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  • Le Romantisme et l’idée nationale

    Le Romantisme et l’idée nationale

    Le Romantisme a été le courant littéraire et artistique qui a placé l’ethnicité et la langue d’un peuple au centre de l’existence humaine. Produit de la pensée européenne occidentale, le romantisme a souvent été interprété comme une réaction à l’universalisme et au cosmopolitisme du classicisme. La tradition, le passé et la langue d’une communauté ont été les points d’appui de la vision romantique du monde, tandis que l’Etat national a été l’expression politique des idées romantiques.



    Le romantisme roumain n’y a pas fait exception, étant la première mise en accord de l’espace roumain avec les idées venues d’Occident. Les influences du courant romantique dans les trois principautés roumaines ont connu deux origines : française en Moldavie et en Valachie, allemande en Transylvanie.



    L’historien de la littérature Ioan Stanomir explique le projet romantique et sa réception dans l’espace roumain : « Dans l’espace européen et dans celui roumain, le romantisme projette une nouvelle image des communautés ethniques, qui est une réinvention de leur identité. L’exploration d’un patrimoine archéologique et culturel est le point de départ d’un parcours qui aboutit à la création d’un panthéon des pères de la nation et des modèles de celle-ci. C’est un type de démarche produit à l’Ouest de l’Europe, qui arrive particulièrement tard dans l’espace roumain.



    Du point de vue de la pureté esthétique, le romantisme roumain est éclectique et composite. Parmi nos hommes de lettres romantiques, il y en a qui ont écrit aussi des pages classiques — Grigore Alexandrescu en est un exemple. D’autres commencent par le romantisme et finissent dans le classicisme, comme ce fut le cas de Vasile Alecsandri. Les vrais romantiques ne sont pas nombreux et souvent leur démarche est dissonante et illisible pour les lecteurs actuels — à l’exemple de CA Rosetti. Le romantisme roumain suit la recette européenne de la réinvention de soi, avec tout un inventaire d’images, ruines, ancêtres et faits d’armes passés. »



    Pour la construction et la modernisation de l’Etat, les élites de Valachie et de Moldavie ont choisi le romantisme français comme solution, tandis que les Roumains de l’Empire autrichien ont fait le choix du modèle romantique allemand : «La principale différence entre les deux romantismes réside dans la définition de la nation. Le romantisme allemand était organiciste, conservateur et xénophobe, son influence étant visible moins chez les révolutionnaires de 1848 que chez Eminescu.



    En Transylvanie, ce qui se fait sentir ce sont l’influence de l’illuminisme de type joséphiniste et la contamination avec l’idéologie révolutionnaire. Mais, en Transylvanie, la révolution est paradoxale, car, en termes européens, c’est une contre-révolution en réaction aux excès xénophobes d’une révolution européenne par excellence, comme ce fut celle hongroise. »



    La révolution de 1848 a été le point culminant des manifestations du romantisme roumain. Elle a donné le coup d’envoi des réformes et de la modernisation de l’espace roumain. L’historien Ioan Stanomir explique : « Le romantisme roumain s’exprime à travers le mouvement de 1848, et tous les personnages présents dans ce tableau de famille ont fait de la politique, avec plus ou moins de panache. Ils ont créé des sociétés culturelles et littéraires, des sociétés secrètes actives en exil, et puis, de retour d’exil, ils s’impliquent dans ce qu’il restait encore à faire au pays, cette génération s’épuisant vers les années 1860-1870.



    Certains romantiques entrent dans un cône d’ombre, comme c’est le cas par exemple de Heliade Radulescu. Nicolae Balcescu, celui qui allait être utilisé par la propagande du régime communiste roumain, connaît lui, une mort héroïque; d’autres romantiques abandonnent la carrière littéraire pour se dédier entièrement à la politique, comme ce fut le cas de C.A. Rosetti. Il y en a aussi qui suivent l’exemple de Cezar Bolliac, est plutôt journaliste que poète. C’est une image de famille qui se confond avec ce que l’historien et critique littéraire roumain Paul Cornea appelait les hommes du début du chemin. »



    Le romantisme est devenu entre temps un modèle culturel, un point de repère. C’est ainsi qu’est née la culture standardisée ou la norme : « Si nous parlons d’une certaine perception mécanique et déformatrice, je mentionnerais Dimitrie Bolintineanu. Il est connu surtout pour ses légendes historiques, petit manuel de patriotisme à l’usage de la génération de ’48. Les légendes historiques ont réussi à être un précis de conduite et à immortaliser certaines figures de l’histoire, leur conférant une image mythologique.



    Ce que l’on a oublié c’est justement l’œuvre romantique la plus profonde et vibrante de Bolintineanu, le poème « Conrad », petit équivalent roumain du « Pèlerinage de Childe Harold » de Byron. D’ailleurs, la création de Byron a donné naissance à tout un courant auquel les romantiques roumains n’ont pas pu échapper.»



    L’Unité nationale a été la clé de voûte de la modernisation et de l’émancipation nationale proposée par le romantisme, affirme Ioan Stanomir : « L’Unité nationale est un concept qui doit son existence au discours de la génération de 1848. La figure emblématique et devenue aussi canonique du prince Mihai Viteazu, celui qui a réalisé la première Union des trois principautés roumaines, est l’invention de Florian Aaron et de Nicolae Balcescu et de Gheorghe Bibescu, celui qui utilisait la cape du voïévode lors des cérémonies officielles. La conscience nationale est une formule anachronique que nous utilisons pour nous expliquer des comportements sans aucun rapport avec le poids qui leur a été conféré ultérieurement.



    Les romantiques de 1848 ont sans nul doute voulu une union des principautés roumaines. Mais pour ce qui est de la Transylvanie et du Banat, les choses étaient compliquées parce que dans ces deux régions il y avait un courant fédéraliste tourné plutôt vers l’Europe Centrale et moins vers les Carpates. N’oublions pas que la relation des romantiques de Transylvanie et du Banat avec l’Empire autrichien a été plutôt compliquée. Nombre d’entre eux ont servi l’empire afin de tenir tête au républicanisme hongrois. »



    Le romantisme a été un courant artistique, un modèle politique et une tendance sociale basée sur des émotions. Ces traits lui ont conféré une image positive, qui perdure de nos jours encore, près de deux siècles après son apparition. (trad. : Ileana Taroi)

  • La Journée de la Culture nationale

    La Journée de la Culture nationale

    C’est en 2010 que le 15 janvier — date de naissance, il y a 165 ans, du poète national de la Roumanie Mihai Eminescu, a été aussi déclaré Journée de la Culture nationale. Depuis, les deux fêtes sont marquées, chaque année, par des réunions solennelles, concerts, expositions, lancements de livres ou projections de films organisés dans toutes les institutions culturelles du pays et dans les centres culturels roumains de l’étranger.



    Dans une interview à Radio Roumanie, le ministre de la Culture, Ioan Vulpescu, rappelait: «C’est une heureuse coïncidence que de célébrer la date de naissance de Mihai Eminescu comme Journée de la Culture nationale. C’est le résultat d’une initiative de l’académicien Eugen Simion, approuvée par le Parlement de la Roumanie, et qui s’est transformé depuis en un vrai repère. Il faut dire que peu d’initiatives culturelles ont réussi à prendre tellement vite des racines aussi profondes dans notre société! Je constatais, l’autre jour, que les librairies de Bucarest se préparaient à cette grande fête de la culture. J’ai vu des vitrines thématiques, avec de nombreux volumes d’Eminescu, ou sur Eminescu. Et puis, d’autres événements ont également lieu sur ce même thème. »



    Souvent sous-financée, la culture fait figure de Cendrillon depuis la chute du communisme, il y a deux décennies et demie. Une réalité remarquée aussi par le président, Klaus Iohannis: «Il ne suffit pas d’affirmer la liberté de création et le libre accès à la culture parmi les droits fondamentaux constitutionnels. Sans mécanismes qui soutiennent la création, sans programmes permanents et prédictibles de financement de la protection du patrimoine, qui échappent à la décision politique partisane, ce n’est que de la propagande. »



    Le ministre de la culture, Ioan Vulpescu, croit que la solution se trouve dans la mise en page d’une stratégie nationale pour ce domaine essentiel de l’existence d’une nation: «Un élément vital serait, effectivement, d’avoir une stratégie nationale dans le domaine de la culture. 25 ans sont passés depuis la Révolution et une telle stratégie n’existe toujours pas — une stratégie qui ne soit pas rythmée par les cycles électoraux et qui promeuve, à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières, les valeurs de la culture et de la civilisation roumaines. »



    Mihai Eminescu, Constantin Brancusi, George Enesco, Eugène Ionesco et tous grands intellectuels, artistes et créateurs roumains sont les véritables unificateurs de ce pays, qui nous ont aidés à construire notre identité et à marcher la tête haute dans le monde’ — affirmait, à son tour, le premier ministre Victor Ponta.



    Se déclarant un partisan ferme de la tolérance, de la liberté d’expression et de la diversité culturelle et, en même temps, un citoyen roumain fier des valeurs culturelles nationales, le chef du gouvernement souligne que, dans une Roumanie moderne, il faut promouvoir toutes les formes d’expression culturelle. C’est notre passeport pour l’avenir.” (trad. Ileana Taroi)