogan nous en dit davantage: «Le drapeau est érigé la veille de la Pentecôte et il comporte 9 plantes magiques, dont les plus puissantes sont l’ail et l’absinthe. Toutes les femmes qui participent à la danse des « căluşari » tentent de voler ces plantes qui pouvaient guérir des maladies quasi incurables, que les gens redoutaient dans l’antiquité. »

    Sauts à la verticale et à l’horizontale, cercles rapides : les mouvements des « căluşari » sont spectaculaires. Mais l’aspect le plus important, c’est l’appartenance à un groupe aux pouvoirs miraculeux. C’est justement pourquoi ce rituel figure depuis 2005 sur la liste du Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO. (Trad. Valentina Beleavski)

  • En boîte de nuit avec les pleureuses

    En boîte de nuit avec les pleureuses


    L’UE s’est donné pour objectif de réduire à moitié le nombre de victimes des accidents de la route d’ici 2020 dans tous les 27 Etats membres. Une première étape serait d’identifier les différents facteurs qui influent sur le nombre total de morts sur les routes. Il s’agit, notamment, de l’excès de vitesse, de la consommation dalcool ou de drogues ou du manquement à une règle de priorité. La Roumanie a démarré récemment une série de campagnes de sensibilisation de l’opinion publique afin de réduire le plus possibles le nombre de morts sur les routes.


    Réunies sous le slogan « Va pour la vie !», les campagnes initiées par l’Inspection générale des services de police de Roumanie, en partenariat avec l’agence Publicis, se proposent d’éduquer chauffeurs et piétons à la fois, en faisant recours aux figures des trois des grands dictateurs de l’humanité. Avec des détails, Silviu Nedelschi, directeur de création chez Publicis: « Nous avons pris trois des personnages les plus odieux de l’histoire mondiale – Staline, Hitler et Saddam – et les avons collés sur un pare-brise comme s’ils avaient été percutés de plein fouet par une voiture. En fait, l’idée est qu’un tel accident ne serait jamais possible puisque la victime s’avère toujours un innocent et jamais le plus affreux personnage historique. C’est, si vous voulez, un autre moyen censé attirer l’attention des chauffeurs qui, faute de vigilance, risquent de heurter un innocent. »


    Il a suffi de deux jours pour que les images des dictateurs collées sur le pare-brise fassent le tour du monde. Ensuite, la campagne de prévention des accidents de la route s’est poursuivie avec quelque chose d’encore plus dur: une vidéo tournée un samedi soir, devant une boîte de nuit de Bucarest. Un groupe de pleureuses planté devant l’entrée accompagnait les clients plus ou moins beurrés jusqu’à leurs voitures, avec des cris et des vers spécifiques des rituels funéraires: « Tu as bu et tu vas prendre le volant? Pourquoi veux-tu nous quitter? Pourquoi gis-tu dans la rue, mon Dieu? Vas t’en, diable maudit/ C’est bien toi qui a laissé couler le venin de l’alcool dans ses veines/ Tu l’as emporté loin de la lumière et tu l’as forcé à entrer dans la voiture/ Oh, mon Dieu, serre-le dans tes bras et pardonne-lui le fait d’avoir bu et d’avoir pris le volant/ Pourquoi nous as-tu quittés ?/ Mon Bon Dieu, ait pitié de lui. »






    Si les lamentations des pleureuses s’avèrent insuffisantes pour vous faire renoncer à la voiture après avoir consommé de l’alcool, les initiateurs de la campagne publicitaire ont imaginé quelque chose d’encore plus frappant: une serviette brodée, nouée autour du rétroviseur extérieur de l’auto selon la tradition dicté par le rituel funéraire chez les Roumains. Aux dires du sous-commissaire de police Cristian Andries, la campagne, lancée sur la Toile avant la saison estivale 2012, a profondément marqué les internautes: « Nous essayons de convaincre tous les participants au trafic routier d’avoir un comportement responsable et de circuler de manière préventive. Beaucoup d’accidents de la route se produisent sur fond de consommation d’alcool et nous avons pensé à mettre sur pied cette campagne pour faire baisser le nombre de ces événements. Nous l’avons lancée exactement au moment où la plupart des jeunes se rendaient au bord de la mer Noire pour le 1er mai, justement pour les faire réfléchir un peu et saisir l’essentiel : ne conduisez pas l’automobile après avoir bu de l’alcool. Par ailleurs, cette campagne ne s’adressait pas uniquement aux jeunes, mais à tous les automobilistes. Certains ont aimé cette idée et ceux qui ont vu la vidéo ont retenu notre message. »


    Andrei Daniluc, rédacteur publicitaire principal, souligne que ce moyen de communiquer le message « ne prends pas le volant si tu as bu » a été une bonne occasion de dire les choses d’une manière différente des campagnes habituelles de la Police : « Les gens connaissent les campagnes de sensibilisation classiques de la police : ne boit pas, ne conduis pas, ne frappe pas ta conjointe, ne fait pas ça. C’est comme un parent qui dit « ne fait pas ça parce que tu auras des ennuis. » Nous avons pensé qu’en modifiant un peu l’angle, la Police ne fait qu’améliorer son image. Le monde dira « eh bien, voilà qu’ils commencent à se moderniser, ils ne se résument pas aux interdictions. » Je crois que la campagne a eu tant de succès en raison de la manière dont les choses ont été dites. Ce qui plus est, c’est une pratique typiquement roumaine, parce que je n’ai pas entendu qu’il existe ailleurs cette tradition des pleureuses professionnelles. Chez nous c’est une pratique qui remonte à la nuit des temps et je crois que c’est ainsi que s’explique pourquoi elle fonctionne toujours. Nous les approchions à la sortie de la boîte, quand ils devaient faire le choix entre prendre le volant, partir en covoiturage avec un ami ou appeler un taxi. Nous avons utilisé deux moyens de communiquer le message : le premier, les pleureuses. Si cela ne fonctionnait pas, les gens trouvaient des serviettes accrochées à leurs rétroviseurs extérieurs. Et là, ils tombaient sur un autre avertissement. Mais ce furent les pleureuses qui ont eu l’impact le plus fort. »


    Une autre vidéo qui a fait fureurs sur Internet présente une série d’images de chiens communautaires qui utilisent les passages piétons pour traverser la route. Le message est simple : s’ils peuvent faire ça, tu peux le faire aussi. C’est ainsi qu’a été analysée une autre cause majeure des accidents de la route : « Les piétons indisciplinés qui traversent la rue partout constituent une des principales causes génératrices d’accidents graves de la route en Roumanie. Depuis quelques années, la vitesse et les piétons indisciplinés occupent les deux premières places au classement des causes des accidents. Nous parlons d’une campagne inédite, mais nous espérons que la réaction du public soit positive, qu’il comprenne exactement le message : il faut traverser la rue sur un passage piétons. »


    L’année dernière, ont été enregistrés environ 9300 accidents de la route qui ont fait aussi des victimes. Aux dires du commissaire adjoint Andries, par le biais de campagnes mémorables, l’Inspection générale de la police roumaine espère que le nombre des accidents baisse de plus en plus, tout comme celui des familles vivant des drames. (trad.: Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)