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  • Le chômage en Roumanie, sous la loupe

    Le chômage en Roumanie, sous la loupe

     Le chômage, à la hausse

    Dans son rapport publié mercredi, l’Institut National de la Statistique constate que le taux de chômage a légèrement augmenté en août dernier, de 0,1 % par rapport à juillet, arrivant à 5,5 %. Pour la population active âgée de 15 à 75 ans, l’on recensait quelque 452 000 personnes sans emploi en août dernier, soit une hausse par rapport à aout 2023. Pour les adultes, soit la tranche d’âge des 25 – 74 ans, le taux de chômage a été estimé à 4,4 % en août dernier.

     

    Et bien que cet indicateur compte pour 3 quarts du nombre total des chômeurs de Roumanie, le pays n’est pas encore confronté à une situation d’urgence, comme ce fut le cas il y a quelques années, assure l’analyste économique Aurelian Dochia. A son avis, ces chiffres sont quand même une sonnette d’alarme, car ils témoignent du ralentissement de l’activité économique.

     

    Aurelian Dochia : « Bien que tout le monde s’attende que la baisse des taux d’intérêt, démarrée par la Banque Centrale il y a quelque temps, aide à revigorer l’activité économique, il y a aussi de nombreux autres facteurs qui ont un très fort impact sur l’économie, des facteurs extérieurs dont notamment la situation des économies européennes ou les évolutions internationales, les tensions géopolitiques et les guerres. Tout cela cause des inquiétudes à l’égard de l’économie. On voit déjà en Roumanie aussi différentes compagnies étrangères ou nationales qui réduisent ou reportent leurs plans d’investissements, ce qui ne fait que confirmer cette tendance de ralentissement de l’économie et cette inquiétude concernant les perspectives pour la fin de cette année et pour l’année 2025. » 

     

    Les jeunes : diplômes souvent incompatibles avec les demandes du marché de l’emploi

     

    Quant au chômage dans les rangs des jeunes, celui-ci avait atteint les 23,2 % en août dernier, soit environ 2 % de plus qu’au même mois de l’année précédente. Parmi les causes de cet état de choses, Aurelian Dochia a nommé le fait que de nombreux jeunes se permettent d’avoir une période d’inactivité durant laquelle ils évaluent leurs perspectives et tentent de savoir quels métiers sont compatibles avec leurs aptitudes.

     

    Aurelian Dochia: « Malheureusement, ce phénomène est aussi lié à la qualité de la formation professionnelle des jeunes. Il n’y a pas toujours une compatibilité entre leur formation professionnelle et les demandes sur le marché du travail. Par conséquent, de nombreux jeunes diplômés se retrouvent avec une formation pour laquelle ils ne trouvent pas d’emploi. Là encore, il faut remédier à la situation, tant du point de vue du système éducationnel, que du point de vue de l’orientation professionnelle des jeunes, qui doivent être conseillés à opter pour des métiers et des professions demandées sur le marché de l’emploi. » 

     

    Des plus en plus de travailleurs étrangers en Roumanie

     

    A noter aussi que le taux de chômage en Roumanie est aussi fortement influencé par le grand nombre de Roumains qui décident de travailler à l’étranger. Le vide qu’ils créent sur le marché national de l’emploi est désormais comblé par des travailleurs étrangers, venus notamment d’Asie – du Népal, du Sri Lanka, d’Inde ou de Turquie –  mais aussi de la République de Moldova voisine. Si bien que selon une étude de la Fondation pour le Développement de la Société Civile, plus de 200 000 travailleurs étrangers étaient enregistrés en Roumanie en 2023, dont 80 % étaient des travailleurs non-qualifiés dans le BTP, l’hôtellerie-restauration et les ventes en détail. (trad. Valentina Beleavski)

  • Le choc pandémique et la crise de la main d’œuvre

    Le choc pandémique et la crise de la main d’œuvre

    Il s’agit de sans-emploi qui ne cherchent même pas un emploi stable et par conséquent ne sont pas inscrits dans les statistiques des bureaux d’occupation de la main d’œuvre. Et dans les statistiques officielles, ces personnes constituent une catégorie distincte de celle des chômeurs, explique l’analyste économique Cătălin Ghinăraru.



    « Le chômeur n’est pas découragé. Il n’a pas d’emploi, mais il cherche toutefois un job, alors qu’une personne découragée ne cherche plus d’emploi parce qu’elle pense qu’au moins pour l’instant, il n’y a aucune autre opportunité ou bien que les opportunités auxquelles il s’attendait n’existent plus. Voici donc le portrait d’une personne découragée. Différents autres phénomènes sont apparus suite à la pandémie. Au début, les choses étaient moins claires, puisqu’on croyait avoir à faire à un choc à durée limitée. Mai nous voilà déjà fin 2021 et les choses ne sont pas réglées du tout. Certains emplois dans l’économie ont définitivement disparu, il y a beaucoup d’entrepreneurs qui ont dû mettre la clef sous la porte pour ne jamais rouvrir, notamment dans des secteurs qui utilisaient beaucoup de main d’œuvre, même s’il ne s’agissait pas d’emplois hautement qualifiés dans des domaines tels le commerce de détail, l’hôtellerie et la restauration et même les transports … Il est évident que certains emplois qui ont été supprimés ne sont pas réapparus. C’est ainsi qu’apparaissent des personnes qui ne cherchent plus d’emploi car elles sont sûres que ces emplois n’existent plus. »



    Selon l’Institut national de la statistique, le nombre des travailleurs découragés a triplé cette année en Roumanie. Si en 2020, quelque 30 mille personnes étaient découragées à accéder au marché de l’emploi, à présent elles sont plus de 144 mille. Ce qui est même plus grave, c’est le fait que la moyenne d’âge de ces personnes va de 35 à 49 ans, donc c’est un segment de population qui devrait être en pleine activité. Et pourtant, les statistiques, qui enregistrent uniquement des données concrètes, peuvent être interprétées autrement en fonction de la situation et des raisons de chaque individu à part. Quelles sont ces raisons ? Réponse avec le spécialiste en Ressources humaines Petru Pacuraru.



    « Il y a toute une série de raisons. D’un côté il y a les attentes des employeurs qui cherchent des salariés typiques, c’est-à-dire des jeunes avec certaines compétences et pas nécessairement des personnes matures prêtes à acquérir les compétences nécessaires durant une période plus longue. Le fait que les employeurs cherchent un certain modèle décourage les gens et mène à l’apparition de cette couche des découragés. Par ailleurs, je crois qu’il existe un nombre considérable de métiers libéraux qui ne se déroulent pas par le biais des personnes salariées ou embauchées par une entreprise. Si vous voulez, il y a une zone grise entre les différents types de salariés et les indépendants, par exemple. Mais j’ai également connu des employés ou des ex-employés qui ne veulent plus travailler et ont cette attitude de décourageante et démoralisante. Ce sont des gens qui se sentent isolés et cette couche est en progression. »



    S’y ajoutent aussi les personnes qui, après avoir travaillé longtemps dans une organisation rigide, ne veulent plus réintégrer un lieu de travail qui présuppose trop de pression sur l’employé. Ces personnes attendent, puisqu’elles ne souhaitent pas passer par un processus de requalification. D’ailleurs, la situation incertaine du point de vue économique et social créée par la pandémie n’encourage point la réorientation professionnelle, affirme Cătălin Ghinăraru.



    « Si une personne est découragée, cela signifie qu’elle ne cherche plus à se faire embaucher, elle sait qu’elle ne peut plus travailler, qu’aucun emploi ne lui convient plus, qu’elle n’a plus de qualification. Et cette théorie de la requalification a aussi certaines limites. Par exemple, les gens ont une certaine perception du marché et parfois elle est supérieure de beaucoup à celle qu’ont les analystes économiques. Ils perçoivent celle insécurité qui existe dans l’économie et ne peuvent pas identifier un domaine approprié. Les choses sont assez incertaines. Les programmes de formation ou de requalification devraient viser l’avenir et ne pas regarder vers le passé. Toutefois, lorsque l’avenir est incertain, il est très difficile de concevoir de tels projets. »



    Mais comment les autorités pourraient-elles aider ces personnes ? Les spécialistes en ressources humaines invoquent l’expérience d’autres Etats confrontés au même phénomène, qui est loin d’être purement local. Petru Pacuraru :



    « De nombreux Etats ont mis au point des centres d’appui pour ces personnes, ont mis à leur dispositions des numéros verts, il y a plein de services sociaux qui pourraient être copiés en Roumanie. Imaginez seulement un centre d’appui local où tous ces gens pourraient retrouver d’autres personnes qui sont dans la même situation afin de regagner la confiance d’entreprendre des petits pas dans la direction qu’ils souhaitent. Mais à l’heure actuelle, cela n’existe pas. Ces personnes sont comme des orphelins, malheureusement. »



    Hormis cet appui plutôt émotionnel ou social, une stratégie purement économique est pour l’instant difficile à mettre sur pied, opine l’analyste Cătălin Ghinăraru.



    « Pour le moment, il est assez difficile d’identifier ce qu’il faut faire. Il est clair que certaines activités disparaîtront complètement. Nous n’allons pas revenir à la situation d’avant. Le monde a changé et il changera à l’avenir aussi. Le choc pandémique a provoqué un changement systémique. Si nous voulons former ou bien reformer la main d’œuvre, nous devrons prendre en compte aussi les changements en cours et le fait que nombre d’activités qui auparavant généraient des emplois ont été très touchées par toutes ces périodes de restrictions, quarantaines et couvre-feu. Quelles seront les conditions de vie après la pandémie ? Difficile d’y répondre, mais on peut supposer que ce problème des personnes découragées devrait se perpétuer pour une période de temps assez importante. Donc, nous allons sans doute nous confronter à des problèmes assez importants », conclut l’analyste Cătălin Ghinăraru.