Category: Chroniques hebdomadaires

  • Le cerveau, la plus forte des télécommandes

    Le cerveau, la plus forte des télécommandes


    A la fin 2012, devant une salle archi-pleine, un groupe de jeunes a démontré que le cerveau humain pouvait être la télécommande la plus puissante du monde. A l’aide d’un casque EEG, un bénévole a réussi à faire marcher une voiture radiocommandée uniquement avec la force du cerveau. Ce fut une excellente occasion de parler de Modulab, le laboratoire qui a réalisé cette expérimentation et d’Arduino, la plate-forme interactive qui a rendue possible le déplacement de la voiture.






    Mais qu’est ce que Modulab? Eh bien, c’est une plate-forme interdisciplinaire de promotion de la recherche et de développement des nouvelles méthodes et technologies d’expression dans l’art et les industries créatives. Cette plate forme est ouverte à tous ceux qui ne se contentent pas uniquement d’appuyer sur un bouton, mais à ceux qui veulent créer leurs propres boutons, les modifier afin de détourner leurs fonctions initiales. Y sont invités ceux qui aiment démonter les gadgets pour voir ce qui s’y cache, ceux qui préfèrent plutôt les problèmes que les solutions. Modulab est un espace dans lequel un simple fil électrique peut se transformer en un gadget. C’est ici que les artistes, les programmeurs informatiques et les théoriciens sont encouragés à regarder les choses sous un autre angle, à se libérer des contraintes des conventions et à créer. Ioana Calen compte parmi les initiateurs de Modulab.






    Elle explique en quelques mots ce qu’est Arduino : « Arduino est une plate-forme d’interactivité, qui crée une communication entre l’ordinateur et l’environnement et son invention est souvent comparée à l’apparition de l’ordinateur personnel. Suivant le modèle du passage très brusque d’un paradigme mécanique à un paradigme numérique, suite à l’utilisation de l’ordinateur par des personnes qui n’ont pas étudié la mécanique, maintenant on passe à un paradigme interactif par l’utilisation de cette plate-forme Arduino. Il n’est pas nécessaire d’être ingénieur, ni d’avoir fait des études technologiques, il faut savoir un peu de programmation, que l’on peut acquérir en un seul jour, vu que la plaque – ? proprement dite est très accessible et que tout étudiant peut acheter en-ligne avec peu d’effort. Pensez à l’impact de l’ordinateur sur les industries créatives : films, arts, et ainsi de suite. Un impact similaire aura aussi le concept de plaque microcontrôleur avec une interface que tout le monde peut utiliser. C’est à l’aide d’un casque Emotiv que les ondes cérébrales sont traduites en mouvement d’objets du monde réel, comme des draps ou d’autres installations. »






    Le casque EEG Emotiv est en fait un accessoire développé par l’industrie des jeux vidéo. Il mesure les fluctuations électriques au niveau du cuir chevelu. Au moment où celui qui porte le casque fait un effort cognitif, les impulses électriques de cette zone du cerveau sont communiqués aux capteurs du casque. Ces dernier les communiquent par le biais d’Arduino et c’est ainsi que les objets du milieu réel sont contrôlés. Un tel casque a été utilisé dans la démonstration que nous venons d’évoquer.






    Ioana Calen. « Lorsque son utilisateur se concentrait, la voiture allait en avant ou en arrière. Elle tournait à gauche si la personne clignait des yeux et à droite si elle souriait. Nous avons choisi une personne du public que nous avons entraînée un peu avant de participer à l’expérimentation. Nous l’avons priée de faire le même exercice avec un cube virtuel qu’il fallait déplacer vers l’avant ou vers l’arrière. Nous avons capté ainsi le niveau de son activité cérébrale, une sorte d’échantillon que nous avons utilisé comme référence. Et lorsqu’il s’est concentré pour faire avancer la voiture, elle s’est déplacée. Nous avons eu la chance de trouver un volontaire qui jouait des jeux vidéo et qui était habitué à utiliser son imagination dans le milieu virtuel. Il n’a pas été crispé du tout et a réussi à contrôler la voiture dès le début. »






    Paul Popescu, le partenaire de Ioana Calen à la tête d Modulab, affirme que le casque s’adresse à n’importe quel utilisateur, joueur de jeux vidéo ou non, à condition qu’il s’entraîne avant: « C’est comme si on se voyait obliger d’apprendre à se servir d’un membre nouveau ou de jouer d’un instrument. Il faut de l’entraînement. Au début, il était très difficile, il nous a fallu trois jours d’exercices intensifs avec le casque pour maîtriser 4 ou 5 commandes. Mais, au fur et à mesure que le temps passe, on arrive à bien utiliser le casque, c’est comme avec un instrument musical, ou du moins, ce fut mon impression à moi ! »




    Ces démonstrations se proposent justement de mettre en lumière le potentiel des nouvelles technologies, affirme Ioana Calen : « Il serait vraiment intéressant que cette technologie arrive à donner un coup de main aux personnes handicapées qui souhaitent s’orienter plus facilement dans leur propre maison. Vous avez un casque EEG et toutes les lumières de chez vous, y compris celle naturelle, sont contrôlées par votre état d’esprit, votre pouls, votre niveau de détente ou d’agitation. Autant de paramètres qui dicteront aux rideaux de baisser ou bien aux ampoules de s’allumer. Techniquement, cela est bien possible. Reste à voir pratiquement comment pourrait-on faire marcher les choses, mais on peut toujours commencer par des applications plus simples. Par exemple, on peut réaliser une interaction à l’aide de différents capteurs. Il est vrai que ces nouvelles technologies sont pour l’instant utilisées dans le domaine des arts contemporains, des installations artistiques par exemple, mais je suis certaine qu’elles finiront par trouver leur place dans la vie pratique. Dans les hôpitaux, par exemple, j’aimerais bien voir des installations interactives dans les espaces réservés aux enfants afin de leurs faire oublier une opération qui approche, par exemple, ou encore dans les foyers pour les personnes âgées, on pourrait apporter un animal de compagnie robotisé. Je crois que les technologies finiront par entrer dans notre vie de tous les jours, qu’elles ne seront plus une composante strictement fonctionnelle. La plupart d’entre nous ont du mal à réaliser à quel point il est facile de faire tout ce que l’on veut à condition de savoir où chercher, à qui poser des questions, où acheter ».






    Quant à Paul Popescu, celui-ci se dit adepte d’un travail collectif, d’équipe: « Personnellement, je crois que ce type d’affaire aura de plus en plus de succès. Et je pense à un business où l’on se dit prêt à partager le travail de recherche, les expériences et les solutions trouvées. On les offre gratuitement afin de les disséminer plus rapidement. Et c’est de cette manière que l’humanité finira par avancer plus rapidement. »




    Modulab s’est donné pour but de créer une plate-forme para-universitaire s’adressant à tous les étudiants des domaines artistiques et pas seulement. Une plate-forme qui contribue à la démocratisation de la science et de la technologie, affirme Ioana Calen:« Les étudiants se plaignent souvent du fait que ce qu’ils apprennent à l’école n’a rien à voir avec ce qu’ils trouvent sur Internet. Une simple installation interactive leur semble du domaine de la Science Fiction, ils pensent qu’il faut un million d’euros pour ouvrir un labo technologique, ils croient qu’on doit travailler dans les TI pour faire bouger une installation en fonction de certains capteurs, ils disent que seulement les ingénieurs sont capables de résoudre les problèmes d’électricité. Or tout cela c’est du passé ! Actuellement, nous avons des solutions à même de faciliter les choses. Donc, tout ce qu’il leur faut c’est le courage de poser des questions, de faire des recherches et de se mettre au travail ». (trad.: Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)

  • Les opérations de la Securitate avec des devises

    Les opérations de la Securitate avec des devises


    En dépit de sa rhétorique emphatique, de supériorité par rapport au régime capitaliste, le régime communiste a été, pendant toute son histoire, dépendant du premier. Les économies communistes ont cherché à tirer un profit maximal des relations avec le monde capitaliste, alors qu’elles n’obtenaient même pas la moitié des performances économiques de celui-ci. La faim de devises a été une constante de tous les pays communistes, la Roumanie n’étant pas une exception. Vu que l’économie socialiste ne pouvait pas satisfaire le besoin en ressources, le régime communiste de Bucarest a mis au point un appareil de répression, à savoir la Securitate, avec la mission de produire de l’argent.


    La plupart des opérations de la Securitate avec des devises restent un mystère pour la majorité des Roumains d’aujourd’hui. C’est pourquoi les recherches de l’historien Florin Banu dans les archives du Conseil national pour l’étude des archives de la Securitate (CNSAS) est un début dans cette page d’histoire des services secrets roumains des années du communisme : « Le problème de certaines opérations en devises a commencé à se poser pour la Securitate dans les années 1950. Dans les premières années après sa création, elle a dû faire face aux difficultés inhérentes à tout service de renseignements, et d’autant plus à une police politique comme c’était son cas. Le besoin de devises n’était pas si important, étant donné la rupture des relations commerciales avec l’Occident. A partir de la moitié des années ’50, avec l’ouverture vers l’Occident, suite à la reprise des rapports avec la France et par la suite avec l’Allemagne, avec le Royaume Uni, le problème des devises s’est posé aussi. Au début, les devises étaient obtenues par la récupération des héritages des citoyens roumains établis en Occident. Tous ces héritages devaient être ramenés au pays et des démarches étaient faites en ce sens. Ce n’étaient pas des opérations de grande ampleur, mais des opérations occasionnelles. Vers la fin des années ’50, la possibilité est apparue d’obtenir des devises par l’intermédiaire des canaux confidentiels de la Securitate, en échange de la délivrance de certains visas d’émigration. Une partie de la communauté juive et une partie de la minorité allemande ont estimé que leur avenir en Roumanie était plutôt incertain et sombre et ont fait le choix d’émigrer ».


    Les devises comptaient parmi les plus précieux objectifs du régime, c’est pourquoi les autorités le traitaient avec beaucoup d’attention. Florian Banu : « L’Etat roumain possédait le monopole de toutes les sommes en devises qui étaient considérées comme propriété de l’Etat et que celui-ci devait encaisser. Les autorités ont élaboré une législation très stricte à ce sujet, et l’argent que la Securitate obtenait était déposé à la banque d’Etat de la République populaire roumaine, dans un compte spécial, dont l’évidence était très stricte. Le 31 juillet 1965, celui-ci contenait 6.857.000 dollars. La collecte de ces sommes d’argent se faisait sous une surveillance stricte. Les officiers qui collectaient effectivement l’argent, puisque pendant un certain temps, les paiements se faisaient en liquide, portaient des microphones, les conversations étaient enregistrées et la possibilité qu’ils s’approprient une partie de cet argent était beaucoup diminuée. La Securitate pouvait utiliser 20% de cet argent dans les opérations qu’elle déroulait, par pour payer ses informateurs à l’extérieur et pour acheter des équipements occidentaux. Une petite partie de cet argent a été utilisé pour l’achat de fusils de chasse pour certains apparatchiks, plus importants. »


    Pendant le régime de Nicolae Ceausescu, entre 1965 et 1989, la Securitate a constamment cherché de nouvelles modalités d’obtenir des devises : « La nouveauté c’est qu’à partir des années 1970, les transferts bancaires sont de plus en plus utilisés au détriment du liquide, même si cette pratique a continué aussi dans les années ’80. La tâche de dérouler ce genre d’opérations avait été confiée aux officiers de la 1ère de Direction de renseignements étrangers. Après 1978, lorsque l’entier système d’espionnage de la Roumanie a été reconfiguré suite à la défection du général Ion Pacepa, l’adjoint du contre-espionnage roumain, les choses changent. La Securitate constitue une unité chargée exclusivement de la mission d’obtenir des devises. Une intensification de ces opérations a eu lieu à la fin des années 1970 en raison du besoin accru ressenti par le régime communiste en raison de son endettement extérieur. C’est dans les années 70 qu’ont eu lieu les chocs pétroliers, dont le premier en 1973 et le deuxième en 1979 — 1980. Le développement excessif de l’industrie chimique et la perte de certains marchés extérieurs, ainsi que l’augmentation sensible des taux d’intérêts aux dettes souveraines ont mis une pression immense sur l’Etat roumain. »


    L’historien Florian Banu donne un exemple révélateur sur la manière dont la Securitate a réussi a récupérer une partie de cet argent : « Les officiers ont reçu des indications claires sur les types d’opérations de change agrées. Par exemple, la récupération de sommes d’argent en devises à partir des commissions confidentielles approuvées et versées par les autorités roumaines aux étrangers qui avaient favorisé la conclusion de contrats avantageux pour la partie roumaine. Quelle était le mécanisme ? L’Etat roumain contractait l’exportation de tracteurs vers l’Iran. Afin de gagner l’appel d’offres de l’Etat iranien, l’Etat roumain offrait une commission à un haut dignitaire iranien. Après la signature du contrat et le début de sa mise en application, les officiers de la Securitate contactaient le dignitaire en question. Ils invoquaient des dépenses supplémentaires comme l’embarquement et la préparation pour l’exportation. Bref, on lui disait qu’une partie de cet argent devait être remboursé. Et les dignitaires cédaient. Si le haut dignitaire avait reçu un pot-de-vin de, mettons, 10 % du contrat, les officiers de la Securitate lui disaient qu’il devait restituer 5%. Et eux, ils récupéraient cet argent pour le transférer ensuite en Roumanie. »


    Les opérations de change de la Securitate n’ont pas réussi à arrêter la dégringolade du système communiste. Elles ont contribué à la formation de personnes qui après 1989 se sont transformés en hommes d’affaires. (trad. : Ligia Mihaiescu, Alex Diaconescu)

  • L’hiver dans le massif de Bucegi

    L’hiver dans le massif de Bucegi


    Le massif de Bucegi, des Carpates Méridionales, est le haut lieu du tourisme alpin de Roumanie. Ces montagnes s’étalent sur 300 km², superficie appartenant à 3 comtés différents – Dâmboviţa, Prahova et Braşov. La beauté de la nature, les itinéraires balisés accessibles à tous, les trajets d’escalade, les pistes de ski et les stations s’égrenant tout au long de la vallée de la Prahova sont une offre de vacances difficile à refuser ou à ignorer.


    Le Parc naturel Bucegi — l’aire protégée de Roumanie qui attire le plus grand nombre de visiteurs après le Delta du Danube, accueillant chaque année environ 1.200.000 touristes – s’étend sur tout le massif. Le grand atout de ces montagnes, c’est qu’elles offrent des loisirs pour tous les goûts.


    Horia Iuncu, directeur de l’Administration du Parc naturel Bucegi, nous invite à faire un séjour hivernal dans ce décor magnifique. « Il y a, avant tout, la nature, bien sûr, mais les vacanciers bénéficient en même temps d’une excellente infrastructure touristique. Les pistes de ski ont été modernisées, un peu partout, ces dernières années et elles répondent actuellement aux normes européennes. De nombreuses stations attendent les touristes – Sinaia, Buşteni, Râşnov, Bran, Moeciu. Une autre, en train de naître, s’y ajoutera bientôt: Padina Peştera. »


    Comme la zone est très belle et très accessible, les touristes y viennent, en effet, en grand nombre. Les responsables du Parc devraient être très satisfaits, mais en fait cela leur pose également beaucoup de problèmes. L’administration du Parc comporte une section chargée de l’éducation écologique, qui doit veiller à ce que la présence des touristes n’ait pas un impact négatif sur cette aire protégée. Elle est également censée fournir aux vacanciers toutes les renseignements dont ils ont besoin pour y passer un séjour agréable et bénéfique.


    Horia Iuncu, directeur de l’Administration du Parc Naturel Bucegi: « Le sujet nous a préoccupés et nous avons mis en oeuvre un projet visant à optimiser la visite du parc. Le projet se monte à 4,2 millions d’euros et il est financé par des fonds européens. Nous nous proposons de réaliser un centre où les visiteurs puissent se renseigner sur les attractions et les loisirs et trouver des dépliants et du matériel informatif et promotionnel. »


    Une initiative méritoire, vu le grand nombre d’espèces protégées et de monuments de la nature présents dans la zone des Bucegi. Notre invité, Horia Iuncu, directeur de l’Administration du Parc naturel Bucegi, en rappelle quelques-uns :« La faune se caractérise par plusieurs espèces protégées telles le chamois, véritable emblème des Bucegi, ou encore l’ours, le cerf et le coq de bruyère. Quant à la flore, je mentionnerais l’edelweiss, la nigritelle rouge ou encore plusieurs beaux exemplaires séculaires d’if. Chacune de ces espèces s’avère très importante pour nous car sa disparition laisserait derrière un vide irrémédiable. Par ailleurs, le Parc naturel Bucegi compte 42 monuments naturels dont les plus représentatifs sont les rochers connus sous le nom de Babele et le Sphinx, emblématiques pour cette réserve naturelle. Notons aussi la présence de l’abrupt de Caraiman, le plus grand de Roumanie. Nous avons aussi deux lacs, pas trop grands, mais extrêmement beaux. Il s’agit de Bolboci qui couvre une centaine d’ha et de Scropoasa qui s’étend sur 12 ha seulement, mais qui accueille en hiver de nombreuses espèces d’oiseaux. »


    Et comme en Roumanie, l’hiver bat son plein, faisons une petite halte sur la Vallée de Màlàiesti, dans l’un des chalets de skieurs les plus connus du pays. C’est là que nous avons rencontré Ion Adàmutzà, responsable du chalet et chef des Secours en montagne de Râsnov : « Dans cette région nous avons une couche de neige d’un mètre. C’est de la neige tassée, ce qui veut dire qu’il n’y aucun risque d’avalanche. La Vallée de Màlàiesti est une des plus belles du pays. On peut y admirer des chamois, vu que c’est une zone sauvage, non polluée du point de vue phonique. Nous avons aussi des itinéraires de montagne balisés. Nos touristes viennent d’Allemagne, d’Autriche, d’Espagne, du Royaume-Uni et de France ».


    Toutefois, quel que soit l’hébergement choisi, il faut que le menu soit traditionnel, estime encore Horia Iuncu, directeur du Parc Naturel de Bucegi :« Comme on se trouve à proximité de la région Bran-Moeciu, je recommande aux auditeurs de tester le bulz: c’est un plat traditionnel à base de fromage et de polenta. Dans cette région, l’élevage est la principale occupation agricole, et tous les produits laitiers de la zone sont reconnus sur l’ensemble du pays. Nos producteurs se font remarquer à toutes les Foires de produits traditionnels ».


    Chers amis, aujourd’hui nous avons fait une petite halte dans une région riche en monuments naturels, espèces protégées de faune et de flore, une région à la fois idéale pour les amateurs de randonnées ou de sports d’hiver. N’hésitez donc pas à passer un séjour au centre de la Roumanie, dans le massif de Bucegi ! (trad.: Dominique, Alexandra Pop, Ioana Stancescu)

  • La Fabrique de pinceaux

    La Fabrique de pinceaux


    En octobre 2009 prenait naissance à Cluj la Fabrique de pinceaux, un espace d’art contemporain tout à fait à part — consacré tant aux arts visuels qu’à ceux du spectacle. Constituée en même temps en tant que fédération, la Fabrique de pinceaux est le premier projet collectif d’une telle ampleur dans le milieu culturel roumain et dont la renommée a vite fait le tour du pays. Entre 2009 et 2011, plus de 40 spectacles, 50 expositions, 30 ateliers et 10 festivals ont eu lieu à la Fabrique de pinceaux.


    Notre interlocuteur est aujourd’hui Miki Branişte, directeur de l’association ColectivA, partie du projet « la Fabrique de pinceaux »: « C’est une initiative commune, qui représente pratiquement la crème de la société civile intéressée par la culture à Cluj. Dans une visite que je vous propose de faire dans cette ville transylvaine, vous rencontrerez dans la Fabrique de pinceaux tant des galeristes que des sculpteurs, des artistes qui travaillent en vidéo, en installations, en spectacles ou qui sont peintres, tout simplement. Vous rencontrerez, d’autre part, des ONGs qui créent des spectacles de danse ou de théâtre ou organisent des concerts. Nous sommes un groupe très divers de gens qui souhaitaient une seule chose à un moment donné de leur vie et je pense que cela nous a unis et a fait que nous continuions de rester ensemble. La plupart des opérateurs culturels locataires de la Fabrique de pinceaux cherchaient à louer un espace en 2009. La baisse assez conséquente des loyers nous a permis de nous rassembler tous et de louer un espace très grand, respectivement 3000 m². »


    La Fabrique de pinceaux, c’est 40 artistes contemporains, 5 galeries d’art contemporain, 10 organisations culturelles et deux salles de spectacles. Le nom vient de la destination initiale de l’endroit, qui peut encore être devinée par ceux qui visitent cet espace. Le manager culturel Miki Branişte raconte: «Nous avons essayé de préserver le plus de choses qui renvoient à l’identité primaire de cet endroit. Même lorsque nous sommes arrivés ici, nous avons trouvé plusieurs panneaux publicitaires avec différents types de pinceaux qui y étaient fabriqués, ainsi que des panneaux sur la santé – sécurité au travail. Nous les avons tous gardés. Nous avons même organisé une exposition avec tout le matériel que nous y avons trouvé. Nous voulons montrer du respect à l’égard de nos prédécesseurs ».


    En période de crise, les financements pour des activités culturelles sont assez difficiles à obtenir, notamment pour le secteur indépendant. La survie financière de la Fabrique de pinceaux est un exemple pour les notions de communauté et de solidarité. Miki Braniste explique : « Nous tous qui habitons la Fabrique de pinceaux par nos projets culturels, nous cherchons différentes sources de financement. Et dans ce cas je pense notamment aux ONGs. Les artistes vendent leurs œuvres, participent à des foires internationales et à des enchères. A mon avis, une chose importante à mentionner, c’est qu’en juin 2012 plusieurs collègues artistes de la Fabrique de pinceaux ont envoyé leurs travaux pour des enchères qui ont eu lieu à la maison française Tajan à Paris. Leurs œuvres se sont vendues 90 mille euros au total ; ce montant est revenu à la Fabrique de pinceaux où il a été utilisé pour des investissements, pour réparer certains espaces, pour le chauffage – extrêmement coûteux en hiver. Le but, c’était de mieux coaguler la communauté, de pouvoir transformer des espaces avec cet argent … Et à mon avis, cette cohabitation arts visuels — arts du spectacle est très bénéfique. Si pendant les deux premières années de vie de la Fabrique, la vie financière de cet espace a été soutenue plutôt par les ONGs locataires, l’année dernière l’importance des artistes visuels s’est fait sentir et notamment le fait qu’eux, par les dons faits pour cette vente aux enchères, peuvent vraiment y contribuer. Pratiquement, nous nous aidons réciproquement. Cette année, de nouvelles enchères seront organisées par la même maison parisienne parce que les organisateurs français ont été également très contents d’apprendre à quoi a servi la somme récoltée. Ils ont estimé que cela valait vraiment la peine de nous aider à garder un niveau d’activité qui reflète l’importance des gens de la Fabrique et des projets qu’ils déroulent. »


    Une partie de l’argent reçu l’année dernière suite à la vente aux enchères de Paris a été utilisé pour la remise en état d’un espace de socialisation, qui jouera la rôle de bibliothèque d’art, ouverte à tous. Aux dires de Miki Braniste, cette bibliothèque était le rêve de plusieurs artistes de la Fabrique et c’est pourquoi ils feront don d’une partie de leurs collections personnelles de magazines, d’albums et de livres de théorie de l’art.


    Les artistes et les opérateurs culturels de la Fabrique de pinceaux évaluent leur activité en se rapportant à la communauté, le public leur donne la motivation nécessaire afin de continuer, d’investir dans un espace qui est devenu une référence pour la ville de Cluj. Par exemple, parmi les projets menés cette semaine par et à la Fabrique de pinceaux figure aussi un atelier de communication musicale, dont les participants disposent de toute sorte d’instruments plus ou moins connus, modernes ou très anciens.


    A cela vient s’ajouter un spectacle « work in progress », qui s’adapte à chaque fois au public présent, et un atelier de percussion appelé « Your brain on drums » (« Ton cerveau sur des tambours »), dont les organisateurs affirment que jouer du tambour, c’est s’harmoniser avec sa propre personne et avec son propre rythme de vie…(trad. : Ligia Mihaiescu, Alex Diaconescu)

  • Le sel dans l’espace préhistorique roumain

    Le sel dans l’espace préhistorique roumain


    Le bassin des Carpates et la zone à l’extérieur de cette chaîne montagneuse constituent la plus grande réserve de sel d’Europe. Les archéologues ont mis en évidence des traces préhistoriques de routes du sel reliant cet espace aux régions de l’ouest et du sud du continent, ce qui semble confirmer la théorie d’une première identité européenne forgée autour du commerce du sel. Dans la Rome impériale, une « via salaria » était le chemin emprunté par tous ceux qui approvisionnaient la ville en sel.


    D’autres théories considèrent que l’expansion romaine dans la Dacie antique et la conquête de celle-ci ont eu non seulement des raisons politiques, mais aussi économiques, de contrôle des ressources. Les Romains avaient cherché un accès plus facile aux filons d’or et aux gisements de sel. Bucarest garde aussi une preuve, bien que médiévale, de l’importance du sel pour l’économie roumaine, puisque la capitale a une rue appelée « Drumul Sării » (la Route du sel).


    Peu de ce qui nous entoure aujourd’hui s’appuie sur une existence ininterrompue, commencée pendant la préhistoire, comme c’est le cas du sel. Ce que nous désignons du nom de « préhistoire » est lié à la culture matérielle et spirituelle de l’humanité, depuis l’apparition de l’homme jusqu’à la fondation des premières cités et l’invention de l’écriture, et couvre, grosso modo, environ 5 millions d’années. L’espace carpatique a été la principale source de sel de l’homme européen ; le professeur Carol Căpiţă, qui enseigne la préhistoire à la Faculté d’histoire de l’Université de Bucarest, nous parlera de l’importance du sel pour les communautés humaines de la préhistoire. « Le sel est un élément essentiel pour la plupart des organismes vivants, un élément indispensable pour les processus d’électrolyse qui assurent leur fonctionnement. Qu’il s’agisse de processus d’oxydation ou de réduction, le sel assure l’état de santé des organismes. Il est également fondamental pour l’existence des communautés de l’espace roumain, mais aussi de l’espace des Pays-Bas ou de l’espace français, par exemple . Nous avons des arguments archéologiques très solides pour l’exploitation du sel, dès l’an 10.000 avt. J.-Ch., où l’on exploitait des gisements de sel gemme parce qu’il y avait aussi une longue tradition de l’exploitation des roches dures. Ainsi, la technologie était-elle disponible aussi à ce niveau. Pour l’espace roumain, en Transylvanie, dans la zone de Covasna, mais aussi dans celle de Vâlcea en Valachie, nous avons des preuves de l’existence d’exploitations de sel gemme qui remontent à 1800 avt. J.-Ch.. Ce qui est très intéressant, c’est qu’il existe une association entre des cultures de l’époque du bronze, très riches et avancées, et l’existence de gisements de sel d’une importance plus ou moins grande. Le cas Sărata Monteoru est emblématique. C’est une culture qui s’étend loin en Europe Centrale et vers le sud du Danube. Nous avons aussi l’exemple de la zone de Vâlcea (sud), avec le site de Buridava, et l’on sait que cette zone a une densité d’habitations extraordinaire ».


    De l’arc carpatique, le sel partait vers deux directions : vers l’ouest et le nord-ouest et vers le sud et le sud-est. Carol Căpiţă : «S’il fallait considérer une carte et indiquer les emplacements des exploitations de sel par rapport aux centres de céramique – la forme la plus visible de témoignage archéologique — on constate que l’espace roumain approvisionnait en sel gemme deux aires fondamentales pour la cristallisation d’une culture européenne. D’une part, nous avons une direction de Transylvanie vers la Hongrie et la Slovaquie, et de là — plus loin vers l’espace allemand, un espace traditionnel qui manque de sel. Cela assurait l’importation de cuivre d’Europe centrale et constituait le fondement de cultures d’époque du bronze de Roumanie absolument spectaculaires, telles que Wittenberg. D’autre part, c’est toujours à base de céramique que l’on peut refaire les échanges avec l’espace sud-danubien, notamment en zone dalmate, dans les Balkans de l’ouest et même plus loin, vers la Thrace. Ce qui est intéressant, c’est aussi que ces directions de force de l’est vers l’ouest, du nord vers le sud sont aussi la ligne de pénétration des dernières vagues de migrateurs indo-européens, ceux qui mènent à la dernière étape de création de peuples indo-européens dans l’espace roumain. Des études très sérieuses viennent confirmer le fait que ces vagues migratoires indo – européennes étaient formées pour la plupart des bergers. Or, il y a une relation très serrée entre ces culturelles agropastorales et l’existence du sel gemme. Voici autant d’éléments qui nous poussent à croire que l’existence du sel en terre roumaine s’est avérée fondamentale pour la création d’un horizon culturel qui marque la fin de la préhistoire européenne. »


    Plus qu’un aliment, le sel fut considéré comme un des principaux éléments qui a contribué au rapprochement des individus appartenant à des communautés éloignées. Le professeur Carol Capita : « L’espace roumain n’est pas tellement central dans la genèse des peuples européens, surtout que l’histoire mentionne plusieurs noyaux d’ethno — genèse. Une chose reste pourtant certaine : plus que l’or, ce fut notamment le sel roumain qui a contribué à un processus de diffusion culturelle, à une propagation des traits communs des différentes culturelles européennes. Je dirais que le sel a contribué à la création d’un véritable couloir pour la circulation des idées, des objets, des personnes. Sans or, on peut toujours se débrouiller. Sans sel, jamais ! Quant au sel roumain, il a deux avantages : il se trouve en grande quantité et l’exploitation n’est pas difficile. Les gisements roumains ne supposent pas de travaux risqués ou en profondeur. Ce ne fut que plus tard, quand on commença à laver le sel, que l’on s’est heurté à des problèmes de relief, tels la formation de cavités dangereuses. L’exploitation du sel s’est pourtant faite pour un grand laps de temps dans des carrières. »


    Même à présent, au bout de quelques millions d’années, les réserves de sel de la Roumanie sont considérables…(trad.: Ligia Mihaiescu, Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)

  • Six mois sur les skis à Semenic

    Six mois sur les skis à Semenic


    Le massif de Semenic fait partie des Monts du Banat, dans les Carpates Occidentales, dans le sud-ouest de la Roumanie. Même s’ils s’élèvent jusqu’à 1445 m d’altitude, les monts Semenic dominent la région et c’est pourquoi ils sont appelés « le toit du Banat », province historique de l’ouest de la Roumanie.


    L’accès est assez facile puisque seulement 40 kilomètres séparent la ville de Resita et le massif de Semenic dont les pics forment un triangle : Semenic (1445 m), Piatra Goznei (1447 m) et Nedeia (1439 m). Les trois sommets sont tellement près les uns des autres que si on est sur l’un d’entre eux on peut facilement observer les deux autres. Hormis les pâturages, l’étage alpin de Semenic est caractérisé par l’absence de la végétation même en été.


    En hiver, les chutes de neige sont tellement abondantes qu’il existe une couche compacte de neige pendant 5 et même 6 mois par an, alors que l’épaisseur de la neige dépasse un mètre pendant environ trois même quatre mois par an, et cela même pendant les années les plus pauvres en neige. Pendant la saison hivernale, les températures vont de moins 25 à 6 degrés en en été de 10 à pas plus de 25 degrés.


    Semenic dispose de cinq pistes officiellement homologuées. Davantage de détails sur les conditions de ski à l’heure actuelle avec Sorin Blaga, le maire de la commune de Valiug, dans le département de Caras-Severin : « Nous sommes une des plus anciennes stations de montagne du pays. La neige dure le plus chez nous et c’est pourquoi cette région a toujours été une région à part, visitée chaque week-end par des Serbes et des Hongrois. Les facilités d’hébergement sont groupées autour des localités de Valiug et de Crivaia. A l’heure actuelle on peut pratiquer le ski sur une seule piste appelée Casa Baraj qui est très belle, même si elle est un peu trop petite. Cette piste possède aussi un très joli bar, un télésiège à deux places et des canons à neige. »


    Parmi les autres pistes de Semenic, la plus longue est celle appelée « Uriasul », « Le Géant », avec ses 1200 mètres. La différence de niveau est de 220 mètres avec un niveau de difficulté moyen. Le téléski peut transporter jusqu’à 800 personnes par heure. La piste n’est pas dotée d’installation d’éclairage nocturne, ni de canons à neige.


    Crucea de brazi, La Croix aux sapins est une piste également très recherchée. Avec une longueur de 750 mètres et une différence de niveau de 160 mètres, Crucea de brazi a un degré de difficulté moyen. Son téléski peut transporter 500 personnes par heure. La piste appelée Goznutza, longue de 700 mètres, a une différence de niveau de 180 mètres. Une autre piste, de difficulté moyenne, est celle appelé « Prietenii muntilor » (« Les amis de la montagne »), longue de 500 mètres et avec une différence de niveau de 180 mètres. L’accès se fait par un téléski, dont la capacité de transport est de 400 personnes par heure. Une piste jugée facile est celle de Semenic, longue de 300 mètres et avec une différence de niveau de 40 mètres. Son téléski peut transporter jusqu’à 400 skieurs par heure.


    Plusieurs hôtels et gîtes ruraux vous attendent dans la région et, côté délices culinaires, Sorin Blaga évoque un véritable régal : « Ceux qui font du ski dans la région de Semenic choisissent pour s’héberger les localités de Valiug, Crivaia et Trei Ape. La plupart choisissent Crivaia parce qu’elle est située aux pieds du massif de Semenic. Sur la montagne il n’y a qu’un seul hôtel qui dispose de pas plus d’une trentaine de chambres. Chez nous les Roumains, la liqueur de myrtilles appelée « afinata », la truite et les pleurotes du hêtre trônent toujours au milieu de la table. Venez vous convaincre de la beauté des lieux et croyez-moi qu’après une journée de ski, nos menus, raffinés ou bien traditionnels : jarret de port fumé aux haricots blancs, choucroute ou bien pizzas et glaces, sont pour tous les goûts. »


    Ajoutons que le massif de Semenic attend ses visiteurs toute l’année. En été il s’agit des passionnés de la natation et de la pêche, ainsi que les accros des sports nautiques qui peuvent louer des canots, des pédalos et des planches à voile. Pour l’instant, vu que l’arrivée d’une nouvelle vague de froid prolongera la saison de ski dans tout le pays, n’hésitez pas à choisir Semenic pour vos vacances d’hiver ! (trad. : Alexandru Diaconescu)

  • L’écrivaine Ileana Malancioiu

    L’écrivaine Ileana Malancioiu


    « Bravo, femme ! Courageuse. Apre. Elle voit, elle sait, elle dit. Et elle y met son cœur de femme sensible. Esprit profond, aux aspérités. Grande poétesse. En effet, voici ce que j’admire chez elle : une force très intelligente mais à la fois accessible à la compassion, à la tendresse (indirecte). Je l’ai qualifiée : une Antigone qui tient Oedipe par la main, mais une Antigone à l’âme d’Electre » – C’est ainsi que Nicolae Steinhardt, l’auteur du « Journal de la Félicité », œuvre unique de la littérature roumaine, décrivait l’écrivaine Ileana Malancioiu.


    Prix national de la poésie «Mihai Eminescu », «Grand prix Prométhée», Grand Prix « Lucian Blaga », « Prix de la revue Adevarul littéraire et artistique » ou encore « Prix Opera Omnia» accordé par l’Association des Ecrivains de Bucarest — voilà quelques-unes des distinctions dont Ileana Malancioiu s’est vu récompenser pour ses volumes de poésie, essais et créations journalistiques. Un deuxième volume signé Ileana Malancioiu et intitulé « La légende de la femme emmurée » paraissait fin décembre dernier en Irlande, chez les Editions « Gallery Press », le premier à avoir été publié dans ce pays étant celui intitulé « Après la Résurrection de Lazare ».


    Invitée d’honneur il y a deux ans de l’événement « Notre langue, le roumain », organisé en République de Moldova, Ileana Malancioiu lançait l’idée de réaliser un buste de Paul Goma, l’intellectuel roumain dissident le plus important, qui s’était établi à Paris. L’événement a abouti à la parution du « Livre de la poésie 2012 », qui s’ouvre sur la poésie de Malancioiu et qui comporte une sélection des créations signées par des poètes de Bessarabie.


    Ileana Malancioiu:« Les intellectuels de Bessarabie qui ont lutté pour la langue roumaine ont réalisé quelque chose de très important. Ils ont créé la Grande Roumanie d’un point de vue culturel. Il y a beaucoup de poètes moldaves talentueux et le préjugé des intellectuels roumains selon lequel en République de Moldova on écrit comme on le faisait au siècle passé est toujours d’actualité. J’ai voulu parler de Paul Goma car en Roumanie il a été victime d’une grande injustice. Nous ne sommes pas très nombreux à parler de lui avec amour. Ce fut là aussi peut-être sa faute, vu que son journal a soulevé beaucoup de questions. En fait, il se disait triste du fait que notre enthousiasme des années ’90 se soit éteint. Ces mots étaient issus de sa tristesse et les gens ont senti le besoin de l’isoler, ce qui n’est pas correct vu qu’il est quand même le symbole de notre résistance, tant qu’elle a été. Je ne trouve pas normal qu’il mène sa vie seul et isolé à Paris, et que dans le pays, toute sorte de faux dissidents se révèlent. C’est une tristesse sans fin qu’un homme comme lui se voit isoler ».


    Diplômée de la faculté de philosophie en 1968, Ileana Malancioiu se voit publier en 1978 sa thèse de doctorat « La Faute tragique », 6 autres de ses volumes ayant été publiés entre temps. Ileana s’est vu obliger à renoncer à la philosophie, car comme elle l’avouait elle-même, «l’époque ne prêtait pas à la philosophie ».


    Même son mémoire de maîtrise, «La place de la philosophie de la culture dans le système de Lucian Blaga », a suscité un véritable tollé. Elle s’est vu reprocher par la plupart de ses professeurs qu’après 5 années d’études de philosophie marxiste, elle avait choisi comme thème la philosophie de Lucian Blaga (philosophe et poète roumain réduit à l’isolement par le régime communiste). Ileana allait provoquer un autre scandale dans les années ’70, lorsqu’elle travaillait à la télévision. A cette époque-là, caractérisée par une liberté apparente, Ileana avait une émission intitulée « Poètes roumains contemporains », dans laquelle elle parvenait à faire connaître au public des poésies de Alexandru Philippide, Constantin Noica, Dimitrie Stelaru, Eugen Jebeleanu, Emil Botta.


    Une simple question adressée à ceux qui ont décidé d’interdire l’émission a profondément dérangé la direction de l’époque de la télévision publique. Le cas a été examiné en séance du parti et Ileana Malancioiu s’est vu contrainte de quitter définitivement l’institution. En 1985, la vente de son volume « L’escalade de la montagne » est suspendue dans les librairies et tout commentaire littéraire est interdit. Trois ans plus tard, à une époque où la censure intervenait même dans les œuvres du philosophe Constantin Noica, Ileana Malancioiu décide de démissionner de la revue littéraire « Viata romaneasca » (« La vie roumaine »). Elle est suivie de près par la Securitate(, comme on peut le constater à feuilleter le dossier de Dorin Tudoran).


    Et pourtant, Ileana Malancioiu affirme : « On ne doit pas me reconnaître les mérites d’un grand dissident. Tout ce que j’ai fait, moi, ce fut d’essayer en tant qu’écrivain de sauver des livres. J’ai donc rejeté les mensonges, la censure, c’est tout. Loin de moi de jouer les dissidents. A chaque fois quand on me traitait de dissidente, je disais « Paul Goma fut un vrai dissident, pas moi ! » C’est lamentable d’assumer plus de vertus qu’on ne mérite. Il est vrai que les temps étaient durs, mais puisque la revue « Viata romaneasca » avait un tirage plus restreint, on arrivait, après de longs combats, à y faire paraître des articles qui n’avaient pas de chances réelles de publication dans des revues au tirage plus grand, telles « Romania literara ».


    Ileana Malancioiu a fait ses débuts poétiques inspirée par les vers du poète russe Sergueï Essenine et de ses confrères roumains Mihai Eminescu et George Bacovia avant de trouver sa propre voix. Qu’est-ce qu’elle a emprunté de ces fameux prédécesseurs ? « Presque tout le bagage poétique dont on s’accompagne une fois engagé sur la voie de la poésie. Après avoir exercé ma technique sur des vers d’Eminescu et de Bacovia, j’ai décidé de jeter toutes ces imitations pour repartir à zéro et dire ce que j’avais vraiment à dire. Pourtant, en l’absence de tous ces exercices de versification, je ne serais jamais parvenue à atteindre le niveau poétique actuel. Ensuite, j’ai commencé à lire systématiquement les poèmes de Baudelaire. C’est-à-dire, lire des poésies, le crayon à la main et tenter de comprendre pourquoi lui, à la différence d’autres poètes, a tellement bien résisté. Généralement, le poète est obsédé par la mort, surtout à partir d’un certain âge. Or, à un moment donné, l’obsession risque de devenir tellement grande que le poète arrive à se sentir menacé et refuse d’en parler. On évite le mot, comme si on pouvait éviter la mort. Mais le silence n’est pas mauvais non plus. Il y a des moments quand on risque de dire des choses qui ne nous représentent plus. Le mieux serait alors de faire de pauses lecture, très utiles pour replonger dans l’écriture ou pour clôturer brillamment une carrière. La clôturer avant que la dégradation ne se déclenche ! »


    « Je ne saurais être dans mes poèmes autre que dans ma vie réelle. Au contraire. Pourtant, je n’ai jamais renoncé à faire des efforts pour trouver le mot juste, celui qui arrive à m’exprimer telle que je le suis. Et je suis terrifiée par la crise du mot qui me réduira définitivement au silence » a encore affirmé Ileana Malancioiu…(trad. : Alexandra Pop, Ioana Stancescu)

  • Projets concernant le Parc naturel des Portes de Fer

    Projets concernant le Parc naturel des Portes de Fer


    Avec ses plus de 200 mille hectares, le Parc naturel Porţile de Fier (les Portes de Fer), dans le sud-est de la Roumanie, est une des aires protégées les plus étendues du pays. La région est dominée par des montagnes où le Danube, dans son cheminement vers la mer Noire, a scié un défilé impressionnant, d’à peu près 140 km.



    Ce Parc est un véritable joyau de la nature, avec un relief spectaculaire, de pentes escarpées, vallées étroites, et grottes surprenantes, une végétation abondante, subméditerranéenne, qui renforce l’impression de nature sauvage. La beauté unique de la région a imposé plusieurs projets de conservation et de protection mis en œuvre par l’Administration du Parc. Ils visent à revitaliser le tourisme et à utiliser durablement le patrimoine naturel de la région.



    Marian Jiplea, directeur du Parc naturel des Portes de Fer, détaille au micro de RRI: «Le projet, d’un montant de 2,6 millions d’euros, se déroule entre juillet 2012 et janvier 2015 et concerne toute l’aire du Parc. Les principaux objectifs sont liés au développement de l’infrastructure d’information, documentation et visite du Parc naturel de façon à encourager une prise de conscience des communautés locales et des visiteurs en ce qui concerne le besoin de conserver la biodiversité de cette aire. Nos efforts porteront, également, sur l’amélioration de la conservation des habitats et des espèces de volatiles de ce parc qui inclut le site d’importance communautaire ROSPA Cours du Danube — Baziaş – Portes de Fer. La dimension financière du projet est aussi due à des investissements : un laboratoire mobile aquatique et un autre terrestre, achetés pour soutenir la surveillance des espèces d’oiseaux des zones humides. Un centre de visite naval et itinérant représente environ la moitié du projet; en fait, c’est un bateau à deux ponts amarré à Orşova, le petit port danubien qu’il quittera une fois par an pour faire un tour des communes éparpillées sur la rive du fleuve, dans l’aréal du parc. »



    La biodiversité du Parc naturel des Portes de Fer est impressionnante. La zone appelée « des Chaudrons » est le plus beau secteur du défilé. Des espèces uniques de la flore de la Roumanie vivent à cet endroit, protégées par les rochers raides: ce sont l’érable du Banat et la tulipe des Chaudrons. La floraison de celle-ci, en avril, attire aussi bien les touristes que les biologistes roumains et serbes, émerveillés par les couleurs vives des fleurs et par la beauté de ces magnifiques gorges taillées par le grand fleuve dans le massif montagneux. Cette tulipe fait l’objet d’un autre projet réalisé en commun par les Roumains et leurs collègues du Parc national de Serbie.



    Marian Jiplea : « L’administration du Parc est partie prenante, aux côtés de l’administration du Parc Piatra Craiului, dans deux projets, ciblés sur l’amplification de la coopération transfrontalière avec le Parc national Djerdap de Serbie. Cela implique des études de terrain et plusieurs autres activités en commun. De même, entre septembre 2011 et fin 2014, nous déroulons un autre projet à financement européen, “Life natura”, dans lequel nous avons été rejoints par l’Agence de protection de l’environnement et par le Centre de recherche sur l’environnement de l’Université de Bucarest ; le nom du projet impressionne à lui tout seul — puisque nous parlons de “l’amélioration de la conservation des espèces et des habitats prioritaires des zones humides du Parc naturel des Portes de Fer”. L’objectif en est de définir un plan d’action pour endiguer la disparition de la biodiversité des zones humides de ce parc, de mettre au point une stratégie de sensibilisation des communautés à la préservation de la biodiversité, une application informatique de gestion des zones humides, des évaluations des espèces invasives et la revigoration des habitats des populations de cormoran nain de la région. Nous envisageons par ailleurs de cartographier les espèces invasives des zones humides du parc. »



    Les espèces animales les plus importantes du Parc naturel des Portes de Fer sont la vipère à corne et la tortue d’Hermann, les deux en danger. La vipère à corne est protégée car en danger à cause de la destruction de son habitat naturel. La tortue d’Hermann, connue aussi sous le nom de tortue de terre (ou encore des Maures, en français), est elle aussi menacée à cause de la destruction des habitats mais aussi à cause de l’engouement qu’elle a éveillé parmi les amateurs d’animaux de compagnie qui la voient comme un porte-bonheur.


    Le Parc naturel des Portes de Fer est la troisième zone importante pour les volatiles de Roumanie, où vivent des espèces protégées par les Directives européennes « Habitat » et « Oiseaux ». La région subit néanmoins des menaces sévères, telles dégradation des habitats de nichage, espèces aquatiques envahissantes, braconnage, pollution des eaux.



    L’administration du Parc naturel des Portes de Fer envisage de mener des projets d’aménagement des grottes à l’intérieur de l’aire protégée et peuplées de chauves-souris. Ce sont des espèces à protection très encadrée et mentionnées dans l’annexe 2 à la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage et des habitats naturels en Europe…( trad.: Ileana Taroi)

  • Les inédits des enchères d’art, en Roumanie

    Les inédits des enchères d’art, en Roumanie


    L’année 2012 a vu toute une série de premières dans les enchères d’art organisées en Roumanie, dont la vente aux enchères de travaux signés par Constantin Brâncuşi, d’un mono poste de Formule 1, de la première maison solaire roumaine et d’objets ayant appartenu à des comédiens roumains. Cette année, lors des premières enchères sur le marché roumain de l’art, deux œuvres réalisées par Constantin Brâncuşi — un des artistes roumains les plus connus au monde – ont été emportées. « La Huppe » et « Les Peaux rouges » ont été adjugées en janvier, pour 10.000, respectivement 2.000 euros.


    « La Huppe », un dessin à la plume, a été mis en vente par un collectionneur privé de Bucarest, qui l’avait acquis auparavant à Christie’s. Cette œuvre, achetée 10.000 euros, est un projet d’illustration pour le volume de poèmes « Plantes et animaux », publié à Paris en 1929, par Ilarie Voronca, un écrivain faisant partie du cercle d’amis de l’artiste. « Les Peaux rouges » est une photo – carte postale d’objet d’art, de 1906. L’image de cette carte postale, l’œuvre « Les Peaux rouges », est une des sculptures détruites par l’artiste en 1907, dans un accès de révolte par rapport à ce qu’il avait créé dans sa période impressionniste, un courant auquel Brâncuşi avait adhéré en tant qu’élève d’Auguste Rodin. La carte postale envoyée à un ami est l’unique document présentant une des œuvres disparues. Ella a été reproduite à l’occasion du centenaire Brâncuşi de 1976 dans une revue littéraire roumaine, et provient d’une collection privée bucarestoise. La présence de Brâncuşi sur le marché de ventes aux enchères publiques est un événement unique.


    Constantin Dumitru, journaliste et commissaire d’expositions, affirme pour sa part que 2012 s’est avérée une année bénéfique pour lemarché de l’art. « Il a enregistré une évolution positive, meilleure qu’en 2011 quand il a connu les performances les plus spectaculaires depuis 1990. Je fus particulièrement impressionné de voir pénétrer sur le marché roumain de l’art de plus en plus d’objets, précieux pour le simple fait d’avoir appartenu à des célébrités, chose courante sur les marchés de l’art étrangers. Pourtant, je ne saurais ignorer l’existence sur le marché d’un segment qui n’a rien à voir avec l’art, il ne fait que mimer la valeur. Espérons que cela ne va pas tourner au kitsch ».


    Nous avons voulu apprendre auprès de Constantin Dumitru si la crise a touché le marché roumain de l’art. La réponse fut des plus catégoriques : « Oui, elle l’a influencé sans pourtant le détériorer. Le manque de confiance en l’immobilier, la chute des prix des terrains a entraîné une majoration des prix des objets d’art. Pourtant, le marché de l’art ne reflète pas la situation économique. 2013 s’annonce difficile notamment pour les petits collectionneurs. Le marché de l’art est plein de dizaines de millions d’euros mais pour des œuvres dont les auteurs sont notamment des célébrités décédées. Or, l’artiste roumain, le créateur contemporain a du mal à voir autant d’argent. On se réjouit de vendre pour 300 mille euros un objet ayant appartenu à une personnalité défunte, mais un étudiant ou un professeur aux Beaux Arts se contente de gagner 500 ou mille euros. Je voudrais qu’on exporte davantage, qu’on arrive à vendre plus d’objets sur les marchés internationaux. »


    Le journaliste Marius Tita, rédacteur en chef de Radio Roumanie Internationale et passionné d’art, affirme que le marché roumain connaît une évolution ascendante : « En Roumanie, nous assistons aussi à une diversification de l’offre. Et dans ce cas il s’agit non seulement des objets mis en vente, mais aussi des actions organisées par les maisons de ventes aux enchères. Et dans ce cas, je pense à quelques événements tels ceux organisés par ArtMark, qui hormis les enchères traditionnelles a introduit quelques idées inédites : enchères thématiques, vente d’objets ayant appartenu à la famille royale, d’objets militaires, très appréciés en Europe Occidentale et qui se vendent chez nous aussi lors d’événements spéciaux et de nombreux autres objets, non seulement d’art traditionnel. On assiste donc à une ouverture, mais aussi à une révision des prix et des opinions qui circulent sur le marché de l’art. Bref, cette évolution vers un marché de l’art mature se traduit par la réduction des prix et de la valeur des ventes. On ne peut pas parler d’un enthousiasme du marché de l’art. Il est clair, nous apprenons beaucoup de nouvelles choses, mais on ne peut pas parler d’affaires exubérants ni de revenus incroyables. »


    Une vente aux enchères inédite a proposé aux collectionneurs des objets personnels de grands comédiens roumains, ainsi qu’une série d’accessoires de films et de pièces de théâtre à succès. Le lot le mieux vendu a inclus un bracelet en or et argent à diamants, rubis et émeraudes que la comédienne roumaine Maia Morgenstern a porté dans un film. Au mois d’août, le mono poste de F1 Ferrari F399 piloté par Michael Schumacher en 1999 a été adjugé pour 177 mille euros. Trois Mercedes millésimées 1953, 1959 et 1966, une Ferrari 599 GTB Fiorano édition spéciale Carbon Kit de 2009, une Lincoln Continental 1947 et une Jeep Willys 1948 avec comme accessoires une remorque et une mitrailleuse se sont également retrouvées sous le maillet au mois d’août de l’année dernière. L’ancienne voiture officielle du roi Michel — une BMW 760 Li – a également trouvé preneur au prix de 20 mille euros.


    Le permis de conduire de la princesse Marie, datant de 1904, a été vendu à 5000 euros. Une autre session de ventes aux enchères a eu comme sujet la première maison solaire à 100% roumaine, estimée à 50 mille euros. Malheureusement elle n’a pas suscité l’intérêt du public. La toile la mieux vendue en 2012 a été « Le berger et son troupeau » par Nicolae Grigorescu, adjugée à 195 mille euros. Trois autres toiles signées Nicolae Tonitza ont trouvé preneur à pas moins de 400 mille euros.


    Selon les spécialistes, les transactions qui ont eu lieu l’année dernière se sont chiffrées à environ 40 millions d’euros. Une bonne année, donc, pour le marché de l’art en Roumanie. (trad. : Ligia Mihaiescu, Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)

  • 1.Les relations roumano – polonaises à la fin du 14e siècle 2. La rébellion de la Garde de fer

    1.Les relations roumano – polonaises à la fin du 14e siècle 2. La rébellion de la Garde de fer


    Les chroniques de la seconde moitié du 14e siècle annonçaient déjà la présence dans l’Europe orientale du futur Empire Ottoman, celui qui allait devenir la plus grande puissance en cette partie du monde entre 1500 et 1900. Les nations chrétiennes des Balkans ont tenté à maintes reprises de tenir tête à l’armée ottomane, mais elles n’y sont parvenues que pour un bref laps de temps. Au moment où la frontière de l’empire islamique eut atteint le Danube à la fin du XIVe siècle, le prince valaque Mircea le Vieux (1386- 1418) chercha à faire alliance avec ses voisins pour arrêter l’expansion ottomane. Et puisque les rapports avec la Hongrie de Sigismond de Luxembourg (1387-1437) n’étaient pas des meilleures, Mircea se tourna vers la Pologne dirigée à l’époque par le roi Ladislas II Jagellon.



    Suite à la défaite de l’armée serbe à Kossovopolje en 1389, Mircea le Vieux se retrouva dans une position encore plus vulnérable. Grâce à Petru Muşat, prince de la Moldavie entre 1375 et 1391 et vassal du roi de Pologne, il demanda au roi polonais d’unir leurs forces pour lutter ensemble contre le roi de Hongrie et contre d’autres ennemis. Un document allait être conclu en ce sens le 20 décembre 1390, à Lublin, entre le roi polonais et les représentants du prince valaque. Malheureusement, les chroniques du temps préservées jusqu’à nos jours, telles la lettre adressée par Mircea le Vieux au roi polonais pour parachever l’entente – n’offrent pas trop de détails sur le document en question. Pourtant, on sait que la signature du traité de Lublin fut suivie d’une nouvelle alliance, cette fois-ci à trois, entre Mircea le Vieux, Ladislas II Jagellon et le roi hongrois, Sigismond de Luxembourg. Au terme de cet accord conclu le 17 mars 1930, les deux rois et le prince roumain s’engageaient à s’appuyer réciproquement dans leurs efforts de lutter contre les Ottomans.



    La décision du souverain hongrois de rejoindre l’alliance fut saluée par Mircea le Vieux qui savait que grâce à sa position, la Hongrie allait s’impliquer plus que la Pologne dans l’organisation des campagnes militaires anti-ottomanes. Et pourtant, cela n’a pas empêché le prince valaque de renouveler son alliance avec la Pologne en 1404, 1410 et 1411 pour mettre sa principauté à l’abri de l’expansion magyare. Cette alliance a d’ailleurs porté ses fruits durant la bataille de Grunwald le 15 juillet 1410, quand un contingent valaque et un autre moldave ont contribué à la victoire des Polono- Lituaniens contre la force teutonique.


    2. Dans les minutes suivantes, nous allons nous pencher sur ce que l’histoire roumaine retient dans ses chroniques comme « la rébellion de la Garde de Fer », nom pris par le parti fasciste de Roumanie. Du 21 au 23 janvier 1941, Bucarest fut le théâtre de la lutte pour le pouvoir entre le général Ion Antonescu et la Garde de Fer. Installé à la tête de l’Etat le 6 septembre 1940 suite à la crise du régime autoritaire du roi Carol II, le général Antonescu allait instaurer une véritable dictature d’inspiration hitlérienne. Elle allait continuer la politique raciste instaurée entre 1937 et 1938 par le règne de Carol et décida de la mise en place d’une commission dite de la « roumanisation » afin de pouvoir interdire aux Juifs de participer à l’économie du pays et confisquer le patrimoine des grands industriels, banquiers et commerçants juifs. Finalement, le durcissement des lois racistes et antisémites a fini par toucher toute la minorité juive de Roumanie. Le 4 décembre 1940, la Roumanie conclut un accord économique roumano-allemand sur dix ans qui allait renforcer le pacte pétrole-armement signé le 27 mai 1940 à l’époque du gouvernement de Gheorghe Tătărăscu.



    Pendant les 4 mois et demie de cohabitation, le général Antonescu et la Garde de Fer ont cherché à se tolérer réciproquement, en essayant de renforcer leurs positions au sein de l’Etat. Antonescu fait entrer dans son gouvernement plusieurs membres de la Garde auxquels il permet de s’infiltrer au sein des institutions ou même de créer leurs propres institutions, tandis que lui, il s’est réservé le droit de s’emparer des ministères clé du gouvernement et de contrôler les services de renseignements.





    En plus, le général Antonescu a accordé aux membres de la Garde de Fer la permission de se venger contre les dignitaires qui les avaient persécutés dans les années 1930. 64 d’entre eux allaient trouver la mort dans la prison de Jilava, dans la nuit du 26 au 27 novembre 1940. Pourtant, les divergences entre Antonescu et les légionnaires, membres de la Garde de Fer, n’allaient pas tarder à se faire jour. Appuyé par le roi Michel Ier et par l’armée, Antonescu allait gagner aussi le soutien d’Hitler qu’il rencontre en Allemagne le 14 janvier 1941.



    Lors de cette rencontre, Antonescu promet à Hitler la coopération de la Roumanie dans un futur conflit avec lUnion soviétique, et obtient laccord tacite dHitler pour éliminer ses opposants dans le mouvement légionnaire. Finalement, le général passe à l’attaque et décide de restreindre les actions de la Garde de Fer, en chassant plusieurs de ces responsables dont le ministre des Affaires Intérieures, Constantin Petrovicescu. Ce fut là une des décisions qui serviront détincelle pour déclencher le coup dEtat organisé par la Garde de fer.



    Les légionnaires refusent de se soumettre au général Antonescu qu’ils tentent d’arrêter pour s’installer à la tête de l’Etat. Du 21 au 23 janvier 1941, la capitale roumaine, Bucarest, fut le théâtre de combats entre l’armée et les membres de la Garde de Fer. Larmée roumaine va se défendre pendant deux jours, et essaye dassiéger les places fortes des légionnaires, mais ne lance aucune attaque leur laissant même parfois les mains libres.



    Pour légitimer leur rébellion, les légionnaires lui attachent un caractère antisémite. 125 Juifs allaient être torturés et assassinés pendant le pogrom de Bucarest. Quand Antonescu pense que le moment est le plus approprié, il ordonne de mater la rébellion. Larmée la réprime en quelques heures, sans grande difficulté. Quelque 8000 membres de la Garde de Fer ont été arrêtés, jugés et condamnés et leur mouvement a été chassé du pouvoir. Les leaders des légionnaires qui y ont échappé se sont réfugiés en Allemagne qui a profité de leur présence pour menacer le général Antonescu… (trad.: Ioana Stancescu)

  • L’or blanc de la Vallée du Trotus

    L’or blanc de la Vallée du Trotus


    Chers amis, nous vous proposons aujourd’hui une nouvelle édition de notre rubrique Radio Tour consacrée au jeu concours organisé par RRI, « Les salines de Roumanie ». Nous irons cette fois-ci dans l’est du pays, sur la pittoresque vallée du Trotuş, dans le comté de Bacău. C’est là que se trouve la mine de sel de Târgu Ocna. Son moderne centre de soins, situé à 240 mètres de profondeur, offre d’excellentes conditions tant pour la détente que pour les cures indiquées dans le traitement des maladies respiratoires.Au cœur de la montagne d’or blanc, terme désignant le sel, le visiteur peut également se recueillir dans une église. Dans ce décor fascinant, on trouve aussi un lac à l’eau salée et une chute d’eau.


    Invitée au micro de RRI, l’ingénieur géologue Carmen Maria Ţintaru nous fournit des détails sur l’historique de cet objectif touristique et la base de loisirs de la mine de sel de Târgu Ocna : « L’exploitation du sel, appelé autrefois l’or blanc de la terre, y date de plus de 500 ans. Toute l’activité de la région gravite autour de cette ressource minérale.Du XVe jusqu’au milieu du XIXe siècle, l’extraction a concerné des zones peu étendues, appelées mines de sel. Après, on est passé à la méthode plus efficace des galeries trapézoïdales, utilisée d’abord dans la mine de Moldova Veche, également connue sous le nom de Carol Ier et qui a été fonctionnelle de 1870 à 1941. Ensuite, entre 1936-1968, cette méthode allait être reprise par la mine de sel de Moldova Nouă. Depuis 1967, on applique à Târgu Ocna une nouvelle méthode d’exploitation. »


    A part l’extraction du sel, la préparation et la commercialisation des produits à base de sel, la mine de Târgu Ocna offre aussi des services de tourisme, poursuit notre invitée, l’ingénieur géologue Carmen Maria Ţintaru : « Les débuts de la base de loisirs de la mine de Târgu Ocna remontent à 1974. En 1992, on a construit la première église orthodoxe souterraine d’Europe, creusée dans le sel. Située au neuvième niveau, cette sainte demeure est placée sous le vocable de Sainte Barbe, patronne des mineurs. En 2005, plus précisément le 11 juillet, le neuvième niveau de la mine, situé à 240 mètres de profondeur, allait devenir la principale attraction touristique du site. »


    Voici ce que l’ingénieur géologue Carmen Maria Ţintaru nous a appris à propos de l’accès dans la base de loisirs de la mine de Târgu Ocna : « On y accède grâce à des cars ou des minibus que la saline met à la disposition des visiteurs. Le trajet, qui suit un plan incliné, en spirale, compte plus de 3 km. La différence de niveau entre l’entrée et le neuvième étage souterrain est de 136 mètres. Inédit, détente, santé et découverte, voilà ce que nous proposons à nos visiteurs. Le traitement des maladies de l’appareil respiratoire y est très efficace grâce à l’effet bénéfique des aérosols. Côté loisirs, je mentionnerais les aires de jeux pour les enfants, équipées de balançoires, toboggans, la possibilité de jouer au billard, au basket, au tennis ou au badminton. Nous avons aussi un musée du sel ; les objets exposés évoquent les débuts de l’exploitation du gisement de sel à Târgu Ocna. Je ne saurais oublier de mentionner le lac souterrain à l’eau salée et ses jets d’eau. Enfin, le touriste peut entrer dans le magasin de souvenirs ou bien siroter un thé ou un café sur une terrasse, aux tréfonds de la montagne de sel. »


    Quiconque découvre cet univers souterrain ne manquera pas d’y revenir, affirme Carmen Maria Ţintaru : « Au début, nous avons eu des visiteurs de Roumanie, qui ont découvert ce merveilleux coin de pays et de nature. Ensuite, nous avons reçu la visite de touristes étrangers dont Anglais, Français, citoyens de l’ex-URSS, Américains, Chinois, Japonais. Nous leur réservons un accueil chaleureux et leur fournissons des détails sur l’exploitation du sel à Târgu Ocna et sur le potentiel touristique de notre contrée. »


    Le monastère de Măgura Ocnei compte lui aussi parmi les attractions touristiques de la zone. Erigé entre 1750 et 1757, il a également abrité un complexe touristique. Après l’époque communiste, durant laquelle la vie monastique avait été mise entre parenthèses, le monastère allait recouvrer sa vocation. L’actuelle église du monastère a été bâtie par les soins d’Epifanie Bulancea, archimandrite et supérieur de cette sainte demeure : « Les travaux ont démarré en 1991 et duré deux ans. La saline de Târgu Ocna nous a beaucoup aidés, nous mettant à disposition les outillages. Plus tard, lorsqu’il a été question de dresser une église creusée dans le sel, au cœur de la mine, ils m’ont désigné comme architecte. En 1993, nous avons achevé la construction de l’église du monastère, dont on a par la suite réalisé la peinture entre 1993 et 1997. Il a fallu construire des cellules pour les quelque cent nonnes qui y étaient arrivées entre temps. Les gens ont ardemment souhaité avoir cette église. »


    Réalisée à l’huile, suivant la technique de la fresque, la peinture murale de cette église n’est pas sans attirer l’attention. Le cadre naturel, soit une forêt épaisse, à 550 mètres d’altitude, rajoute au charme envoûtant des lieux. (trad.: Mariana Tudose)

  • Musique dans les salines de Roumanie

    Musique dans les salines de Roumanie


    Les mines de sel de Roumanie sont des espaces spectaculaires, privilégiés par les touristes. C’est une des raisons qui font qu’elles soient souvent transformées en salles de concert.


    Ainsi, par exemple, en août de l’année dernière, Radio România Cultural (Radio Roumanie Culture), une des stations du bouquet Radio România (Radio Roumanie), a fait appel aux trois jeunes musiciens talentueux du trio « Icon Arts » et imaginé la tournée « Romania Underground — Musique dans les salines de Roumanie » – cinq concerts, en l’espace d’une semaine. C’est le journaliste Sebastian Crăciun, coordonnateur du projet, qui en raconte le « making of » :« Nous avons déroulé pendant deux ans une tournée intitulée Musique dans les palais de Roumanie” ; un jour, quand je rentrais de Cluj, je me suis arrêté en touriste dans la ville de Turda. C’est là que j’ai vu un amphithéâtre créé spécialement à l’intérieur de la mine de sel pour accueillir des spectacles musicaux ; l’idée m’est ainsi venue d’appeler la tournée suivante « Romania Underground — Musique dans les salines de Roumanie », mais malheureusement c’est justement la ville de Turda qui n’est pas incluse dans l’itinéraire de cette tournée. J’ai découvert que la Société nationale du sel détient six mines ouvertes aux visites, des endroits spectaculaires, très différents les uns des autres, qu’il ne faut absolument pas rater. Slănic Prahova, la plus connue, impressionne par ses salles extrêmement larges; Cacica a une Salle de bal cachée à plus de 200 m de profondeur; Praid est équipée des installations les plus modernes, on y trouve des aires de loisirs et même une église; Târgu Ocna, près de Bacău, est une mine où on descend en bus plusieurs centaines de mètres dans le souterrain; la mine d’Ocnele Mari, près de Râmnicu Vâlcea, est très moderne, avec des restaurants, des aires de jeux, des terrains de basket, de tennis et de football, ainsi que la plus grande église souterraine de Roumanie. C’est le concert d’Ocnele Mari qui m’a paru le plus réussi, parce que là, nos amphitryons nous ont aidés avec la sono ; voyez-vous, le sel retient les sons et les espaces très larges n’aident pas non plus. Le seul endroit avec une acoustique naturelle a été la Salle de bal de Cacica. »


    Le ‘Icon Arts Trio’ est formé du violoniste Simon Csongor, du violiste Bogdan Eugen Cristea et de la violoncelliste Csilla Kecskes Aved, trois artistes récompensés dans des compétitions internationales et qui aujourd’hui se perfectionnent respectivement à l’Académie Gheorghe Dima de Cluj, à l’Université d’Arts de Zurich et à l’Académie de Musique de Hambourg. A l’affiche de la tournée, des créations de Telemann, Schubert, Mozart, Compagnoli, Swan Hannessy, Vladimir Cosma. Sebastian Crăciun explique : « Nous avons pensé à cette inconnue qu’est le public formé de vacanciers. Nous avons donc choisi un programme avec beaucoup de miniatures musicales, plus léger, plus dynamique aussi, pour un public qui pourrait assister pour la première à un tel concert. »


    Le violoncelliste Răzvan Suma, un des musiciens roumains les plus présents sur les scènes de concert, a donné lui aussi un récital dans la mine d’Ocnele Mari, l’année dernière, dans le cadre de sa tournée ‘Aimez-vous Bach ?’ « Ça a été extraordinaire, dans une ambiance très détendue. Je ne peux pas dire que je m’étais senti comme dans une salle de concert, mais la sensation a été fantastique, parce que près de moi des gens jouaient au foot, un peu plus loin d’autres jouaient au basket, on entendait même quelques enfants crier de temps en temps. A un moment donné, les organisateurs ont pris l’initiative d’arrêter le match de foot, mais je les ai dissuadés en leur disant que si ce n’était pas pour le concert, j’aurais joué moi aussi. J’ai l’habitude de faire de la musique dans des lieux non conventionnels, surprenants. Je suis allé, par exemple, dans des lycées où on ne faisait pas de musique, ou bien sur des scènes ad hoc où la musique classique n’avait jamais résonné ; avec le Trio, nous avons vécu des expériences bien moins agréables qu’une mine de sel. Ceux qui descendent dans un tel endroit sont des touristes. Il ne faut pas les obliger à s’y tenir tranquilles, à perdre pratiquement l’endroit pour lequel ils sont venus en fait. Certes, il y a eu aussi des personnes venues spécialement pour le concert, mais j’ai beaucoup apprécié que le nombre de spectateurs s’est fortement accru après le début du concert. Il y en avait même qui sont restés debout tout le temps, il y en avait même des enfants qui écoutaient très attentivement. »


    Răzvan Suma possède un violoncelle construit en 1849 par le luthier Maucotel et qui lui a été offert par la Fondation Musicha de Saint-Sébastian, en Espagne.


    Les mines de sel de Roumanie ne résonnent pas que de la musique classique. Ces espaces ont attiré d’autres genres aussi, par exemple le célèbre maître de la flûte de Pan Gheorghe Zamfir qui a donné un concert de musique sacrée, ou encore le groupe rock Byron qui a enregistré intégralement un concert. Enfin, la mine de sel de Turda a accueilli des participants au festival international « Transilvania Jazz Festival ». (trad. : Ileana Taroi)

  • L’Europe menacée par la pauvreté

    L’Europe menacée par la pauvreté


    « La crise économique a effacé tous les progrès accomplis en matière de lutte contre le chômage » peut-on lire dans un récent rapport présenté par le commissaire européen à l’Emploi et aux Affaires sociales László Andor. Ce dernier considère que 2012 a été une année particulièrement difficile pour l’Europe, frappée par un taux de chômage jamais atteint ces 20 dernières années.


    Ainsi, le risque de pauvreté s’accroît et la situation sociale continue de se dégrader. Les statistiques relèvent qu’à l’heure actuelle, quelque 19 millions de personnes sont touchées par le chômage dans la zone euro. Les revenus et les salaires sont en chute libre, ce qui fait que le risque de pauvreté et d’exclusion sociale frappe de plus en plus de personnes. Parmi les catégories les plus défavorisées, notons les jeunes, les femmes sans emploi et les mères célibataires. Si avant le début de la crise, le taux de chômage s’élevait à 7,1% dans l’UE, à présent, il est monté à presque 11%. Un grand écart s’est creusé entre le nord et le sud du vieux continent.


    Pour des détails, passons le micro à l’expert financier, Constantin Rudniţchi: « Ces 4 dernières années, donc depuis 2008, l’Europe a perdu quelque 5 millions d’emplois. Un chiffre qui prouve à quel point la situation du marché est compliquée. Plusieurs pays européens s’efforcent de trouver des solutions afin d’entraîner une baisse des charges sociales, surtout que leur poids s’élève souvent à 40% du revenu total d’un salarié, tandis qu’aux Etats-Unis, au Japon ou au Canada, les charges ne représentent que 30% du salaire. Du coup, tous les Etats membres de l’UE, la Roumanie comprise, se proposent un allégement de la fiscalité salariale. Malheureusement, peu d’entre eux y parviennent ».


    La pauvreté touche un ménage sur 5 en Bulgarie, Grèce, Hongrie, Lettonie et Roumanie, ainsi qu’à Chypre, tandis que les statistiques mettent en évidence une baisse sévère des revenus dans la moitié des pays de l’UE. Pourtant, la situation est nettement meilleure dans le nord de l’Europe ou encore dans des pays tels l’Allemagne, la France et la Pologne, où les salaires ont enregistré une courbe ascendante.


    Responsable de la coupe dans les aides sociales pour des millions de personnes, la crise a pleinement contribué à creuser l’écart entre les grands contributeurs de l’UE et le reste des Etats membres. « La plupart des systèmes d’assistance sociale ont perdu de leur capacité de mettre les budgets familiaux à l’abri des effets de la crise », a précisé le commissaire européen LászlóAndor. Selon l’officiel, une amélioration des systèmes d’assistance sociale serait à même d’accroître la résistance au choc économique, en facilitant la sortie de la crise. D’ailleurs, les responsables européens déploient des efforts en ce sens, la création d’une union monétaire plus efficace figurant parmi les mesures qu’ils ont avancées.


    Le premier ministre britannique David Cameron a récemment menacé de bloquer la modification du traité visant la création de cette union si les partenaires communautaires n’acceptent pas les changements demandés par le Royaume Uni aussi, visant un partenariat plus léger avec l’UE. « Ce qui se passe à l’heure actuelle en Europe est un changement majeur. Les pays de la zone euro doivent changer pour que la monnaie unique puisse fonctionner. Ils doivent mieux s’intégrer. Dans le monde, l’union monétaire n’existe pas sans union bancaire et fiscale. Ce changement implique une modification de la nature de l’organisation et c’est pourquoi nous demandons certains changements pour nous aussi », a affirmé David Cameron. La Grande Bretagne peut utiliser son droit de veto afin de rejeter les modifications nécessaires pour réaliser la supervision bancaire et des déficits, vu que tout changement dans le traité nécessite l’accord de chacun des membres de l’UE. Par ailleurs, selon des sources européennes, la nécessité de modifier le traité n’est toujours pas évidente. Ce qui plus est, même en cas d’opposition du Royaume Uni, les Européens peuvent toujours faire appel aux accords intergouvernementaux. Ce genre de dissensions ne fait que remettre sur le tapis des sujets plus anciens.


    Constantin Rudniţchi : « Il existe parmi les Européens un dilemme qui caractérise cette année. Il s’agit en fait de choisir entre plus ou moins d’Union européenne. C’est ce qu’on entend dans les chancelleries européennes et non seulement – parfois même parmi les simples citoyens. L’Europe est actuellement au tournant de son histoire. Normalement, les valeurs et la logique communautaire coïncident avec une intégration plus approfondie de l’UE, donc plus d’Europe. Marché unique, ça veut dire libre circulation des marchandises et des services, des capitaux et de la main d’œuvre. Toutefois, la crise a fait que toute une série d’Etats et même de régions aient des opinions divergentes à ce sujet, ce qui explique en fait l’élaboration de toute une série d’amendements. Le plus célèbre est celui de cet adulte terrible de l’UE qu’est la Grande Bretagne, qui ne fait même pas partie du pacte fiscal et qui émet toute une série d’observations aux initiatives de l’Europe visant une intégration plus forte », conclut Constantin Rudniţchi.(trad.: Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)

  • Iv le naïf – le poète invisible

    Iv le naïf – le poète invisible


    Il existe un poète contemporain qui publie même ses brouillons sur un site visité par pas moins de 20 mille personnes chaque mois. Il se présente : «Iv le naïf », parce que c’est la naïveté qui le caractérise le plus. Sa poésie a commencé par des petits billets mis sur le frigo ou par des textes d’amour envoyés à sa chérie de l’époque. C’est elle qui a conseillé à Iv de faire connaître ses poèmes à un public plus large, et cela même si au début, il ne le souhaitait pas : « Elle m’a dit que ces choses-là étaient très belles et qu’elles méritaient d’êtres connues par d’autres personnes aussi. J’étais assez sceptique, j’ai dit que cela relevait de l’intimité d’un couple et je n’étais pas très sûr que les choses que je lui disais auraient pu intéresser quelqu’un d’autre. Finalement, suite à ses demandes insistantes, j’ai ouvert un blog. »


    Au début, celui-ci n’avait qu’une dizaine de visiteurs, mais par la suite, ils sont devenus de plus en plus nombreux à lire les textos de la personne qui portait avec soi un brin de naïveté.


    Les pensées que l’auteur portait avec lui depuis des années ou peut-être depuis quelques minutes, mais aussi les petits flirts et les vérités cachées derrière ses blagues ont eu du succès parmi ses lecteurs. Ecoutons Iv réciter une de ses poésies : « J’ai grand besoin de ne pas te connaître / Je ne veux pas savoir quelle musique tu écoutes / je ne veux pas connaître le nom de ton lycée / Je ne veux pas que tu me dises comment tu t’appelles / Je ne veux pas t’entendre remplir ma couverture piquée de ton souffle / ni comprendre les divergences entre tes deux seins, / ni les volutes de tes sourcils inégalement arqués. / Ne me fais pas de clins d’œil, s’il te plaît / je pourrais brusquement tout comprendre sur toi / n’enlève pas ton maquillage, ne défais pas tes cheveux / ne me montre pas les taches de rousseur sur tes épaules / ne te chatouille pas, ne rougis pas, ne sois pas molle et tiède / ne t’endors pas sur mes genoux / je ne veux pas savoir comment tu dors / je veux pouvoir m’éprendre de toi à nouveau demain ».


    Il dit qu’il ne sait même pas s’il est poète ou non, il a éludé, d’une certaine façon, la critique littéraire, bien qu’il sache que c’est aux critiques de valider la valeur d’une oeuvre. Il a brûlé cette étape et s’est jeté directement dans la mer, dans les griffes des lecteurs. « Je ne suis pas un technicien de la poésie, en fait je ne sais pas si je suis ou non poète. Je suis quelqu’un qui observe certaines choses chez les autres, pour leur appliquer ensuite sa propre grille et les faire passer par sa propre sensibilité, afin de les redonner aux gens. C’est pourquoi ils se réjouissent et s’y reconnaissent et font réverbérer les mots. Ils vibrent, parce que tout ce que je fais vient en fait d’eux. Des fois, les gens trouvent mes vers surprenants; la fin de mes poèmes ou ce qui se passe dans la ligne suivante les étonne. »


    Oana Velant est l’éditeur qui a parié sur Iv. Elle a sorti deux livres magnifiquement illustrés par Valentin Petridean, ami et « coéquipier » d’Iv. Les deux mille exemplaires de recueil « Versez » (Je rime), le premier livre du poète invisible, se sont vendus beaucoup plus vite que l’on ne s’y attendait. Le tirage du deuxième livre, « Uibesc » (J’iame) — récemment sorti dans les librairies est en train de s’épuiser. Le choix de Oana Velant est surprenant. D’où lui est venu le courage de publier les vers d’un personnage fictif? Oana dit que cela a été plutôt une décision émotionnelle. « Nous l’avons rencontré sur Facebook, tout simplement; sa façon d’écrire, son style optimiste et son ton badin nous ont beaucoup plu. Il nous a semblé être une voix à part dans la poésie roumaine contemporaine. Moi, du moins, je ne connais personne qui écrive de la sorte et qui réussisse à attirer autour de lui toute une communauté, gagner un si grand nombre de fans et se réjouir en écrivant. C’est une qualité incroyable: il réussit à réunir tous ce gens et les rendre heureux chaque jour. Pour la critique roumaine, Iv le Naïf est une voix bizarre. Nous sommes habitués à la poésie tirant son origine des tragédies, des problèmes, des tristesses, de la mélancolie. Chez Iv, elle prend sa source dans une zone beaucoup plus lumineuse. Et ils sont nombreux, les critiques ne savent pas où le classer. »


    Il est vrai que tout le monde connaît Iv. Les femmes disent qu’il est leur dose quotidienne de naïveté. « J’ai entendu pour la première fois parler d’Iv le Naïf l’année dernière chez une amie, qui était heureuse d’avoir enfin découvert un poète contemporain à son goût. A présent j’ai même un poème préféré: Avant d’aller au lit”. Son nouveau livre, je n’ai pas encore pu l’acheter, mais il est sur la liste. »


    Pour les hommes, Iv est quelqu’un dont ils ne peuvent pas se défaire. « Iv le Naïf… Oui, ma femme me montre chaque jour des poèmes de lui. Son site est très bon comme source d’inspiration pour les ingénieries en expression verbale. »


    On dirait que, 3 ans après le lancement de son premier livre, Iv peut se réjouir des fruits de sa notoriété. Pourtant, il ne se montre même pas à ses lancements de livre fabuleux. « Ces soirées-là ne sont pas pour moi — dit le poète invisible — elles sont pour le public. J’y envoie Vali ». Vali Petridean dit que, lors du lancement du premier livre de son ami, il ne s’est pas rendu compte de l’ampleur du phénomène « Iv le Naïf », mais il s’est senti comme le détenteur d’un grand secret. « Je me suis rendu compte que je connaissais Zorro. J’étais le seul à le connaître, le seul qui pouvait savoir combien les gens se trompaient et combien ils avaient raison quand ils parlaient d’Iv. Ils parlent de la personnalité d’ Iv en ligne et je pense qu’ils la perçoivent à leur gré, ils se l’imaginent exactement comme il la souhaitent et ils ont raison. »


    Pourquoi Iv ne vient-il jamais au lancement de ses propres volumes, pourquoi choisit-il de rester anonyme et de ne pas avoir l’occasion de donner des autographes à ses fans, hommes et surtout femmes ? « Une des raisons pour lesquelles je ne veux pas publier sous mon nom réel et pour laquelle j’aimerais rester un personnage fictif, c’est exactement mon désir de fuir la célébrité. A mon sens, la célébrité implique de bonnes choses, mais aussi certains aspects moins beaux, qui déforment les gens. Et moi, je ne veux pas qu’elle me déforme, je veux rester le même. J’incite les gens à lire ce que je fais, à ne se demander que très peu qui je suis et à se réjouir de ce que je fais. « C’est l’œuvre qui compte et non pas l’auteur », disait le grand critique littéraire roumain Titu Maiorescu et je crois fortement en ce raisonnement. »


    Ivcelnaiv.ro, c’est le site où vous vous pouvez abonner à une dose quotidienne de poésie très sympa. Connectez-vous donc au blog d’Iv et vous allez recevoir un message dont le titre est « Heureux que tu te sois abonné » et dans lequel Iv le naïf écrit : « Tu verras, tout ira bien / parce que tu t’es abonné ».


    (Trad. : Alex Diaconescu, Dominique)

  • Annonces et sites de rencontre

    Annonces et sites de rencontre


    En temps de crise — et non seulement -, dans un monde où de plus en plus le temps nous échappe, on peut se demander si dans nos programmes si chargés il y a encore de la place pour les rencontres sentimentales. La réponse est affirmative. Pour cela, on a toujours le temps — et, même plus que jamais, dirait-on, à en juger d’après le succès des agences et des sites de rencontres. C’est comme si, pour eux, la récession économique n’existait pas. Ainsi, en 2010, lorsque la crise battait son plein, un nouveau système de rencontres romantiques a été introduit en Roumanie : le speed-dating(rencontres rapides ou express).



    Simona State, fondatrice de la première agence de ce genre en Roumanie, explique: « Ce sont des rencontres auxquelles sont invités — en nombre égal — des jeunes gens et de jeunes femmes. Ils se parlent pendant 7 minutes, au bout desquelles ils décident s’ils souhaitent se rencontrer de nouveau, s’ils se trouvent sympathiques et veulent échanger leurs numéros de téléphone et adresses par notre intermédiaire. Cela peut sembler difficile, au premier abord. Pourtant, il a été scientifiquement prouvé qu’il suffit de 30 secondes pour se faire une idée d’une personne que l’on rencontre pour la première fois. Et pour se rendre compte si on souhaite la rencontrer de nouveau, on n’a pas besoin de plus de 7 minutes. Il ne s’agit pas d’entamer tout de suite une relation ».







    D’ailleurs, Simona State ne se considère pas la patronne d’une agence de rencontres, mais plutôt d’un réseau social offline. Les gens arrivent à se connaître, à s’amuser, à lier des amitiés et peut-être même des relations amoureuses. Une centaine de relations nouées et un mariage conclu — c’est le bilan de cette agence de rencontres express. La moyenne d’âge des clients est de 35 ans. Pourtant, à cette modalité ont recours aussi bien des jeunes ayant à peine dépassé la vingtaine que des personnes de plus de 55 ans. Les rencontres ont lieu dans deux cafés du centre historique de la ville de Bucarest. Pour ceux qui s’y rendent, la vitesse de déroulement de ces rencontres n’a rien d’étonnant, car ils sont tous des gens dont le programme est très chargé et qui sont donc habitués à tout faire vite.


    Simona State : « Il y a évidemment aussi des personnes timides, pourtant la plupart de nos clients sont des gens très dynamiques et bien ancrés dans la vie professionnelle. Or, le plus souvent ils décident très vite qu’il est plus facile pour eux de rencontrer quelqu’un par notre intermédiaire. Nous organisons ces rencontres après avoir opéré une sélection, en fonction de certains critères. Les gens s’y rendent à un certain moment de la journée et rencontrent d’autres personnes dans un laps de temps très bref. Ceux qui sont très occupés — et ils en sont nombreux — économisent ainsi beaucoup de temps ».


    A noter également l’apparition des agences de rencontre spécialisées dans le milieu corporatiste. Dans ce cas, les clients sont des employés des compagnies multinationales, donc des personnes qui partagent les mêmes habitudes, mécontentements et aspirations. Bien qu’ils passent beaucoup de temps au travail, ces gens-là préfèrent le contact direct par le biais des rencontres express à celui virtuel.


    Simona State précise: «Nous amenons les gens ensemble. C’est là notre principal objectif. Les critères permettent une compatibilité minime entre les gens que nous mettons en contact. Les rencontres sont face à face, et non pas virtuelles. En Roumanie, pendant pas mal d’années, on privilégiait les rencontres en ligne sur certains sites. A présent, on ressent le besoin des rencontres directes, vu que les gens passent beaucoup de temps au bureau ou chez eux, sur Facebook. La communication authentique fait défaut. C’est cet aspect que nous avons voulu changer, en facilitant l’interaction réelle. Ce type de rencontre tout à fait naturelle commence à gagner du terrain ».


    Malgré la nouveauté du concept des rencontres express, les sociétés qui le mettent en place ne ressentent pas les effets de la crise. Il en va de même aussi pour les agences de rencontres classiques qui se portent elles aussi plutôt bien. Daniela Bogdan, directrice d’une agence de rencontres estime que malgré les rendez-vous échoués, les gens n’abandonnent pas la recherche de l’âme sœur: « Peu de personnes réussissent du premier coup. Beaucoup de gens ont besoin de deux, trois relations avant de trouver la personne qu’il leur faut. En fait, toutes ces expériences sont un excellent exercice quand il s’agit de connaître les gens. C’est grâce à elles que nous évoluons. Il s’agit d’une vie à vivre ensemble, mais pas mal de fois, les gens se trompent et ont donc besoin de refaire leur vie. Une agence donne la possibilité aux gens de faire la connaissance du partenaire idéal. Et la vie n’est pas toujours très généreuse de ce point de vue. Métro boulot dodo — nous ne donne pas la chance d’entrer en relation avec beaucoup de personnes » .


    Bien qu’Internet s’avère très utile, Daniela Bogdan encourage les rencontres directes : « Nous nous proposons d’amener les gens face à face, car parfois un regard vaut mille mots. On organise le rendez-vous au moment où les deux personnes en question ont témoigné de l’intérêt pour le profil de l’autre. Ce sont eux qui ont fait la sélection. Les mettre en contact direct c’est plus important que de perdre du temps sur les réseaux de socialisation. C’est beaucoup plus simple de choisir quelqu’un avec qui vous avez sympathisé d’emblée, dès la vue de sa photo, ou encore après avoir lu ce qu’il a écrit sur lui-même, sur ses aspirations ».


    Bref, bien qu’il facilite le choix du partenaire idéal, Internet ne peut pas remplacer l’approche réelle et l’intimité. (trad.: Alexandra Pop, Dominique)