Tag: separation

  • Enfants confrontés au risque de séparation

    Enfants confrontés au risque de séparation

    Le
    gouvernement roumain vient d’approuver un projet de loi censé réglementer les
    efforts visant à empêcher la séparation des enfants de leurs familles. Le texte
    vise surtout les communautés vulnérables, qui ont constamment besoin d’appui. C’est
    la précarité économique qui oblige de nombreux parents à quitter le pays pour
    un emploi mieux payé ailleurs et les implications émotionnelles de ce choix
    sont dramatiques pour les enfants restés en Roumanie.


    Dépourvus de
    l’affection physique des parents, certains enfants développent des
    comportements négatifs : décrochage scolaire, conflits en famille, contestation
    de toute autorité. Tant l’école que les autres membres de la famille s’avèrent
    incapables de gérer cette situation compliquée. Une fois rentrés en Roumanie,
    les parents retrouvent des enfants entièrement différents par rapport au moment
    de leur départ.


    Et c’est ici
    qu’intervient, ou du moins se propose d’intervenir, la loi. Selon le porte-parole
    du gouvernement de Bucarest, Dan Carbunaru, le projet de loi permettra
    l’implémentation de mesures de prévention de la séparation par des aides
    d’urgence aux familles. Le projet de loi prévoit la création d’un Observatoire
    national de l’enfant – un module informatique qui sera inclu au Système
    national informatique. Autrement dit, les autorités publiques locales
    disposeront de chiffres corrects quant à la situation de chaque famille avec
    des enfants en risque de séparation. Le projet prévoit aussi des mesures visant
    à réhabiliter les enfants en situation de handicap, des services d’intervention
    psychologique et de psychothérapie pour ces petits.


    Tout cela
    parce que le développement psychologique et émotionnel des jeunes ne constitue
    pas un détail insignifiant. Les traumas soufferts durant l’enfance risquent de
    les accompagner toute la vie, en l’absence d’une intervention décisive et
    proportionnée.


    Les
    psychologues, eux, évoquent aussi une différence entre la peur de séparation et
    l’anxiété de séparation. Elena Maria Dumitrescu est psychothérapeute,
    spécialiste des problèmes cognitifs et comportementaux. Elle nous explique ce
    que sont la peur et anxiété produites par la séparation :


    « A
    mon sens, il est important de marquer la différence entre la peur de séparation
    et l’anxiété de séparation. Dès notre naissance, nous avons besoin de sécurité
    et c’est pourquoi le bébé et ensuite le jeune enfant manifestent cette peur de se
    séparer de la personne à laquelle il s’était attaché. C’est un processus tout à
    fait normal, que nous éprouvons tous dès notre très jeune âge. C’est important
    de voir comment nous parcourons cette étape et cela est lié à la manière dont
    les personnes présentes dans notre vie réussissent à satisfaire tant nos
    besoins émotionnels que ceux matériels
    ».


    Par
    conséquent, la peur de l’abandon est la plus grande crainte du bébé et la
    manière dont le parent exprime son affection est vitale pour son développement
    équilibré sur le long terme.


    Nous comprenons
    donc combien vulnérable est l’enfant qui se retrouve dans de telles
    communautés, lorsque les parents ont le choix entre fournir de l’appui matériel
    aux enfants et ne pas être présents physiquement dans leurs vies et offrir de
    l’amour dans un cadre familial marqué par la pauvreté et les privations en tout
    genre. La conséquence en est une cavalcade émotionnelle difficile à gérer. La
    psychothérapeute Elena Maria Dumitrescu explique comment peut dégénérer le
    comportement de l’enfant qui ne reçoit pas de signes directs d’affection de la
    part des parents :


    « Certains
    événements peuvent être perçus par l’enfant comme des signes d’insécurité qui
    facilitent le passage de la crainte de séparation à l’anxiété de séparation,
    générant ainsi l’impression d’une capacité très réduite de contrôler la
    réalité. Les enfants limitent leurs capacités d’explorer l’environnement, de
    développer de nouvelles habilités, de faire face à certains nouveaux défis ou de
    demander de l’aide. En cas de séparation de sa famille, un enfant sentira non
    seulement la distance physique, mais aussi une distance émotionnelle des
    personnes qu’il aime. La conséquence : un taux d’acceptation très bas de
    l’incertitude et la manifestation d’un état d’anxiété.
    »


    Reste à voir
    quels seront les résultats des programmes que le gouvernement roumain souhaite
    mettre en place dans les communautés vulnérables. Actuellement, rien qu’à
    Tulcea, dans l’est de la Roumanie, quelque 300 enfants en risque de séparation
    ont été aidés par le biais d’un projet européen de la fondation Sera Roumanie.
    Il s’agit d’un nombre d’enfants bien supérieur à celui estimé initialement, qui
    ne fait que démontrer combien nécessaire est la mise en œuvre de tels
    programmes. (Trad. Alex Diaconescu)

  • Children facing the risk of separation from their families

    Children facing the risk of separation from their families

    The
    Romanian Government as of late has endorsed a bill meant to regulate the prevention
    activity targeting children’s separation from their families. The text mainly
    deals with the vulnerable communities, in need of permanent support because of that. Such families live on very limited means, which prompts quite a few members of
    those families to leave Romania for a better-paid job. But that has dramatic emotional
    implications for the children that have been left behind.


    Many
    parents opt for sacrificing their children’s emotional balance and leave Romania
    for a job abroad. Crippled by their parents’ lack of affection, some of the
    children develop abnormal patterns of behaviour. They have school problems,
    they’re quick to rebel for no reason. The school is unable to manage such crises
    and neither are the other members of the family. Upon their return home, the children
    the parents find are totally different from the ones they’ d left behind when
    they left the country.


    And
    at this point, the law intervenes, or is supposed to intervene. According to
    the Government’s spokesperson, Dan Carbunaru, the bill will enable the
    implementation of a set of measures meant to prevent separation. Therefore,
    such families will be granted emergency aid. The aforementioned bill is the
    foundation act for the National Child Observer. It is an informatics module, to
    be included in the National Informatics System. In plain speak, the local
    public authorities will be able to access the updated situation of the families
    whose children face the risk of separation. The bill also stipulates measures
    targeting the rehabilitation of children with disabilities, psychological and psychotherapy
    intervention services for these children.


    And
    that, because our children’s psychological and emotional development should be
    treated very seriously. We’re highly likely to run the risk of dragging behind childhood
    traumas all our lives. If we don’t do anything about it in time, we’ll find it
    even harder to do something about it later.


    Psychologists
    are capable of telling the fear of separation from the separation anxiety. Elena
    Maria Dumitrescu is a psychotherapist in cognitive-behavioural problems. Here she
    is, explaining the difference between the separation fear and the separation anxiety.




    I believe it is important for us to be able to tell the fear
    of separation from the separation anxiety. Ever since we are born, we need
    safety, which makes the newly-born and the infant, respectively, to manifest
    the fear of separation from the attachment person. The process we all go
    through in our early experience is a natural one. The thing is how we go through
    that stage, and that is connected to the way significant people in our lives
    fulfil our emotional, but also our material needs.


    Therefore,
    the fear of abandonment is the newly-born and the infant’s greatest fear. The
    way the parents express their affection is vital for their balanced development.


    We’re
    well aware of how vulnerable children in such communities are, given that
    parents go at all lengths to be able to face the conundrum: should they first
    provide for their children, sacrificing them emotionally, or should they first
    give them love but have them feel the pinch and the discomfort or a life in
    poverty? So strong may be the ensuing emotional outburst, that nobody is capable
    to sort it out.


    Psycho-therapist Elena Maria Dumitrescu tells us
    how the children’s behaviour may degenerate, when they do not receive their
    parents’ affection.


    Certain events, but also failing to properly fulfil such needs, can be
    perceived by children as unsafety, so they’re sure to move from the fear of separation
    to the separation anxiety, thus generating a low-grade control of perceived reality.
    You can see that happening with the children who limit their own opportunities
    to explore the environment, to develop new abilities, to cope with certain new
    challenges or to ask for help. In certain situations, the children are separated
    from their families and they will perceive the physical but also the emotional distancing
    from people in their lives whom they hold most dear. And that leads up to an
    increasingly low tolerance of uncertainty, a mechanism underlying the state of
    anxiety and its symptoms.






    How
    the programs the Government seeks to implement in the vulnerable communities, that
    still remains to be seen. For the time being, please note that is the south-eastern
    county of Tulcea alone, over 300 children on the brink of separation have been offered
    aid through a European project carried by the Romania SERA Foundation. The
    figure of 300 exceeds the initially-envisaged number of children, which only
    stands proof of the fact that such programs must develop in our country. (EN)





  • Le syndrome de l’absence des parents partis travailler à l’étranger

    Le syndrome de l’absence des parents partis travailler à l’étranger

    Depuis le début des années 2000, lorsque les Roumains ont été de plus en plus nombreux à se diriger vers les marchés de l’emploi européens, un phénomène social indésirable a fait son apparition en Roumanie: les enfants de ces gens partis à l’étranger son restés chez eux, élevés soit par l’autre parent soit par quelqu’un de la famille élargie. Les effets n’ont pas tardé, ayant été remarqués par les familles elles-mêmes, par les enseignants et les psychologues.



    L’absence des parents se traduit par un double manque: celui de l’autorité parentale et celui émotionnel ressenti par les enfants, avec un impact visible sur leur comportement. Quelles en sont les conséquences? Le sociologue Florian Niţu: «Les études indiquent clairement, dans ce cas, une baisse des résultats scolaires des enfants et de leur intérêt pour l’étude. Les comportements à risque et les dépendances sont également à craindre — notamment la consommation d’alcool, de tabac et de drogues. Ces enfants se rapprochent souvent de groupes délinquants et risquent même de devenir victimes de groupes criminels. Pourtant, l’impact majeur est de nature psychologique, affectant la structure de la personnalité. On peut parler d’un « syndrome du parent absent » et ce phénomène n’est pas propre à la seule Roumanie, il apparaît partout et depuis toujours. On a constaté que l’absence d’un parent ou des deux entraîne un sentiment de culpabilité et des niveaux d’anxiété élevés. »



    Tous les enfants laissés en Roumanie par des parents partis travailler à l’étranger ne présentent pas ce syndrome, pourtant ils sont tous vulnérables et ont besoin d’une attention particulière. La « Fondation pour une société ouverte » a démarré, il y a plusieurs années, un recensement de ces enfants. Victoria Cojocariu, membre de la Fondation explique: « Nous avons démarré le projet en 2007, par une première étude, et nous nous sommes rendu compte que nous devions tout d’abord connaître le nombre d’enfants restés à la maison seuls ou avec un des deux parents. Les chiffres officiels n’étaient pas fiables : depuis 2004, les statistiques font état de 80 mille enfants. Or, sachant que le nombre de Roumains ayant quitté le pays en quête d’un emploi a beaucoup fluctué au fil du temps, nous nous sommes proposé de découvrir si ce chiffre était exact. Nous avons donc réalisé une étude, publiée en 2009. L’organisation non gouvernementale « Sauvez les enfants », réalisait, de son côté, ses propres recherches. Nos résultats concordaient : en 2008, la Roumanie comptait 350 mille enfants dans cette situation — alors que la Direction générale pour la protection de l’enfant recensait un peu plus de 82 mille. Nous avons signalé cet écart important. Les statistiques officielles pour 2014 donnent toujours un chiffre autour de 80 mille. »



    Dans le cadre du projet « Orizont_FemRural », financé de fonds européens et mis en oeuvre par l’Association pour la Promotion de la Femme de Roumanie, le sociologue Florian Nitu a eu l’occasion de discuter avec plusieurs enfants. Il a constaté que tous ceux touchés par ce phénomène, parents et enfants en égale mesure, ressentaient une rupture, que chacun gérait à sa manière. Florian Nitu : «Il existe différentes manières de gérer cette séparation traumatisante, tant chez les parents que chez les enfants. J’ai rencontré des enfants qui souffraient beaucoup à cause de l’absence des parents et d’autres qui s’y sont très bien adaptés. Je dois préciser qu’il s’agit d’une relation en évolution, qui traverse des moments dramatiques, mais aussi des moments où elle fonctionne bien. Il y a des périodes dans la vie d’un enfant où il a du mal à se séparer de ses parents, et des périodes où cela est plus facile. Des moments où l’enfant est très vulnérable, selon l’âge et la conjoncture, et des moments de normalité. Il ne faut pas généraliser les effets négatifs du départ des parents. »



    Un des objectifs du projet « Orizont_FemRural » a été justement de contrecarrer ces effets négatifs, en identifiant les erreurs commises par les parents dans la gestion de la relation à distance avec leurs enfants. Florian Niţu précise: «Il paraît qu’une erreur fondamentale commise par les parents est celle de rendre l’enfant responsable de leur propre décision de partir travailler à l’étranger. Quand ils voient que leur enfant a du mal à les comprendre ou qu’il commence à pleurer, les parents lui disent qu’il partent pour lui. Cette expression «pour toi» signifie «à cause de toi» pour l’enfant : « si tu n’existais pas, je ne devrais pas partir», entend-il. La motivation « je pars pour toi » pèse lourd sur un enfant. Souvent cette explication s’accompagne de l’affirmation : « il est tellement difficile ici ». Alors, l’enfant se sent encore plus coupable : «maman et papa partent à cause de moi et là — bas ils se sentent encore pire». Lorsque ce n’est que la mère qui part, des tensions naissent souvent dans le couple qui finit par divorcer. C’est valable pour la moitié des mariages où la mère est celle qui travaille à l’étranger. Dans ce cas, l’enfant se sent coupable aussi de la séparation des parents.»



    Souvent, les parents ne gardent de contact téléphonique régulier ni avec les enfants ni avec leurs enseignants. En plus, il tentent de compenser leur absence par des quantités de cadeaux. Les experts leur recommandent de communiquer aussi souvent que possible avec les petits, par tous les moyens. Rester en contact avec les personnes responsables de l’éducation des enfants est tout aussi important, surtout dans le nouveau contexte, apparu il y a quelques années. Victoria Cojocariu nous en dit davantage: « La crise économique a apporté beaucoup de changements dans la situation de ces enfants. Il y a désormais une nouvelle catégorie : les enfants revenus de l’étranger. Une situation signalée par le ministère de l’Education il y a une année et demie. Les inspections scolaires sont confrontées au fait que des dizaines, voire des centaines d’enfants se voient obligés à rentrer au pays parce que leurs parents ne peuvent plus les garder. Ces enfants réintègrent le système scolaire roumain après avoir passé plusieurs années dans un système étranger. Ils ont évidemment des lacunes et des difficultés. Certains sont accompagnés par leurs parents, d’autres rentrent seuls. Malheureusement nous ne disposons pas de données exactes en ce sens.»



    Même si en général, la plupart des enfants finissent par se résigner au départ des parents, il y a aussi des cas isolés où les petits n’acceptent pas complètement la situation et arrivent à faire des gestes extrêmes, comme le suicide. Il est donc essentiel d’avoir des statistiques exactes et d’éduquer les parents à avoir une bonne relation à distance avec leurs enfants. (trad. Dominique, Valentina Beleavski)