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  • “Ana Simon- les étranges rencontres”

    “Ana Simon- les étranges rencontres”

    Cela fait plus de cinquante ans qu’Ana Simon a quitté la Roumanie pour s’établir d’abord, en Espagne et ensuite en Suisse, à Genève. Ecrivaine, réalisatrice de films et traductrice, Ana Simon est née à Domasnea, dans le pays de Caras Severin. Pourtant, cette grande personnalité culturelle passe presque pour inaperçue en Roumanie ce qui explique la démarche de trois écrivains de lui consacrer un volume. Ana Simon – les étranges rencontres signé Alina Mazilu, Vasile Bogdan et Cornel Ungureanu vient de paraître fin septembre aux Maisons d’Editions Diacritic de Timisoara.

    Des détails avec Alina Mazilu qui précise: Personnellement, j’aime bien considérer ce volume comme une sorte de début puisqu’on sait très peu de choses sur cette femme et c’est bien dommage. Attention, je ne saurais dire que c’est injuste, car elle non plus, n’a pas souhaité se faire connaître. Seulement voilà, on ne sait pas grand chose sur Ana Simon et on devrait en savoir davantage. C’est pourquoi je parle de ce volume comme d’un début, un bouquin qui propose une série d’interviews sur et avec Ana. Qu’est ce qu’il surprend? Hé bien, je pense qu’il arrive à surprendre sa personnalité complexe, sa vocation de l’amitié, sa générosité. Qu’est -ce -que nous, on s’est proposé par ce bouquin? On a voulu surtout ne pas tout dévoiler. On a voulu préserver le mystère. On a donc essayé d’inviter le public à découvrir l’univers d’Ana Simon, tout en lui laissant le plaisir de s’imaginer le non dit.

    Mais qui est Ana Simon? C’est l’épouse du comédien suisse, François Simon, connu pour son expressivité et sensibilité particulière et belle-fille du célébrissime Michel Simon. Mais, en même temps, elle est celle ayant traduit les œuvres de Mircea Eliade, de Marin Sorescu ou encore de Miguel de Unamuno et celle ayant signé de nombreux recueils de poésie ou encore des scénarios de film. Dans le volume qu’on lui a consacré, on a publié certains de ses poèmes et une série de photos censées aider le public à s’imaginer des brins de son existence. Alina Mazilu: Il y a plusieurs photos dont une aux côtés de Mario Vargas Llosa prise à Lima des années avant que Llosa devienne célèbre. Il y a par la suite des lettres envoyées par Ion Negoitescu, un proche d’Ana Simon ou encore par Emil Cioran. Le public aura la chance de découvrir aussi un portrait réalisé par Margarethe Krieger, artiste peintre d’origine allemande et grande amie d’Ana. Sur la première couverture du livre il y a un portrait fait par le peintre chilien Jose Venturelli, un proche du poète Pablo Neruda, qui surprend à merveille Ana Simon dans toute sa simplicité. Et puis, il y a aussi une série de photos avec son grand amour, François Simon ou encore avec des personnalités roumaines, telles Ion Vianu.

    Toute l’œuvre d’Ana Simon, que l’on parle de ses chroniques littéraires, de ses interviews, de ses poèmes ou ses traductions, est traversée par le même fil conducteur qui est l’admiration note Alina Mazilu dans son volume. Une vérité qu’Ana Simon, présente sur place le jour du lancement du livre, consent dans une déclaration en exclusivité sur RRI: Tout ce que j’ai fait, je l’ai fait par admiration. Il est vrai que ma formation littéraire a joué pour beaucoup, puisque j’ai étudié la littérature universelle et comparée ce qui a alimenté mon intérêt dans cette direction. Les artistes viennent de quelque part et ils nous dévoilent le plus possible de leur univers. Moi aussi, j’ai essayé de faire de même, en partageant mon admiration pour eux à travers un film.

    A feuilleter le volume Ana Simon. Les étranges rencontres, vous aurez l’occasion d’admirer la couverture d’un livre qu’elle a consacré à Michel et François Simon. Alina Mazilu affirme que Ce n’est là qu’un petit échantillon de l’immense travail qu’Ana Simon a mené afin de récupérer l’image des deux Simon- père et fils. Après la mort de François, Ana a construit toute son existence sur un effort censé renforcer le rôle que les deux Simon ont joué dans la cinématographie européenne. Elle leur a consacré des livres, des poèmes, elle a lutté pour que son mari, François, reste dans la mémoire collective comme l’un des comédiens de langue française les plus expressifs, dont le nom se rattache à la création du Théâtre de Carouge qui existe de nos jours encore, à Genève. Elle a mené un véritable parcours de combattant pour préserver vivante la mémoire de François et de Michel Simon.

    Voyageuse passionnée, faisant souvent la route entre Genève, Paris et Barcelone, Ana Simon visite régulièrement son Banat natal. Est-ce que vous avez un chez vous, Mme Simon? Et elle de préciser: Chez moi…hm, je dirais comme Camus: mon pays fut mon père et donc mon chez moi que j’ai perdu depuis tant d’années. Sinon, j’ai eu des maisons provisoires, car comme François avait des tournages partout, je le suivais. Ensemble, on a beaucoup voyagé et du coup, je me sentais chez moi là où il y avait François, surtout depuis que mes parents étaient disparus. Camus disait que son pays lui servait de père. Et puis, un jour, il est resté orphelin. Moi, je l’ai gardé ce père, car j’ai préservé la langue roumaine et je sens que si un jour quelque chose de mal arrivait à la Roumanie, je serais prête à me battre pour la défendre. Je critique toujours les autres avant de me prendre à mon pays. Je reste fidèle à ce pays qui m’a vu naître et me former. Je ne suis ni Française, ni Suisse.

    Ana Simon. Les étranges rencontres est un livre qui incite ses lecteurs à vouloir apprendre davantage sur la vie et la personnalité de cette femme au destin particulier. Alina Mazilu conclut: Chacun de nous trois a fait sa propre rencontre d’Ana Simon. Chacun de nous trois s’est laissé influencé par la façon dont cette personnalité culturelle est entrée, la première fois, dans sa vie, surtout que chacune de nos rencontres a été parsemée d’éléments surréalistes. Et du coup, chacun de nous trois, a choisi d’en parler à sa manière. Ce n’est pas une lecture aride. Tout au contraire. C’est un livre qui se lit facilement, car il est très bien écrit. Du moins, je l’espère. (trad. Ioana Stancescu)

  • Les derniers jours de l’Occident..

    Les derniers jours de l’Occident..

    Qu’arrive-t-il à l’Occident ? Est-il entré dans la phase finale de son déclin ? La civilisation occidentale se meurt-elle ? L’Europe sera-t-elle islamisée, africanisée, occupée par des millions de migrants venus d’Afrique et d’Asie ? Est-on en train d’assister à la disparition de l’homme blanc ? Voilà quelques-unes des questions auxquelles, en tant que journaliste de Radio France Internationale, Matei Vişniec est confronté quotidiennement.

    Dans son livre « Les derniers jours de l’Occident », publié dans la collection Fiction Ltd. de la maison d’édition roumaine Polirom, Matei Vişniec aborde ces mêmes questions, mais cette fois-ci avec les instruments de l’écrivain, par des fables philosophiques, des histoires et des confessions. A l’occasion du lancement de son livre « Les derniers jours de l’Occident », l’écrivain et journaliste Matei Vişniec a eu plusieurs rencontres avec des lecteurs de Roumanie.

    A Bucarest, la rencontre, accueillie par la librairie Humanitas Cişmigiu, a été modérée par le critique Ion Bogdan Lefter, qui a présenté le volume : « Matei Vişniec nous dit qu’il a ressenti le besoin d’écrire sur ces choses-là, mais sous forme de prose. C’est qu’il avait déjà publié aussi bien des essais que des articles sur ce thème, toujours aux Editions Polirom. Dans ce livre, il ne formule pas de verdicts et ne fait pas de prophéties noires. Il met devant nous des textes où se retrouvent des thèmes véhiculées aujourd’hui : les mélanges ethniques, linguistiques et culturels, la migration, le passé et le présent, l’échelle des valeurs, la raison et le rationalisme excessif. »

    Etabli en France en 1987, Matei Vişniec y travaille comme journaliste à RFI. Lors de sa rencontre avec les lecteurs de Bucarest, il a raconté comment il réussissait à vivre entre deux cultures, deux activités, deux langues et comment un thème d’actualité peut être mué en fiction.

    Matei Vişniec: « Je tâche parfois de sauver la première partie de la journée en écrivant de la fiction – d’habitude toujours sur l’actualité. Pourtant, ce qui m’a intéressé, ces dernières années, c’était une sorte de chasse aux paradoxes et surtout aux dilemmes dans les dépêches de l’AFP, dans les quotidiens que je lis, dans les médias, dans les commentaires que j’entends. C’est-à-dire, je détecte dans l’actualité des dilemmes et des paradoxes, pareillement à ceux qui détectent de l’or à l’aide d’instruments spéciaux. Ce qui m’intéresse, moi, le plus, ce ne sont pas les problèmes de la société car, tout comme en mathématiques, les problèmes ont leurs solutions. Ce qui m’intéresse, ce sont les dilemmes qui – comme nous l’avons appris des Grecs – n’ont pas de solutions. Ce sont ces dilemmes-là qui me préoccupent : les dilemmes sociaux, de l’être humain, psychologiques. Et je pense que c’est de cette façon que j’ai commencé à écrire ce livre : en créant cette collection de dilemmes que je détecte dans mon environnement. »

    Partagé depuis une trentaine d’années entre la France et la Roumanie, Matei Vişniec affirme que le Bucarest de nos jours lui provoque une sorte de souffrance mêlée de joie : « Par rapport à toutes les capitales européennes que je connais – peut-être à l’exception de Belgrade – Bucarest me semble avancer lentement. Cela me fait beaucoup de plaisir de venir à Bucarest, parce qu’il y a tant d’énergie positive ici, tant de gens que j’aime bien, tant de créativité. J’ai ma petite théorie – plus ancienne – comme quoi si la Roumanie donne plus d’enfants talentueux par millier d’habitants par rapport à d’autres pays occidentaux, c’est parce qu’elle doit compenser le fait qu’elle compte plus d’hommes politiques corrompus par millier d’habitants. Ainsi, de manière organique, la terre roumaine s’efforce d’équilibrer les deux et fournit plus de talents, plus de créativité, pour compenser l’incompétence et le caractère toxique des politiciens. La Roumanie est donc pour moi – comme je le dis souvent – l’espace où je viens récupérer mes énergies et mes ressources et me nourrir. Elle est comme une rampe de lancement pour le dramaturge Matei Vişniec, car les festivals de théâtre de Roumanie sont très importants. Le Festival international de théâtre de Sibiu, par exemple, est tout à fait extraordinaire. En outre, toujours plus de metteurs en scène étrangers viennent en Roumanie, où ils peuvent avoir des rencontres essentielles. La Roumanie a réussi à créer ainsi des pèlerinages culturels importants. »

    Les pièces de Matei Vişniec sont traduites et jouées dans une trentaine de pays. En tant qu’écrivain, il s’est vu décerner de nombreux prix, à commencer par le Prix de poésie que l’Union des écrivains de Roumanie lui a accordé en 1984, pour le volume « Le sage à l’heure du thé ». S’y sont ajoutés, entre autres, en 1998, le Prix de l’Académie roumaine et, en 2016, le Prix de l’UNITER (Union théâtrale de Roumanie) pour le dramaturge roumain contemporain le plus joué. En France, il a reçu a plusieurs reprises le Prix de la presse au Festival international de théâtre d’Avignon. En 2009, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) lui décernait le Prix européen ; en 2016, son roman « Le marchand de débuts de roman » a été récompensé du prix Jean Monnet de littérature européenne. (Trad. : Dominique)

  • Un nouveau livre audio lancé par la maison d’édition Casa Radio – Poémes de Lucian Blaga

    Un nouveau livre audio lancé par la maison d’édition Casa Radio – Poémes de Lucian Blaga

    Puisque le 9 mai dernier on a marqué les 120 ans écoulés depuis la naissance du poète Lucian Blaga, cette récente édition du livre audio bénéficie dune nouvelle conception graphique, dun nouvel appareil critique et dune préface portant la signature du poète et traducteur Dinu Flămând. “Quelle que soit lépoque à laquelle remonte lécriture de ces poésies, car notre sélection puise dans une matière fort diverse, depuis le premier recueil paru en 1919 jusquaux créations inédites, et dans quelque ordre quils soient présentés, on a limpression découter un volume indépendant, parfaitement unitaire et non pas une anthologie élaborée à tout hasard. Le liant des poèmes appartenant aux différentes périodes de création, assez variés dun point de vue thématique, cest justement cette voix oraculaire témoignant dune attitude dominatrice. Il y a dans ce récital un véritable éloge de la force du langage, lequel, par le biais de la poésie, parvient à saisir toute la complexité et la beauté du monde ” écrit Dinu Flămând.



    Voici les propos du critique Luigi Bambulea :“Je suis heureux dappuyer les initiatives de la maison dédition Casa Radio, visant à restituer un patrimoine culturel tout à fait extraordinaire. Cest étonnant de constater combien grand est le nombre des témoignages sonores sur les auteurs importants, conservés dans les archives de la Société Roumaine de Radiodiffusion et de voir que ces écrivains commencent à être mis en valeur. Nous vivons donc un moment privilégié, en participant à un spectacle sonore de la poésie, longtemps impossible à réaliser, pour des raisons relevant aussi bien de la technique que de lhistoire. Ma vraie rencontre avec la poésie de Lucian Blaga sest passée au cours de mes premières années de lycée, lorsque jai lu « La chronique et le chant des âges ». Jai tellement jalousé, pour la mythologie quil avait créée, ce poète qui, jusquà ses cinq ans, navait prononcé pas un mot! Ce poète qui, loin de tomber sous lemprise des mots, sétait approprié la langue comme sil navait pas à la partager avec les autres. Jai donc éprouvé une grande envie devant le profit quil avait tiré de ce détail biographique. Et là je cite Sénèque, qui écrivait dans sa lettre à Lucilius, “quand je pense à tout ce que jai pu dire dans la vie, je commence à envier les muets”. Moi aussi jai été jaloux de Blaga en lisant ce quil avait écrit sur le silence, en pensant que moi aussi jaurais dû me taire. Il est vraiment extraordinaire quun poète comme Lucian Blaga, qui na pas parlé si longtemps, ait par la suite puisé dans ce silence la force, la tension et lénergie de toute une œuvre”.



    “Ma vie a commencé sous le signe de labsence de la parole et jai beau chercher dans la mémoire les traces de ce silence initial. Je nai jamais réussi à mexpliquer cet étrange éloignement de la parole, durant les quatre premières années de mon enfance. Et encore moins la honte qui ma saisi lorsque, contraint par les circonstances et linsistance de ma mère, je me suis couvert les yeux de la main pour faire usage de la parole. Les mots, je les connaissais tous, mais lorsquils mentouraient jétais mal à laise, comme si je refusais dendosser le péché originel”, écrit Lucian Blaga dans « La chronique et le chant des âges ».



    Voici ce que déclarait le critique littéraire Luigi Bambulea à propos du récent livre audio sorti chez la maison dédition Casa Radio – « Poèmes de Lucian Blaga lus par lauteur lui-même ». : “Il a bien raison Dinu Flămând en affirmant que Lucian Blaga a choisi de lire ses poèmes dune manière très personnelle. Elle nous fait découvrir un Blaga paradoxal, spectaculaire, qui fait rehausser ses vers par la musicalité. Sa voix nest pas monotone, mais égale à elle-même, ce qui lui permet de rester fidèle à sa propre poésie. Un des grands débats philosophiques a justement porté sur la prééminence de la poésie sur la musique ou vice versa. Pour en revenir à notre livre audio, je dirais que la musique ou la musicalité et la poésie sy entremêlent, guérissant ainsi la blessure causée par la rupture entre lart du mot et celui du son”.



    Selon le poète et traducteur Bogdan Ghiu, les livres audio sortis chez la maison dédition Casa Radio proposent une nouvelle approche dun auteur et de son œuvre. Se référant au livre audio contenant la lecture que Lucian Blaga donne à ses propres poésies, Dinu Flămând nous livre toute une théorie de la voix enregistrée, affirme Bogdan Ghiu. :“La sortie de ce livre audio a été une grande surprise. A lintérieur de son appareil critique, on retrouve une interview sur lactivité de Lucian Blaga en tant que traducteur. Nous sommes habitués aux récitations théâtrales, mais les poètes ne récitent pas. Dans sa préface, Dinu Flămând fait aussi la théorie de lévolution de la lecture des poèmes, en précisant quà partir de la modernité la poésie devient lyrique, intériorisée. Le premier à être surpris est le poète lui-même, qui navait peut-être jamais lu à haute voix ses poèmes. Dinu Flămând remarque cette voix égale, presque détachée, sans emphase, pareille à un bruit de fond. La qualité de lenregistrement fait à la radio en 1954 est sans doute meilleure. Celui de 1960 est clandestin, car, à cette époque-là, tout enregistrement privé était considéré comme illégal. Enfin, noublions pas que durant les dernières années de sa vie Blaga a été forcé de se confiner au seul travail de traducteur, tout comme Gellu Naum.”



    La collection de livres audio intitulée « La bibliothèque de poésie roumaine » est un projet initié et réalisé par le Service « Patrimoine Culturel et Archives » de la radio publique roumaine. ( trad. Mariana Tudose)




  • Eminescu vu par ses contemporains

    Eminescu vu par ses contemporains

    Différentes manifestations culturelles et symposiums sont organisés chaque année pour marquer le 15 janvier, l’anniversaire du poète national Mihai Eminescu. Toutefois, on parle peu de la véritable personnalité du prosateur, publiciste et homme de culture Mihai Eminescu, laquelle reste de ce fait méconnue.



    C’est justement cet aspect qu’a été remis sur le tapis lors de la parution chez Humanitas, du volume « Témoignages sur Eminescu. L’histoire d’une vie racontée par ses contemporains ». Les 500 pages du volume réunissent les témoignages et opinions de ceux ayant connu Mihai Eminescu — hommes de culture importants de l’époque (Titu Maiorescu, I.L Caragiale, Ioan Slavici) mais aussi amis et personnes de l’entourage du poète, ces derniers étant pour la plupart tombés de nos jours dans l’oubli. Tous les textes du volume mettent en exergue différents traits de la personnalité d’Eminescu afin de dresser un portrait moral aussi authentique et exhaustif que possible.



    Catalin Cioaba, éditeur du volume « Témoignages sur Eminescu » : « Juste après la mort du poète, soit deux semaines après, la revue « Familia », « La Famille » a lancé un appel sous le titre « Ecrivez des souvenirs ». Tous les journaux ont alors appelé ceux ayant connu Eminescu à écrire leurs souvenirs du poète. Que ce soit amis ou ennemis, hommes ou femmes, connaissances ou personnes qui l’avaient seulement aperçu de loin. Et dans le cas de ces dernières ce qui comptait c’était le contexte où elles l’avaient vu: à la rédaction du journal où il écrivait ou lors des conférences à des réunions de l’association culturelle « Junimea », « La Jeunesse ». L’important c’était d’aboutir à une diversité des points de vue. Qu’est ce qu’on entend par obtenir la diversité ? Il s’agit de ne pas être partial. On n’essaie ni de mythifier ni de démythifier. On cherche les textes de bonne qualité qui donnent l’image d’un moment de la vie d’Eminescu. Il y a aussi des textes très importants qui décrivent par exemple un moment de joie du poète ou encore le poète en train de chanter, de faire la fête avec ses amis. Ce sont des choses très importantes, car cette variété aide le lecteur à se faire sa propre image du poète. C’est important car on n’a pas eu une image d’Eminescu tel qu’il était dans la vie quotidienne ».



    La plupart des récits réunis dans le volume « Témoignages sur Eminescu. L’histoire d’une vie racontée par ses contemporains » sont parus le long des années aussi dans d’autres anthologies consacrées au poète. Mais aucune n’est parvenue à rassembler tant de textes qui retracent la biographie du poète : la période scolaire, celle des pérégrinations avec des troupes de théâtre, ses études à Vienne et à Berlin ainsi que les années en tant que rédacteur en chef du journal « Timpul », « Le Temps ». Un chapitre important est consacré au déclin physique et psychique en raison de la maladie qui a causé sa mort.



    Catalin Cioaba résume : «C’était un altruiste. Et cet aspect est bien mis en évidence par l’écrivain Ioan Slavici. En même temps, Eminescu était intransigeant dans ses articles dans « Timpul », tout comme dans d’autres situations. Mais des traits contradictoires, on en retrouve chez toutes les personnalités. Voici ce qu’écrivait Slavici sur ce sujet « Son intransigeance envers certains, c’était la manifestation de son amour pour tous ». Et il y a un autre aspect sensible lorsqu’on parle de Mihai Eminescu, qui a vécu un calvaire les dernières années de la vie. Ce n’est pas facile à gérer. Il y a aussi des textes qui ont peut-être exagéré et fourni des images macabres du poète. Même parmi les textes de ce volume il y en a plusieurs qu’on a du mal à lire. La fin de vie fut difficile à supporter. Autant il consacra sa vie à sa création durant sa jeunesse, autant il en fut dévoré durant les dernières années de sa vie. Il s’est épuisé. N’empêche, comme l’affirmait Slavici en citant Shopenhauer, Eminescu avait la personnalité d’un génie. Le génie devait avoir de bons poumons, un estomac solide et une forte résistance physique qui lui permette de créer. Ecrire pendant la journée pour le journal « Timpul », et créer des poésies pendant la nuit et recommencer le lendemain – cela exige une bonne résistance physique. Et Slavici pensait qu’Eminescu en était doté car autrement il n’aurait pas tenu autant d’années. Lorsque la maladie était à un stade avancé, Eminescu a également joui du soutien de ses amis».



    Le 15 juin 1889, Mihai Eminescu quittait ce monde, à l’âge de 39 ans, dans un sanatorium de maladies psychiques à Bucarest. Une véritable légende fut créée autour de l’homme de culture et du patriote parfait, sa personnalité étant assez souvent reléguée au second plan. (trad.: Alexandra Pop)