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  • Au-delà de l’horizon

    Au-delà de l’horizon

    Paysages archaïques, personnes qui exercent de beaux métiers, pleins de talent, et un personnage principal, Luca, un enfant qui part dans un voyage inédit à travers les Collines transylvaines. Le voyage le mènera du village de Cornăţel, par Hosman, parmi les chênes séculaires de Breite, par Sighişoara jusqu’à Saschiz. Voilà les ingrédients qui contribuent à l’attractivité du premier livre de BD visant à promouvoir la nature sauvage et les traditions de Roumanie, récemment lancé.



    Magor Csibi, directeur de WWF Roumanie, parle des visées de ce livre : « Quand on parle d’aires protégées, il est très difficile de les apporter au plus près des habitants des villes notamment. Parce que le concept est très difficile à comprendre et la plupart des fois on pense que nous tentons en fait de protéger la nature face aux gens. Par ce livre de BD nous souhaitons montrer le côté valeur et spectaculaire de la nature, et que les communautés locales sont tout aussi importantes. Le livre parle de deux enfants — l’un né dans la ville, l’autre — à la campagne — qui découvrent ensemble la deuxième aire protégée la plus grande de Roumanie : sa flore, sa faune, les métiers des gens, les traditions locales. De cette manière, toute personne qui lit ces BD apprend ce que c’est qu’une aire protégée, les richesses qu’elle recèle côté flore et faune. On apprend que les gens y vivent en harmonie avec la nature ».



    Luca traverse les collines fleuries dans des chariots tirés par des ânes, il discute avec les habitants des lieux, il observe les oiseaux en compagnie d’un biologiste renommé, il aide à restaurer des maisons, à tondre des moutons, il apprend à faire de la poterie.



    L’Association Adept est une ONG qui déroule des projets en Transylvanie. Son représentant, Ben Mehedin, souligne lui aussi l’importance de ce livre, notamment pour les petits : «Ce livre parle de la Transylvanie et de l’enfance. Les deux sont présentées comme un univers mystérieux et magique. Pour un enfant, cela pourrait bien être l’expérience de sa vie. On dit qu’à un moment donné, lorsque l’on a demandé à des enfants de dessiner des poulets, ils les ont dessinés sans plumes, comme on en trouve au supermarché. Eh bien, sur les collines de Transylvanie, c’est la nature qui domine, bien que plein de gens y habitent aussi. C’est une zone dont l’homme n’a pas épuisé les ressources naturelles. Bref, ce livre offre aussi la carte d’un voyage multiculturel au sein de la nature, là où l’air est le plus pur. C’est un voyage au cœur de la nature roumaine».



    Pour réaliser ces BD, les spécialistes du Fonds mondial pour la nature ont dressé l’inventaire des espèces de fleurs et d’animaux des Collines de Transylvanie. Ils ont également collaboré avec la scénariste Adina Popescu et l’illustrateur Alexandru Ciubotariu. La brochure est parue aux Editions Vellant, grâce à une bourse suisse, par le biais de la Contribution suisse pour l’Union européenne élargie. Présente au lancement de la BD, Louise Marie Stoicescu, représentante de l’ambassade de Suisse à Bucarest, a souligné l’importance du projet pour la coopération roumano-suisse: «Ça compte beaucoup pour nous parce que c’est un produit palpable des projets issus du programme de coopération roumano-suisse. Une partie de ce programme, intitulée « le Fonds thématique pour le soutien de la société civile », a été créée justement pour soutenir les ONGs du domaine de l’environnement et du domaine social. On a financé environ 99 projets dont la moitié sont déjà achevés. Nous sommes très contents non seulement d’avoir participé à ce projet mais aussi et surtout de soutenir des personnes extraordinaires et enthousiastes qui ont fait des choses merveilleuses pour cette région — là. Ce projet a atteint son but».



    Cette BD n’est que le premier voyage de Luca. Dans le prochain numéro, il découvrira les monts et les bisons légendaires du Banat (dans l’ouest de la Roumanie). A l’avenir, le livre paraîtra grâce à un mécanisme d’auto – financement imaginé par ses auteurs : chaque exemplaire acheté financera en fait le prochain numéro de la collection.



    Pour terminer, l’illustrateur Alexandru Ciubotariu nous fait entrer dans les coulisses de la création de la BD «Au-delà de l’horizon» : «Je souhaite remercier les personnes qui ont rendu possible ce projet qui me tient très à cœur. On y a travaillé beaucoup, il a subi beaucoup de transformations dès les toutes premières idées jusqu’à sa forme finale. A mon avis, c’est à peine maintenant que ce projet commence. Il faut faire circuler ce livre dans toutes les librairies du pays. Par ailleurs, la carte qui y est attachée peut inspirer les gens, les inciter à visiter ces endroits. C’est notre objectif.»



    Après la Transylvanie et le Banat, Luca visitera le sud-ouest des Carpates, le delta du Danube et le Maramures. Retrouvez-le dans la BD « Au-delà de l’horizon », une véritable fenêtre ouverte sur un monde magique et réel en même temps. (Trad.: Valentina Beleavski)

  • BD, vue de Sibiu

    BD, vue de Sibiu

    Phénomène culte ou de société dans l’espace francophone, elle reste plutôt marginale en Roumanie. La bande dessinée, le roman graphique peinent à sortir de la catégorie public averti et à se démocratiser. C’est pourtant une des missions que se donne le Festival international de la bande dessinée de Sibiu, dont la 4e édition vient de fermer ses portes, après un weekend haut en découvertes. Auteurs et illustrateurs, les meilleurs de Roumanie et d’Europe comme l’annonce l’affiche, de même que passionnés ou novices du genre ont passé trois jours de rencontres, créations, ateliers et compétitions dans cette bourgade saxonne du centre du pays. Est-ce que ce type d’évènement dope l’intérêt des Roumains pour le roman graphique? Nous en parlons avec François Montier, le créateur du Festival international de la bande dessinée de Sibiu.


  • La bande dessinée dans la Roumanie socialiste

    La bande dessinée dans la Roumanie socialiste

    A l’époque, les bandes dessinées ayant joui de la plus grande visibilité furent celles publiées dans la revue « Cutezătorii » — « Les téméraires », publication de propagande du régime destinée aux jeunes de moins de 14 ans, âge auquel ils quittaient les organisations de pionniers pour être intégrés aux organisations de la jeunesse communiste. C’est pourquoi ces bandes dessinées étaient peu sophistiquées du point de vue intellectuel et esthétique.



    C’est sans doute la revue française « Pif Gadget » qui a ouvert la soif de bande dessinée à plusieurs générations d’enfants roumains. Ioan Stanomir, historien de la bande dessinée, explique: « Pif Gadget est une des histoires les plus étranges et complexes de la guerre froide. Née des cendres de la revue « Vaillant », elle a, tout comme « Cutezătorii », une double fonction : bande dessinée et revue de propagande du Parti Communiste Français. L’entrée de « Pif Gadget » dans l’espace communiste a été rendue possible justement en raison de cette relation étroite qui s’est tissée entre la Roumanie et la France après ’65-’68. C’est une relation qui s’est établie à plusieurs niveaux, comportant les relations avec la France officielle, gaulliste, mais aussi avec la sous-culture et la contre-culture communiste. C’est ce qui explique l’existence, à l’époque, de plusieurs coproductions cinématographiques franco-roumaines. Les livres de poche et les films français ont pénétré en Roumanie, ainsi que cette revue, qui a probablement été une des présences les plus insolites dans le paysage roumain. Par le biais de cette revue les Roumains entraient en contact avec la culture française, avec la culture populaire occidentale et avec une culture tout à fait inhabituelle pour nous, celle de la BD. Des générations entières d’enfants ont appris le français, de manière intuitive et spontanée, en lisant des bandes dessinées. A un moment donné, ils ont découvert l’existence d’un personnage appelé Superman, originaire de la planète Krypton. Lus tard, quand Superman est apparu sur les écrans roumains, les enfants et les adolescents le connaissaient déjà, pour l’avoir rencontré dans les pages de la revue « Pif Gadget ».



    Rahan a été un autre héros important de bandes dessinés en Roumanie. Nous repassons le micro à Ioan Stanomir: « Rahan s’est fait connaître en Roumanie par la même voie. C’est un personnage culte, qui peut être compris si on le regarde du point de vue de la culture populaire américaine et occidentale. Rahan est un être des débuts de l’humanité. Il fait la liaison entre les êtres qui ne sont pas encore des êtres humains et ceux qui deviendront des êtres humains. Il est très semblable au genre de personnages que l’on rencontre dans les films américains contemporains, comme « 10.000 » par exemple. Le héros est un homme qui affronte les tigres de caverne, les mammouths, quelqu’un qui apprend aux autres à découvrir l’humanité. Une sorte de Prométhée qui s’ignore. En visitant les sites des mordus de la bande dessinée, on constate que ceux qui gardent la mémoire de Rahan sont nombreux. A l’origine, Rahan est lié à Tarzan, un des personnages dont l’Occident a conservé la mémoire. Tarzan est un homme blanc qui ignore sa condition sur un continent à population noire. Il s’agit du paternalisme de celui qui est blanc par rapport à ceux qui sont noirs et qui se trouvent au début de la civilisation. « Pif » n’était certainement pas une revue raciste, car l’idéologie de gauche ne rimait pas avec le racisme. « Pif » venait d’une plaque tournante communiste et a fait savoir aux enfants de l’époque qu’il y avait des enfants qui parlaient français en Côte d’Ivoire, au Maroc, en France, en Roumanie. On pouvait choisir un ami par correspondance parmi les jeunes de ces pays. Je pense que la lutte contre le racisme, quelle que soit l’idéologie dont elle sortait, est une lutte noble et il est merveilleux qu’un enfant de Roumanie puisse échanger des messages avec un enfant du Maroc ou du Sénégal. Et c’est « Pif » qui a assuré cette médiation. »



    Nous avons demandé à Ioan Stanomir pourquoi il n’y a pas eu de héros roumains de bande dessinée : « Quand nous étions petits et que l’on nous distribuait à l’école la revue « Cutezătorii », nous la roulions et en cognions nos collègues sur la tête. Moi, je n’ai pas aimé la revue « Cutezătorii ». En échange, je peux vous dire quels étaient les héros de la revue « Pif ». Il y a toute une galerie qui commence avec Pif et Hercule. Nous avions adopté la plupart de ces héros. Rahan, Placid et Muzo, Léonard, Doc Justice, c’est comme si c’étaient nos propres héros. Nous ne comprenions pas grand-chose, nous savions qu’elles venaient de quelque part, joliment emballées, comme de magnifiques surprises, ces revues qui nous rendaient heureux. Nos enfants ne souhaitaient pas être des pionniers. Ils l’étaient, parce qu’on les faisait entrer dans les organisations de pionniers, mais ce n’était pas de ça qu’ils rêvaient. Ils rêvaient de ces surprises qui évoquaient en fait la culture consumériste occidentale. Les enfants rêvaient d’un aéroglisseur et non pas la cravate rouge de pionnier. On souhaitait avoir des bombons délicieux venant de l’étranger et non pas les bombons de Roumanie, qui n’avaient aucun goût. La culture consumériste occidentale a pénétré en Roumanie parce qu’elle était le véhicule d’un monde plein de couleurs et de saveurs. Les jeunes d’aujourd’hui ne comprennent peut-être pas, mais la saveur y a été pour beaucoup dans la chute du communisme. Le fait qu’il y avait un culte pour les bombons cubains et pour le chewing gum Turbo, qui avait un goût, par rapport à Gumela, produit en Roumanie, qui n’en avait aucun, cela explique tout. Nous vivions dans un monde de clones sans arôme et sans goût. La lutte des illégalistes ne me disait rien. Nous avions les illégalistes de la Résistance française, qui étaient beaucoup plus sympathiques. De manière paradoxale et non-intentionnelle, en Roumanie, la revue « Pif » a servi la cause du capitalisme et non pas celle du communisme. »


    (Trad. : Dominique)

  • Le Musée roumain de la BD

    Le Musée roumain de la BD

    Le Musée de la BD est un projet d’auteur portant la signature de l’artiste Alexandru Ciubotariu. C’est le 16 juin 2011 que ce projet mis en place par l’Institut culturel roumain de Bucarest et le Musée d’art contemporain a vu le jour grâce au soutien du réseau européen des Instituts culturels nationaux, EUNIC, du Centre belge de la BD, en partenariat avec l’Association des bédéphiles de Roumanie.



    Ouvert dans un premier temps au IVe étage du Musée d’Art Contemporain de la capitale, le musée a proposé au public deux espaces d’expositions simultanées, une médiathèque, une salle de débats et une autre consacrée aux ateliers. Il a accueilli plusieurs conférences sur les différentes représentations visuelles de nature graphique (caricatures, animations, illustrations), des débats en présence de plusieurs auteurs et éditeurs, ateliers de création, lancements de livre, projections de film et concerts.



    Invité au micro de RRI, Alexandru Ciubotariu nous parle de sa passion pour la BD, d’où le souhait de doter la Roumanie d’un musée permanent consacré à cet art : « J’ai suivi les cours d’un lycée d’art où l’on m’a dissuadé de lire ou de réaliser de la bande dessinée, considérée comme quelque chose de puéril et qui s’adresse exclusivement aux enfants. Pourtant, je me suis rendu compte qu’il n’en est pas ainsi. La BD s’adresse à tous les âges et à tous les goûts, dans une forme accessible à tout le monde. C’est un art qui mérite bien d’être découvert. Je tâche d’organiser des expositions, des rencontres avec les auteurs ou des ateliers, de faire des albums. Et j’espère que dans 15 ou 20 ans, elle aura sa propre place : un musée de la BD. Pour moi, c’est une période d’accumulation, car il y a encore tellement de choses à découvrir. »



    Ouvert en été 2011 pour offrir aux Bucarestois et aux touristes l’occasion d’une sortie estivale mettant ensemble loisirs et culture, le musée proprement – dit a fermé ses portes le 16 octobre. Toutefois, il continue à fonctionner comme un musée itinérant, en organisant toute sorte d’événements, annoncés sur son site muzeulbd.ro . Ainsi, pour ceux d’entre vous épris de BD, la Bibliothèque Nationale de la capitale accueille-t-elle jusqu’en mars 2014 l’exposition « l’Art de la Bande dessinée ».



    Un projet qui se propose de présenter au public les cent ans d’histoire de la BD roumaine à travers un documentaire qui incorpore les créations de quelque 70 dessinateurs roumains : « Notre projet fait halte aujourd’hui dans un endroit des plus propices à une métamorphose spatiale : la Bibliothèque nationale de la Roumanie. […] L’exposition que nous proposons d’étaler devant un public spécialisé mais aussi non-avisé, les facettes du 9e art, comme l’appellent les spécialiste : la bande dessinée. » – écrit Alexandru Ciubotariu sur le site du musée. « J’ai tenté d’enrichir cette exposition en présentant un peu le travail d’un auteur de bandes dessinées. Car la BD est loin d’être un art puéril — comme on me disait quand j’étais au lycée. Au contraire, c’est un travail extrêmement laborieux, depuis le scénario ou l’adaptation d’une histoire jusqu’aux connaissances d’anatomie, aux notions de narration visuelle et peut-être même de quelques éléments d’imprimerie, qui influencent l’art de l’illustration. L’exposition vous fait découvrir tous ces aspects et ce laboratoire réalisé par une seule personne pour créer un livre de bandes dessinées, qui peut constituer une surprise pour le public avisé ou moins avisé. »



    Au fil des années, la BD roumaine a traversé différentes étapes. Au début, elle a fait rire, ensuite, elle a embrassé le militantisme éducatif et culturel pour finir par servir au militantisme idéologique et doctrinaire communiste avant de regagner son indépendance et la liberté d’expression dans les années ’90. A l’heure où l’on parle, en Roumanie, il n’y a qu’une seule publication professionnelle consacrée à la bande dessinée, à savoir la revue « Harap Alb continue ».



    « Nous souhaitons retracer l’évolution de notre super-héros de conte de fées dans l’imagination des artistes pendant plus d’un siècle d’histoire » — écrivent les initiateurs dans la présentation de la revue. « Harap Alb ne cède en rien aux super-héros américains. Seulement, il est resté trop longtemps endormi. Il faut qu’il se réveille. « Harap Alb » continue, il se réinvente, il vit dans le présent, illustré dans le style des BD Marvel/DC Comics. Une tentative d’éveiller au sein des générations actuelles le sens de l’aventure présent dans les contes roumains. »



    La revue en est arrivée à son 8ème numéro et recense déjà 70 milles fans. Elle paraît tous les deux mois et comporte 40 pages en couleurs. En plus, grâce à une application androïde, les possesseurs de smart-phones peuvent télécharger gratuitement le premier numéro de la revue. Les réalisateurs de cette publication souhaiteront lancer d’autres titres aussi bien sur le marché roumain qu’à l’étranger. (trad.: Ioana Stăncescu, Dominique)