Category: Chroniques hebdomadaires

  • Qui travaille après la retraite ?

    Qui travaille après la retraite ?

    Une étude récemment publiée par Eurostat montre que seuls 13 % des citoyens de l’Union européenne restent actifs sur le marché du travail après l’âge de la retraite. Pour 36 % d’entre eux, le désir de rester productif et la passion pour leur métier constituent les principales motivations, tandis que plus de 28 % sont motivés par des besoins financiers. Les autres raisons citées par les personnes interrogées sont le désir de rester socialement intégré (11 %) et l’attrait financier du travail (9 %).

    La même enquête montre que les États baltes affichent les proportions les plus élevées de personnes âgées continuant à travailler après la retraite : près de 55 % en Estonie, et environ 44 % en Lettonie et en Lituanie, tandis que la Grèce et l’Espagne (respectivement 4,2 % et 4,9 %) se situent à l’autre extrémité de l’échelle. La Roumanie se trouve au bas de l’échelle, avec seulement 1,7 % de retraités actifs sur le marché de l’emploi.

    Toutefois, une enquête réalisée par BestJobs vient contredire ces statistiques. En 2021, huit employés roumains sur dix ont déclaré qu’ils prévoyaient de continuer à travailler après leur retraite. Pour mieux comprendre cette réalité roumaine, nous nous sommes entretenus avec Sorina Faier, spécialiste des ressources humaines, qui compte plus de 17 ans d’expérience dans ce domaine.

     « Je pense que la vérité se situe quelque part au milieu. Je ne pense pas qu’Eurostat ait tout à fait raison, parce que les sondeurs ne disposent pas de toutes les données, et dans l’autre enquête les gens disent seulement qu’ils ont l’intention de travailler, mais pas qu’ils travaillent. En effet, de nombreux retraités ne disposent pas d’une pension suffisante sous quelque forme que ce soit – nous savons tous à quel point nos retraites sont faibles en Roumanie – et ils travaillent donc. Mais de nombreux employeurs embauchent de façons illégales et il est clair que ces employés n’apparaissent pas dans les comptes et qu’Eurostat ne peut pas les prendre en considération. »

     

    Des motivations diverses et variées

    Interrogée sur les raisons pour lesquelles les retraités roumains choisissent de rester sur le marché du travail, Sorina Faier estime que les besoins financiers prévalent, mais aussi que le désir de ne pas s’isoler est important.

    « En tant qu’être social, les personnes encore dynamiques, en bonne santé physique et mentale sont très désireuses de continuer à travailler pour conserver leur énergie. »

     

    De l’expertise des seniors

    Mais il existe des différences significatives entre les cadres supérieurs et les cadres moyens, ainsi qu’entre les travailleurs qualifiés et les travailleurs non qualifiés. Dans le cas des premiers, la plupart souhaitent rester dans le même domaine. Selon Sorina Faier, l’état d’esprit des employeurs a changé au cours des dix dernières années et ils sont plus enclins à conserver ou à embaucher des personnes ayant dépassé l’âge de la retraite, car ils ont pris conscience des avantages de l’expertise des professionnels seniors occupant des postes d’encadrement supérieur. Sorina Faier :

     

     « Je constate, d’après tous les entretiens que nous avons et toutes les réunions que je fais avec des cadres supérieurs, qu’ils sont beaucoup plus ouverts à l’embauche de personnes plus âgées, l’atout étant leur ancienneté et les connaissances qu’elles peuvent apporter. Mais si nous parlons de travailleurs qualifiés et non qualifiés, il est certain que la plupart d’entre eux se dirigent vers d’autres secteurs, notamment les services de sécurité, où l’on voit partout des agents de sécurité assez âgés et manifestement à la retraite. En général, lorsqu’ils prennent leur retraite, les travailleurs peu ou pas qualifiés se dirigent vers les services, par exemple de nettoyage, de sécurité, parfois vers la restauration et les services de taxi ».

    Certains seniors choisissent, une fois à la retraite, de se lancer dans l’entrepreneuriat, souvent dans le domaine dans lequel ils ont acquis de l’expérience, suffisamment confiants pour créer une entreprise à partir de zéro.

     « Bien sûr, la plupart d’entre eux créent une entreprise juste suffisante pour leur assurer un certain confort et compléter leur retraite et, oui, ils se concentrent sur les domaines qu’ils connaissent et dans lesquels ils ont construit un réseau suffisamment solide pour que cette entreprise réussisse également. »

     

    Des situations contrastées

    Sorina Faier affirme que les mentalités ont changé par rapport à il y a dix ans, lorsque les gens envisageaient rarement de travailler au-delà de l’âge de la retraite. Aujourd’hui, les Roumains prennent conscience qu’il y a de nombreux avantages à rester actif, à la fois en termes de santé et d’équilibre mental, mais aussi sur le plan financier. Une autre option consiste à travailler en free-lance sur des projets d’enseignement, de traduction, de tutorat ou même d’informatique. Ces derniers, même s’ils ne représentent pas un pourcentage énorme, sont généralement des personnes qui ont constamment perfectionné leurs compétences et se sont tenues au courant des dernières technologies.

    Les données de l’Institut national des statistiques montrent que 4,9 millions de Roumains sont à la retraite, dont un million n’a pas encore atteint l’âge légal de la retraite. L’âge de la retraite en Roumanie est l’un des plus bas de l’UE : 59,5 ans, avec l’Autriche, et son âge de départ à la retraite de 59,6 ans. En revanche, l’Islande, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède ont l’âge le plus élevé pour le versement de la première pension – entre 64 et 66,2 ans.

    Les experts roumains estiment que, s’agissant d’une moyenne, il existe de très grandes différences entre les personnes qui partent en retraite anticipée et celles qui continuent à travailler jusqu’à un âge avancé. Parmi les professions qui offrent une retraite anticipée en Roumanie figurent la police, la gendarmerie, les services secrets, le service militaire, la magistrature et l’armée de l’air. (Trad : Clémence P. Lheureux)

  • L’Association de la chaîne alimentaire courte sur le Salon de la « Semaine verte » de Berlin

    L’Association de la chaîne alimentaire courte sur le Salon de la « Semaine verte » de Berlin

    Durant la deuxième quinzaine du mois de janvier, l’Association de la chaîne alimentaire courte (ALAS), a présenté des produits roumains authentiques d’Alba, Bacău, Constanţa, Giurgiu et Maramureş, sur le stand du ministère de l’Agriculture et du Développement rural (MADR) dans le cadre du Salon international de la « Semaine verte » (« Grune Woche ») de Berlin, en Allemagne.

    Marius Tudosiei, fondateur de l’Association de la chaîne alimentaire courte, nous a donné quelques détails sur le déroulé du Salon :

     

    « Sans nommer de marques spécifiques, nous avons apporté nos meilleures huiles pressées à froid, quelques produits à base de poisson, de la zacusca et des conserves de poisson, qui ont été très bien accueillis. L’événement s’est très bien déroulé, et je pense que nous devrions renforcer notre coordination et nous préparer pour Berlin 2026. »

     

    La chaîne alimentaire courte

    La « Semaine verte » (« Grune Woche ») de Berlin est un événement consacré aux produits agroalimentaires, qui rassemble chaque année plus de 60 pays et des centaines de milliers de visiteurs. Marius Tudosiei nous a expliqué le concept de chaîne alimentaire courte :

    « Il y a quelques années, la chaîne alimentaire courte était considérée comme la relation directe entre le producteur et le consommateur, sans intermédiaire, caractérisée par la distance la plus courte possible entre les deux. Malheureusement, en 2025, nous ne pouvons même plus espérer obtenir tous ces détails. Il y a cependant, dans notre vision, quelques paramètres qui, une fois changés, devraient être très bien définis, à savoir qu’il devrait toujours y avoir une relation entre le producteur et le consommateur, qu’il s’agisse d’un particulier, donc pour la consommation domestique, ou que nous parlions de l’industrie de l’HORECA, des chefs, des restaurants, des propriétaires. Je me suis rendu compte que le rôle d’intermédiaire ne peut être ignoré. Il est en quelque sorte nécessaire. Mais  de notre point de vue, il doit jouer un rôle aussi discret que possible et qu’il ne doit en aucun cas monopoliser la majeure partie de l’accord proposé. Ce que je veux, c’est que l’intervention d’un intermédiaire, quel qu’il soit, doit être la plus discrète possible d’un point de vue financier, parce que malheureusement, dans les chaînes actuelles, les grandes chaînes, ce sont justement les intermédiaires qui se font les plus grosses marges sur la valeur du produit fini, de ce que le consommateur paie, et donc nous essayons de rapprocher les producteurs et les consommateurs, et les deux ont des langages un peu différents. Souvent, les fabricants ne comprennent pas exactement quels sont les besoins des consommateurs. »

     

    La contribution des citoyens ordinaires

    Marius Tudosiei a illustré le manque de compréhension des besoins des consommateurs à travers plusieurs exemples. Il a notamment souligné l’insuffisante diversification des produits et les erreurs dans le choix des emballages : certains formats sont trop petits pour le secteur de l’HORECA, tandis que d’autres sont inadaptés aux foyers en raison de leur taille surdimensionnée. Nous lui avons demandé quel rôle les citoyens ordinaires pouvaient jouer face à cette situation. Voici sa réponse :

    « Le premier pas à faire dans cette direction est extrêmement important : réfléchir exactement à ce qu’ils mettent sur leur table et dans leurs assiettes et penser à l’origine des ingrédients qu’ils achètent. Entre-temps, nous avons également lancé un projet éducatif destiné aux écoles et aux maternelles, et je dois admettre qu’il est plus difficile de travailler avec les plus jeunes, car la période pendant laquelle vous pouvez capter leur attention est très courte. Une chose fabuleuse s’est toutefois produite : je leur ai montré des légumes frais qu’ils se sont passés de main en main. Chacun a pu sentir la différence entre les céleris parfaitement dessinés que l’ont trouve dans les grands magasins, évidemment importés. Ils n’ont rien trouvé d’intéressant à dire à ce sujet, à part qu’ils pouvaient le faire rouler puisqu’il était parfaitement rond. J’avais aussi apporté un céleri de mon jardin, bien feuillu, et dès que j’ai tourné ses feuilles et qu’il a embaumé toute la classe de son parfum, c’est probablement à ce moment là que j’ai le mieux capté l’attention des enfants, car le stimulus était très fort. Il existe une différence notable entre les produits importés et les produits locaux, c’est pourquoi le consommateur doit réfléchir très sérieusement à ce qu’il achète. Les produits locaux, éventuellement certifiés biologiques, ne sont pas toujours plus chers que les produits importés. Nous devons penser aux options d’emballage, à l’empreinte carbone. Il y a beaucoup de choses à prendre en compte et je pense que nous devrions être un peu plus conscients de ce que nous mangeons. En même temps, nous devrions réfléchir au fait que la nature a organisé les choses de telle manière que la saisonnalité devient importante et qu’elle devient importante aussi dans nos menus. Il est en effet tout à fait logique qu’un ingrédient ne soit pas disponible 365 jours par an. »

     

    Marius Tudosiei nous encourage donc à suivre le rythme des saisons. Adopter cette attitude est essentiel, non seulement pour préserver la qualité et la saveur des aliments, mais aussi pour soutenir une agriculture plus durable et respectueuse de l’environnement. Comme notre invité l’a souligné, une meilleure compréhension des besoins des consommateurs et une offre adaptée sont cruciales. Mais au-delà de l’offre, il appartient aussi aux citoyens d’être attentifs à ce qu’ils mettent dans leurs assiettes. Choisir des produits de saison et veiller à leur provenance permet non seulement de mieux se nourrir, mais aussi de contribuer à un système alimentaire plus équilibré et responsable.

  • La destruction du patrimoine religieux de Bucarest

    La destruction du patrimoine religieux de Bucarest

    Le régime communiste a détruit de nombreuses églises et monastères

     

    L’histoire du patrimoine religieux de Bucarest durant le 20e siècle, surtout celle de la seconde moitié du siècle, ne fut pas des plus reluisantes. Le régime communiste fut loin d’être un allié de la religion et n’hésita pas à s’en prendre aux églises et aux monastères qui essaimaient le Bucarest d’antan. Il en fut ainsi du monastère Văcărești, le plus grand monastère orthodoxe de l’Europe de Sud-Est.

     

    L’historienne Speranța Diaconescu ancienne fonctionnaire à l’Office culturel national de Bucarest raconte dans une interview de 1997, conservée par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, la manière que le régime communiste de l’époque a utilisé pour mettre à terre nombre de lieux de culte.

     

    Speranța Diaconescu : « Les choses évoluaient de mal en pis. Il y a eu des destructions d’églises dès l’installation du régime communiste en Roumanie. Il y a eu l’église Stejarului, l’église du chêne, sise place du palais royal, qui fut détruite pour laisser la place à l’ensemble Sala Palatului et aux buildings d’habitations avoisinants. Pourtant, dans ces années, et l’on parle des années 50-60, c’était l’exception. Le phénomène a pris pourtant de l’ampleur plus tard, dans les années 80, lorsque Nicolae Ceausescu s’est évertué de rebâtir à sa sauce le nouveau centre de Bucarest, en détruisant pour ce faire des quartiers historiques du vieux Bucarest. Des quartiers qui avaient du cachet et où les églises étaient présentes en nombre. Ce fut pour la capitale roumaine une perte inestimable en termes de patrimoine architectural, culturel et religieux. » 

     

    Des destructions massives dans les années 1980

     

    En effet, pour les Bucarestois les années 80 furent synonymes de destructions massives. Les nouveaux plans de systématisation de la capitale roumaine n’ont pas épargné les lieux de culte. Les églises, victimes de la folie destructrice du dictateur roumain, ont été, pour une minorité, translatées, pour la plupart détruites.

     

    Speranța Diaconescu rappelle le cas de l’église Pantelimon, située sur une ile du lac homonyme, église démolie en 1986 :

    « L’on a fait des fouilles, l’on est parvenue à sauver des choses. Ensuite seulement elle fut démolie. C’était la procédure. C’était une église voïvodale, où se trouvait la dépouille d’Alexandru Ghica. Elle recueillait des éléments décoratifs précieux, certaines pièces uniques que l’on est parvenu à sauvegarder ». 

     

    Un mépris généralisé pour le patrimoine religieux

     

    Mais le mépris pour le patrimoine religieux était généralisé, depuis les décideurs politiques et jusqu’aux simples ouvriers.

     

    Speranța Diaconescu :

    « Après avoir soulevé la pierre tombale, l’on a découvert le sarcofage du voïvode Alexandru Ghica. La dépouille était embaumée, bien conservée, enfermée dans un cercueil de plomb, ensuite seulement dans son cercueil de bois. Vu l’état de conservation, l’on décida alors d’étudier de près la dépouille. Mais vous savez quoi ? Ils ont pris le cercueil de plomb pour l’amener au musée, c’était une pièce qu’il fallait conserver. Ils ont ensuite soulevé la chemise du voïvode et ils se sont étonnés qu’il n’avait pas de médaillon d’or autour du cou. La dépouille n’avait qu’une bague et une chaîne avec une petite croix en or autour du cou. A la fin, la dépouille a été entassée dans un sac en plastique et jetée derrière un buisson. Il est vrai qu’elle commençait à sentir mauvais, mais était-ce cela une raison pour la jeter de la sorte ? C’était pire que du vandalisme. Avec l’aide d’une collègue et du prêtre, je suis finalement parvenue à lui creuser une tombe et à réinhumer sa dépouille dans la dignité. Mais ce fut lamentable, vraiment lamentable ».     

     

    Quoi qu’il en soit, durant la seconde moitié du 20e siècle, pendant les 45 années de régime communiste, le patrimoine religieux de Bucarest souffrit des pertes irréparables. Sa mémoire, tronquée, tant qu’elle a pu être épargnée par les bulldozers, demeure d’autant plus précieuse. (Trad Ionut Jugureanu)

  • Les pogroms d’Iaşi et de Bucarest

    Les pogroms d’Iaşi et de Bucarest

    Le début de l’année 2025 est marqué par l’anniversaire des 84 ans depuis le « Pogrome de Bucarest » du 21 au 23 janvier 1941 et l’anniversaire des 80 ans de la libération, le 27 janvier 1945, d’Auschwitz (Pologne), le plus grand camp d’extermination nazi. Deux tristes commémorations de l’histoire moderne du monde et de la Roumanie. Le Pogrome de Bucarest a représenté une série de manifestations violentes et de crimes contre les Juifs, qui ont eu lieu durant la Rébellion légionnaire (de la Garde de fer) de janvier 1941. Il est considéré comme le plus grand et le plus violent pogrome contre les Juifs de Munténie (sud – sud-est de Roumanie). Cette même année, un autre pogrome, probablement le plus violent de l’histoire des Juifs de Roumanie, était organisé du 27 au 30 juin dans la région de Moldavie, 13.266 citoyens juifs roumains ayant été tués dans la ville d’Iași.

     

    « Fotografii însângerate / Photos ensanglantées », un documentaire bouleversant

     

    Le réalisateur d’origine juive Copel Moscu a dans son portefeuille une cinquantaine de courts et longs métrages dont il a assuré la réalisation et le scénario et qui ont gagné de nombreux prix nationaux et internationaux. C’est à la fin de l’année dernière, 2024, que son film « Fotografii însângerate / Photos ensanglantées » a eu la première projection; c’est un documentaire qui évoque les événements bouleversants du Pogrome d’Iași.

     

    Le réalisateur Copel Moscu a parlé au micro de RRI de ses origines et de la façon dont l’histoire officielle présentait ces événements à l’époque de son enfance et de sa jeunesse, avant la chute du communisme en 1989.

     

     « Tout d’abord, vous savez que ma famille a des origines juives. Ce qui est intéressant c’est que je n’ai jamais entendu parler de ce pogrome durant mon enfance et ma jeunesse. Un événement terrifiant, une tâche noire sur l’histoire moderne, mais, en tenant à l’écart des informations sur ce qui s’était passé, mes parents ont voulu m’empêcher de porter jugement sur ces temps-là. Alors que j’étais très intéressé de savoir ce qui était arrivé aux membres de notre famille, car certains d’entre eux ainsi que des amis avaient été victimes de l’Holocauste. Cette obturation de l’histoire réelle était très pratiquée à cette époque-là. Les autorités communistes ne parlaient que très peu, voire pas du tout, de cet événement. Il n’était pas interdit d’en parler, mais ce n’était pas recommandé de le faire. … Ce fut un dérapage extrême de l’histoire et j’espère qu’il restera unique dans l’histoire… des gens, qui ne se connaissaient pas vraiment les uns les autres, et les uns ont supprimé les autres sans aucune explication claire, tout simplement par haine. … »

     

    Le réalisateur Copel Moscu a continué expliquant sa façon de travailler à son documentaire.

    2: « Le Conseil national d’étude des archives de la Securitate (CNSAS) gardent les photos réalisées pendant ces événements-là. Il existe encore un tas de documents et d’images classés et je n’en connais pas la raison, mais qui seront sans aucun doute rendus publics à un moment donné. Il est très intéressant de constater que notre histoire a encore des secrets à dévoiler et je crois que nous aurons encore de grosses surprises, car les documents et les images et les rapports de ces temps-là commencent à devenir plus clairs, donnant à chacun de nous l’occasion d’interpréter ce qui s’était passé à travers notre pensée moderne. Nous devons comprendre qu’une certaine époque a une certaine vision de l’histoire et qu’il nous est difficile de comprendre sans examiner ces éléments en profondeur … »

     

    Un film montrant la préparation et l’exécution du pogrome

     

    Le film documentaire « Fotografii însângerate / Photos ensanglantées » présente des images montrant la préparation et l’exécution du pogrome, depuis le marquage des maisons des familles juives aux colonnes de Juifs obligés à creuser les fosses dans lesquelles allaient être jetés leurs semblables.

     

    Copel Moscu raconte l’effet produit par ces photos sur le public et la manière dont il les a introduits dans son film. Track 3: « Cela s’appelle l’effet de parallaxe qui fait qu’une photo bidimensionnelle passe d’une certaine manière dans le tridimensionnel, dans l’espace, pour donner au spectateur la possibilité de vivre intensément cette image… Les images négatives, celles dans lesquelles on parle de la mort… Les gens peuvent regarder par moments des radiographies de leurs propres existences. … »

     

    Ce film documentaire peut devenir du matériel à étudier pour les nouvelles générations afin qu’elles puissent mieux comprendre ces moments de l’histoire de la Roumanie, croit Copel Moscu, qui poursuit.

     

    « Moi je crois que ce film devrait être projeté dans les établissements scolaires, surtout qu’il s’agit d’une matière scolaire presqu’obligatoire. Bon, elle est optionnelle, mais elle est inscrite dans le programme scolaire. C’est l’étude de l’Holocauste. … Ce film pourrait aider les jeunes à se construire une opinion sur cette époque-là, sur les relations entre les gens, sur l’approche d’une situation de crise … »

     

    L’histoire dans la conscience collective

     

    Le film documentaire « Fotografii însângerate / Photos ensanglantées » ramène dans la conscience collective ces moments d’histoire dramatique, quand la législation roumaine de la dernière année du règne de Carol II avait donné un pouvoir légal à la discrimination raciale des Juifs, qualifiés de « race inférieure ». L’Etat national légionnaire avait durci les interdictions et limité les libertés et les droits civils des Juifs. Des milliers d’entre eux avaient été arrêtés, enquêtés et torturés à Bucarest durant la Rébellion légionnaire. Des temples et des synagogues avaient été pillés, plusieurs assassinats avaient été commis dans la forêt de Jilava, à proximité de la capitale. Les statistiques ont fait état de plus de 120 Juifs tués pendant le Pogrome de Bucarest, 1274 boutiques, appartements et ateliers saccagés, des centaines de camions de marchandises pillés. Ces événements de Bucarest ont été niés ou omis de l’histoire récente après répression de la Rébellion. Des théories ont été avancées pour soutenir des conspirations supposées des Juifs et des communistes en lien avec le Pogrome de Bucarest et avec la véracité des faits. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • « Moromeții 3 »

    « Moromeții 3 »

    « Moromeții 3 », du réalisateur Stere Gulea, a été un des films les plus attendus par le public et la critique l’année dernière. Il est également le troisième et dernier volet d’une trilogie unique dans le cinéma roumain, extraite de l’œuvre et de la vie de l’écrivain Marin Preda. Le premier volet, lancé en 1988, avait été une adaptation plutôt fidèle du premier volume d’un roman très apprécié, « Moromeții / Les Moromete », la suite, « Moromeții 2 » (sortie en 2018), s’est inspirée du second volume du même roman, ainsi que d’un autre, intitulé « Viața ca o pradă / La vie comme une proie », et de l’œuvre journalistique de Marin Preda.

     

    Un scénario tiré du journal personnel de Marin Preda et de documents divers

     

    Cette troisième partie de la trilogie, dont le réalisateur Stere Gulea a aussi écrit le scénario, s’appuie sur le journal intime de l’écrivain Marin Preda, mais également sur des documents, privés ou publics, qui recréent l’atmosphère des années 1950, une époque marquée par une très forte tension sociale et idéologique, par l’ascension du parti communiste, devenu le seul parti politique officiel en Roumanie. Cette production continue à raconter l’histoire de Niculae, le benjamin de la progéniture d’Ilie Moromete, qui est devenu un jeune écrivain à succès, un personnage alter ego de l’écrivain Marin Preda, déçu aussi bien par ses convictions politiques que par la guilde littéraire, obligée à obéir aux contraintes idéologiques. Le film met aussi en lumière le rôle important joué dans la vie de Marin Preda par deux artistes spéciales: Nina Cassian et Aurora Cornu. « C’est une image qui couvre le comportement et l’attitude adoptés par Marin Preda dans des situations politiques de l’époque. J’ai essayé de comprendre son itinéraire et d’illustrer ce voyage essentiel en recourant à la fiction. J’ai aimé l’idée de faire un film sur ces temps-là, qui sont assez ignorés de nos jours », nuance le réalisateur Stere Gulea.

     

    Une histoire d’amour très spéciale

     

    Nous avons invité au micro de RRI l’actrice Olimpia Melinte, interprète du personnage Vera Solomon, inspiré par la poétesse Nina Cassian. Elle nous a parlé de l’évolution du scénario, écrit par Stere Gulea, et de sa propre documentation pour le rôle qu’elle a assumé, puisque Nina Cassian a été une artiste particulièrement complexe, à la fois complice et contestatrice du régime stalinien : « Tout a commencé avec un casting. Ensuite, j’ai rencontré monsieur Stere Gulea, j’ai pu voir son scénario de plus près et j’ai appris ses attentes, ce qui m’a permis de conclure que le destin m’avait choisi pour interpréter ce personnage. Si on me compare à Nina Cassian du point de vue de l’apparence physique, elle et moi n’avons pas beaucoup de choses en commun. Mais je crois que ce qui nous unit c’est la passion. Nina Cassian s’est beaucoup passionnée pour la poésie, la musique, pour le dessin et la peinture, elle était attirée par tous les beaux-arts. Elle était une artiste complète et je crois que c’est justement cette passion qui l’a soutenue en général et en particulier durant cette époque très compliquée, quand elle avait fait le choix de se tourner vers la musique et de ne rien publier, tellement le régime était horrible. Or cette passion pour les arts a été le lien très fort avec mon personnage. Quant à la documentation de l’époque en question, les années 1950, et du personnage, il y a eu des mois de conversations et de répétitions aux côtés de monsieur Stere Gulea. J’ai lu les journaux intimes de Nina, ses interviews, tout ce que j’ai trouvé sur elle en ligne. J’ai regardé aussi, bien-sûr, le documentaire avec Nina Cassian, « Distanța dintre mine și mine / La distance entre moi et moi-même », réalisé par Mona Nicoară et Dana Bunescu, et ça m’a beaucoup aidée à comprendre cette artiste, qui faisait l’objet de certains préjugés. J’ai voulu comprendre l’être intime et la profondeur d’esprit de Nina, telle que d’autres ne l’avaient pas vue, telle qu’on peut la voir vers la fin de sa vie, dans ce documentaire. Ce sont des instants de sincérité, quand Nina Cassian enlevait son masque social, quand elle s’était donné la chance de vivre cette histoire d’amour difficile à expliquer avec Marin Preda. »              

     

    Marin Preda et Nina Cassian

     

    Olimpia Melinte a raconté comment la relation amoureuse entre Marin Preda et Nina Cassian a été recréée dans le film : « Nous n’avons pas voulu l’expliquer, parce que dans la vie on n’arrive pas à expliquer. Ou bien on le fait des années plus tard, quand deux personnes se revoient et réussissent à expliquer certaines choses. Concernant nos protagonistes, nous avons essayé de reconstruire leur relation à partir de leurs journaux intimes et nous avons voulu la rendre aussi proche de la réalité que possible. Le travail de nous tous a été colossal, parce que le scénario a été modifié d’innombrables fois, de nouvelles séquences y ont été introduites au fur et à mesure, car monsieur Stere Gulea a travaillé sans arrêt là-dessus. Il nous est arrivé d’apprendre le jour-même du tournage qu’il avait introduit une nouvelle séquence. Par exemple, quand les répétitions avaient commencé, l’histoire d’amour entre Marin Preda et Nina Cassian était secondaire dans le scénario initial. Mais je crois qu’elle a pris du poids avec l’évolution de notre travail et j’en suis très contente car elle a été très importante pour eux deux. »

    Générique final

     

    Outre Olimpia Melinte, l’affiche du film « Moromeții 3 »  inclut les noms de plusieurs acteurs roumains des plus appréciés : Alex Călin, qui a endossé le personnage Niculae Moromete, et Horaţiu Mălăele, qui reprend pour la deuxième fois le rôle Ilie Moromete. La distribution est complétée par Mara Bugarin, Răzvan Vasilescu, Iulian Postelnicu, Cătălin Herlo, Dana Dogaru, Toma Cuzin, Ana Ciontea, Laurențiu Bănescu, Conrad Mericoffer, Ioan Andrei Ionescu, Andreea Bibiri, Ilinca Hărnuț, Dorina Chiriac et Oana Pellea. Cristian Niculescu a créé les décors et Dana Păpăruz les costumes. Vivi Drăgan Vasile est le directeur de la photographie, Alexandra Gulea a signé le montage, Ioan Filip et Dan-Ștefan Rucăreanu le son, et Cristian Lolea la musique du film. Récompensé du prix du public au Festival international du film Transilvania TIFF 2024, « Moromeții 3 » a également été projeté à plusieurs autres festivals nationaux (TIFF Chișinău, Serile Filmului Românesc/Les Soirées du film roumain – Iași, Film în Sat/Film au village – Peștișani, TIFF Timișoara). (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Le phénomène Deepseek

    Le phénomène Deepseek

    Des géants américains de l’IT s’effondrent face à DeepSeek

     

    Les cotations de plusieurs géants américains des nouvelles technologies, dont Nvidia, Microsoft et Meta, se sont effondrées en bourse au mois de janvier dernier après le lancement réalisé par la société chinoise DeepSeek de son modèle d’intelligence artificielle aux performances comparables aux meilleurs agents conversationnels américains, dont le déjà célèbre ChatGPT.

     

    Une prouesse technologique obtenue à un coût dérisoire rapporté aux sommes investies par les géants américains de nouvelles technologies. Le modèle gratuit disponible de DeepSeek dépassait ainsi rapidement la concurrence devenant l’application la plus recherchée de l’App Store Apple aux Etats-Unis. C’est le moment « Sputnik de l’IA » a estimé Marc Andreessen, banquier spécialisé de la Silicon Valley et conseiller du président Donald Trump.

     

     

    Pour mieux comprendre les tenants et les aboutissants de cette révolution, nous avons approché Florin Zeru, spécialiste en communication stratégique à l’Ecole nationale d’Etudes politiques et administratives de Bucarest :

    « L’heure de gloire de DeepSeek est une sorte de boîte de Pandore. Un modèle en source libre, accessible, extrêmement performant et attrayant, mais qui peut comporter des risques bien cachés. Un modèle d’IA aux vertus et aux risques similaires des ceux que comportait la boîte de Pandore dans la mythologie grecque. Une boîte capable, une fois ouverte, de libérer une foule d’effets bénéfiques et malfaisants à la fois. Le modèle open source de DeepSeek, son efficacité remarquable construisent son attraction. Seulement, il nous sera impossible de refermer cette boîte une fois qu’on l’a ouverte. Car ce modèle extrêmement puissant, accessible à tout un chacun, devient un instrument que plus personne ne pourra dorénavant ni arrêter, ni contrôler. Car malheureusement DeepSeek a son talon d’Achille. En effet, en faisant appel à certaines instructions spéciales appelées en langage de spécialité des Jailbreak prompt, soit des briseurs de chaînes, n’importe quel utilisateur peut contourner les limitations et les règles éthiques préprogrammées par le constructeur. Aussi, si dans les mains des chercheurs bien intentionnés DeepSeek serait en mesure d’accélérer leurs recherches pour obtenir de nouvelles molécules et résoudre des problèmes complexes, dans les mains des gens malintentionnés il pourra faciliter la désinformation, créer des codes pour de nouveaux virus informatiques, planifier des attaques dans la vie réelle. Bref, c’est offrir un kalashnikov à tout un chacun, sans se soucier des capacités des usagers à utiliser l’arme à bon escient ».      

     

    Même performance à des coûts inférieurs

     

    Mais là où le bât blesse c’est le coût mille fois moindre qu’a investi la société chinoise par rapport à ses concurrents américains pour obtenir en gros le même produit d’intelligence artificielle. Comment est-elle parvenue ?

     

    Florin Zeru : « DeepSeek est le symbole des ambitions chinoises qui entend s’ériger en leader mondial dans le domaine de l’intelligence artificielle. C’est le symbole des ambitions de Pékin, décidé à combler rapidement le décalage technologique qui sépare encore la Chine des Etats-Unis. Jusqu’au moment du lancement de ce produit, ces derniers avaient une longueur d’avance dans le domaine grâce à leurs sociétés phares : OpenAI, Google, Microsoft. DeepSeek est venu rabattre les cartes. » 

     

    Les données collectées sont stockées sur des serveurs chinois

     

    L’exploit de DeepSeek est d’autant plus marquant que les Etats-Unis ont fait des mains et des pieds depuis des années pour empêcher l’accès de la Chine aux micropuces de dernières générations. Mais le souci majeur des spécialistes tient à ce petit détail : les données collectées sont stockées sur des serveurs chinois, qui se trouvent entre les mains de deux autres compagnies chinoises, comme le précise DeepSeek.

     

    Pour comprendre la mise de cet élément, nous avons approché Flavia Durach, spécialiste en communication :

    « Il ne s’agit pas seulement de ce que nous savons au sujet d’un utilisateur DeepSeek, mais de son profil général d’utilisateur d’internet. Certes, l’on peut espionner ainsi un individu à son insu. Mais plus encore, dans le cadre de cette compétition qui est de mise entre les Etats, ce sont les grandes tendances, la maîtrise de grands nombres qui est recherchée. Les informations ainsi recueillies peuvent certes servir au producteur et l’aider à améliorer son produit, mais elles peuvent aussi être recueillis à des fins moins avouables, et servir à des tentatives de manipulation, pour orienter l’opinion publique, pour orienter le vote, pour falsifier la volonté populaire, le libre arbitre. Décortiquant le profil, le comportement, les préférences, ce n’est pas sorcier. »     

     

    Mais les profils individuels peuvent à leur tour devenir la cible des tentatives des vols d’identité, des vols de données personnelles, de différents types de fraudes, rappelle Flavia Durach. En tous les cas, mettre la main sur des données personnelles c’est détenir une arme extrêmement puissante.

     

    (Trad. Ionut Jugureanu)

  • A la découverte de Câmpulung Moldovenesc

    A la découverte de Câmpulung Moldovenesc

    La Bucovine est l’une des régions les plus prisées de Roumanie. Là-bas, nous vous recommandons chaudement de faire une halte dans la ville de Câmpulung Moldovenesc, un carrefour entre nature, culture et tradition, ce qui en fait une destination touristique idéale ! Après avoir fait le tour des attractions touristiques de la ville, vous pouvez vous lancer dans l’un des nombreux sentiers de randonnée qui sillonnent les alentours et grimpent jusqu’au sommet des monts Rarău et Giumalău, un lieu très apprécié par les amoureux de la nature et les amateurs d’activité en plein air.

    Mihaela Axânti de l’Office de tourisme de Câmpulung Moldovenesc nous raconte l’histoire de ce nom mystérieux :

     

    « Entourée de collines boisées, au centre de la Bucovine, la commune de Câmpulung Moldovenesc s’étend sur 14 km. C’est d’ailleurs cette spécificité qui lui a donné son nom « Câmp Long » (le champ long). Les touristes qui arrivent dans la ville au pied du mont Rarău doivent absolument s’arrêter au Musée de l’art du bois. Il s’agit de la seule collection ethnographique de ce type en Roumanie et l’une des rares en Europe consacrée exclusivement aux objets en bois. Mentionnons également les collections privées : la collection ethnographique Ioan Grămadă et la collection de cuillères en bois Ioan Țugui. Dans ces collections, les visiteurs auront la joie de découvrir comment le bois accompagne notre vie depuis des siècles, comment la forêt a permis aux habitants de se construire des abris, de trouver de la nourriture et des richesse et même de se construire une identité. Toujours dans le cadre du patrimoine culturel, vous pouvez également visiter les églises de notre ville, le monastère de Rarău et la Sihăstria Răului. Je voudrais mentionner l’église de Capul Satului, qui est la première église en bois de la région, construite entre 1855 et 1858. S’ils souhaitent faire une petite pause dans le centre ville, les touristes peuvent aller flâner dans le Parc Central qui dispose d’une belle fontaine artésienne, construite en 1898 à l’occasion du 50e anniversaire du règne de l’empereur autrichien François-Joseph Ier. Ils peuvent également admirer le groupe statuaire Dragoș Vodă et le Bison, ainsi que l’ancien hôtel de ville, construit en 1863, ancien palais municipal à l’époque de l’empereur François-Joseph Ier. »

     

     

    À quelques kilomètres du centre-ville seulement, les touristes découvriront la silhouette majestueuse du massif Rarău. Mihaela Axânti poursuit :

     

    « C’est l’épicentre du tourisme dans toute la région de Bucovine. D’où que l’on regarde, le paysage ressemble à une imposante forteresse, dominée par les rochers dits de la Dame, qui se dressent vers le ciel comme deux tours de guet de. Les gorges de Moara Dracului, le Moulin du Diable, les plus belles de toute la région, sont également réputées pour leur beauté et leur dimension. L’un des endroits qui, selon nous, laissera les visiteurs bouche bée est la forêt séculaire de Slătioara. Elle est également surnommée la cathédrale des bois de Rarau. Il s’agit d’une aire protégée qui s’étend sur 1064 hectares et qui est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2017. Les touristes y trouveront des arbres âgés d’environ 200 à 300 ans, d’une hauteur supérieure à 50 mètres et d’un diamètre d’au moins 1 mètre. Le VTT, le parapente, la randonnée, le tout-terrain, l’escalade sont autant d’activités pour ceux qui veulent allier activité physique et vacances et profiter de la nature et de l’air pur. Les amateurs de sports d’hiver disposent également d’une piste de ski, Rarău, longue de 2 850 mètres, avec un dénivelé de 455 mètres et un degré de difficulté moyen. La piste a une largeur de 30 mètres au départ et de 80 mètres à l’arrivée. Elle dispose d’une télécabine et de tout ce qu’il faut pour satisfaire les amateurs de sports d’hiver ».

     

    Tout au long de l’année, la mairie de Câmpulung Moldovenesc, par l’intermédiaire de son office du tourisme, organise plusieurs événements. Par exemple, le Salon des artisans se déroule chaque année sous l’égide du Festival international de folklore des rencontres Bucovines et du Festival de la route du bois. Les artisans font ainsi découvrir au grand public différentes techniques pour décorer les oeufs, sculpter le bois, et tisser des costumes traditionnels. Mais vous pouvez aussi rencontrer les artisans dans leurs ateliers, explique Mihaela Axânti de l’office du tourisme de Câmpulung Moldovenesc :

     

    « Dans la ville, les touristes peuvent rencontrer l’un de nos artisans les plus connus, Aristotel Erhan. C’est lui qui continue de faire vivre la tradition de la fabrication du « bucium », une sorte de didgeridoo roumain traditionnel. L’histoire de cet instrument remonte à l’Antiquité. Il était utilisé pour avertir les gens d’un danger. Chaque année, M. Aristotel parcourt les forêts environnantes à la recherche de bois de résonance pour en fabriquer des instruments. Comme il le dit lui-même, c’est en voulant honorer ses ancêtres qu’il a fait sien cet art, en réunissant autour de lui une multitude d’autres maîtres artisans. Il dit que le coeur de nos ancêtres bat encore au son du bucium. Les joueurs de Bucium de Bucovine sont aujourd’hui une légende vivante, une preuve éclatante de la transmission des traditions ancestrales d’une génération à l’autre ».

     

     

    Le calendrier des événements de Câmpulung Moldovenesc est bien rempli. Chaque année, des festivals remettent sur le devant de la scène les traditions de la région et attirent des milliers de visiteurs. Parmi eux, le Festival international de folklore des rencontres Bucovines.

     

    « Il rassemble chaque année environ 500 artistes étrangers et plus de 1500 artistes amateurs du pays, soit plus de 11 000 participants. Il est organisé avec la participation de quatre pays où vivent d’anciens habitants de Bucovine : la Pologne, l’Ukraine, la Roumanie, la Hongrie et la République de Moldova. Nous avons également le Bucovina Ultra Rocks, une compétition de course en montagne qui, cette année, fait partie de l’Europe Trail Cup. C’est l’une des plus grandes compétitions de course en montagne en Roumanie, avec des sentiers qui traversent nos réserves naturelles et des lieux emblématiques tels que les Rochers de la Dame, les Gorges du Moulin du Diable et les Massifs Rarău et Giumalău. En automne, au mois d’octobre, nous avons le festival dit de la Route du bois et la Foire des producteurs de lait, des événements qui célèbrent et font la promotion des us et coutumes ancestrales des habitants de Câmpulung. »

     

     

    Chaque année, la ville de Câmpulung Moldovenesc est visitée par plus de 80 000 touristes dans ses plus de 200 structures d’hébergement, et la grande majorité des visiteurs venus de l’étranger sont originaires d’Europe.

  • « Travail de femme », des solutions pour lutter contre l’inégalité de genre dans les domaines scientifiques

    « Travail de femme », des solutions pour lutter contre l’inégalité de genre dans les domaines scientifiques

    Le plafond de verre roumain

    Au niveau mondial, les statistiques de l’UNESCO montrent que les femmes ne représentent qu’un tiers des chercheurs scientifiques et que cette proportion est restée stable au cours des dix dernières années. Aux niveaux supérieurs, c’est-à-dire aux postes de direction et en tant que membres des académies nationales des sciences, les femmes ne sont que 12 %.

    Selon les données de 2023, en Roumanie, les femmes représentent 41 % des diplômés dans les domaines des STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques), ce qui est supérieur à la moyenne européenne de 32,8 %. Dans le classement européen, les deux pays suivants avec les pourcentages les plus élevés sont la Pologne et la Grèce. Toutefois, les femmes roumaines titulaires d’un doctorat en sciences et technologies ne représentent que 0,24 % de la population totale du pays, ce qui place la Roumanie au dernier rang de l’UE. En outre, seule une personne sur cinq employée dans les domaines des STIM en Roumanie est une femme.

    Les experts scientifiques estiment que nous devrions moins nous intéresser aux chiffres qui placent la Roumanie en tête des pays où les femmes sont diplômées ou travaillent dans le domaine scientifique qu’à la faible représentation des femmes dans les postes de recherche de haut niveau. Une explication possible de l’implication apparente des femmes roumaines dans les domaines des STIM, c’est-à-dire le fait que nous ayons le pourcentage le plus élevé de femmes diplômées en Roumanie, peut être attribuée au passé communiste. Or les efforts d’alphabétisation de masse et de professionnalisation des femmes dans le but de moderniser la société n’étaient pas fondés sur des politiques d’égalité des sexes ou des mouvements féministes.

     

    Une initiative ciblée

    Toutefois, certaines solutions viennent de l’intérieur des écoles, des filles directement touchées par cette inégalité. Le projet « Girls in STIM » a été lancé en mai-juin 2024 par l’organisation Girl Up Neuroscience, financée par les Nations unies, sous la houlette de dix jeunes lycéennes.

    Marina Suvac, élève de terminale au lycée national «Vasile Alecsandri» de Galati et présidente de Girl Up Neuroscience, déclare :

     J’ai remarqué ce manque de représentation en termes de féminisme et de femmes réelles pour ainsi dire dans ce domaine. Moi je suis passionnée par les neurosciences. C’est une passion personnelle – il y a beaucoup de projets du type Girl in STIM, qui concernent les femmes dans les sciences en général et qui sont généralement centrés sur les lycéennes, mais j’ai pensé faire quelque chose de plus spécifique dans les neurosciences parce que les STIM sont un domaine vaste, qui englobe beaucoup de choses C’est ainsi que Girl Up Neuroscience a vu le jour. C’est aussi parce que j’ai découvert cette initiative internationale, Girl Up – ils ont un site web très, très détaillé, et à partir de là, j’en ai appris un peu plus sur eux et j’ai voulu participer à un changement d’une manière ou d’une autre.

    Bien qu’il existe des projets visant à encourager les filles à s’engager dans ces domaines, Marina précise qu’ils s’adressent principalement aux lycéennes. Selon elle, il est déjà trop tard : le profil des lycéens a déjà été choisi et l’idée que la science est davantage un domaine masculin est déjà ancrée. Alors l’association cible un public plus jeune.  Marina Suvac :

     « Nous avons organisé neuf webinaires, si je me souviens bien, en ligne, qui étaient des événements nationaux, où nous invitions des intervenantes de différents domaines. Il y a eu beaucoup d’intervenantes dans de nombreux domaines : des femmes dans les STIM, mais aussi du côté du féminisme ou du côté des neurosciences. Cette année, nous avons également abordé le thème de la santé mentale. Girls in STIM, notre projet d’été, s’est déroulé en juin-août et a consisté en une conférence et trois ateliers – qui étaient des ateliers pratiques, c’est-à-dire des activités où les filles âgées de 10 à 14 ans étaient invitées à mettre la main à la pâte et à faire des expériences pour de vrai.

     

    Des stéréotypes de genre toujours ancrés

    En ce qui concerne les effets tangibles du manque de représentation des femmes dans les sciences, Marina Suvac dit les avoir ressentis directement :

     « En troisième, je suis allée dans un lycée où les performances étaient basées sur les olympiades et principalement sur les sciences, et dans ma classe, à l’époque, il y avait cinq filles sur 21 personnes. Il s’agissait d’un cours d’informatique et de chimie. »

    Les événements organisés par Girl Up Neuroscience ont été soutenus par des femmes roumaines diplômées de facultés de sciences ou travaillant dans les domaines des STIM en Roumanie et à l’étranger. Outre les conférences, les webinaires et les ateliers comportant des dizaines d’expériences, l’équipe de Girl Up Neuroscience, composée de plus de deux cents lycéennes bénévoles, a publié de nombreux articles explicatifs sur le site web. Parmi les sujets abordés figurent l’intelligence émotionnelle, les effets des traumatismes, le circuit de la dopamine, la neurodiversité et l’égalité des sexes.

    Une étude menée en 2021 dans sept pays a montré que l’inclusion des stéréotypes de genre des parents pouvait jouer un rôle décisif dans la perpétuation de l’inégalité entre les sexes dans les domaines des STIM. Ainsi, selon les réponses, les parents participant à l’enquête avaient six fois plus de chances d’imaginer un homme lorsqu’on leur demandait de penser à un scientifique (85 %) et huit fois plus de chances d’imaginer un homme ingénieur plutôt qu’une femme (89 %).

  • Le centenaire de la Patriarchie roumaine

    Le centenaire de la Patriarchie roumaine

    En 2025, l’Eglise orthodoxe de Roumanie fêtera un double anniversaire : 140 depuis qu’elle fut proclamée église autocéphale, en 1885, et puis 100 ans depuis la création de la Patriarchie de Roumanie, en 1925. Pour mieux comprendre la signification de ces deux dates qui ont marqué l’histoire de l’église orthodoxe de Roumanie écoutons l’historien Dragoș Ursu du musée national de l’Union de la ville d’Alba Iulia, située en Transylvanie :

    « En 1918, les provinces roumanophones de Bessarabie, de Bucovine de Nord et de Transylvanie ont rejoint le royaume de Roumanie. L’Eglise orthodoxe roumaine était l’église majoritaire de la Grande Roumanie issue après le Traité de Trianon. Il faut savoir qu’en 1918, la Roumanie comptait une Eglise orthodoxe aux obédiences multiples. Il y avait certes l’Eglise orthodoxe du vieux royaume, soit celui formé par l’union entre la Valachie et la Moldavie au milieu du 19e siècle, ensuite les Eglises de Transylvanie, de Bucovine, province de l’empire d’Autriche-Hongrie gérée par les Autrichiens, enfin l’Eglise de Bessarabie, soumise depuis plus de cent ans à Moscou. Il fallait bien entendu réunir d’une manière ou d’une autre les Eglises orthodoxes de ces quatre territoires réunis dorénavant dans un même Etat. Le processus démarre en 1919 et arrive à son terme six années plus tard, en 1925. Et puis, à la fin, l’Eglise orthodoxe roumaine comptait près de 15 millions de croyants. Une église puissante, vibrante, vigoureuse, qui ne pouvait pas ne pas se doter d’un patriarcat. A l’époque, le patriarcat de Constantinople se trouvait sous la pression des Turcs alors que l’existence de l’église russe était mise en danger par les Bolchéviques. Par comparaison, l’église roumaine était à son apogée, et il lui fallait bien se doter d’un patriarcat ».    

     

    A la fin, l’année 1925 allait achever au niveau de l’organisation de l’Eglise orthodoxe roumaine ce que l’année 1918 avait commencé au niveau de l’unité de l’Etat. Dragoș Ursu :

    « L’année démarre avec le synode du 4 février 1925, lorsque sous la proposition du métropolite Nectarie de Bucovine, le synode approuve la création du patriarcat de Roumanie. La décision synodale sera ensuite votée au Sénat. Au mois de septembre, la Patriarcat œcuménique de Constantinople, qui avait jusqu’alors chapeauté l’église orthodoxe roumaine, reconnaît à son tour le patriarcat de Bucarest. Et ce sera le 1er novembre 1925 qu’a lieu la cérémonie symbolique de la montée sur le trône patriarcal du premier patriarche de l’église orthodoxe roumaine, Miron Cristea. Nous parlons donc d’un processus en deux temps : D’abord l’union des quatre traditions orthodoxes roumaines réunies dorénavant dans un même Etat, ensuite la reconnaissance de ce nouveau patriarcat, de cette nouvelle église par ses pairs, par l’orthodoxie européenne et mondiale ».

     

    6 patriarches à la tête de l’Eglise orthodoxe roumaine

    Depuis lors, 6 patriarches se sont succédés à la tête de l’Eglise orthodoxe roumaine. Que pourrait-on retenir de leur passage dans la plus haute charge pastorale de cette église ? Dragoș Ursu :

    « Miron Cristea fut certainement le patriarche de l’union, celui qui a jeté les bases de l’organisation unitaire de l’Eglise orthodoxe roumaine, celui encore qui a jeté les bases de l’enseignement théologique orthodoxe dans la nouvelle Roumanie d’après la Grande Guerre. L’époque de Nicodim Munteanu, qui lui a succédé, a été une époque marquée par la résurgence des nationalismes, des guerres et des régimes dictatoriaux. A la tête de l’Eglise entre 1939 et 1948, il a été contemporain de la dictature royaliste de Carol II, de l’Etat national-légionnaire de 1940-1941, de la dictature militaire de Ion Antonescu pendant la guerre, enfin de l’occupation de la Roumanie par les Soviétiques fin 1944 et du processus de soviétisation du pays déroulé entre 1945 et 1948. La figure controversée de Iustinian Marina qui lui succéda, surnommé par d’aucuns le patriarche rouge, à cause de ses affinités avec le régime communiste nouvellement installé à Bucarest, a été retenue toutefois par l’Eglise orthodoxe comme celui qui a su préserver l’essentiel de l’orthodoxie roumaine, de ses structures, de la pratique religieuse en des temps extrêmement troubles, face à un pouvoir politique autoritaire et manifestement hostile à la religion. Le patriarche Iustin, qui conduira ensuite les destinées de l’église orthodoxe roumaine pendant 9 années, sera retenu surtout pour ses initiatives théologiques et culturelles. La mémoire du patriarche Teoctist qui lui succède est également perçue de manière ambivalente. Son nom est entaché par son apparente connivence avec le régime communiste de Nicolae Ceausescu, mais il fut aussi le patriarche qui mena la barque de l’église pendant la chute du régime communiste et durant la période de la transition démocratique vers l’intégration européenne du pays. Il fut aussi le patriarche qui démarra le rapprochement entre l’église orthodoxe roumaine et l’église catholique. Rappelons-nous la visite du pape Jean-Paul II en Roumanie à l’été 1999, première visite d’un souverain pontife dans un pays majoritairement orthodoxe. Enfin, faire le bilan du patriarche actuellement en fonction, le patriarche Daniel, n’est pas chose aisée, car il est sans doute trop tôt. Mais il est évident que Daniel a d’ores et déjà beaucoup œuvré pour développer les structures de l’Eglise orthodoxe roumaine dans la diaspora, au-delà des frontières nationales, notamment dans cette province historique qu’est la Bessarabie, la république de Moldova. Grâce à ses efforts, l’orthodoxie roumaine occupe actuellement une place de choix parmi les cultes présentes en république de Moldova. Et puis, Daniel est un patriarche bâtisseur. On lui doit la cathédrale nationale, ce projet conçu déjà au temps du premier patriarche de l’Eglise orthodoxe roumaine, au temps de Miron Cristea, en 1925. »  

    Quoi qu’il en soit, l’histoire de la patriarchie de l’Eglise orthodoxe roumaine suit de près les aléas de l’histoire de la Roumanie durant les deniers cent ans. Mais elle devrait sans doute faire face à de nouveaux défis dans les décennies à venir.   (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Le documentaire « La mort de Iosif Zagor »

    Le documentaire « La mort de Iosif Zagor »

    « La mort de Iosif Zagor », le premier documentaire réalisé par Adi Dohotaru, récompensé du prix-mention à Astra Film Festival de Sibiu et projeté en ouverture du Festival One World Romania, est aussi un des films roumains les plus émouvants de l’année dernière.

     

    Le documentaire s’est proposé de faire parler les personnes vulnérables

     

    Le documentaire raconte les quatre dernières années de vie du vidéographe Iosif Zagor, qui a documenté sa solitude et sa maladie. Il a parlé de ses peurs nourries par son évacuation forcée de trois endroits lui ayant servi d’abri précaire à l’âge de la vieillesse. Iosif Zagor a filmé des vidéos dans sa chambre pour enregistrer sa propre vie et la vie d’autres personnes vivant dans des logements sociaux. Le logement, qui est le thème principal du documentaire, est abordé à travers la vulnérabilité de l’individu et le contexte problématique de l’accès au logement de plus en plus difficile pour les personnes vulnérables ou marginales.

     

    Le film parle également des évacuations abusives de ces personnes. Le documentaire s’est proposé de faire parler le protagoniste, Iosif Zagor, et de créer un contexte propice à l’auto-présentation des personnes vulnérables, afin que celles-ci racontent leur propre histoire et deviennent visibles, explique Adi Dohotaru : « En 2017, des amis à moi de la société civile m’ont décrit la situation dans laquelle se trouvaient environ cinquante personnes qui risquaient de se faire évacuer de leurs logements. Cela m’a permis de rencontrer Iosif Zagor et ses voisins. Iosif avait une vieille caméra poussiéreuse, à cassette, qu’il n’avait plus utilisée depuis longtemps. Je l’ai prié de filmer sa propre situation et celle de ses voisins, afin de les faire connaître aux autorités et à l’opinion publique. Sauf que nous n’avons pas réussi à éviter l’évacuation ; nous l’avons juste reportée pour qu’elle n’ait pas lieu en hiver. Le documentaire montre comment nous avons gardé le contact avec Iosif Zagor et avec une partie de ses voisins, ce qui a fini par consolider une relation de confiance avec eux. Nous en sommes même devenus amis. Tout ça nous a donné l’idée de réaliser un film qui donne voix à de tels gens vulnérables. »

     

    L’accès au logement – un problème de politique publique

     

    Adi Dohotaru, qui fait ses débuts en tant que réalisateur avec le documentaire « La mort de Iosif Zagor », est un adepte de la méthodologie de l’Action participative et il utilise dans ses projets la technique de l’Anthropologie performative pour mettre en valeur ses collaborateurs. Il écrit aussi des lois et des poèmes, il fait de la recherche civique et environnementale. « En tant que militant, chercheur ou homme politique, j’ai proposé, avec d’autres experts, militants et personnes vulnérables, des politiques publiques qui permettent aux décideurs d’investir des fonds dans des logements sociaux. La moyenne de logements sociaux accessibles est d’un peu moins de 10% sur l’ensemble de l’Union européenne, mais elle est de 1% en Roumanie », a affirmé Adi Dohotaru, le réalisateur du documentaire.

     

    Adi Dohotaru : « En effet, en Roumanie, la situation est encore pire que la moyenne européenne. Un gros problème vient de la privatisation, après 1989, du stock de logements publics. Une politique alternative, d’aide à ces gens, aurait dû préserver un plus grand nombre de logements publics, ce qui aurait donné une chance aux individus vulnérables, aux personnes âgées ou aux femmes qui essaient de sortir de mariages abusifs. De telles politiques publiques seraient venues en aide à un plus grand nombre de catégories de population vulnérables. Mais cela n’a pas été le cas, malheureusement. Après la privatisation des logements publics, d’autres nouveaux n’ont pas été construit, comme cela s’est passé en Occident. Et je voudrais mentionner que cette tendance internationale s’est accentuée ces dernières décennies, le stock de logements publics ayant baissé même en Europe occidentale. Au fond, pourquoi l’Etat s’est-il retiré de ces politiques publiques? Nous avons un Etat néo-libéral, qui n’encourage pas les politiques sociales et environnementales. Or il existe des domaines régulés par l’Etat, et c’est le cas du logement ; faire changer cette réalité est le sujet d’un long débat. En fin de compte, dans mon film, je montre ce que ces personnes sont obligées de vivre, une réalité d’absence ou de présence minimale de l’Etat. Comme je le disais, c’est une situation générale, qu’on ne rencontre pas qu’en Roumanie. Nous vivons dans un contexte très compétitif, très individualiste, du chacun pour soi, et nous n’avons pas le temps nécessaire de raisonner avec les problèmes des autres, puisque nous sommes débordés par nos propres problèmes. Il y a encore beaucoup de travail à faire sur nous à l’échelle individuelle, mais aussi sociétale. Et pour que les choses changent, il faut des mouvements sociaux et politiques qui expriment de tels problèmes. Or, à l’heure où l’on parle, de tels programmes politiques, ciblés sur le niveau de vie général et sur le logement, sont peu nombreux, notamment chez les partis mainstream. »

     

    Le documentaire « La mort de Iosif Zagor » est réalisé par Adi Dohotaru et produit par Monica Lăzurean-Gorgan via la maison de production Filmways, en coproduction avec SOS – Societate Organizată Sustenabil, les coproducteurs étant Adi Dohotaru et Radu Gaciu. Alexandru Popescu a assuré le montage. Le film bénéficie du soutien du Programme de master de film documentaire de la Faculté de théâtre et de cinéma de l’Université « Babeș-Bolyai » de Cluj-Napoca. (Trad. Ileana Ţăroi)

     

  • 1,5°, ce seuil qui fait la différence

    1,5°, ce seuil qui fait la différence

    2024 restera dans l’histoire comme la première année où la moyenne des températures mondiales a dépassé le seuil de 1,5° par rapport à la période préindustrielle. Un seuil au sujet duquel les scientifiques se sont accordés pour dire qu’il faudrait tenter à tout prix de ne pas dépasser. La mauvaise nouvelle, annoncée par le programme Copernicus de l’UE sur les changements climatiques, présage du pire. En effet, le dépassement constant de ce seuil durant les dix à vingt années à venir risquerait de faire la différence entre une planète habitable et une planète devenue un véritable cauchemar pour ses habitants. Dans le contexte, le professeur Mircea Duțu, président de l’Université écologique de Bucarest, ne mâche pas ses mots :

    « L’on a enregistré un dépassement des valeurs de l’année précédente durant chaque mois, entre janvier et juin 2024. Un nouveau record de la moyenne quotidienne globale a été établi le 22 juillet 2024, à 17,6°. Et il s’agit d’une tendance lourde des dix dernières années. La cause principale, on la connaît : la hausse de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, la concentration de dioxyde de carbone atteignant 422 parties par million (ppm), un record absolu, l’année dernière, à cause de l’utilisation incontrôlée des combustibles fossiles. Aussi, ce seuil symbolique de 1,5° prévu par l’Accord de Paris a été dépassé. L’on est à 1,6° par rapport à la période de référence 1850-1900. Cependant, pour que cette tendance se confirme il faut encore que cette moyenne se confirme sur une période de plus de vingt ans ».  

     

    Diviser par deux les émissions des gaz à effet de serre avant 2030

    Les 196 Etats signataires des Accords de Paris s’étaient pourtant engagés de diviser par deux leurs émissions des gaz à effet de serre avant 2030, pour viser la neutralité carbone à l’horizon 2050. Force est de constater que l’on est encore loin, alors que la hausse des températures ne fait que contribuer à l’apparition des phénomènes météo extrêmes à travers le globe. Les vagues de chaleur ont fait nombre de victimes l’année dernières, depuis les pèlerins venus faire leur devoir religieux à la Mecque au mois de juin, mais encore au Mexique, en Thailande, en Inde et jusqu’en Grèce. Quatre millions de personnes qui vivent en Afrique centrale et de l’Ouest ont eu besoin d’aide humanitaire à la suite des inondations dévastatrices qui ont fait plus de 1.500 victimes. Plus près de nous, l’Espagne a été à son tour victime l’année dernière à des inondations terribles. Les ouragans ont frappé les Caraïbes, dévastant des larges régions d’Asie, les Filipines en particulier. La sécheresse a touché des régions étendues du continent américain, provoquant des incendies jamais vus jusuqu’aux régions humides de l’Amazonie. Au sud du continent africain, 26 millions de personnes se retrouvent menacés par la famine à cause des conditions météorologiques extrêmes, selon le Programme alimentaire des Nations-Unis. Les scientifiques soutiennent de concert que quasi toutes les catastrophes naturelles de 2024 ont été intensifiées par les conséquences des émissions des gaz à effet de serre évaqué par l’homme dans l’atmosphère. Des catastrophes dont les coûts en termes financiers s’élèvent selon les estimations à près de 140 milliards de dollars. A nouveau, Mircea Duțu :

    « La Terre connaît une véritable poussée de fièvre, surprenante par sa violence. A la fin de la période El Niño au mois de juin et en attendant La Niña pour l’automne, l’on s’attendait à une diminution des températures. Cela n’a pas eu lieu et il est improbable à ce que cela ait lieu dans le contexte actuel. La Niña s’est laissée attendre. Cela dit, depuis des millions d’années l’atmosphère terrestre n’a plus connue une telle concentration de dyoxide de carbone. Pendant les deux dernières millénaires la vitesse de réchauffement de la terre a été lente. La poussé actuelle de fièvre est surprenante. Et dans ce contexte de réchauffement climatique, après le passage d’un El Niño les températures demeurent anormalement élevées. »      

     

    Un signale d’alarme

    Le dépassement de la barre de 1,5°C en une année constitue un signal d’alarme pour l’avenir. Le professeur Mircea Duțu :

    « C’est l’état de l’océan planétaire qu’il faudrait suivre avec attention. 2025 ira probablement se placer sur le podium des années les plus chaudes jamais enregistrées, mais derrière 2023 et 2024. Au mois de décembre passé l’on a constaté une baisse des températures de l’eau de surface des mers. Durant les mois qui suivent nous allons pouvoir mieux comprendre de quoi cette année sera faite, de l’évolution des températures océaniques, qui vont probablement enregistrer des anomalies dans le Pacifique équatorial. »  

    Sans prendre en compte les pertes financières, les spécialistes estiment qu’en l’absence d’une baisse drastique des émissions des gaz à effet de serre, les conséquences des changements climatiques se traduiront par 2,3 millions de décès supplémentaires qui auront lieu dans 854 villes d’Europe avant la fin du siècle. (Trad. Ionut Jugureanu)  

  • La tournée du « Chemin de la liberté » entre dans le Guiness des records

    La tournée du « Chemin de la liberté » entre dans le Guiness des records

    Un long chemin vers la gloire

     

    Célébrant les 35 ans de la Révolution anticommuniste roumaine de décembre 1989, la violoniste Diana Jipa et le pianiste Ştefan Doniga ont réalisé une tournée appelée « Le chemin de la liberté ». Considérée déjà comme l’une des plus amples promotions de la culture roumaine dans le monde, leur initiative a décroché le Record mondial de la tournée la plus rapide sur tous les continents. Les deux musiciens ont été, en effet, les premiers à chanter en moins de 100 jours sur tous les continents de la Planète et notamment en Antarctique, où les concerts de musique classique se font rares.

     

    Ştefan Doniga revient pour Radio Roumanie sur cette incroyable expérience.

    « Cette tournée est née de notre amour de la musique roumaine. Nous avons voulu montrer aux plus de gens possibles, même à des personnes qui habitent à l’autre bout du monde, la richesse et la diversité et, finalement, tout ce que nous avons de beau dans la musique roumaine. C’est quelque chose qui a muri au fil du temps, au cours de mes 7 années de collaboration avec Diana Jipa. On a commencé avec des projets locaux, adressés à des Roumains et surtout aux jeunes et aux enfants, ce que nous avons à cœur de continuer à faire. Sur la base de cette expérience accumulée, nous avons élargi notre aire d’expression. Et finalement, en 2023, nous avons été les premiers Roumains à faire le tour du monde en une seule tournée de concerts. Nous nous sommes aperçus que nous en étions capables, que nous pouvions supporter de longs déplacements, une logistique complexe etc. C’est comme ça que nous en sommes arrivés à la conclusion que nous pouvions réaliser un record mondial pour le livre des record Guiness qui est très connu et donc représente un bon vecteur de publicité. A notre avis, c’était un bon moyen d’attirer l’attention sur la musique roumaine, autrement qu’en montant sur scène ».

     

     Chanter autour du monde en 98 jours et 22h

     

     Diana Jipa qui a monté cette tournée avec Ştefan Doniga nous raconte son expérience :

     « Nous avons voulu faire quelque chose de marquant pour célébrer les 35 ans de la Révolution, c’est pourquoi la tournée s’appelle « Le chemin de la liberté ». Nous avions déjà l’expérience de notre tournée antérieure autour du monde, que nous avons été les premiers musiciens de Roumanie, à réaliser. Nous étions donc préparés à quelque chose de plus grand, de plus important, de plus exigeant, comme cette tournée au cours de laquelle nous avons parcouru tous les continents, les six premiers en 21 jours. Il nous restait l’Antarctique, de sorte que nous avons totalisé 98 jours et 22 heures, comme le précise le Guinness. Imaginez toutes ces années où nous avons travaillé si dur pour devenir de vrais artistes ! Ce n’est qu’à des moments comme celui-ci que nous réalisons que nous pouvons dire que nous laissons quelque chose derrière nous, quelque chose qui inspire les autres, en particulier les jeunes, à réaliser que si l’on travaille, si l’on se soucie de ses rêves, ils peuvent devenir réalité ».

     

    Le public a accueilli cette tournée avec énormément d’enthousiasme

     

    Et le public a accueilli cette tournée avec énormément d’enthousiasme, comme le raconte Diana Jipa :

     « Le fait d’avoir exclusivement de la musique roumaine dans notre répertoire, a constitué plutôt un risque. Mais la musique roumaine est très variée, et c’est exactement ce sur quoi nous nous concentrions. Chaque compositeur était d’une ethnie différente, de sorte que la variété, pour incarner l’idée de liberté, a très bien servi cette approche et le public l’a appréciée. Ils ont été fascinés par quelque chose d’aussi exotique, surtout sur les continents plus éloignés. »

     

    Inspirés par Metallica

     

    En 2013, c’était le groupe Metallica qui obtenait le premier record Guiness pour une tournée sur tous les continents. Ce précédent a-t-il inspiré nos deux artistes ?

     

    Ştefan Doniga nous répond.

     « Je suis un grand fan de Metallica, j’ai grandi avec leur musique, je suis un consommateur de musique classique et de heavy metal, il était donc impossible de se soustraire à l’influence, à la magie de Metallica et je savais qu’ils avaient joué en Antarctique en 2013. J’ai été vraiment inspiré par leur courage. Lorsque nous nous sommes envolés pour l’Antarctique, avec Diana Jipa, nous avons évidemment volé avec la seule compagnie de vols antarctiques qui relie Puntarenas, la ville où nous étions basés, aux stations scientifiques de l’Antarctique. Et dans l’équipage de l’avion, il y avait des gens qui avaient travaillé avec Metallica  il y a 11 ans.  Nous nous sommes même fait photographier avec des T-shirts de Metallica et je ne vous cache pas que nous avons l’intention de communiquer cela aux musiciens américains, parce qu’ils nous ont vraiment inspirés. En fait, ils ont inspiré des générations de différentes manières et dans différentes directions ».

     

    Au-delà des défis relevés, comme celui de transporter le piano et le violon à travers le monde entier ou de trouver le bon moment pour atterrir en Antarctique, la tournée a aussi apporté des surprises excitantes. Ainsi nos deux musiciens ont-ils été accueillis en Antarctique par des gens portant des habits aux couleurs de la Roumanie.

     

    Autant dire que tout rêve peut devenir réalité. Les Roumains l’ont prouvé encore une fois. (trad. Clémence Lheureux)

  • « Chez père Lazăr » – une boutique caritative et un hub des bonnes pratiques

    « Chez père Lazăr » – une boutique caritative et un hub des bonnes pratiques

    Un magasin caritatif

     

    Nous découvrons aujourd’hui une des initiatives censées faire du bien au sein de la communauté. A Bucarest, un projet assez récent se propose de mettre en œuvre un concept déjà bien présent dans les pays développés, celui de « Charity Shop », une boutique caritative, pour financer les programmes d’une organisation charitable. « La Taica Lazăr / Chez père Lazăr » est un magasin qui vend des produits dont les gens ont fait don et utilise l’argent ainsi gagné pour financer de nombreuses initiatives. Plus encore, ceux qui souhaitent acheter ces produits ont aussi l’opportunité de découvrir toute une histoire derrière beaucoup d’objets.

    Ce magasin caritatif porte le nom de Taica Lazăr, Père Lazăr, un personnage populaire qui vivait à Bucarest à la fin du XIXe siècle – début du XXe siècle. Père Lazăr était un Juif qui faisait du commerce avec les vieux objets.

     

    Un concept nouveau en Roumanie, mais connu à l’étranger

     

    Pour en savoir davantage nous avons invité au micro de RRI Elena Raluca Smuc Tănase, présidente de l’Association de médecine pour la santé publique, qui a initié ce projet. Elle nous explique le concept de la boutique « Chez père Lazăr » :

     

    « Il s’agit du concept de « Charity Shop », soit une « boutique caritative », un concept bien connu à l’étranger. Par exemple, en Angleterre, la Croix-Rouge possède un tel magasin depuis plus de 100 ans. De grandes organisations caritatives mettent en œuvre de tels projets dans le but de compléter leurs fonds. Comme vous le savez bien, les fonds proviennent généralement de dons ou de collectes de fonds, à l’étranger ou via des magasins de ce type. Nous avons démarré ce magasin en 2017, lorsque nous avons reçu des dons, des objets que nous ne pouvions pas utiliser à ce moment-là, mais qui étaient en très bon état et pouvaient s’avérer utiles. Chacun peut nous faire don de produits neufs ou en bon état, que ce soit des vêtements, des produits ménagers, des livres, des bibelots ou des bijoux. Bien-sûr, ils doivent être en très bon état, car nous n’avons pas encore de système de recyclage mis en place. Par exemple, nous ne disposons pas de couturier pour faire réparer les vêtements. C’est pourquoi, en ce moment, nous ne pouvons accepter que des articles en très bon état, bien sûr propres, sans taches. »

     

    Plus qu’une boutique, une communauté

     

    Elena Raluca Smuc Tănase souhaiterait enrichir le projet, même par des partenariats avec une laverie ou avec un atelier de couture. Pourtant,à l’heure où l’on parle, il n’est pas encore possible de lancer un deuxième magasin de ce type :

    « Il s’agit d’un projet qui impose la présence permanente sur place de son créateur. C’est un magasin, mais c’est aussi un hub communautaire, c’est-à-dire qu’il y a toute une histoire derrière ce magasin : il nous aide à recevoir des fonds pour pouvoir assurer notre existence et mettre en œuvre nos projets. Et en même temps c’est un lieu de rencontre, un endroit où les gens ont l’opportunité d’être généreux, où ils peuvent, par exemple, échanger quelques mots… Bref, il s’agit detoute une communauté. Qui plus est, pour garder notre esprit, pour l’instant nous n’avons pas pensé à faire un autre magasin similaire ».

     

    Projet : « Des enfants, des bottes et des chaussettes »

     

    A l’occasion des fêtes de fin d’année, les produits de la boutique « Chez père Lazăr » arrivent dans différentes communautés à travers le pays, grâce à un projet intitulé « Des enfants, des bottes et des chaussettes ».

     

    Elena Raluca Smuc Tănase, présidente de l’Association de médecine pour la santé publique, nous donne des détails:

    « C’est un projet que j’ai très à cœur et qui est devenu notre marque. Nous l’avons mis en œuvre en 2019, suite à une visite dans une communauté vulnérable et que nous réalisons strictement avec l’aide des amis de notre boutique caritative. Les gens qui souhaitent nous soutenir, viennent dès le mois octobre pour faire don d’une paire de bottes, de quelques paires de chaussettes et d’autres belles choses qu’ils mettent dans une boîte joliment emballée. Nous avons réussi à faire la joie de plus de 800 enfants à travers le pays. Ce sont des enfants de régions différentes, quelques-unsvivantau sein de familles vulnérable, d’autres vivant dans des orphelinats ou  que nous avons connus dans des écoles du milieu rural.Il ne s’agit pas d’une catégorie unique. Nous arrivons là où nous avons des collaborateurs ou bien là où notre aide est demandée ou encore à des endroits où nous jugeons pouvoir nous impliquer. C’est un projet auquel je me sens très attachée.Ce sont des mois où l’on retrouve nos amis au magasin, où l’on discute beaucoup. Souvent, le cadeau que l’on prépare pour un enfant devient uneraison de rencontrer sa famille, ou de former un petit groupe au travail, au sein duquel plusieurs collègues préparent une ou plusieurs boîtes. C’est un moment extraordinaire de générosité et de solidarité humaine et cela nous donne beaucoup de confiance que ce que nous faisons est beau et bon. »

     

    Et ce n’est pas là le seul projet mis en place par la boutique caritative du Père Lazăr. S’y ajoute un autre projet, à travers lequel les enfants hospitalisés bénéficient de toute sorte de produits : désinfectants, masques réutilisables, de crayons à colorier et livres de coloriage. Vous pouvez vous renseignez sur l’activité du magasin sur sa page de Facebook, https://www.facebook.com/lataicalazar.

    Autant d’initiatives d’une petite boutique de charité sise au centre-ville de Bucarest. (trad. Andra Juganaru)

  • Les relations diplomatiques entre la Roumanie et le Japon

    Les relations diplomatiques entre la Roumanie et le Japon

    Les premières mentions du Japon par des Roumains

     

    La nature humaine fait que les hommes ont depuis toujours été interpellé par la manière de vivre des autres, par leurs coutumes et par leur mode de vie, par leur culture et par des civilisations éloignées, et cela bien avant l’ère de la mondialisation. C’est d’abord du boyard, diplomate et explorateur roumain Nicolae Milescu qui a vécu au 17e siècle, que nous avons hérité les premiers écrits sur le Japon, sur le quotidien et la civilisation japonaise de ce temps.

     

    Mais ce ne sera que bien plus tard, en 1902, que l’ambassadeur du Japon à Vienne va initier les premiers contacts dans le dessein de nouer les relations diplomatiques entre le Japon et la Roumanie. C’est encore la même année que sera signé le premier contrat commercial entre Tokyo et Bucarest. Ensuite, pendant la Grande Guerre, les deux pays se retrouvent côte-à-côte, alliés des franco-britanniques. Et c’est dans ce contexte qu’au mois d‘août 1917 la Roumanie ouvrira sa représentation diplomatique dans la capitale du Japon, alors que le Japon n’ouvrira qu’en 1922 son ambassade à Bucarest. Aussi, si la légation roumaine de Tokyo allait être fermée en 1922 pour cause de coupes budgétaires, elle rouvrira à nouveau en 1927 pour fonctionner sans interruption jusqu’au mois de septembre 1944. Durant la Seconde Guerre mondiale les deux Etats seront à nouveau alliés, à l’intérieur de l’Axe cette fois.

     

    Après la Seconde guerre mondiale

    Après la guerre, les relations diplomatiques entre les deux Etats ne seront renouées qu’en 1959. Ion Datcu, nommé ambassadeur de Bucarest à Tokyo en 1966, racontait son expérience du pays du Soleil levant en 1994, dans une interview conservée par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine.

     

     

    Ion Datcu : « La Roumanie était fort méconnue à Tokyo, même dans les cercles gouvernementaux. Je me rappelle leur étonnement lorsque nous appuyions une position divergente de la ligne soviétique. Pour les Japonais, le bloc de l’Est était un bloc doté d’une seule voix : celle de Moscou. Plus tard j’ai compris que les Américains voyaient les choses de la même manière. Avec les hommes d’affaires en revanche c’était différent. Je suis allé visiter nombre d’entreprises japonaises, nous développions déjà les affaires avec l’Occident à l’époque, l’on achetait des bateaux, l’on construisait des bateaux, de l’électronique. Les hommes d’affaires étaient souvent mieux informés, plus intéressés par le marché roumain. »

     

    Rencontre avec l’empereur du Japon

     

    Mais quel ne sera la surprise de l’ambassadeur roumain Ion Datcu lorsqu’il rencontra l’empereur du Japon.

     

    Ion Datcu : « L’empereur Hirohito avait un vrai sens de l’humour, un grand monsieur, une personne conviviale sinon humble. Et j’ai eu la surprise de constater que l’empereur connaissait bien davantage de choses sur notre pays que les membres de son gouvernement. Il a commencé à parler du delta du Danube, il connaissait énormément sur la faune, sur la faune marine notamment, et il voulait en apprendre davantage. De retour des vacances, j’ai amené avec moi des livres avec des cartes du delta que j’ai eu le plaisir de lui en faire cadeau. Je lui ai même lancé l’invitation au nom de mon gouvernement de venir fouler le sol et traverser les eaux de cette région qui l’intéressait tant. Il n’arrêtait pas de s’étonner de l’énorme richesse de notre delta du Danube. Il avait étudié la biologie et s’intéressait toujours à ce type de recherches, aux animaux marins ».

     

    Des relations dominées par les questions économiques

     

    Mais les relations entre les deux pays étaient dominées par les questions économiques.

     

    Ion Datcu estime que ce sont les Japonais qui ont inventé la diplomatie commerciale : « Mon mandat se concentrait sur les questions d’ordre économique. A l’époque, on était en train de moderniser toute une série de capacités industrielles, dont l’usine d’aluminium, et je me souviens avoir conclu un contrat avec un des grands noms du domaine, Marubeni. Grâce à cela nous avons développé notre chantier naval et avons pu construire par la suite notre flotte commerciale. Nous parvenons à exporter différents types d’alliages métalliques dont de l’acier, et cela dans un pays bien connu pour sa sidérurgie. Pour Bucarest, le Japon avait surtout un intérêt de nature économique, commerciale, l’intérêt politique étant plutôt limité. Les Japonais avaient pratiquement lancé ce concept de diplomatie économique et commerciale, alors qu’à l’époque la diplomatie couvrait surtout le champ du politique et le domaine militaire, son domaine de prédilection. Mais le Japon orientait déjà ses priorités en matière de politique étrangère et de diplomatie en fonction de ses intérêts économiques, vers les Etats-Unis, vers sa zone d’influence, vers son voisinage immédiat, mais aussi vers d’autres régions du globe ».

     

    La Roumanie et le Japon, deux Etats bien éloignés géographiquement, sont parvenus depuis à mieux se connaître et à nouer des relations dans bien de domaines. Une relation bilatérale à la réussite de laquelle l’ancienneté et la tradition des relations diplomatiques concourent pleinement. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • FILMIKON

    FILMIKON

    La deuxième édition du Festival international du film FILMIKON a présenté une sélection de productions récompensées par des jurys œcuméniques et inter-religieux à une trentaine de festivals du film à travers le monde et les années ; elle a aussi facilité un dialogue sur les valeurs chrétiennes et humaines à partir de ces productions. Si la première édition de FILMIKON a eu lieu à Bucarest en 2024, la deuxième édition a profité d’une scène élargie, ayant inclus les villes de Iași, Cluj-Napoca et Oradea, ainsi que le Vatican, en tant que partie de l’Année jubilaire 2025.

     

    Des films sur des histoires particulières à message universel

     

    Ileana Bârsan, critique de cinéma et directrice de FILMIKON, a souligné les valeurs sur lesquelles reposent les films projetées dans le cadre du festival, expliquant également la signification du Prix du Jury œcuménique, accordé aux longs-métrages présentés en compétition à des festivals internationaux, tels que Berlin ou Cannes.

     

    Ileana Bârsan : « Le nom du prix pourrait faire penser que les films en question ont un lien étroit avec la religion, avec l’église, mais ce n’est pas du tout le cas. Les membres du Jury œcuménique sont des spécialistes désignés par la SIGNIS (World Catholic Association for Communication / L’Association catholique mondiale pour la communication) et par Interfilm (une organisation de cinéma, internationale et interreligieuse). Le prix, lui, est indépendant et récompense les films présentés à des festivals internationaux, qui mettent un accent particulier sur les valeurs humaines et chrétiennes, que nous avons quelque peu perdues en ce début de siècle. Ce sont des films qui tentent de nous faire être plus à l’écoute des autres, que nous abandonnons en cours de route, par manque de temps, d’intérêt, de générosité. Ces films racontent des histoires particulières, au message universel. Or, le festival FILMIKON s’est justement donner pour but de faire projeter pour le public roumain des films récompensés par des jurys attentifs à ces thèmes ou nuances, et de lancer des débats et mêmes des points d’intérêt au-delà des salles de cinéma. Ce qui est important c’est que ces histoires cinématographiques mettent des nuances sur des problèmes et des thèmes graves, présentés d’habitude dans les news. A travers ces films, nous commençons à nous regarder de plus près et à nous interroger sur les actions que nous pouvons mettre en œuvre dans nos communautés, et ainsi de suite. Nous sommes trop petits pour avoir un quelconque contrôle sur ces choses-là ou sur l’action politique en générale, mais nous pouvons contrôler ce qu’il se passe près de nous. »

     

            En 2024, le Festival international du film Transilvania TIFF a créé une Jury œcuménique, dont Ileana Bîrsan avait été un des membres. A l’affiche de la deuxième édition de FILMIKON on trouve entre autres « Frère d’un été » (Summer Brother, réalisé par Joren Molter), qui raconte l’histoire émouvante de deux frères et qui a été récompensé du prix du Jury œcuménique au TIFF 2024), mais aussi l’aventure « Io, Capitano » du réalisateur Matteo Garrone, gagnant du prix SIGNIS à Venise en 2023, une odyssée contemporaine qui surmonte les dangers du désert, les horreurs des centres de détention de Libye et les dangers de la mer.

     

    Les films roumains à l’affiche de FILMIKON

     

    FILMIKON a également présenté plusieurs productions roumaines qui abordent des thèmes actuels ou qui racontent les histoires vraies dot les personnages peuvent servir de modèles à suivre.

     

    Ileana Bârsan, directrice de FILMIKON, ajoute des détails : « ‘Unde merg elefanții / Où vont les éléphants’ est un film roumain réalisé par Gabi Virginia Șarga et Cătălin Rotaru et qui a reçu une Mention spéciale du Jury œcuménique au TIFF 2024. C’est l’histoire d’un enfant autour duquel gravitent des adultes plus dissipés et plus égarés dans leurs propres vies que lui. L’enfant, qui a un problème de santé, est tellement plein d’espoir, tellement serein et dynamique, qu’il réussit à faire changer en quelque sorte la vie des autres autour de lui. Il y a eu aussi à l’affiche le court-métrage ‘Pisica moartă / Le chat mort’ (réalisé par Ana-Maria Comănescu), qui s’est vu attribuer le prix SIGNIS au TIFF 2024. ‘Un munte de iubire / Une montagne d’amour’, autre film roumain projeté à FILMIKON, est une production très récente, de la fin de l’année 2024, réalisée par le prêtre Dan Suciu et dont Bogdan Slăvescu a assuré la direction de la photographie. C’est un film-hommage rendu à un prêtre un peu différent et qui est malheureusement décédé, Florentin Crihălmeanu. Entre 2002 et  2021, il a aussi été l’évêque grec-catholique de Cluj-Gherla. Non seulement il a été très à l’écoute des gens, surtout des jeunes qui le considéraient comme un leader spirituel, mais il était aussi passionné d’alpinisme. Le film raconte donc sa relation avec les gens et avec la montagne. Le dernier film roumain à FILMIKON 2, réalisé en 2019, ‘Le Cardinal’ de Nicolae Mărgineanu, se penche sur la vie de l’évêque Iuliu Hossu. Un cardinal grec-catholique qui a joué un rôle très important dans l’histoire de la Roumanie, un héros de la Grande Union, incarcéré à la prison de Sighet et assigné à résidence par la suite. Un parcours de martyr, malheureusement pas du tout singulier à cette époque-là. »

     

    Le ciné-concert Christus et le film Le Cardinal ont été projetés au Vatican, dans le cadre de l’Année jubilaire 2025, à l’occasion du Jubilée des Communications sociales, qui a eu lieu du 24 au 26 janvier. L’Année jubilaire est une tradition catholique vieille de plus de 700 ans, et qui a lieu toutes les 25 années. (Trad. Ileana Ţăroi)