Category: Visitez la Roumanie

  • La loutre est de retour dans les eaux roumaines

    La loutre est de retour dans les eaux roumaines

    La loutre est un mammifère aquatique qui, il y a quelques décennies encore, peuplait les eaux de la mer Noire, ainsi que les rivières du pays, riches en nourriture pour elle: poissons, crustacés, amphibiens).



    Les endroits poissonneux ont attiré la loutre même dans les zones de montagne, à plus de 1500 mètres d’altitude, à proximité des petites rivières qui abondent en truites. Souvent, en quête de nourriture, elle franchissait les crêtes des montagnes, passant d’un bassin hydrographique dans un autre. Seulement, les grandes entreprises chimiques et l’industrialisation de l’agriculture de l’époque communiste ont entraîné le déclin de cette espèce. Les rivières sont devenues de moins en moins propices à la vie et à la faune invertébrée — piscicole comprise. Les habitats de la loutre ont considérablement diminué.



    Răzvan Popescu Mirceni, directeur de l’association écologique marine « Oceanic Club » — Club océanique de Constanta, port roumain sur la mer Noire, explique: « On a assisté à une diminution des effectifs non seulement en Roumanie, mais partout en Europe. C’est pourquoi des mesures de conservation de l’espèce et de repeuplement ont été prises. Ces mesures, auxquelles s’est ajoutée, en Europe de l’Est, la fermeture, dans les années ’90, des grandes entreprises industrielles de l’époque communiste, ont permis aux populations de loutres de refaire partiellement leurs effectifs. La loutre a élargi son habitat aux nouvelles zones d’eau douce, telles le canal reliant le Danube à la mer Noire. Elle a peuplé la région s’étendant vers la zone littorale. Les eaux du canal Danube – mer Noire ont un niveau de salinité légèrement plus bas, qui permet à la loutre de « goûter » aux plaisirs de la mer, en bénéficiant d’une quantité de nourriture suffisante et d’une grande diversité. Cette espèce s’est donc adaptée. »



    Récemment, les biologistes ont découvert sur une plage de Constanţa une loutre mesurant près d’un mètre, pourtant elle n’était pas vivante, hélas. En même temps que la loutre, des espèces de poissons disparues sont de retour dans les eaux roumaines. Les spécialistes sont persuadés qu’elles sont revenues dans la mer Noire en raison de la baisse de la pollution enregistrée ces derniers temps.



    Răzvan Popescu Mirceni : « Il y a 3 ans, j’ai vu un tel poisson nager dans la zone du Casino de Constanta. D’autres personnes nous ont signalé, par la suite, la présence de plusieurs exemplaires. Cet automne, nous avons pu identifier un exemplaire amené par les vagues, mort très probablement de causes naturelles. Nous le saurons avec précision une fois effectuées les analyses et les études nécessaires. C’est réjouissant d’avoir la preuve de l’existence de ces espèces dans la zone côtière de la mer Noire. »



    La loutre figure parmi les espèces d’importance communautaire — et donc protégée. Suite à l’amélioration de la qualité des eaux de surface et à l’augmentation des ressources de nourriture, ainsi qu’aux mesures de conservation et repeuplement appliquées, la loutre commence à revenir dans les lacs, dans les vallées des grandes rivières et surtout dans le delta du Danube. (trad.: Dominique)

  • Le Baron Franz von Nopcea

    Le Baron Franz von Nopcea

    Un aventurier c’est quelqu’un qui a la bougeotte, qui aime faire reculer les frontières de l’inconnu, une personne en permanente quête de nouveau, celui dont les exploits sont perçus par ses contemporains comme inimaginables ou inacceptables.



    Le non-conformiste baron Franz Nopcsa von Felső-Szilvás est considéré comme le père de deux disciplines, à savoir la paléobiologie et l’albanologie. Il est né en 1877 dans la contrée de Hunedoara, au sud-est de l’empire Autriche-Hongrie, actuellement territoire de l’ouest de la Roumanie. Dans la plupart des sources documentaires, il est mentionné comme noble d’origine hongroise. D’après certaines voix, il aurait été Roumain magyarisé. Cette dernière théorie repose sur l’étude de son nom. En effet, Nopcea signifie «noapte», «nuit» en roumain, dans la prononciation locale du terme. Un de ses grands-pères, fameux dans la contrée de Haţeg, aurait eu la réputation d’un personnage excentrique. Les gens du parage l’appelaient ”Visage noir”. A la tombée de la nuit, encapuchonné tels les brigands de grand chemin, il pillait les voyageurs. Les légendes parlent de lui comme d’une sorte de haïdouk, qui volait les riches pour donner le butin entier aux pauvres.



    Nopcea débute assez tôt sa carrière d’érudit. A 18 ans, il part pour Vienne, où il fait des études de paléontologie et de géologie. Il y amène quelques os étranges, découverts en 1895 par sa sœur dans les Monts Retezat. Dans les années qui suivent, ces os s’avéreront être les fossiles d’une espèce de dinosaures nains qui auraient peuplé le Pays de Hateg, plusieurs millions d’années auparavant. Nopcea décroche le titre de docteur ès sciences et publie plus de 150 ouvrages de paléontologie et de géologie.



    La curiosité et l’ouverture à la nouveauté l’ont poussé vers la photographie et l’art militaire aussi. La politique étrangère menée par l’empire austro-hongrois, qui visait à élargir sa sphère d’influence à l’espace contrôlé par les Ottomans, allait l’amener dans les Balkans, du côté de l’Albanie, pays qui allait proclamer son indépendance en 1912. Nombre d’aventuriers cherchaient à tenter le coup de leur vie dans les Balkans. Certains rêvaient de devenir princes régnants ou même rois. Nopcea en était un. Il s’est mêlé dans les conflits locaux et en est sorti blessé. Il jouissait d’une grande popularité au sein des milieux nationalistes albanais qui luttaient pour l’indépendance, étant considéré comme le candidat favori au trône de l’Albanie.



    Dans une photo datée de cette époque-là, on le voit habillé d’un costume traditionnel albanais et armé. Pendant son séjour en Albanie, il a appris la langue et les coutumes des habitants et s’est initié à la culture albanaise. Nopcea compte parmi les rares occidentaux à avoir voyagé en Albanie dans ces années troubles du début du 20e siècle. Il est aussi le premier albanologue de l’espace austro-hongrois. Nopcea est l’auteur d’une cinquantaine d’études portant sur la langue, l’histoire, l’ethnographie, le folklore et la législation des Albanais.



    C’est en novembre 1906, à Bucarest, que Nopcea fait la connaissance de Baiazid Doda, un Albanais qui résidait dans la capitale roumaine. Les deux hommes ont entamé une relation professionnelle et personnelle. Aux dires du savant, en tant que secrétaire et amant, Doda était la seule personne qui avait éprouvé pour lui des sentiments authentiques et qui lui inspirait une confiance absolue. Une fois la première Guerre mondiale finie, les propriétés de Nopcea ont été confisquées par l’Etat roumain. Le baron, accompagné par Doda, s’est vu obliger à s’établir à Vienne, mais il ne cessa jamais de se battre pour récupérer ses biens. Lors d’une bagarre, il reçoit en pleine tête une pierre jetée par des paysans. Le 25 avril 1933, Nopcea tue son amant qui dormait dans une chambre d’hôtel à Vienne avant de se donner la mort en se tirant une balle dans la bouche. Un geste que ce baron aventurier a expliqué dans sa lettre d’adieu par le désespoir causé par la pauvreté et la misère.



    Certains fossiles mis au jour dans la zone de Hateg ont été nommés d’après le baron Nopcea. Par exemple, une vertèbre d’un dinosaure s’appelle Nopcsaspondylus. A noter aussi les dinausaures appelés elopteryx nopcsai, tethysaurus nopcsai, hyposaurus nopcsai, mesophis nopcsai. Ou encore un sauropaude long de 6 mètres nommé Magyarosauru. Une des contributions du baron à l’évolutionnisme, que les biologistes n’ont reconnue qu’en 1960, relève des oiseaux ayant évolué dans une aire dominée par les dinausores. Une autre hypothèse scientifique de Nopcea que les biologistes contemporains partagent est celle selon laquelle les reptiles du Mézozoïque avait le sang chaud. (Trad. Mariana Tudose, Alexandra Pop)


  • Le réalisateur Toma Enache – « Je ne suis pas célèbre, mais je suis Aroumain »

    Le réalisateur Toma Enache – « Je ne suis pas célèbre, mais je suis Aroumain »

    Quand il ne présente pas de programmes de radio sur Radio Roumanie Internationale, Toma Enache met en scène des pièces ou convainc des noms importants de la scène roumaine à prêter leur voix aux personnages qu’il enregistre pour le Théâtre national radiophonique. Dernièrement, il réalise aussi des films. Son premier film, « Je ne suis pas célèbre, mais je suis Aroumain », a eu la première en octobre, à l’un des cinémas les plus élégants de Bucarest. Le film est construit autour d’un personnage très similaire avec le protagoniste de notre interview: un réalisateur de films qui célèbre le succès d’un documentaire sur les 12 vérités fondamentales sur les Aroumains. Dans la tournée de promotion, il passe par toute sorte d’aventures qui se terminent par le célèbre « L’amour vainc tout ». L’histoire du réalisateur Toni Caramuşat parti à la recherche de la belle Armânamea, quintessence de l’aroumanisme, émeut et amuse à la fois.



    Toma Enache se déclarait heureux que le film ait été bien reçu par le public. «Je ne suis pas célèbre, mais je suis Aroumain est bien reçu par le public, comme je le souhaitais, avec enthousiasme, avec joie, les réactions des spectateurs de tout le pays, partout où le film a été lancé sont si belles et si diverses… Je ne peux que me réjouir de ce que notre histoire ait réussi à être émouvante là où nous le souhaitions, au fond du cœur de ceux qui viennent voir notre film. Les gens ont compris l’histoire, ils ont compris qu’elle était spéciale, conçue à leur intention, que nous avons racontée du mieux que nous avons pu, et les voilà qui viennent voir le film, leur réaction est celle que nous avions souhaitée ».



    Toma Enache a eu besoin de dix ans pour voir son film au cinéma, dix années pour concrétiser l’histoire. Dès lors que le titre du film a pris contour, tout s’est passé comme sur des roulettes. « Voici dix ans, nous pensions : et si nous faisions un film ? Comment faire ? ce n’est pas possible, c’est très difficile… Les choses sont allées bon train, l’histoire a mûri peu à peu, nous avons continué à réfléchir, il y avait beaucoup d’idées, et elles ont fini par prendre contour. Dès lors que nous avons trouvé le titre du film, l’histoire et le scénario ont été très faciles à écrire. Cela nous a été très difficile de collecter les fonds, nous n’avons pas eu tout l’argent à la fois, nous avons commencé par une petite sommes, 40.000 euros, puis, l’argent est arrivé en cours de route. Beaucoup d’amis se sont mobilisés, ils nous ont aidés à faire ce film. Lorsque nous nous sommes décidés et que nous avons annoncé que le tournage allait être fait en 4 semaines, en Roumanie, puis en Macédoine et en Grèce et ensuite trois jours en Amérique, les choses se sont passées exactement ainsi ».



    Beaucoup de ceux qui ont soutenu Toma Enache à réaliser son film indépendant se sont déclarés enchantés du résultat, dit le réalisateur: «Je me réjouis de ne pas avoir trompé leurs attentes ; tous les sponsors souhaitent que l’on tourne encore un film après avoir vu ce que nous avons fait avec leur investissement dans le premier. La production est sélectionnée pour un festival intern,ational en Italie et en décembre nous irons à ce festival ».



    Comment Toma Enache se sent-il après 10 années de marathon ? « J’ai eu cette chance d’être le premier à avoir fait le premier film de l’histoire parlé en aroumain. Et que le film ait engendré des réactions positives… que les gens m’écrivent et vont le voir une deuxième fois, qu’ils y invitent leurs amis, que les salles sont pleines à Constanţa une semaine après sa sortie… Tout cela ne fait que prouver que mon travail et tout ce que j’ai conçu était sur la même longueur d’onde que les attentes du public et je dirais — pas seulement des Aroumains. Beaucoup disent : « Depuis quand on attendait une histoire d’amour, une histoire positive, pour partir de la salle avec une énergie positive. » Je pense que ce film fait les gens se sentir bien, qu’ils soient Roumains, Aroumains, Tatars, peu importe… Moi, j’estime que les choses vont bon trin, 5000 spectateurs après les 3 premiers jours, c’est un bon résultat quel que soit le film, et non seulement pour un film roumain ».



    Toma Enache ne s’arrêtera pas là. Maintenant qu’il a brisé la glace avec le cinéma, il prévoit un deuxième film, et il est persuadé que celui-ci sera encore meilleur…(trad. : Ligia Mihaiescu)

  • Le musée des collections d’art

    Le musée des collections d’art


    Bucarest recèle de nombreux trésors cachés au regard du grand public. Pourtant, certains d’entre eux, leurs propriétaires choisissent de les dévoiler et même de les rendre accessibles à tous. C’est la raison d’être du Musée des collections d’art de Bucarest. Situé au centre ville, avenue Victoria, le musée avoisine l’Académie roumaine, dont l’édifice somptueux a été inauguré en 1898, et le Ministère de l’Economie, dont le siège, en style moderne, remonte à l’entre-deux-guerres. Le Musée des collections est accueilli, lui, par une des plus anciennes résidences conservées par la capitale roumaine, ayant appartenu à des boyards.



    Diana Dragomir, qui se trouve à la tête de cette importante institution culturelle, fait une brève incursion dans l’histoire de ce bâtiment. « Le Musée des collections est abrité par le Palais Romanit — un édifice dont la construction a commencé en 1822 et a duré 3 ou 4 ans. C’était un palais déjà somptueux, bien qu’à l’époque, il fût constitué uniquement du corps central de la construction que nous pouvons voir aujourd’hui. Il appartenait à Grigore Romanit, un riche boyard grec qui a vécu au début du 19e siècle. Pourtant, Romanit perdit, peu à peu, sa fortune et commença a louer le palais pour les bals organisés dans la ville. Ce fut la principale destination de l’édifice jusqu’en 1850. Après cette date, le palais change assez souvent de propriétaires, qui n’avaient pas les moyens de l’entretenir. En 1884, il devient la propriété du ministère des Finances, qui en fait son siège. C’est de cette période que datent les deux ailes latérales qui donnent au plais son aspect d’aujourd’hui. »



    Devant le corps central — le plus ancien — entre les deux ailes latérales, se trouve une fontaine et un square, oasis de verdure dans une zone très fréquentée de Bucarest.



    Au fil du temps, le palais a changé plusieurs fois de destination. Juste après la deuxième guerre mondiale, il accueille un Institut de recherche. C’est en 1978 qu’il devient le siège du Musée des collections d’art, faisant partie du Musée national d’art. Au début, il comptait 13 collections au total, offertes en donation à l’Etat par ceux qui l’avaient créées. C’étaient des collections célèbres, à l’époque, comportant des pièces de mobilier et des objets en cristal, faïence, céramique et ivoire. Le musée recèle également des tapis et des tapisseries et, bien sûr, des peintures, des sculptures et des œuvres d’art graphique. Dana Dragomir explique. « Il y avait, par exemple, la collection de Iosif Dona, le premier médecin balnéologue roumain, qui a vécu vers la fin du 19e siècle. Il faut mentionner également la collection de Garabet Avakian, éminent professeur de violon au conservatoire bucarestois — une collection qu’il a mise sur pied avec le concours de ses cousins, Béatrice et Hrandt Avakian. Ce qui fait le charme de ces collections, c’est le fait qu’elles constituent un tout reflétant le goût du collectionneur. La collection Zambaccian, par exemple, comptant parmi celles qui étaient là à l’ouverture du musée, est célèbre pour ses toiles de peintres roumains, mais aussi de quelques impressionnistes français. Il convient de mentionner aussi la collection de Iosif Iser, un peintre roumain très connu de l’entre-deux-guerres, qui a laissé derrière lui une collection constituée des peintures de son atelier, mais aussi d’objets dont il se servait, qui sont en même temps des objets d’art: cristaux de Bohème, objets en porcelaine, en faïence, tapis. C’est très agréable de pénétrer ainsi dans l’univers de l’artiste, dans son intimité. C’est d’ailleurs ce que nous essayons de faire : recréer, à l’intérieur du musée, l’ambiance dans laquelle chaque collectionneur a vécu. »



    Certaines collections recèlent des objets d’une grande valeur. Dana Dragomir : « En effet, dans la collection du docteur Mircea Petrescu figure une table Henri II très appréciée par les historiens de l’art. Parmi les toiles roumaines se retrouvent des chefs-d’œuvre signés par Nicolae Tonitza ou Nicolae Grigorescu — notamment un de ses pastoureaux. En matière de peinture et d’art graphique, la plupart des collectionneurs ont préféré l’art roumain. C’est pourquoi notre musée retrace, en quelque sorte, l’histoire de l’art roumain moderne, depuis Theodor Aman et jusqu’après l’entre-deux-guerres. »



    Pour le Musée des collections d’art, l’année 1986 marqua le début d’une longue période de restauration. Une de ses ailes fut complètement fermée et rénovée à peine en 2003. En 2009, elle fut fermée de nouveau, avec l’ensemble du musée. Rouvert cet été, le Musée bénéficie à présent d’un bâtiment modernisé, offrant plus de possibilités de présenter et de stocker son patrimoine. Un patrimoine enrichi, au fil des années, car si, à son ouverture, en 1978, le musée comportait 13 collections, de nos jours il en compte 44. (Trad. : Dominique)

  • Le chirurgien Adrian Lobontiu

    Le chirurgien Adrian Lobontiu

    Il était appelé « The flying surgeon » – « Le chirurgien volant ». Arrivé en France au début des années ’90 après des études à la Faculté de médecine de Târgu Mures, Adrian Lobontiu allait rapidement devenir le premier médecin d’Europe spécialisé en chirurgie assistée par ordinateur: « Il y a une vingtaine d’année, lorsque je suis arrivé à Paris, la tendance en médecine était d’évoluer depuis la chirurgie basée sur une large incision et un dégagement du site permettant de voir les organes à des procédures moins invasives. Las patients sont soumis à moins de douleur, le risque d’une hémorragie est limité, moins de fièvre… bref, le patient peut aller chez lui plus rapidement et réintégrer sa vie sociale et professionnelle. C’est ce que j’ai appris pendant mes premières années à Paris. Mais pour les chirurgiens c’était très difficile. Il fallait introduire une mini-caméra, et utiliser des instruments chirurgicaux longs de 30 — 40 centimètres… Essayez d’écrire avec un crayon long d’une quarantaine de centimètres que vous tenez depuis son extrémité ! Je vous assure : c’est très difficile ! Et c’est ainsi qu’une nouvelle idée est apparue : la chirurgie robotique et assistée par ordinateur. Pour avancer davantage dans cette direction de la chirurgie mini-invasive, la technique manuelle ne suffit plus. C’est pourquoi, un ordinateur a été placé entre les mains du chirurgien et le bout des instruments chirurgicaux qui agissent effectivement à l’intérieur du corps du patient. Cet ordinateur donne au spécialiste la flexibilité et les autres éléments perdus lors du passage de la chirurgie ouverte à celle laparoscopique et mini-invasive. Le pilote c’est toujours le chirurgien, parce que c’est lui qui commande le robot. Mais qu’est-ce que ce dernier fait en réalité ? Il analyse le mouvement des doigts, tous ces gestes chirurgicaux. Le robot sait exactement où se trouvent les instruments et non seulement il corrige les gestes du médecin, il améliore aussi ses performances. »



    Pionnier européen de cette méthode médicale à l’air de science-fiction, Adrian Lobontiu est rapidement devenu fameux sur le vieux continent et dans le monde entier. L’avion est rapidement devenu sa deuxième maison : « Grâce à mon expérience avec les robots, j’ai commencé à recevoir des invitations de la part d’hôpitaux d’Angleterre, d’Italie, de Suède… Ma vie a un peu changé puisque le chirurgien lambda qui devait se rendre chaque jour au même hôpital, travailler sur la même table d’opération et opérer ses propres patients, a dû prendre deux ou trois avions par semaine pour se rendre non seulement en Europe mais aussi au Proche Orient. J’ai commencé à opérer en Israël, au Liban, en Arabie Saoudite, en Jordanie… »



    Le chirurgien Adrian Lobontiu a également collaboré avec des médecins roumains: «Très souvent, je quittais Paris pour prendre un vol vers Bucarest afin de parler à mes anciens professeurs et collègues d’université, qui ont une très bonne formation scientifique. Je les ai rencontrés non seulement à Bucarest mais aussi aux congrès auxquels je participais en Europe et aux Etats-Unis. Il existe en Roumanie de nombreuses équipes de médecins très bien préparés, responsables d’écoles, de cliniques et d’universités qui sont d’excellents professionnels. Ils continuent de se battre afin de propulser la médecine roumaine à des niveaux supérieurs. Ce fut un grand plaisir pour moi de venir opérer en compagnie de ces équipes et de parler de certains cas de chirurgie mini-invasive et robotique. »



    Après deux décennies passées en France, Adrian Lobontiu a choisi de s’installer aux Etats-Unis. Depuis environ deux ans, il habite et travaille sur la côte ouest, au beau milieu de la Silicon Valley, là où sont nés de très importants projets de recherche. Il est le directeur médical d’une entreprise spécialisée dans la découverte de nouvelles techniques de traitement des maladies gastro-entérologiques. C’est en compagnie d’une équipe de chercheurs qu’Adrian Lobontiu travaille à une étude novatrice sur la maladie du reflux gastro — oesophagien, financée par l’Etat américain à hauteur d’environ trois millions de dollars : « Bref, grâce à la collaboration avec des chirurgiens des centres académiques réputés non seulement de Californie, mais aussi de Washington, New York, Seattle et Chicago…donc de l’Amérique entière, nous mettons au point une nouvelle méthode médicale mini-invasive censée traiter la maladie du reflux gastro – oesophagien. Qu’est ce que nous faisons effectivement ? Eh bien, nous utilisons des instruments de dernière heure par voie orale. Nous n’opérons plus par l’abdomen, mais par la bouche…nous introduisons une camera, le bistouri, les ciseaux. Ce sont des instruments spéciaux, flexibles, longs, adaptés, qui nous permettent d’opérer depuis l’intérieur du corps du patient. »



    Aux dires de Adrian Lobontiu, l’étude sur laquelle il travaillait a été très bien reçue par la communauté chirurgicale américaine. Pourtant, deux ou trois ans de recherches supplémentaires sont nécessaires pour que cette étude devienne une méthode médicale utilisée à large échelle partout dans le monde.



    Pionnier de la médecine robotisée et véritable globe-trotteur de la chirurgie, Adrian Lobontiu reconnaît avoir eu du courage en choisissant de quitter son pays natal. Il a également eu la chance de rencontrer des personnes qui lui ont guidé les pas dans la carrière qu’il s’est lui-même bâtie assidûment. Le chirurgien Adrian Lobontiu est le prototype universel du professionnel d’exception…(trad. : Alex Diaconescu)


  • L’ordinateur “Felix”

    L’ordinateur “Felix”

    L’industrie roumaine des PC date du début des années 1960, lorsqu’elle comptait parmi les volets de la stratégie que le gouvernement entendait mettre en place pour booster la production interne. Le premier ordinateur utilisé en Roumanie en 1957 était de fabrication française. Une vingtaine d’années durant, soit de 1969 à 1989, l’industrie roumaine de l’informatique, un domaine interdisciplinaire à l’époque, a employé près de 70.000 spécialistes.



    En 1969 était créé l’Institut des techniques de calcul de Bucarest. Politiques et spécialistes devaient choisir entre les industries française et anglo-américaine pour l’achat d’une licence. Finalement, les décideurs politiques ont opté pour la solution française et ce pour plus d’une raison: le rapprochement traditionnel entre les deux pays, l’essor des projets bilatéraux dans les années 1966 – 1970, le fait que les principaux pays producteurs d’ordinateurs étaient prêts à vendre leurs produits, sans pour autant offrir l’accès à la licence de fabrication. Non seulement la licence fut française, mais l’Entreprise d’ordinateurs elle-même fut conçue d’après le modèle de celle de Grenoble.



    Baptisée Felix, toute une génération de PC de fabrication roumaine allait se développer à partir de l’ordinateur français IRIS. Ce sont l’Institut des techniques de calcul et la chaire d’informatique de l’Institut polytechnique de Bucarest qui ont apporté leur pierre à la naissance du PC prénommé Felix. Un nom à résonance historique, comme l’affirme Vasile Baltac, ancien directeur scientifique de l’Institut de techniques de calcul de Bucarest. En effet, après que l’empereur Trajan eut conquis la Dacie, en 106 après J.-Ch., la nouvelle province romaine fut nommée Dacia Felix, «la Dacie heureuse». Comme le président du pays, Nicolae Ceauşescu, se passionnait pour l’histoire, plusieurs projets économiques des années 1970-1980 furent affublés de noms sonores censés promouvoir l’image de la Roumanie. Parmi eux, la marque automobile connue depuis lors sous le nom de Dacia. Le deuxième terme, Felix, devint le nom du premier PC de conception entièrement roumaine. On lui ajouta aussi l’indicateur C 256: C comme «calculator», le mot roumain désignant l’ordinateur en français et un numéro rendant compte de l’étendue de la mémoire de l’ordinateur.



    La taille de ce premier ordinateur roumain était telle qu’il occupait toute une pièce. Au début des années 1970, le C 256 était capable d’effectuer plusieurs centaines de milliers d’opérations par seconde, ce qui représentait une performance par comparaison avec les machines antérieures qui n’en faisaient que quelque dizaines ou centaines dans ce même laps de temps. Le fabricant roumain a même vendu 4 ordinateurs de type Felix C 256 en Chine et un autre en Hongrie. Ce qui plus est, le C 256 a joué une partie d’échecs avec Florin Gheorghiu, le match étant diffusé aussi à la télé. Le joueur d’échecs avait réussi à capturer un pion, après quoi la machine a dû s‘incliner devant la stratégie humaine. C’est que le tout premier logiciel n’avait pas encore de réponse adéquate à la vision, à la stratégie et à la complexité d’un jeu en déroulement; il ne pouvait donc pas concurrencer l’expertise d’un joueur d’échecs.



    Le deuxième modèle de PC de fabrication roumaine, C 32, avait des dimensions plus réduites. La grande ambition du constructeur de faire doubler la mémoire de l’ordinateur allait se matérialiser sous la forme du modèle C 512. Malheureusement, la coopération plutôt difficile entre concepteurs et fabricants et la fiabilité contestée de la plate-forme française qui avait servi pour point de départ à la réalisation du premier PC Felix allaient beaucoup ralentir le développement du projet.



    Une autre génération d’ordinateurs Felix allait voir le jour dans la 8e décennie du siècle dernier. C’était le tout début du concept de PC et les Roumains s’efforçaient de tenir le pas avec la nouvelle technologie. Felix PC devait être compatible avec les produits PC du producteur IBM, numéro 1 mondial de la promotion de cet ordinateur. En 1983, l’Institut Polytechnique de Bucarest endossa la tâche de mettre à niveau l’ordinateur Felix avec les nouvelles tendances en matière d’informatique, afin de pouvoir l’utiliser pendant les cours de formation des futurs ingénieurs électroniciens et automaticiens. Seulement, voilà, Felix PC n’a pas dépassé la phase des essais de laboratoire.



    Une des explications du ralentissement du processus de développement et de production de la nouvelle génération d’ordinateurs Felix PC relève de la politique. Les années 1980 ont été marquées par la diminution draconienne des dépenses publiques et des importations, par la crise économique et l’absence de vision. Le régime politique de l’époque traversait une période d’ankylose idéologique et fonctionnelle qui allait en s’accentuant. Tout cela contrastait fortement avec la tendance à la globalisation et l’esprit d’ouverture qui gagnait du terrain surtout dans les secteurs de l’informatique et des techniques de calcul. Depuis 1990, on parle des ordinateurs Felix comme de signes d’une époque révolue de l’informatique roumaine. (trad. : Mariana Tudose)

  • Les étangs de la rivière Jijia

    Les étangs de la rivière Jijia


    A quelques kilomètres seulement au nord-est de la ville de Iaşi, en Moldavie, s’étend une vaste superficie d’eau parsemée d’îles de roseaux et de jonc. Il s’agit d’une réserve naturelle abritant d’importantes populations d’oiseaux appartenant à des espèces protégées. Il y a 45 ans, personne n’aurait pensé que cette région allait devenir un paradis des oiseaux et des pêcheurs. C’est en ’70 qu’on a eu l’idée d’y aménager une ferme piscicole et la zone est devenue, peu à peu, un petit delta de la Moldavie.



    Attirés par le poisson des marais, les oiseaux ont massivement peuplé la zone humide de la rivière Jijia et ils ont proliféré, de sorte qu’actuellement la moitié des espèces recensées en Roumanie s’y retrouve.



    Nous écoutons Gheorghe Huianu, qui assure la gestion de la ferme piscicole: « A proximité du village de Larga Jijia se trouve un site Natura 2000 appelé « Les étangs des rivières Jijia et Milet ». La ferme piscicole s’étend sur 1250 hectares, dont 820 recouvertes d’eau. C’est la zone la plus belle, située à 24 km de la ville de Iaşi. Parmi les espèces de poisson que nous élevons, il y tout d’abord celles autochtones : la carpe, le carassin, le silure, le brochet, la perche. Nous avons également des espèces asiatiques — notamment la carpe chinoise. Les oiseaux spécifiques des zones humides sont nombreux ; les cygnes sont, parmi tous, les plus beaux et les plus gracieux. Je crois qu’il y en a actuellement 300 — et si l’on compte aussi les petits, on peut arriver à 600. Ce site compte 257 espèces, dont 150 environ nichent dans la zone. Ce site est pratiquement le laboratoire de recherche de l’Université « A.I.Cuza » de Iași. Les étudiants et les doctorants en ornithologie s’y rendent pour observer, pour étudier les oiseaux. A part les cygnes, il y a des canards et des oies sauvages, mais aussi des espèces nuisibles, comme les cormorans. Cette année nous avons enregistré des pertes d’alevin d’environ 80% dues aux cormorans. »



    Cette aire protégée abrite une des plus grandes colonies de hérons de Roumanie, ainsi qu’une espèce nicheuse extrêmement rare, la Gorgebleue à miroir. Les étangs de la rivière Jijia abritent également une colonie de barges à queue noire, oiseaux de la famille des bécassins. Cette espèce n’est à rencontrer en Roumanie que dans la plaine de l’ouest du pays. « A part les pélicans, toutes les espèces d’oiseaux vivant en milieu aquatique y sont présentes.


    On y voit tous les jours des exemplaires de presque toutes ces espèces. Nous avons la deuxième grande colonie de spatules, après celle qui existe dans le delta du Danube. Les spatules sont de beaux oiseaux blancs. Des fois, si l’on regarde au ras de l’eau, de loin elles ressemblent à des tâches blanches disséminées sur de grandes surfaces mesurant 3 ou 4 hectares, car elles forment des colonies. Elles ont un charme à part… »



    Ce site est vraiment un lieu de détente : l’atmosphère y est tranquille et l’air pur, c’est pourquoi ceux qui gèrent le lac cherchent des moyens de mettre à profit son potentiel touristique. (Trad. : Dominique)

  • Architectes roumains dans les prisons communistes

    Architectes roumains dans les prisons communistes

    Au cours des deux premières suivant son instauration, le régime communiste s’est appliqué à faire taire les élites soit en les jetant en prison soit en les discréditant. Parmi les cas d’intellectuels – écrivains et artistes – ayant connu ce sort, certains sont notoires. Il s’agit de professionnels de génie, qui ont embelli les villes de Roumanie par des bâtiments célèbres de nos jours encore et donné, pendant l’entre-deux-guerres un souffle nouveau à l’architecture roumaine.



    Dans sa thèse de doctorat, l’architecte Vlad Mitric Ciupe a récemment examiné ces cas-là à l’aide des documents et identifié 100 architectes victimes du communisme. Le jeune chercheur a étudié à fond la situation de 75 d’entre eux. C’étaient des architectes renommés tels George Matei Cantacuzino, Stefan Bals, Constantin Iotzu, Constantin Joja et I.D Enescu mais aussi des architectes moins connus ou encore des étudiants en architecture.



    Vlad Mitric Ciupe : Une précision s’impose dès le début. Sur tous les cas que j’ai examinés, la plupart c’étaient des architectes diplômés — 70%. Mais il y avait aussi des étudiants-architectes arrêtés et condamnés qui ont achevé leurs études beaucoup d’années après leur sortie de prison. S’y ajoutent les élèves — détenus politiques pour différentes raisons et qui ont choisi l’architecture au moment où ils ont reçu la permission de faire des études universitaires. Bien que le régime communiste n’ait pas fait de différence entre les détenus frappés d’une sentence d’internement administratif et ceux condamnés en justice, ces derniers sont majoritaires, même si la taille de la première catégorie n’est elle non plus négligeable. Les condamnés en justice étaient considérés comme des ennemis qu’il fallait éliminer. Mais il y avait aussi des architectes qui, après avoir purgé la peine de prison décidée en justice, ont dû aussi subir l’internement administratif, cette privation de liberté allant de 12 à 60 mois. A noter aussi les cas d’architectes arrêtés, enquêtés et puis libérés. Les enquêtes, très dures, s’étalaient parfois sur deux ans, ce qui équivalait en réalité à une sorte d’arrêt. »



    Mais de quoi ces professionnels étaient – ils tenus pour coupables ? «A regarder les encadrements juridiques des condamnés on constate que la plupart étaient jugés pour appartenance à des organisations subversives. C’est sous ce chapeau que les communistes entassaient toute sorte d’accusations, depuis la publication de tracts de solidarité avec les événements qui se passaient dans la Hongrie voisine en 1956 jusqu’à l’appartenance à différentes organisations paramilitaires qui souhaitaient le changement de régime. Il y a pas mal de cas de favorisation de l’infracteur ou d’omission de dénonciation. Dans nombre de cas, les condamnés pour omission de dénonciation, avaient fait partie, en réalité, de différentes organisations de résistance, les membres de la police politique n’ayant pas réussi durant les enquêtes à apprendre la vérité. Une autre catégorie visait les tentatives de passage frauduleux de la frontière ».



    De même, il y a eu des architectes condamnés pour leur qualité de membre des anciens partis politiques et pour s’être affiliés au régime du général Antonescu. S’y ajoute ceux, tels Emanoil Mihailescu, à qui on a imputé les préoccupations spirituelles et l’appartenance au groupe orthodoxe, « Rugul aprins » « Le brasier allumé ». Détenu politique, du temps de ses études d’architecture, entre 1958 et 1963, Emanoil Mihailescu en garde de vifs souvenirs : « Les prisons n’étaient pas des espaces de loisirs ou de repos. Il n’ay qu’un fou qui pourrait le croire. Je vous invite à visiter les prisons de Jilava, voir les lits superposés à trois niveaux, la nourriture misérable… la terreur était permanente ; le fait de porter des lunettes m’a rendu suspect dès le début, étant considéré comme une sorte d’ennemi de la classe prolétaire. « Eh toi, là bas! » c’est ainsi qu’ils nous adressaient la parole, avec grossièreté et méchanceté. J’étais consterné de voir la brutalité qu’ils mettaient à frapper des gens inconnus ou avec qui il n’avaient jamais eu de maille à partir ».



    Malgré les conditions sauvages et inhumaines des prisons communistes, Emanoil Mihailescu avoue que la détention a également été une période de vécus spirituels intenses et d’amitiés intellectuelles, un sentiment partagé aussi par les autres survivants de la terreur de cette époque-là. (trad.: Alexandra Pop, Mariana Tudose)


  • Le monument et la cité de Tropaeum Traiani

    Le monument et la cité de Tropaeum Traiani

    C’est dans le sud de la Roumanie, plus précisément dans la zone de plateaux du département de Constanta, que se trouve la localité d’Adamclisi. Laquelle doit sa renommée à l’ensemble appelé Tropaeum Traiani qui regroupe un monument érigé à proximité par l’Empereur Trajan ainsi que les ruines de la cité antique – les deux étant étroitement liés à la transformation de la Dacie en province romaine après l’an 106 après Jésus-Christ.



    La cité a été élevée sur les lieux d’un ancien habitat humain des Gètes, comme nous l’explique l’archéologue Gabriel Talmatchi : « Erigée sur les lieux de cet ancien habitat, la ville allait connaître un véritable essor à l’époque de l’Empereur Trajan, plus précisément après la première guerre daco-romaine. Une fois finies les guerres qui se sont étalées sur près de 600 ans, la ville connaîtra la prospérité en se transformant en un centre urbain dynamique de la zone centrale de Dobroudja. Le long des années, elle gagnera le statut de grande ville, soit une unité administrative importante dans les provinces romaines. On connaît pas mal de choses sur son développement jusqu’à la fin du VIe siècle, lorsque les attaques des Avars dans les années 586–587 ont détruit la ville qui s’engagea dans un processus de ruralisation accentuée. »



    L’édification de cette ville a aussi contribué à la pacification de la zone, ce qui s’est traduit par la début de l’organisation de la Dacie en province, explique l’archéologue Gabriel Talmatchi : « Ainsi, la zone dans le sud du Danube devenait-elle une région sûre, prospère et très bien défendue du point de vue militaire. Ce qui plus est, on coupait les liaisons entre les Daces libres du nord de la Roumanie d’aujourd’hui et les Gètes, voire les Thraces dans la zone du sud du Danube. On y a également fait venir des colons, mais la plupart des Romains ayant habité à Tropaeum Traiani au premier siècle de son existence étaient des vétérans. Cela s’explique par le grand nombre d’unités militaires qui étaient cantonnées en Moésie inférieure, les soldats étant démobilisés, une fois le stage dans l’armée romaine achevé. Ils se voyaient aussi accorder un diplôme militaire et des parcelles de terre. De même, hormis les vétérans, on y a également emmené des colons issus d’Asie mineure. »



    Le village d’Adamclisi doit notamment sa renommée au monument Tropaeum Traiani, situé à 2 kilomètres de la cité antique. Son image, connue grâce à son socle en forme de cylindre et à son toit conique au sommet duquel se trouve un trophée bifacial, est devenue symbole de la localité. Gabriel Talmatchi : « Il a été érigé entre les années 106-109 par les soldats et les maîtres des unités militaires. C’est pourquoi sa qualité artistique caractérisant certains monuments de Rome fait défaut. En revanche, le fait d’avoir été érigé par des maîtres des unités militaires l’a rendu plus spectaculaire, par ses dimensions, par la force symbolique qu’il exerçait sur les habitants de la région et non seulement. L’Empereur Trajan a dédié ce monument à Mars Ultor, Mars Vengeur. Il faisait partie d’un ensemble qui regroupait également un tumulus, soit une éminence recouvrant une sépulture – dédié à un commandant romain mort au combat ainsi que les vestiges en ruine d’un autel funéraire dédié aux milliers des soldats romains morts dans ces contrées durant la guerre de 102. Le monument dépasse de 10 mètres la Colonne Trajane de Rome, ce qui témoigne de l’importance que l’Empereur avait accordée à ce monument ayant trait à l’autorité romaine aussi bien au nord qu’au sud du Danube. »



    La hauteur du monument, le trophée compris, est presque égale au diamètre de la base, à savoir 40 mètres. Dans la version originale, le socle était entouré de 54 dalles, dont 48 seulement peuvent être admirées de nos jours encore. Elles s’appellent métopes et représentent en bas-relief des scènes de guerre. Au-dessus des dalles on retrouve une frise à 26 créneaux, dont 23 perdurent encore. La dernière restauration de Tropaeum Traiani date de 1977. En 2012, les autorités de Constanta ont remporté un projet européen qui a permis une restauration totale de ce monument, dont la structure de résistance avait été gravement endommagée.



    Les éléments originaux se retrouvent à l’intérieur du Musée d’Adamclisi est attendent les visiteurs, qui ne font d’ailleurs pas défaut. (trad. : Alexandra Pop)

  • La voie ferrée Anina-Oravita

    La voie ferrée Anina-Oravita

    Conçue pour desservir les mines de charbon du sud-est de la Province du Banat, cette voie ferrée avait été projetée dès la fin des années 1840.



    Toutefois, les travaux allaient être retardés en raison aussi bien du trajet difficile que des circonstances sociales et historiques. Carmen Albert, scientifique au Musée du Banat montagneux, de Resita, s’attarde sur le projet de construction de cette voie ferrée: «Le projet est né pour satisfaire aux besoins européens de développement économique. C’est que le charbon, d’une excellente qualité, extrait à Anina, était nécessaire à la navigation sur le Danube. Comme il fallait l’acheminer vers Bazias, porte d’entrée du Danube dans la province du Banat, on ne pouvait le transporter jusque là que par voie ferrée. C’est dans ce contexte qu’est apparu le projet de la voie ferrée Anina-Bazias et de la route Anina — Oravita. Dans une première étape on a recherché le trajet le plus approprié. Les ingénieurs spécialisés envoyaient les rapports à Vienne, vu qu’à cette époque- là, la Province du Banat faisait partie de l’Empire des Habsbourgs. Le projet a été achevé en 1847 par les ingénieurs Anton Rappos et Karl Maniel. Au début, ils ont imaginé une voie ferrée à traction mixte respectivement à vapeur entre Anina et Bazias et animale sur le tronçon Oravita- Anina. Le long des années, le projet a subi plusieurs modifications, en fonction des difficultés rencontrées. Tout d’abord, ce fut le terrain qui a posé problème. On devait exécuter des travaux d’aménagement souterrains dans le bassin carbonifère, dans les galeries de liaison. A l’époque, il était difficile de creuser des galeries, vu que la dynamite n’avait pas encore été découverte. Par conséquent, on a creusé au ciseau et au marteau. L’épidémie de typhus a elle aussi beaucoup ralenti le rythme des travaux. Les tensions politiques, la révolution de 1848 qui avait déjà saisi l’Europe tout entière, ont elles aussi entravé les travaux ».



    Après une pause de deux ans et demi, le projet a été repris, les travaux effectifs s’étalant entre 1860 et 1863, date de l’inauguration. La voie ferrée Anina –Oravita fut surnommée le Semmering du Banat, vu qu’elle ressemblait à une autre voie ferrée en région de montagne, celle reliant Vienne et Trieste, à travers les Gorges Semmering des Alpes. Carmen Albert revient au micro avec des détails sur les travaux de construction: « Y ont travaillé des ouvriers italiens spécialisés dans la maçonnerie ainsi que des tailleurs de pierre. Une fois finis les travaux, certains sont rentrés en Italie, d’autres sont restés au Banat, leurs descendants y menant leur vie de nos jours encore. Il y avait aussi des ouvriers roumains des localités avoisinantes. Entre temps, le projet avait été modifié, et on a renoncé à la traction animale en faveur de celle à vapeur. Le trajet proprement-dit n’était pas trop long. En effet, le tronçon Oravita – Anina ne dépasse pas les 15 kilomètres. En revanche, en raison du parcours sinueux au cœur des montagnes, la longueur des rails a dû presque doubler. Un autre défi à relever a été celui des différences de niveau, des tunnels et des viaducs. D’où le besoin d’imaginer des locomotives pour ce type de voie ferrée. Projetées et exécutées à Vienne, ces locomotives devaient remorquer des charges allant jusqu’à 110 tonnes. »



    A l’époque, il n’y avait pas beaucoup de voies ferrées en régions de montagne. La plupart se trouvaient toujours dans l’Empire des Habsbourgs. S’y ajoutaient celles d’Allemagne, des Pays-Bas et de Belgique construites entre 1830 et 1850. 6 ans après la mise en service des chemins de fer Anina — Oravita, les trains ont commencé à transporter aussi bien des marchandises que des personnes. Il s’agissait notamment de mineurs qui faisaient la navette jusqu’à Anina, où ils travaillaient. L’existence d’une autre catégorie de voyageurs a conféré une dimension culturelle aussi à cette voie ferrée, explique Carmen Albert: « Cette voie ferrée a aussi joué un rôle social. Non seulement elle a permis de transporter des gens et des marchandises, mais elle a relié des centres industriels, réuni des personnes d’ethnies et de religions différentes, le Banat étant connu comme une véritable mosaïque de ce point de vue. Roumains, Allemands, Hongrois, Serbes se sont sentis plus proches les uns des autres ».



    « Le Semmering du Banat » a desservi l’industrie minière de la région jusqu’à la fermeture des mines d’Anina, il y a quelques années. Depuis lors, cette voie ferrée n’a plus qu’une vocation touristique. (trad.: Alexandra Pop)

  • La cigogne noire

    La cigogne noire

    Oiseau qui niche en Roumanie et qui migre en saison froide, la cigogne noire est une espèce strictement protégée par la législation européenne par la Directive Oiseaux de l’UE, mais aussi au niveau national. Son bec et ses pattes sont rouges, tandis que son plumage est majoritairement noir. Considérée comme une espèce rare, beaucoup plus rare que la cigogne blanche, elle est assez prétentieuse pour le choix de son habitat. Elle niche dans la zone sub-carpatique, dans de grandes forêts de hêtre ou mixtes, et parfois même dans les zones plus basses, avec des étendues d’eau à proximité.



    Etant donnée la migration d’automne de cette année, un grand nombre de cigognes noires ont fait halte sur l’aire protégée de Dumbrăviţa, dans le comté de Braşov (centre). C’est en fait un complexe piscicole, qui permet à beaucoup d’espèces migratrices et de passage, qui transitent les Carpates, de se nourrir, de nicher, en un mot de vivre à cet endroit. Dan Ionescu, représentant de la filiale de Braşov de la Société ornithologique roumaine, explique: « A Dumbrăviţa, qui est une aire protégée d’importance européenne et internationale, site Ramsar, la cigogne noire fait étape chaque année, à l’époque des migrations, et notamment en automne. Et ce parce qu’à compter du mois d’août, le poisson est récolté dans les étangs piscicoles. C’est une ferme d’élevage de carpes, et à ce moment de l’année, dans les petites eaux, l’accès à la nourriture, soit aux petits poissons, est beaucoup plus facile, et cela coïncide pratiquement avec la migration, avec leur passage dans la zone de Braşov. De ce fait, les cigognes noires restent là un certain temps, elles se nourrissent, puis elles continuent leur voyage vers le sud et passent l’hiver en Afrique équatoriale. C’est un point de concertation très important, même au niveau national. Nous en avons compté au moins 80 exemplaires, cet automne, dont deux avec des anneaux de couleur apposés en Pologne, voici plusieurs années, donc nous connaissons même l’origine des oiseaux qui viennent dans la région de Braşov. C’est aussi une espèce importante pour ceux qui viennent observer les oiseaux, notamment pour les Anglais, les Néerlandais, pour les étrangers d’Europe Occidentale, étant donné que là-bas, cette espèce a disparu ou elle est beaucoup plus rare. Des groupes de visiteurs se rendent à Dumbravita notamment en automne, histoire d’observer les cigognes. Le nombre élevé de cigognes noires dans cette région s’explique par un management piscicole respectueux de la nature, qui correspond à la période de migration des oiseaux. La cigogne y arrive au printemps en provenance des zones où elle a passé l’hiver, certaines demeurant dans la zone de Brasov. 200 paires de cigognes environ nichent chez nous, le reste se dirigeant quelque part vers le nord, en Pologne, Russie, ou encore aux Pays Baltes. »



    Hormis les cigognes noires, d’autres espèces d’oiseaux ont également fait halte à Dumbravita vers la fin de l’été : environ 200 grandes aigrettes, quelques centaines de canards sauvages en provenance du nord, et quelques milliers d’oies sauvages qui vont quitter ces lieux seulement au moment où les eaux commenceront à geler. Cet automne, on a enregistré la plus forte concentration d’oiseaux en migration de Transylvanie, affirment les ornithologues. (trad. : Ligia Mihaiescu ; Alexandra Pop)

  • Maria Tanase – “la reine du chant traditionnel roumain”

    Maria Tanase – “la reine du chant traditionnel roumain”

    Le 25 septembre 1913, il y a donc tout juste 100 ans, venait au monde Maria Tănase, celle qui allait être surnommée par ses contemporains “loiseau lyre” ou encore “la reine du chant traditionnel. Maria Tănase, qui fait ses débuts au milieu des années 1930, illustre par sa voix un genre musical en pleine expansion à lépoque : la chanson populaire. A la différence du folklore, dont les milliers de variantes sont chantées par des interprètes anonymes, la musique dite populaire reprend des chansons traditionnelles, avec de nouveaux arrangements standardisés.



    Le folklore des villages et de chaque région géographique du pays devient ainsi accessible à de larges couches de la population, notamment des zones urbaines. Le besoin dun rapprochement, même indirect, avec le folklore authentique était déjà ressenti pendant lentre deux guerre, à une époque où les maisons de disques et les orchestres préféraient le jazz et les rythmes latino. Cest dans ce paysage quest apparue Maria Tănase, explique Marian Lupaşcu, ethnomusicologue à lInstitut dethnographie et de folklore “Constatin Brăiloiu”, de Bucarest. « Elle est apparue à un moment où la quasi-totalité de loffre musicale proposait des titres venus de létranger. En réaction à cette “invasion”, les intellectuels roumains ont soutenu la formation et lévolution de jeunes interprètes plus ou moins proches du filon traditionnel national. Maria Tănase en a été la plus connue et la plus médiatisée. Sa biographie a subi des retouches pour que Maria Tănase devienne une star et même un symbole de la Roumanie. Elle naquit en 1913, dans une famille pauvre et nombreuse qui vivait dans un faubourg de Bucarest, et mourut le 22 juin 1963. Ses dons innés exceptionnels auraient fait delle une excellente comédienne, et non pas une chanteuse. Son répertoire rassemblait de la musique populaire, des arrangements de chansons traditionnelles, mais pas de folklore authentique. »



    Maria Tănase a fait ses débuts dans le chœur du Théâtre de variétés Cărăbuş”, en 1934. Cest à cette même époque quelle commence à fréquenter les milieux artistiques et intellectuels de la capitale, grâce au metteur en scène Sandu Eliad, directeur du Théâtre juif Baraşeum”. Cest dailleurs lui qui la présentée au musicologue Harry Brauner. Marian Lupaşcu raconte comment sétait déroulée la première rencontre de Harry Brauner et Maria Tănase. « Brauner a été très touché par la force avec laquelle Maria exprimait les émotions, car à lépoque elle navait ni répertoire ni technique vocale. Sa voix ne portait aucun style de chant dune quelconque zone de folklore, puisquelle vivait à Bucarest. Elle a eu pourtant la chance de rencontrer Harry Brauner qui lui a choisi un répertoire, transformant ainsi ce handicap en avantage. Pourquoi? Parce que, en labsence de qualités de la voix caractéristiques dune certaine zone ethno-folklorique, un interprète peut chanter des pièces musicales de la zone en question qui soient acceptées par tous les publics du pays. Brauner a eu un coup de génie en lui choisissant des chansons traditionnelles dune qualité exceptionnelle, de différentes zones. Quand Brauner a constaté quelle commençait à se débrouiller, il lui a cherché des lăutari (ménétriers) pour laccompagner. Ce fut la partie la plus difficile, car, affirmait Brauner dans un volume de mémoires, Maria narrivait pas à se concentrer et à garder le rythme. »



    Brauner, un véritable Pygmalion, a modelé Maria Tănase, la aidée à surmonter ses problèmes et à devenir célèbre. Partout en Roumanie et dans les pays où Maria est allée en tournée, le public tombait sous le charme de sa beauté et de son tempérament artistique. Elle fait ses premiers enregistrements en 1936, lannée où elle signe aussi un contrat avec la filiale de Roumanie de la Maison de disques Columbia. En 1939, elle fait une tournée outre-Atlantique, où elle représente la Roumanie à lexposition universelle de New York.



    Dans le même temps, elle est recrutée par le Service spécial roumain de renseignement. Marian Lupaşcu, ethnomusicologue à lInstitut dethnographie et de folklore “Constatin Brăiloiu”, de Bucarest, explique ce mélange dactivités de Maria Tănase. « Elle était une présence permanente à la radio et chantait dans les restaurants les plus connus de lépoque; elle a fait des tournées partout en Roumanie, mais aussi en Bulgarie, France, Turquie et Yougoslavie. Elle a chanté devant des milliardaires et des personnages politiques, devant des rois et des ambassadeurs. Elle est allée sur le front et dans les hôpitaux de campagne, pour apporter du confort aux soldats et aux blessés. Elle a reçu des prix et des décorations de la part des capitalistes et des communistes. Elle a collaboré avec les Agences despionnage britanniques et même avec la police politique communiste entre 1961-1962. Ses honoraires étaient fabuleux mais elle donnait largent à ses proches, quils en aient eu besoin ou non. Cest pour ça quelle était tout le temps endettée et quelle mourut pauvre. »



    Le régime communiste a renforcé le statut de star de Mariei Tănase, en lui organisant des funérailles nationales en 1963. Marian Lupaşcu explique le poids musical de Maria Tănase, surtout par rapport à dautres interprètes de musique traditionnelle authentique. « Elle a toujours joué la carte du choc. Il y avait le choc visuel, de son apparition sur scène, sa façon dinterpréter, les mouvements de son corps, et puis il y avait le choc sonore de sa voix. Comparée avec une grande interprète de la chanson traditionnelle, Maria Lătăreţu, Maria Tănase avait une présence sur scène que le grand public préférait largement. Maria Tănase avait des qualités que tous les Roumains reconnaissaient comme les leurs. »



    La fascination que Maria Tănase exerçait sur le public na pas fléchi. La femme cachée derrière limage et son envergure strictement musicale restent encore à découvrir par le grand public ( trad.: Ileana Taroi)


  • Le site rural de Biertan

    Le site rural de Biertan

    On y retrouve donc le plan et l’architecture traditionnelle de ces agglomérations, avec néanmoins des nuances caractéristiques. Sise à 80 km Est de la ville de Sibiu et à une vingtaine de kilomètres des villes de Sighişoara et de Mediaş, la commune de Biertan est mentionnée pour la première fois dans un document officiel en 1283. Adriana Stroe, historienne de l’art à l’Institut national du patrimoine, a étudié lévolution de Biertan. « En 1572 se produit un événement déterminant pour la place que Biertan allait occuper parmi les communes issues de la colonisation saxonne de Transylvanie. Cette année-là, le pasteur de Biertan a été élu évêque de l’Eglise luthérienne et la commune devient, pour près de trois siècles, le centre de la vie spirituelle et politique des Saxons transylvains. Un autre événement important, mais pour la structure et l’aspect de la commune, a lieu à la fin du 18e siècle, lorsque des édits impériaux autorisent les Roumains, les Hongrois et les Roms à construire leurs églises et habitations dans les communes saxonnes. Biertan s’est ainsi enrichi d’un quartier roumain autour de l’église orthodoxe et d’un quartier rom, au bout des deux principales rues de la localité.



    Biertan se trouve dans une zone de collines, excellente pour la culture de la vigne. D’ailleurs, à l’époque de la colonisation saxonne, la contrée était connue sous le nom de «Weinland – Pays du vin ». Les habitants de Biertan étaient donc des agriculteurs, des viticulteurs et des éleveurs. Ces occupations ont eu une influence visible sur l’architecture des maisons, explique l’historienne Adriana Stroe. «Le village a deux rues importantes, sur les terrasses du ruisseau qui le traverse, d’un côté et de l’autre de la colline où s’érige l’église fortifiée. Au nord de l’église se trouve la Place autour de laquelle sont bâtis l’hôtel de ville, l’école, l’ancienne salle du conseil, l’ancienne auberge, l’ancien orphelinat évangélique, le presbytère évangélique et ses annexes; cette distribution des principaux bâtiments à proximité de l’église évangélique est caractéristique des communes de la colonisation saxonne de Transylvanie. De nombreux immeubles d’habitation de Biertan datent de la fin du 18e — début du 19e siècle, et certains, érigés sur la Place et autour d’elle, gardent des parties construites aux 16e et 17e siècles. Les fronts de rue continus, formés de maisons avec cave à l’accès facile depuis la rue, pour une manipulation plus simple des fûts de vin, à rez-de-chaussée surélevé et pignon brisé, alternent avec de hautes murailles en briques. La commune de Biertan, plus que dautres, garde de nombreux fronts de rue dont les façades sont ornées de lucarnes et médaillons ovales, dinfluence baroque. La décoration dorigine baroque est également présente à lintérieur des maisons, les pièces voûtées ou les plafonds en stuc donnant une image de la vie différente de celle offerte par laustérité et lesprit pratique dautres zones de colonisation saxonne.



    La localité de Biertan est dominée par léglise fortifiée érigée en haut dune colline ; cest un élément architectural spécifique des villages et des villes saxonnes de Transylvanie. Adrian Stroe. « Léglise a été construite sur les fondations dune autre, remontant à 1402, et dont on a gardé le chœur; la nef date du premier quart du 16e siècle, lannée 1522 étant inscrite sur larc triomphal. Des travaux de rénovation ont été menés dans la seconde moitié du 18e siècle, comme en témoignent les accents baroques apportés à lintérieur. Lenceinte intérieure, construite sur une autre, plus ancienne, existait déjà en 1468. La fortification a été étendue au cours du 16e siècle. Cest une église du gothique tardif. Les portails sont remarquables, notamment le portail ouest, avec un pilier médian, décoré des armoiries du roi Vladislav II et du gouverneur Ioan Zapolya, et le portail de la sacristie, construit en 1515, avec des éléments décoratifs de la Renaissance. A lintérieur de léglise se trouvent des objets dorigine, tels lautel et les bancs du chœur (issus de latelier de Johannes Reichmuth de la ville de Sighişoara voisine), la chaire (en style gothique avec des éléments Renaissance, créée par Ulrich de Braşov) et la porte de la sacristie avec des marqueteries et un astucieux mécanisme de fermeture. Léglise était entourée de deux enceintes fortifiées, concentriques, et une troisième, partielle, à louest, au sud et à lest. Lenceinte intérieure garde quatre tours et un bastion ; au sud, “la tour des Catholiques” est embellie de peintures murales du 16e siècle, au nord-est “la tour mausolée” abrite les pierres tombales de pasteurs et évêques qui ont officié dans léglise de Biertan. »



    Aujourdhui, la commune de Biertan est un site rural inscrit au Patrimoine mondial de lUNESCO. Lémigration massive des Saxons, commencée dans les années 1970, a entraîné une perte de lesprit authentique du site. Récemment, des travaux de restauration traditionnelle de plusieurs habitations ont été ouverts à Biertan. (trad.: Ileana Taroi)

  • La citadelle de Rupea

    La citadelle de Rupea

    Au XIIe siècle, dans la foulée des migrations causées par les croisades, les colons saxons se sont établis dans la province historique roumaine de Transylvanie. Réputés pour leur diligence et surtout pour leur savoir-faire artisanal et agricole, les Saxons, qui ont joui de certains privilèges de la part des rois de Hongrie, allaient contribuer à l’essor des villages de la région et fonder les premières villes à l’intérieur de l’arc carpatique.



    Centres administratifs des Saxons, les cités de Sibiu, Braşov, Mediaş, Bistriţa, Sighişoara, Sebeş et Rupea sont aujourd’hui encore un symbole de la Transylvanie du point de vue de leur rôle et de leur style architectonique. Le noyau de ces cités était représenté par les églises fortifiées à double fonction – religieuse et de défense. De telles églises, on en trouve d’ailleurs dans tous les villes et villages bâtis par les Saxons.



    Située à mi-chemin entre Braşov et Sighişoara, sur la route liant la Vallée de l’Olt à celle des Târnave, la citadelle de Rupea est perchée sur une colline en basalte. C’est à cette roche que la forteresse doit son nom. Les Romains y avaient construit un camp fortifié baptisé Rupes”, d’après le terme latin désignant le basalte. Emprunté par le roumain, le mot s’est transformé en Rupea”. Selon les historiens, une cité dace aurait existé auparavant sur ce même emplacement.



    Le maire de la ville de Rupea, Flavius Dumitrescu, détaille l’histoire des lieux : « La citadelle de Rupea était connue, à l’origine, sous le nom de Castrum Kuholom. Le terme de Kuholom, Cohalm en roumain, fait référence au rocher de basalte. Elle est située au carrefour des chemins qui reliaient jadis les anciennes provinces roumaines de Moldavie, Valachie et Transylvanie. La forteresse qui se dresse sur la colline de Cohalm est consignée pour la première fois dans les documents de 1324. C’et là que les Saxons, qui s’étaient soulevés contre le roi hongrois Charles Robert d’Anjou, trouvaient refuge. Grâce à sa position stratégique, la citadelle ne cessera de se développer en plusieurs étapes. Elle se compose de trois ensembles architecturaux, autrement dit de trois enceintes: la cité d’en haut, la plus vieille, qui date des XIIe et XIVe siècles, la cité mitoyenne, érigée au XVe siècle et élargie au siècle suivant, et la cité d’en bas, du XVIIe siècle ».



    La citadelle était habitée. C’est là que se trouvait aussi le siège des 12 confréries d’artisans, qui déployaient leur activité dans le bourg au pied de la colline. Nous repassons le micro au maire de la ville de Rupea, Flavius Dumitrescu : « Au début, elle a été le camp militaire du roi. En 1420, la citadelle a été rendue à la population de la région à laquelle elle allait servir de lieu de refuge devant les nombreux assauts des ennemis. En temps de paix, la citadelle était habitée par les gardes. C’est là que se trouvait aussi le siège d’une des sept unités administrative des Saxons, appelées à l’époque « chaises », en roumain « scaune ». Plusieurs tours de défense et bastions gardaient la citadelle de Rupea. Le fait qu’ils aient servi aux différents corps de métiers de la région est attesté par leur noms : la Tour des gardes, la Tour des tisserands, celle des domestiques. Bref, du XVe au XVIIIe siècles, Rupea a servi de forteresse défensive à la communauté ».



    En 1688, les Autrichiens y ont installé une garnison. Enfin, plus tard, au début du XVIIIe, lors d’une épidémie de peste, la citadelle allait abriter ceux que le fléau avait épargnés. Les premiers travaux de restauration de la citadelle de Rupea ont été entrepris dans les années ’50. La deuxième restauration du site a été récemment réalisée sur la base d’un projet élaboré en 2000. Flavius Dumitrescu : « Nous avons déposé plusieurs demandes de financement européen avant de réussir. En 2010, on a organisé des appels à candidatures pour les travaux de restauration et de conseil. Les travaux proprement-dits ont été lancés début 2011. Le 15 juin dernier, la citadelle de Rupea a été officiellement ouverte au public ».



    Depuis sa réouverture, la cité de Rupea a enregistré un nombre record de 26 mille visiteurs, ce qui prouve que l’héritage des Saxons de Transylvanie suscite toujours un vif intérêt. (trad. Mariana Tudose)

  • Boissons rafraîchissantes dans l’espace roumain

    Boissons rafraîchissantes dans l’espace roumain

    Toutes les composantes de la civilisation matérielle subissent les influences des êtres humains et des différentes cultures, au point que, bien souvent, nous sommes surpris de constater la présence d’éléments communs dans des cultures et coutumes séparées par de grandes distances géographiques. Les influences exercées sur une communauté quelconque peuvent être également identifiées en étudiant ses habitudes alimentaires. Ainsi, par exemple, l’espace roumain est le terrain de rencontre de plats et boissons venus des quatre coins du monde.



    Si la cuisine roumaine est plutôt variée, les boissons rafraîchissantes traditionnelles ne suivent pas son exemple. Cette assertion ne s’applique pas aux différentes variétés d’eau ou de jus de fruits de saison, mais aux boissons préparées. De toute façon, le mot « traditionnel » est strictement une convention, puisqu’un plat ou une boisson peuvent être « traditionnels » pour plusieurs communautés ou peuples. C’est ce qui se passe avec « la braga », désignée comme traditionnelle dans une région immense, entre l’Europe Centrale et l’Asie Centrale.



    La « braga » est la version roumaine de la « boza » turque — une boisson rafraîchissante acide-sucrée, à base de millet, maïs ou seigle fermenté. Aussi bizarre que cela puisse paraître, la « braga » est un élément d’histoire matérielle qui raconte à sa manière l’évolution géopolitique de l’espace compris entre les Carpates, le Danube et la Mer Noire au deuxième millénaire de notre ère. En roumain, le mot « braga » est entré par la filière russe, mais dans la région des Balkans cette boisson est désignée par le mot turc boza. La boisson, elle, existait déjà au 10e siècle, fabriquée par les Turcs nomades du Kazakhstan et du Kirghizstan d’aujourd’hui. Au 13e siècle, la migration des Turcs ottomans d’Asie Centrale a ramené la « boza » en Anatolie. Il est bien connu que les us et coutumes voyagent avec les conquérants pour être adoptés par les conquis. La « boza » (« braga ») s’infiltre dans les cuisines des peuples balkaniques à partir du 16e siècle, lorsque les Ottomans occupent la région et arrivent aux portes de l’Europe Centrale.



    Le « kvas », boisson de la même famille que la « braga », est traditionnellement consommé en Russie et dans d’autres Etats ex-soviétiques, comme la Biélorussie, l’Ukraine, les pays baltes, la Géorgie, le Kazakhstan, l’Arménie, la République de Moldova, mais aussi en Pologne. Des fois, le kvas est enrichi de fruits et de plantes aromatiques, tels les fraises ou la menthe fraîche. Cette boisson est déjà mentionnée dans les chroniques russes de la fin du 10e siècle, à peu près à la même époque que la « boza » chez les Turcs migrateurs.



    Aujourd’hui, la « braga » est synonyme de nostalgie, une boisson saine et bon marché, symbole d’une société calme, patriarcale, sans convulsion sociale. En roumain on dit même « bon marché comme la braga », mais cette expression est de moins en moins utilisée car la boisson elle même est devenue quasi introuvable. Avant 1945, la braga, accompagnée de « covrigi » (des variétés de craquelins ou de bretzels) constituait le repas le plus facile à trouver et le moins coûteux du Bucarestois lambda, surtout pendant les journées caniculaires d’été. Dans les albums d’images anciennes de la capitale, les photos de vendeurs de « braga », les « bragagii », venus d’habitude d’autres horizons balkaniques, ne sont pas rares.



    A la différence du kvas, encore très populaire en République de Moldova, la « braga » n’est plus vraiment fabriquée. Les générations changent, les habitudes aussi, soient-elles vestimentaires ou culinaires. A la fin des année 1970, la « braga » était déjà une rareté, pour bel et bien disparaître dans les années 1980. Les enfants et les adolescents de l’époque étaient déjà acquis aux sodas et autres boissons acidulées, la « braga » venant d’un autre temps. Les boissons rafraîchissantes ayant elles aussi une importante composante sociale, la « braga » n’existe donc plus dans le paysage urbain post-moderne de Roumanie. (trad. Ileana Taroi)