Tag: forteresse

  • La cité Alba Carolina

    La cité Alba Carolina

    Ville florissante à l’époque de la conquête romaine, ancienne capitale de la Transylvanie, où ont eu lieu la proclamation de la Grande Roumanie et le couronnement du premier souverain de tous les territoires roumains unis, Alba Iulia est, depuis longtemps, un repère culturel et historique. C’est en égale mesure une attraction touristique, et une des principales raisons, c’est la citadelle Alba Carolina, récemment restaurée. Ses portes, surtout la première, similaire à un arc de triomphe, est l’image de la ville.

    D’ailleurs, les débuts de l’habitation à Alba Iulia et ceux de la citadelle se sont mélangés depuis les temps les plus reculés, nous disait Liviu Zgârciu, historien au Musée national de l’Union d’Alba Iulia : « Tout de suite après la conquête de la Dacie, en l’an 106, l’empereur Trajan décide d’ériger le camp où la Légion XIII Gemina allait stationner en permanence, pour la période d’occupation de la Dacie par les Romains. C’était sur le plateau où se dresse aujourd’hui la citadelle Alba Carolina. Autour du camp se développe la ville d’Apulum, une des plus grandes de la Dacie romaine, qui comptait 30.000 habitants au début du 3e s. Le retrait d’Aurélien de Dacie en 271 n’a pas entraîné le départ de la population, et l’ancien camp a été transformé en cité médiévale, appelée la cité de Bălgrad – nom sous lequel Alba Iulia et sa citadelle étaient connues au Moyen Age. Au XVIe s, après 1541 lorsque Alba Iulia devient capitale de la principauté de Transylvanie, la cité de Bălgrad a été élargie. Elle s’est vu ajouter deux bastions – celui des Saxons et le Bastion Bethlen – visibles même de nos jours. »

    Après 1700, donc après la conquête de la Transylvanie par les Autrichiens, le besoin d’élever une forteresse puissante dans la région s’est fait jour. La cité de Bălgrad a été choisie pour que la cité de Alba Carolina soit construite. Pour ce qui est de la forme de la nouvelle fortification, elle a été bâtie d’après le modèle célèbre à l’époque appartenant au Français Vauban, un modèle d’heptagone irrégulier. Sept bastions allient lui conférer une image étoilée.

    L’historien Liviu Zgârciu nous donne des détails : « Les travaux ont commencé en novembre 1715. L’année dernière, on a célébré les 300 ans écoulés depuis la pose de la première pierre. C’était un ouvrage ample, coordonné initialement par un architecte italien, Giovanni Morandi Visconti. La main d’œuvre locale, des paysans serfs, a été utilisée pendant 23 ans, de 1715 à 1738. L’intérieur de la citadelle Alba Carolina est défendu par 7 bastions, chacun portant le nom d’une personnalité historique. Elle a été bâtie en style Vauban, d’après le modèle créé par l’architecte et ingénieur militaire Sébastien de Vauban, devenu célèbre pendant le règne du Roi-Soleil, Louis XIV. Les autorités autrichiennes ont pris connaissance de ce type de fortification pendant les guerres entre la France et l’Empire des Habsbourg. « Alba » vient du nom de la ville d’Alba Iulia, et « Carolina » – du nom de l’empereur d’Autriche Charles VI, pendant le règne duquel la cité a été érigée. »

    Ce n’est pas seulement sa forme étoilée et les portes monumentales qui donnent la beauté de la cité Alba Carolina, mais aussi les bâtiments qu’elle abrite. Certains sont d’importants lieux de culte et d’enseignement, tel que le siège local de la Bibliothèque nationale Batthyaneum. L’historien Liviu Zgârciu : « Dès le moment où les Autrichiens ont élevé la cité, les bâtiments à l’intérieur sont modifiés, et certains même démolis. Au moment où les Autrichiens y installent leur garnison, les constructions deviennent des bâtiments militaires. De nouveaux sont bâtis aussi ; c’est le cas de l’édifice qui abrite le Musée de l’Union, appelé « Babylone ». Il a été construit entre 1851 et 1855. 50 années plus tard, vers 1900, la Salle de l’Union est bâtie aussi – initialement, c’était une Maison de l’armée. Après l’Union de 1918, l’armée roumaine s’installe dans la cité, et dès lors, la Salle de l’Union devient représentative pour l’histoire des Roumains. C’est l’endroit où allait être prise la décision de l’union de la Transylvanie, du Banat, de la Crişana et du Maramureş avec le Royaume de Roumanie, le 1er décembre 1918. Après 1918, le première construction à architecture roumaine est la Cathédrale du sacre».

    C’est là que, le 15 octobre 1922, furent couronnés les premiers souverains de la Grande Roumanie : le roi Ferdinand et la reine Marie. (trad.: Ligia Mihăiescu)

  • La citadelle de Rupea

    La citadelle de Rupea

    Au XIIe siècle, dans la foulée des migrations causées par les croisades, les colons saxons se sont établis dans la province historique roumaine de Transylvanie. Réputés pour leur diligence et surtout pour leur savoir-faire artisanal et agricole, les Saxons, qui ont joui de certains privilèges de la part des rois de Hongrie, allaient contribuer à l’essor des villages de la région et fonder les premières villes à l’intérieur de l’arc carpatique.



    Centres administratifs des Saxons, les cités de Sibiu, Braşov, Mediaş, Bistriţa, Sighişoara, Sebeş et Rupea sont aujourd’hui encore un symbole de la Transylvanie du point de vue de leur rôle et de leur style architectonique. Le noyau de ces cités était représenté par les églises fortifiées à double fonction – religieuse et de défense. De telles églises, on en trouve d’ailleurs dans tous les villes et villages bâtis par les Saxons.



    Située à mi-chemin entre Braşov et Sighişoara, sur la route liant la Vallée de l’Olt à celle des Târnave, la citadelle de Rupea est perchée sur une colline en basalte. C’est à cette roche que la forteresse doit son nom. Les Romains y avaient construit un camp fortifié baptisé Rupes”, d’après le terme latin désignant le basalte. Emprunté par le roumain, le mot s’est transformé en Rupea”. Selon les historiens, une cité dace aurait existé auparavant sur ce même emplacement.



    Le maire de la ville de Rupea, Flavius Dumitrescu, détaille l’histoire des lieux : « La citadelle de Rupea était connue, à l’origine, sous le nom de Castrum Kuholom. Le terme de Kuholom, Cohalm en roumain, fait référence au rocher de basalte. Elle est située au carrefour des chemins qui reliaient jadis les anciennes provinces roumaines de Moldavie, Valachie et Transylvanie. La forteresse qui se dresse sur la colline de Cohalm est consignée pour la première fois dans les documents de 1324. C’et là que les Saxons, qui s’étaient soulevés contre le roi hongrois Charles Robert d’Anjou, trouvaient refuge. Grâce à sa position stratégique, la citadelle ne cessera de se développer en plusieurs étapes. Elle se compose de trois ensembles architecturaux, autrement dit de trois enceintes: la cité d’en haut, la plus vieille, qui date des XIIe et XIVe siècles, la cité mitoyenne, érigée au XVe siècle et élargie au siècle suivant, et la cité d’en bas, du XVIIe siècle ».



    La citadelle était habitée. C’est là que se trouvait aussi le siège des 12 confréries d’artisans, qui déployaient leur activité dans le bourg au pied de la colline. Nous repassons le micro au maire de la ville de Rupea, Flavius Dumitrescu : « Au début, elle a été le camp militaire du roi. En 1420, la citadelle a été rendue à la population de la région à laquelle elle allait servir de lieu de refuge devant les nombreux assauts des ennemis. En temps de paix, la citadelle était habitée par les gardes. C’est là que se trouvait aussi le siège d’une des sept unités administrative des Saxons, appelées à l’époque « chaises », en roumain « scaune ». Plusieurs tours de défense et bastions gardaient la citadelle de Rupea. Le fait qu’ils aient servi aux différents corps de métiers de la région est attesté par leur noms : la Tour des gardes, la Tour des tisserands, celle des domestiques. Bref, du XVe au XVIIIe siècles, Rupea a servi de forteresse défensive à la communauté ».



    En 1688, les Autrichiens y ont installé une garnison. Enfin, plus tard, au début du XVIIIe, lors d’une épidémie de peste, la citadelle allait abriter ceux que le fléau avait épargnés. Les premiers travaux de restauration de la citadelle de Rupea ont été entrepris dans les années ’50. La deuxième restauration du site a été récemment réalisée sur la base d’un projet élaboré en 2000. Flavius Dumitrescu : « Nous avons déposé plusieurs demandes de financement européen avant de réussir. En 2010, on a organisé des appels à candidatures pour les travaux de restauration et de conseil. Les travaux proprement-dits ont été lancés début 2011. Le 15 juin dernier, la citadelle de Rupea a été officiellement ouverte au public ».



    Depuis sa réouverture, la cité de Rupea a enregistré un nombre record de 26 mille visiteurs, ce qui prouve que l’héritage des Saxons de Transylvanie suscite toujours un vif intérêt. (trad. Mariana Tudose)

  • Michel Beine (Belgique) – la forteresse de Câlnic

    Michel Beine (Belgique) – la forteresse de Câlnic

    Nous poursuivons notre visite dans les monuments du pays figurant au patrimoine de l’UNESCO. Aujourd’hui, nous vous emmenons en Transylvanie. Vous pourrez vous promener dans la ville médiévale de Sighişoara, mais ne négligez pas les 7 villages également listés au patrimoine mondial de l’humanité (Prejmer, Dârjiu, Viscri, Saschiz, Biertan, dont Ioana vous a déjà parlé récemment, Valea Viilor et Câlnic).



    Nous visiterons ensemble la forteresse de Câlnic, dans le comté d’Alba, sur la route entre Sibiu et Sebeş. Cette cité, un des monuments d’architecture les plus intéressants du XIIIe s, occupe une place à part parmi les fortifications élevées par les Saxons de Transylvanie, lit-on sur le site de l’Institut d’archéologie et d’histoire de l’art de Cluj, à qui la forteresse est confiée. Construite comme résidence nobiliaire fortifiée, au milieu du XIIIe, par le comte Chyl de Kelling (mentionné dans des documents de 1269), la cité de Câlnic a été conçue avec un donjon massif de plan rectangulaire, utilisé comme logement, entouré de murailles massives, qui formaient une enceinte ovale, pourvue d’une tour côté sud et d’une tour de la porte du côté nord. Le donjon actuel a été construit vers 1272, et il est rectangulaire. L’épaisseur des remparts va jusqu’à 1 mètre. Le système de défense était complété par un fossé d’eau qui entourait la cité.


    Résidence des nobles saxons jusqu’en 1430, la forteresse fut vendue à la communauté des paysans de Câlnic, qui construit, au XVIe s, une nouvelle enceinte de murailles, fortifie la tour de la porte par une barbacane, et érige la chapelle, sur les ruines d’une construction plus ancienne. Dans la deuxième enceinte, l’on retrouve plusieurs chambres où logeaient les villageois par temps de guerre et qui servaient de dépôts de provisions par temps de paix. Au XVIe s, le donjon a été surélevé jusqu’à une hauteur de plus de 20 m.


    L’intérieur de la chapelle conserve des fragments de fresques du XVIe. La spécificité du monument consiste en la combinaison entre la résidence nobiliaire et la fortification de la communauté villageoise libre. Elle a été restaurée entre 1962-1964. Dans la commune de Câlnic, non loin de la cité, on peut voir l’ancien presbytère évangélique, édifice du XVIe, agrandi en 1799. En continuant dans la même allée, on arrive à l’église évangélique, qui est au milieu du cimetière. Construite au XVe, par la communauté villageoise, l’Eglise de la colline a connu des transformations au XIXe, ce qui lui a conféré un aspect néogothique.



    La forteresse est de nos jours un Centre culturel international, et placée sous le patronage de l’Institut d’archéologie et d’histoire de l’art de l’Académie roumaine et de l’Association Ars Transsilvaniae. Plusieurs expositions y ont été organisées. La chapelle accueille couramment des symposiums, colloques et conférences. Dans cette même ambiance, des concerts d’orgue et des auditions de musique médiévale, de la Renaissance ou baroque ont lieu de manière périodique. Aujourd’hui, que pouvez-vous voir à Câlnic ? Une forteresse très très belle et très bien préservée, pleine de fleurs et extrêmement intéressante, ainsi que les autres monuments dont je viens de vous parler, tous inscrits au patrimoine mondial de l’humanité. Bonne visite !

  • La cité de Enisala

    La cité de Enisala

    Dans le nord de la Dobroudja, à proximité du lac Razim, aussi près du delta du Danube que de son embouchure dans la mer Noire à Gura Portiţei, le voyageur trouvera, près de la localité d’Enisala, la cité homonyme. Son appellation provient d’une ancienne combinaison de mots turcs – Yeni-Sale — qui signifie « Nouveau village ». Il existait même une agglomération de ce nom. La forteresse médiévale d’Enisala est placée au sommet d’une colline ; de là, le panorama que l’on peut voir s’étend jusqu’à la mer. C’était, d’ailleurs, le but de sa construction. Mais qui l’a bâtie ?



    Aurel Stănică, archéologue à l’Institut de recherches éco-muséales de Tulcea, nous le dira : « Qui a construit la cité ? C’est une question à laquelle les chercheurs ont essayé de répondre au cours des âges. Suite aux fouilles archéologiques, et après avoir consulté les sources historiques, on peut affirmer que la cité d’Enisala a été érigée durant la deuxième moitié du XIVe par une autorité qui visait à contrôler la navigation sur la zone nord, vers le lac Razim. Le débouché de ce lac sur la mer et sa connexion au Danube par deux canaux ont été les raisons de la construction de la forteresse. Qui l’a érigée, qui avait les moyens de le faire ? Ces thèmes continuent de susciter des interrogations. En se penchant sur le contexte du XIVe et même du XIIIe s, on constate que tout le commerce en mer Noire était contrôlé par les marchands génois, qui détenaient également le monopole commercial sur les zones adjacentes. Ils avaient aussi les moyens de construire une fortification aux dimensions de celle d’Enisala, comportant des éléments d’architecture orientale et occidentale. »



    Les bâtisseurs présumés de la cité d’Enisala pourraient donc être les Génois. Il semble qu’aux XVe et XVIe s, la zone était placée au carrefour de plusieurs routes commerciales importantes. Les découvertes archéologiques faites à l’intérieur de la forteresse, mais aussi dans les localités avoisinantes, l’attestent, par les pots en céramique de Nicée et de Faenza, par exemple. Quant à la cité, elle a été habitée. L’archéologue Aurel Stănică : «La cité n’est pas très grande, mais elle pouvait accueillir 200-300 soldats à l’intérieur, soit une garnison assez puissante.C’est une enceinte en forme de trapèze, avec une superficie de 3000 m² environ. Par rapport à des forteresses plus anciennes, datant de la période romaine, cette cité est petite. Pourtant, cette superficie fortifiée servait bien les buts pour lesquels elle avait été construite. En plus, elle est située sur une colline calcaire assez haute, à l’instar d’un nid de vautours. De là, ses occupants pouvaient observer les embarcations qui entraient de la mer Noire, par Gura Portiţei, dans le lac Razim. A proximité de la cité, il y avait même une communauté rurale assez importante. Des recherches récentes, faites en avril-mai derniers, ont révélé l’existence d’un village moyenâgeux à population assez cosmopolite, qui combinait la population chrétienne avec une population qui avait un rite funéraire assez différent du rite chrétien. Cela montre que les Tartares qui contrôlaient à l’époque la zone nord de la Dobroudja ont effectivement habité dans l’agglomération rurale au pied de la cité d’Enisala. »



    Vers l’an 1386, sous le règne de Mircea le Vieux, le nord de la Dobroudja — la forteresse d’Enisala comprise — allait être intégré dans cette principauté. Qu’est-ce qui s’est passé après ? Réponse avec Aurel Stănică : « Mircea le Vieux refait Enisala ainsi que la cité d’Isaccea, points clé pour le contrôle de la navigation et du commerce sur l’eau dans le nord de la Dobroudja. Vers 1419-1420, la région est conquise par les Ottomans, mais il semble qu’Enisala n’ait pas été intégrée au système administratif ottoman tout de suite. Cela allait arriver beaucoup plus tard, vers la fin du XVe, en 1484, lorsque les cités de Chilia et de Cetatea Albă sont également conquises. La forteresse d’Enisala est alors intégrée à la province ottomane de Dobroudja, avec Babadag pour capitale. Au début du XVIIe, la cité est abandonnée. Elle figure dans les notes des voyageurs étrangers qui avaient parcouru la zone, comme servant de refuge temporaire pour des bergers. Les premières fouilles archéologiques sur ce site commencent en 1939, et se poursuivent avec des interruptions dans les années ’60 et ’70. En 1991, un projet de recherche et de restauration a été mis sur pied, qui s’est poursuivi jusqu’en 1997. »



    Bien que pas entièrement restaurée, la cité a été admirée l’année dernière par plus de 16.000 touristes, ce qui la classe comme l’attraction historique confiée à l’Institut de recherches éco-muséales de Tulcea la plus visitée. (trad. : Ligia Mihaiescu)