Category: Chroniques hebdomadaires

  • Un nouveau mandat de Donald Trump à la Maison Blanche

    Un nouveau mandat de Donald Trump à la Maison Blanche

    Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche pour son second mandat a été suivi de près par les analystes friands de comprendre le nouveau cours que prendra la politique américaine. Une politique annoncée par le slogan « Let’s make America great again », tel qu’avait été le début du discours d’investiture de Donald Trump. Et, en effet, ses partisans tout comme ses détracteurs n’ont pas eu à attendre longtemps. Au-delà de la lutte contre l’inflation et des engagements en matière de défense, le président américain a signé un décret compliquant les démarches administratives pour les personnes transgenres et non-binaires en les empêchant d’accéder à la transition de genre hormonale. Un autre texte ordonne la fin de tout programme de diversité et d’inclusion au sein du gouvernement fédéral. Pour lutter contre l’immigration illégale, le président a signé un ordre exécutif qui prévoit le déploiement de 1 500 militaires supplémentaires à la frontière avec le Mexique, une mesure qui fait suite à des décisions prises juste après son investiture, dont la déclaration d’un état d’urgence à la frontière sud des Etats-Unis. Dans la même veine, dorénavant, la nationalité américaine ne sera plus octroyée automatiquement aux enfants nés sur le sol américain, en étant exclus les enfants issus des parents illégaux. Enfin, pour protéger l’industrie américaine, Donald Trump a dès le début de son mandat lancé une analyse des partenariats commerciaux avec ses voisins, menaçant le Canada et le Mexique des droits de douane de 25% à partir du 1er février. Au niveau international, les Etats-Unis se sont retirés de l’OMS et, à nouveau, de l’Accord de Paris sur le climat. Des mesures qui font frissonner certains. Iulia Joja, professeur à l’Université Georgetown explique :

     

    « Trump entend semble-t-il vouloir redorer le blason américain, fut-ce en mettant à mal ses alliés et la politique étrangère et de sécurité internationale. Mais la vision de Trump est une vision transactionnelle, une vision du court terme qui vise à engranger des résultats pour la durée de son mandat présidentiel. A long terme en revanche, sa politique risque de coûter cher aux Etats-Unis. Mais Trump ne pense pas en ces termes. Malgré tout, il n’est pas sûr qu’à court terme, la politique de taxation des biens importés de Chine et d’autres pays qu’il entend mener ne fassent que des heureux. Car cela se traduira en vérité par une hausse des prix sur le marché américain. »

     

    En Europe, l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche augmente les craintes de voir les relations transatlantiques mises sous pression. Invité à s’exprimer à ce sujet au micro de Radio Roumanie, le chef de la diplomatie de Bucarest, Emil Hurezeanu, explique :

     

    « Il n’est pas exclu de constater un changement de perspective de la part des décideurs américains. Néanmoins, les intérêts géopolitiques des Etats-Unis ne peuvent ignorer le partage des valeurs et des intérêts que ce pays a avec ses alliés traditionnels que sont les Européens. Certes, il se puisse que le centre d’intérêt des Etats-Unis se déplace vers le Pacifique, vers la Chine. Mais cet espace économique puissant, riche de ses 400 millions d’habitants, que constitue l’UE, ne pourra pas être ignoré par les décideurs américains ».   

     

    Pour ce qui est de l’issue de la guerre en Ukraine qu’avait constitué un cheval de bataille pour la campagne présidentielle de Donald Trump, elle demeure toujours incertaine, selon le chef de la diplomatie de Bucarest :

     

    « L’issue de la guerre en Ukraine demeure encore et toujours incertaine. L’UE a aidé l’Ukraine avec plus de 150 milliards de dollars, les Etats-Unis ont fourni 180 milliards jusqu’à l’heure actuelle. Mais au-delà du coût financier, il existe une mise géopolitique, des intérêts à long terme, des intérêts vitaux pour les Etats-Unis. Car une éventuelle victoire de la Russie risquerait de rabattre les cartes aux niveaux régional et international d’une manière extrêmement dangereuse. Le président Trump a fait la promesse de conclure la paix. Il faudrait voir dans quelle mesure cette volonté se traduira dans les faits. Il a nommé pour l’instant un nouvel envoyé spécial pour l’Ukraine et la Russie, un général à la retraite qui dispose d’une expertise respectable et considérable en ce domaine et qui a depuis toujours eu à cœur de défendre les intérêts traditionnels des alliés occidentaux des Etats-Unis. Et puis, la diplomatie américaine demeure puissante et elle aura aussi son mot à dire à ce sujet, peu importe les changements opérés à sa tête ».   

     

    Quoi qu’il en soit, si dans son discours d’investiture Donald Trump a évité de mentionner les crises de sécurité actuelles, dont notamment les guerres d’Ukraine et du Moyen-Orient, il a annoncé la couleur de pacificateur et d’unificateur de son mandat. « Nous allons mesurer nos victoires non tant à l’aune des guerres que nous allons gagner que des traités de paix que nous allons conclure et, surtout, à l’aune des guerres que nous allons savoir éviter », a souligné Donald Trump. Un discours qui, fait notable, a fait également fi de la traditionnelle rivalité des Etats-Unis avec la Chine.

    (Trad. Ionut Jugureanu)

     

  • Le Pays de Făgăraș, entre nature et tradition.

    Le Pays de Făgăraș, entre nature et tradition.

    Une zone vaste et riche

     

    Les monts Făgăraș sont uniques en Europe. Ils se caractérisent par de vastes étendues de forêt ininterrompue habitées par une faune et une flore riches et diversifiées. C’est une région à l’histoire intéressante, où reliefs et cultures locales s’entremêlent, comme nous l’explique Victoria Donos, directrice de la communication et des communautés au sein de la Fondation Conservation Carpathia :

     

    Victoria Donos: « Géographiquement, elle s’étend sur une large bande. Si l’on se place dans l’axe est-ouest, elle mesure 82 kilomètres de long et entre 12 et 19 kilomètres de large. Cette zone englobe des régions situées dans les départements de Brasov et de Sibiu. Ses reliefs, les monts Făgăraș, sont impressionnants et abritent un vaste amphithéâtre qui s’ouvre vers le nord en direction de la plaine de l’Olt et du plateau de Hârtibaciu. C’est ici que se trouve la forteresse de Făgăraș, ainsi que d’anciens villages autrefois habités par les Saxons, une culture qui imprègne encore très fortement les populations locales, comme en témoignent les traditions de la région. C’est une zone vraiment unique qui mérite d’être parcourue et découverte. »

     

    Un musée d’art traditionnel à Mândra

     

    Première étape de notre voyage virtuel : le village de Mândra, dans lequel se trouve un lieu très particulier, le Musée de la broderie et des histoires :

    « Vous y apprendrez l’histoire du village, de l’émigration de cette communauté vers les États-Unis dans l’entre-deux-guerres et comment les gens sont revenus et ont construit des maisons avec l’argent qu’ils avaient gagné là-bas. Si vous voulez rencontrer les artisans, je vous conseille de vous arrêter chez Sorin Petrișor, dans le village d’Ucea. Il est très attaché aux vieilles coutumes. Sa maison est un musée vivant, où se déroulent des activités qui avaient lieu autrefois dans les maisons des paysans roumains, du tissage à la cuisson artisanale du pain. Elle dispose également d’un lieu gastronomique local, ce qui vous permet, si vous prenez rendez-vous, de déguster un repas traditionnel. Vous pouvez également poursuivre votre voyage jusqu’à Avrig, où une véritable rencontre est organisée chaque semaine à la bibliothèque. On les appelle les “șezătoare”, un nom provenant du verbe roumain signifiant “s’asseoir”. Il ne s’agit pas d’une mise en scène, contrairement à ce que l’on voit souvent dans les musées. Lors de cette réunion hebdomadaire, les femmes de cette communauté se réunissent pour travailler, fabriquer des objets à la main et raconter des histoires. Les choses se déroulent de façon très naturelle, les femmes se parent de leurs costumes traditionnels pour cette occasion. Ici aussi, à Avrig, vous pouvez rencontrer Adrian David, un maître artisan âgé de moins de 30 ans. Il est tombé amoureux de l’artisanat et a transformé une pièce de sa maison en musée. Il enseigne également l’artisanat populaire aux enfants qui viennent à l’école d’artisanat et des métiers du village. »

     

    Un festival qui célèbre les montagnes et les habitants de la zone 

     

    La zone du comté de Făgăraș ne représente qu’une partie d’une région, beaucoup plus vaste, autour des monts Făgăraș. Une région si fascinante qu’un festival lui est consacré chaque année. Le Făgăraș Fest est un festival des monts et des habitants de Făgăraș, comme nous l’explique Victoria Donos, directrice des communications et des communautés à la Fondation Conservation Carpathia :

     

    « Les cinq premières éditions du festival ont été organisées dans un autre village près des monts Fagaras. Cette année, nous voudrions arrêter notre choix sur une communauté qui accueillera le festival de manière permanente, car nous sommes persuadés que ce festival peut avoir un impact encore plus important, aussi bien social qu’économique. Il pourrait aussi devenir à son tour une tradition de la région de Făgăraș. Nous organisons un concours auquel 35 communautés des montagnes Făgăraș, de Argeș, Brasov, Sibiu et Valcea ont été invitées à participer. Cette semaine, nous évaluerons toutes les mairies ayant répondu à notre appel d’offres. Dans un premier temps, nous sélectionnerons les trois communautés que nous irons visiter. Il est en effet crucial de voir les lieux envisagés et proposés par chacune d’entre elles, mais aussi de mesurer le degré d’ouverture de la communauté locale au projet, de voir quelles sont les attractions touristiques de la région et de réfléchir à comment encourager les habitants à s’impliquer dans l’organisation du festival. »

     

    Les deux dernières éditions ont également accueilli des touristes étrangers qui ont apprécié, avant tout, la richesse des expériences offertes par le festival. Nature et culture étaient en effet au rendez-vous :

     

    « Ils ont été surpris de voir le nombre de visites guidées proposées. Par exemple, certaines portaient sur les oiseaux, sur les insectes, d’autres sur les chauves-souris, la forêt, la faune et la flore. Avec Salvamont, nous avons parcouru des sentiers dans la forêt et découvert des endroits magiques. Ensuite, certains ont fait l’expérience du camping, en logeant dans des tentes, ce que nous avons proposé l’année dernière à proximité du festival. D’autres ont séjourné dans des maisons d’hôtes locales, et certains ont même choisi d’être logés assez loin du site. Les logements étaient occupés dans un rayon de 50 kilomètres. Je me souviens avec quelle surprise et quel plaisir ils ont parlé des maisons d’hôtes qui préservaient l’esprit authentique des lieux. Par exemple, ils ont évoqué les maisons de Porumbacu, louant la qualité du petit déjeuner très bien préparé, s’extasiant devant l’artisanat local et évoquant la gentillesse des hôtes. Les interactions avec ces derniers sont en effet essentielles ».

     

    Visitez les chez maîtres artisans

     

    Un autre projet de la Fondation Conservation Carpathia consiste en la création de forfaits touristiques incluant différentes destinations dans le comté de Făgăraș et ses montagnes, comme nous l’a expliqué Victoria Donos, directrice des communications et des communautés de la Fondation :

     

    « Par exemple, Viorica Olivotto, d’Ușoara, coud main des vêtements traditionnels. Cette femme est un véritable joyau vivant. C’est une très bonne chose que les gens viennent faire sa connaissance. Nous vous recommandons chaudement d’assister aux ateliers qu’elle organise pour les touristes et, pourquoi pas, de laisser un petit quelque chose derrière vous pour que Viorica puisse continuer son activité en étant soutenue. Ensuite, dans le village de Lisa, se trouvent des chalets classés au patrimoine de l’UNESCO, où une famille perpétue une tradition vieille de plusieurs centaines d’années. Cet endroit magique vaut le détour ! »

     

    En conclusion, la région des monts Făgărașului reste une destination féerique, où traditions authentiques et paysages spectaculaires se mêlent harmonieusement. C’est l’endroit idéal pour ceux qui recherchent la tranquillité de la nature et le charme rural. Une destination à ne pas manquer, tout comme le festival qui y est organisé chaque année !

  • Cancer et style de vie

    Cancer et style de vie

    Des chiffres alarmants, notamment en Roumanie

     

    On parle souvent de décès dus à des cancers, et désormais l’on constate que le nombre de jeunes touchés en est de plus en plus important. Une étude analysant des statistiques du monde entier et portant sur 29 types de cancer montre qu’entre 1990 et 2019, l’incidence de cette maladie a augmenté d’environ 79 % chez les personnes âgées de 14 à 49 ans.

     

    Cette tendance à la hausse se vérifie également en Roumanie. En fait, la réalité nationale est brutale – le cancer est la deuxième cause de décès après les maladies cardiovasculaires : un décès sur six étant causé par un cancer. Dans l’Union européenne, la Roumanie occupe la première place en termes de mortalité liée au cancer, avec 48 % de décès en plus que la moyenne européenne et plus de 20 000 décès évitables chaque année.

     

    Comment expliquer cette hausse de cas de maladie chez les personnes en général et les jeunes en particulier ? Les causes sont multiples. L’une d’entre elles est le mode de vie, notamment la nutrition.

     

    Sédentarité, junkfood et écrans…

     

    C’est le champ de recherche du professeur Mircea Beuran, docteur en en chirurgie oncologique à l’hôpital de Floreasca de Bucarest :

    « La modification du mode de vie ! Nous l’observons aujourd’hui comme la partie émergée de l’iceberg, mais des études oncologiques ont montré que les changements sont apparus lentement après les années 1950, avec l’industrialisation, avec les changements du mode de vie dans les pays capitalistes, avec l’augmentation des pollutions, les changements de régime alimentaire, d’habitudes, etc. Tout cela, au fil du temps, sur fond de changements génétiques dont nous sommes tous porteurs, a créé un terrain fertile pour le développement de la maladie. Ce phénomène est analysé au niveau international – en Amérique, au Japon, en Europe… ce pic de cancers chez les jeunes est en augmentation. Je peux vous donner une ligne directrice, pas en m’appuyant sur des statistiques nationales mais sur notre expérience avec nos jeunes patients à l’hôpital Floreasca (de Bucarest). Nous avons constaté que le nombre de cancers du tube digestif, de l’œsophage, de l’estomac, du côlon, du rectum, de l’intestin grêle, des glandes annexes – foie et pancréas…. sont en augmentation. Chaque jour, la section de chirurgie de Floreasca a deux, trois, quatre cancers compliqués du côlon, du rectum…. Ils sont liés à de nombreux facteurs : la consommation de boissons gazeuses, de boissons énergisantes, d’alcool, le tabagisme, la sédentarité, le travail sous pression. Et puis il y a beaucoup de gens qui sont accros à l’activité sous rayonnement bleu, comme l’écran d’ordinateur, la tablette, le téléphone. Je peux vous dire que certains manquent de sommeil. Et ce n’est pas un aspect que nous voyons seulement chez les jeunes adultes, mais aussi chez les enfants, d’après les conversations que nous avons avec eux ».

     

    Selon le professeur Dr Mircea Beuran, le type de cancer le plus courant est le cancer colorectal, qu’il attribue à une mauvaise alimentation :

    « Je fais référence au fait qu’une grande partie de la nourriture que nous mangeons provient de produits ultra-transformés. Cette ultra-transformation ne fait rien d’autre que de charger ces aliments d’une multitude de choses nocives, qui ont trait à la coloration, à la conservation, à la particularité de l’odeur, etc… Tout cela constitue un surplus qui rend plus difficile l’activité de digestion et de neutralisation des toxines, et qui, jour après jour, ne peut que produire des changements au niveau cellulaire. Ces changements cellulaires, avec le temps, développent toutes sortes de tumeurs. Il faut manger des légumes et des fruits, le plus possible ! Et préparer soi-même à en manger ».

     

    Pour le docteur Beuran, le dernier repas de la journée devrait être pris vers 19h00. Et à la fin des repas, nous ne devrions pas nous lever de table immédiatement, afin de donner à l’organisme le repos dont il a besoin pour assimiler le bol alimentaire. Quant aux repas de nuit, ils sont à proscrire absolument.

     

    Sans oublier la consommation d’alcool !

     

    Et puis, le monde médical international est d’avis que les boissons alcoolisées devraient être étiquetées, comme le tabac, avec un avertissement sur le risque de cancer. Le professeur Mircea Beuran partage cet avis :

    « La consommation d’alcool, même en petites quantités, est associée à sept cancers. La consommation chronique d’alcool, même en petites quantités, modifie le comportement de l’organisme vis-à-vis de l’obésité. Et si l’alcool est associé au tabagisme et à un mode de vie sédentaire, il en résulte des changements très importants, à commencer par la cavité buccale. Ainsi, ces consommateurs chroniques d’alcool développent des cancers de la bouche, de l’œsophage, du pharynx, du larynx, des cancers du foie, des cancers colorectaux, des cancers du sein chez les femmes. L’alcool augmente le taux d’hormones, en particulier les œstrogènes et l’insuline. L’augmentation de l’hormone œstrogène est une cause du cancer du sein, et l’œstrogène et l’insuline, en tant qu’hormones, ne font rien d’autre que d’amener les cellules à se diviser, à se multiplier plus fréquemment, ce qui fait qu’à un moment donné, le corps ne peut plus contrôler cette division et elles peuvent se transformer en tumeurs cancéreuses ».

     

    En d’autres termes, faites attention à la quantité et à la qualité de ce que vous mangez ! Un mode de vie dangereux sur une longue période peut détruire notre santé et même notre vie. (trad. Clémence Lheureux)

  • 50 ans depuis la signature de l’Acte final d’Helsinki

    50 ans depuis la signature de l’Acte final d’Helsinki

    Une Europe divisée entre l’Est et l’Ouest

     

    A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les espoirs d’un retour à une époque de paix et de sécurité en Europe se sont brutalement achevé avec l’apparition du rideau de fer qui séparait, d’un côté l’Europe prospère et démocratique, de l’autre l’Europe écrasée par la dictature communiste. Deux mondes qui se faisaient face et qui se regardaient en chien de faïence, quand ils n’étaient prêts à s’empoigner ouvertement, comme ce fut le cas lors de la crise des missiles de Cuba de 1962.  Aussi, si les nations qui se trouvaient à l’Ouest pouvaient choisir librement leur avenir, il en allait tout autrement pour les nations qui se trouvaient à l’Est du rideau de fer qui séparait Berlin. Les révoltes anticommunistes d’Allemagne de l’Est et de Pologne de 1953, de Hongrie en 1956, de Tchécoslovaquie en 1968 ont été toutes réprimées dans le sang par les Soviétiques.

     

    Besoin de vivre dans la paix et la sécurité

     

    Avec le temps toutefois, les Européens, qu’ils viennent de l’Ouest ou de l’Est, commencent à ressentir le besoin de vivre dans la paix et dans la sécurité. L’ère de la détente entre les deux blocs semblait approcher. Une ère à laquelle la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) entendait donner corps. Tenue à Helsinki, dans la capitale de la Finlande, Etat neutre, située à cheval entre les deux blocs, la CSCE démarre au mois de juillet 1973. Cette première réunion sera suivie par une deuxième, tenue au mois de septembre de la même année, à Genève. Enfin, deux années plus tard, l’Acte final de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe sera signé à Helsinki, au mois d’août 1975 par 35 Etats, dont la quasi-totalité des Etats européens à l’exception de l’Albanie et Andorre, mais aussi par les Etats-Unis et le Canada, les membres non européens de l’OTAN. En bas du document, à l’endroit de la Roumanie, l’on distingue la signature de Nicolae Ceaușescu. Plus tard la CSCE constituera un modèle pour la détente Est/Ouest en Asie et dans d’autres parties du globe.

     

    Le diplomate et professeur des universités Cristian Diaconescu, ancien ministre des Affaires étrangères, explique en quoi la CSCE a représenté un tournant dans les relations Est/Ouest  :

    « Dès le début des années 70, les deux blocs entrent dans la logique de la détente. Les négociations préliminaires démarrent en 1972 et se poursuivent jusqu’à l’adoption de l’Acte final d’Helsinki, signé le 1er août 1975. Un Acte final qui couvre quatre domaines, signé par tous les Etats européens sauf l’Albanie, ainsi que par les Etats-Unis et le Canada ».   

     

    Le décalogue de la Conférence 

     

    Les 10 articles du traité, connus sous le nom du décalogue de la Conférence sont formulés ainsi : Égalité souveraine et respect des droits inhérents à la souveraineté ; Non-recours à la menace ou à l’emploi de la force ; Inviolabilité des frontières ; Intégrité territoriale des États ; Règlement pacifique des différends ; Non-intervention dans les affaires intérieures ; Respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, y compris la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction ; Égalité des droits des peuples et droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ; Coopération entre les États ; Exécution de bonne foi des obligations assumées conformément au droit international.

    Cristian Diaconescu résume les principes qui ont fondé l’Acte final d’Helsinki :

    « Cet Acte final couvre quatre domaines d’intérêt mutuel. Le premier se réfère au champ politico-militaire qui à trait aux aspects politiques et militaires d’évidence, ainsi qu’à l’inviolabilité des frontières, à la résolution pacifique des disputes et à l’accroissement des mesures vouées à augmenter la confiance et la sécurité réciproque entre les deux blocs. Le 2e domaine couvre les relations de coopération économique. Le 3e domaine prend en considération la dimension humanitaire des relations internationales, abordant les questions de migration, le droit à la réunification des familles qui vivent dans différents Etats, les échanges culturels, la liberté de la presse. Enfin, le dernier chapitre de l’accord met au point le mécanisme de suivi de l’accord. D’autres réunions de la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe seront organisées par la suite : à Belgrade en 1977 et 1978, à Madrid en 1980 et 1983, à Vienne en 1986 et 1989. En 1990, la CSCE deviendra la OSCE, soit l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, seule organisation multinationale de ce type. »   

     

    1995 : l’OSCE devient une organisation permanente 

     

    Après 1990 et les révolutions qui ont balayé les régimes communistes en Europe de l’Est, l’OSCE deviendra, à partir de 1995 une organisation permanente et retrouvera de nouveaux rôles et de nouvelles valences.

     

    Cristian Diaconescu : « Vous savez, dans le document signé lors de la conférence de Vienne, l’on aborde justement la question des mesures censées accroitre la sécurité et la confiance réciproques. Ce document prévoit notamment l’obligation de notifier au préalable les activités militaires qui pourraient constituer ou être perçues comme une menace pour les autres signataires de l’accord. »   

     

    A partir des années 1970, les Européens ont su se doter d’un mécanisme censé garantir leur architecture de sécurité. La dissolution de la Yougoslavie, la séparation de la Tchéquie et de la Slovaquie ont mis à rude épreuve les principes fondateurs de l’Acte final d’Helsinki. Malgré tout, ce dernier est longtemps demeuré un repère quant à la possibilité de la coexistence pacifique de deux blocs d’Etats antagonistes.    (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Dan Barbilian/ Ion Barbu – mathématicien et poète de renom

    Dan Barbilian/ Ion Barbu – mathématicien et poète de renom

    Elles ne sont pas nombreuses, les personnalités capables de se hisser aux plus hauts niveaux de création ou de performance dans des domaines différents et même apparemment opposés. Le mathématicien et poète Dan Barbilian / Ion Barbu en fut une de ces personnalités, qui est entré dans l’histoire de ses deux passions, les mathématiques et la poésie. Le mathématicien Dan Barbilian et en même temps le poète Ion Barbu est né avec un talent unique pour les sciences mathématiques et pour l’art poétique, mais il a dû travailler dur pour mettre en valeur ce talent.

     

    Naissance d’un génie des sciences et de la littérature

     

    Dan Barbilian a vu le jour en 1895 dans la petite ville de Câmpulung Muscel, dans une famille de magistrats, et il est décédé en 1961 à Bucarest. Sa passion pour les mathématiques se manifeste dès les premières années d’école et durant les années de lycée il commence à collaborer à la revue « Gazeta Matematica », dans les pages de laquelle se sont exprimées les vocations des plus importants mathématiciens roumains. C’est également à cette époque que se manifeste sa passion pour la poésie, mais ses débuts littéraires se produiront plus tard, en 1919, dans la revue « Sburătorul ». Dan Barbilian a étudié les mathématiques d’abord en Roumanie, à l’Université de Bucarest, et ensuite, après la fin de la première guerre mondiale, il continue ses études entre 1921 et 1924, en Allemagne, à Göttingen, Tübingen et Berlin. En 1929, il obtient son doctorat en mathématiques sous la coordination de son professeur de Bucarest, le mathématicien Gheorghe Țițeica, et déroule une intense activité scientifique, y compris des participations à des congrès internationaux. A la Faculté des Sciences de Bucarest, il enseigne l’algèbre, la géométrie, la théorie des nombres, la théorie des groupes, l’axiomatique. Il donne aussi des cours à des universités de l’espace germanophone. Une procédure concernant  les espaces métriques sera appelée « les espaces de Barbilian » et une autre contribution ouvrira la voie de la recherche dans la géométrie des anneaux. Il compte aussi parmi les fondateurs de la standardisation de la géométrie algébrique.

     

    Opportunités  éducationnelles pour un jeune talentueux

     

    Le mathématicien et écrivain Bogdan Suceavă a remarqué les opportunités éducationnelles dont un jeune aussi talentueux que Dan Barbilian avait bénéficié dans une Roumanie en train de se construire selon des modèles européens :

    « Dan Barbilian a gagné le concours organisé par Gazeta matematică en 1912 et, chose très intéressante, j’en ai trouvé une mention dans la base de données de l’American Mathematical Society. Il faut vraiment que ce soit quelqu’un d’important pour que le nom y soit mentionné en lien avec un certain chapitre des mathématiques. Barbilian est en lien avec le 51C05, la géométrie des anneaux. Il a introduit les espaces qui portent son nom en 1934, mais au début il a tout simplement été un gagnant du concours de la Gazeta matematică, en 1912. Il a ensuite étudié à Göttingen avec David Hilbert, Emmy Noether, Edmund Landau, et il a laissé une œuvre littéraire intéressante dans la littérature roumaine. Il a eu des contributions importantes dans le domaine de l’algèbre, en 1943 il publie une approche axiomatique de la mécanique, qui est passée un peu sous les radars. Après son entraînement de départ autour de la “Gazeta matematică”, il s’est avéré en fin de compte un créateur de mathématiques du plus haut niveau. »

     

    Pendant tout ce temps, le mathématicien Dan Barbilian écrivait de la poésie sous le nom de plume Ion Barbu, une anagramme de son nom de famille. En tant que poète, il s’est approché du critique littéraire Eugen Lovinescu et de son cénacle « Sburătorul ». Un autre critique littéraire, Tudor Vianu, qui s’est lié d’amitié avec Barbu durant leurs années de lycée, consacre un volume à l’analyse de la poésie du mathématicien. Selon Vianu, la création poétique d’Ion Barbu connaît plusieurs période: d’abord, jusqu’en 1925, celle dite « parnassienne » inspirée par la poésie parnassienne française ; ensuite la période de la ballade orientale, inspirée d’auteurs roumains tels qu’Anton Pann ou des textes qui parlent du personnage Nastratin Hogea ; enfin, la période hermétique, appelée ainsi par ses exégètes à cause de la codification des significations poétiques employées par Ion Barbu. De nos jours, deux des poèmes écrits par Barbu ont une notoriété particulière ; il s’agit de « Riga Crypto și lapona Enigel » et « După melci », ce dernier ayant été mis en musique par le chanteur-compositeur Nicu Alifantis en 1979.

     

    Souvenirs de jeunesse

     

    La lecture des notes de Dan Barbilian a fait découvrir à Bogdan Suceavă une description littéraire d’un grand effet des souvenirs du mathématicien et poète :

    « Dans les années 1950, il écrivait ceci à propos du concours de 1912: <Le problème porte l’empreinte d’Ion Banciu, membre de la commission d’algèbre, cher et inoubliable grand professeur.> Barbilian laisse parler ses sentiments, quand il en a envie. <A part mon père, ai-je rencontré quelqu’un d’autre qui croie en moi et qui m’aide autant? Țițeica ne possédait ni l’élan, ni la chaleur humaine, ni la générosité de Banciu. Je veux rester l’élève de Banciu et ensuite de Felix Klein et de Richard Dedekind, et d’aucun autre.> Là il est quelque peu injuste, car Țițeica l’a massivement aidé, mais je crois qu’il n’était pas très tendre avec lui. Il lui imposait des délais et Barbilian n’aimait pas du tout ça, je pense. Il n’aurait pas pu se conformer aux deadlines. <Qu’est-ce que j’ai pu écrire dans mon épreuve? La très bonne appréciation de Țițeica pour l’algèbre m’a étonné. M’en suis-je sorti avec tous ces calculs numériques? Si le détail de l’épreuve écrite m’échappe, je retrouve l’atmosphère de cette salle poussiéreuse de l’Ecole des Ponts et chaussées, ainsi que de l’après-midi quasi nordique et de sa lumière polarisée. Si je revis aujourd’hui encore l’examen écrit de géométrie, passé dans la matinée, j’ai gardé un souvenir plutôt hypnotique de l’examen écrit d’algèbre.> N’oublions pas que ces examens étaient passés le même jour, ce que je ne ferais pas de nos jours. On peut donc comprendre cette sensation d’oubli de soi, d’atmosphère hypnotique, quand on passe un tel concours. Mais l’intensité d’un examen écrit de mathématiques demeure, en 1912, plus tard, toujours. Ce qui est intéressant c’est la manière dont il décrit cette expérience quatre décennies plus tard… c’est quelque chose de remarquable. »

     

    Le mathématicien Dan Barbilian et poète Ion Barbu a prouvé que les frontières entre les différents domaines n’étaient pas fixes et que les passions pouvaient être complémentaires. Car l’être humain est fait de raison et de sentiment. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Sécuriser les lignes électriques pour protéger la vie des oiseaux migrateurs

    Sécuriser les lignes électriques pour protéger la vie des oiseaux migrateurs

    L’électrocution des oiseaux, un problème récurrent

     

    L’électrocution des oiseaux et notamment des oiseaux de proie constitue un problème récurrent et l’une des premières causes de mortalité chez certaines espèces. Les accidents surviennent pour beaucoup durant les périodes migratoires, lorsque les oiseaux voyagent entre leurs quartiers d’hiver et d’été. Les lignes situées sur les couloirs de migration sont les plus accidentogènes. L’autre risque que courent les oiseaux est celui d’électrocution. Si un oiseau touche deux composants sous tension en même temps, ou un composant sous tension et un composant du poteau électrique, il sera victime d’une décharge souvent mortelle. Ce phénomène est plus fréquent sur les lignes à basse ou moyenne tension, car les composants y sont plus rapprochés. Pour parer au phénomène, la Société ornithologique roumaine a récemment installé 1.000 gaines isolantes sur des poteaux de moyenne tension situés dans les régions de nidification du faucon sacre.

     

    Ciprian Fântână, responsable de projets à la Société ornithologique roumaine et coordinnateur roumain du projet roumano-belge « LIFE for Falcons », explique :

    « Notre projet, démarré en 2021, est censé se dérouler jusqu’à 2026. Son principal objectif vise la protection de la population du faucon sacre qui vit au sud de la Roumanie et en Bulgarie. Le faucon sacre est une espèce en danger qui vit dans deux régions distinctes : d’une part dans la région roumaine de la Dobroudja, au sud de la Roumanie, mais aussi dans le sud de la République de Moldova, en Bulgarie, en Ukraine et dans le sud de la Russie, d’autre part dans la partie roumaine de la plaine hongroise. Nous intervenons pour protéger la première population de faucon sacre, car il semble que la population de faucon sacre qui vit dans la partie ouest de la Roumanie se porte plutôt bien. Elle a d’ailleurs bénéficié de plusieurs programmes de conservation, alors que la population située au sud de la Roumanie est en net déclin et souffre. L’on ne compte dans cette région que de 7 à 9 couples de faucon, ce qui est vraiment inquiétant. »

     

    Protéger efficacement et diminuer les risques qui menacent la population de faucon sacre

     

    L’étude pilote sur laquelle s’est fondée le projet a mis en évidence les mesures nécessaires pour protéger efficacement et diminuer les risques qui menacent la population de faucon sacre située dans le bassin danubien, une population en train de péricliter.

     

    Ciprian Fântână explique que la région centrale de la Dobroudja fait le plus de victimes par électrocution et qu’avec cette zone a démarré le projet LIFE for Falcons, piloté par la Société ornithologique roumaine.

    « L’étude préalable a porté sur les territoires habituels survolés par le faucon sacre appartenant à cette population danubienne, soit sur un rayon de dix kilomètres autour du nid. Nous avons ensuite étudié les risques que présente chaque poteau électrique situé dans la zone d’intérêt, soit un nombre de 3.700 pylônes électriques. Nous avons recensé aussi les espèces mis en danger par ces poteaux et le nombre de victimes sur une période donnée. Il s’agit de plusieurs milliers d’exemplaires de différentes espèces. Près de 13% des poteaux surveillés ont fait au moins une victime par électrocution. Aussi, nous avons pu dénicher les zones à risque où il fallait intervenir urgemment pour isoler les pylônes électriques dangereux en y installant des gaines isolantes en caoutchouc, montées sur les éléments conducteurs. Ensuite, les distributeurs d’énergie ont puisé dans leurs caisses et ont fait monter ces systèmes au long de leur réseau dans les zones identifiées. Dès cette année, nous allons voir les résultats de cette intervention. Nous tablons sur une baisse significative du nombre d’exemplaires électrocutés, encore faut-il le démontrer dans les faits. »   

     

    Le braconnage, toujours un problème

     

    Le projet mis sur pied par la Société ornithologique roumaine en collaboration avec les Réseaux électriques Roumains, le distributeur d’énergie de la région a impliqué un nombre significatif de spécialistes, aussi bien dans l’élaboration de l’étude de faisabilité que dans la phase pilote et pendant la mise en place à grande échelle du projet. Pas moins de dix équipes et une trentaine de spécialistes ont collaboré pour mener le projet « LIFE for falcons » à bien.

     

    Ciprian Fântână : « Nous avons monté en outre une 60e de nids artificiels. Certains nids bénéficient d’une surveillance vidéo censée prévenir et diminuer la mortalité des petits. Cette espèce de faucon sacre il faut la préserver à tout prix. Des cas de braconnage des petits des faucons ont été recensés en Bulgarie et en Ukraine. Et c’est bien pour prévenir de telles situations que nous avons installé ces caméras de surveillance ».   

     

    D’un autre côté, trouver un exemplaire de faucon sacre électrocuté demeure une occurrence plutôt rare. Ciprian Fântână :

    « En effet, une fois tué par électrocution, le cadavre disparait rapidement, victime des mammifères nécrophages, des renards, des chacals. Parfois, l’on retrouve des squelettes, des traces. Les pylônes électriques qui présentent un maximum de risques pour le faucon sacre se trouvent souvent à proximité de son nid et est utilisé par ce dernier comme point d’observation. La plupart de victimes étaient des corvidés, suivis par les cigognes, puis par certaines espèces de oiseaux de proie : des buses, le faucon crécerelle, le circaète Jean-le-Blanc, ce dernier une espèce menacée également, qui migre le jour et se repose la nuit en haut des pylônes électriques. »

     

    Le projet européen « LIFE for Falcons » entend ainsi prévenir les causes qui menacent la survie du faucon danubien, dont notamment le risque d’électrocution et l’absence de lieux de nidification et des habitats propices à sa survie.   (Trad Ionut Jugureanu)

  • Timisoara, une ville effervescente

    Timisoara, une ville effervescente

    Une ville qui ne cesse d’attirer les touristes

     

    Capitale européenne de la culture en 2023, Timișoara, la plus grande ville de l’ouest de la Roumanie, ne cesse d’attirer les visiteurs. L’infrastructure touristique bien développée de la ville et les événements culturels ont continué d’être un point fort. Lors du Salon du tourisme de Vienne, qui s’est tenu du 16 au 19 janvier, les touristes ont découvert ce que cette destination avait à offrir. A noter que le Salon du tourisme de Vienne est l’un des plus grands événements dans son domaine, attirant à la fois les professionnels du tourisme de loisir et du tourisme d’affaires.

     

    Laura Boldovici, directrice de l’Office du tourisme de Timișoara, affirme que la présence de la ville au Salon était nécessaire pour promouvoir davantage une destination déjà très appréciée des touristes.

    « Mes collègues viennent de rentrer du Salon du tourisme de Vienne, un événement de quatre jours, auquel nous avons rencontré un véritable succès pour notre ville. Le nombre de visiteurs a été encore plus élevé qu’en 2024, ce qui confirme l’intérêt des Autrichiens pour les destinations touristiques uniques. Nous avions un stand commun avec les villes d’Oradea et Sibiu, et les visiteurs ont manifesté un vif intérêt pour notre ville. Beaucoup d’entre eux s’ étaient déjà rendus à Timișoara et avaient envie d’y retourner. Nous étions prêts à accueillir le public avec du matériel promotionnel en allemand. Nous étions accompagnés des conférenciers allemands sur le stand afin de pouvoir répondre à toutes les questions et présenter Timișoara de manière professionnelle. Nous ne comptons pas en rester là. Nous allons participer à un autre salon, cette fois-ci avec un stand unique pour Timișoara. Ce salon aura lieu sous peu à Budapest. »

     

    L’Autriche – un marché clé pour le tourisme de Timișoara

     

    Pourquoi se présenter au Salon de Vienne ? Parce que l’Autriche est un marché clé pour le tourisme de Timișoara. Ainsi, jusqu’au printemps, tous les voyageurs qui passent par les aéroports de Vienne ou Budapest pourront voir un panneau extérieur de 40 mètres carrés qui les invite à visiter Timișoara.

     

    t la promotion ne s’arrête pas là, comme nous l’explique Laura Boldovici, directrice de l’Office du tourisme de Timișoara: 

     « Nous faisons la promotion de la ville à travers tout ce qu’elle représente, qu’il s’agisse d’éducation, d’investissements ou d’emploi. Nous allons travailler sur plusieurs niveaux, tout comme l’année dernière. Nous participons également à des salons du tourisme. J’ai mentionné Budapest en février, mais nous nous rendrons aussi à Berlin, Londres, Barcelone, Rimini, Francfort. Cette année, nous voulons également ouvrir un musée interactif pour enfants, unique dans la région. De cette manière, nous voulons faire de Timișoara une destination familiale et conviviale pour petits et grands. »

     

    Des rues piétonnes à découvrir en toute tranquilité

     

    On le sait déjà, en 2023, la ville a reçu le titre de Capitale européenne de la culture, ce qui confirme sa place en tant que scène culturelle effervescente, explique Laura Boldovici, directrice de l’Office du tourisme de Timișoara :

     « Pour tous ceux qui souhaitent participer à des événements mais aussi découvrir des lieux uniques et intéressants, Timișoara est LA destination que nous recommandons. Son centre-ville dispose d’une très grande zone piétonne, probablement la plus grande de Roumanie. Nous avons également le plus grand nombre de monuments historiques du pays. Nous encourageons les visiteurs à commencer leur promenade par le centre-ville, par la place de la Victoire, qui est reliée à la place de la Liberté et ensuite à la plus belle, selon moi, la place de l’Union. Nous avons donc trois places reliées par des rues piétonnes, des terrasses, des endroits où l’on peut s’arrêter et admirer les environs. Ensuite, pour les plus curieux et bien sûr pour ceux qui ont le temps, Timișoara a plusieurs quartiers historiques, qui valent la peine d’être visités et qui sont très intéressants. Il y a également des régions viticoles dans les alentours. Non loin de là, si vous disposez d’un moyen de transport, il y a d’autres villes qui valent aussi le détour : Oradea, Sibiu. Mais Timisoara vaut vraiment la peine d’être visitée, rien que le temps d’un week-end et je vous promets que vous ne vous ennuierez pas. »

     

    Une architecture riche et surprenante

     

    La ville impressionne par la diversité de son architecture dans les styles baroque viennois, néo-byzantin et Art nouveau. Sur ses 15 000 bâtiments, 13 000 sont classés monuments historiques. C’est aussi la seule ville d’Europe à posséder trois théâtres en trois langues – roumain, hongrois et allemand. Il y a un opéra, une salle de concert philarmonique, un théâtre pour les jeunes et un théâtre de marionnettes. Bref, c’est une ville riche en institutions culturelles.

     

    Une vie culturelle effervescente

     

    Mais, l’architecture n’est pas le seul point fort de cette ville de l’ouest de la Roumanie. Plusieurs musées mettent en avant le passé de Timișoara. Vous pouvez visiter, par exemple, le musée du Banat, qui organise ses expositions dans le bastion Teresia, qui fait partie des anciennes fortifications de la ville. Parmi les musées préférés des touristes, mentionnons le Banat Village Museum qui se trouve à la périphérie de la ville. Il expose des maisons typiques des villages de la région du Banat, témoignant du mode de vie des différents groupes ethniques vivant dans cette partie du pays. On y trouve des maisons et des foyers traditionnels roumains, allemands, hongrois, serbes, slovaques et d’autres minorités. Sans oublier le Musée d’art, qui présente des expositions d’art européen et art du Banat, et dont l’exposition permanente présente le travail de l’artiste Corneliu Baba.

     

    Laura Boldovici, directrice de l’Office du tourisme de Timișoara poursuit :

     « En ce moment, on vous propose l’exposition du Musée national d’art qui réunit des peintures de Caravage et de ses disciples. Elle est ouverte jusqu’à la fin du mois de février. Ensuite, les festivals sont une attraction touristique en soi, vous les retrouverez sur notre site internet visit-timișoara.com. Nous gérons également le centre d’information touristique et, plus récemment, nous avons ouvert une boutique de souvenirs où les touristes peuvent trouver des créations des artistes de la ville. Les visiteurs que nous avons rencontrés se disent surpris par Timișoara, par l’atmosphère qui règne dans les rues, par l’hospitalité des habitants et ils sont étonnés de constater qu’ils n’avaient jamais entendu parler de nous avant. Nous vous invitons donc à visiter Timișoara. Vous ne serez pas déçus, c’est promis ! C’est une ville glamour, où le passé se mêle au présent et l’avenir à l’innovation. En 2023, nous avons été la Capitale européenne de la culture et Timișoara reste une destination dynamique, prête à offrir des expériences inoubliables. Venez donc sentir l’énergie de Timișoara et croyez nous, vous partirez avec la ferme intention d’y revenir. »

     

    Une balade en bateau et en tram touristique pour compléter le séjour

     

    Avant de terminer notre balade dans l’ouest du pays, disons aussi que Timișoara est traversée par la rivière de Bega, que l’on peut parcourir en bateau grâce aux transports publics. Il existe également un tramway pour les touristes, qui part de la place de la Liberté le week-end et fait le tour de toute la ville. Une destination unique à ne pas manquer pour les amateurs d’histoire, d’architecture ou simplement pour les petits et grands curieux, c’est bien Timisoara ! (Trad : Charlotte Fromenteaud)

     

  • Le droit au logement : un droit fondamental

    Le droit au logement : un droit fondamental

    Le coût du logement, un problème public majeur

     

    Le coût du logement est la principale dépense des ménages dans l’Union européenne. L’augmentation des prix de l’immobilier et des loyers, les coûts élevés de la construction et la hausse des taux d’intérêt hypothécaires, ce ne sont que quelques difficultés qu’éprouvent les européens en matière de logement. Quelle est la place de la Roumanie dans ce contexte ? « Le logement doit être considéré comme un droit fondamental permettant à tous les Européens, y compris les jeunes et les groupes vulnérables, de bénéficier d’un logement décent et durable ». Tel était le sentiment exprimé à l’unisson lors du premier forum sur le logement organisé à Bruxelles à la fin de l’année dernière.

     

    Un rapport publié en 2023 a montré que près de la moitié des Européens payant un loyer estimaient qu’ils risquaient de devoir quitter leur logement dans les trois mois à venir parce qu’ils n’avaient plus les moyens de le payer. Parallèlement, près d’un million de personnes vivent sans abris en Europe, ce qui constitue un défi majeur pour l’UE.

     

    Selon Sorcha Edwards, secrétaire générale de Housing Europe, la crise actuelle du logement a plusieurs visages. Outre les zones et les logements surpeuplés, qui contrastent avec les régions sous-occupées, nous sommes également confrontés à la pauvreté énergétique, c’est-à-dire à des logements non modernisés et non isolés qui plongent les gens dans des conditions précaires – trop chauds en été et trop froids en hiver. Il y a aussi le problème du logement des personnes âgées et handicapées, qui n’est pas adapté à leurs besoins.

     

    Sorcha Edwards : “Il y a aussi les victimes de violence domestique qui n’ont nulle part où aller. Et puis, bien sûr, il y a le visage le plus visible de la crise du logement : les sans-abris. Mais le problème et la cause de ces problèmes dans certaines régions sont complexes. Dans certains cas, précisément parce qu’il s’agit d’un problème très complexe, les autorités locales et les gouvernements ne disposent pas des ressources nécessaires. Ils n’ont souvent pas l’expertise nécessaire pour gérer ce secteur complexe. Certains espéraient que le marché s’occuperait de ce problème mais lorsqu’on laisse un secteur comme le logement au seul marché, l’opportunisme, la recherche du profit, prévalent”.

     

    Être logé ou être bien logé ?

     

    Bien que, selon les statistiques d’Eurostat, en 2023, la Roumanie soit le pays où le pourcentage de propriétaires est le plus élevé (93 % des Roumains sont propriétaires de la maison dans laquelle ils vivent et 7 % seulement sont locataires), les maisons des Roumains étaient parmi les plus surpeuplées (à hauteur de 40 %), dépassées seulement par celles de Lettonie (40,9 %). C’est en Roumanie et en Slovaquie que le nombre de pièces par personne est le plus faible : 1,1 pièce, contre une moyenne européenne de 1,6. À l’opposé, on trouve Malte et le Luxembourg, avec respectivement 2,3 et 2,2 pièces par personne. En 2023, seulement 1,5 % de l’ensemble de la population de l’UE vivait dans des ménages sans toilettes, douche ou baignoire à l’intérieur, mais c’est en Roumanie que ce pourcentage est le plus élevé et de loin, avec plus de 20 % (suivie de la Bulgarie et de la Lettonie, 7 % chacune).

     

    Interrogée sur les solutions que la Roumanie pourrait adopter en s’inspirant des projets menés avec succès dans d’autres États membres, Sorcha Edwards répond :

    « Il est évident qu’en matière de logement, un simple copier-coller de solutions n’est pas possible. Il faut tenir compte, entre autres, des besoins locaux, des scénarios spécifiques, des tendances, du revenu moyen de la population. Quelles sont les prévisions en termes de tendances démographiques, d’opportunités d’emploi ; y a-t-il des zones où l’on prévoit davantage d’opportunités d’emploi ? Il y a donc un large éventail de facteurs à prendre en considération, mais une solution très efficace consiste à augmenter le nombre de logements publics, sociaux ou à profit limité, en fonction du modèle qui convient le mieux à la culture et aux besoins locaux. Les avantages d’une telle approche sont de réduire le risque d’exclusion du logement, de réduire le taux de surpeuplement des logements et de donner le choix aux gens ».

     

     Ne faudrait-il pas réguler le marché ?

     

    Bien que le paysage diffère d’un Etat membre à l’autre, voire d’une région à l’autre, les principales difficultés pour réduire la crise du logement au niveau européen ne sont pas très différentes de celles rencontrées par la Roumanie.

     

    Sorcha Edwards : « Nous assistons actuellement à une augmentation significative du prix des matériaux de construction, ce qui ralentit le processus de livraison et le fait que nous n’avons pas suffisamment accès aux surfaces de terrain nécessaires. Ensuite, si nous parlons du potentiel que représente la rénovation durable des bâtiments existants, qui est une excellente solution pour réduire l’empreinte carbone (déjà intégrée dans les nouveaux logements), l’une des principales pierres d’achoppement est l’obtention des permissions de la part des propriétaires. Tous ces problèmes peuvent être surmontés si nous avons une vision claire, une volonté politique forte et des objectifs bien définis.

     

    Bien que la Roumanie ait un certain retard à rattraper par rapport aux autres États membres, et bien que les loyers et les prix des logements aient également augmenté en Roumanie, les hausses ont été moins spectaculaires que dans la plupart des autres pays. Si de 2010 au dernier trimestre 2024, les prix ont augmenté de 230 % en Hongrie et en Estonie, de 181 % en Lituanie, de 113 % au Portugal et de 110 % en Bulgarie, en Roumanie, l’augmentation a été inférieure à 30 %.

     

    Mais pour l’experte Sorcha Edwards, « le secteur du logement joue le jeu des investisseurs », et à moins que ceux-ci ne sortent d’une quête de profit à court terme, l’accès au logement pour tous les citoyens européens continuera de poser problème. (trad. Clémence Lheureux)

  • Le Bucarest inachevé

    Le Bucarest inachevé

    La modernisation commence en 1830

     

    Dans l’espace roumain du début du 19e siècle, les villes démarrent leur processus de modernisation dès 1830. C’est à l’occasion de cette ébauche de constitution qu’a été le Règlement organique , que les premières règles d’urbanisme voient le jour. Et Bucarest, capitale de la Valachie, ne tarda pas à expérimenter la première les courants de l’urbanisme européen. Aussi, l’histoire de l’urbanisme bucarestois préfigure en grande partie l’histoire de l’urbanisme des autres villes roumaines, souvent traversées de visions contradictoires, tiraillées entre modernité et tradition.

     

    Une ville au carrefour entre l’Orient et l’Occident

     

    Les visiteurs étrangers de l’époque, racontent un Bucarest en perpétuel changement, au carrefour entre l’Orient et l’Occident, une ville au regard rivé vers les grandes métropoles européennes, décidée à suivre les tendances de son époque. Aussi, parmi les maires de cette ville l’on retrouve de grands noms de la politique roumaine : Dimitrie C. Brătianu, l’un des meneurs de la révolution de 1848, le journaliste et homme politique C. A. Rosetti, l’écrivain Barbu Ștefănescu Delavrancea, l’homme d’Etat Vintilă Brătianu. Deux noms se distinguent toutefois, deux personnalités qui ont marqué de leur esprit la pierre de la capitale roumaine : d’abord celui du juriste libéral Pache Protopopescu, maire de Bucarest entre 1888 et 1891, et le second, celui du juriste et homme politique Dem I. Dobrescu, membre du parti national-paysan, maire de Bucarest entre 1929 et 1934. Ces deux personnalités parviennent à mobiliser, à des époques différentes, les ressources nécessaires aux grands projets urbanistiques qui changèrent à jamais la face de la capitale roumaine.

     

    Des changements sous le régime communiste

     

    Après 1945, le régime communiste ambitionne de redessiner à son tour la capitale roumaine. La ville gagne en superficie et les barres d’immeubles commencent à faire leur apparition. La migration interne prend son essor à la faveur de la politique d’industrialisation forcenée du régime, surtout à partir des années 1970. Les deux leaders notables de la Roumanie socialiste, Gheorghe Gheorghiu-Dej, secrétaire-général du parti communiste entre 1945 et 1965, puis Nicolae Ceaușescu, secrétaire-général du parti entre 1965 et jusqu’en 1989, ambitionnent à leur tour de marquer de leur empreinte indélébile la capitale roumaine.

    C’est au muséographe et historien Cezar Buiumaci , féru de l’histoire de la ville de Bucarest, auquel l’on doit la dernière parution intitulée « La ville inachevée », où l’auteur analyse les transformations profondes qu’a subi la capitale roumaine entre 1945 et 1989.

    Cezar Buiumaci : « « La ville inachevée » est en elle-même un ouvrage inachevé dans le sens où il faut que le chercheur, l’historien, s’arrête à un certain moment, mette un terme à son travail alors même qu’il aurait pu le poursuivre indéfiniment, car il reste toujours des coins d’ombre. Je me suis attelé à ce travail par curiosité personnelle. J’ai voulu comprendre ce qu’il est advenu de cette ville et pourquoi elle a évolué de la sorte pendant ces 45 années de régime communiste. Je disposais d’une bibliographie extrêmement riche qui traitait de cette période. Des recherches, des articles de journaux, des ouvrages… Mais nul travail n’avait tenté jusqu’alors une approche à la fois holistique et synthétique, une approche objective, sans parti pris, de la période communiste ».     

     

    Une ville passée par des transformations

     

    De cette ville qui se trouvait aux confins de l’Empire ottoman, capitale de la principauté de Valachie, telle était le statut de Bucarest en 1800, à ce qu’elle était devenue aujourd’hui, 225 années plus tard, il y a un monde. Dévastée par les désastres naturels tels les tremblements de terre, les incendies ou les épidémies, la ville fut encore davantage touchée par ce que les hommes en ont fait. Les guerres, les révolutions, les occupations militaires, le programme de systématisation démarré par Nicolae Ceausescu au début des années 1980 ont laissé des traces indélébiles dans la chair de la ville.

     

    Cezar Buiumaci :« J’ai voulu comprendre cette ville. Comprendre sa périphérie, tous ces quartiers qui ont essaimé tout autour. Les quartiers de Militari, Drumul Taberei, Crângași qui se sont formés et agencés autour de la vieille ville. J’ai mis tout cela dans mon livre pour que chacun comprenne cette ville blessée, cette ville inachevée, et le pourquoi de son état. Vous savez, l’historien Răzvan Theodorescu prétendait que le Bucarest moderne avait eu trois fondateurs : les rois Carol 1er, Carol 2, puis le dernier dictateur communiste, Nicolae Ceaușescu. Pour ma part, je crois que le 3e c’est Gheorghe Cheorghiu-Dej plutôt que Ceausescu. Car c’est durant la première période du régime communiste, durant la période Dej, de 48 à 65, que cette deuxième ville, ces quartiers de périphérie ont été conçus et bâtis. Des quartiers plus peuplés que la vieille ville. Une nouvelle ville, qui engloutissait l’ancienne. Ceaușescu a quant à  lui déstructuré cette ville, détruisant la vieille ville. Il n’est pas un fondateur, mais un destructeur. Pourtant, il n’a pas eu le temps d’achever son projet de destruction. Même ce projet demeure inachevé. Et depuis lors, nulle vision d’ensemble n’est parvenue à s’imposer. Bucarest est demeurée une ville blessée, une ville inachevée ».

     

    Le Bucarest d’aujourd’hui est le fruit de son histoire mouvementée, une juxtaposition de volontés inachevées, souvent contradictoires. Aux vieux quartiers de  Cotroceni, Vatra luminoasă, Dudești, Ferentari, Bucureștii Noi se sont ajoutés les quartiers de la période communiste, tels Titan, Berceni, Drumul Taberei, enfin les quartiers de l’époque post communiste, érigés après 1989 : Brâncuși, Latin, Francez, Cosmopolis… (Trad Ionut Jugureanu)

  • « Vis. Viață / Le rêve. La vie », un film documentaire de Ruxandra Gubernat

    « Vis. Viață / Le rêve. La vie », un film documentaire de Ruxandra Gubernat

    Réalisé par Ruxandra Gubernat, « Vis. Viață / Le rêve. La vie » est le premier film documentaire roumain qui se propose de présenter les réalités, les aspirations et les défis des jeunes de la Génération Z. La réalisatrice Ruxandra Gubernat, réputée pour sa riche expérience en matière de projets sociaux et cinématographiques frappants, arrive, cette fois-ci, à présenter avec beaucoup d’empathie la manière dont les jeunes se rapportent au monde et relèvent les défis, comment ils se construisent leur identité dans une société en mouvement.

     

    Une étude toute en empathie de la Génération Z

     

    Le tournage, qui a duré quatre ans, a retenu l’évolution des personnages principaux, confrontés à une rude période de transition, y compris les deux années de pandémie, marquées par l’enseignement en ligne et l’isolement des gens.

     

    Invitée à RRI, Ruxandra Gubernat a parlé de son intérêt pour la Génération Z et de la documentation du sujet de son film:

    « Mon parcours s’est déroulé entre la Roumanie et la France, où j’ai habité pendant sept ans, de 2008 à 2015, pour mes études. De retour en Roumanie, je me suis rendu compte que j’avais encore un grand nombre de questions à me poser sur l’option de quitter le pays. Je savais, évidemment, que de très nombreuses personnes quittaient la Roumanie pour différentes raisons, par exemple, économiques, comme à la fin des années 1990 et au début des années 2000. D’autres gens ont choisi de partir après l’adhésion à l’UE, parce qu’il était plus facile à émigrer et à étudier dans un autre pays, comme dans mon cas. Enfin, il y en a eu d’autres qui ont été poussés par un besoin de connaître le monde, et ça c’est une des raisons que j’ai découvertes chez la génération Z. C’est ce qui m’a amenée à m’interroger davantage sur cette génération et ses options, sur le choix de quitter ou de rester en Roumanie. J’ai lu de nombreuses études selon lesquelles environ 80% des jeunes réfléchissaient à la possibilité de quitter la Roumanie, tandis que plus de 25% d’entre eux quittaient effectivement le pays. J’ai commencé ma recherche en allant sur le terrain et en discutant avec les jeunes. Je me suis rendue à Timișoara, Cluj, Bacău, Brașov, Ploiești, București, Târgu Jiu, et j’ai contacté des adolescents très différents les uns des autres, dont un grand nombre me disaient vouloir partir à l’étranger. C’est dans ce contexte que j’ai commencé à tourner mon film. »

     

    Le résultat final d’un tournage de quatre ans

     

    Alors qu’ils imaginent des plans de quitter la Roumanie après le lycée, Una – actrice, Habet – trappeur et Ștefania – activiste écologiste sont tiraillés entre drames personnels et dilemmes sur l’avenir. Le documentaire de Ruxandra Gubernat suit leurs relations avec la famille, l’école et la société.

     

    Ruxandra Gubernat raconte sur RRI comment elle avait choisi les trois adolescents, devenus les héros de son film : « Comme je le disais déjà, je suis allée à plusieurs endroits du pays pour apprendre le plus possible sur la vie d’un adolescent. Certains de la sélection initiale ont abandonné parce qu’ils ne se sentaient pas capables de s’impliquer dans un processus longue durée. Moi-même, j’ai renoncé à d’autres, mais on a construit une relation spéciale avec Habet, Una et Ștefania et on a réussi à porter un processus qui s’est avéré très important pour eux. Je les ai rencontrés quand ils avaient 16 ans et nous avons fini le tournage quand ils avaient déjà 20 ans, c’est-à-dire que nous avons traversé ensemble toute leur adolescence. J’ai également eu l’impression que la caméra les aimait, ensemble et séparément. Qu’ils sont le mix parfait pour illustrer ce que c’est que répondre aux pressions sociales, à l’intérêt pour l’environnement et à tout ce qu’il se passe en général autour d’eux, autour de nous. Ils sont tous les trois des individus très actifs et en même temps très différents les uns des autres. Ștefania, par exemple, était à la tête des manifs « Fridays for Future » en Roumanie, quand ce mouvement s’était globalisé et j’ai trouvé ça très intéressant. Habet faisait de la musique trappe et du théâtre social dans le quartier de Ferentari, à Bucarest, tandis qu’Una et ses camarades de lycée passionnés de théâtre montaient une pièce sur le départ de Roumanie. A travers leurs activités, ils touchaient simultanément à des thèmes et des défis aussi bien locaux que généraux. Ils parlaient d’immigration, de classe, de tous les problèmes que nous avons en tant que société, mais aussi de leurs problèmes à eux. En plus, ce qui a aussi beaucoup compté a été la relation d’une grande sincérité que j’ai réussi à créer avec chacun d’entre eux ; c’est ce qui nous a beaucoup rapprochés les uns des autres. En fin de compte, ce film est le résultat d’un processus de quatre ans et il faut être sincère avec ses propres attentes et avec celles des autres. Si non, il serait impossible de faire quoi que ce soit et ça n’aurait pas produit une histoire authentique. »

     

    « Vis. Viață / Le rêve. La vie », le documentaire de Ruxandra Gubernat s’est retrouvé dans les sélections officielles du Festival international du Film documentaire et des Droits de l’homme One World Romania, du Festival international du film documentaire Astra Film et du Festival international du Film documentaire pour le Changement social Moldox. Chercheuse et réalisatrice, Ruxandra Gubernat a également coréalisé en 2018  « Portavoce », un documentaire moyen-métrage de type collage sur les vagues de protestations des quinze dernières années en Roumanie. Ce film a été nommé au prix du meilleur documentaire roumain au festival Astra Film de la même année et il a été projeté à plusieurs autres festivals nationaux et internationaux. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Les grands défis de l’année en matière de relations internationales

    Les grands défis de l’année en matière de relations internationales

    De son côté, l’Union européenne, espace de paix et de sécurité et qui avait exclu pendant longtemps la guerre du champ du possible, devrait apporter des réponses adéquates à toutes ces questions, et notamment à cette guerre d’Ukraine qui se prolonge depuis déjà trois années. Ce fut un choc pour ce continent qui ne pensait pas qu’une telle guerre soit encore possible sur son sol ou à ses portes, explique le professeur des universités Dan Dungaciu, spécialiste en questions de sécurité. Une guerre qui nous rappelle combien les connexions économiques, les interactions, les contacts, les négociations constituent le seul garant de la paix.

     

    Le modèle franco-allemand d’après la Seconde Guerre mondiale est là pour nous le rappeler, affirme encore Dan Dungaciu :

    « Pourtant, l’on voit aujourd’hui que l’interdépendance économique, les connexions, les relations économiques ne mènent pas toujours à la paix. L’UE devrait se réinventer. Cette Union a été conçue comme un projet post national. Non pas antinational, mais postnational. Or, le monde revient aujourd’hui à une logique nationale, voire nationaliste. On le constate de manière prégnante lors de cette guerre entre la Russie et l’Ukraine. Car la résistance ukrainienne fait appel aux ressources du nationalisme ukrainien. L’Ukraine se réinvente, se redécouvre, se développe grâce à cette identité nationale redécouverte à la faveur de la guerre. Et l’UE devrait se réinventer à son tour face à ce monde qui change, devrait redéfinir son projet et son identité ».  

     

    Des guerres au Proche et Moyen-Orient

     

    Fin 2024, la guerre en Ukraine a été éclipsée par la guerre au Proche-Orient et par la chute du régime Assad en Syrie. Une victoire indirecte mais stratégique d’Israël, esstime Dan Dungaciu :

    « La chute du régime Assad porte un coup au régime iranien, qui se voit priver du corridor terrestre qui lui permettait d’abreuver son allié régional le plus important, les milices Hezbollah. Il est à parier que la nouvelle administration Trump abordera à brève échéance le dossier du Proche-Orient, probablement juste après le dossier ukrainien, une priorité assumée de la présidence de Donald Trump. Et il va falloir voir l’angle d’attaque de l’administration Trump à cet égard. La Syrie demeure à beaucoup d’égards un Etat artificiel, mais qui se trouve au carrefour d’intérêts régionaux divergents. Regardez les intérêts clamés par la Turquie dans la région d’une part, les intérêts iraniens de l’autre, enfin les intérêts israéliens. Et tous ces intérêts devraient s’accommoder entre eux, d’une manière ou d’une autre. Et c’est à l’administration Trump de tenter de définir les contours de futures évolutions dans la région ».  

     

     

    Les bouleversements auxquels l’on assiste au Moyen-Orient sont sans précédent, poursuit Dan Dungaciu :

    « Il faudrait voir de quelle manière interviendra l’administration Trump de sorte à infléchir le cours des événements sans pour autant intervenir militairement dans la région. Parce que s’il y a bien une chose que le président Trump craint c’est celle de se voir attirer dans une guerre non désirée, qu’il considère comme la voie la plus sûre de faire échouer son mandat. Un mandat qu’il désire exceptionnel ».

     

    La guerre hybride menée par la Russie

     

    Plus près de chez nous, la guerre hybride, la guerre numérique que livre la Russie à l’Europe, une guerre censée nourrir notamment l’extrémisme demeure à son tour un sujet inquiétant. Les élections qui doivent se tenir cette année en France et en Allemagne, les élections présidentielles polonaises constituent autant d’opportunités pour le pouvoir de nuisance de cette guerre hybride russe. L’analyste Dan Dungaciu rappelle dans le contexte combien il serait dangereux de laisser la voie libre à cette propagande qui poursuit le dessein d’insinuer le doute dans les valeurs européennes au sein même des sociétés européennes.  (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Le pays de Dorne, une destination privilégiée

    Le pays de Dorne, une destination privilégiée

    Madame, Monsieur, dans les minutes suivantes, nous vous invitons à partir ensemble à la découverte d’une des plus belles régions de Roumanie, à savoir le Pays des Dorne. Une contrée légendaire, où la nature est privilégiée et conservée de manière responsable. Les paysages d’une beauté à couper le souffle, les attractions culturels et l’atmosphère paisible font la fierté de cet endroit unique en Roumanie, considéré depuis le XIXème siècle comme une destination de vacances.

     

    Spa, ski, luge… il y a largement de quoi s’occuper !

    Nous vous proposons donc une visite guidée de cette région, en compagnie de Mihaela Cocîrță, à la tête de l’Organisation pour le management des Pays des Dorne :

    « Ici, la beauté de la nature s’ajoute à la richesse des traditions et des coutumes et se mêle à l’hospitalité des gens pour offrir aux visiteurs une belle expérience de visite, quelle que soit la saison. Par exemple, en ce moment, nous sommes en plein hiver, la période des fêtes de fin d’année est terminée et pourtant, notre région ouvre ses portes aux amateurs de ski. A ceux qui préfèrent les randonnées et la nature aux sports d’hiver, je propose de faire une montée en télésiège, en haut de la montagne, pour profiter d’un beau panorama sur toute la région. La contrée est aussi connue pour ses centres Spa et bien-être où vous pouvez vous détendre à la fin d’une journée passée sur les pistes de ski. Parmi ceux-ci, je vous conseille de choisir l’établissement Dorna Candrenilor, avec ses longues piscines, peu profondes, accessibles à toutes les catégories d’âge. »

     

    Pour pouvoir bien profiter des pistes, il faut que la météo soit clémente, les skieurs le savent très bien. A l’heure où l’on parle, la couche de neige est suffisamment épaisse pour rendre la glisse possible sur la piste dite « du Parc », précise Mihaela Cocîrță, responsable de l’Organisation de  Management du Pays des Dorne. Et elle ajoute:

    « La région recense trois pistes différentes. D’abord, celle dite « du Parc », qui mesure 900 mètres de long et un angle de 28,5 degrés. Le dénivelé est de 150 mètres ce qui la rend accessible même aux skieurs débutants. Il y a ensuite la Piste de Poienita, de la Clairière. Surnommée la piste du Parc 2, elle mesure 550 mètres et une différence de niveau de 50 mètres et s’adresse aux grands débutants et aux enfants. Enfin, nous avons la Piste Veverita, de l’écureuil, qui a 780 mètres de long et une 200 mètres de dénivelé. Elle a donc un degré de difficulté moyen. Toutes les pistes sont éclairées de nuit et pourvues de canons à neige et de remontées mécaniques. Des centres de location d’équipements sont disponibles et des moniteurs proposent des cours privés. Il est très important que tous ceux qui se trouvent sur les pistes aient une attitude responsable afin d’éviter au maximum les accidents. A part le ski, les touristes peuvent aussi faire de la luge ou se rendre à la patinoire ouverte près des pistes, à deux minutes de marche. »

     

    Un lieu idéal pour les amateurs de la glisse, mais aussi pour les moins sportifs

    Au pied des pistes, les touristes peuvent souffler un peu en buvant du vin chaud ou du thé et en goûtant aux délicieux produits du terroir, dans les restaurants situés juste à côté. Le soir venu, la station de Dorna Candrenilor les attend pour davantage de moments de détente dans ses spas et saunas, alors qu’à Vatra Dornei, les concerts s’enchaînent dans les restaurants. Ou bien, ceux qui n’ont pas encore consommé toute leur énergie, peuvent opter pour différentes activités ou la visite des attractions culturelles de la zone. Mais aussi et surtout, c’est un endroit riche en traditions qui attendent d’être découvertes, précise Mihaela Cocîrță :

     

     « La Pays des Dorne est très riche en matière d’arts et métiers, de traditions et coutumes. Ici, beaucoup sont parvenu à sauvegarder l’héritage laissé par leurs ancêtres. Par exemple, au printemps, à l’approche de la Pâque orthodoxe, de nombreuses femmes pratiquent la décoration et la peinture des œufs. On peut les voir travailler au Musée Ethnographique de Vatra Dornei tous les samedis. Avant Pâques, on peut les voir coudre ou tisser. La commune de Ciocănești est notamment connue pour cet art de la décoration des œufs, ayant été déclarée commune-musée en plein air il y a quelques années. On y trouve le Musée des Oeufs Peints, que nous recommandons à tout visiteur du Pays de Dorne, car il permet d’avoir un tour d’horizon de l’essentiel des traditions locales. Certains œufs peints sont même vieux de 100 ans. »

     

    Place aux traditions ancestrales et à la gastronomie locale

    Cela ne fait aucun doute, chaque saison à son charme au Pays des Dorne, et s’accompagne de plats et traditions gastronomiques. Mihaela Cocîrță nous explique pourquoi cela vaut la peine de se rendre dans cette partie de la Roumanie à la belle saison :

     

    « C’est une très belle période de l’année, pleine d’événements en tout genre. On aime dire qu’en goutant aux plats du Pays de Dorne, les visiteurs découvriront la passion, le talent et l’authenticité locale. Par exemple, en automne, on leur servira notre fameuse « zacusca » et nos confitures faites maison, ou encore les galettes aux pommes. Les touristes qui optent pour un hébergement en gîte ou maison d’hôte pourront cueillir eux-mêmes les pommes et rejoindre leurs hôtes dans la cuisine pour préparer les différents plats et en noter les recettes. Puis, en hiver, les plats à base de viande et de poisson sont les plus présents : la viande en aspic (morceaux, les sarmale (feuilles de choux farcies de viande hachée) et bien d’autres. J’ai eu la chance de rencontrer plein de touristes étrangers, puisque le sentier Via Transilvanica (qui traverse la Roumanie du nord au sud) passe aussi par Vatra Dornei. Ce sentier balisé attire de nombreux touristes et leur avis est unanime : « Vous ne vous rendez même pas compte de la richesse de la région », nous disent-ils. Ils apprécient énormément tant la nature que l’architecture. D’ailleurs, le Pays de Dorne a longtemps vécu sous l’occupation de l’Empire austro-hongrois, période durant laquelle furent construits les bâtiments emblématiques de la zone. Par conséquent, la nature n’y a pas été affectée, et, aux côtés des traditions locales, elle confère une atmosphère très spéciale que les touristes adorent. » 

     

    Des Allemands, des Britanniques, des Ecossais, des Australiens ou encore des Mexicains – ce ne sont que quelques exemples de touristes étrangers qui ont déjà découvert le Pays de Dorne. Vivement que d’autre viennent rejoindre la liste, cette année ! (trad. Ioana Stancescu, Valentina Beleavski)

  • Paradoxe : un pays riche avec une population toujours plus pauvre

    Paradoxe : un pays riche avec une population toujours plus pauvre

    Une pauvreté sans issue

     

    Le risque de pauvreté ou d’exclusion sociale désigne la situation d’un ménage confronté à au moins l’un des trois risques suivants : un revenu inférieur au seuil de pauvreté (qui, en 2023, était de 1619 lei par mois – soit environ 325 euros par personne), la privation matérielle et sociale, et une faible participation au marché du travail (lorsque les adultes travaillent moins de 20 % de leur potentiel annuel). Selon les statistiques d’Eurostat pour 2023, c’est en Roumanie que se trouvent le plus d’Européens exposés à ce risque (32 % de la population), suivie de la Bulgarie (30 %), de l’Espagne (26,5 %) et de la Grèce (26,1 %).

     

    En outre, selon une étude de l’organisation « Sauvez les enfants », près d’un enfant roumain sur deux (41,5 %) est touché par la pauvreté et menacé d’exclusion sociale, soit près du double de la moyenne européenne. D’autres données Eurostat montrent également qu’en Roumanie, plus que dans tout autre pays de l’UE, la pauvreté est héréditaire. Seuls 4 % des Roumains qui grandissent dans des familles à faible niveau d’éducation poursuivent leurs études à l’université. Il n’y a qu’en Bulgarie que ce taux est inférieur (3,9 %), tandis que les Espagnols, les Portugais et les Grecs sont les plus susceptibles de progresser d’une génération à l’autre et d’obtenir un diplôme universitaire à partir de familles sans enseignement supérieur : avec des taux de 49,8 %, 37,6 % et respectivement 34,5 %.

     

    Tout pour la croissance

     

    Dans ce contexte, la question qui se pose est : pourquoi un tiers des Roumains vivent-ils sous le seuil de pauvreté si, en 2023, le Produit Intérieur Brut du pays a augmenté de 2,4 % par rapport à 2022 et si les Roumains comptent parmi les Européens qui passent le plus grand nombre d’heures par semaine au travail, à savoir 39,7 heures, par rapport à une moyenne européenne de 36,4 heures?

    Andrei Țăranu, politologue et enseignant à l’École nationale d’études politiques et administratives (SNSPA) de Bucarest, explique ce décalage : « Dans notre pays, la croissance économique a été atteinte malgré et contre toutes les politiques sociales. D’ailleurs, c’est cette génération qui, en 2017, était contre l’aide sociale, contre les « sans-dents », voulant une sorte de génération qui serait complètement purgée des zones rurales, des petites villes, de tout ce que le passé communiste de la Roumanie signifiait – et surtout des retraités. À Iași (nord-est de la Roumanie), d’où je suis originaire, j’ai assisté à une séance terrifiante avec des jeunes qui jettaient des billets d’un leu sur un vieil homme pour qu’il ramasse l’argent. Je pense que c’est ce que j’ai vu de pire ».

     

    Des millenials honteux de leur passé

     

    Andrei Țăranu explique que la génération problématique à laquelle il fait référence est celle des Roumains nés après 1990, voire après 1985, les premiers Millenials. Une génération qui, selon l’expert, vit dans une bulle économique et sociale dans les grandes villes, tout en oubliant qu’il existe une autre partie de la Roumanie et veut rompre tout lien avec le passé, sans en comprendre quoi que ce soit. Le politologue définit cette génération comme celle du nouveau capitalisme, « troublée » par l’existence de l’autre génération, issue de la période de transition qui a suivi la fin du communisme et dont le comportement de consommation et l’attitude face à existence sont différents.

     

    Andrei Țăranu : « Toutes les politiques publiques mises en place en Roumanie après 2004 l’ont été exclusivement dans une optique de développement économique. De l’argent a été donné aux micro-entreprises, aux PME, aux start-ups. Aujourd’hui, d’énormes sommes sont investies dans les autoroutes, alors que l’assistance sociale et une bonne partie des catégories sociales vulnérables sont tout simplement oubliées. Et celles que l’on fait remonter à la surface, comme les personnes âgées dans les différents villages, le sont plutôt pour des raisons électorales, contre les gouvernants qui, il est vrai, oublient nos ancêtres, derniers gardiens de la tradition ».

     

    Une société de plus en plus fracturée

     

    Lorsqu’on lui demande quelles seraient les solutions envisageables pour remédier à ces déséquilibres sociaux et économiques, l’expert Andrei Țăranu n’est pas très optimiste.

    « Il est évident que les solutions sont politiques, elles ne peuvent être que politiques. Et pour cela, il faudrait une masse critique, comprendre les groupes sociaux et générationnels. Je ne pense pas que cela soit possible. Une bonne partie de ces « laissés pour compte », qui font du travail précaire, sans éducation ou avec une éducation moyenne, qui travaillent dans la construction ou dans d’autres domaines précaires, y compris pour l’Etat – certains d’entre eux sont balayeurs, par exemple (ils sont également considérés comme des fonctionnaires, dont nous devons nous débarrasser) … tous ces gens sont aujourd’hui sur le marché et soutiennent tous ces mouvements radicaux-fascistes. Évidemment, les autres catégories socio-générationnelles ne leur tendront pas la main, justement parce qu’elles les considèrent comme des ennemis, « ceux qui veulent nous faire sortir de l’UE, de l’OTAN, ceux qui veulent faire sauter la Roumanie… ». Ces gens ne veulent pas faire exploser la Roumanie, mais ils ne peuvent tout simplement pas y vivre ».

     

    Le politologue estime que l’année 2004 a marqué un tournant décisif, qui a divisé encore plus les différents groupes sociaux et que les médias en sont en grande partie responsables. Il affirme que, dans leur course au sensationnalisme, les médias omettent de présenter le contexte plus large dans lequel se produisent les tragédies, les cas de déviance comportementale et les situations criminelles, le plus souvent associés à des zones à haut risque de pauvreté et d’exclusion sociale. Ces « poches de pauvreté », exploitées par la presse, sont ces régions oubliées du pays et ces catégories de population pour lesquelles aucune mesure n’est prise pour réduire l’écart avec la population privilégiée des grandes villes. (trad. Clémence Lheureux)

  • Les Fêtes religieuses selon l’ancien calendrier

    Les Fêtes religieuses selon l’ancien calendrier

    Le calendrier à l’ancienne est donc le calendrier Julien, qui marque les jours selon une ancienne méthode de calcul qui ne prenait pas en considération la véritable durée du mouvement de la Terre autour du soleil : le calendrier Julien est donc décalé de 13 jours par rapport au calendrier que l’on utilise aujourd’hui. Par conséquent, Noël et le Nouvel An sont ainsi célébrés avec plusieurs jours de décalage par rapport au calendrier d’Europe occidentale, Noël le 7 janvier et la Nouvelle Année, dans la nuit du 13 au 14 janvier.

    Même si la date diffère, le calendrier à l’ancienne des traditions et coutumes de Noël est similaire à celui actuel.  Les fidèles s’habillent en costumes folkloriques et chantent des cantiques de Noël, avant de se réunir autour de la table.

     

    Paul Condrat, un Lipovéen de Jurilovca, nous a parlé des fêtes organisées par sa communauté :

    « Les Lipovéens sont des russes, de confession orthodoxe qui respecte l’ancien calendrier. C’est une orthodoxie archaïque et originelle. Par rapport aux restes des Orthodoxes, qui utilisent le calendrier nouveau ou Grégorien, les Lipovéens utilisent, eux, le calendrier julien. Il existe également quelques différences culturelles. De nos jours, la plupart des traditions sont encore respectées. Les fêtes diffèrent un peu : ces célébrations, c’est à dire la Naissance du Seigneur et le passage au Nouvel An, sont marquées en cercle restreint, au sin de la famille. La Nuit du Réveillon est marquée d’une manière calme et paisible. La veille de Noël, les enfants et les jeunes chantent des cantiques de Noël. Le premier jour du Nouvel An, c’est aux enfants plus petits de faire du porte à porte pour chanter des cantiques de Noël, notamment la chanson dite de la Petite charrue, qui commence par les mots « Dieu marche sur les champs ». La transition vers la nouvelle année est marquée de cette manière.»

     

    Nous avons demandé à Paul Condrat s’il y avait des plats particuliers censés apporter chance et succès pour la nouvelle année:

    « D’une certaine manière, les paroles des cantiques de Noël se retrouvent également sur la table. Par exemple, chez les Lipoveni, la tradition veut qu’à Noël, on prépare des petits fours sous la forme d’une noix. La pâte est simple et très bonne, même s’il n’y a pas de crème. »

     

    La célébration des fêtes d’hiver selon l’ancien calendrier est aussi un prétexte pour les fidèles d’autres confessions de continuer à faire la fête.

    Nous avons demandé à Paul Condrat quelles sont les douceurs préparées pour les touristes :

    « Nous leurs offrons  de la bonne gastronomie traditionnelle, avec des plats à base de poisson et bien sûr, nous avons aussi des plats traditionnels à base de porc : des sarmale, de piftia de porc, sorte d’aspic au porc. Parmi les plats traditionnels on retrouve les plats à base de poisson, tel le bortsch qui reste la vedette de la table, qui ne peut manquer à aucun repas. Il y a aussi des entrées à base poisson, tels des amuse-bouche aux taramas, du poisson mariné ou encore des boulettes de poisson. »

     

    La communauté ukrainienne

    Dans la communauté ukrainienne du nord de la Roumanie, les femmes préparent douze plats végétariens pour le repas qui précède Noël, en utilisant des champignons, des haricots, de la farine, de la farine de maïs, des pommes de terre et de la choucroute. Pour obtenir 12 plats, on utilise souvent les mêmes ingrédients. Un des plats spécifiques est une sorte de raviole à base de farine blanche, fourré soit de confiture, soit de noix ou encore, du chou.

    La soupe de chou en saumure et les « petits rouleaux remplis d’une sorte de porridge au millet » sont des plats présents sur toutes les tables en cette période de fête. Pour les Ukrainiens de Maramureş, la tradition veut que neuf plats soient placés sur la table de Noël, symbolisant la richesse tout au long de l’année. Le plat le plus important reste la « hrebleanca », un plat à base de champignons cuits dans du jus de chou. Le plateau de blé cuit, symbole de riches récoltes, et le poisson ne peuvent pas manquer non plus de la table. Selon une coutume spécifique à cette région, les pieds de la table restent attachés avec une chaîne jusqu’au jour de l’Epiphanie pour que le bien reste dans le foyer. Parmi les desserts traditionnels que les ukrainiens mangent à Noël, mentionnons la kutya, un plat composé de grains de blé bouillis, de miel et de graines de pavot.

     

    A la fin, disons que le jour de Noël, la communauté serbe du Banat prépare des plats à base de poisson, du porcelet à la broche et une tarte appelée « cesniţa », avec beaucoup de noix et de miel, afin que l’année à venir soit douce et tendre. Avant d’enfourner la tarte, on y glisse deux pièces de monnaie. Ceux qui les trouveront  auront de la chance toute l’année.

  • Le centenaire de la Fédération roumaine d’échecs

    Le centenaire de la Fédération roumaine d’échecs

    Sport cérébral entre tous du fait de sa complexité et des exigences d’anticiper la stratégie de l’adversaire, les échecs demeurent un sport extrêmement populaire à travers le monde, la Roumanie n’en faisant pas exception.

     

    Des cafés pour jouer aux échecs au 19e siècle

     

    Au 19e siècle, il était de coutume en Europe à ce que les meilleurs joueurs se rencontrent pour s’affronter autour d’une table d’échecs dans les cafés, et de jouer pour rafler la mise. Les endroits les plus connus pour s’adonner à ce jeu étaient sans doute le café parisien de la Régence ou encore le café Dominique de Saint-Pétersbourg, talonnés de près par le café Reiter et par le café Pékin, sis place du Théâtre à Moscou. Ces cafés furent très certainement témoins des duels entre les meilleurs joueurs de l’époque.

     

    Les échecs sont mentionnés en Roumanie à compter de 1848

     

    Dans l’espace roumain, la pratique du jeu d’échecs semble être importée de France et n’est documentée que depuis 1848. La Fédération roumaine d’échecs ne sera fondée que près de 80 années plus tard, en 1925.

     

    Ștefan Baciu, spécialiste de l’histoire du jeu d’échecs, nous parle des débuts de ce sport en Roumanie :

    « A l’instar des autres pays européens, c’est dans les cafés que les passionnés du jeu d’échecs se rencontraient à l’époque. Le Roumain George Marcu, originaire de Cernauti, publiait dans la revue spécialisée le Journal d’échecs de Vienne une partie jouée contre son frère Mihai dans le café L’Europe de la ville moldave de Cernăuţi. Mais les cafés bucarestois abritaient eux aussi des parties passionnantes. Manolache Costache Epureanu, président du Conseil des ministres vers la fin du 19e siècle, privilégiait semble-t-il poursuivre son jeu d’échecs dans son café favori, laissant attendre patiemment ses ministres, réunis au même moment autour de la table du gouvernement. La scène inédite sera immortalisée par Ion Luca Caragiale dans l’une de ses nouvelles. C’est toujours dans les cafés que furent fondés les premiers clubs d’échecs. Aussi, en 1875, le violoniste autrichien Ludovic Wiest, professeur au Conservatoire de Bucarest, organise le premier salon d’échecs au café Concordia, sis rue Smârdan, au vieux centre de Bucarest. Mais ce n’est qu’en 1892 que le premier club d’échecs verra le jour à Bucarest, café Kuebler. Et qu’importe s’il n’était pas séant à ce que les dames franchissent les seuils de cafés, car l’on voit l’industriel Basil Assan trouver rapidement la parade, en aménageant un salon d’échecs pour ses trois filles dans sa spacieuse demeure bucarestoise. »

     

    Les fondateurs du premier club

     

    Parmi les fondateurs de ce premier club d’échecs nous retrouvons Hercule Anton Gudju, diplômé en droit de Paris au début des années 1880, et qui avait gagné plusieurs tournois d’échecs dans la capitale française. C’est lui qui jettera les bases de la Fédération roumaine d’échecs, épaulé dans cette entreprise par son fils, Ion Gudju, membre du Cercle d’échecs de Bucarest. Aussi, pendant l’été 1924, Ion Gudju, George Davidescu et Leon Loewenton participent à Paris pendant les Jeux olympiques d’été à un tournoi d’échecs par équipes. Le 20 juillet 1924, à la fin du tournoi, 15 délégués signeront l’acte constitutif de la Fédération Internationale des Échecs (la FIDE), l’un des 15 signataires étant le Roumain Ion Gudju. Une fois rentré à Bucarest, Ion Gudju n’a eu de cesse que de fonder la fédération nationale du noble sport.

     

    Ștefan Baciu nous raconte la suite de l’histoire :

    « Le 4 janvier 1925, les représentants de 26 cercles d’échecs ont jeté les bases du Comité provisoire de la Fédération roumaine des Echecs. Adam Hențiescu, président du cercle de Bucarest, a été élu à la présidence de la fédération. Né en Transylvanie, Adam Hențiu a traversé les Carpates en 1877, à 21 ans, pour rejoindre volontaire les rangs de l’Armée roumaine qui tentait d’arracher l’indépendance du pays face aux armées ottomanes. Après la guerre, il s’établit à Bucarest et devient pharmacien. Volontaire encore pendant la Grande Guerre, Adam Hentiu décède avant que son rêve, la Fédération roumaine des échecs, voit le jour. Du comité d’initiative fit encore partie Alexandru Tyroler, né à Timisoara, et premier champion national d’échecs en 1926. D’autres grands joueurs de l’époque marquèrent l’histoire de ce sport en Roumanie : Nicolae Brody de Cluj, Janos Balogh de Miercurea Ciuc, ce dernier léguant son nom à la défense Balogh. »

     

    Un début prometteur qui ralentit avec la crise économique

     

    En 1925, la Roumanie comptait rien qu’à Bucarest 9 cercles d’échecs, bien d’autres s’organisant dans les villes, dans les lycées et les universités à travers le pays. Le 14 mars 1926 voit le jour à Bucarest la Fédération roumaine des échecs. La crise économique de 1929-1933 freine pourtant l’essor du noble sport, en 1932 et l’année suivante le championnat national masculin individuel n’étant pas organisé. Par ailleurs, alors que l’équipe roumaine avait été une présence constante lors des premières éditions des Olympiades des échecs, créées de manière informelle en 1924, elle va louper les éditions de 1937 et 1939.   (Trad. Ionut Jugureanu)