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  • La Constitution de Mavrocordat

    La Constitution de Mavrocordat

    La première famille phanariote – soit d’origine grecque – à avoir régné dans les Principautés Roumaines au XVIIIe siècle a été celle des Mavrocordat, qui a donné au pays au moins deux personnalités importantes : Nicolae Mavrocordat et son fils Constantin. Constantin Mavrocordat a été un réformateur. Son nom est lié à la première Constitution conçue dans l’espace roumain. En 1735, en tant que prince régnant de Valachie, il a commencé à appliquer des réformes inspirées des réformes autrichiennes instituées en Olténie, grande région du sud de l’actuelle Roumanie annexée par l’Autriche en 1718.

    Constantin Mavrocordat supprime les impôts indirects et introduit une taxe générale que l’on pouvait payer en 4 tranches. Il affranchit partiellement les paysans, leur donnant le droit de quitter une propriété terrienne pour une autre, moyennant une taxe de rachat. En 1735, il participe à la création, à Iași, en Moldavie, de la première loge maçonnique. Durant ses prochains règnes, il allait supprimer le servage – en Valachie, en 1746 et en Moldavie, en 1749.

    Selon l’historienne Georgeta Filitti, la première moitié du XVIIIe siècle phanariote – qui fut aussi l’époque de Constantin Mavrocordat – a été caractérisée par des tentatives de réforme propres à l’Epoque des Lumières en France : « L’influence française allait pénétrer par les gens, par les abonnements aux différents quotidiens, par les livres et les marchandises en tous genres apportés d’Occident. On voit ainsi arriver la revue « Mercure de France », qui publiait, en 1746, ce que l’on peut appeler la « Constitution de Constantin Mavrocordat ». Ce qui est intéressant, c’est que, longtemps avant la Révolution française, celui-ci posait le problème de l’affranchissement social. Aussi, la dépendance des paysans asservis est supprimée en Valachie. De nombreuses obligations pesaient encore sur le paysan, qui devait payer 43 impôts, pourtant une préoccupation pour sa libération existait déjà – et c’est très important. Ces idées de liberté et d’égalité sociale trouvaient dans l’espace roumain un terrain déjà préparé. »

    Intellectuel raffiné, sans doute, Constantin Mavrocorat a été aussi un homme politique habile, qui se rendait compte dans quelle direction évoluait le monde de son époque. Georgeta Filitti : « Il a beaucoup lu, beaucoup étudié, il a pris, pour ainsi dire, le pouls de l’Europe et il a très bien vu vers quoi la société de son époque avançait. Dans l’espace roumain, les princes phanariotes, qui étaient en fait des fonctionnaires grecs au service de l’Empire ottoman, poursuivent quelques buts précis : la libération des chrétiens de sous la domination turque et l’idée maîtresse de refaire Byzance, de refaire un empire grec de facture chrétienne. Or, ce genre de choses ne se réalise pas en restant chez soi, mais en s’informant et en agissant. Les phanariotes ont aussi joué un autre rôle extraordinaire – pour eux-mêmes et pour l’Empire ottoman : ils ont utilisé toutes les sources d’information dont ils pouvaient disposer. Ils avaient effectivement des espions à toutes les cours européennes. Ils étaient donc très bien renseignés et se rendaient compte de quelle façon évoluait le monde. »

    Constantin Mavrocordat possédait une bibliothèque impressionnante, abritée par le monastère de Văcărești, fondé par son père, Nicolae Mavrocordat. Il y découvre les écrits de Montesquieu, Diderot, Voltaire et des autres philosophes français des Lumières. Georgeta Filitti : « On le devine par des témoignages indirects, par ce que Mavrocordat a écrit, par sa façon d’agir et de se comporter, car il n’a pas tenu un journal pour noter ses lectures. La bibliothèque de Văcărești était remarquable par les manuscrits qu’elle recelait. On apprend, par les rares témoignages de ses contemporains, combien de temps le prince Mavrocordat passait dans cette bibliothèque. Des témoignages indirects nous permettent également de tirer des conclusions très claires : il organise l’enseignement rural, il réalise une division administrative du pays en départements, chaque département ayant ses propres dirigeants. Il fixe des impôts, il institue des lois, car la loi, pour sévère qu’elle puisse être, c’est la loi, alors que l’absence de loi est le règne du crime. Les choses commencent à se mettre en place. Il était Grec, mais il commence à apprendre le roumain et ceux qui s’adressent à lui en grec pour lui être agréables n’ont plus d’influence sur lui. Il demande à ceux qui l’avaient accompagné depuis Constantinople d’apprendre la langue du pays. »

    Durant la guerre austro-russo-turque de 1736-1739, Constantin Mavrocordat récupère l’Olténie annexée par les Autrichiens. 30 ans plus tard, en 1769, durant une autre guerre russo-turque, Constantin Mavrocordat tombe prisonnier à Galați et il meurt à 58 ans, tué par un soldat russe. Le plus important réformateur du XVIIIe siècle roumain est enseveli à Iași. (Trad. : Dominique)

  • Personnalités de la Grande Guerre

    Personnalités de la Grande Guerre

    Ce fut une période de combats acharnés et de sacrifices, Bucarest fut occupé par l’armée allemande ; pourtant, le pays sortit de la guerre renforcé — et unifié en 1918. Les hommes politiques et les militaires qui se sont distingués pendant cette période sont de nos jours des héros de la nation et leur passage à travers différents lieux et villes a été soigneusement étudié. L’Association « Histoire de l’Art » a récemment mis en œuvre un projet consacré aux personnalités de la Première Guerre mondiale et à leurs maisons bucarestoises — des villas plus ou moins somptueuses situées dans des zones historiques de la capitale et dont certaines ont subsisté. L’une d’entre elles se trouve dans un quartier aménagé au début du 20e siècle, suite au parcellement Ioanid. Un grand nombre de villas magnifiques y ont été construites, dont l’une a appartenu à Vintilă Brătianu, maire de la capitale et frère cadet du libéral Ionel Brătianu, premier ministre et un des artisans de la Grande Roumanie. Oana Marinache, de l’Association « Histoire de l’Art », retrace en quelques mots la biographie de Vintilă Brătianu, maire de Bucarest.



    « Il a approuvé le parcellement du Jardin Ioanid en 1909 et, à la fin de son mandat, il a gardé pour lui la plus grande parcelle de la zone. La partie couverte de végétation, c’est-à-dire le jardin ou le parc du quartier, n’était pas adjacente à sa propriété. Après la mort de Ionel Brătianu, en 1927, son frère cadet, Vintilă, prend les rênes du parti, mais il mourra, lui aussi, trois ans plus tard. Avant de se trouver à la tête du Parti libéral, entre 1907 et 1910, il a été maire de Bucarest. »



    La maison de Vintilă Brătianu, érigée selon les projets du grand architecte Petre Antonescu, est encore debout, rue Aurel Vlaicu. Oana Marinache.



    « On y retrouve un amalgame d’influences et de styles. Solide et volumineuse, elle rappelle les demeures fortifiées d’Olténie. Le portail a été créé sous l’influence de l’architecture spécifique de la zone collinaire bordant les Carpates. On y décèle aussi l’influence de l’architecture monastique, surtout de celle propre aux enceintes des monastères de Valachie. C’est une construction qui devient vite représentative pour l’architecture du début du 20e siècle. En général, les grandes personnalités politiques transmettent un message non seulement par leurs déclarations et leurs activités politiques, mais aussi par leur façon de vivre. Ainsi, après la Grande Union de 1918, dans les maisons des personnalités de l’époque fait son apparition le poêle transylvain. On met ainsi en évidence des éléments appartenant à la province pour laquelle tant de Roumains avaient lutté et sacrifié leur vie. Il s’agit d’un poêle en faïence avec des dessins en bleu ou en vert sur un fond clair. Dans tous les manoirs des boyards et dans toutes les maisons des hommes politiques de cette époque, on retrouve cette décoration à valeur symbolique et politique. »



    C’est dans un bureau de cette maison que, le 4 août 1916, on aboutissait à un accord secret avec l’Entente, accord qui allait être approuvé, par la suite, par le Conseil de la Couronne et en vertu duquel la Roumanie allait entrer en guerre. Un des militaires s’étant distingué dans cette guerre a été le général Henri Cihoski, participant au combat de Mărășești et adjoint au sein du Grand Etat-major. En décembre 1920, il fut chargé de réorganiser l’armée de Transylvanie, province qui avait réintégré depuis peu la mère patrie. Une année plus tard, Henri Cihoski se voyait confier la mission de superviser les cérémonies de couronnement du roi Ferdinand mais aussi le chantier de la Cathédrale de l’Union d’Alba Iulia. Sa maison de Bucarest avait une architecture moderne. Bâtie selon les projets de l’architecte Alexandru Săvulescu, elle fut achevée en 1934. Elle se trouve toujours dans une zone située à proximité du Parc Ioanid. Dans les années 1930, le roi Carol II a récompensé les officiers qui s’étaient distingués pendant la guerre, en leur offrant des terrains. Henri Cihoski a compté parmi ses officiers. C’est dans cette maison, où il habitait avec toute sa famille, qu’il fut arrêté par les communistes en mai 1950, pour s’éteindre, 11 jours plus tard, dans la prison de Sighet.


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    Le sort d’un autre officier ayant participé à la Première Guerre mondiale, le général Ioan Dragalina, ne fut pas meilleur. Il est mort en 1916, après avoir défendu la frontière ouest du pays, en tant que commandant de la première division d’infanterie basée à Drobeta Turnu Severin. Oana Marinache raconte :



    « Le 12 octobre 1916, le général Dragalina part, en voiture, accompagné probablement par quelqu’un d’autre à part le chauffeur, pour une mission de reconnaissance. Ils sont surpris par une rafale de balles et attaqués par l’armée austro-hongroise. Il s’en tire, sur le moment, mais il est blessé à l’épaule. On le transporte à Bucarest, sur l’ordre du roi. Pourtant, en raison du grand retard enregistré par les trains, une septicémie se déclenche et le 24 octobre il meurt dans d’atroces souffrances. »



    Durant l’entre-deux-guerres, les enfants du général allaient recevoir, à la mémoire de leur père, un terrain à Bucarest issu du parcellement Bonaparte, devenu par la suite le Parc Ferdinand Ier. A cet endroit se trouve, de nos jours, une des zones résidentielles les plus chic de la capitale : la zone des rues portant des noms de capitales.


    (Trad. : Dominique)

  • Le centenaire de la fin de la Grande Guerre

    Le centenaire de la fin de la Grande Guerre

    « Les anciens démons resurgissent » et « des idéologies nouvelles » menacent la paix, a déclaré dimanche, à Paris, le président français Emmanuel Macron, lors de la cérémonie pour marquer les cent ans écoulés depuis l’armistice. Plus de 70 leaders mondiaux, dont le chef de l’Etat roumain Klaus Iohannis, ont répondu présent à l’invitation lancée par le chef de l’Elysée de participer à cette cérémonie. Elle s’est ouverte avec une photo de groupe symbolique, prise sous l’Arc de Triomphe. Seuls les leaders russe et américain y étaient absents. Alors que les dignitaires conviés aux commémorations du 11 Novembre ont gagné l’Arc de Triomphe en bus, Trump et Poutine sont arrivés plus tard, de leur côté.

    Plus tard dans la journée, les dirigeants les plus importants de la planète ont participé au Forum pour la Paix de Paris. A une seule exception près : le chef d’Etat américain a décidé de quitter la France avant le reste de ses homologues. Ce n’est d’ailleurs pas la seule critique adressée à ses décisions. La visite du cimetière américain de Bois Belleau dans l’Aisne, prévue de longue date dans le cadre des commémorations de l’armistice, a été annulée au dernier moment, à cause du mauvais temps. Prise au dépourvu, la Maison Blanche avait indiqué que la décision avait été prise pour des raisons de programme et de logistique liées au temps.

    Quant au Forum de paix de Paris, il a suffi de deux débats pour donner le ton des pourparlers qui doivent durer jusqu’à mardi, et qui portent notamment sur la défense du multilatéralisme, un concept rejeté par le leader de la Maison Blanche. « Nous sommes fragilisés par les retours des passions tristes, le nationalisme, le racisme, l’antisémitisme, l’extrémisme, qui remettent en cause cet horizon que nos peuples attendent, a déclaré Emmanuel Macron à l’ouverture du forum sur la paix. « Notre monde est secoué par toutes sortes de crises : économique, écologique, climatique, nucléaire, migratoire ». L’humanité est fragilisée par « le retour de menaces capables de frapper à n’importe quel moment, je pense au terrorisme, à la prolifération chimique ou nucléaire ou à la cybercriminalité » a ajouté Macron, avant de conclure que dans ce contexte, le multilatéralisme est essentiel.

    Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a mis en garde dimanche à Paris contre un «engrenage» géopolitique semblable à celui qui a mené à la Première Guerre mondiale, et à celui des années 1930. Il n’y a que la paix qui peut écarter les menaces, a-t-on affirmé à Paris, en prenant pour exemple l’armistice du 11 novembre 1918. Le traité signé à Compiègne entre l’Entente et les puissances centrales de l’Axe avait alors mis un terme aux hostilités sur le front ouest de la première Guerre mondiale. Même si les historiens n’aiment pas le terme de chance pour qualifier la situation de la Roumanie à l’époque, ce qui s’y est passé ressemble à un miracle.

    Début 1918, les Roumains constituent une nation de vaincus, forcés de signer une paix terrible avec l’Allemagne. Quelques mois plus tard, ils se voient inclus par la France dans le camp des vainqueurs. En conséquence, trois semaines après l’armistice, la Roumanie devient un Etat unitaire. C’est la raison pour laquelle, d’ici trois semaines, plus précisément le 1 décembre, la Roumanie célèbrera sa fête nationale et le centenaire de la Grande Union. (trad. Ioana Stancescu)

  • Le massacre de Galati

    Le massacre de Galati

    A l’été 1940 commençait la descente aux enfers de la Grande Roumanie, celle issue du Traité de Versailles, à la fin de la Grande Guerre. Deux ultimatums sont alors adressés, coup sur coup, au gouvernement roumain. Ce fut tout d’abord un ultimatum des Soviétiques sous forme de lettre, exigeant la cession de la Bessarabie, province que Moscou considérait toujours comme un territoire soviétique, et dont elle n’avait jamais reconnu le rattachement de 1918, à la Roumanie. Plus encore, le gouvernement soviétique exigeait en compensation la cession de la partie nord de la Bucovine, avec Cernauti comme capitale.

    Les exigences soviétiques venaient bien évidemment à l’encontre de la réalité historique, voire du principe de l’autodétermination, édicté par Lénine même, lors de la Révolution bolchevique de 1917. C’est bien en vertu de ces principes que la Bessarabie, suivant la volonté nationale, vota son rattachement à la Roumanie. Le délai de deux jours laissé par les Soviétiques aux autorités de Bucarest pour évacuer ses administrations civiles et militaires de Bessarabie provoqua le chaos généralisé, menant à la déroute. C’est dans ce contexte de panique et de dégringolade qu’a eu lieu l’un des chapitres les plus noirs de l’histoire roumaine : le massacre des Juifs de Galati, comme pour préfigurer les charniers qui allaient s’entasser par milliers au long du continent européen.

    L’historien Adrian Cioflâncă, directeur du Centre d’études de l’histoire des Juifs de Roumanie, fait le lien entre le massacre de Galati du 30 juin 1940 et le climat délétère qui prévalut lors de la perte de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord: « La cession de ces territoires en 1940 était la conséquence directe du pacte Ribbentrop-Molotov. Un épisode particulier aura un rôle déterminant tant dans la naissance du massacre de Galati du 30 juin 1940 que du pogrom de Dorohoi, qui a eu lieu le lendemain. C’est que l’ambassadeur roumain à Moscou, Gheorghe Davidescu, refuse de prendre la carte avec le nouveau tracé des frontières, tel qu’il était dessiné suite aux termes de l’ultimatum. Les autorités locales et les populations de Dorohoi et de Galati ne savaient donc pas si l’Armée rouge s’arrêterait à leurs portes ou si leurs villes passeraient elles aussi sous la souveraineté des Soviets. Vous imaginez la panique et la confusion qui pouvaient y régner. C’est cette panique exacerbée qui a joué un rôle essentiel dans cette explosion de violence qu’a été le pogrom. C’est le cas à Galati aussi. On le voit des notes des services d’information, de ce qui se dit de bouche à l’oreille par les réfugiés roumains qui déferlaient depuis la Bessarabie, ceux-là même qui colportent l’imminence de l’invasion de Galati par l’Armée rouge. Cette panique est la conséquence directe de l’absence d’informations officielles quant aux limites de l’avancée soviétique en territoire roumain».

    Les rapports rédigés par les agents du ministère de l’Intérieur font état du chaos généralisé qui s’est emparé des habitants de la région, des casses, des exécutions sommaires, des Juifs qui se font jeter des trains. Mais les archives font également état de nombre d’humiliations, voire des violences subies par des officiers et des soldats de l’Armée roumaine pendant cette retraite sans lutte, humiliations d’emblée mises au compte des communistes. Dans ce contexte de catastrophe, la presse du temps ne s’attarde pas trop sur le massacre de Galati. Les journaux relataient plus volontiers en revanche une attaque communiste qui aurait eu lieu aux environs de la gare, et qui aurait donné lieu à la réaction militaire qui s’était ensuivie, tout cela sur fond des sentiments antisémites prévalant à l’époque.

    La panique générale provoquée par le mouvement offensif rapide de l’armée soviétique et la haine du Juif dans le chef de certains habitants constituent, selon Adrian Cioflâncă, les causes principales du massacre de Galati: « La seconde cause qui explique la panique qui prévalait sur le terrain, c’était que la pénétration militaire des Soviétiques dans la Bessarabie et la Bucovine du Nord était en avance sur le planning prévu. Les troupes roumaines, dont le plus gros se déplaçait en charrette, à cheval, voire carrément à pied, étaient rattrapées par les parachutistes ou les chars soviétiques. Dès le 29 juin, les Russes avaient occupé, grâce aux unités de parachutistes, les deux premières villes roumaines, Reni et Bolgrad, alors que les troupes roumaines étaient au beau milieu de la province de Bessarabie, encore loin de l’avoir vidée. C’est ce qui provoque une panique folle, parce qu’à la gare de Bolgrad, pas moins de quatre convois de réfugiés sont rattrapés par les troupes soviétiques, et que dans le port de Reni, les Soviétiques interceptent plusieurs navires pleins de réfugiés. Dans ces conditions, certains habitants prennent courage et se mettent à commettre des vols, des casses, à harceler les autorités roumaines en retraite. Les Soviétiques arrêtent les trains, ce qui ne fait qu’accroître la panique jusqu’à son paroxysme. Les colportages, les fausses informations troublent les esprits et provoquent la panique ».

    A Galați, à la gare surtout, se croisent deux flux migratoires opposés, formés par ceux qui veulent passer depuis et vers la Bessarabie la rivière Prut. Il y a d’une part ceux qui veulent rejoindre le territoire censé devenir soviétique sous peu et puis, d’autre part, les réfugiés qui fuient devant l’avancée de l’Armée rouge. Dans ces conditions, les autorités locales se mettent à constituer une douane, et elles commencent à exiger des droits de passage de la part de ceux qui quittent la Roumanie vers la Bessarabie, pour se mettre sous autorité soviétique. Les mêmes autorités se mettent à construire sur un terrain vague, à proximité de la nouvelle frontière, une sorte de camp de transit, destinés à ceux en partance vers la Bessarabie occupée.

    A ce moment-là, la garde est montée par un régiment de marins armés de fusils. Et puis, dans cette atmosphère électrique, un conflit explose entre un marin d’un côté et une famille de réfugiés de l’autre. Le marin tire. Les gardes s’affolent et croient qu’on leur tire dessus, depuis le camp qu’elles gardaient. L’ordre de tir est donné. Suite au massacre débuté dans ces conditions troubles, on dénombra, selon les sources, entre 80 et 300 morts, dont la plupart des victimes sont juives. Plus de cent militaires prirent part au massacre. Certains furent jugés et condamnés après la guerre, certains encore furent condamnés à tort par la justice communiste, mais beaucoup y échappèrent.

    Quoi qu’il en soit, le massacre de Galati représente une tache sombre dans l’histoire roumaine. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Les principes de Thomas Woodrow Wilson.

    Les principes de Thomas Woodrow Wilson.

    Au début de 1918, la fin de la Grande Guerre semblait encore loin. L’étreinte mortelle entre les deux grandes alliances combattantes, l’Entente et les Puissances centrales, approchait le paroxysme et aucune ne semblait prête à lâcher du leste. C’est dans ce contexte que le président américain Thomas Woodrow Wilson s’est essayé à proposer la paix, son administration ayant élaboré la célèbre Déclaration, en 14 points, et qui devait devenir le socle d’une paix durable. Avec l’historien Ioan Scurtu nous passons au crible autant la signification et les objectifs des principes wilsoniens, que le contexte qui les a vus naître.

    «Ils ont travaillé à un projet qui aurait dû être proposé aux belligérants, pour bâtir une paix durable et pour que les atrocités d’une telle guerre ne se reproduisent plus. Alors, les 14 points mis en avant par le président Wilson, constituaient une proposition de paix, mais aussi un instrument pour organiser le monde post conflit, voire à long terme. Si on les regarde de près, on constate que ces principes ne présupposent pas l’existence d’un avantage pour le vainqueur, quel qu’il soit, l’Entente ou les Puissances centrales. Leur objectif était d’aboutir à une certaine démocratisation des relations. Il s’agissait tout d’abord d’obtenir le retrait des troupes d’occupation des territoires conquis durant la guerre, pour que les belligérants reviennent dans leurs frontières d’avant la guerre. Ensuite, les nations devaient bénéficier d’une large autonomie, mais toujours dans le cadre des empires constitués. »

    La déclaration wilsonienne ambitionnait d’être pacificatrice, de restaurer la situation d’avant la guerre, mais aussi d’innover en matière de droit international. Cela ressort clairement en regardant de près le sort réservé aux empires, selon l’historien Ioan Scurtu : « Concernant la Russie, l’on préconisait son maintien à l’intérieur de ses frontières d’avant la guerre, et certains égards lui étaient réservés afin de la convaincre d’adhérer à la Ligue des Nations, une Société censée pouvoir résoudre les problèmes internationaux. Pour rappel, au mois de janvier 1918, la révolution russe était entrée dans sa phase bolchevique, radicale, la guerre civile battait son plein, la Bessarabie avait d’ores et déjà proclamée son indépendance et votée son union avec la Roumanie. Aussi, pour ce qui est du sort de l’Autriche-Hongrie, on préconisait le maintien de l’empire, tout en offrant une large autonomie aux nations qui en faisaient partie. »

    Mais les nations qui composaient ces empires ne semblaient pas se contenter de si peu, et elles n’ont pas tardé à le faire savoir, en s’opposant aux principes wilsoniens. D’après Ioan Scurtu: « Ces 14 principes ont eu un impact politique et psychologique énorme. D’abord parce que l’on avait esquissé une paix construite sans que le vaincu perde des plumes, c’est-à-dire qu’il perde des territoires. Puis, parce qu’ils proposaient un monde de l’après-guerre ainsi organisé pour que les guerres soient devenues impossibles à l’avenir. Et puis, parce qu’ils consacraient un terme très cher aux nations captives des empires multinationaux. Il s’agissait d’autonomie. Au mois de janvier 1918, les Roumains qui vivaient dans l’empire austro-hongrois, à l’instar des autres nations de l’empire d’ailleurs, n’envisageaient rien de plus que l’autonomie. C’est bien ce qu’avait revendiqué tout ce petit monde depuis belle lurette, surtout après 1867, et c’est bien ce qu’ils revendiquaient toujours au mois de janvier 1918. L’idée d’union n’a vu le jour qu’à l’automne 1918, lorsque l’empire battait gravement de l’aile. Ce n’est qu’à ce moment-là que certains peuples décidèrent de prendre leur sort en main d’abord, puis d’organiser leur avenir. »

    Au Congrès de Rome du mois d’avril 1918, les nations d’Autriche-Hongrie décidèrent de déclencher, au niveau européen et mondial, une vaste campagne qui aboutit à la reconnaissance de leur droit de disposer de leur propre sort. Des rassemblements organisés par les représentants de ces nations sur le sol américain en faveur de ces idées ont reçu le soutien des leurs compatriotes, devenus citoyens américains. De plus en plus, la presse d’outre Atlantique soutenait les causes nationales, au détriment du maintien du statu quo de l’empire. A partir de la fin du mois d’août 1918, les diasporas roumaine, serbe, croate, tchèque, slovaque, italienne ou encore polonaise lancèrent des campagnes communes dans les médias américains et organisèrent des manifestations concertées.Dans les autres parties du continent européen, les principes wilsoniens ne recevaient un meilleur accueil. La France et la Grande-Bretagne insistaient pour que les Puissances centrales soient considérées coupables du déclanchement de la guerre, et en payent le prix fort. Finalement, le président Wilson dut se résoudre à l’évidence.

    L’historien Ioan Scurtu : « La campagne avait atteint l’apogée le 20 septembre 1918, lorsque le président Woodrow Wilson avait reçu à la Maison Blanche les représentants des nations. Chacune avait plaidé sa cause, le président recevait aussi les informations sur les campagnes que leurs diasporas respectives déroulaient aux Etats-Unis. C’est le moment où il comprit, tirant ses conclusions, que la monarchie des Habsbourg ne pouvait pas survivre à ce raz-de-marée. L’intégrité territoriale de l’empire n’était plus taboue. Les Etats-Unis changèrent alors de camp et décidèrent qu’ils allaient appuyer les revendications nationales dans ce qu’allait devenir sous peu l’ancien empire d’Autriche-Hongrie. »

    C’est à la suite de ce changement opéré par la politique américaine qu’allaient voir le jour de nouveaux Etats nations, tels la Pologne et la Tchécoslovaquie, alors que d’autres, tels la Roumanie et la Yougoslavie, allaient redessiner le contour de leurs frontières. Malgré tout, et bien que les principes politiques de Thomas Woodrow Wilson aient été battus en brèche, sa philosophie politique a bénéficié d’une carrière autrement plus favorable. L’instance des nations verra le jour, sous les dehors d’une agora internationale. Les bases du droit international contemporain allaient être ainsi jetées, et cet idéal cher au président américain, l’idéal de la paix éternelle, montrera le bout de son nez, en dépit du scepticisme général. (trad. Ionut Jugureanu)

  • A la Une de la pesse roumaine 05.09.2018

    A la Une de la pesse roumaine 05.09.2018

    La suspension de la réunion du Conseil suprême de défense (CSAT) est le résultat d’une décision choc du président roumain Klaus Iohannis, selon Jurnalul.ro. Le gouvernement devrait refaire son projet de collectif budgétaire, mais l’avis du Conseil est-il nécessaire? Des réponses à cette question sont proposées par Adevarul.ro et par Gândul.info. La guerre fratricide qui secoue actuellement les rangs des sociaux-démocrates roumains, intéresse Evenimentulzilei.ro, Adevarul.ro ou encore Hotnews.ro.



  • A la Une de la presse roumaine le 29.03.2018

    A la Une de la presse roumaine le 29.03.2018

    Le Groupe dEtats contre la corruption – GRECO, organisme du Conseil de lEurope – a adopté un nouveau rapport dévaluation sur limpact des modifications apportées aux lois de la justice sur les politiques anticorruption de Roumanie et de Pologne ; il exhorte les autorités à autoriser la publication de ce rapport au plus vite, annonce Gândul. Les autorités polonaises ont déjà accepté sa publication dans ce pays. Dans un rapport de décembre 2017, le GRECO avait considéré que les performances de la Roumanie en matière de mise en œuvre de ses recommandations dans le domaine de la prévention de la corruption parmi les parlementaires, les juges et les procureurs étaient « généralement insatisfaisantes », précise encore le journal cité. Le PNL, dopposition, demande au ministre de la Justice de publier durgence le rapport du GRECO relatif aux lois de la Justice, annonce Evenimentul zilei. Le dignitaire répond que cest le gouvernement qui autorise la publication, et quil a signé le mémorandum demandant lautorisation à cet effet ; il concède toutefois que ce rapport est « assez grave à ladresse de la Roumanie et du Parlement». Les libéraux de la Commission juridique de lAssemblée parlementaire du Conseil de lEurope demanderont par une lettre adressée à lAPCE et au PPE de saisir la Commission de Venise. Adevărul, qui cite un officiel du Conseil de lEurope, en sait davantage : ainsi, le GRECO critique le nettoyage pratiqué dans le système de justice, lintimidation des magistrats et laffaiblissement du Parquet national anticorruption. Les lois induisent un risque darbitraire dans la promotion des juges et des procureurs, mais aussi en matière de réduction du corps des magistrats, qui risque de rétrécir comme une peau de chagrin. Des pas en arrière sont constatés dans lindépendance des procureurs par rapport aux attributions du ministre de la Justice. Le rapport exige que les modifications apportées ne portent pas atteinte à lindépendance des magistrats et quils naffectent pas la lutte contre la corruption. Et non dernièrement, le rapport exige que la Roumanie suive les recommandations du MCV. Le chef de la délégation de la Roumanie est appelé à présenter en juin une information écrite sur la situation des réformes de la justice.



    « La Roumanie a le plus grand déficit budgétaire des dernières années, sinquiète Romania liberă. Comme du temps de la crise ». Désastre dans le budget, en dépit dune croissance économique record. Nous avons exporté du blé et importé du pain, titre le quotidien. En plus, surenchérit Jurnalul naţional, nous avons investi les 47 milliards deuros de fonds européens « en rien ».



    Et si tous les événements négatifs qui affectent ce pays – et dautres – faisaient partie dun scénario prévu davance et mis en application de lextérieur ? Cest lhypothèse avancée par Cristian Unteanu dans Adevărul. « Nous sommes sur la ligne de démarcation entre deux espaces de pouvoir qui reviennent maintenant à la logique de la Guerre froide et souhaitent remettre en question les zones directes dinfluence. Pour ce faire, il faut affaiblir, démoraliser et semer des convictions négatives au niveau des opinions publiques des pays respectifs. Cette partie du monde dans laquelle nous nous trouvons est en guerre, souligne lauteur de larticle « Comment créer un pays-cible ». Une guerre asymétrique, hybride, de type complètement nouveau, dans laquelle des forces et moyens spécifiques aux actions militaires du XXIe siècle sont employés. Et davertir quil est possible que nous assistions à des évolutions spectaculaires dun scénario professionnel entamé depuis un certain temps dans le cadre dune opération de déstabilisation, même ici. Qui vivra verra.


  • Artistes plasticiens durant la Première guerre mondiale

    Artistes plasticiens durant la Première guerre mondiale

    La Grande Guerre a été aussi la première conflagration richement illustrée par des images cinématographiques, des photographies et des dessins. Les plasticiens de différents pays en guerre se sont retrouvés en première ligne soit par initiative personnelle, soit parce qu’ils avaient été appelés par leurs patries à illustrer les combats et l’atmosphère générale du front. Ce fut également le cas de la Roumanie. Le 23 juin 1917, lorsque la Roumanie était en guerre contre les Puissances centrales, le général Constantin Prezan a émis un ordre de mobilisation des peintres, illustrateurs et sculpteurs pour réaliser des œuvres qui allaient par la suite être exposées dans un futur musée militaire. Au sujet des artistes appelés par leur patrie pour manier non pas les armes, mais les pinceaux et le carnet de croquis, écoutons Adrian Silvan Ionescu, directeur de l’Institut d’histoire de l’art de Bucarest : « Un service cinématographique et photographique de l’armée existait déjà en Roumanie, mais les responsables militaires de l’époque ont jugé que la vibration transmise par les plasticiens pourrait s’avérer plus intense que la présentation sommaire et très réaliste que produisait l’appareil photo. C’est sous les couleurs du drapeau que toute une série d’artistes ont créé ; ils étaient déjà officiers en réserve, mais aussi des personnes qui n’avaient aucun rang dans l’armée, des Roumains qui n’avaient même pas effectué leur service. Ils avaient reçu le rang honoraire de lieutenant et la solde à laquelle ils avaient droit. Parmi eux, les sculpteurs Ion Iordanescu, Ion Jalea, Cornel Medrea, Oscar Han, mais aussi les peintres Teodorescu-Sion, Traian Cornescu, Camil Ressu, Alexis Macedonski, Nicolae Dărăscu, Petre Bulgărăş et d’autres. Tous ces plasticiens ont disposé de peu de temps pour créer des œuvres. Ils ont commencé début juin et déjà en septembre une exposition était inaugurée à l’Ecole des beaux-arts de la ville de Iasi, dans le nord-est.»

    Afin de surprendre le mieux possible le caractère dramatique des combats, mais aussi les efforts des soldats, ces plasticiens se sont rendus en première ligne du front. Certains ont été même victimes des échanges de tirs. Ce fut le cas du grand sculpteur Ion Jalea, qui, sur le front de Marasesti, dans l’est de la Roumanie actuelle, là où il réalisait quelques croquis, a été atteint par un obus et il a perdu son bras gauche. Mais quelles étaient les créations de ces artistes ? Le drame quotidien et la vie tourmentée des soldats dans les tranchées a constitué le point commun de toutes les œuvres réalisées par les plasticiens roumains », affirme l’historien de l’art Adrian Silvan Ionescu. « Les scènes émanant de la force, le combat mené jusqu’au paroxysme ne sont pas celles qui dominent, mais plutôt celles illustrant le quotidien des tranchées, la lecture de la presse, le transport des blessés aux hôpitaux, la marche des prisonniers. Les artistes n’osent plus illustrer d’amples scènes de combats, avec des charges de cavalerie, des explosions d’obus, des attaques à la baïonnette sans précédent, comme ce fut le cas des conflits antérieurs, marqués par une solennité martiale. Glorifier la guerre n’est plus l’objectif de ces artistes, qui cherchent désormais le réalisme dans leurs œuvres. »

    Les artistes convoqués par le général Prezan n’ont pas été les seuls à exercer leur vocation sur le front roumain de la Première Guerre mondiale. Nombre de peintres ont travaillé indépendamment des services spécialisés de l’armée. Parmi eux, Iosif Iser. Même si officiellement il combattait au sein du service géographique de l’armée et réalisait des cartes militaires, et aussi des cartes de menu pour les diners des officiers supérieurs, Iosif Iser trouvait le temps de peindre et de dessiner des scènes du quotidien des tranchées. Parmi ces artistes qui ne se retrouvaient pas sous le haut patronage du Grand Quartier Général figurait aussi Costin Petrescu, le créateur de la grande fresque qui décore l’intérieur de l’Athénée roumain.

    L’historien de l’art Adrian Silvan Ionescu passe en revue d’autres artistes de cette catégorie : « Victor Ion Popa, un admirable dessinateur, une personnalité culturelle, a collaboré avec la presse de l’époque et produit des illustrations humoristiques, mais aussi des œuvres d’une grande force expressive. Un autre plasticien à ne pas faire partie du groupe créé au sain du Grand QG a été Sabin Popp. Détaché auprès de la flotte aérienne déployée à Barlad, il a même survécu à un incident aéronautique. Lors d’un virage très serré effectué par le pilote, Sabin Popp fut carrément éjecté du cockpit. A la dernière minute, il réussit à s’accrocher à une des ailes et l’avion se posa avec lui hors de son siège. Il échappa ainsi à une mort horrible, car à l’époque les aviateurs ne portaient pas de parachute. Sabin Popp a été initialement attaché à un régiment d’infanterie pour être ensuite redéployé à la flottille aérienne, où il a peint les portraits de ses camarades officiers et de ses subordonnés. »

    Les œuvres de ces artistes illustrant la tragédie de la Grande Guerre peuvent être admirées dans une exposition récemment inaugurée au Musée national d’art de Bucarest.

  • Centenaire de l’héroïne Ecaterina Teodoroiu

    Centenaire de l’héroïne Ecaterina Teodoroiu

    Femme-soldat et magnifique exemple de sacrifice personnel, Ecaterina Teodoroiu a été l’héroïne roumaine symbole de la première guerre mondiale. Ne se contentant pas de rester derrière les lignes de front, elle s’est aventurée là où le combat était le plus dur et où la mort frappait aveuglément. Âgée de 23 ans à peine, elle est tombée au combat à Mărăşeşti, en août 1917.

    Née en 1894 dans le comté de Gorj, dans une famille de paysans, Ecaterina Teodoroiu a eu 5 frères et 2 sœurs. Elève appliquée, elle a suivi les cours de l’école allemande de Târgu Jiu, pour aller ensuite à Bucarest faire des études pour devenir institutrice. Elle a également suivi une école d’infirmières et a fait partie du mouvement roumain des scouts.

    L’entrée de la Roumanie en guerre en août 1916 a été accueillie avec enthousiasme par la population et de nombreux jeunes se sont engagés comme volontaires dans l’armée, entrant dans la spirale de la mort, animés par les nobles idéaux de leur génération. Ecaterina Teodoroiu a compté parmi ces jeunes et elle a choisi l’expérience difficile de la guerre, s’enrôlant dans l’armée et allant sur le front. On dit que c’est la mort d’un de ses frères, tombé au combat pendant l’automne 1916 qui l’a déterminée à prendre une telle décision. Son enthousiasme et sa décision étaient néanmoins exceptionnels pour une femme de son époque.

    Selon l’historien Ioan Scurtu, son éducation et la situation du le pays l’ont également poussée à partir au combat: « Elle s’est affirmé à un moment je dirais symbolique de la guerre, à savoir celui où la population de Târgu Jiu a défendu la ville, empêchant les troupes allemandes d’y pénétrer. Ecaterina Teodoroiu a compté parmi les initiateurs et héros de cette action populaire qui a déterminé l’armée allemande à faire demi-tour. Encouragée par ce succès, elle est allée sur le front et elle a prié le général Dragalina, qui défendait la Vallée du Jiu, de l’accepter, comme soldat, dans les rangs de l’armée. Le général dit « oui » et dès octobre 1916, elle participe aux combats. Blessée à deux reprises – dont une fois grièvement – elle fut hospitalisée à Craiova, ensuite à Bucarest et à Iaşi. A Iaşi, la reine Marie vint lui rendre visite et à partir de ce moment-là, son nom acquit une véritable notoriété. Ce fut la Reine Marie qui lui remit, sur son lit d’hôpital, la décoration offerte par le roi Ferdinand pour sa participation aux combats et ses actes de prouesse durant l’automne et l’hiver 1916 – 1917.


    Une femme dans l’armée et surtout une qui aille sur le front était à l’époque quelques chose de tout à fait exceptionnel. Comment les soldats l’ont-ils accueillie ? Ioan Scurtu: « Selon les livres que j’ai lus – et j’ai d’ailleurs écrit moi-même un livre sur les héros de la première guerre mondiale, dont Ecaterina Teodoroiu – elle a été accueillie avec beaucoup de respect et de considération pour son geste unique. Le fait qu’elle participait à toutes les activités militaires, n’évitant aucune corvée ou obligation, apprenant à manier l’armement fraîchement reçu, début 1917, de la part des alliés, lui a valu le respect de ses camarades, qui appréciaient et admiraient cette jeune femme si courageuse et si ferme dans sa décision de lutter pour son pays. »

    Pour sa participation aux combats, Ecaterina Teodoroiu allait être décorée et promue au grade de sous-lieutenant. Le 22 août, à 21 h 15, son régiment fut attaqué par l’armée allemande et les Roumains furent obligés de battre en retraite. Durant cette manœuvre défensive, Ecaterina Teodoroiu fut touchée par deux balles meurtrières en pleine tête sur le Colline Secului-Muncel. Nous avons demandé à l’historien Ioan Scurtu si le grade de sous-lieutenant d’Ecaterina Teodoroiu avait été symbolique et censé remonter le moral des troupes ou bien si elle l’avait bien mérité. L’historien Ioan Scurtu explique : Dès 1917-1918 Ecaterina Teodoroiu est devenue une légende et ceux aux côtés desquels elle a lutté ont parlé de son courage et de son héroïsme. Par son acte de s’engager dans le combat, cette femme est devenue un symbole. Sortie de l’hôpital, on la pria avec insistance de rester travailler pour la Croix Rouge, avec d’autres femmes remarquables, dont la Reine Marie. Elle a pourtant refusé, affirmant que sa place était sur le front, l’arme à la main. En 1921, à l’occasion du centenaire de la révolution de Tudor Vladimirescu, la dépouille d’Ecaterina Teodoroiu, enterré à Mărăşeşti, fut transportée à Târgu Jiu, et déposée dans un sarcophage réalisée par la femme sculpteur Miliţa Pătraşcu. Le roi Ferdinand et la reine Marie, l’historien Nicolae Iorga et le maréchal Alexandru Averescu, ainsi que toutes les personnalités de premier rang de la vie politique roumaine qui ont maintenu vivante la mémoire des 500 mille soldats roumains tombés dans cette guerre ont accordé une attention à part à Ecaterina Teodoroiu. »

    La postérité de la jeune institutrice a été à la mesure de son sacrifice. L’ « Héroïne de Jiu » – comme elle fut surnommée – est devenue le symbole féminin par excellence de la première guerre mondiale en terre roumaine.(Aut. : Steliu Lambru ; Trad. : Dominique)

  • De Dunkirk à Dunkerque (3)

    De Dunkirk à Dunkerque (3)

    Nous continuons donc à scruter et à comprendre les événements survenus à Dunkerque à la fin de la bataille de France, à loccasion de la sortie du blockbuster “Dunkirk” de Christopher Nolan. Plus précisément, ce qui va nous intéresser cest la manière dont la réussite de lopération Dynamo va être exploitée. Un événement particulier puisquil a vu une flottille de bateaux plaisanciers venir secourir les soldats cernés, sur la plage de Dunkerque, par larmée nazi. Va-t-elle galvaniser les troupes alliées ? Va-t-elle avoir un impact direct sur le déroulement de la guerre. Cest ce que nous découvrirons avec notre invité lhistoire Jérôme de Lespinois, lieutenant-colonel dans larmée de lair et historien…




  • De Dunkirk à Dunkerque (2)

    De Dunkirk à Dunkerque (2)

    Cette semaine, deuxième volet de nos émissions sur lopération dynamo et la seconde guerre mondiale. Cette fois-ci nous nous concentrerons plus précisément sur lévénement en lui-même. Qui sont les acteurs ? Quelles sont leurs décisions ? Par quoi sont-elles motivés ? Bref il sagit de comprendre lévénement dynamo. Avec notre invité Jérôme de Lespinois, lieutenant-colonel dans l’armée, historien et chercheur en France.





  • De Dunkirk à Dunkerque (1)

    De Dunkirk à Dunkerque (1)

    Il y a quelques semaines une grande production cinématographique est sortie sur les écrans de cinéma. Il développe une séquence de la seconde guerre mondiale. Bien entendu, il s’agit du film “Dunkirk” du réalisateur Christopher Nolan. Au Café des francophones, nous avons décidé de saisir cette occasion pour parler plus précisément des l’opération “Dynamo” et du contexte qui l’a fait naître. Pour ce faire, comme à l’accoutumée, nous avons fait appel à un historien des armées et militaire spécialiste de ces questions. C’est donc avec le lieutenant-colonel Jérôme de Lespinois que nous aborderons ces questions.






  • 04.08.2017

    04.08.2017

    Canicule – Le quart ouest de la Roumanie est placé en alerte rouge aux très fortes chaleurs, jusqu’à demain soir, dans 12 départements le thermomètre devant grimper jusqu’à 42°. Sur le reste du territoire national, concerné par une vigilance orange, les valeurs des températures frôleront les 39°. L’indice humidex dépasse le seuil critique de 80 unités, pouvant arriver à 82-84 unités. A Bucarest, à midi, on enregistrait 35°.



    Dans toutes les grandes villes, des tentes de premiers secours ont été aménagées dans la rue, où les gens peuvent boire un verre d’eau et se reposer. Les personnels ambulanciers et du Service médical d’urgence SMURD sont en état d’alerte, afin d’intervenir rapidement, en cas de besoin. A cause de la chaleur, des restrictions de circulation ont été imposées sur la voie ferrée pour éviter les accidents, et d’autres sont en cours sur les routes nationales aussi. Les véhicules dont le poids dépasse les 7,5 tonnes sont interdits de circuler dans les départements en alerte rouge et orange.



    Les températures extrêmes de ces derniers jours en Roumanie ont aggravé la sécheresse qui a endommagé une grande partie des cultures de maïs et de tournesol. L’actuelle vague de chaleur se limitera graduellement à la partie sud de la Roumanie, où elle restera jusqu’au milieu de la semaine prochaine et s’accompagnera d’une instabilité atmosphérique croissante. Dans d’autres pays européens, les autorités ont émis des avertissements de canicule pour les dix premiers jours du mois d’août.



    Lois — Le gouvernement de Bucarest se réunit aujourd’hui pour examiner entre autres la formule de calcul des pensions de retraites militaires. Un projet d’acte normatif à ce sujet devrait être analysé par le gouvernement de la coalition PSD-ALDE, qui doit également examiner en urgence deux autres actes réglementaires, visant le plafonnement des indemnités parentales et respectivement l’immunisation de la population. Elaborée sur la toile de fond de l’épidémie de rougeole qui sévit dans le pays, la loi des vaccins énonce clairement le droit les parents à recevoir des vaccins sûrs et de bonne qualité pour leurs enfants de même que de l’assistance médicale gratuite au cas où les enfants présentent des symptômes indésirables après la vaccination. Dans le même temps, au terme de ce projet de loi, les parents peuvent refuser par écrit la vaccination de leurs enfants, mais ils doivent se présenter devant leur médecin de famille afin d’être informés au sujet des avantages de la vaccination. S’ils refusent la rencontre avec le médecin, les parents peuvent se voir infliger une amende.



    Saxons — La ville de Sibiu, au centre de la Roumanie, accueille à partir d’aujourd’hui jusqu’à dimanche, la plus grande réunion des Saxons transylvaniens jamais organisée en Roumanie et intitulée « Chez soi dans le monde, mais avec le cœur en Transylvanie ». Y sont attendus près de 12 mille Saxons, la plupart vivant en Allemagne, en Autriche et aux Etats Unis. Une cinquantaine d’événements y seront organisés — expositions et lancements de livres, spectacles de musique et de danses saxonnes. Le moment le plus attendu est le défilé des costumes traditionnels, auquel assistera le chef de l’Etat, Klaus Iohannis, lui-même Saxon de Sibiu. Dans un communiqué à cette occasion, le président Iohannis a affirmé que la réunion de cette année offrait notamment à la jeune génération de Saxons d’Allemagne, la possibilité de mieux connaître et d’aimer la Roumanie, pays d’origine de leurs parents. Les Saxons, population d’origine ethnique germanique, se sont établis en Transylvanie au milieu du 12e siècle.



    Commémoration — La Roumanie rend hommage aux héros de la Première guerre mondiale. A Soveja, au département de Vrancea, une cérémonie est prévue aujourd’hui au Mausolée des héros, un ossuaire où sont déposées les dépouilles de plus de deux mille soldats roumains et russes. Dimanche, le ministère de la défense et le Conseil départemental Vrancea marqueront le centenaire du début de la bataille de Marasesti, la plus importante action militaire roumaine de la Grande guerre, appelée aussi la Guerre de la réunification. Le Mausolée de Marasesti, un des monuments les plus impressionnants de Roumanie, a été érigé à l’endroit précis où, à l’été 1917, l’armée roumaine a tenu tête aux troupes allemandes, largement mieux équipées. 480 officiers et plus de 21.000 soldats roumains y ont laissé la vie.



    Tennis — La joueuse roumaine Monica Niculescu (59 WTA) a remporté en deux sets le match avec sa compatriote Patricia Tig (134 WTA) et s’est qualifiée dans les quarts de finale du tournoi de tennis de Washington. La prochaine adversaire de Monica Niculescu est l’Allemande Julia Goerges (40 WTA). La Roumaine sera aussi présente dans les demi-finales de double, aux côtés de l’Indienne Sania Mirza. La meilleure joueuse roumaine et numéro 2 mondial, Simona Halep, a eu raison en trois sets de la Colombienne Mariana Duque-Marino, et s’est qualifiée pour les quarts de finale où elle rencontrera la Russe Ekaterina Makarova.



    Football — Trois équipes roumaines – Dinamo Bucarest, Astra Giurgiu et CSU Craiova — ont quitté l’actuelle édition de la Ligue Europa, après les défaites subies hier soir en déplacement, de la part, respectivement, d’Athletic Bilbao (Espagne), AC Milan (Italie) et FK Oleksandria (Ukraine). Présents dans le play-off de la Ligue des Champions et de la Ligue Europa, FCSB (ex Steaua Bucarest) et FC Viitorul apprendront aujourd’hui les noms de leurs futurs adversaires respectifs.

  • A la Une de la presse roumaine 28.04.2017

    A la Une de la presse roumaine 28.04.2017

    C’est la Corée du Nord et la situation dans cette péninsule qui inquiète la presse écrite roumaine du jour. Tous les principaux journaux roumains parlent de la « guerre » qui semble imminente dans cette partie du monde, mais aussi de la propagande qui va avec. La Roumanie tente de se protéger par rapport aux effets de la guerre de l’information, dont la Russie est le principal acteur en Europe, en créant un laboratoire de la communication stratégique. De la protection, les fermiers roumains en réclament aussi alors que 40% des terres agricoles roumaines ont été achetés par des sociétés étrangères.




  • La Syrie, cette équation aux multiples pièges et sensibilités

    La Syrie, cette équation aux multiples pièges et sensibilités

    Le président syrien Bachar al-Assad est un individu dépourvu de conscience qui, soutenu par la Russie et l’Iran, ne souhaite pas la paix en Syrie. C’est ce qu’a déclaré Nikki Haley, l’ambassadrice américaine à l’ONU, lors d’une réunion du Conseil de sécurité consacrée à la récente attaque chimique de Khan Cheikhoun, achevée sans qu’aucun accord ne soit adopté. Considérée comme inhumaine et d’une cruauté inégalée par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, l’attaque aux armes chimiques du 4 avril lancée dans la province rebelle d’Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie s’est soldée par la mort de plusieurs dizaines de civils dont des enfants, et par plus de 150 blessés, selon les données de l’Observateur syrien de défense des droits de l’homme.



    «On ne peut pas fermer les yeux devant toutes ces images insoutenables», a lancé devant le Conseil de sécurité l’ambassadrice américaine, en présentant des photos de victimes de l’attaque au gaz létal de Syrie. Une déclaration expliquée en détail par la correspondante de Radio Roumanie à Washington, Doina Saiciuc: «Cette attaque porte la marque du régime Assad, un leader qui a déjà mené trois attaques chimiques contre sa propre population, a tenu à préciser Mme Haley. « On a vu des gens s’accrocher à une dernière respiration avant de rendre l’âme ». Mme Haley a tenu à préciser que si le Conseil de sécurité échoue une nouvelle fois d’agir, Washington pourrait le faire: « quand le Conseil de sécurité échoue constamment dans sa mission daction collective, il y a des moments où les Etats sont tenus dagir en leur propre nom. Au nom des victimes, j’espère que les autres membres du Conseil ne restent pas impassibles».



    Deux jours plus tard, le président américain, Donald Trump, ordonnait des frappes sur une base aérienne de Syrie d’où l’attaque chimique mise au compte du gouvernement de Damas aurait été lancée. Il a expliqué avoir ordonné le bombardement de cette base parce que lutilisation par le régime Assad de ces substances toxiques constituait « une violation inacceptable de la Convention sur linterdiction des armes chimiques ».



    Une position critiquée par Moscou selon qui «attaquer un autre Etat dont le gouvernement est impliqué dans la lutte contre le terrorisme ne fait qu’engendrer des menaces supplémentaires à l’adresse de la sécurité régionale et mondiale». La Russie a d’ailleurs avancé par la voix de son ministre de la Défense sa propre explication concernant lattaque chimique de Khan Cheikhoun. Ce serait la conséquence dune frappe menée sur un entrepôt terroriste de la ville où l’on fabriquait des projectiles dont certains remplis de substances toxiques, lit-on dans un communiqué du ministère russe de la Défense. D’ailleurs, cette munition, était aussi livrée à l’Irak qui a déjà utilisé de l’armement chimique selon des preuves fournies par les autorités et les ONGs. Moscou a tenu à préciser que les radicaux syriens ont déjà eu recours à des armes chimiques lors de l’attaque perpétrée l’automne dernier, à Alep.



    Tandis que l’opposition syrienne avertit que l’attaque chimique remet en question les négociations de Genève patronnées par l’ONU et soldées pour l’instant par un grand échec, la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a pour sa part plaidé en faveur d’un effort soutenu pour des négociations de paix. Mais, est-ce qu’il y a toujours des chances réelles pour ré instaurer la paix en Syrie? La réponse avec l’universitaire Stefan Popescu, expert en relations internationales contemporaines: «Après avoir été des années durant un véritable facteur de stabilité dans la région et je pense même aux années ’80, sous le régime de Hafez al Assad que tout l’Occident voyait comme un grand stratège au Proche Orient, la Syrie est malheureusement devenue l’épicentre d’une crise à long terme qui déstabilise toute la région. C’est une crise presque sans fin, puisqu’elle se nourrit des nombreux conflits d’intérêts non seulement des acteurs locaux, mais aussi des grandes puissances régionales ou occidentales. Il est évident pour tout le monde que l’État islamique n’est pas le produit d’une théologie islamique, mais plutôt celui d’une géostratégie mise en place au Moyen et au Proche Orient. Et puis, c’est une crise alimentée aussi par le désir des sunnites de prendre leur revanche sur les chiites, après avoir perdu leur pouvoir aussi bien au Liban qu’en Palestine et en Syrie».



    Et en Irak aussi. Malgré des efforts collectifs censés trouver une solution à la crise syrienne, la situation sur place est loin d’être réglée. Une explication serait, selon les experts, les différents intérêts régionaux, géopolitiques et géostratégiques de plus en plus accentués. La dernière série de consultations consacrées à la Syrie a eu lieu en mars, à Genève, et s’est achevée sans qu’aucun progrès significatif ne soit enregistré. (trad. : Ioana Stancescu)