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  • « Le Trésor de Svechtari. L’or des Traces sud-danubiens »

    « Le Trésor de Svechtari. L’or des Traces sud-danubiens »

    Le Musée
    national d’histoire de la Roumanie accueille ces temps-ci une exposition
    exceptionnelle – « Tezaurul de la Sveștari. Din aurul tracilor
    sud-dunăreni/Le Trésor de Svechtari. L’or des Traces sud-danubiens » – qui
    renoue avec la tradition de la collaboration muséale en matière d’histoire et
    d’archéologie avec nos voisins bulgares. Le trésor de Svechtari (nord-est de la
    Bulgarie) a été découvert en novembre 2012 dans la nécropole tumulaire d’une
    ville fortifiée construite au IVème siècle avant J.-C. Le directeur du MNIR, Ernest Oberländer-Târnoveanu, a parlé de cette
    collaboration et des objets exposés:


    « Au bout de plus de 45 ans d’interruption, le Musée national d’histoire
    de la Roumanie et l’Institut national d’archéologie et musée de Sofia ont
    repris leur collaboration. En avril dernier, l’Institut de Sofia a accueilli
    une grande exposition consacrée aux armes des élites traces. Le musée de
    Bucarest et l’Institut d’études éco-muséales de Tulcea (Est de la Roumanie) y
    ont exposé plusieurs objets fastueux, découverts dans la tombe princière d’Agighiol
    (fin du IVème siècle av. J.-C.). En réponse à l’événement de la capitale
    bulgare, une exposition absolument magnifique a été inaugurée à Bucarest, avec
    des objets récupérés dans un des tombeaux royaux de Svechtari. Un événement associé
    à un thème plus large, car le Musée national d’histoire de la Roumanie
    accueille aussi l’exposition d’objets en or gètes du sud du Danube « Dacia,
    ultima frontieră a romanității/La Dacie, dernière frontière de la
    romanité ». Cette exposition, qui vient compléter le Trésor historique et
    la copie de la Colonne de Trajan, permet aux visiteurs de connaître des
    facettes particulières de l’art et de la civilisation des Gètes, qui, tout
    comme les Daces, faisaient partie du monde trace. Nous avons pensé que le
    Trésor était le meilleur endroit pour exposer ces magnifiques bijoux en or de
    Svechtari aux côtés de leurs cousins et cousines découverts sur le territoire
    de la Roumanie. »


    Pourquoi
    ce trésor est-il différent d’autres, découverts par les archéologues? Qu’est-ce
    qu’il y en a d’exceptionnel? Ernest Oberländer-Târnoveanu répond à ces
    questions:


    « Je commencerais avec le site fortifié,
    un des grands centres au sud du Danube. Les archéologues et les historiens
    bulgares ainsi que bon nombre de nos confrères roumains considèrent qu’il
    s’agit de Helis, la capitale de Dromichaetes. Ce serait donc là qu’auraient eu
    lieu les événements racontés par Diodore de Sicile, la rencontre de Dromichaetes
    avec le roi Lysimaque et ses fils, vaincus sur le champ de bataille. Tout
    autour du site, situé d’ailleurs au milieu d’un paysage exceptionnel, les
    fouilles ont déterré une nécropole avec des tumuli de grandes dimensions.
    L’archéologue bulgare Diana Gheorghieva en a étudié un et elle a eu la chance
    extraordinaire de tomber sur une situation rare dans son domaine d’activité: relique
    naturelle, un chêne géant antique était encastré dans la paroi extérieure du
    tumulus. Chez les indo-européens, le chêne est un arbre sacré, consacré à Zeus,
    père des dieux. Attachée aux branches, une cassette en bois était remplie de
    bijoux féminins et de pièces de harnais. Le tombeau avait une structure en
    pierre, avec une chambre centrale voûtée, innovation technologique importante
    du IVème siècle et du début du IIème siècle av. J.-C. Deux personnages y ont
    été enterrés et les archéologues ont pu documenter, pour la première fois, un
    tombeau royal érigé autour d’un arbre sacré. Le lieu devenait lui aussi sacré
    et les personnages enterrés étaient placés sous la plus haute protection
    possible, celle du père des dieux. Le trésor est composé de tiares et bracelets
    féminins ornés de représentations d’animaux mythologiques ou fantastiques-
    griffons ou têtes de lion – et de pièces de harnais. Il s’agit donc d’une
    offrande féminine et d’une autre, masculine. Toutes les découvertes
    archéologiques de tombeaux princiers – que ce soit aux bouches du Danube à
    Agighiol, ou dans la Plaine de Munténie à Peretu (au sud de la Roumanie), ou
    bien ailleurs – nous font croire que les élites traces considéraient que la vie
    après la mort continuait avec les mêmes éléments de leur vie sur Terre. Durant
    leur existence terrestre, ils étaient des chefs militaires, dont le cheval
    faisait partie de la présence royale. Alors, ce roi inconnu y avait déposé des
    pièces en or, des ornements du harnais de son cheval préféré, tandis que son
    épouse y avait mis de ses bijoux. Car il était hors de question de se présenter
    devant les dieux sans se parer d’or, d’objets indiquant leur position sociale.
    »


    Qu’est-ce
    qui rend uniques les pièces du trésor découvert en Bulgarie ? Réponse du
    directeur du Musée national d’histoire de la Roumanie, Ernest
    Oberländer-Târnoveanu:


    « Ce sont des objets issus d’ateliers
    grecs de la meilleure tradition classique, car au IVème siècle les Gètes maintenaient
    un contact serré avec les Grecs, ayant adopté des éléments importants de leur
    civilisation. Ils aimaient donc le vin et probablement le poisson, les bijoux
    raffinés. Ce que nous voyons ici ce sont des bijoux royaux, peu accessibles aux
    gens ordinaires. Or, ça n’arrivent pas souvent qu’un musée tel le nôtre
    accueille une telle découverte. Le trésor de Svechtari n’a pas beaucoup voyagé
    au-delà des frontières bulgares. L’exposition est ouverte au public roumain et
    aux touristes étrangers jusqu’au mois de juin 2023, tandis que la grande
    exposition « La Dacie, dernière frontière de la romanité », qui
    inclut ce sujet aussi, reste ouverte jusqu’en mai, car en juin elle voyagera en
    Italie, au Musée national romain. »,
    a conclu le directeur du
    Musée national d’histoire de la Roumanie, Ernest Oberländer-Târnoveanu. (Trad.
    Ileana Ţăroi)