Tag: sapin de Noël

  • Le sapin de Noël dans l’espace roumain

    Le sapin de Noël dans l’espace roumain

    L’un des rituels traditionnels les plus
    importants par lesquels les Roumains accueillent la fête de Noël, mis à part le
    sacrifice du cochon, les chants de Noël et la préparation des cadeaux, est celui
    d’orner le sapin. Le sapin est identifié à un point tel à la fête de Noël qu’il
    serait aujourd’hui inconcevable d’accueillir dignement ce jour particulier de
    l’année en son absence. Pourtant, si cette coutume est devenue tellement nôtre,
    elle ne date que depuis le 19e siècle, étant l’une des parures que
    les Roumains avaient adoptée avec l’occidentalisation progressive des mœurs
    qu’avait eu lieu à l’époque.






    En effet, dès 1800, le sapin de Noël
    commence à trouver progressivement sa place dans les chaumières des Roumains.
    C’est aussi une période de grande ouverture aux idées des Lumières promues par
    la Révolution française, aux rapports de production capitalistes, aux modes
    venues d’Occident. 1859 est aussi l’année qui marque l’union de la Valachie et
    de la Moldavie, et la fondation de l’Etat roumain moderne. La dynastie de
    Hohenzollern-Sigmaringen, installée en 1866 sur le trône du nouvel État, se donnait en outre pour
    objectif d’arrimer fermement la Roumanie au monde occidental.






    Accompagnée de Stefania Dinu, muséographe au Musée national Cotroceni, de Bucarest, nous allons
    faire une brève incursion dans l’histoire du sapin de Noël dans l’espace roumain. Stefania Dinu : « Avec l’avènement du
    prince souverain Carol I sur le trône de Roumanie, les choses prennent une
    autre tournure, et les traditions allemandes s’ajoutent aux traditions locales.
    Plus tard, lorsque la princesse Marie d’Edinburgh et de Saxe-Cobourg-Gotha fait
    son entrée dans la famille royale, celle qui deviendra la bien aimée reine
    Marie lors de la Grande Guerre, l’on voit les élites adopter aussi des
    traditions d’origine anglaise. Et si la tradition du sapin de Noël trouve son source
    dans l’espace scandinave, elle est rapidement adoptée en Allemagne. Alors, Carol
    I, originaire de Sigmaringen, connaissait et observait déjà cette tradition.
    C’est en 1866, lors de son premier Noël passé en Roumanie, que l’on voit
    apparaître le sapin de Noël dans son palais de Bucarest. »







    Le prince souverain Carol I, appelé à monter sur le trône
    de Roumanie en 1866 et couronné roi en
    1888, est pour sûr un agent résolu de la modernisation du nouvel État. Et l’adoption de la
    tradition allemande du sapin de Noël constitue un signe, peut-être frivole,
    mais sans pour autant dépourvu d’importance, de l’adoption des mœurs
    occidentales par les élites roumaines d’abord, par toute la société ensuite.




    Ștefania
    Dinu : « Il existe plusieurs légendes sur ce premier sapin royal de
    Noël. L’on raconte qu’il avait été érigé au palais de Cotroceni, la résidence
    du souverain, alors que, selon d’autres sources, c’était le Palais royal, sis
    Calea Victoriei, qu’il avait trouvé refuge. Une chose est sûre : la mode
    du sapin de Noël avait été immédiatement adoptée par les grandes familles de
    boyards de Bucarest, qui ont toutes commencé à avoir leur sapin.
    Progressivement, la mode du sapin s’est étendue aux places publiques, avant de
    devenir un véritable phénomène de société un peu plus tard, soit dans les
    années 30 du XXe siècle. »






    Si l’on connait fort bien les mille et
    une boules et feux dont le sapin de Noël d’aujourd’hui se pare et scintille,
    qu’en était-il à l’époque du premier sapin royal, il y a 155 ans de cela ?
    Ștefania Dinu : « Les
    sapins de Noël d’antan était moins richement ornés qu’ils ne le sont
    aujourd’hui. Ils étaient plus volontiers ornés de bonbons recouverts de
    cellophane, de fruits, de bretzels. Mais les bougies allumées ne manquaient
    jamais. Progressivement, les bonbons commencent à laisser la place aux
    décorations que l’on connaît aujourd’hui : des boules, des angelots, des
    étoiles, et l’on peut suivre cette évolution dans la parure du sapin de Noël à
    la cour de Cotroceni du roi Ferdinand, héritier du roi Carol I. Ces parures étaient importées d’Allemagne,
    de la ville de Nuremberg. Dans ses mémoires, le chef de la chancellerie du
    Palais, Eugen Buchman, fait état de la beauté inouïe des décorations dont le
    sapin royal était embelli. »






    Mais comment avait été accueillie cette
    tradition de fêtes par la société roumaine en général ? Ștefania Dinu :
    « Dans la joie, sans doute. La
    maison royale a depuis toujours constitué un modèle, un exemple à suivre. Il y
    avait tout d’abord l’entourage proche de la maison royale, qui adoptait
    joyeusement de nouvelles manières de faire la fête et de marquer le moment
    festif de Noël. Le personnel de la maison royale se réunissait au complet
    autour du sapin. Il y avait les membres de la famille royale, le personnel au
    complet, dans tous ses grades et qualités, les membres de la maison militaire
    du roi mais aussi de sa maison civile, sa suite, parfois des membres du
    parlement et du gouvernement. Il s’agissait d’une cérémonie quasi officielle,
    déroulée autour du sapin. Par la suite, les invités se retiraient
    progressivement, et la soirée devenait plus intime, autour du sapin demeurant seule
    la famille royale. Cela se passait toujours à la veille du jour de Noël. La
    cérémonie de distribution des cadeaux sous le sapin était immanquablement
    suivie par un dîner de gala. »






    Et cette coutume du sapin de Noël avait
    très vite été adoptée même par le monde rural et par la frange conservatrice de
    l’église orthodoxe. Ștefania Dinu : « Cela s’est très bien passé, parce que des rituels liés au sapin étaient
    déjà bien présents dans la tradition roumaine, attestés aux XVIIe et XVIIIe
    siècles. Vous trouverez la cérémonie du sapin de mariage ou celle du sapin
    funéraire. Le sapin était bien présent dans les cérémonies rituelles roumaines.
    Il symbolisait la vie, car demeurant toujours vert, en toutes saisons. Et les
    anciens rituels où sa présence était appelée se sont poursuivis. »






    Le sapin de Noël a sans doute essaimé sur
    un terroir fertile, la tradition nord européenne se voyant rapidement adoptée
    par la tradition balkanique. Erigé d’abord dans les palais et les hôtels de
    maître, il fut rapidement arboré dans les maisons aristocrates et bourgeoises, tout
    comme dans les maisons plus modestes, des ouvriers et des paysans, ou encore sur
    les places publiques. Quoi qu’il en soit, la tradition du sapin de Noël survit
    jusqu’à nos jours, pour la plus grande joie des petits et de plus grands…
    (Trad. Ionut Jugureanu)