Tag: ecologie

  • L’agrandissement des plages : effet de mode ou bénéfices réels ?

    L’agrandissement des plages : effet de mode ou bénéfices réels ?

    La côte roumaine à la mer Noire, dont les plages souffraient depuis des décennies les effets de l’érosion a vu la tendance se renverser ces dix dernières années. En effet, les quelques 800 millions d’euros dépensés dans l’opération n’ont pas été jetés à la mer. Des milliers de tonnes de sable dragué au large ont servi à élargir de manière conséquente des plages mises à mal par l’érosion, des plages censées dorénavant compter jusqu’à 100 mètres de large. Le projet de réhabilitation a par ailleurs pris en considération la protection de la biodiversité et de l’habitat marin, le projet prévoyant la réhabilitation de l’habitat affecté sur près de 800.000 mètres carrés, une superficie qui sera recouverte à terme par la zostère marine ou, plus prosaïquement, par l’herbe de mer.

     

     

    Les travaux de génie civil ont également visé la consolidation des falaises et la gestion des alluvions.

     

    Mais planter l’herbe de mer, seule plante au monde qui est pollinisée sous l’eau et qui demeure essentielle pour la survie de de la biodiversité marine, cela fait certainement rêver. Le chercheur Florin Zăinescu nous renseigne sur les tenants et les aboutissants de son projet : « Plus d’un tiers de plages affectées par l’érosion se trouvent en Roumanie. Le facteur climatique en est pour quelque chose. Mais si l’on regarde de plus près la dynamique des sédiments, nous allons nous rendre compte que les activités humaines pèsent davantage dans ce processus d’érosion. La construction des ports, le terminal de Midia Năvodari, le port de Constanța ont beaucoup influé sur la dynamique des sédiments. Sur la côte roumaine de la mer Noire, les vagues arrivent du nord-est, et font déplacer les sédiments du nord au sud. C’est ainsi que cela se passe. Or, construire une grande digue, qui avance loin dans la mer, empêchera le déplacement naturel des sédiments et les plages seront privées de leur apport. Les sédiments pour les plages, c’est comme la nourriture pour l’homme. Une nourriture dont elles seront dorénavant privées. Par ailleurs, faire bétonner les falaises c’est priver aussitôt les plages d’une autre source importante de sédiments. Les plages se voient ainsi priver de leurs deux principales sources d’alimentation. Et cela ne tarde pas d’avoir des conséquences, que nous tentons de compenser grâce à nos interventions actuelles ». 

     

    Ces travaux présentent certains inconvénients.

     

    A la fin du projet, les spécialistes tablent à la fois sur un renforcement de la sécurité des côtes et sur l’amélioration des conditions offertes aux touristes, avec tout ce que cela implique en termes de retombées économiques positives pour le secteur touristique, et plus largement pour la région. Florin Zăinescu :  « Une plage plus large, qui contient davantage de sédiments, constitue une zone tampon censée déjà nous protéger face à l’action de la mer. Il n’y a qu’ensuite qu’arrive l’avantage le plus évident, celui de créer un espace de loisir qui nous permette d’accueillir davantage de touristes, qui puissent jouir de cette plage supplémentaire pour organiser des activités par exemple. N’importe qui privilégie d’avoir une plage large, où l’on se sente à l’aise, plutôt qu’une plage bondée. Néanmoins, ces travaux présentent certains inconvénients. Pour agrandir les plages de la station Eforie, l’on a érigé des digues. Même lorsqu’on monte sur la falaise et qu’on regarde vers le sud, plutôt que de voir l’étendue de la mer, la vue est gâchée par ces digues. En même temps, se promener le long des digues est plutôt plaisant. Mais depuis la côte, la vue est gâchée. Un autre désavantage est la qualité inférieure du sable rapporté : plus grossier, avec des coquillages. Et cela change la morphologie de la plage. Avant, la pente était douce à l’entrée de l’eau. Maintenant, l’eau monte rapidement, ce qui pourrait accroître le risque pour les baigneurs, car cet état de fait favorise l’apparition des courants. Enfin, dernier grief : ces chantiers ont un impact en termes écologiques. La biodiversité, le milieu naturel sont impactés aussi bien là d’où l’on extrait le sable, que près de la plage où on l’avait relogé. L’équilibre naturel est rompu ». 

     

    Tout n’est pas rose dans ce genre de projets

     

    Le volet écologique du projet de réhabilitation des plages comprend toutefois, mise à part la plantation de l’herbe de mer, le maintien et le développement de l’habitat de deux espèces de mollusques : la Donacilla Cornea et la Donax Trunculus. C’est dans ce sens qu’un premier projet pilote censé vérifier la possibilité de muter et d’acclimater ces espèces dans un nouvel habitat s’est déjà déroulé, les résultats étant plus que prometteurs. « Vous savez, nous avons certaines plages qui, à cause de l’intervention humaine qui les avait coupés de leurs sources régénératrices naturelles, nécessitent des perfusions régulières pour les maintenir en vie. On en est là. Et l’on continue à traiter les symptômes, mais sans agir sur les causes. En agissant ainsi, nous prenons le pari d’assumer des coûts plutôt conséquents et de nous voir confronter aux effets indésirables provoqués par notre intervention. Cela augmente aussi notre vulnérabilité face aux effets du réchauffement climatique. Tout n’est pas rose dans ce genre de projets », conclut son intervention le chercheur Florin Zăinescu.

    (Trad. Ionut Jugureanu)

  • La relation entre la perte de biodiversité et le risque d’émergence de maladies

    La relation entre la perte de biodiversité et le risque d’émergence de maladies

    La relation entre les changements environnementaux générés par l’anthropocène et le risque d’émergence des maladies devient de plus en plus évidente, selon une analyse complète de près de 1 000 études scientifiques publiée dans la revue Nature. L’analyse met en évidence la manière dont des facteurs comme la perte de biodiversité, les changements climatiques, les modifications de l’habitat, la pollution chimique et l’introduction d’espèces non indigènes aggravent la propagation et la gravité des maladies infectieuses.

     

     

    Augmentation de la prévalence des maladies

     

    L’une des conclusions clés est l’impact significatif de la perte de biodiversité sur la transmission des maladies. La perte d’espèces rares peut entraîner une augmentation de la prévalence des maladies, car les pathogènes et les parasites tendent à prospérer chez les espèces les plus communes. Ce phénomène, connu sous le nom d’« effet de dilution », suggère que les espèces restantes deviennent des vecteurs plus efficaces de transmission des maladies. À l’inverse, il a été constaté que la perte et le changement d’habitat réduisent la probabilité d’épidémies dans les environnements urbains dotés de systèmes de salubrité robustes.

     

     

    Les conséquences de la déforestation

     

    Cependant, la déforestation et d’autres formes de destruction de l’habitat peuvent intensifier la transmission des maladies, comme cela a été observé avec le paludisme et le virus Ebola. L’étude souligne l’importance de prendre en compte le contexte écologique plus large dans l’évaluation du risque de maladie. Les phénomènes induits par les changements climatiques, tels que la fonte du pergélisol qui libère des agents pathogènes et les changements d’habitat qui forcent les animaux à se rapprocher des populations humaines, accentuent encore les défis auxquels sont confrontés les responsables de la santé publique. Cette recherche sert de signal d’alarme pour des mesures proactives qui visent à aborder l’intersection entre les changements environnementaux et la santé publique.

     

    Un autre impact de la perte de biodiversité est le déclin des pollinisateurs, observé tant en Europe qu’à l’échelle mondiale, affirme Carmen Pădurean, chef de projet au World Wildlife Fund Roumanie.

     

     « Les études en Europe montrent que plus de 37 % de la population d’abeilles et 31 % de la population de papillons sont en déclin. En ce qui concerne la Roumanie, nous avons observé que le sujet des pollinisateurs, bien qu’il soit à l’ordre du jour européen et mondial, n’est pas un sujet d’intérêt pour les décideurs. Nous n’avons pas de rapports très précis sur ce que signifie le déclin des pollinisateurs en Roumanie. Nous voyons et ressentons l’effet du pare-brise propre lorsque nous voyageons et que nous n’utilisons plus autant les essuie-glaces et le produit nettoyant pour nettoyer le pare-brise. Les espèces d’insectes, en général, connaissent un déclin en termes de conservation. En Roumanie, l’état de 58 % de ces espèces est soit inconnu, soit défavorable, mauvais ou inadéquat. Mais pourquoi ces insectes disparaissent-ils et ces espèces sont-elles en déclin ? Je pense que nous savons tous que l’utilisation des terres a beaucoup changé, que les pesticides sont employés de manière très intensive, que l’environnement est pollué, qu’il y a de nombreuses espèces envahissantes, ainsi que des maladies chez les abeilles, sans oublier l’impact des changements climatiques. »

     

    Ainsi, les études récentes montrent que lorsque le monde lutte contre les conséquences des changements climatiques et de la perte de biodiversité, les systèmes de santé doivent aussi s’adapter pour réduire les risques liés à l’émergence de maladies infectieuses.

    (Trad. Rada Stănică)

  • Des esturgeons relachés dans le Danube

    Des esturgeons relachés dans le Danube

    L’Organisation mondiale pour la conservation de la nature, le World Wide Fund, va relâcher 1,6 million d’esturgeons dans le Danube, répondant à un appel de la Commission européenne. Ainsi, les États membres de l’Union européenne devraient intensifier leurs efforts pour lutter contre le braconnage, dans le but de préserver la petite population d’esturgeons restante sur le continent.

     

    Bien que les esturgeons existent depuis l’époque des dinosaures, ils figurent actuellement parmi les espèces les plus menacées de la Terre. Autrefois, six espèces d’esturgeons vivaient dans le Danube, mais aujourd’hui, seules quatre sont encore présentes. Selon le WWF, l’esturgeon du Danube est sur la liste des espèces vulnérables, tandis que l’esturgeon étoilé, l’esturgeon à ventre nu et l’esturgeon de Sibérie sont en danger critique d’extinction. Le WWF a précisé que la protection et le rétablissement des populations de ces espèces figurent parmi ses principaux objectifs.

    Lutter contre le braconnage et préserver l’habitat des poissons

    Beate Striebel, à la tête de l’initiative sur les esturgeons au sein du World Wide Fund, a déclaré que les États avaient échoué à adopter des mesures efficaces pour faire face aux menaces pesant sur la population d’esturgeons restante. Les menaces les plus sérieuses restent le braconnage et le trafic illicite, mais il existe également des problèmes liés au développement de l’énergie hydroélectrique et aux modifications du cours des rivières, qui affectent les habitats des poissons. Le World Wide Fund prévoit de créer une banque de gènes pour multiplier les esturgeons d’origine locale, qu’il relâchera dans le Danube dans les années à venir. L’organisation estime que le repeuplement est une méthode clé pour favoriser la croissance à long terme des populations d’esturgeons, mais cet effet sera malheureusement négligeable si le braconnage et le trafic ne sont pas maîtrisés pendant cette période. Cristina Munteanu, coordinatrice nationale pour la conservation des esturgeons au World Wide Fund, affirme qu’une surveillance complète et intégrée, ainsi que l’application de la loi, pourraient être des éléments clés pour résoudre le problème. Écoutons – la :

     

    « Il est urgent de mettre en place un plan national qui reprenne une partie des objectifs et des mesures prévus dans le plan d’action paneuropéen adopté par la Convention de Berne et également accepté par la Directive sur les habitats au niveau européen. En Géorgie, des zones de protection spéciales ont été déclarées pour les habitats des esturgeons. De même, une situation similaire existe en Bulgarie, où une zone protégée pour les habitats de certains esturgeons près de Vetren a récemment été mise en place. En Amérique du Nord, il existe une vraie collaboration entre les organisations de protection de l’environnement, les autorités et la population locale, qui travaillent de concert  à la mise en place des mesure pour sauver l’espèce, et il semble que cela commence porter ses fruits, car on voit déjà les résultats. Le braconnage est peut-être l’une des pistes expliquant  la diminution de la population de cette espèce, voire la principale, mais il existe d’autres problèmes. Parmi eux figure la possibilité d’accès aux habitats de reproduction. Par conséquent, il est nécessaire de préserver ces habitats, de conserver les zones de migration et d’améliorer le contrôle de la pêche. On voit ainsi que les causes sont assez complexes. »

     

    L’esturgeon est un poisson migrateur apparu il y a 200 millions d’années. Aujourd’hui, les dernières populations d’esturgeons sauvages en Europe se trouvent dans le Danube, le long de la frontière entre la Bulgarie et la Roumanie. Le braconnage est la plus grande menace directe pour leur survie. D’autres dangers incluent la fragmentation et la perte d’habitats, qui entrainent des changements indésirables dans les migrations pour la reproduction et la pollution. Les experts du World Wide Fund vont visiter les communautés de pêcheurs le long du Danube et dans la partie nord de la côte de la mer Noire pour leur apprendre comment relâcher les prises accidentelles d’esturgeons. Ils travailleront en collaboration avec les autorités compétentes pour minimiser les niveaux de braconnage, qui restent assez inquietants. (Trad : Rada Stanica)

  • La ville du quart d’heure

    La ville du quart d’heure

    Les défis des grandes métropoles en matière de durabilité

    Les hommes vivent de plus en plus dans les villes, et cela doit être sérieusement pris en compte dans la conception et de la gestion de l’urbanisme. Les grandes métropoles sont confrontées à de gros problèmes économiques, sociaux, sanitaires, environnementaux, alimentaires et de transport. Un concept plus ancien remis aujourd’hui au goût du jour est le modèle de « la ville du quart d’heure », soit où tous les services essentiels sont à une distance d’un quart d’heure à pied ou à vélo. Vlad Zamfira, spécialiste du changement climatique et des politiques durables – nous décrit le contexte :

    « Les villes dans lesquelles nous vivons n’occupent que 2 % de la superficie de la Terre, alors qu’elles accueillent la moitié de la population mondiale. Elles sont par ailleurs responsables de 75 % de la consommation mondiale d’énergie, de 80 % des émissions de carbone et produisent 80 % du PIB mondial. Selon les estimations des spécialistes, d’ici 2050 près de 70% de la population vivra dans ces villes. Aussi, si les villes ont un impact majeur sur la qualité de vie de leurs habitants, elles n’impactent pas moins les écosystèmes naturels. Le concept de développement durable des villes, comprenant en cela leur capacité à répondre aux besoins de leurs habitants actuels sans pour autant mettre en péril les ressources et l’avenir des générations futures, est rapidement devenu un impératif. Serait-ce dans le contexte la ville du quart d’heure une option viable ? En bref, ce modèle implique d’avoir accès à tous les services de base aux commerces, parcs, écoles et jardins d’enfants en peu de temps, en moins de 15 minutes à pied ou à vélo. Le concept promu par l’urbaniste franco-colombien Carlos Moreno est guidé par quatre idées majeures : L’écologie tout d’abord, censée promouvoir une ville verte et durable ; La proximité ensuite, à savoir habiter une distance que l’on soit capable de franchir à pied de tous les autres endroits où l’on doive s’y rendre régulièrement ; Une ville solidaire aussi, apte à encourager la création du lien social. Enfin, une ville participative, dans la conception de laquelle ses habitants sont impliqués. Ce modèle fait la part belle à la mobilité pédestre et à la micromobilité, suivie par les transports en commun, enfin par le partage de véhicules, qui contribue à augmenter le nombre d’usagers par véhicule et à diminuer la dépendance à l’égard de du véhicule personnel. »

    Mais le maître mot demeure la durabilité. Pour que cela existe, il faut examiner 3 catégories principales : Les personnes tout d’abord, car pour être durable, une ville doit avoir un impact social positif, prendre en considération le bien-être et la santé de tous ses habitants, et cela quelque soit leur niveau de vie ; La planète ensuite, car les villes durables ne devraient pas affecter l’environnement, mais avoir plutôt un impact positif sur celui-ci ; La profitabilité, vu que l’aspect économique ne peut être négligé, et qu’une ville durable doit pouvoir subvenir à ses propres besoins financiers.

    Et qui sont les perdants et les gagnants du concept de « la ville du quart d’heure » ?

    Tout d’abord, les gens gagnent à coup sûr. Selon nombre d’études, il existe une corrélation directe entre le nombre de pas quotidiens et l’obésité. Les villes les plus conviviales pour les piétons comptent des taux d’obésité les plus faibles. En Roumanie, le taux d’obésité se situe entre 20 et 25 % actuellement, contre 14 % en 1997. Ensuite, la pollution sonore produite par le déplacement des véhicules sera en nette baisse. Dans une ville paisible, les gens sont plus productifs et bénéficient d’un meilleur confort de vie. Les commerces profitent à leur tour, car l’on est à coup sûr beaucoup plus susceptible de s’arrêter devant un magasin lorsqu’on marche à pied ou que l’on fait du vélo plutôt que lorsque l’on roule en voiture. Des études montrent d’ailleurs que les revenus des commerces situés dans les rues piétonnières sont nettement supérieurs aux commerces similaires situés ailleurs.

    Quant aux perdants… Il s’agit tout d’abord de toute l’infrastructure dédiée à la voiture reine de nos villes d’aujourd’hui. Bucarest, ville de contrastes, ne fait pas exception. Si la capitale roumaine compte des voies réservées au tram ou au bus à certains endroits et sur certaines lignes, si le transport de surface est souvent bien agencé au transport souterrain, il existe aussi de nombreux itinéraires où les services de transport public laissent à désirer. Autre point critique en matière urbanistique de la capitale roumaine réside dans la mauvaise répartition administrative des compétences entre les mairies d’arrondissement et la mairie de la ville. Un seul exemple à cet égard : les premières peuvent décider le tracé des rues de leur arrondissement en l’absence de toute concertation avec les autres arrondissements et avec la ville dans son ensemble. La gestion des villes roumaines souffre trop souvent d’une communication déficitaire au sein de l’appareil administratif, d’une absence d’infrastructures adéquates destinées aux transports publics, de la mauvaise qualité du parc de transport public, enfin d’une gestion inefficace en matière de connectivité. Tout cela fait que les citadins roumains demeurent de farouches défenseurs de la voiture personnelle, fut-ce sur de courts trajets. Une voiture qui revêt souvent bien d’autres valences que celle de vous amener à un endroit. Symbole de réussite sociale, d’autonomie et de statut, la voiture est encrée dans l’image de la réussite sociale d’une société somme toute récemment sortie du marasme communiste.   (Trad. Ionut Jugureanu)