Tag: théâtre indépendant

  • Bucharest Fringe – le marathon du théâtre indépendant

    Bucharest Fringe – le marathon du théâtre indépendant

    La capitale roumaine accueille, jusqu’au 20 octobre, le festival Bucharest Fringe — le marathon du théâtre indépendant, qui a proposé au public, depuis le 11 octobre, une sélection des meilleures productions du théâtre indépendant de Roumanie réalisées depuis un an. Durant les 8 années de son existence, Bucharest Fringe a réuni quelque 2000 artistes indépendants, qui ont présenté plus de 200 spectacles devant 20 mille spectateurs.


    Une cinquantaine de spectacles ont été inscrits pour la sélection de cette année du festival et malgré les difficultés financières auxquelles le théâtre indépendant est confronté en Roumanie, les organisateurs ont réussi à offrir au public un éventail diversifié de spectacles et d’événements. Au fil des années, le festival a réussi à contribuer au développement du théâtre indépendant — estime Radu Popescu, directeur de Bucharest Fringe : « Il y a contribué notamment par les prix accordés lors des 8 éditions déjà déroulées. Ils ont attiré l’attention des consommateurs de théâtre sur des artistes, des metteurs en scène, des scénographes, qui ont gagné une notoriété par la suite. Ainsi, parmi les lauréats de Bucharest Fringe figurent les metteurs en scène Horia Suru, Bobi Pricop et Andrei Măjeri, les comédiennes Nicoleta Lefter, Ana Ularu et Florina Glezne, les scénographes Tudor Prodan et Vladimir Turturică, dont certains se sont affirmés tout d’abord dans le secteur indépendant. Lors des premières éditions, nous avons pu accorder jusqu’à 8 prix chaque année et nous estimons que cette reconnaissance des talents est importante. Cette année, en raison de circonstances tout à fait particulières, les spectacles et les événements figurant à l’agenda du festival se sont déroulés au Théâtre Apropo ; pourtant, au fil du temps, pour les petits espaces dont bénéficie le théâtre indépendant, le festival a été une véritable bouffée d’oxygène. Seulement, cette bouffée d’oxygène ne suffit pas ; de toute façon elle n’a pas suffi pour qu’ils puissent survivre longtemps. Et malheureusement, à présent, certains ont fermé leurs portes. »



    Deux premières et une avant-première ont figuré à l’affiche de cette 9e édition du festival. Il s’agit de la première de « L’Expérience Shakespeare», un spectacle-performance proposé par Andreea Radu et les comédiens Raisa Ane et Teodor Ghiță. « L’Expérience Shakespeare » met au premier plan le spectateur, elle l’emmène sur scène, aux côtés des artistes, selon un concept original et nouveau pour le public bucarestois.



    La deuxième première du festival Bucharest Fringe est « LO-LI-TA a LO-VE Story » (LO-LI-TA une histoire d’AMOUR), un spectacle monté par Monica Pop. A cette édition du festival, le public peut également assister à l’avant-première des « Cercles de la confiance », dont la mise en scène est signée par Radu Popescu. Mention spéciale pour le spectacle « Hissé sur l’échafaudage », de Robert Bălan, et joué par Virgil Aioanei, Nicușor Rotaru et Robert Bălan lui-même. Il s’agit d’un spectacle introspectif sur le rôle du père dans la société contemporaine et sur l’attitude de l’homme face à ce rôle. Le scénario du spectacle utilise des fragments adaptés d’interviews réalisées durant la période de documentation, des informations reprises aux médias ou à certaines études, ainsi que des textes que les écrivains Andrei Doșa, Robert Șerban, Radu Pavel Gheo, Vasile Ernu et Igor Mocanu ont créés pour ce spectacle. Robert Bălan : «J’ai réalisé ce spectacle sans intention précise. A présent il me semble que c’est un spectacle sur les rôles des différents membres dans une famille, sur la nécessité que le père assume des responsabilités, aux côtés de la mère, pour élever l’enfant, sur la façon dont ces rôles ont changé depuis une dizaine d’années. J’étais en quête de frustrations masculines pour en parler dans mon spectacle. Après quelques représentations, je me suis rendu compte que ce mot, frustration, y apparaît très souvent. Mon intention était de trouver les aspects désagréables, disons, dont les hommes ne souhaitent pas parler d’habitude : échecs, moments où ils se sont sentis mal dans leur peau, où ils ont manqué d’argent, mais ils n’ont pas eu la force de le reconnaître ou ils ont eu honte de se présenter ainsi devant le monde. J’ai voulu développer le sujet dans cette direction et j’ai été très content d’entendre plusieurs femmes me dire par la suite que ces choses-là ne concernaient pas nécessairement les hommes, que mon spectacle aurait tout aussi bien pu être un spectacle sur les mères, il ne représentait pas uniquement le point de vue masculin. »



    Et puisque 2019 est une année du livre, cette édition du festival Bucharest Fringe — le marathon du théâtre indépendant a également comporté des événements qui concernaient la littérature : le spectacle-performance de Nicoleta Lefter « An-Tan-Tina », d’après le livre de la poète Ana Blandiana « Faux traité de manipulation » et « (J’ai) aimé l’amour » — un spectacle de poésie, de prose et de chansons tirées de l’œuvre de Nina Cassian. S’y sont ajoutées des rencontres avec des auteurs importants dans le cadre du projet « Apropos de littérature »– allusion au théâtre Apropo qui a accueilli les événements du festival — et des projections de films documentaires sur les plus grands écrivains roumains. (Trad. : Dominique)

  • NottDependent – le théâtre indépendant à l’honneur

    NottDependent – le théâtre indépendant à l’honneur

    Cela fait quelques années déjà que la scène dramatique roumaine essaie de s’ouvrir presque en égale mesure aux spectacles produits par des compagnies indépendantes et à ceux des théâtres publics. Au bout du compte, l’important c’est le produit final! C’est avec cette idée en tête que le Théâtre bucarestois Nottara a décidé d’organiser, fin juin, son premier festival consacré au théâtre indépendant. Déroulé du 21 au 25 juin, le festival NottDependent s’est proposé d’encourager le dialogue entre le milieu théâtral public et privé, tout en offrant au public l’occasion de mieux connaître les productions des petites compagnies.

    Une idée assez surprenante, selon Valentin Corneanu, sélectionneur du festival : «Dans un premier temps, la proposition du Théâtre Nottara a plutôt intrigué les directeurs des compagnies indépendantes. Puis, au fur et à mesure qu’ils ont compris le concept, ils ont accepté d’inscrire leurs productions à l’affiche du festival. Une fois expliqué le but de cet événement, tout c’est très bien passé. Car finalement, l’idée était d’offrir aux troupes indépendantes la chance de monter sur une scène consacrée. On a voulu détruire complètement le mythe selon lequel les compagnies de théâtre public doivent forcément rivaliser avec les indépendantes. Comme s’il s’agissait de deux adversaires qui se disputent à tout moment. Ce n’est pas vrai. On a donc espéré que le public fidèle au répertoire du Théâtre Nottara relèvera notre défi et sera nombreux en salle pour accueillir les productions indépendantes. Et c’est exactement ce qu’il s’est passé. D’autre part, les compagnies sont venues elles aussi avec leur propre public. Pour nous, cette première édition du festival a été un pari gagné. »

    L’idée d’un tel festival nous est venue après le succès du Programme Nocturnes qui, 13 ans durant, a donné la possibilité aux compagnies indépendantes et aux jeunes cinéastes de présenter leurs productions sur notre scène. Mais, à la différence de NottDependent, les Nocturnes accueillaient principalement des textes de la dramaturgie contemporaine, s’attaquant à une problématique actuelle et interprétés par de jeunes comédiens, a précisé Marinela Tepus, directrice du Théâtre Nottara.

    Parmi les sélectionneurs du festival, on retrouve aussi le critique de théâtre, Cristina Rusiecki, selon laquelle l’enjeu d’un tel festival est très ambitieux: «Cela fait plus de dix ans que le théâtre indépendant s’avère une source inépuisable de nouveautés et de défis. Du coup, une rencontre entre les deux types de théâtre- public et privé- sera couronnée d’une forte énergie positive et créative. Ou du moins, c’est ce que l’on espère. C’est pourquoi nous avons décidé de lancer cette démarche artistique. Quant aux compagnies privées, ce sont elles les premières à avoir eu l’initiative de travailler sur des textes contemporains. Car si la scène est un miroir vivant de notre société, qu’elle le soit du moins pour la société actuelle, non pas pour celle d’il y a 25 ans. C’est ce que fait le théâtre indépendant, qui arrive toujours à trouver des textes très actuels. C’est pour cela qu’il attire en salle un public plutôt jeune qui cherche à redéfinir ses rapports avec la société et à mieux comprendre les problèmes de vie.»

    Cinq jours durant, la scène du Théâtre d’État Nottara de Bucarest a accueilli huit productions indépendantes de compagnies théâtrales privées basées dans la capitale roumaine. Un premier pas dans une direction qui, à partir de l’année prochaine, sera encore plus ambitieuse puisque l’événement s’ouvrira aux compagnies de tout le pays. Parmi les productions à l’affiche de cette première édition du festival NottDependent a figuré aussi la pièce «Cock» de Mike Bartlett, une histoire sur l’identité, l’individu et la famille. Produite en 2014 par Entheos et GrayPlay Performing Arts, la mise en scène porte la signature du jeune Horia Suru, un nom connu aussi bien dans les milieux dramatiques publics que privés.

    Horia Suru: «J’avoue que l’idée d’organiser un tel festival m’a beaucoup surpris, car il s’agit, avant tout, d’un concept inédit. J’espère que cette première édition ait une suite et je suis impatient de voir si cet événement a la force de se transformer en une véritable plate-forme de débats. Je suis très curieux de voir la tournure que ce festival prendra. Je ne sais pas s’il sera prêt à soutenir des productions indépendantes dans leurs efforts de se trouver un producteur ou des locaux à Bucarest ou s’il se contentera plutôt d’emmener en salle la crème de la dramaturgie indépendante multi primée à des festivals, pour offrir au public la chance de s’ouvrir au théâtre indépendant.» (Trad. Ioana Stancescu)

  • L’invitée du jour – Chris Simion, fondatrice du Festival de Théâtre Indépendant Undercloud

    L’invitée du jour – Chris Simion, fondatrice du Festival de Théâtre Indépendant Undercloud

    L’écrivaine et metteuse en scène Chris Simion, originaire du Pays de Maramureş, dans le nord-ouest de la Roumanie, est également connue comme fondatrice de la troupe de théâtre D’AYA. Et c’est encore elle l’initiatrice et la directrice du Festival de Théâtre Indépendant Undercloud.



    Invitée au micro de RRI, elle nous a tout d’abord expliqué le concept d’Undercloud : « C’est la somme des spectacles de théâtre indépendant de chaque saison théâtrale que nous jugeons nécessaires, vivants, c’est de la qualité, du dévouement, de l’innovation réunis en un seul espace. Cela fait plusieurs années que nous organisons ce festival au Musée du Paysan Roumain. Deux semaines durant, nous essayons de créer non pas un mouvement culturel, mais un certain état d’esprit lié à la culture. Nos spectacles se jouent uniquement en roumain, mais là j’ai ma théorie à moi, en tant que spectatrice de représentations théâtrales en langues étrangères. C’est qu’un bon spectacle parvient à dépasser les frontières de la parole. Et comme l’émotion passe au-delà de la scène, on arrive à délaisser la trame en faveur de l’état d’esprit que vous procure un bon spectacle ».



    Comment l’idée est-elle née? « Par nécessité. La nécessité d’épauler le mouvement du théâtre indépendant, toujours plus fort, la nécessité de nous réunir, en compétition, sur la même scène, la nécessité d’être présents en été, lorsque pour les autres théâtres la saison est fermée, bref le besoin de théâtre authentique. Nous montons des spectacles de théâtre — danse, basés sur le mouvement, mais aussi des spectacles-lecture. Il y a eu également les spectacles primés lors du gala de l’Union théâtrale, ensuite un spectacle de théâtre acrobatique, intitulé l’Homme – Mouette, le premier en son genre jamais donné en Roumanie, d’après une formule adoptée par le Cirque du Soleil. Nous avons donc eu pas mal de nouveautés par rapport à l’année dernière ».



    Le mouvement du théâtre indépendant a gagné, ces derniers temps, en ampleur et n’a cessé d’améliorer sa qualité, affirme Chris Simion : « On a même assisté à l’essor d’un marché des espaces alternatifs, non conventionnels et fort variés, depuis les halles industrielles jusqu’aux appartements, où l’on donne des spectacles comme en France ou au Royaume-Uni, par exemple. Bien de ces productions théâtrales, d’une réelle qualité, commencent à rivaliser avec les représentations des théâtres institutionnels. C’est vrai que l’offre d’un théâtre indépendant ne saurait être tout aussi riche que celle de ces derniers, en raison bien sûr des budgets différents dont ils disposent. Voilà pourquoi les spectacles indépendants sont, dans la plupart des cas, plus simples, en ce sens qu’ils misent sur le jeu des comédiens et sur le canevas de la pièce, plutôt que sur des décors opulents et des costumes éblouissants. Entre temps, ce mouvement grandit et produit des spectacles vivants, qui attirent l’attention sur des questions d’une grande actualité ».



    Chris Simion est montée sur les planches il y a 15 ans, lorsqu’elle étudiait la théâtrologie. Elle a également fait des études de mise en scène. En fait, comment a-t-elle découvert le théâtre? « Dans mon cas, ce fut par hasard. Je n’ai pas été de ces enfants emmenés très tôt au théâtre pas les parents. C’est donc moi-même qui en ai fait la découverte lorsque j’ai décidé de franchir le seuil du Théâtre national. Je suis tombée sur une répétition de la pièce «Le nom de la rose». Une sorte de magie s’étant alors produite entre la scène et moi, je me suis tout à coup ravisée sur mes projets d’avenir. A cette époque-là j’étais en terminale et j’envisageais de faire des études de psychologie. C’est ainsi que j’ai changé de cap trois mois seulement avant la fin du lycée ». (trad.: Mariana Tudose)