Tag: Turcs

  • Essence dobrogéenne

    Essence dobrogéenne

    14 minorités ethniques cohabitent en Dobroudja, entre le Danube et la mer Noire (sud-est de la Roumanie). Cette région accueille la minorité turco-tatare la plus importante du pays, vu que pendant plus de 4 siècles, la province a été sous administration ottomane. Il existe aussi des localités avec un grand nombre de Russes lipovènes et dUkrainiens.



    Notre histoire commence sur les rives du lac Goloviţa, près de la côte roumaine de la mer Noire, où se trouve un village qui se démarque par les événements culturels organisés là ; jai nommé Vişina. Tout a commencé après quune citadine a acheté une maison de vacances dans ce village ; la nouvelle propriété a suscité sa passion pour promouvoir les traditions de cet endroit. Bianca Folescu, la nouvelle propriétaire, a déclaré :



    « Dune certaine manière, les choses sont venues en temps et lieu, cela na pas été pas une décision immédiate. Le premier pas a été franchi quand jai trouvé cet endroit tranquille pour me réfugier le week-end avec les enfants et acheté la petite maison dans le village de Vişina. Et, peu à peu, jai commencé à aimer lendroit, les us et coutumes, à comprendre la vie à la campagne et à réaliser que la simplicité de la vie ici est une richesse que jai découverte à peine maintenant. Et à ce moment-là, je me suis dit de métablir effectivement ici. Bien sûr, le ménage a grandi pendant ce temps et jai ressenti non seulement le désir, mais aussi la nécessité dêtre ici jour après jour, et demménager ici pour de bon. Évidemment, sinstaller à la campagne nest pas une décision facile à prendre ; cela a entraîné beaucoup de transformations, mais je pense que cétait une des meilleures décisions de ma vie. »



    Bianca Folescu est passée du confort de la ville à la vie simple, mais après en avoir appris les secrets, à commencer par faire le feu dans le poêle avec des éclats de bois, à lachat « sur le cahier » au magasin du village ou à demander un peu de tout aux voisins, notre interlocutrice a commencé à marquer lendroit de son empreinte. Aujourdhui, sa maison au village a bien une centrale thermique parce quelle souhaitait le confort quelle connaissait, mais son impact sest étendu à la communauté :



    « Ce village navait pas de visibilité, et alors je suis intervenue dans la vie dun ensemble de danses bulgares, qui préservait les traditions du village. Peu à peu, la composition de lensemble, sa visibilité, toute son activité a changé. Les choses ont pris une autre ampleur au fil du temps. Cest maintenant un groupe dune beauté extraordinaire. Ce groupe étant composé de femmes et denfants du village, javais clairement une interaction sociale avec une partie représentative des villageois. »



    Bianca Folescu est devenue la promotrice de la cuisine du terroir :



    « Jai participé à certains événements et jen ai créé dautres, où nous avons tenu à mettre en exergue la gastronomie locale. Nous savons que la population est mixte, cest-à-dire que je ne pouvais pas me borner uniquement à la cuisine dinfluence bulgare, étant donné que Vişina a encore une communauté restreinte de Bulgares dobrogéens. Bien sûr, nous avons ici aussi la gastronomie tatare, dobrogéenne, roumaine, recueillie de partout. La gastronomie est constituée ici d’un bouquet très riche de produits à mettre sur la table pour le plus grand plaisir du palais. Et, oui, le défi, cétait de trouver toute sorte de produits, avec des noms différents, des produits qui peuvent être préparés rapidement, qui peuvent être servis en peu de temps. Noublions pas que les Bulgares étaient de bons maraîchers, donc ici, cest clair, la zacuscă (faite de légumes cuits, hachés à la main, notamment daubergines, de poivrons, doignons, et tartinable) est reine. Ce sont des produits préparés avec des légumes, tels que les cherdele (sorte de galettes) à loignon, par exemple. Il y a une multitude de produits de la cuisine locale que nous avons souvent mis en avant. Noublions pas la galette dobrogéenne, qui est limpératrice dans ma maison. »



    La restauration de la maison achetée et surtout de son intérieur a constitué pour Bianca Folescu la première étape dans lorganisation dune autre maison du voisinage comme un petit musée vivant, nous a-t-elle expliqué :



    « Il y a les 5 chambres, chacune avec une spécificité différente, parce que je pensais représenter Vişina dans son ensemble. Elle est représentée par la pièce du milieu, qui est la chambre bulgare, et dans le voisinage, nous avons la chambre russe lipovène, la chambre dobrogéenne, parce que la population roumaine est dominante, la chambre orientale, pour contenter tant les Turcs que les Tatars, et la chambre aroumaine. Chaque pièce est ornée dans son style spécifique, combinant les objets anciens que nous avons trouvés dans les localités avec une population prédominante de ces ethnies, mais aussi avec de nouveaux objets imitant des objets anciens. »



    Les meubles, les rideaux, les serviettes traditionnelles et les différents objets ménagers proviennent de dons faits par les villageois. Bianca Folescu a fait les modèles de fleurs chantournées elle-même, car elle sest plu à apprendre des artisans locaux. Puis notre interlocutrice a également appris des choses sur la broderie dobrogéenne, sur lartisanat de la région, sur larchitecture traditionnelle, et elle a commencé à collaborer avec les musées dart traditionnel de Constanţa et de Tulcea (les deux dans le sud-est).


    (Trad. : Ligia)


  • Paul Jamet (France) – La citadelle de Poenari

    Paul Jamet (France) – La citadelle de Poenari

    Elle est sise en haut d’un rocher, dans le sud de la Roumanie, entre la ville de Curtea de Argeş et non loin du barrage de Vidraru, dans un décor boisé. C’est un édifice à part tant par son emplacement sur des abrupts que par son architecture — aux influences transylvaines, mais aussi byzantines -, mais surtout par les mystères liés à son histoire. On disait cette cité inexpugnable. Ceux qui ont visité ce lieu se sont déclarés fascinés.



    Le nom de la citadelle lui vient du village homonyme, sis à 6 km de là ; ce nom figure dans des sources du XVe siècle. Elle a été la seconde résidence de Vlad l’Empaleur, reconstruite pour lui servir de forteresse contre les Turcs qui l’attaquaient. Considérée une des plus spectaculaires de Roumanie, la cité est de forme allongée ; elle avait initialement une tour en pierre à mission de défense de la frontière nord de la Valachie. Au milieu du XVe siècle, dans une nouvelle étape de construction, Vlad l’Empaleur lui en ajoute quatre et une citerne à eau. Pour construire la forteresse de Poenari, le prince régnant avait employé des personnes condamnées pour des faits graves. Notons aussi que les murailles de la construction étaient en pierre, mortier, solives et en brique et mesuraient 2 à 3 m d’épaisseur — selon une technique byzantine. Le mortier rouge, une autre technique byzantine, d’imperméabilisation, celle-là, avait été utilisé sur les murs de la citerne. La citadelle a été employée à plusieurs fins au fil du temps : abri pour les princes régnants roumains ou du Trésor de la Valachie, et même prison ! Beaucoup de légendes sont liées à cet endroit. Deux disent que l’épouse de Vlad l’Empaleur se serait suicidée là en 1462, soit parce qu’il voulait la quitter, soit parce qu’elle ne voulait pas tomber prisonnière des Turcs qui s’approchaient. Une autre légende dit qu’en 1462, Vlad l’Empaleur aurait réussi à échapper aux Turcs, se cachant dans la forteresse, parce qu’il avait ordonné aux maréchaux-ferrants de mettre les fers aux chevaux à l’envers. Il a ainsi dérouté ses adversaires, qui ont cru qu’il avait quitté la citadelle.



    La cité est abandonnée à la moitié du XVIe siècle. Quelques éléments archéologiques ont été découverts à l’intérieur : une pointe de flèche en forme de feuille, des récipients à usage domestique, des fragments de pots, de la céramique émaillée, des briques et autres.



    En 1955, suite à un puissant tremblement de terre, la cité a perdu son côté nord et le rocher sur lequel il s’appuyait, et n’a plus été reconstruit. Entre 1696 et 1972, elle a été restaurée à plusieurs reprises, et ses remparts — partiellement reconstruits et consolidés. Et d’autres restaurations ont été réalisées à compter de 2010.



    C’est à l’époque communiste que les marches qui permettent d’y accéder ont été bâties. Car la forteresse est visitable. Pour y arriver, courage ! Elle est sise à 850 m d’altitude et il y a 1480 marches à monter, à travers la forêt. Ceux qui s’y sont aventurés ont mis entre 30 minutes et une heure et déclarent que le paysage est enchanteur et une fois en haut — la vue sur la vallée de la rivière Argeş, le barrage de Vidraru et les Monts Făgăraş — imprenable. Dernièrement, une clôture électrique a été installée le long des marches pour tenir les ours à distance.



    La personnalité hors normes de Vlad l’Empaleur a inspiré au fil du temps les écrivains, dramaturges et réalisateurs, qui ont écrit des romans, des nouvelles, mais aussi des scénarios de pièces de théâtre et de films. Et elle a aussi constitué la source d’inspiration pour Jules Verne dans son roman « Le Château des Carpates ». Les légendes autour de cette personnalité mystérieuse fascinent encore de nos jours. Pour eux, Dracula Fest est organisé chaque année au mois d’août dans la citadelle, avec des évènements artistiques et des reconstitutions historiques censés mettre en exergue cette construction modifiée par Vlad l’Empaleur au sommet de la montagne.

  • 80 ans depuis la cession du Quadrilatère

    80 ans depuis la cession du Quadrilatère

    La région connue sous le nom de Quadrilatère, ou la Dobroudja du Sud, avait rejoint le royaume de Roumanie en 1913, suite à la paix de Bucarest, qui scellait la fin de la 2e guerre balkanique. C’est qu’en 1912, la Ligue balkanique, formée par la Grèce, la Bulgarie, la Serbie et le Monténégro, attaquait l’empire ottoman, parvenant à libérer l’Albanie, la Macédoine et la Thrace, après deux mois de combats acharnés. Pourtant, très vite, les mésententes qui apparaissent au sein de la coalition initiale, au sujet de la répartition des territoires conquis, donnent naissance à la deuxième guerre balkanique, déroulée, elle, entre la Bulgarie d’une part, la Grèce, la Serbie et le Monténégro de l’autre.

    La Roumanie est entrée dans la bagarre contre la Bulgarie, et la paix, signée le 10 août 1913, à Bucarest, allait dessiner les frontières issues de cette guerre entre les Etats des Balkans.La compétition entre les Etats libérés de la suzeraineté ottomane au 19e siècle, et leur désir d’agrandir leur part du gâteau aux dépens des autres, a vite fait de dégénérer en violences civiles et militaires. Le nationalisme avait le vent en poupe, et les revendications territoriales se trouvaient en haut des agendas politiques des Etats balkaniques. Invoquant le droit historique et/ou la composition ethnique d’une région, tous étaient occupés à revendiquer des pans entiers des territoires des autres. Les nations balkaniques ne s’entendaient que sur un point : la haine des Ottomans. Pour ne rien arranger à l’affaire, les puissances européennes commencent à soutenir, chacune de son côté et en poursuivant ses propres intérêts, l’un ou l’autre de ces nouveaux Etats dans leurs revendications respectives. La France et la Grande-Bretagne appuyaient ainsi les revendications grecques et serbes, alors que l’Allemagne soutenait plutôt les points de vue des Roumains et des Bulgares, et que l’Autriche-Hongrie et l’Italie se faisaient les porte-paroles des revendications albanaises.

    De tout ce vacarme, à la fin de la deuxième guerre des Balkans et suite au Traité de Bucarest, la Roumanie se voyait attribuer le Quadrilatère, région riveraine de la mer Noire, située au Sud de la Dobroudja roumaine et habitée à 47% par des Bulgares, à 37% par des Turcs, à 4% par des Rom et autant par des Tartares, enfin habitée à seulement 2% par des Roumains. Mais la question de la Dobroudja du Sud était demeurée pendante depuis les traités de paix de San Stefano et de Berlin, traités qui avaient établi les conditions de paix suite à la guerre russo-roumano-turque de 1877/1878. La Russie s’était à l’époque engagée à offrir à la Roumanie le sud de la Dobroudja, en échange du sud de la Bessarabie, qu’elle avait englobé à son empire. Vu que les promesses russes ne s’étaient pas matérialisées à l’époque, pour la Roumanie cette question était un vrai sujet de frustrations. Mais le Quadrilatère allait rejoindre la Roumanie en 1913 et ce pour seulement 3 années.

    En effet, dès 1916, lors de l’entrée de la Roumanie dans la première guerre mondiale aux côtés de l’Entente, la Bulgarie allait vite occuper le sud de la Dobroudja, alors que la Roumanie était aux prises avec les Puissances centrales. A l’issue de la guerre, suite au traité signé à Neuilly-sur-Seine, la frontière entre la Roumanie et la Bulgarie était à nouveau redessinée à la faveur de la Roumanie, regagnant son tracée de 1913. Dans la période de l’entre-guerre, la politique étrangère de la Roumanie s’est résolument orientée vers ses alliés traditionnels, la France et la Grande-Bretagne. Mais la défaite de la France de 1940 et la fin de l’ordre européen scellé à Versailles à l’issue de la première guerre mondiale trouvaient la Roumanie en porte-à-faux devant les nouveaux maîtres de l’Europe. C’est ainsi qu’au mois de juin 1940, l’Union soviétique, de mèche avec l’Allemagne nazie, occupait la Bessarabie et le Nord de la Bucovine, suite à deux ultimatums successifs transmis par le gouvernement soviétique au gouvernement de Bucarest.

    A la fin du mois d’août de la même année, le pays était dépecé, la Hongrie occupant le Nord de la Transylvanie, suite au Diktat de Vienne, conclu sous la houlette de l’Italie et de l’Allemagne. Enfin, le 7 septembre 1940, le traité de Craiova obligeait la Roumanie à céder le Quadrilatère à la Bulgarie, sous la double pression des mêmes Italie et Allemagne. L’historien Ioan Scurtu essaie de déchiffrer la marge de manœuvre dont disposait le nouveau gouvernement fasciste, instauré à Bucarest le 6 septembre 1940, devant ce contexte pour le moins trouble :« Le sort du Quadrilatère semblait déjà scellé dans la lettre envoyée par Hitler au roi Carol II, le 15 juillet 1940, et dans laquelle le Führer exigeait la cession d’une partie de la Transylvanie à la Hongrie, et la cession du Quadrilatère à la Bulgarie. Les dés étaient donc jetés. Les négociations ultérieures, déroulées au mois d’août 1940, n’ont fait que donner un semblant de légitimité à l’affaire. Carol II, suite à la décision prise par le Conseil de la Couronne, acquiesce à la cession. Il va sans dire que le nouveau chef du gouvernement roumain, le général Antonescu, n’a fait que signer les documents qui ratifiaient une décision assumée par l’ancien roi, déposé depuis ».

    Il faut dire que dans la période de l’entre-guerre, tant que le Quadrilatère s’est trouvé dans le giron de l’Etat roumain, ce dernier avait consenti à faire bien des efforts pour favoriser le développement économique de la région, en y construisant également un réseau routier, et en modernisant les anciennes voies terrestres. Par ailleurs, engagée par les traités signés, la Roumanie avait dû respecter les droits des minorités nationales, turque et bulgare en premier lieu, dans les domaines de la propriété, de l’utilisation des langues des minorités dans l’éducation et dans la presse, du droit de vote, accordant en outre de l’assistance juridique et l’accès aux autres droits dont jouissait pleinement tout citoyen roumain.

    Dans les années 20, la Roumanie avait dû néanmoins renforcer sa frontière sud, qui s’avérait trop perméable aux incursions des troupes para militaires bulgares. Mais la Roumanie avait également menée une politique de colonisation de ce territoire, en y installant des Roumains originaires de tout le pays et des Aroumains, originaires de l’ancienne province ottomane de Macédoine. La proportion de la population roumanophone s’était ainsi vue augmenter de façon conséquente. Au recensement de 1930, les Bulgares ne représentaient plus que 37% de la population du Quadrilatère, les Turcs 34%, alors que la proportion des Roumains était passée de 2 à 20%, les Roms et les Tatares demeurant à 2 et respectivement à 1% de la population totale de la région. Dans le contexte, des villes nouvelles sont apparues, telles Silistra, Bazargic et Balcic, la dernière abritant la résidence que la reine Marie s’était fait ériger au bord de la mer Noire. Cette dernière, Entourée de magnifiques jardins, cette résidence d’été demeure encore aujourd’hui l’une des attractions de la région. (Trad. Ionuţ Jugureanu

  • La Dobroudja multiculturelle

    La Dobroudja multiculturelle

    Nous commençons notre voyage sur les ondes par une halte à Constanța, la plus importante ville de la Dobroudja et le plus grand port roumain à la mer Noire. Dans le passé, chaque communauté y avait sa banlieue.

    Diana Slav, guide touristique de la ville, nous présente l’ancienne banlieue grecque : « La communauté grecque a été et continue d’être très impliquée dans la vie culturelle de Constanța. C’est aux Grecs que nous devons la première école publique de la ville, construite autour de 1865, et le premier théâtre, bâti en 1898. Ce théâtre s’appelle Elpis, qui, en grec, signifie « espérance ». Le grand musicien roumain George Enescu y a donné deux concerts et l’historien Nicolae Iorga, dont la mère était d’origine grecque, y a prononcé une allocution. C’est toujours là que se trouve la première église chrétienne de Constanța, l’église grecque Metamorhposis, la Transfiguration. Elle a été achevée en 1868. A l’intérieur on peut voir encore les candélabres originaux en verre de Murano, apportés en 1862, de Murano et offerts à l’église par un marchand d’origine grecque. Pendant une dizaine d’année, ce fut d’ailleurs la seule église chrétienne de Constanța, aussi, catholiques, orthodoxes et Arméniens ont tenu leurs services religieux ensemble dans le même espace. Pourquoi a-t-elle été la seule église chrétienne ? Parce qu’elle a été construite durant la période de la domination ottomane. Les Grecs ont réussi à négocier avec les Turcs pour pouvoir ériger leur église – chrétienne, donc. La principale condition imposée par les Turcs fut que l’église ne soit pas plus haute que la mosquée située tout près. Pour respecter cette exigence, on conçut une toiture plate, sans croix et sans clocher. L’appel à la prière n’était permis qu’aux musulmans. L’actuel clocher date de 1947 et il est fonctionnel et apprécié par la communauté de tous les orthodoxes. »

    Le roi Carol Ier et le futur tsar de Russie, le tsarévitch Alexandre, ont monté les marches de cette église en 1878, lors de la première visite du roi en Dobroudja. Selon Mihnea Hagiu, vice-président de la communauté grecque de Constanța, la ville compte actuellement quelque 2.500 Grecs. Depuis 1947, une rue importante pour eux porte le nom d’Aristide Karatzali.

    Mihnea Hagiu : « Aristide Karatzali a été le premier socialiste de la Dobroudja. Il a habité cette rue. L’étincelle de la révolution bolchévique s’est allumée à bord du vaisseau Potemkine. Celui-ci s’est rendu aux autorités roumaines en 1905. Tous les officiers ont été débarqués à Constanța. Une partie d’entre eux y sont restés, d’autres ont émigré en Argentine et plusieurs sont retourné en Russie, où ils ont été exécutés par l’empire tsariste. Aristide Karatzali a abrité les officiers russes. Le théâtre de marionnettes Elpis se trouve rue Aristide Karatzali. Un peu plus loin a habité Nikola Papadopol, déclaré le premier citoyen roumain par le roi Carol I, en 1877, après la guerre d’indépendance de la Roumanie, en raison du fait qu’avant l’arrivée des autorités roumaines, il était maire de Constanța. C’est lui qui collectait les taxes et les remettait aux autorités ottomanes. Le prochain maire de la ville fut toujours un Grec, Anton Alexandidri. La communauté grecque a soutenu dès le début le développement de la ville de Constanța. Avant que la Dobroudja ne réintègre la patrie mère, la Roumanie, les habitants grecs de Constanța, ont adressé une déclaration aux autorités roumaines, demandant d’être dirigés par les autorités roumaines et non pas bulgares, la Dobroudja étant revendiquée, à l’époque, par la Bulgarie aussi. »

    Les Russes lipovènes se distinguent par leur riche histoire, leurs traditions et surtout leur cuisine délicieuse. Nous allons les rejoindre aujourd’hui à Ghindărești, localité qui a été, au fil du temps, tantôt commune, tantôt village. La communauté se réunit à l’église de la Résurrection, dont la construction a commencé en 1906 et qui mesure 45 m de haut.

    Anfisa Demid, professeur de roumain et de russe à l’école de Ghindărești, nous présente la communauté des Russes lipovènes, dont elle est la présidente : « Nos ancêtres sont des chrétiens orthodoxes de rite ancien, qui n’ont pas voulu renoncer à leur foi, telle qu’ils la comprenaient. Parmi les Russes, c’est seulement nous, qui vivons en territoire roumain, que l’on appelle « lipovènes ». Selon une des explications de cette appellation, le premier habitat des Russes arrivés en terre roumaine se serait trouvé à proximité d’une forêt de tilleuls. Le mot russe pour tilleul est « lipa », d’où le nom de lipovènes. Il paraît que la première attestation documentaire de la communauté remonte à une chronique valaque, qui mentionne qu’en Dobroudja se trouvait une population russe établie dans une localité appelée Ghindărești, en Turquie – car la Dobroudja avait, à l’époque, le statut de pachalik turc. Nous habitons dans la région depuis près de 300 ans. Les Russes lipovènes se sont établis en général au bord des eaux, pour pouvoir pêcher, car ils sont originaires de la zone du Don et la pêche est leur principale occupation. Nous avons gardé nos icônes anciennes, nos livres religieux, nos costumes traditionnels et nos coutumes » .

    A Ghindărești, on peut écouter la chorale féminine Novole Donseolki et vous régaler de spécialités traditionnelles, entre autres des crêpes au fromage, des brioches au fromage et petits fours au fromage. Le bortch de poisson et le maquereau grillé, accompagné d’un verre de vin du terroir restent les spécialités vedettes.

    Nous nous rapprochons maintenant de la côte de la mer Noire et nous nous arrêtons à Mangalia. Situés à proximité du port touristique, dans la partie ancienne de la ville, la mosquée Esmahan Sultan et son cimetière occupent une superficie d’environ 5.000 m². De l’avis des spécialistes, c’est l’un des plus beaux monuments d’architecture de la région, en raison du mélange des styles grec et turc, teinté d’influences maures. La véranda, les piliers et les balustrades en bois confèrent un aspect tout à fait à part à cet édifice, déclaré monument historique en 2004.

    Halil Ismet, l’imam de la mosquée Esmahan Sultan, de Mangalia, nous en parle : « La mosquée Esmahan Sultan de Mangalia est une des plus anciennes de la Dobroudja. Elle a été construite par la princesse dont elle porte le nom, fille du sultan Selim II et épouse de Sokollu Mehmed Pacha. La mosquée Esmahan Sultan est ouverte aux fidèles toute la journée. L’office est célébré en arabe et les sermons sont prononcés en turc. La communauté musulmane de Mangalia compte plus de 900 familles. En été, la mosquée est visitée par de nombreux touristes roumains et étrangers, dont certains n’ont jamais vu un tel établissement religieux et ils sont toujours impressionnés. »

    A l’entrée de la mosquée se trouve un beau jardin fleuri et une terrasse où vous pouvez vous arrêter pour savourer un café turc, préparé dans du sable chaud, ou un thé parfumé.

    Voilà pour cette édition de notre rubrique Radio Tour, réalisée avec le concours du Département pour les relations interethniques du gouvernement roumain. A bientôt pour un nouveau voyage sur les ondes de RRI. (Trad. : Dominique)