Tag: Juifs

  • Les pogroms d’Iaşi et de Bucarest

    Les pogroms d’Iaşi et de Bucarest

    Le début de l’année 2025 est marqué par l’anniversaire des 84 ans depuis le « Pogrome de Bucarest » du 21 au 23 janvier 1941 et l’anniversaire des 80 ans de la libération, le 27 janvier 1945, d’Auschwitz (Pologne), le plus grand camp d’extermination nazi. Deux tristes commémorations de l’histoire moderne du monde et de la Roumanie. Le Pogrome de Bucarest a représenté une série de manifestations violentes et de crimes contre les Juifs, qui ont eu lieu durant la Rébellion légionnaire (de la Garde de fer) de janvier 1941. Il est considéré comme le plus grand et le plus violent pogrome contre les Juifs de Munténie (sud – sud-est de Roumanie). Cette même année, un autre pogrome, probablement le plus violent de l’histoire des Juifs de Roumanie, était organisé du 27 au 30 juin dans la région de Moldavie, 13.266 citoyens juifs roumains ayant été tués dans la ville d’Iași.

     

    « Fotografii însângerate / Photos ensanglantées », un documentaire bouleversant

     

    Le réalisateur d’origine juive Copel Moscu a dans son portefeuille une cinquantaine de courts et longs métrages dont il a assuré la réalisation et le scénario et qui ont gagné de nombreux prix nationaux et internationaux. C’est à la fin de l’année dernière, 2024, que son film « Fotografii însângerate / Photos ensanglantées » a eu la première projection; c’est un documentaire qui évoque les événements bouleversants du Pogrome d’Iași.

     

    Le réalisateur Copel Moscu a parlé au micro de RRI de ses origines et de la façon dont l’histoire officielle présentait ces événements à l’époque de son enfance et de sa jeunesse, avant la chute du communisme en 1989.

     

     « Tout d’abord, vous savez que ma famille a des origines juives. Ce qui est intéressant c’est que je n’ai jamais entendu parler de ce pogrome durant mon enfance et ma jeunesse. Un événement terrifiant, une tâche noire sur l’histoire moderne, mais, en tenant à l’écart des informations sur ce qui s’était passé, mes parents ont voulu m’empêcher de porter jugement sur ces temps-là. Alors que j’étais très intéressé de savoir ce qui était arrivé aux membres de notre famille, car certains d’entre eux ainsi que des amis avaient été victimes de l’Holocauste. Cette obturation de l’histoire réelle était très pratiquée à cette époque-là. Les autorités communistes ne parlaient que très peu, voire pas du tout, de cet événement. Il n’était pas interdit d’en parler, mais ce n’était pas recommandé de le faire. … Ce fut un dérapage extrême de l’histoire et j’espère qu’il restera unique dans l’histoire… des gens, qui ne se connaissaient pas vraiment les uns les autres, et les uns ont supprimé les autres sans aucune explication claire, tout simplement par haine. … »

     

    Le réalisateur Copel Moscu a continué expliquant sa façon de travailler à son documentaire.

    2: « Le Conseil national d’étude des archives de la Securitate (CNSAS) gardent les photos réalisées pendant ces événements-là. Il existe encore un tas de documents et d’images classés et je n’en connais pas la raison, mais qui seront sans aucun doute rendus publics à un moment donné. Il est très intéressant de constater que notre histoire a encore des secrets à dévoiler et je crois que nous aurons encore de grosses surprises, car les documents et les images et les rapports de ces temps-là commencent à devenir plus clairs, donnant à chacun de nous l’occasion d’interpréter ce qui s’était passé à travers notre pensée moderne. Nous devons comprendre qu’une certaine époque a une certaine vision de l’histoire et qu’il nous est difficile de comprendre sans examiner ces éléments en profondeur … »

     

    Un film montrant la préparation et l’exécution du pogrome

     

    Le film documentaire « Fotografii însângerate / Photos ensanglantées » présente des images montrant la préparation et l’exécution du pogrome, depuis le marquage des maisons des familles juives aux colonnes de Juifs obligés à creuser les fosses dans lesquelles allaient être jetés leurs semblables.

     

    Copel Moscu raconte l’effet produit par ces photos sur le public et la manière dont il les a introduits dans son film. Track 3: « Cela s’appelle l’effet de parallaxe qui fait qu’une photo bidimensionnelle passe d’une certaine manière dans le tridimensionnel, dans l’espace, pour donner au spectateur la possibilité de vivre intensément cette image… Les images négatives, celles dans lesquelles on parle de la mort… Les gens peuvent regarder par moments des radiographies de leurs propres existences. … »

     

    Ce film documentaire peut devenir du matériel à étudier pour les nouvelles générations afin qu’elles puissent mieux comprendre ces moments de l’histoire de la Roumanie, croit Copel Moscu, qui poursuit.

     

    « Moi je crois que ce film devrait être projeté dans les établissements scolaires, surtout qu’il s’agit d’une matière scolaire presqu’obligatoire. Bon, elle est optionnelle, mais elle est inscrite dans le programme scolaire. C’est l’étude de l’Holocauste. … Ce film pourrait aider les jeunes à se construire une opinion sur cette époque-là, sur les relations entre les gens, sur l’approche d’une situation de crise … »

     

    L’histoire dans la conscience collective

     

    Le film documentaire « Fotografii însângerate / Photos ensanglantées » ramène dans la conscience collective ces moments d’histoire dramatique, quand la législation roumaine de la dernière année du règne de Carol II avait donné un pouvoir légal à la discrimination raciale des Juifs, qualifiés de « race inférieure ». L’Etat national légionnaire avait durci les interdictions et limité les libertés et les droits civils des Juifs. Des milliers d’entre eux avaient été arrêtés, enquêtés et torturés à Bucarest durant la Rébellion légionnaire. Des temples et des synagogues avaient été pillés, plusieurs assassinats avaient été commis dans la forêt de Jilava, à proximité de la capitale. Les statistiques ont fait état de plus de 120 Juifs tués pendant le Pogrome de Bucarest, 1274 boutiques, appartements et ateliers saccagés, des centaines de camions de marchandises pillés. Ces événements de Bucarest ont été niés ou omis de l’histoire récente après répression de la Rébellion. Des théories ont été avancées pour soutenir des conspirations supposées des Juifs et des communistes en lien avec le Pogrome de Bucarest et avec la véracité des faits. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Pourquoi célèbre-t-on Pâques à des dates différentes?

    Pourquoi célèbre-t-on Pâques à des dates différentes?

    Pâques, la plus grande fête du Christianisme, est le plus souvent célébrée à des dates différentes par les communautés chrétiennes. Vous l’avez constaté, peut-être, d’habitude, il y a une semaine de décalage. Pourtant cette année, il y a un très grand décalage entre la Pâque orthodoxe, marquée le 5 mai, et celle catholique, déjà célébrée le 31 mars.  Pourquoi cette différence ? Nous allons donc expliquer les causes de ce fait et nous tenterons d’éclaircir quelques idées inexactes, transmises au fil du temps.

     

  • Les enfants, victimes de la guerre

    Les enfants, victimes de la guerre

    Le 20e siècle, tant marqué
    par les régimes totalitaires, les guerres, les génocides, les déplacements
    forcés de populations, par des pandémies et des catastrophes naturelles, a constitué
    une période tragique pour des dizaines sinon des centaines de millions d’individus.
    Une catégorie de victimes sort toutefois du lot : les moins capables de se
    défendre, les plus fragiles, les enfants. L’histoire de la Roumanie ne fait pas
    exception, les enfants roumains payant un lourd tribut durant les années
    sombres.


    Le Centre d’histoire
    orale de la Radiodiffusion roumaine a recueilli au fil des ans les témoignages
    bouleversants de certaines victimes. Dans le Nord de la Transylvanie, cette
    partie détachée de la Roumanie et occupée par la Hongrie après 1940, la solution
    finale est déclenchée au mois de mai 1944, après l’occupation de la Hongrie par
    les Allemands. Dans une interview enregistrée en 1997, Grigore Balea, prêtre
    gréco-catholique, se rappelle la déportation des juifs de Transylvanie vers les
    camps de la mort dans des wagons de marchandise. Alors qu’il n’était qu’un
    jeune enfant, il se souvient de la tentative de sa mère d’apporter un seau d’eau
    pour soulager la soif d’une famille juive avec 9 enfants, qui attendait depuis
    des jours d’embarquer dans ces trains : « L’un des soldats magyars a observé le manège,
    il s’en est approché, et a frappé ma mère d’un coup de poing à l’arrière de la
    tête. Mais je n’oublierai jamais la douleur de ma mère, pas tant la douleur que
    lui a provoquée ce coup, que la douleur d’assister à cette déportation en masse
    des familles entières vers une destination que l’on devinait tragique. Sur les
    quais de la gare de Viseu, les enfants étaient arrachés aux mères, ils étaient
    séparés. Ni moi, ni ma mère n’y avons assisté, mais on l’avait appris par la
    suite. Les enfants, les mères criaient et pleuraient. C’était déchirant. »


    Ileana Covaci, originaire de la commune de Moisei, ce lieu
    du massacre où 29 Roumains et 2 juifs ont trouvé la mort le 14 octobre 1944, se
    souvient de sa déportation en Autriche, pour les besoins d’une prétendue
    enquête pénale. Ileana Covaci : « Les
    gendarmes magyars sont arrivés en pleine nuit. Moi et ma sœur cadette étions
    enfants, et dormions. Ils nous ont réveillés, et ils nous ont mené à la mairie.
    Nos parents aussi. C’est dans ses locaux qu’on dut rester jusqu’au matin,
    enfermées à clé. Nous pleurions, alors que personne ne nous disait rien. Enfin,
    le matin ils nous disent qu’ils vont nous amener en Autriche pour trois mois.
    Il s’agissait apparemment d’une histoire de vol, dont on ignorait tout. »


    Ana Darie, originaire
    de Săliștea de Sus, dans le Maramureș, racontait les souffrances de ses filles,
    provoquées par l’appartenance supposée de son mari, leur père, aux groupes qui
    faisaient barrage aux communistes, dont le régime de dictature commence à
    montrer son vrai visage à partir du 6 mars 1945 : « Mes
    filles ont été exmatriculées. Une seule a pu continuer de suivre les cours de l’école.
    Mais l’une de celles qui avaient été jetées dehors a eu la chance de rencontrer
    une dame à grand cœur, professeur de roumain à Baia Mare. C’est elle qui l’a
    aidée. Puis elle a pu réintégrer l’école, aller au lycée. Le proviseur l’y a
    aidé, alors que les mecs du conseil populaire ne voulaient rien entendre. Mais
    elle a finalement eu son bac. »


    Condamné
    par le régime communiste à 13 années de prison politique, peine qu’il exécutera
    dans le terrible pénitentiaire d’Aïud, Sima Dimcica laissait à la maison trois enfants mineurs.Ecoutons
    le témoignage de Sima Dimcică : « Vous
    savez, lorsque l’on m’avait arrêté, mon benjamin venait d’avoir 6 mois, le
    cadet 3 ans, et l’aîné 5 et demi. Lorsque je suis rentré à la maison, ce dernier
    avait presque 20 ans, le cadet 16, mon benjamin 14. J’avais honte. J’avais
    honte de les avoir abandonnés. Et ils avaient honte de moi. Et le jour où je
    rentre, je les vois et leur demande d’emblée : « Où est maman ? ».
    « A Aïud », répondent-ils. Ces salauds de communistes l’avaient fait
    venir au pénitentiaire, où ils m’avaient volé 13 années de ma vie, ce jour
    précis, alors que le matin même j’avais été libéré. Ils l’avaient faite venir exprès,
    sans raison précise, juste pour la terroriser. Je n’ai pas fermé l’œil de la
    nuit. Je me demandais ce qui lui était arrivée. Mais c’étaient juste des
    tracas, des chicanes. Ils passaient maîtres à ce jeu-là »
    .



    Ion Preda avait
    fait partie du groupe de partisans anticommunistes dirigé par Toma Arnăuțoiu. Embastillé,
    libéré finalement, mais persécuté jusqu’à la fin du régime communiste, il
    faisait dans une interview donnée en 2000 le bilan de sa vie : « Mes
    enfants ont énormément souffert. Pendant de longues années. La plus petite a
    été mise à l’orphelinat. Après ma libération, j’ai pu la ramener à la maison.
    Elle a pu suivre le lycée, s’est mariée ensuite à un aviateur. Mais elle a
    perdu son enfance dans cet orphelinat. Moi aussi j’avais laissé mes années de
    jeunesse entre les murs de la prison. Ce fut une période terrible. Mais d’un
    autre côté, j’ai tenu bon. J’ai lutté pour la liberté de mon pays, j’ai lutté
    pour que ce pays demeure tel que je l’avais connu : libre, démocrate, où l’on
    puisse y vivre honnêtement, pas en esclave »




    L’enfance volée, maltraitée, gaspillée ou tout
    simplement écrasée par les régimes totalitaires et de terreur qui se sont succédé
    dans la Roumanie du 20e siècle constitue encore une page trop
    méconnue de l’histoire récente du pays. (Traducere Ionut Jugureanu)

  • Mes pas dans leurs ombres, de Lionel Duroy

    Mes pas dans leurs ombres, de Lionel Duroy

    Dans « Mes
    pas dans leurs ombres » sorti en août dernier, chez Mialet Barrault, Lionel Duroy se penche sur un épisode
    tragique de l’histoire roumaine, à savoir le pogrom de Iasi, un crime perpétré pendant
    la Seconde Guerre mondiale par le régime fasciste roumain contre la population juive. Elena Diaconu, à la tête de la librairie française
    Kyralina a choisi de présenter ce roman au micro de RRI.

  • Ces Juifs sauvés de la Shoah

    Ces Juifs sauvés de la Shoah

    En dépit de la Solution finale mise en œuvre par le tout-puissant régime
    nazi durant la Seconde Guerre mondiale, la vie de bon nombre de juifs d’Europe
    a pu être épargnée grâce au courage et à la détermination de ceux qui ont
    décidé de ne pas accepter l’impensable, des ceux qui n’ont pas voulu admettre à
    ce que des millions d’innocents soient persécutés, voire massacrés, en vertu de
    ces critères, imaginés par les nazis, que sont l’origine ethnique, la race ou
    la religion. Certains Roumains n’ont pas été en reste. Au péril de leur
    liberté, de leur vie parfois, ils ont pris le parti des opprimés, de ces parias,
    ainsi qu’étaient perçus les juifs à l’époque. L’un des ces hommes a été Emil
    Tomescu, capitaine dans l’armée roumaine pendant la Seconde Guerre mondiale,
    devenu colonel en réserve e au moment où sa voix sera enregistrée, en 1997, par
    le Centre d’Histoire orale de la Radiodiffusion roumaine. En 1942, le capitaine
    Tomescu avançait avec ses troupes dans la ville d’Odessa, prenant son quartier
    dans l’hôtel de maître que le propriétaire de droit, un Français, avait
    abandonné. Emil Tomescu :


    « Nous avions trouvé les volets fermés et les portes condamnées. Je
    m’inquiète sur les raisons de cette situation auprès des troupes qui montaient
    la garde. Et un soldat m’informe qu’à l’intérieur se trouvaient enfermés des
    juifs. Et que toutes les semaines, un magistrat militaire venait lever l’un ou
    l’autre des ceux qui étaient enfermés sur place, et qui disparaissait à jamais.
    J’avais appris que ceux-là étaient tout simplement tués, d’un coup de révolver,
    et sans autre forme de procès. Je fis ouvrir les portes, et ce que j’avais pu
    trouver à l’intérieur était indescriptible. Des squelettes vivants. Des gens
    affamés depuis des semaines, qui ne s’étaient pas lavés depuis leur arrivée,
    c’était terrible. Une des pièces de la maison était transformée en toilette.
    J’ai donné l’ordre à ce que l’on chauffe de l’eau dans de grands chaudrons,
    qu’on fasse sortir ces gens, qu’ils puissent se laver. J’ai ordonné à ce qu’on
    les nourrisse. J’ai par la suite organisé le fonctionnement de ce lieu de
    détention pour que les gens puissent y vivre de façon humaine. J’avais organisé
    la popote, certaines des femmes détenues allaient dorénavant cuisiner.
    Malheureusement, on m’a vite muté. On m’envoya au front. Sans doute, quelqu’un
    dans la hiérarchie avait été dérangé par mes agissements. »


    Aristina Săileanu, originaire de Târgu Lăpuș, petite localité située dans le
    nord de la Transylvanie, région annexée par la Hongrie le 30 août 1940 à la
    suite du Second arbitrage de Vienne, se rappelait, à l’occasion d’une interview
    passée en 1997, la manière dont son père avait caché une famille juive dans sa
    cabane, en pleine forêt. Aristita Saileanu :


    « Notre maison se trouvait à Râoaia, à 14 kilomètres de Lăpuşul Românesc,
    dans un endroit plutôt isolé. Et il m’envoie dans une nuit, c’était la nuit du
    15 vers le 16 avril, accompagnée par un de ses gens, pour accompagner une
    famille juive. J’avais pris les enfants. On les emmena dans la forêt, on leur
    fit ériger une cabane en terre, on leur donna tout ce qu’ils avaient besoin
    pour y demeurer des mois. C’était dangereux. Si les Allemands l’apprenaient,
    nous serions bons pour la potence ».


    Gheorghe Moldovan, originaire de la ville de Blaj, racontait en 1997 l’action
    de solidarité qu’avait mené son association pour aider les juifs enfermés dans
    le camp de transit situé au long de la route Perşani-Lădeni-Braşov :


    Voici le témoignage de Gheorghe Moldovan


    « Ce camp déjà avait un statut à part. C’était un fait plutôt un camp
    de travail. Dans les autres parties de la région, il y avait des rafles, et les
    juifs étaient menés dans des camps de transit, avant d’être envoyés dans les
    camps d’extermination. Les juifs de Blaj en revanche allaient dans des camps de
    travail. C’était une manière de leur sauver la vie, d’éviter la déportation. On
    organisait aussi des passages de la frontière. Je crois avoir croisé à
    plusieurs reprisesRaoul
    Wallenberg, ce diplomate suédois en poste à Budapest, qui a sauvé près de
    20.000 juifs de Hongrie. C’était un homme grand, d’allure distinguée. Il
    m’avait une fois serré la main et remercié personnellement. »


    Sonia Palty, d’origine
    juive, se rappelait en 2001, de la mise à mort de l’agronome Vasilescu, qui
    avait payé de sa vie pour avoir aidé des juifs. Sonia Palty :


    « Nous étions enfermés dans un camp de
    travail. Mais n’avaient droit à manger que ceux qui allaient au travail. Or, la
    plupart étaient malades, ils avaient la grippe, des diarrhées, des rhumatismes.
    L’on était au mois de décembre, à l’approche de Noël. L’on crevait de faim. Et
    ce Vasilescu, qui était le chef de la ferme où l’on devait travailler, a décidé
    de donner à manger à tout le monde : femmes, enfants, malades, à tous ceux
    qui s’y trouvaient enfermés, même à ceux qui ne pouvaient pas aller travailler
    donc. Le lendemain, l’on reçut l’ordre de préparer nos valises, pour aller à la
    gare. On devrait aller en déportation à Bogdanovka, en Ukraine, près de la
    rivière Boug. Et le lieutenant Capeleanu sort sa cravache et commence à frapper
    à droite et à gauche. Mais Vasilescu lui prend la main, et l’arrête net. Mais
    ce Capeleanu va rédiger une note informative à sa hiérarchie. Il y dénonce
    Vasilescu, son attitude amène envers nous, les juifs enfermés, et l’agronome,
    le pauvre, reçoit l’ordre de mobilisation. Ils l’envoient au front, où il sera
    tué, lors de la bataille de Stalingrad. Voilà ce qui lui avait coûté de nous
    aider ».



    La résistance des anonymes de toutes nations et origines face à l’innommable
    barbarie qu’a été la Solution finale représente cette indispensable lueur, la
    seule qui maintien éveillée la flamme de l’humanisme lorsque le mal le plus
    total semble gagner le monde. Une lueur maintenue, parfois, au prix de sa vie. (Trad. Ionut
    Jugurureanu)

  • Les Exportés, de Sonia Devillers

    Les Exportés, de Sonia Devillers

    Journaliste sur France Inter, Sonia Devillers était
    présente à Bucarest du 8 au 10 décembre dernier, pour lancer dans le cadre du
    Salon du livre Gaudeamus, son premier ouvrage, « Les Exportés », paru
    en août 2022, chez Flammarion. Une histoire vraie et d’autant plus fascinante, sur
    la vente par l’Etat roumain communiste des Juifs de Roumanie, parmi lesquels plusieurs
    membres de sa famille. Tels des marchandises, sa mère, sa tante, ses
    grands-parents et son arrière-grand-mère ont été « exportés ». A
    partir d’une liste sur laquelle elle a retrouvé les noms de ses grands-parents,
    Sonia Devillers a reconstitué entre les pages d’un livre un parcours qui a
    fasciné Charlotte Fromenteaud, journaliste RRI et libraire chez Kyralina.

  • “L’Israélite roumain”

    “L’Israélite roumain”


    L’histoire des Juifs des Principautés roumaines a été marquée au XIXe
    siècle par la lutte pour les droits nationaux et civils. Le nouvel État issu de l’union de la Moldavie
    et de la Valachie en 1859 accordait la nationalité roumaine et les droits qui
    en découlaient uniquement aux individus de confession chrétienne. La Constitution
    de 1866 l’instituait sans équivoque à l’article 7, qui stipulait que: « La
    qualité de roumain s’acquiert, se conserve et se perd conformément aux règles
    définies dans les lois civiles. Seuls les étrangers de rites chrétiens peuvent
    acquérir la naturalisation. » Mais la loi introduisait aussi des
    exceptions à la règle, les personnes se mettant au service de la Roumanie
    pouvant ainsi se voir récompenser par l’octroi de la nationalité. Ce fut le cas
    de nombreux Juifs qui ont combattu dans la guerre d’indépendance menée par la
    Roumanie en 1877-1878.


    Les leaders des communautés
    juives de Roumanie ont cependant mis en avant des arguments forts en faveur de
    l’octroi de la nationalité roumaine aux Juifs « autochtones », nés
    donc en Roumanie. Un de ces porte-drapeaux les plus actifs fut le médecin et
    homme de culture Iuliu Barasch. Né en 1815 à Brody, à l’ouest de l’actuelle
    Ukraine, territoire qui à l’époque faisait partie de l’Empire autrichien, et
    mort à Bucarest en 1863, à l’âge de 48 ans, Iuliu Barasch avait reçu à sa
    naissance le nom de Iehuda ben Mordehai. En 1843, il s’installe en Valachie, à Călărași,
    ville danubienne à 120 km au sud-est de Bucarest. En 1851, il déménage dans la
    capitale valaque, où il va exercer la profession de médecin et fonder des
    établissements de santé publique, tels des hôpitaux, des quarantaines et des
    dispensaires. Il a obtenu un doctorat en médecine à Berlin en 1841, il a
    enseigné au lycée et dans des écoles supérieures de sciences militaires, de
    pharmacie et d’agriculture. Comme tout intellectuel de son époque, il s’est
    activement impliqué dans la vie de la communauté juive. Grand défenseur de la
    science, Iuliu Barasch a été un agent important de la modernisation de la
    mentalité collective juive. Son œuvre écrite inclut des textes scientifiques,
    certes, mais aussi de médecine, d’histoire, de philosophie ou d’hygiène.


    L’implication de Iuliu Barasch dans la presse
    communautaire juive et dans celle de vulgarisation scientifique est venue tout
    naturellement. Pour quelqu’un comme lui, qui avait une vocation de fondateur et
    de militant, le lancement de la première publication juive en langue roumaine a
    été quelque chose de parfaitement naturel. Iuliu Barasch et le Français Armand
    Lévy, avec Aaron Ascher et Isaac Leib Weinberg, ont rendu possible la parution
    de « L’Israélite roumain », marquée par seulement quelques numéros, faute
    d’argent. L’historienne Lya Benjamin, spécialiste de l’histoire des Juifs, a
    consacré une étude à cette publication, où elle a aperçu les idées qui
    circulaient ces temps-là. « Le journal est particulièrement
    intéressant, car il s’adresse aussi bien aux Juifs qu’aux Roumains, tout en
    étant une tribune de lutte pour l’émancipation des Juifs. Les Juifs de Roumanie
    n’avaient pas la nationalité du pays et Iuliu Barasch fut le premier à lancer
    le combat pour l’octroi de la nationalité, dans lequel il recourt aussi au
    journal. En 1856, il envoie au prince régnant valaque Barbu Știrbey les
    premiers mémoires sur le sujet. C’était l’année où une délégation des Grandes
    Puissances se rendait dans les Principautés roumaines pour préparer la
    Conférence de Paris de 1858, consacrée aussi à l’union des Principautés. Iuliu
    Barasch voulait présenter son mémoire au prince Stirbey et aux délégués
    étrangers, pour qu’ils s’expriment en faveur de l’émancipation des Juifs. Ses
    mémoires sont publiés pour la première fois dans « L’Israélite roumain ». »


    Ce qui est remarquable aussi
    bien chez Iuliu Barasch que chez les autres Juifs qui se battaient pour
    l’émancipation politique et civique des membres de leur communauté c’est qu’ils
    étaient parfaitement connectés aux idées de leur époque, dont celle de l’union
    des Principautés, premier grand projet romantique de l’État national roumain, a été
    la plus forte. Les Juifs autochtones étaient entièrement acquis à la cause et Barasch
    en fut le fer de lance. La mobilisation s’est à nouveau faite grâce à l’appel à
    l’histoire et avec la contribution des Juifs. Lya Benjamin raconte : « Les sujets étaient variés. Il y avait, par exemple, des articles
    sur l’histoire, celle de la Roumanie et celle commune roumano-juive, des articles
    soulignant l’ancienneté de la présence des Juifs dans l’espace roumain. Ou bien
    des articles qui se donnaient pour tâche de faire connaître aux Juifs les
    moments les plus importants de l’histoire de la Roumanie, tels le règne de
    Michel le Brave. Il y avait aussi, bien-sûr, des articles sur la tradition
    juive, sur la religion judaïque, pour familiariser les lecteurs roumains avec
    l’histoire et culture des Juifs. D’autres articles exprimaient le soutient des
    Juifs à l’union des Principautés et le respect qu’ils éprouvaient pour les
    Roumains, mais aussi leur dévouement pour les Roumains et la Roumanie ainsi que
    leur souhait d’avoir le respect des Roumains. »


    La publication
    « L’Israélite roumain » a eu une première série entre mars et
    septembre 1857. La seconde génération du journal apparaît onze ans plus tard. En
    1868, la Roumanie avait traversé de nombreuses et profondes transformations
    institutionnelles et sociétales. Après la mort de Iuliu Barasch, l’hebdomadaire
    « L’Israélite roumain »
    rencontre un monde complètement changé. (Trad. Ileana Ţăroi)



  • La minorité juive dans la Grande Roumanie

    La minorité juive dans la Grande Roumanie

    La présence des Juifs
    dans l’espace roumain est attestée depuis le Moyen Âge, lorsque des communautés
    de loi mosaïque vivaient déjà des deux côtés des Carpates, en laissant des
    traces, notamment culturelles, tant dans les villes que dans les villages
    roumains. Au début du vingtième siècle, avant la Shoah, la présence des Juifs
    se fait principalement remarquer au sein des professions libérales, nombre de
    savants, médecins, avocats, entrepreneurs et personnalités culturelles
    roumaines de grande étendue provenant de cette communauté. Avec la naissance de
    l’État
    d’Israël en 1948, bon nombre des survivants de la Shoah choisiront la voie de l’Alya.






    Après la chute du communisme en décembre 1989, la communauté juive de
    Roumanie ne comptait plus que quelques milliers de personnes, à comparer avec
    les 756.930 membres recensés en 1930. La communauté vivante et dynamique du
    début des années 30 était surtout concentrée dans le nord de la Roumanie, soit dans
    le nord de la Transylvanie, dans le Maramureș, la Bucovine, ou encore en
    Bessarabie. En effet, après la Première Guerre mondiale, l’État roumain s’était
    résolument engagé à observer les droits de toutes les minorités ethniques. La
    liberté économique, la liberté des cultes, la liberté de la presse exercée dans
    les langues des minorités, l’accès à la nationalité roumaine, tout comme le
    droit de vote devenaient alors des droits gravés dans la loi. Les premières
    persécutions antisémites de 1938 trouveront une minorité juive pleinement
    intégrée dans la société roumaine, ainsi que l’attestent les interviews
    réalisées durant les années 1990 et 2000, et conservées par le Centre
    d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine.






    Voici le récit de Nicolae Catone, cheminot et ancien
    membre du parti national-paysan, originaire de Salva, une commune du
    département de Năsăud, situé dans le nord de la Roumanie, interviewé en l’an
    2000 : « Notre commune comptait un
    certain nombre de Juifs, dont un certain Aaron, un type plutôt aisé,
    propriétaire d’une pompe à essence et commerçant de céréales. Un jour, son
    dépôt de carburant avait pris feu, mais ce fut un accident. Nous, on
    s’entendait bien, il n’y avait rien qui nous oppose. Je me souviens aussi d’une
    voisine juive, qui venait chez nous chercher du lait pour ses 4 enfants. Nous
    avions deux vaches à lait à l’époque, elle s’amenait chercher son lait, elle
    trayait elle-même nos vaches. Il n’y avait pas de divergences, rien qui nous
    oppose, rien du tout. »






    Adela
    Feiden, originaire de la ville d’eaux de Vatra Dornei, se souvenait en 1998 des
    fêtes de la petite ville de son enfance, qui comptait pas moins de 3
    synagogues. Adela Feiden : « L’on
    observait les fêtes religieuses sans faute et le Temple nous attendait à chaque
    occasion. La troupe du théâtre juif est même venue jouer, en yiddish, au centre
    culturel local, mais aussi au Casino, où il y avait une salle de théâtre. Lors
    des grandes fêtes, de Hanoukka par exemple, même le grand rabbin s’y amenait.
    Il nous expliquait la signification religieuse de la célébration. La Pâque, la
    Pessa’h, y était aussi célébrée en grande pompe. Et souvent, les deux premiers
    jours de Pessa’h, on allait à la synagogue. »

    Ludovic Kahan, fils d’un petit négociant de bétail
    originaire de la ville de Baia Mare, témoigne, lui, de l’importance de la
    communauté juive de cette ville transylvaine. Ludovic Kahan : « C’était en 1885 qu’avait été fondée la synagogue
    de la ville, toujours en activité. On était une communauté de Juifs orthodoxes
    et le courant hassidique de Baia Mare a rayonné longtemps à travers le monde
    juif. Le sionisme était aussi très influent dans notre communauté. Selon les
    statistiques de l’époque, la ville de Baia Mare comptait, en 1890, 9.868 habitants,
    dont pas moins de 702 juifs. Mais en 1910, sur 12.877 habitants, 1402 étaient Juifs.
    En 1930, 2.030 Juifs sur 13.904 habitants. Enfin, en 1941, il y avait 3.623 Juifs
    sur 21.404 habitants. La part de la communauté juive était ainsi passée de 7 à
    16% de la population de Baia Mare. C’était une communauté importante. »







    Le rabbin Ernest Neumann,
    originaire de Timișoara, se souvenait, en 2002, des bonnes relations nouées
    entre la communauté juive et les ethniques roumains, tout cela avant la
    Deuxième Guerre mondiale : « Les gens originaires de Transylvanie,
    ceux qui avaient vécu dans l’empire d’Autriche-Hongrie avant la Grande Guerre,
    étaient plutôt tolérants à l’égard des Juifs. Les gens étaient habitués à
    côtoyer diverses autres communautés que la leur, des communautés avec
    lesquelles ils partageaient tout, en bonne entente. Pour ce qui est des
    Roumains, si on se plonge dans leur histoire, on peut difficilement dire qu’ils
    soient un peuple intolérant, ou qui manque de bienveillance par rapport aux
    autres. Moi, j’avais été élevé dans cet esprit, au milieu d’une communauté qui
    comprenait des ethniques roumains, magyars et juifs, et on s’était toujours
    très bien entendu entre nous. On ne faisait pas de différence. L’origine
    ethnique ou religieuse n’entrait pas en ligne de compte. Ces barrières sont
    depuis toujours montées en épingle de manière artificielle, en faisant fi de la
    nature commune de l’être humain, en faisant fi du sens commun et de la nature
    de l’homme. »






    Ces témoignages, recueillis au sujet de
    l’état d’esprit qui régissait les relations entre les diverses communautés de
    l’époque, ne laissaient en rien transparaître la tragédie qui allait se jouer
    peu de temps après, pour donner naissance au pire crime de masse de l’histoire
    de l’humanité : la Shoah. (Trad. Ionuţ Jugureanu)

  • Beverley-Jane Stewart, artiste britannique d’origine roumaine

    Beverley-Jane Stewart, artiste britannique d’origine roumaine


    Beverley-Jane Stewart est une artiste visuelle complexe qui raconte dans
    son art l’histoire des Juifs qui ont quitté leurs lieux d’origine – dans le cas
    de sa famille, la Roumanie – pour trouver leur place ailleurs dans le monde.
    Ses œuvres combinent la couleur et le détail qui suggèrent la réalité
    d’aujourd’hui, avec des images frustes, en bois brûlé ou des photographies en
    noir et blanc, respectivement en jaune et blanc, comme elles l’étaient à
    l’époque de ses arrière-arrière-grands-parents, qui avaient une usine de
    fabrication de tonneaux.






    Une exposition d’œuvres de l’artiste est organisée du jusqu’au 31
    janvier par l’Institut culturel roumain de Tel Aviv. Elle est intitulée «
    Voyage dans le temps, vers les racines roumaines ». L’exposition comprend des
    œuvres de peinture, de gravure et de collage, inspirés suite aux voyages de
    recherche entrepris par l’artiste, en trois années différentes, en Roumanie,
    sur les traces de ses ancêtres. Ainsi, l’artiste présente dans ses œuvres des
    aspects architecturaux et culturels de villes roumaines auxquelles ses racines
    roumaines sont liées ou qui ont eu d’importantes communautés juives, comme Alba
    Iulia, Timişoara, Bucarest, Botoșani, Galaţi, Sibiu ou encore Sighet.






    Beverley-Jane Stewart : « Toutes ces œuvres sont récentes. Elles sont
    toutes inspirées par mes voyages en Roumanie. Je suis allée en Roumanie trois
    fois. J’ai d’abord été invitée à visiter ce pays et c’est là que j’ai commencé
    à penser à mes racines. La deuxième fois, j’ai exploré une bonne partie de la
    Roumanie, à la recherche de l’héritage patrimonial juif, avec ce qui existait
    dans le passé et ce qui restait lors de mon passage. Quant à ma dernière visite,
    elle a été à Timişoara et à Sighet. Là, j’ai été intéressée par l’histoire des
    Juifs et ce qui est resté dans la communauté et peut encore être considéré
    aujourd’hui comme la contribution des Juifs. Je suis allée à Alba Iulia. Alba
    Iulia est intéressante, parce qu’elle a ouvert ses frontières aux Juifs, quand
    les Turcs ont ouvert les frontières aux Juifs, qui fuyaient l’Inquisition
    espagnole. Les Juifs étaient torturés et exécutés en Espagne, alors ils ont dû
    la quitter vers 1400. Vous pouvez donc voir dans ma peinture des scènes de
    Juifs exécutés et forcés à quitter l’Espagne et à se rendre en Turquie, où ils
    ont continué leur commerce. A un moment donné, les Turcs se sont opposés à ce
    que les Juifs fassent du commerce. Puis le roi de Hongrie, qui administrait
    également Alba Iulia (centre) a
    ouvert les frontières de la ville pour accueillir les Juifs. Les Juifs de
    Turquie sont donc venus à Alba Iulia. Il y avait des Juifs séfarades, venus du
    Moyen-Orient, d’Espagne, puis de Turquie et qui ont fini par bénéficier de toute
    la liberté en Transylvanie. Ils avaient droit à leur propre synagogue, ils
    avaient leurs maisons, alors maintenant dans la ville, on peut non seulement
    voir l’ancienne synagogue, qui fonctionnait aussi comme un tribunal, un lieu de
    prière et d’étude, mais aussi un lieu d’échange bancaire. Toutefois, au-delà de
    la synagogue, les Juifs ont joué un rôle important dans la région. Mon premier tableau
    sur la Roumanie a donc été inspiré par Alba Iulia. »






    L’artiste a ajouté : « Quand j’ai consulté les archives pour voir ce qui est arrivé aux Juifs
    pendant la guerre, j’ai trouvé une source personnelle et directe, un rabbin qui
    avait vécu l’expérience de l’Holocauste à Alba Iulia. La communauté locale soutenait
    les Juifs aussi, mais la Garde de fer était une organisation très forte et
    avait une grande influence. La communauté locale était vraiment bouleversée par
    ce qui s’était passé, par la Shoah. Et tout cela est écrit dans le journal du
    rabbin de l’époque. Certains Juifs d’Alba Iulia sont arrivés dans les camps, mais
    beaucoup ont survécu soutenus par la communauté locale. »








    En 2019, l’artiste a effectué une deuxième visite en Roumanie sur les
    traces de sa famille : « Ma famille est originaire de Botoşani, que ma grand-mère et mon
    arrière-grand-mère ont quitté pour Londres au début des années 1900, mais une
    partie de la famille est restée à Botoşani. J’ai trouvé des cartes postales par
    lesquelles ma famille correspondait de Londres avec ceux qui restaient à
    Botoşani. Après l’Holocauste, cette partie de la famille a disparu. Je suis
    donc allée à Botoşani, pour retrouver des liens avec le passé, et ce que j’ai découvert était très intéressant. Par
    exemple, certains de mes ancêtres sont enterrés dans l’ancienne partie du
    cimetière, une zone sauvage aujourd’hui. Et aussi les pierres tombales et les
    images sur les tombes sont répétées dans les sculptures de mon grand-père. Mon
    grand-père a sculpté en bois, il a fait des meubles et différentes œuvres en
    bois, et ses modèles ressemblaient beaucoup à ceux que j’ai vus au cimetière.
    Donc, dans l’exposition, je présente un certain nombre de photographies que
    j’ai prises moi-même, et j’illustre également une peinture de la photo de mes
    grands-parents, prise en Roumanie ; puis, je suis leur voyage à Londres. »






    L’exposition de Beverley-Jane Stewart « Voyage dans le temps, vers les
    racines roumaines » peut être visitée jusqu’au 31 janvier 2022 à l’Institut
    culturel roumain de Tel Aviv. (Trad. Ligia Mihaiescu)

  • 22.06.2021 (mise à jour)

    22.06.2021 (mise à jour)

    Vaccination -
    L’évolution épidémiologique est très bonne en Roumanie, peut-être même une des
    meilleures en Europe – et cela est dû aussi au fait que l’immunisation des
    personnes de différentes catégories d’âge a été permise. C’est ce qu’a déclaré
    mardi le coordinateur de la campagne de vaccination anticovid en Roumanie,
    Valeriu Gheorghita. Il est important de continuer cette campagne, estime-t-il
    encore, même si à l’heure où l’on parle le nombre des personnes qui reçoivent
    la première dose du vaccin est à la baisse.


    Coronavirus -
    41 nouveaux cas d’infection au SARS Cov 2 ont été rapportés ce mardi en
    Roumanie sur quelque 17.600 tests effectués, ce qui constitue un taux des
    résultats positifs de 0,27%. Quatre décès survenus en 24 heures ont également
    été rapportés, alors que 151 malades sont actuellement en soins intensifs. Par
    ailleurs, les représentants de l’OMS soulignent que le variant Delta du
    coronavirus, celui apparu en Inde est le plus viral et le plus puissant de tous
    ceux identifiés jusqu’ici. Ils affirment que les personnes les plus vulnérables
    seraient les plus touchées, notamment dans les régions à faible taux de
    vaccination. L’unique manière d’empêcher la propagation du coronavirus est
    l’immunisation d’un nombre élevé de personnes, mais aussi la majoration du
    nombre de tests effectués, soulignent les spécialistes. En Roumanie, les
    autorités n’ont rapporté que 26 cas d’infection au variant Delta du
    coronavirus, associés tous à des foyers où il y a des citoyens indiens.



    Motion – A Bucarest,
    l’opposition de gauche se prépare pour déposer mercredi une motion de censure
    contre le cabinet du libéral Florin Cîtu. De l’avis du leader des
    sociaux-démocrates, Marcel Ciolacu, cette motion a toutes les chances de
    passer. Et pour cause, selon le PSD, 6 mois depuis son investiture, le
    gouvernement est inefficace et n’avance même pas dans la bonne voie. Ils
    l’accusent de mener l’économie roumaine au bord du précipice et le tiennent
    pour coupable pour la faible qualité de vie de la population et pour l’échec de
    la campagne de vaccination anticovid et du Plan national de redressement et de
    résilience. De son côté le premier ministre Florin Cîtu affirme ne pas
    s’inquiéter pour cette motion de censure. Les parlementaires du Parti national
    libéral (PNL, principal parti de la coalition à la gouvernance) participeront au
    débat de la motion, mais ils ne la voteront pas, a précisé aussi le leader
    libéral, Ludovic Orban.






    Avocat
    du peupl
    e – Mardi était le dernier jour où les partis roumains pouvaient
    déposer leurs propositions de candidats aux fonctions d’Avocat du peuple,
    l’équivalent roumain du Défenseur des droits de France. Cette fonction est
    désormais vacante après la destitution de Renate Weber par le Parlement. Les
    propositions seront analysées mercredi par les commissions juridiques du
    parlement. Le plus probablement, c’est toujours mercredi que le Parlement se
    réunira dans le cadre d’une séance plénière pour analyser les propositions
    déposées jusqu’ici. Les représentants de la majorité ont reproché à Renate
    Weber d’avoir transgressé la loi fondamentale afin de servir les intérêts de
    ceux qui l’avaient nommée, soit le pouvoir de l’époque du PSD. Les mêmes
    sociaux-démocrates, en opposition actuellement affirment que la destitution de
    Renate Weber n’a été qu’une exécution publique. Le PSD a annoncé avoir contesté
    à la Cour Constitutionnelle la décision du Parlement de révoquer Renate Weber
    de ses fonctions d’avocat du peuple. Le tribunal constitutionnel analysera la
    saisine des sociaux-démocrates le 29 juin.








    Commémoration
    – Israël et la Roumanie commémorent cette semaine les victimes du pogrom d’Iasi
    dans le nord-est de la Roumanie qui a eu lieu en 1941. Le musée du peuple juif de l’Université de
    Tel Aviv, unique au monde, a accueilli l’événement organisé par l’ambassade de
    Roumanie en Israël à l’occasion des 80 ans écoulés depuis le pogrom d’Iasi.
    C’est le premier événement auquel participe aussi le nouveau ministre israélien
    en charge de la diaspora, Nachman Shai. L’ambassadeur de Roumanie, Radu Ioanid
    a présenté des fragments d’un documentaire des chercheurs de l’Institut
    national d’étude de l’Holocauste « Elie Wiesel » de Bucarest. Le
    pogrom d’Iasi a été un des plus violents de l’histoire des Juifs de Roumanie,
    initié par le régime du général Ion Antonescu, allié à l’Allemagne nazie. Plus
    de 13 mille Juifs ont été tués à l’époque.




    Examens -
    Plus de 130 mille élèves roumains en allée terminale de collège participent cette
    année à l’Evaluation nationale. L’examen a commencé mardi par l’épreuve écrite
    en langue et littérature roumaine. Jeudi, ce sera l’épreuve de mathématiques,
    alors que l’épreuve de langue et littérature des minorités nationales est
    prévue vendredi. Les résultats finaux seront publiés le 4 juillet. La moyenne
    générale obtenue à l’Evaluation nationale compte pour 80% de la note finale
    nécessaire pour l’admission au lycée. Cette année aussi, l’évaluation nationale
    se déroule dans des conditions adaptées à la pandémie. Des mesures de
    distanciation sociale sont imposées et les écoles ont mis au point des circuits
    de déplacement et des règles d’hygiène spéciales, alors que le port du masque
    de protection est obligatoire.








    Retraite
    – Le président roumain Klaus Iohannis a promulgué mardi la loi qui permet de
    racheter son ancienneté au travail. L’acte normatif établit le cadre légal qui
    permet aux personnes qui ne sont pas encore à l’âge de la retraite de compléter
    leur contribution au système public des retraites pour recevoir une pension de
    retraite anticipée ou une retraite partiellement anticipée, par la conclusion
    d’un contrat de sécurité sociale pour un maximum de 6 ans avant l’âge du départ
    à la retraite. Le paiement de cette contribution peut se faire dans une ou
    plusieurs tranches. On peut opter pour ce système avant le 1 septembre
    2023.




    Météo – Une alerte orange
    à la canicule et à l’inconfort thermique accentué est valable mercredi dans
    l’ouest et le sud-ouest de la Roumanie, où les températures pourraient
    atteindre les 37, voire les 39 degrés. Une alerte jaune aux températures
    élevées concerne le reste du pays jusqu’à vendredi, vu que l’on attend des
    maxima qui iront jusqu’à 37 degrés.

  • Bucarest, capitale valaque cosmopolite

    Bucarest, capitale valaque cosmopolite

    Dans l’histoire des principautés de Valachie et de Moldavie, le 18e siècle est connu sous le nom de « siècle phanariote ». C’est une période qui ne coïncide pas précisément avec le début et la fin des années 1700, mais qui débute en Moldavie en 1711 et en Valachie en 1714. Dans le cas des deux Etats, elle s’est achevée en 1821, par la Révolution dirigée par Tudor Vladimirescu, suite à laquelle les princes régnants autochtones sont réinstallés. A l’époque des Phanariotes, les Principautés roumaines étaient vassales de l’Empire ottoman, qui les contrôlait par le biais de fonctionnaires grecs issus du quartier Phanar d’Istanbul. Appelés « Phanariotes », ils étaient oints princes régnants de la Moldavie et de la Valachie pour des règnes assez limités. Cette époque a été toujours vue comme une période de recul et cette image est toujours présente. En fait, les Etats roumains avaient perdu leur autonomie, ils n’avaient plus leur propre monnaie, ni leur propre armée. Les deux principautés avaient été soumises à un processus accéléré d’adoption de la mode, de la culture et des mœurs de l’Orient. Dans la conscience collective, la principale caractéristique de cette période est la corruption, fléau importé d’Orient et toujours présent en Roumanie. Mais il y aussi d’autres facettes de l’époque phanariote, comme le constate l’historien Tudor Dinu : « C’est une époque particulièrement intéressante marquée à première vue par cette « orientalisation » de la société, puisqu’avant les Phanariotes, la culture orientale était assez méconnue dans l’espace roumain. Un seul exemple : à l’époque, tous les délices culinaires de l’Orient étaient à retrouver sur les marchés roumains. Mais en réalité, c’est de cette période que datent aussi les premiers signes de l’occidentalisation des deux Etats, puisque les Phanariotes ont également été un vecteur favorisant de l’arrivée de la culture italienne et ensuite française dans les principautés roumaines. Ma recherche a illustré entre autres le fait que l’occidentalisation de l’espace roumain n’a pas eu lieu après la révolution de 1821. Et les Phanariotes qui s’informaient sur la civilisation occidentale, au début à des fins d’espionnage pour la Sublime Porte, ont permis en fait l’accès de la culture occidentale en Roumanie. »

    Les habitudes et les modèles occidentaux sont arrivés timidement dans les Etats roumains, lorsque ceux-ci étaient des théâtres d’opérations durant les fréquents conflits entre l’Autriche, la Russie et la Turquie. L’occidentalisation intervient suite à la première occupation autrichienne, qui a commencé en 1789, et s’est intensifiée par l’arrivée des troupes russes déployées aussi à Bucarest. Ces soldats russes n’étaient pas les premiers étrangers à s’établir dans la capitale valaque, qui à commencer par l’époque phanariote est devenue une ville vraiment cosmopolite. Ces étrangers se sont peu à peu intégrés dans la société locale pour créer aussi ce mélange des cultures tellement spécifique à la ville de Bucarest. Par exemple, de plus en plus de Grecs se sont installés dans la capitale valaque durant l’époque phanariote, pour constituer une communauté qui comptait entre de 5 à 10 % de la population de la ville. Ces hommes de lettres, dignitaires, entrepreneurs, marchands et artisans se distinguaient pourtant du reste de la population, raconte l’historien Tudor Dinu.

    Mais qui étaient les autres étrangers établis à Bucarest ? « Il s’agissait d’abord de Juifs, une population très dynamique, harcelée par la population chrétienne – qui était à son tour instiguée par le clergé – mais protégée par les princes phanariotes. Ils contribuent de manière fondamentale au développement économique de la ville de Bucarest, notamment dans le domaine vestimentaire, la reliure de livres et la transformation des métaux. Ils sont joaillers, mais aussi marchands. Les Arméniens sont également une présence dynamique. Ils étaient appelés péjorativement des « Juifs chrétiens », puisqu’ils avaient des habitudes similaires et une manière similaire de faire du commerce. Les Roms, appelés à l’époque « Tziganes », étaient extrêmement nombreux. Leur contribution était essentielle dans les travaux trop difficiles pour les Roumains, tels la transformation des métaux, mais aussi l’exploitation de l’or dans les eaux de la rivière Dâmboviţa. Ils étaient aussi les rois des spectacles de rue de l’époque. Habillés de costumes d’ours, ils dansaient sur une musique qui enchantait le public dans les troquets. J’ai également étudié la communauté des Turcs, qui étaient pourtant moins nombreux, puisque les privilèges accordés à la Valachie ne permettaient la présence sur le territoire du pays que d’un secrétaire turc du prince et de son équipe. Il s’appelait « Divan Efendi ». S’y ajoutait une fanfare princière constituée de musiciens turcs, un corps de police ottomane, les « beșlii » et quelques marchands. Les Balkaniques étaient beaucoup plus nombreux. Pour les chrétiens, Bucarest était un véritable Eldorado. Pénétrer l’espace roumain était particulièrement difficile. Il fallait se munir de papiers spéciaux, d’un visa, qui s’appelait « teșcherea » qui permettait l’accès à la terre promise. Les étrangers originaux des Balkans étaient appelés « Serbes », même si des Albanais comptaient aussi parmi eux. Les « Serbes », c’est-à-dire les peuples du sud du Danube, d’origine slave, s’occupaient surtout de la culture des légumes et de la transformation des peaux d’animaux. C’est sur les rues de l’actuel centre historique, Lipscani et Gabroveni, que de nombreux commerçants bulgares déroulaient leur activité. »

    Et ce fut également durant la période phanariote que des Allemands, autres que les Saxons transylvains, commencent à s’installer à Bucarest pour y apporter leur savoir-faire technique. Ils furent suivis par les Français, notamment des enseignants qui donnaient des cours privés aux fils des boyards roumains. En effet, cette époque a eu de multiples facettes et l’entrée des Etats roumains dans la sphère d’influence de l’Orient a en fait mené à leur occidentalisation.

  • 75 ans après la libération d’Auschwitz

    75 ans après la libération d’Auschwitz

    Malgré les 75 ans écoulées depuis la libération par les troupes soviétiques du camp de concentration nazi d’Auschwitz-Birkenau, le plus grand au monde, l’identification des victimes se poursuit de nos jours encore, en sachant que le nombre de personnes tuées a dépassé un million. Considérée la fabrique de mort la plus sinistre, le camp qui en 1944, s’étalait sur plus de 40 km carrés, aurait dû servir dans un premier temps à éliminer les ennemis du régime d’Adolf Hitler.

    Six millions de Juifs ont trouvé la mort pendant la Seconde Guerre Mondiale, victimes de l’Allemagne nazie et de ses satellites. Parmi ceux-ci, plusieurs centaines de milliers étaient originaires de Roumanie, en proie à l’époque au régime dictatorial de Ion Antonescu, allié de l’Allemagne de Hitler. C’est lui qui se fait responsable de la déportation d’une partie des Juifs de Roumanie en Transnistrie, tandis que les Juifs de Transylvanie sont tombés entre les mains des fascistes hongrois, au pouvoir à l’époque dans cette partie du pays, qui les ont envoyés dans les camps d’extermination.

    Présent lundi aux cérémonies organisées par la Pologne sur l’ancien camp nazi, le premier ministre roumain, Ludovic Orban, a affirmé que la Roumanie, en tant qu’Etat indépendant, mais aussi en tant que pays européen, encourage la tolérance, la non discrimination et la paix, tout en restant active à préserver la mémoire de l’Holocauste. Après avoir participé la semaine dernière, en Israël, au forum international consacré à la commémoration des victimes de l’Holocauste, le chef de l’Etat roumain, Klaus Iohannis a décoré plusieurs survivants Juifs et Tsiganes. L’occasion pour le numéro un de Cotroceni d’affirmer que l’humanité ne connaît pas suffisamment les souffrances terribles que les Tsiganes ont du subir dans les camps de concentration de Transnistrie. Il est temps que l’opinion publique connaisse mieux l’Holocauste rom et honore ses survivants dont les voix représentent autant de cris contre le racisme et la xénophobie.

    Présent à la cérémonie de Bucarest, Aurel Vainer, à la tête de la Fédération de la communauté juive de Roumanie, a affirmé que la décoration qu’il s’est vu remettre prouve la position de l’Etat roumain par rapport à l’antisémitisme. Aurel Vainer:Cette décoration a une valeur historique, non seulement émotionnelle, puisqu’elle prouve qu’à l’heure où l’on parle, nous, les Juifs, on bénéficie de tous les droits et les obligations découlant de la citoyenneté roumaine. C’est un modèle de conduite envers les Juifs que la Roumanie a mis en place, tout en menant une offensive contre l’antisémitisme, le racisme et la xénophobie.

    Déporté en Transnistrie en 1942, Constantin Brăilă fait partie des Tsiganes ayant survécu aux horreurs des camps de concentration dont il se souvient:On dormait par terre, sur des épis de maïs secs, on n’avait pas de draps, ni en dessous, ni par dessus. On nous donnait 250 grames de nourriture par jour. Pas de légumes, que de la farine d’orge et on était obligé de travailler du matin au soir. On travaillait sans repis, en horaires décalés a encore affirmé Constantin Braila.Plusieurs institutions du souvenir de la mémoire de la Shoah, tout comme plusieurs survivants des camps de concentration ont été également décorés par le chef de l’Etat roumain. (trad. Ioana Stancescu)

  • Commémoration de l’Holocauste

    Commémoration de l’Holocauste

    Voici trois quarts de siècle, vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, les derniers détenus du camp nazi d’Auschwitz-Birkenau, dans le sud de la Pologne, étaient mis en liberté. Ce camp, considéré la fabrique de mort la plus sinistre, avait été spécialement conçu, en 1940, pour éliminer les ennemis réels ou imaginaires. Il était devenu le lieu emblématique d’application de la soi-disant « solution finale » par laquelle le régime hitlérien voulait exterminer les Juifs d’Europe. Selon les statistiques, en moins de cinq ans, plus d’un million de personnes, des Juifs pour la plupart, ont été tuées à Auschwitz-Birkenau. Six millions de Juifs ont péri pendant la Deuxième Guerre mondiale, victimes de l’Allemagne et de ses satellites. Plusieurs centaines de milliers étaient originaires de Roumanie. Une partie ont été déportés en Transnistrie (est) par le régime pro-allemand du maréchal Ion Antonescu. D’autres ont été envoyés directement dans les camps nazis d’extermination par les fascistes hongrois qui occupaient une partie de la Transylvanie (centre).



    Cérémonies religieuses et laïques, symposiums, galas de film et expositions ont honoré, à Bucarest et en province, les victimes de la Shoah de Roumanie. Participant, lundi, aux cérémonies d’Auschwitz, organisées sous le patronage du président polonais Andrzej Duda, le premier ministre roumain, Ludovic Orban, soulignait que ces cérémonies sont « un exercice nécessaire de souvenir, de compassion et censé préserver une conscience vive ». Le chef du gouvernement de Bucarest pense qu’« aujourd’hui, 75 années après la libération du camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, le monde peut être considéré solidaire dans la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, la xénophobie et l’intolérance ». Le chef du cabinet de Bucarest ajoutait que « la Roumanie, par elle-même, mais aussi en tant que membre de l’Union européenne, mène une politique de tolérance entre les hommes, de non-discrimination et de paix, restant active dans le processus de conservation de la mémoire de l’Holocauste ». Venus des quatre coins du monde, plus de 200 survivants de la Shoah se sont joints aux responsables politiques sur les lieux de l’ancien camp nazi.



    La semaine dernière, le président de la Roumanie, Klaus Iohannis, s’est compté parmi la cinquantaine de chefs d’Etats et de gouvernements qui ont participé, en Israël, au forum international consacré à la commémoration des victimes de la Shoah. Le président Iohannis a également eu un entretien bilatéral avec son homologue israélien, Reuven Rivlin, qu’il a assuré que la Roumanie continuerait de soutenir la préservation de la mémoire de l’Holocauste, la lutte contre l’antisémitisme, la prévention de la discrimination et de toute forme de violence. La participation du président à cet événement compte dans la série des démarches entreprises par l’Etat roumain pour promouvoir les valeurs européennes, la tolérance et le respect des droits et libertés fondamentales, a précisé l’Administration présidentielle de Bucarest.


    (Trad.: Ligia)

  • Synagogues démolies à Bucarest

    Synagogues démolies à Bucarest

    Les Juifs de Bucarest sont mentionnés pour la première fois dans les documents vers le milieu du 16e siècle, sous le règne de Mircea Ciobanul, après que leurs ancêtres eurent été expulsés d’Espagne, en 1492. La plupart des Juifs d’Espagne – les séfarades – réfugiés à l’époque de l’Empire Ottoman, ont constitué les fondements de la communauté juive de la capitale roumaine. Les Séfarades se sont installés dans un quartier qui commençait au centre de l’actuelle ville, derrière la Place Unirii, et s’étendait vers l’Est. Comme toute communauté bien constituée, celle des Juifs avait ses propres lieux de culte. Les synagogues ont été des repères importants dans la vie de Juifs de Bucarest. Une autre mention importante des Juifs de Bucarest remontant à une époque reculée de l’histoire est tragique. Le 13 novembre 1593, le prince régnant de Valachie, Michel le Brave, déclenchait une campagne militaire anti-ottomane en tuant tous ceux à qui il devait de l’argent – parmi lesquels se retrouvaient des créanciers turcs et juifs.

    Le projet de reconstruction et de restructuration urbaine de la ville de Bucarest mis en œuvre par Nicolae Ceaușescu après le tremblement de terre dévastateur de 1977 excédait largement les travaux nécessaires pour réparer les dégâts produits par le séisme. Deux quartiers anciens de la ville – le quartier Uranus et le quartier juif – en ont le plus souffert, des établissements religieux et des résidences personnelles d’une grande valeur ayant été détruites.

    Selon Cezar Petre Buiumaci, historien au Musée de la ville de Bucarest, la soirée du 4 mars 1977 a marqué le début du plus ample remaniement du centre-ville jamais opéré au 20e siècle : « C’est le 4 mars 1977 que commence la tragédie de ces quartiers, le tremblement de terre fournissant à Nicolae Ceaușescu l’occasion de changer la face de la capitale. Pour tester la réaction de la population, Ceaușescu entame ce prétendu processus de reconstruction de la ville par la démolition de l’église Ienei. Les protestations de quelques personnalités ne suffirent pas pour sauver ce monument d’art religieux. »

    Les photos sont les seuls éléments permettant de récupérer la mémoire de ces bâtiments et de faire avancer les recherches sur l’histoire de la ville et des quartiers détruits. Les propriétaires ont laissé des photos d’eux-mêmes devant leurs maisons qui allaient tomber sous les lames des bulldozers et les boules de démolition géantes, des photos des maisons voisines, des rues où ils habitaient. De nombreuses synagogues comptent parmi les bâtiments disparus. Celles qui ont survécu ont été dissimulées derrière des immeubles à plusieurs étages. C’est le cas de la Grande Synagogue.

    Anca Tudorancea, du Centre d’étude de l’histoire des Juifs de Roumanie « Wilhelm Filderman » est la coordinatrice du projet visant à récupérer la mémoire historique de la ville, avec ses synagogues démolies : « Deux synagogues ont été sauvées et elles sont actuellement des musées de la communauté juive. Heureusement, le temple de la Sainte Union, qui est de nos jours le musée de l’histoire et de la culture des Juifs de Roumanie, non seulement a survécu, mais, grâce à lui, la moitié des maisons d’une rue fut, elle aussi, sauvée. Il s’agit de la rue Mămulari, habitée notamment par des Juifs tailleurs. Des personnalités roumaines y ont également habité, dont l’homme politique Corneliu Coposu. »

    La liste des synagogues démolies est impressionnante : la synagogue Fraternelle rue Mămulari, bâtie en 1863, lieu de culte de la confrérie des tailleurs, endommagée par le tremblement de terre de 1977, fut démolie en 1986. Le temple Cahal Grande, érigé en 1819, rue Negru Vodă, reconstruit en 1890, ensuite vandalisé par les membres de la Garde de Fer en 1941, fut démoli en 1987. Le temple des charpentiers, construit en 1842 et reconstruit en 1895, vandalisé, lui aussi, par la Garde de Fer en 1941, allait être démoli en 1984. La synagogue orthodoxe Adath Ieșurim, située à proximité du Temple de charpentiers, fut démolie, elle aussi, en 1984. La synagogue Gaster, de l’impasse Sticlari, une des plus modernes constructions de l’époque, a été fréquentée par l’élite bucarestoise. Erigée en 1858 par la famille Gaster, à laquelle a appartenu, d’ailleurs, le célèbre philologue Moses Gaster, cette synagogue est reconstruite en 1903. Endommagée par les tremblements de terre de 1940 et de 1977, elle allait disparaître en 1987. La synagogue Malbim, la plus impressionnante de toutes, se trouvait tout simplement au milieu de la future avenue Victoria Socialismului (la Victoire du Socialisme), qui devait aboutir à la Maison du Peuple, actuel Palais du Parlement. Erigée en 1864 à l’initiative du grand rabbin Meir Leibush Wisser, reconstruite en 1912, vandalisée par la Garde de Fer en 1941, endommagée par le tremblement de terre de 1977, elle fut démolie en 1986.

    Les projets visant à récupérer ce patrimoine architectural sont en même temps des projets anthropologiques. Après avoir perdu leurs maisons, de nombreuses personnes ont vécu un état de détresse et de dépaysement.

    Anca Tudorancea : « Qu’est-ce qui allait arriver aux Juifs de ces zones ? Ils ont dû traverser une période marquée par l’antisémitisme, l’émigration et toute sorte de défis. Les gens non seulement ont vu leurs maisons démolies, mais ceux qui déposaient leurs documents pour émigrer perdaient tout de suite leur emploi. L’autorisation de quitter le pays n’était pas délivrée tout de suite, mais au bout de quelques années. Ceux qui voulaient partir étaient obligés de remettre leur appartement ou leur maison entièrement rénovés. Cette période est parsemée de drames. »

    De tout l’héritage architectural religieux du quartier juif, il nous reste la Synagogue chorale, la Grande synagogue et le temple de la Sainte Union, vestiges d’une communauté juive qui compte actuellement environ 4000 membres. (Trad. : Dominique)

  • Le Musée national d’histoire des Juifs et de l’Holocauste en Roumanie

    Le Musée national d’histoire des Juifs et de l’Holocauste en Roumanie

    La Journée dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste en Roumanie est célébrée chaque année le 9 octobre. Le choix de cette date n’est pas le fruit du hasard, car c’est à cette même date de l’an 1941 qu’avait commencé la déportation des Juifs de Roumanie. 1941 restera également dans l’histoire comme l’année des massacres des Juifs, perpétrés à Bucarest, en janvier et à Iasi, en juin, par la Légion de l’Archange Michel.


    80 ans après, le président Klaus Iohannis a donné son feu vert à la création du premier Musée national d’histoire des Juifs et de l’Holocauste en Roumanie. Le musée sera abrité par un édifice de 8.000 m2 à huit étages, datant de l’entre-deux-guerres et qui se dresse au cœur de la capitale, Bucarest. La création de ce musée sera cofinancée par le budget de l’Etat et par l’Institut national pour l‘étude de l’Holocauste “Elie Wiesel”. Elle bénéficiera aussi de dons et de sponsoring.


    Le Musée national d’histoire des Juifs et de l’Holocauste en Roumanie devra être un symbole de la solidarité contre l’intolérance, l’antisémitisme et la discrimination et mettre en valeur le patrimoine juif qui est représentatif de la culture roumaine, a déclaré le président Klaus Iohannis. Selon, lui, ce projet devrait unir et non pas diviser les Roumains : “En créant ce musée, la Roumanie défend fermement l’histoire, l’héritage et la culture de ceux qui ont apporté leur pierre au devenir de notre nation. Vous me l’accorderez sans doute, ce musée se doit d’être une institution de l’avenir, un allié de l’éducation contre l’ignorance, une forteresse de la solidarité et du patriotisme civique face à l’intolérance, à l’antisémitisme et à la discrimination.”


    A son tour, la première ministre, Viorica Dăncilă, a précisé qu’elle avait vivement soutenu cette initiative et souligné qu’il ne fallait ménager aucun n’effort pour combattre les préjugés qui alimentent l’antisémitisme, le racisme, l’intolérance, la xénophobie et la discrimination sous toutes ses formes.


    Sous la houlette d’Elie Wiesel, lauréat du prix Nobel de la paix, une commission internationale avait conclu, en 2004 que 280.000 à 380.000 Juifs roumains et ukrainiens avaient été tués en Roumanie et dans les territoires qu’elle contrôlait, lors de la guerre menée en tant qu’alliée de l’Allemagne nazie. En 1941, lorsque l’Armée rouge prenait d’assaut les Balkans, la Roumanie allait changer de camp. Les communistes installés au pouvoir ne se sont pas efforcés de mettre au jour les horreurs de l’Holocauste. Ce n’est qu’en 2003 que la Roumanie a reconnu sa responsabilité dans cette page sombre de l’Histoire.


    Le futur Musée d’histoire des Juifs et de l’Holocauste se donne pour mission de promouvoir l’histoire, la culture et les traditions des Juifs de Romanie et de mettre en exergue leur contribution à la modernisation de la société roumaine. (Trad. Mariana Tudose)