Tag: écrivain

  • “Se libérer, en regardant l’Histoire”

    “Se libérer, en regardant l’Histoire”

    Si la parole fait passer le temps, le mot, lécriture, le font rester et, plus que cela, le font travailler. Ecrire, cest huiler les rouages de la réflexion afin de ne pas céder à limmédiat sans la moindre résistance à son chant des sirènes. On ny pense peut-être pas tout de suite, mais le polar, le vrai, est lillustration parfaite de ce type de gymnastique de lesprit. Un des meilleurs écrivains de polar intellectuel se trouve actuellement en Roumanie. Le Belge Alain Berenboom est venu lancer les versions en roumain de deux de ses livres-phare: “Périls en ce Royaume” et “La fortune Gutmeyer”. Précisément, le polar actuel doit-il être comme une toile de lécole flamande — autrement dit, doit-on regarder laction ou plutôt le décor ? Pourquoi certaines sociétés consomment plus de polars que dautres? Quelles chances, en définitive, pour le polar face à la réalité de nos jours qui tient le lecteur en haleine au point de perdre définitivement son souffle? Clés de lecture de lévolution dun genre littéraire et social Alain Berenboom, écrivain et avocat, et Eric Poppe, Délégué Wallonie-Bruxelles à Bucarest.


  • A la Une de la presse roumaine 06.01.2016

    A la Une de la presse roumaine 06.01.2016

    C’est une actualité bien diverse qui ressort des éditions électroniques des principaux quotidiens roumain qui se penchent sur les écrivains des prisons roumaines, sur l’initiative de plusieurs prêtres orthodoxes concernant le mariage gay ou encore sur les perspectives olympiques du sport roumain.


  • L’écrivain Mircea Cărtărescu

    L’écrivain Mircea Cărtărescu

    Lécrivain roumain Mircea Cărtărescu a reçu le Prix du Livre pour la Compréhension Européenne à la Foire Internationale du Livre de Leipzig, qui sest tenue en mars 2015. Cette récompense littéraire de lespace allemand a été accordée à lécrivain roumain par un jury international pour la trilogie « Orbitor », dont le dernier volet est paru en allemand en 2014, aux éditions Zsolnay et a été traduit par Ferdinand Leopold. Le prix du Livre pour la Compréhension Européenne a été remis à Mircea Cărtărescu pour le «caractère universel de sa trilogie ». Dans son roman universel il a abordé plusieurs mondes de la science et du langage, dans lesquels il a introduit des éléments métaphysiques, fantasmagoriques et apocalyptiques ».



    Le critique Luminiţa Corneanu, conseillère au ministère de la Culture, a participé à la remise du prix: «Javoue que je me suis encore très émue par lampleur de lévénement et la qualité des visiteurs de la foire ayant eu lieu à Gewandhaus, qui accueille lOrchestre de Leipzig. Lorchestre a une tradition de quelques centaines dannées et la salle de spectacles de 1900 places a reçu beaucoup de monde du milieu culturel allemand, des éditeurs, des journalistes dAllemagne et dautres pays, des universitaires, des spécialistes et des libraires très appréciés en Allemagne. En fait, la soirée a été dédiée à Mircea Cărtărescu et le programme a aussi inclus un concert donné par lOrchestre de Leipzig. A la cérémonie ont participé et ont tenu des discours le maire de Leipzig et le président de lAssociation des Maisons dEditions Allemandes. Léloge du lauréat roumain a été prononcé par un très important écrivain allemand, Uwe Tellkamp, lauréat du Prix du Livre Allemand il y a quelques années ».



    Le prix du Livre pour Compréhension Européenne est accordé annuellement depuis 1994 par un jury allemand, formé de représentants du land de Saxe, LAssociation Boursière des Libraires Allemands et de la Foire de Leipzig.



    Luminiţa Corneanu : « On a pu saisir limportance du prix même avant la cérémonie de remise des prix. Jétais au stand de la Roumanie de la Foire de Leipzig quand deux télévisions sont venues prendre des images avec les livres de Mircea Cărtărescu, des libraires qui y sont venus nous ont dit que dorénavant ils allaient se pencher avec plus dattention sur la littérature roumaine. Toutes ces choses font que les regards se tournent vers la Roumanie et la littérature roumaine. Je pense que cest un moment de grâce et on devrait lapprécier à sa juste valeur » .



    Sans la littérature, dit Mircea Cărtărescu, il ne pourrait pas simaginer sa propre vie. «Pour moi écrire signifie vivre, rien que ça », déclare Mircea Cărtărescu, qui est considéré par la plupart des critiques et des lecteurs comme le plus important écrivain roumain contemporain.



    Mircea Cărtărescu: «Je ne sais pas si ce que jécris cest de la thérapie, je ne peux pas men rendre compte. Jai tant danomalies, tant de blessures intérieures, tant de bizarreries, tant de choses dans mon esprit qui sy sont mises obliquement et de travers que toute la littérature du monde ne suffirait pas pour men guérir. Quand même, la littérature est pour moi une sorte de sécrétion dune carapace, dune croûte. Et je vois la littérature comme un organe de mon corps, tout comme mon crâne. Cest ça la littérature pour moi, un organe de mon corps plutôt quun processus de psychanalyse, de sublimation. Jai toujours senti que la littérature fait partie de moi-même ».



    Le prix du Livre pour Compréhension Européenne est le deuxième accordé à lécrivain Mircea Cărtărescu. Il y a trois ans, lécrivain roumain a été récompensé par le Prix International pour Littérature « Haus der Kulturen der Welt 2012 » de Berlin. « Je me suis senti très bien dans la culture allemande et je pourrais dire que sur le marché allemand du livre mes ouvrages ont eu la plus grande importance de toute lEurope », a déclaré lécrivain Mircea Cărtărescu. (Trad : Daniela Stoican)

  • La série d’auteur Gheorghe Craciun,

    La série d’auteur Gheorghe Craciun,

    Les Maisons d’Editions Cartea Romaneasca ont lancé un nouveau projet éditorial consacré à l’un des romanciers roumains les plus importants de l’époque contemporaine. Il s’agit d’une série d’auteur Gheorghe Craciun qui a débuté avec deux titres Documents originaux/ Copie certifiée conforme (des variations sur un thème en contre-jour) et La mécanique du fluide”. Les couvertures des deux recueils laissent au public la joie de découvrir des dessins originaux signés par l’auteur lui-même, décédé en 2007.



    La série d’auteur Gheorghe Craciun, parue grâce aux efforts conjugués du critique littéraire Carmen Musat et de la fille de l’écrivain, Oana Craciun, réunira aussi bien de la prose, que plusieurs essais, articles de presse, théorie et critique littéraire, déjà connus du grand public, que des recueils inédits retrouvés dans les archives personnelles de l’auteur.



    Véritable créateur d’univers et passionné d’idées, Gheorghe Craciun nous a légué une oeuvre unitaire où chaque volume représente une séquence en soi, un texte unique, constamment réinventé et révisé. Chaque lecture de son oeuvre nous laisse y découvrir une conscience vive qui frémit au rythme spécifique de son écriture” note le critique Carmen Musat, selon laquelle les deux volumes qui ouvrent la série d’auteur annoncent déjà le futur parcours d’écrivain de Gheorghe Craciun.



    Carmen Musat: « Gheorghe Craciun a fait ses débuts sur la scène littéraire en tant qu’auteur déjà accompli, un romancier qui laissait entrevoir tout son futur parcours d’écrivain dès le premier roman Documents originaux/ Copie certifiée conforme”. Ce roman, on ne l’a pas choisi par hasard pour ouvrir la série d’auteur. Avec Oana Craciun, la fille de l’auteur, j’ai essayé de mettre ensemble, sous les yeux du public, le roman qui avait reçu le droit de paraître en 1983 et celui par lequel l’auteur aurait bien voulu débuter, mais qui a passé sept ans au fond d’un tiroir avant d’être publié en 2003, aux Editions Cartier de Chisinau. Nous avons donc créé une sorte de pont à travers le temps qui rapproche les deux visages de l’auteur Gheorghe Craciun. »



    Aux dires de l’auteur même, le volume de début « Documents originaux/ Copie certifiée conforme » représente le livre le plus expérimental qu’il ait écrit et qui, du coup, s’avère le moins accessible au public. Pourtant, loin de se considérer comme appartenant à l’avant-garde ou au postmodernisme dans le véritable sens du mot, Gheorghe Craciun affirmait se sentir emporter par la fascination de la quête d’une force supérieure censée lui offrir la possibilité d’expliquer le monde par des termes mathématiques. Mon expérimentalisme ne se réduit pas au langage, comme on a déjà affirmé à tort, disait-il. Il tire sa source de la sensation que notre langage naturel et la rhétorique dont on dispose grâce à la littérature s’avèrent insuffisants face à la multitude, à la richesse et à la diversité de la réalité. Il existe une volonté de la quête que le langage entreprend afin de surprendre la complexité et la richesse du monde qui nous entoure”. C’est par ces mots que Gheorghe Craciun présentait sa littérature.



    Carmen Musat: « Dans l’espace littéraire roumain, Gheorghe Craciun figure parmi les auteurs dont l’approche auctoriale est doublée d’une forte conscience théorique. De ce point de vue, il rejoint la famille des écrivains ayant construit leur oeuvre pas à pas, tels Camil Petrescu, Mircea Eliade et George Calinescu. Et le roman Documents originaux/ Copie certifiée conforme ” prouve cette idée. L’un des défis que Craciun a tenté de relever fut de mettre ensemble sur la même page, différents types de langages pour faire de la littérature à partir de la peinture, de la photographie ou de la musique. D’ailleurs, le modèle d’écriture pratiquée par Craciun s’inspire de l’art photographique et de la musique. La façon dont il construit ses phrases, le rythme qu’il leur imprime, l’enchaînement des mots, la construction de la narration, tout cela renvoie à la technique photographique et musicale. Je voudrais ajouter encore un détail: cette nouvelle syntaxe narrative proposée par Craciun et utilisée dans son roman Documents originaux/ Copie certifiée conforme” apparaît aussi dans ses autres volumes de prose. Pourtant, au fur et à mesure que l’écriture avance, la dimension théorique-expérimentale s’efface, laissant la place au romancier tel quel, sans aucune armature théorique. Celle-ci continuera à apparaître dans les autres romans aussi, sans être aussi évidente que dans le volume de début. »



    « Une pensée, un sentiment, une certaine tristesse, mais aussi de la joie, peut-être malgré nous, ce monde existe, est une partie de nous-mêmes, nous demande de le sentir, de l’affirmer. Le monde, la partie dans laquelle nous nous trouvons, comme cette forêt quand j’y suis. Parce que moi je le vois d’un œil d’enfant, comme une sorte d’enfant qui n’a pas encore lu tout ce qu’on a écrit de bien et de bon sur son charme. Lui, mon œil, ne peut pas se le rappeler. Il n’est coloré par aucune intrusion étrangère. Dans mon cerveau il n’y pas de place pour des paroles, ni pour des couleurs connues. Aucun climat esthétique, aucun texte littéraire, aucune toile célèbre n’altèrent mon regard. Il n’y a rien en moi qui puisse arriver et rester dans mes pensées. Je regarde et j’aime regarder, et j’aime combien je regarde et j’aime lorsque je regarde », ce fut un fragment du volume qui ouvre la série d’auteur Gheorghe Crăciun.



    Le critique Carmen Musat, initiatrice de la série d’auteur Gheorghe Craciun, explique : « La prose de Gheorghe Craciun et la prose de la génération des années 1980 en général est connue comme une prose réaliste. Une prose réaliste qui est venue s’opposer au projet littéraire du réalisme socialiste ou du soi-disant roman « politique », en vogue dans les années 1980. Ce que font les auteurs de la génération des années ’80, c’est de saisir la réalité jusque dans ses moindres détails. C’est une tentative de ne pas laisser les filtres idéologiques altérer et même couvrir le regard posé sur le monde réel. Dans la prose de Gheorghe Craciun, les gens agissent tout naturellement. Ce sont des personnes lambda surprises dans des actions quotidiennes : professeurs, exilés quelque part à la campagne, dont l’horizon existentiel se ferme pour des raisons idéologiques. Et pourtant cette prose n’est pas à thèse, elle ne se propose pas de dévoiler des conspirations politiques ou des abus, comme ce fut le cas des créations des années 1950, soit la période la plus dure du stalinisme en Roumanie. Les personnages de la prose de Gheorghe Craciun sont très bien ancrés dans le réel puisqu’ils vivent dans un monde réel, se voient confronter aux problèmes quotidiens de tout un chacun. C’est pourquoi, lus aujourd’hui, ces fragments n’ont pas besoin de notes supplémentaires. Craciun ne parle pas entre les lignes. C’est très facile de comprendre cette prose, même en l’absence des notes de bas-de-page. »



    Une partie des écrits de Gheorghe Craciun a été publiée par des maisons d’édition étrangères. Il est l’auteur, entre autres, des volumes « Images et textes » (publié en 2000) et « Composition aux parallèles inégales » (sorti aux éditions Maurice Nadeau, Paris 2000, traduit en français par Odile Serre). (Trad.: Ioana Stancescu, Alexandru Diaconescu)




  • Le Festival international de littérature de Bucarest

    Le Festival international de littérature de Bucarest

    La soirée littéraire des prosateurs roumains a été un véritable coup de cœur du Festival International de Littérature déroulé à Bucarest au mois de décembre. A cette occasion, plusieurs magiciens de la plume tels Toni Marques, président du plus important festival de littérature du Brésil, Marius Daniel Popescu, un chauffeur de bus établi à Lausanne depuis 1990 et dont le roman de début a été couronné du prix « Robert Walser » pour la littérature, le poète, romancier et traducteur moldave Emilian Galaicu-Paun et les romanciers roumains Marius Chivu et Petre Barbu se sont donné rendez-vous pour un entretien sur des thèmes littéraires parrainé par le journaliste Matei Martin.



    Une des questions, posées à cette occasion, a généré une série de réponses intéressantes que nous vous présenterons dans les minutes suivantes. Voici la question : « quelle est votre opinion sur les lectures publiques et le dialogue avec l’assistance ? ». Tout de suite, leurs réponses précédées d’une note biographique.



    Toni Marques est né en 1964 à Rio de Janeiro où il habite actuellement. Il travaille pour la chaîne de télévision Globo depuis 2007 et il a été correspondant de presse à New York pour le journal O Globo. Depuis 2012, Toni Marques participe à l’organisation de la FLUPP, le premier et seul festival international de littérature organisé dans les favelas des grandes villes brésiliennes. Son palmarès littéraire comporte jusqu’à présent quatre recueils de prose : «Partout où des choses arrivent, il y a aussi des gens. Et les gens s’intéressent toujours à ce que les autres ont à dire. Puisque j’aime bien écrire et lire, je crois en une forme d’envoûtement provoqué par les mots, les sons et la musique des textes. Le véritable réseau de communication repose sur des histoires, il se construit à partir des histoires. Les écrivains ne font qu’utiliser différentes techniques pour les raconter. Oui, c’est ça. Tout gravite autour de l’histoire ».



    Emilian Galaicu-Paun est né dans le village de Unchitesti, département de Soroca dans une famille d’intellectuels de la République de Moldova. Après une maîtrise de lettres à l’Université de Chisinau, il obtient son doctorat à l’Institut de Littérature « Maxim Gorki » de Moscou. Il est rédacteur en chef des Maisons d’Edition Cartier de Chisinau et rédacteur de la publication Vatra de Targu Mures.


    Il a publié de nombreux recueils de poèmes dont un, paru en 1994, est considéré comme l’un des dix volumes de poésie les plus importants de la dernière décennie du siècle passé. Il a également signé le volume de prose « Gestes. La trilogie du rien », publié en 1996: « Cela fait plus de dix ans que chaque lundi, sur les ondes de Radio Free Europe, je présente au public un livre dans le cadre d’une émission intitulée « Un livre à emporter ». Eh bien, pour faire cette émission, je dois lire deux – trois bouquins par semaine pour en choisir le meilleur. Je vous dis tout ça pour comprendre que mes propres livres s’inspirent des ceux qui se trouvent dans ma bibliothèque. »



    Petre Barbu est un écrivain et journaliste qui a fait ses débuts littéraires en 1993 avec le recueil de nouvelles Le T-shirt orange sans aucun numéro de concours”. S’y ajoutent les romans Dieu bénit l’Amérique” (1995), Le dernier soubresaut du sous-marin légionnaire” (1998), Indifférence” (2005), le volume intitulé Théâtre” paru en 2003 et celui de nouvelles Jusqu’au bout de la ligne” sorti en 2012 aux Maisons d’Edition Cartea Romaneasca. Petre Barbu s’est vu attribuer en 2003 le prix de la meilleure pièce roumaine pour son texte Notre père qui est à l’hypermarché”, tandis que quatre de ses nouvelles ont servi au metteur en scène Attila Vizauer pour en faire des pièces radiophoniques diffusées par Radio Roumanie. Son roman le plus récent La grande fête” est paru en 2014. Pour Petre Barbu, l’écriture est une crise qui se consomme en quelques centaines de pages. Il a du mal à parler de son écriture et pour cause, il préfère laisser ses textes parler à sa place et se vendre tous seuls.



    Marius Chivu est écrivain, traducteur et critique littéraire. Il a débuté en 2012 avec un volume de poésie, « La Ventolière en plastique », récompensé de deux prix littéraires (celui de l’Union des écrivains et celui de la revue Observator cultural – Observateur culturel). Il a également écrit un recueil d’interviews «Ce que l’auteur a voulu dire », publié en 2013, et un journal de voyage « Trois semaines dans l’Himalaya », sorti en 2012. Marius Chivu a aussi édité une anthologie de la prose courte des années 2000, publiée en 2013. Il a lancé et coordonné en 2008le projet humanitaire « Le livre des grands-parents ». Depuis 2005, il écrit pour les revues Dilema veche et ELLE.


    En 2014, Marius Chivu a publié aux Editions Polirom le volume de prose courte « Fin de saison »: « J’ai toujours regardé l’écriture comme un processus en deux temps : après s’être retiré, isolé dans sa chambre, on en sort pour rencontrer des gens intéressés par ce que l’on a écrit et, éventuellement, on leur lit des passages. Lire pour eux est aussi agréable qu’écrire. Tony Marques le disait aussi: l’écriture renvoie à cet acte originel des gens qui se réunissaient autour du feu, chantaient et racontaient des histoires pour chasser la peur ou le froid ou faire rire les autres. J’aime donc ce contact direct avec mes lecteurs. »



    Marius Daniel Popescu a été membre d’un groupe d’écrivains de Brasov, ville du centre de la Roumanie, qui incluait aussi Alexandru Muşina, Andrei Bodiu, Marius Oprea, Caius Dobrescu et Simona Popescu. En 1990 il tombe amoureux d’une Suissesse venue visiter la Roumanie, et il décide de la suivre en Suisse. Marius Daniel Popescu sinstalle à Lausanne où il gagne sa vie en travaillant comme chauffeur de bus. Cinq ans plus tard il fait sortir son premier ouvrage de poèmes en langue française, intitulé « 4 x 4, poèmes tout-terrains » et publié aux éditions Antipodes, à Lausanne. Il fut suivi en 2004 par Arrêts déplacés, chez le même éditeur, qui obtint le Prix Rilke 2006. .


    Après avoir collaboré au journal Le Passe-Muraille, il crée en 2004 Le Persil, un journal littéraire ouvert aux jeunes talents et écrivains confirmés de la Suisse romande. C’est durant cette même période que Marius Daniel Popescu visite une prison suisse pour parler aux détenus de la littérature. Le début en prose avec le roman La Symphonie du loup lui vaut aussi la première récompense littéraire, le Prix Robert Walser en 2008.



    Ecoutons Marius Daniel Popescu : « L’écrivain n’est pas plus solitaire que d’autres personnes, comme par exemple ceux qui ferrent les chevaux, ceux qui construisent des violons ou font des chaussures, les astronautes et les ingénieurs, dont la solitude n’est ni plus courte ni d’une qualité inférieure à celle de l’écrivain ». (trad.: Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)

  • L’écrivain Mircea Cărtărescu, invité au Festival international de littérature et de traduction de Ia

    L’écrivain Mircea Cărtărescu, invité au Festival international de littérature et de traduction de Ia

    “La littérature est une sorte de lance d’Achille: elle blesse et guérit à la fois”, affirmait Mircea Cărtărescu dans son dialogue avec l’écrivain et journaliste Cezar-Paul Bădescu, lors du Festival international de littérature et de traduction, accueilli par la ville roumaine de Iaşi en octobre dernier. Les belles lettres facilitent la rencontre avec soi-même et cette rencontre est la plus terrible des choses qui puissent vous arriver.”



    Sur la scène du Théâtre national de Iasi, Cezar – Paul Bădescu, a incité son interlocuteur, l’auteur de la “Nostalgie”, du Levant”, de la trilogie” Orbitor”, nominé ces dernières années au Prix Nobel de littérature, à parler de la période où il avait dirigé le Cénacle littéraire de la Faculté des Lettres. A cette même époque, il avait sorti, avec l’aide de ses étudiants, plusieurs volumes collectifs, dont Tableau de famille”. Dans quel but?



    Mircea Cărtărescu: Il y a eu deux raisons à cela. La première et la plus simple, c’est que ma génération, qui avait reçu un don important, a jugé bon d’en faire de même. Ce don nous est venu des critiques littéraires Nicolae Manolescu, Ovid Crohmălniceanu, Eugen Simion, Mircea Martin, Ion Pop et de bien d’autres personnalités qui ont marqué de leur empreinte notre vie. Nous leur devons tout. Nous avons trouvé naturel de transmettre, à notre tour, tout ce qu’ils nous avaient appris, au plan théorique, moral ou éthique. La seconde raison pour laquelle je me suis investi dans le cénacle littéraire de la Faculté des Lettres c’est que je me sentais comme étant un des vôtres. Les six ou sept ans que j’ai dirigé ce cénacle ont été la plus belle période de ma vie. Le fait de m’avoir accepté parmi vous, même si j’étais de 15 ans votre aîné, a été pour moi une grande joie. J’aimais bien travailler à nos livres. Si je dis nos livres c’est parce c’était moi qui préfaçais ces anthologies.”



    ”La littérature a été tout pour moi, mais je ne saurais dire si moi je n’ai été que littérature”. Voilà la réponse de Mircea Cărtărescu à la question de savoir ce que la littérature lui offre : C’est comme si l’on me demandait ce que l’air signifie pour moi. J’ai maintes fois réfléchi à ce qu’écrivait Kafka dans une des lettres envoyées à son éternelle fiancée Felice Bauer: « en définitive, je ne suis rien dautre que littérature. Je me suis demandé ce que veut dire le fait qu’un homme se mue en littérature et par quelle alchimie son corps et son cerveau deviennent littérature. C’est ce qui est arrivé à Kafka, surtout vers la fin de sa vie. Avant de mourir, il n’était plus un homme parmi les hommes, mais un personnage de ses livres. Il n’était rien d’autre que littérature. Bien sûr, peu d’entre nous sont capables d’atteindre des horizons aussi lointains, car cela suppose d’énormes sacrifices. C’est détruire sa vie pour se l’approprier autrement. Nichita Stănescu affirmait à un moment donné: nous souhaiterions tous écrire comme Eminescu, mais qui voudrait vraiment vivre sa vie? En voilà une bonne question. Qui voudrait vivre la vie de ceux qui ne sont rien d’autre que littérature? Faire ce choix c’est devenir, d’une façon ou d’une autre, un martyr.”



    Mircea Cărtărescu ne saurait imaginer sa propre vie sans littérature. « Pour moi, écrire c’est vivre. Un point, c’est tout. » – affirme Mircea Cărtărescu, le plus important écrivain roumain contemporain, selon la plupart des critiques et des lecteurs : «Je ne sais pas si ce que j’écris, c’est de la thérapie. Je ne puis m’en rendre compte. Il y a en moi tant d’anomalies, tant de blessures intérieures, tant de choses bizarres ou mises de travers, que toute la littérature du monde ne pourrait me guérir. Pour moi, la littérature est quand même une façon de secréter une carapace, une croûte. Et je considère la littérature comme un organe de mon corps, tout comme le crâne est un organe de mon corps. C’est donc ça, la littérature, pour moi : un organe de mon corps, plutôt qu’un processus de psychanalyse, de sublimation. J’ai toujours senti que la littérature faisait partie de moi-même. »



    Invité au Festival international de littérature et de traduction de Iaşi, Mircea Cărtărescu s’est également rapporté à cet événement: « C’est une rencontre de haut niveau, un événement important non seulement pour la vie culturelle roumaine, car, si j’ai bien compris, c’est un des plus grands festivals, sinon le plus grand, organisé en Europe Orientale. C’est une grande réussite. » déclarait Mircea Cărtărescu. (trad. Mariana Tudose, Dominique)

  • L’écrivain Mike Ormsby, Roumain par alliance

    L’écrivain Mike Ormsby, Roumain par alliance

    Mike Ormsby est un écrivain britannique qui a débuté dans la littérature par un livre sur la Roumanie. Ancien musicien professionnel, ensuite journaliste et formateur à la BBC de 1990 à 1997, il s’est marié avec une Roumaine, un jour de Noël, à Las Vegas, devenant ainsi Roumain par alliance. Même s’il habite Bakou, il écrit sur son site que son chez lui c’est la Transylvanie. Son premier livre, Grand Bazar România, Grand Bazar Roumanie, paru en 2008 à la maison d’éditions Compania, a joui d’un succès prévisible à une époque où les Roumains s’intéressaient au regard que portaient sur eux les étrangers.



    Les histoires de Mike sur les personnages pittoresques qu’il a pu croiser dans une capitale roumaine fraîchement intégrée dans l’UE ont été appréciées tant par les lecteurs autochtones que par la communauté assez nombreuses d’expats. Ces derniers se sont peut-être retrouvés dans les étonnements et les moments de perplexité vécus par Mike Ormsby. Comme il ne s’est pas limité à un seul livre — trois autres s’en étant suivis – nous lui avons demandé où en est sa relation avec la Roumanie. « Comme n’importe quel autre pays, la Roumanie a plusieurs visages, que je découvre peu à peu. Même si je la connais depuis pas mal d’années, j’ai encore des découvertes à faire. Certaines choses qui la concerne m’attristent, comme la migration des jeunes dont je connais plusieurs. Par exemple, j’ai un ami roumain de seulement 18 ans, qui vit aux Etats-Unis. Il n’a plus revu son pays natal depuis l’âge de 5 ans et il commence déjà à perdre la maîtrise de sa langue maternelle. Sa mère et son père envoient de l’argent aux grands-parents qui sont restés en Roumanie, mais cela ne saurait combler le vide laissé par le petit-fils. C’est ça la situation et malheureusement il y a peu de chances qu’elle change bientôt. Le capital humain s’est raréfié comme après la guerre. Je me réjouis, pourtant, de ce que certains aspects dont j’ai parlé dans mon premier livre soient plutôt rares aujourd’hui. Et je me réfère par exemple aux chauffeurs carrément dangereux de Bucarest et aux conducteurs de taxi totalement dépourvus de scrupules. Si ceux-là ne me manquent pas, il me manque, en échange, l’hospitalité et la sagesse des Roumains. Moi, qui travaille longtemps à l’étranger, j’aime écouter la musique d’Enesco, laquelle, je pense, exprime le mieux l’esprit de ce pays.



    6 ans après la parution de son livre sur la Roumanie, Mike Ormsby continue de recevoir des lettres de ses lecteurs. “La semaine passée, une jeune femme écrivait sur ma page Facebook que je suis le seul étranger à dire la vérité sur la Roumanie Comme tout écrivain, j’ai aussi des retours moins agréables, mais cela ne me dérange pas. A mon avis, l’art controversé est le plus intéressant et puis chaque lecteur a le droit d’exprimer librement son opinion, pourvu qu’elle soit étayée par des arguments. Je suis en train de forger une relation avec des lecteurs plus jeunes, grâce à mon deuxième livre, «Le moulinet sans peur». Tout un village sort de l’obscurité grâce à un moulinet, qui est une sorte de turbine éolienne. J’ai présenté mon livre dans différentes écoles de Roumanie, ce qui m’a donné l’occasion d’expliquer aux enfants le fonctionnement des turbines et de leur apprendre qu’elles génèrent non seulement de l’électricité, mais aussi des controverses. Il paraît que les enfants aiment mon histoire, tout comme les dessins de Sorin Sorăşan, lequel, à mon avis, est un vrai génie. Je reçois des messages intéressants de mes lecteurs roumains à l’égard de mon dernier livre publié en 2013, Child Witch Kinshasa. Je suis très heureux qu’ils aient la curiosité de lire ce livre, d’autant plus qu’il y a quelques années, un éditeur de Bucarest me disait que les Roumains ne s’intéressaient pas trop à l’Afrique. Cette opinion, je ne l’ai pas partagée. J’espère même parvenir à prouver le contraire.”



    Child Witch Kinshasa, un roman inspiré de la réalité, raconte l’histoire des enfants congolais auxquels les adultes font porter toutes les difficultés de ce monde. Lorsque les choses ne tournent pas rond en famille ou dans le village, lorsqu’une grande personne perd son emploi ou tombe malade, les enfants sont jetés dans la rue, accusés de sorcellerie. Le livre de Mike Ormsby a un peut de tout: humour, magie noire, fragilité, crainte, incertitude, tension. Mike affirme qu’il vaut la peine de raconter l’histoire des enfants possédés par le diable. En 2002, j’étais au Congo pour tenir un cours de formation à l’intention des journalistes. Ma femme, Angela, travaillait comme freelance. J’ai vu alors beaucoup d’enfants de la rue. Si à l’époque ils étaient quelque 30.000, maintenant ils doivent être bien plus nombreux. Bien d’entre eux sont accusés de sorcellerie et soumis à des brutalités inimaginables. Certains arrivent même à trouver la mort pendant les sois-disant exorcisations. J’ai donc pensé que c’était un thème qu’il fallait développer. J’ai rencontré plusieurs enfants qui ont vécu des expériences affreuses, ainsi que des prêtres qui dirigent les séances d’exorcisation. La réaction tout à fait naturelle de quiconque entend parler de ces choses est de se dire que c’est une barbarie. La réaction est justifiée, mais ces choses relèvent, en quelque sorte, du contexte socio-économique. La guerre est une étrange bête. Elle est à l’origine d’un vide politique et moral. Peut-être réagirions – nous de la même façon si nous étions à la place de ces gens pauvres, dépourvus d’instruction et qui croient que si les choses vont mal c’est la faute au diable’’.



    Il est rare qu’un écrivain puisse affirmer avoir changé en mieux le monde. Mike, lui, peut le dire sans que cela ait l’air d’une vantardise. Depuis deux ans, une loi punit les violences faites aux enfants ou les accusations de sorcellerie portées à leur encontre. Avec sa femme, Angela, Mike a réalisé deux vidéo clips musicaux sur ce thème au Congo, diffusés par les télévisions locales. Par ces clips et son livre, il tente d’attirer l’attention du monde sur cette histoire douloureuse. J’ai utilisé ces clips vidéo lors des cours de formation pour les journalistes et je les encouragés à essayer de traiter ce sujet de manière plus objective, car, dans la plupart des cas, ils se limitaient à donner les seuls points de vue des prêtres ou des parents paranoïaques, en oubliant qu’un enfant avait été maltraité physiquement et psychologiquement. Ce livre est en fait ma manière à moi de changer quelque chose, de dire au monde ce qui se passe et pourquoi cela se passe, d’inciter les gens à l’action. Le problème n’a pas été écarté. Peut-être que l’on dénombre maintenant à Kinshasa beaucoup plus d’enfants de la rue qu’il n’y avait auparavant, mais il existe désormais cette loi qui pourra améliorer la situation, pourvu qu’elle soit appliquée’’.



    A quelques semaines de la publication par la maison d’éditions roumaine Nicoaro Books, le livre « Child Witch Kinshasa » de Mike Ormsby est déjà un best – seller. La deuxième partie de cette histoire, à paraître bientôt, parle du périple londonien d’un enfant accusé de sorcellerie. (trad.: Mariana Tudose)


  • Le Festival international de littérature de Bucarest

    Le Festival international de littérature de Bucarest

    La première soirée du Festival international de littérature de Bucarest s’est déroulée début décembre au Club du Paysan de la capitale. Les débats ont tourné autour d’un des roman de l’écrivaine israélienne Zeruya Shalev, « Mari et femme », publié en roumain aux Maisons d’édition Polirom.



    « Reconnue sur le plan international dès son premier roman — « Vie amoureuse » – l’écrivaine israélienne Zeruya Shalev nous offre, dans « Mari et femme » une méditation d’une remarquable force poétique sur la jalousie, la douleur et le renoncement » – écrivait le Library Journal. En mentionnant ce livre Publishers Weekly écrivait, de son côté — « Le roman de Zeruya Shalev est un flux ininterrompu de la conscience qui nous présente des bribes de conversation, des querelles conjugales et murmures d’amour. »



    Les invités de cette soirée ont été deux couples d’écrivains : Zeruya Shalev et Eyal Megged (d’Israël) et respectivement Cecilia Ştefănescu et Florin Iaru (de Roumanie). Une des questions qui leur avait été lancées portait sur le potentiel créatif supérieur du malheur par rapport au bonheur. Pourquoi en est-il ainsi ? Le débat a été modéré par un 3e couple, constitué de l’écrivaine Adela Greceanu et du journaliste Matei Martin.



    Revenons, un petit moment, au roman de Zeruya Shalev, « Mari et femme » : Udi et Naama ont grandi ensemble, pourtant, le long de ce parcours de toute une vie, ils ont cessé de communiquer et leur vie commune, aux côtés de leur fille, Noga, est faite de jalousie, colère et culpabilité. Peu à peu, il devient évident que ce ménage reposait sur un fondement peu solide, l’image de l’amour idyllique de leur adolescence n’étant que l’enveloppe illusoire d’une vie familiale pleine de frustration.



    Zeruya Shalev explique pourquoi le malheur lui offre plus de matière pour son écriture que le bonheur. « Le malheur est plus créatif que le bonheur. Le malheur réussit à nous motiver, déclenche le changement, fait bouger les choses. C’est la raison pour laquelle dans la plupart de mes livres, je parle de crises. Une crise n’est pourtant que le commencement. Ce qu’elle déclenche est important. Après une crise, on a la chance de changer, de se réinventer. Un de mes but, en tant qu’écrivaine, est d’accompagner mes personnages sur leur chemin non pas vers le bonheur, mais vers un changement positif. »



    Eyal Megged — journaliste, poète et prosateur, professeur d’écriture créative, lauréat d’importants prix littéraires — dont Macmillian Prize — voit les choses différemment : « Je ne pense pas que le malheur stimule l’inspiration. Moi, quand je suis malheureux, je n’écris presque pas. Le plus beau compliment que l’on m’ait jamais fait venait d’une lectrice de mon dernier roman — «End of the Body » – qui a été malade du cancer. Elle m’a dit qu’après avoir lu mon livre, elle a trouvé une raison de vivre. Cela veut dire que lorsqu’on décrit une situation malheureuse, on offre au lecteur non pas de la douleur, mais du bonheur. »



    L’écrivaine Cecilia Ştefănescu est, elle d’un autre avis. Dans ses livres, il y a plus de malheur que de bonheur — paraît-il : « Les situations dramatiques créent des conflits et cela nous fait plaisir de participer à ces conflits. Les situations malheureuses vous font enlever le masque et sortir en quelque sorte de vous-même. Parfois on se sent ridicule, on s’en veut, le plus souvent on se sent impuissant à regagner le moment de bonheur perdu. Je n’ai pas renoncé à toutes mes illusions, pourtant celle de croire que le bonheur dure je me suis vue obliger d’abandonner. Le bonheur est un instant, il ne dure pas. On souffrirait énormément d’être constamment heureux, ce serait malsain. »



    L’écrivain Florin Iaru partage le même avis. Au niveau de l’écriture, le malheur est beaucoup plus productif que le bonheur : « C’est une question de grammaire. Dans la grammaire, le bonheur est limitatif, il n’est défini que par des adjectifs, par des qualités. Pourtant, nous cherchons le bonheur en dépit de tout. Surtout en littérature, le bonheur est statique, il n’y a pas de conflit en lui, dont il ne peut pas fournir un noyau dramatique. Quant aux lecteurs, ils consomment du malheur et cela les contente — du point de vue esthétique. Si, dans les livres, le public cherche le malheur, alors le malheur est rentable et nous, les auteurs, nous ne sommes pas sans l’ignorer. »



    Le débat a continuer par des questions tout aussi intéressantes. Entre autres : un mariage entre écrivains a-t-il des avantages ? Y a-t-il de l’admiration, de la compréhension, de la compétition, de la jalousie dans un couple où les deux partenaires écrivent ? La littérature peut-elle marquer une vie de couple ?



    L’édition 2013 du Festival international de littérature de Bucarest a permis aux passionnés de belles lettres de la capitale roumaine de rencontrer des personnalités importantes de la littérature contemporaine du Royaume Uni, d’Israël, de Croatie, de Hongrie, de Serbie, de Jamaïque et de Roumanie. (trad. : Dominique)