Tag: style de vie

  • Cancer et style de vie

    Cancer et style de vie

    Des chiffres alarmants, notamment en Roumanie

     

    On parle souvent de décès dus à des cancers, et désormais l’on constate que le nombre de jeunes touchés en est de plus en plus important. Une étude analysant des statistiques du monde entier et portant sur 29 types de cancer montre qu’entre 1990 et 2019, l’incidence de cette maladie a augmenté d’environ 79 % chez les personnes âgées de 14 à 49 ans.

     

    Cette tendance à la hausse se vérifie également en Roumanie. En fait, la réalité nationale est brutale – le cancer est la deuxième cause de décès après les maladies cardiovasculaires : un décès sur six étant causé par un cancer. Dans l’Union européenne, la Roumanie occupe la première place en termes de mortalité liée au cancer, avec 48 % de décès en plus que la moyenne européenne et plus de 20 000 décès évitables chaque année.

     

    Comment expliquer cette hausse de cas de maladie chez les personnes en général et les jeunes en particulier ? Les causes sont multiples. L’une d’entre elles est le mode de vie, notamment la nutrition.

     

    Sédentarité, junkfood et écrans…

     

    C’est le champ de recherche du professeur Mircea Beuran, docteur en en chirurgie oncologique à l’hôpital de Floreasca de Bucarest :

    « La modification du mode de vie ! Nous l’observons aujourd’hui comme la partie émergée de l’iceberg, mais des études oncologiques ont montré que les changements sont apparus lentement après les années 1950, avec l’industrialisation, avec les changements du mode de vie dans les pays capitalistes, avec l’augmentation des pollutions, les changements de régime alimentaire, d’habitudes, etc. Tout cela, au fil du temps, sur fond de changements génétiques dont nous sommes tous porteurs, a créé un terrain fertile pour le développement de la maladie. Ce phénomène est analysé au niveau international – en Amérique, au Japon, en Europe… ce pic de cancers chez les jeunes est en augmentation. Je peux vous donner une ligne directrice, pas en m’appuyant sur des statistiques nationales mais sur notre expérience avec nos jeunes patients à l’hôpital Floreasca (de Bucarest). Nous avons constaté que le nombre de cancers du tube digestif, de l’œsophage, de l’estomac, du côlon, du rectum, de l’intestin grêle, des glandes annexes – foie et pancréas…. sont en augmentation. Chaque jour, la section de chirurgie de Floreasca a deux, trois, quatre cancers compliqués du côlon, du rectum…. Ils sont liés à de nombreux facteurs : la consommation de boissons gazeuses, de boissons énergisantes, d’alcool, le tabagisme, la sédentarité, le travail sous pression. Et puis il y a beaucoup de gens qui sont accros à l’activité sous rayonnement bleu, comme l’écran d’ordinateur, la tablette, le téléphone. Je peux vous dire que certains manquent de sommeil. Et ce n’est pas un aspect que nous voyons seulement chez les jeunes adultes, mais aussi chez les enfants, d’après les conversations que nous avons avec eux ».

     

    Selon le professeur Dr Mircea Beuran, le type de cancer le plus courant est le cancer colorectal, qu’il attribue à une mauvaise alimentation :

    « Je fais référence au fait qu’une grande partie de la nourriture que nous mangeons provient de produits ultra-transformés. Cette ultra-transformation ne fait rien d’autre que de charger ces aliments d’une multitude de choses nocives, qui ont trait à la coloration, à la conservation, à la particularité de l’odeur, etc… Tout cela constitue un surplus qui rend plus difficile l’activité de digestion et de neutralisation des toxines, et qui, jour après jour, ne peut que produire des changements au niveau cellulaire. Ces changements cellulaires, avec le temps, développent toutes sortes de tumeurs. Il faut manger des légumes et des fruits, le plus possible ! Et préparer soi-même à en manger ».

     

    Pour le docteur Beuran, le dernier repas de la journée devrait être pris vers 19h00. Et à la fin des repas, nous ne devrions pas nous lever de table immédiatement, afin de donner à l’organisme le repos dont il a besoin pour assimiler le bol alimentaire. Quant aux repas de nuit, ils sont à proscrire absolument.

     

    Sans oublier la consommation d’alcool !

     

    Et puis, le monde médical international est d’avis que les boissons alcoolisées devraient être étiquetées, comme le tabac, avec un avertissement sur le risque de cancer. Le professeur Mircea Beuran partage cet avis :

    « La consommation d’alcool, même en petites quantités, est associée à sept cancers. La consommation chronique d’alcool, même en petites quantités, modifie le comportement de l’organisme vis-à-vis de l’obésité. Et si l’alcool est associé au tabagisme et à un mode de vie sédentaire, il en résulte des changements très importants, à commencer par la cavité buccale. Ainsi, ces consommateurs chroniques d’alcool développent des cancers de la bouche, de l’œsophage, du pharynx, du larynx, des cancers du foie, des cancers colorectaux, des cancers du sein chez les femmes. L’alcool augmente le taux d’hormones, en particulier les œstrogènes et l’insuline. L’augmentation de l’hormone œstrogène est une cause du cancer du sein, et l’œstrogène et l’insuline, en tant qu’hormones, ne font rien d’autre que d’amener les cellules à se diviser, à se multiplier plus fréquemment, ce qui fait qu’à un moment donné, le corps ne peut plus contrôler cette division et elles peuvent se transformer en tumeurs cancéreuses ».

     

    En d’autres termes, faites attention à la quantité et à la qualité de ce que vous mangez ! Un mode de vie dangereux sur une longue période peut détruire notre santé et même notre vie. (trad. Clémence Lheureux)

  • Au revoir la Roumanie !

    Au revoir la Roumanie !

    La diaspora roumaine est la cinquième la plus nombreuse du monde et la sixième au sein des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, selon un rapport de l’OCDE. Sur leur ensemble, la plupart des ressortissants roumains sont soit peu qualifiés, soit surqualifiés. Presque 50 % des Roumains ayant quitté leur pays à destination d’un des Etats membres de l’OCDE ont des emplois faiblement qualifiés. La plupart des hommes travaillent dans le BTP, tandis que les femmes ont des activités en rapport avec le ménage. En revanche, une catégorie à part est représentée par les médecins roumains ayant choisi de travailler en Occident.

    Malheureusement, le vide laissé derrière se creuse de plus en plus, déplore le sociologue Vladimir Ionas : « Le plus grand exode des médecins roumains date d’avant les augmentations salariales intervenues ces dernières années. Malheureusement, c’est le départ du personnel sanitaire qui représente le plus grand souci auquel le système médical de Roumanie se confronte. Et ce souci persiste aujourd’hui encore. Sauf qu’à présent, il n’est plus qu’une question de salaire, mais aussi une question de conditions précaires dans les hôpitaux roumains et de pénurie suite au sous-financement du système. On peut aussi parler du respect que les médecins roumains se voient accorder en Roumanie et ailleurs, de la façon dont la relation avec le patient est imaginée chez nous ou en Occident. Malheureusement, en Roumanie, la relation entre le médecin et le malade repose exclusivement sur l’intérêt et la nécessité. Dans d’autres pays, cette relation est fondée aussi sur le respect et la confiance que le patient accorde à son médecin. Les Roumains s’avèrent plutôt méfiants envers le personnel médical et du coup, ils ne prennent rendez-vous chez le docteur qu’en cas d’urgence. C’est d’ailleurs ce que l’on a pu constater lors de la récente campagne de vaccination contre la Covid-19. »

    Selon le rapport de l’OCDE, 25 % de la population roumaine souhaiterait quitter définitivement le pays pour vivre en Occident. Ce pourcentage est un des plus grands de l’Europe de l’Est. Presque la moitié des Roumains entre 15 et 24 ans ont affirmé vouloir partir. Une réalité lourde de conséquences pour le marché du travail de Roumanie. Ce n’est pas seulement le salaire qui attire les jeunes Roumains vers l’Europe de l’Ouest, mais aussi le style de vie différent. Vladimir Ionas : « Dans le cas des jeunes, c’est notamment un autre style de vie qui fait la différence. La plupart d’entre eux ne sont pas partis pour un salaire plus grand, car dans le cas des ceux faiblement qualifiés, la différence salariale par rapport à ce qu’ils toucheraient en Roumanie n’est pas significative. C’est le style de vie, les services qu’un autre Etat met à leur disposition, le système sanitaire et d’éducation qu’ils pourraient offrir à leurs enfants. On parle donc d’une série de facteurs qui pousse les Roumains à vouloir boucler leurs valises pour vivre à l’étranger. Bien sûr, tout comme dans le cas des médecins, on ne saurait être surpris par cet exode des jeunes, notamment des jeunes diplômés qui choisissent de rester à l’étranger pour bénéficier d’un autre style de vie et pour pouvoir offrir à leurs enfants un avenir meilleur. »

    Après une baisse significative ces dernières années, voilà qu’en 2021, le taux de natalité a légèrement remonté la pente. Vladimir Ionas : « La natalité représente une question épineuse pour la Roumanie. En chute libre depuis de nombreuses années, voilà qu’en 2021, elle a enregistré une légère hausse due, bien évidemment, à l’actuel contexte pandémique. Difficile à dire si le pays pourra rester sur cette piste ascendante. Il faudrait que l’Etat adopte une série de mesures en ce sens. Je vous propose de prendre l’exemple d’autres pays tels la Hongrie ou la France. Confrontée à une crise démographique, la Hongrie a mis en place quelques-unes des mesures les plus dures d’Europe afin d’encourager la natalité. Voilà ce que la classe politique de Roumanie devrait faire : comprendre les priorités du pays, accepter que la situation démographique est inquiétante et favoriser des politiques publiques capables de doper le taux de natalité. Ce n’est pas si difficile que ça. La Roumanie n’est pas un pays pauvre, bien au contraire, c’est un pays riche, qui dispose de ressources nécessaires à la mise en œuvre de tels programmes. Il lui faudrait juste de la volonté politique. »

    On a donc besoin de politiques publiques ciblées et mises en place efficacement. Mais, dans un pays où le pourcentage des gens à la retraite dépasse celui des salariés, l’avenir semble plutôt inquiétant. Vladimir Ionas explique : « Malheureusement, sur cet aspect, j’ai du mal à croire que la situation pourrait s’améliorer. Le pourcentage des jeunes de plus de 18 ans qui envisagent de quitter la Roumanie dans les années à venir se monte à 20 %, tandis que le pourcentage des étudiants en première ou deuxième année d’études qui espèrent quitter le pays une fois le diplôme en poche est de 50 %. Une fois de plus, je ne sais pas dire si les autorités roumaines ont imaginé une solution à ce problème, mais on doit comprendre qu’une telle tendance débouchera sur une crise de plusieurs systèmes dont notamment celui des retraites. Je doute que dans un pays où 30 % de la population cotise et 70 % touche la retraite ou le chômage, l’Etat puisse continuer à verser la retraite. Parallèlement, le système de la santé sera sous-financé et s’effondrera. Voilà pourquoi la situation s’avère dramatique. Elle devrait constituer une priorité au niveau de la société roumaine afin que l’Etat identifie des solutions pour stopper l’exode et empêcher la Roumanie de recenser un nombre de retraités deux fois plus grand que celui des salariés. Cette question devrait constituer le principal thème de débat au sein de toutes les institutions publiques », a conclu Vladimir Ionas.

  • Les jeunes de Roumanie – portrait collectif

    Les jeunes de Roumanie – portrait collectif

    Une récente étude sociologique réalisée à linitiative de la Fondation Friedrich Ebert Roumanie met sous la loupe une tranche dâge dont on parle beaucoup, mais dont on sait trop peu en fait et qui est aussi très peu représentée au niveau des politiques sociales: les jeunes. Menée en 2018, cette étude analyse leur approche de sujets tels la famille, léducation, le style de vie, la religion ou la démocratie. Qui plus est, létude cible non seulement des Roumains mais aussi des jeunes de 9 autres pays dEurope du sud-est, membres et non membres de lUE.



    On confirme une fois de plus ce que dautres statistiques ont déjà constaté : les jeunes restent une catégorie vulnérable, affirme Victoria Stoiciu, représentante de la Fondation Friedrich Ebert Roumanie : « Comme le constate notre étude et bien dautres, les jeunes forment sans doute une catégorie défavorisée, premièrement du point de vue économique. Le niveau de pauvreté est très accentué parmi les jeunes de 15 à 25 ans, en fait il est plus élevé que pour dautres tranches dâge. Dhabitude on pense aux personnes âgées ou aux retraités lorsque lon fait ces comparaisons. En fait, la situation économique des jeunes est beaucoup plus difficile. En plus, ils ne sont pas suffisamment représentés au niveau politique non plus. »



    Tous les indicateurs économiques et sociaux portant sur les jeunes de Roumanie sont très bas, constate le sociologue Gabriel Bădescu, un des auteurs de létude. Toutefois, il faut mettre ces indicateurs dans un contexte plus large, européen. Par exemple, plus de la moitié des participants roumains sont daccord avec lidée que la démocratie est une bonne forme de gouvernance. Mais 23% dentre eux estiment que, dans certaines conditions, la dictature serait une forme de gouvernance meilleure que la démocratie. A comparer les 9 Etats inclus dans la recherche, on constate que la Roumanie a un des niveaux les plus bas pour ce qui du soutien à la démocratie, dans le contexte, où lon remarque partout une tendance vers lautoritarisme.



    Ce qui est aussi remarquable, cest que le changement des générations napporte pas forcément de meilleurs citoyens, favorables à la démocratie, estime Gabriel Bădescu : «Ce déclin de lattachement à la démocratie nest pas uniforme à travers les différentes tranches dâge. Lorsque lon parle de la qualité de la démocratie, les jeunes sont une catégorie vulnérable et problématique. Problématique, parce quil existe des études qui indiquent quune fois imprimées certaines attitudes à un jeune âge, elles sont difficiles à changer ; au contraire, elles restent là et se perpétuent



    Outre lattitude socio-politique, létude de la Fondation Friedrich Ebert Roumanie analyse aussi le soutien aux minorités des jeunes. Gabriel Bădescu nous en parle : « Le soutien des droits des minorités est plutôt faible chez les jeunes. Pour plusieurs catégories de minorités, la Roumanie enregistre les valeurs les plus basses des dix pays étudiés. Il sagit notamment des droits des minorités ethniques et des droits des pauvres ».



    La même recherche a mis au jour les décalages existant en Roumanie non seulement entre les régions, mais aussi entre les milieux rural et urbain. Dailleurs, selon des études de 2017, le taux général du risque de pauvreté parmi les jeunes roumains était de 37% en milieu rural et de 6% seulement en milieu urbain. Dans ces conditions, la Fondation Friedrich Ebert Roumanie constate que 23% des jeunes vivant à la campagne font partie de la catégorie appelée NEETs (not in employment, education or training). Ce sont des jeunes qui ne suivent aucune forme denseignement, ni de formation, et qui nont pas non plus un emploi. Le taux en est double en milieu rural par rapport au milieu urbain. Aucun autre pays étudié nenregistre un décalage si important.Et cest toujours la situation économique précaire qui explique le fait quune grande partie des jeunes roumains rêve démigrer, affirment les auteurs de létude. A la différence de lannée 2014, lorsque 60% des jeunes de 14 à 29 ans souhaitaient partir à létranger, en 2018 ils nétaient que 30%.



    Partir à létranger est souvent un simple désir, qui ne se concrétise pas, souligne le sociologue Daniel Sandu, coauteur de létude dont il est question aujourdhui : « Avoir un fort désir de partir nest pas un élément essentiel pour savoir sils veulent vraiment quitter le pays ou pas. Cest plutôt la réponse à la question « comment évaluez – vous vos opportunités de développement dans votre propre pays ? » Si la situation économique de son pays est difficile, comme cétait le cas en 2014, et si les opportunités sont réduites, alors on a cette tendance de planifier son départ ou au moins de souhaiter partir. »



    Mais qui sont ces jeunes qui souhaitent tant quitter la Roumanie ? Les réponses sont tout aussi surprenantes, de lavis de Daniel Sandu : « En fait, à faire une analyse plus profonde, on constate que lintention de partir concerne deux groupes très différents et placés aux extrêmes. Un groupe est formé de jeunes provenant de familles aisées et qui souhaitent poursuivre leurs études à létranger. Lautre est formé de jeunes provenant de familles qui se débrouillent grâce à largent envoyé par certains membres qui travaillent à létranger. Cet argent permet aux jeunes davoir accès aux biens, mais il ne leur offre pas de stabilité, ni de perspective dans leur pays. » Dailleurs, la perception du présent est celle qui donne la perspective de lavenir. Ce qui explique beaucoup de choses. (Trad. Valentina Beleavski)