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  • L’architecte Ion D. Berindey

    L’architecte Ion D. Berindey

    Le surnom de « Petit Paris » accordé à l’ancien Bucarest est embrassé par certains, mais contesté par d’autres. Ces derniers considèrent que le mélange d’Orient et d’Occident, les multiples aspects contradictoires de la ville — comme par exemple les taudis avoisinant des manoirs — non seulement ne renvoient pas à Paris, mais font partie de la spécificité et de l’attractivité de Bucarest. Pourtant, à compter de la seconde moitié du XIXe, certains architectes commencent à imaginer des bâtiments qui rappellent Paris par leur style et leur somptuosité.



    Ion D. Berindey, né en 1871 dans une famille d’architectes, est un d’entre eux. Son père, Dimitrie Berindey, a été le premier architecte roumain formé à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris entre 1853 et 1859. Ion D. Berindey s’inscrit initialement à l’Ecole de Ponts et Chaussées de Bucarest, mais il part à Paris, où il étudie à la même école que son père, entre 1891 et 1897. A son retour en Roumanie, les commandes ne tardent pas, et Berindey commence à travailler simultanément sur plusieurs projets, la plupart conçus dans le style qu’il avait appris à Paris.



    L’architecte Sidonia Teodorescu, auteure d’une monographie consacrée à Ion D. Berindey, décrit sa façon de travailler: « Puisqu’il avait reçu plusieurs commandes, dès le début du XXe s, il travaillait en parallèle à plusieurs bâtiments, dont certains très connus, tels le Palais Cantacuzène, ou bien l’immeuble qui abrite aujourd’hui le Très petit théâtre de Bucarest, ou encore le Palais de la Culture de Iasi, l’hippodrome démoli de Bucarest, ainsi que beaucoup de maisons privées à Craiova ou Constanţa. La création de Berindey est placée sous le signe de l’éclectisme et on y retrouve des éléments de néo baroque, de néo rococo, et même des éléments d’Art nouveau. Mais ce qui était surprenant, et je le mets en exergue dans mon livre, c’était que Berindey a beaucoup travaillé aussi dans le style néo roumain. »



    Outre sa manière originale de combiner les différents styles architectoniques, Ion D. Berindey a aussi créé un certain type d’ornementation considérée aujourd’hui encore comme étant sa marque, mais aussi celle de Bucarest : décors en fer forgé, verrières et baies métalliques, escaliers, balustrades, mascarons et autres. Les édifices qui illustrent, peut-être, le mieux sa manière stylistique sont le Palais Cantacuzène de l’Avenue de la Victoire, aujourd’hui siège du Musée Georges Enesco, et la Maison Assan, en style néoclassique français, aujourd’hui connue sous le nom de la Maison des scientifiques, sise Place Lahovary, en plein centre de la capitale roumaine. Le Palais Cantacuzène a lui aussi une belle histoire qui commence avec Grégoire Cantacuzène, surnommé le Nabab, et continue avec sa bru, Maruca, celle qui allait devenir la muse et l’épouse de Georges Enesco.



    Sidonia Teodorescu explique: « Georges Grégoire Cantacuzène, surnommé le Nabab en raison de son immense fortune et devenu en 1899 chef du Parti conservateur et premier ministre, a décidé, de construire le plus beau logement de Bucarest. Voici comment les chroniqueurs du temps ont décrit le palais: un splendide immeuble à façade Louis XIV, avec des plafonds peints par des artistes renommés, avec des bronzes et des statuettes réalisés par le sculpteur Storck, avec du bois sculpté et du fer forgé sorti des mains des maîtres bucarestois, à chauffage central par calorifères, avec 600 lampes incandescentes, une véritable œuvre d’art. »



    Comment Sidonia Teodorescu décrirait-elle maintenant cet édifice ? « Je pense qu’il peut être décrit par un seul mot : somptueux. La somptuosité est due aussi au fait qu’à la réalisation du bâtiment, Berindey a été aidé par des artistes connus de l’époque, par exemple les peintres Costin Petrescu et Gh. Mirea pour les peintures murales, ainsi que le sculpteur Emil Wilhelm von Becker pour les sculptures et l’ornementation sculpturale. Il a également collaboré avec des ateliers célèbres de France pour les décorations intérieures. J’ajouterais qu’il est l’auteur d’un plan de systématisation réalisé en 1914, à Craiova, avec l’ingénieur Coleanu. »



    Malheureusement, son rythme effréné de travail a eu raison de Ion D. Berindey ; l’architecte est décédé en 1928, à 57 ans, d’un arrêt cardiaque. (trad.: Ligia Mihăiescu)

  • Les résidences de la famille princière Ştirbey

    Les résidences de la famille princière Ştirbey

    Les membres de la famille Ştirbey, qui sapparentait à dautres familles princières importantes des Principautés roumaines, telles que Bibesco, Brancovan ou Cantacuzène, ont mis leur empreinte sur la modernisation du pays tout entier et de la capitale. Né dans la famille Bibesco, Barbu Démètre Ştirbey avait été adopté par le dernier descendant des Stirbey, mort sans descendance et qui voulait ainsi perpétuer son nom. Il a régné en Valachie à deux reprises : juin 1849 – octobre 1853, octobre 1854 – juin 1856. Son nom est étroitement lié à la poursuite du processus de modernisation et douverture vers lOccident.



    Ses héritiers se sont investis dans la politique étrangère du pays. Parmi eux, le plus connu est son neveu, portant le même nom que son oncle. Il a été président du Conseil des ministres, ministre de lintérieur, ministre par intérim des Finances et des Affaires étrangères, membre honoraire de lAcadémie roumaine pendant lentre-deux–guerres, très proche conseiller du roi Ferdinand et de la reine Marie. Aux côtés de son père, Alexandru, de ses frères et sœurs, il a été propriétaire de nombreuses résidences à Bucarest et à travers le pays, lesquelles, de nos jours, font partie du patrimoine culturel roumain. Le prince Barbu Ştirbey détenait aussi, à Nice, la villa Orestis, où il a passé ses derniers jours. Son fils, le prince et diplomate de carrière George Ştirbey, allait acheter à son tour une autre résidence en France, à savoir un palais situé à Courbevoie, près de Paris.



    Lhistorienne de lart Oana Marinache est lauteure dune étude sur les résidences ayant appartenu à la famille princière Ştirbey. Cest elle qui a découvert que nombre de ces propriétés étaient entrées dans le patrimoine familial par le biais de la dot dElizabeth Cantacuzène, lépouse du prince Barbu Ştirbey.



    Oana Marinache: « Avec la dot dElizabeth Cantacuzène-Paşcanu, beaucoup danciennes propriétés de Constantin Brancovan deviennent possession de la famille Ştirbey. Le prince amasse une fortune considérable grâce notamment à ses terres. Ses domaines étaient éparpillés dans plusieurs comtés du pays: Olt, Dolj,Vâlcea, Mehedinţi et Romanaţi. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, une autre politique de famille se fait jour. Par exemple, suite au mariage du prince Alexandru avec la représentante dune grande famille de boyards de Moldavie, les Ştirbey entrent en possession des domaines de Brusturoasa, Mândreşti et Dărmăneşti, couvertes de vastes forêts exploitées industriellement. Dans la capitale, Bucarest, on retrouve bien des résidences ayant appartenu à la famille, dont lancien Palais princier également appelé Palais Ştirbey, situé sur lAvenue de la Victoire et restauré par le prince Alexandru. »



    Oana Marinache raconte en bref lhistoire de cet édifice sis sur lavenue la plus ancienne et la plus importante de Bucarest: « Il sagit de lancienne demeure du dernier descendant des Ştirbey. Au début du XIXe siècle, elle revient au jeune boyard chargé de ladministration et futur prince Ştirbey. Celui-ci fait appel à l’architecte français Michel Sanjouand qui, de 1833 à 1835, la transforme en un édifice digne de toute convoitise. Sanjouand utilise le style néoclassique, très prisé à lépoque. Au fil du temps, la résidence subira maintes transformations, dont la plus importante reste son agrandissement vers 1881-1882, sous la direction de larchitecte allemand Friedrich Hartmann. Cest un architecte dorigine allemande qui a offert ses services à la famille Ştirbey et qui, malgré les changements de style de lépoque, a su tenir compte de lédifice initial quil a décidé délargir en y ajoutant une tour. Cest toujours à son initiative que lon a fait construire les granges, démolies malheureusement fin 2008, par lactuel propriétaire ».



    Vers le début du XXe siècle, la famille Ştirbey a commencé à collaborer avec larchitecte Nicolae Ghika-Budesti pour une série de projets particuliers de restauration et de construction de nouvelles résidences. Lhistorienne Oana Marinache nous en donne des détails : « Près du Palais princier de lAvenue de la Victoire, il y en avait un autre, celui du prince Georges, frère cadet du prince Barbu, qui a trouvé sa mort tragiquement, durant la Grande Guerre. Or ce palais a été, de 1911 jusquà la deuxième guerre mondiale, un édifice emblématique du centre-ville bucarestois. Pas très loin, se trouvaient les villas appartenant aux nièces du prince régnant, dressées toujours par les soins de larchitecte Ghika-Budesti ».



    Ces villas existent de nos jours encore, près de lAvenue de la Victoire. Le Palais de lAvenue Griviţa a été détruit dans les bombardements, mais on en garde les plans architecturaux et deux photos dépoque. Plusieurs des résidences extra-urbaines ont été transformées soit en hôpitaux – comme cest le cas, par exemple, du manoir de la commune de Voila, près de Campina, qui accueille lhôpital de psychiatrie. Un exemple en ce sens est le palais de Darmanesti où a fonctionné une colonie de vacances avant que lédifice, presque réduit à létat de ruine, ne soit récupéré par les descendantes des princesses Ştirbey.



    Pas très loin de Bucarest, dans la petite localité de Buftea, le touriste peut découvrir une autre résidence célèbre de la famille. Il sagit dun palais en style romantique construit selon les plans dun architecte resté méconnu. (trad. Mariana Tudose, Ioana Stancescu)