Tag: Valachie

  • La Cour princière de Târgoviste

    La Cour princière de Târgoviste

    C’est une ville paisible avec des musées intéressants, mais aussi avec un vieux centre-ville plein de terrasses et de restaurants. Mais ce qui impressionne le plus les touristes de tous les coins du monde, c’est la Cour princière, explique Irina Cârstina, muséographe au Musée d’histoire de Târgovişte. Sachez donc que la ville de Târgovişte a été résidence princière et capitale de la Valachie de 1396 à 1714, détenant pendant pas moins de trois siècles le statut de principal centre économique, politique, militaire et culturel de la région. Ecoutons Irina Cârstina, muséographe au Musée d’histoire de Târgovişte : « C’est la rue la plus importante de la ville, qui s’appelle « la Voie princière ». Donc, si vous vous arrêtez devant la Cour princière, vous allez constater que le Musée d’art et le Musée d’histoire de la ville se trouvent juste à côté. En passant par la porte d’entrée, vous allez découvrir un domaine s’étalant sur 30 mille mètres carrés que les voïvodes valaques ont légué il y a 600 ans. C’est un héritage historique riche, structuré sur plusieurs siècles et styles architecturaux. D’abord, vous verrez une plaque en marbre, sur laquelle sont écrits les noms des voïvodes ayant régné à Târgovişte et qui ont émis des documents concernant cette ville. La Cour princière est composée de la chancellerie princière, l’endroit où étaient écrits les documents les plus importants avant d’être signés et de recevoir le sceau princier. »

    Continuant notre itinéraire, nous quittons l’allée principale et à droite on voit la Grande église de la Cour princière, érigée en 1584 par le voïvode Petru Cercel. Ecoutons Irina Cârstina, muséographe au musée d’Histoire de Târgovişte : « C’est une église imposante, dont les dimensions étaient du jamais-vu à l’époque de sa construction : 14 fois 30 mètres. Elle est construite sous la forme d’une croix grecque inscrite d’après le modèle de l’église métropolitaine de Târgovişte. Elle a été préservée dans de très bonnes conditions et accueille les portraits de pas moins de neuf voïvodes roumains. Entre l’église et le palais princier se trouve un passage unique par le biais duquel les princes régnants, à commencer par Petru Cercel, qui a régné entre 1583 et 1584, pouvaient accéder à l’église. Ensuite, ils arrivaient dans un balcon de l’église et descendaient les marches jusqu’au fauteuil princier. Voici dont une innovation architecturale assez atypique pour les églises orthodoxes à retrouver à la Cour princière de Târgovişte. »

    En sortant de l’église, on peut apercevoir les ruines du palais princier qui était lui aussi une construction de l’époque de la Renaissance, s’étalant sur trois niveaux. A l’heure actuelle, les seuls à avoir survécu dans une forme identique à celle d’époque sont les celliers, ainsi qu’une partie du rez-de-chaussée. Irina Cârstina :« Les salles étaient nombreuses. Il s’agissait d’espaces où se déroulaient les activités administratives, et l’étage était destiné exclusivement au prince régnant. Tous ces endroits sont facilement visitables via une galerie. Continuant l’itinéraire via ce passage, les touristes peuvent aussi voir la partie la plus ancienne du palais, la Tour de Chindia, qui défend la Cour princière et la ville tout entière, offrant une belle perspective sur les murailles qui entouraient la ville. On peut voir aussi les jardins de la Cour princière, aménagés actuellement sous la forme d’un parc de la ville, et de l’autre côté de la colline, le monastère de Dealu, qui accueille la nécropole princière de la Valachie. »

    Pour ce qui est de la Tour de Chindia, la construction initiale a évidemment joué un rôle de défense. Mais son histoire, vraiment intéressante, c’est Irina Cârstina, Muséographe au Musée d’Histoire de Târgovişte qui nous la raconte. « Au 17e siècle, lorsque les invasions ne sont plus aussi fréquentes, cette tour jouait un rôle différent. Toute la vie de la ville était pratiquement organisée autour de cette construction. C’est au sommet de cette tour que montait un soldat avec une trompette et au coucher du soleil, il annonçait la fin des activités diurnes. Pratiquement, tous les négoces, tous les marchands, tous les gens qui sillonnaient la ville étaient obligés de suspendre leur activité. Durant le règne de Matei Basarab, la ville était assez développée et en plus elle passait par une période d’essor ; c’est pourquoi elle était une cible pour les voleurs nuitamment. Ce qui plus est, le risque d’incendie était plus élevé durant la nuit. Au son de la trompette, les portes de la ville se fermaient. C’était une construction imposante qui a même impressionné le prince régnant Gheorghe Bibescu, lors d’une visite au monastère de Dealu. Ce fut en 1847 qu’il ordonna que la tour soit remise à neuf et même rehaussée. Et c’est ainsi que la Cour princière est arrivée à posséder actuellement une tour haute de 27 mètres, à trois étages, avec un escalier en colimaçon. »

    Voici autant de raisons de faire une incursion dans l’histoire médiévale de la Roumanie et découvrir cette ancienne capitale valaque, qui se trouve tout près de Bucarest.

  • Mazar Pacha, Anglais de souche, gouverneur de Bucarest

    Mazar Pacha, Anglais de souche, gouverneur de Bucarest

    Au 19e siècle, durant la période trouble des débuts de leur modernisation, les Principautés roumaines ont accueilli de nombreux étrangers, arrivés sur leurs territoires suite à différentes aventures ou dans d’autres circonstances. Attirés par les possibilités que leur offrait cette région en train de se reconstruire selon les principes occidentaux, mais aussi par l’hospitalité des gens des parages, certains de ces étrangers y sont restés et se sont même impliqués dans le développement socio-politique du pays. Ce fut le cas de Mazar Pacha qui, en dépit de son nom ottoman, était un Anglais de souche.



    Il s’appelait en fait Stephen Bartlett Lakeman. Né en 1823, dans le sud de l’Angleterre, il était le descendant d’une famille néerlandaise qui s’y était établie après l’arrivée du roi Guillaume d’Orange, au 17e siècle. Anglais aventurier et excentrique typique, Lakeman a intégré la Légion étrangère après avoir terminé ses études à la Sorbonne. Ensuite, il arrive sur l’Île Sainte-Hélène, où il prend soin de la maison que Napoléon avait habitée pendant qu’il y avait été exilé. Il allait devenir, par la suite, officier dans l’armée britannique en Afrique du Sud. En tant qu’officier, il a contribué à la modernisation de l’uniforme militaire britannique, en choisissant une couleur de camouflage, le kaki, utilisée jusqu’à nos jours. Ses aventures l’ont mené jusqu’à Ceylan, où il a même acquis une plantation de thé. Pour tous les services rendus à Couronne britannique, Stephen Lakeman a été anobli, devenant donc Sir Stephen Lakeman au seuil de la Guerre de Crimée, éclatée en 1853 et qui allait durer jusqu’en 1856. C’est à ce moment-là qu’il s’est rapproché des Principautés roumaines. L’historien Emanuel Bădescu raconte.



    « Il n’est pas venu en Valachie n’importe comment, mais en tant que participant à la Guerre de Crimée : la Grande Bretagne a combattu alors aux côtés de l’Empire Ottoman et de la France contre la Russie. C’est dans ces circonstances que les Turcs appelèrent Stephen Lakeman Mazar Pacha, en tant qu’officier britannique attaché auprès de la Sublime Porte. Il avait été nommé par le sultan à ces fonctions en raison de sa vaste expérience sur le champ de bataille, qu’il avait acquise notamment en Afrique du Sud. Pour la période de la guerre, la Sublime Porte le désigna Gouverneur de Bucarest et il y est devenu un personnage très important. Après la guerre, il épousa une veuve très riche, Maria Filipescu, descendante d’une vieille famille valaque, la famille Bujoreanu, qui possédait d’immenses domaines dans le sud du pays, dans la région d’Argeș, de Vâlcea et dans l’ancien comté de Vlașca, jusqu’à proximité de Giurgiu, au bord du Danube. Suite à son mariage, Lakeman alias Mazar Pacha entra en possession d’une partie de ces domaines. »



    Dorénavant, Stephen Bartlett Lakeman allait passer la plupart de sa vie en Valachie, administrant les nombreux domaines de sa femme et continuant à s’ingérer — sans trop de succès, d’ailleurs — dans la politique intérieure du pays, car il s’était lié d’amitié avec les boyards roumains engagés dans la modernisation de la principauté. Cette immixtion ne fut pas toujours favorable aux intérêts de la Roumanie de l’époque. Pourtant, c’est dans sa maison de Bucarest qu’a été créé, en mai 1875, le Parti National Libéral (PNL), durant une réunion lors de laquelle devait initialement se tramer un complot pour détrôner le prince régnant et futur roi Carol I. Bien qu’entre temps les leaders du complot projeté et souhaité peut-être par la Grande Bretagne y aient renoncé, Lakeman a le mérite d’avoir insisté que les différentes fractions libérales s’unissent en un seul parti. Deux ans plus tard, Mazar Pacha allait tenter à nouveau de s’ingérer dans la politique de Bucarest, ne souhaitant pas que la Roumanie s’engage dans la guerre russo-turque suite à laquelle notre pays allait conquérir son indépendance vis-à-vis de l’Empire Ottoman. Cela a entraîné, bien sûr, un refroidissement entre lui et le PNL. Malgré ses échecs politiques, en tant que propriétaire terrien, Lakeman semble avoir agi pourtant plus favorablement envers son pays d’adoption — estime l’historien Emanuel Bădescu.



    « Il s’est établi tout d’abord à Bucarest, rue Enei, vis-à-vis de l’actuelle faculté d’Architecture. Pourtant, il a passé le plus clair de son temps à son domaine de Copăceni, situé à proximité de Bucarest, ou à d’autres domaines — une dizaine au total — qu’il administrait au nom de sa femme. A Copăceni, mais aussi dans les autres villages où il possédait des terres, il a imposé la structure carrée — typiquement britannique — dans la disposition des ruelles. Même aujourd’hui, tout près de Giurgiu les villages ayant appartenu à Mazar Pacha gardent cette structure des ruelles, inhabituelle pour les zones rurales roumaines. Ensuite, il a contribué financièrement à la restauration de toutes les églises. Pour certaines d’entre elles, il a même fait venir des cloches d’Angleterre. Son comportement envers les villageois a été irréprochable et il les a soutenus dans tous les procès ouverts contre des marchands qui voulaient les tromper. »



    Après la mort de Maria Filipescu, en 1881, Sir Stephen épouse, en secondes noces, Maria Arion, qui était beaucoup plus jeune que lui, et il passe son temps à Bucarest et à ses différents domaines. Pourtant, il se rend souvent en Angleterre. Emanuel Bădescu.



    « Il s’y rendait aussi quand il était appelé par le ministère britannique des Affaires étrangères de Londres — car, à mon avis, il a été agent secret britannique en Roumanie. Il a été également présent aux Jubilées de la reine Victoria, auxquels il était obligé de participer, ayant été anobli par la souveraine. Au Jubilée de Diamant, la tribune s’est effondrée et Lakeman a été blessé à la jambe. Son pied se gangrena, ce qui allait d’ailleurs entraîner sa mort. Là, on touche à un grand problème : où Lakeman est-il mort ? Certains de ses amis affirment qu’il est mort en Angleterre, peu de temps après cet accident de 1896. Pourtant, selon la famille Chrissoveloni — apparentée par alliance à Mazar Pacha — il se serait éteint à Bucarest, étant enterré dans un cimetière évangélique du nord de la capitale, sur l’emplacement duquel se dresse actuellement l’Institut d’histoire « Nicolae Iorga ».



    Où qu’il se soit éteint, l’aventurier, l’officier, l’espion, le propriétaire terrien, l’homme politique Mazar Pacha alias Stephen Bartlett Lakeman est entré dans l’histoire des Roumains grâce au rôle qu’il a joué dans la naissance du parti libéral. Une partie de ses aventures sont racontées dans son volume de mémoires What I saw in Kaffir-Land, publié aux éditions William Blackwood and Sons, en 1880.


    (Trad. : Dominique)

  • Le prince régnant Alexandru Ioan Cuza, deux cents ans après sa naissance

    Le prince régnant Alexandru Ioan Cuza, deux cents ans après sa naissance

    C’est le 20 mars 1820, dans la petite ville moldave
    de Bârlad, située dans l’est de la Roumanie d’aujourd’hui, que voyait le jour
    celui qui allait devenir le colonel Alexandru Ioan Cuza, premier voïvode de la
    Moldavie et de la Valachie, réunies sous sa couronne. Cuza a sans doute été le
    personnage politique que les élites et la nation roumaine attendaient de pied
    ferme à ce moment de l’histoire nationale.

    En
    effet, c’est le 24 janvier 1859, que la Moldavie et la Valachie allaient unir
    leurs destinées, en élisant le même homme, Alexandru Ioan Cuza, sur leurs
    trônes respectifs. Cette élection, désirée par une importante majorité des
    élites politiques des deux principautés, les mêmes qui avaient bataillé ferme
    pour obtenir l’émancipation nationale et la modernisation, allait donner le
    coup d’envoi à une formidable série de réformes, vitales pour l’Etat roumain
    nouvellement constitué, et dont la sécularisation, la réforme fiscale et la
    réforme agraire constituèrent le point d’orgue. L’historien Alin Ciupală, professeur
    à l’Université de Bucarest, pense que c’est bien du courage et de la
    détermination d’un personnage tel que celui d’Alexandru Ioan Cuza dont avait
    besoin la nouvelle Roumanie pendant cette période de transition post-union.
    Alin Ciupală : « Alexandru Ioan Cuza a été avant tout un homme extrêmement courageux.
    Il a eu ce courage d’assumer un rôle et une mission difficiles pendant une
    époque délicate et marquée d’incertitudes, mais également de grands espoirs. Il
    a eu le courage de mener tambour battant l’œuvre de modernisation de la société
    roumaine, des Principautés Unies, c’est lui qui fonda l’Etat roumain moderne,
    c’est lui qui mit la société roumaine sur les rails qui l’ont menée vers
    l’Europe. »


    La période située entre 1859 et
    jusqu’en 1863 a représenté l’époque de l’élan réformateur et de la constitution
    de l’Etat roumain, bâti d’après le modèle européen. Mais dès 1863, quelque
    chose se gâte dans la dimension de la personnalité de Cuza, que l’on voit
    glisser vers un régime personnel, autoritaire, entouré d’une camarilla mue par
    l’intérêt du profit et de l’enrichissement personnels, et qui mettait par cela en
    danger les acquis obtenus jusqu’alors. Alin Ciupală : « Il nous faut
    reconnaître cette partie moins brillante du règne d’Alexandru Ioan Cuza. Car, à
    partir d’un certain moment, il prit la décision de faire cavalier seul, de
    patronner tout seul ce processus de modernisation de l’Etat. Après le coup
    fomenté le 2 mai 1864, Cuza demeure pratiquement isolé, éloignant ses plus proches
    collaborateurs, dont notamment les représentants de la génération révolutionnaire
    de 1848, les mêmes qui avaient œuvré à son élection. Et il faut pouvoir jauger de cette époque de manière objective,
    reconnaissant à la fois les mérites du personnage, mais également ses dérives.
    Finalement, le coup de palais qui a mis un terme à son règne a été l’œuvre de
    l’ensemble de la classe politique de l’époque. Car Cuza était devenu non plus
    le promoteur de la modernisation, mais plutôt son principal obstacle. Il y a eu
    erreur de jugement de sa part. Il n’avait pas compris que la modernisation est
    impossible en l’absence d’un régime politique démocratique libéral. »


    Et, en
    effet, la réaction des élites roumaines face à ces dérives autoritaires n’a pas
    tardé. Le 11 février 1866, 7 ans presque jour pour jour après son élection du 24
    janvier 1859, Alexandru Ioan Cuza sera écarté du pouvoir par ses anciens
    partisans, soutenus pour l’occasion par l’Armée. Il sera suivi au trône par le
    prince Carol de Hohenzollern-Sigmaringen, le futur roi Carol 1er, et
    dont le long règne achèvera d’arrimer la Roumanie aux valeurs et aux
    institutions européennes. L’historien Alin Ciupală voit d’ailleurs les deux
    règnes comme un continuum : « C’est bien la continuité qui caractérise les deux règnes. Après l’évincement
    d’Alexandru Ioan Cuza du pouvoir, le prince Carol et ses proches conseillers
    n’ont rien fait contre les mesures adoptées pendant son règne. Au contraire
    même, toutes ses initiatives, tous les projets démarrés au temps de Cuza seront
    poursuivis tout au long de la seconde moitié du 19e siècle. Aussi,
    ni le roi Carol 1er, ni la classe politique de son époque n’ont-ils
    nullement tenté de diminuer les mérites et l’image publique du prédécesseur.
    L’on peut même constater que le roi Carol I a bâti son image dans la continuité
    de celle laissée par Alexandru Ioan Cuza. Et, d’ailleurs, si l’on regardait les
    manuels scolaires, les livres d’histoire de l’époque, l’on constate aisément
    que l’image de Cuza était omniprésente, se trouvant au centre des événements,
    et cela a été vrai jusqu’à la Première guerre mondiale. L’on peut sans doute
    deviner l’intérêt qu’avait le roi Carol 1er, prince issu d’une
    dynastie étrangère, de s’asseoir dans la continuité de grandes lignées
    voïvodales, de souche. Mais, ce qui est certain c’est que durant les 48 années
    de règne de Carol I, et ensuite pendant l’entre-guerre, Alexandru Ioan Cuza est
    demeuré une personnalité centrale de l’historiographie roumaine. Ce n’est
    qu’après que les historiens ont d’abord commencé en catimini, suivis par la
    suite par les autres acteurs, à mettre également en évidence les zones d’ombre
    du règne et de la personnalité d’Alexandru Ioan Cuza. »


    En
    dépit de tous ces déboires, il n’en reste pas moins que, voilà deux cents ans, Alexandru
    Ioan Cuza entrait en scène, pour marquer du sceau de sa personnalité bien
    trempée l’histoire moderne de la Roumanie. (Trad. Ionuţ Jugureanu)

  • Târgoviște

    Târgoviște

    Ancienne résidence princière et capitale valaque entre 1396 et 1714, elle est, de nos jours, le chef – lieu du département de Dâmboviţa. Pour remonter le temps, nous vous proposons de faire une première halte dans le Complexe du Musée de la Cour princière, un des ensembles architecturaux les plus importants de la province historique de Valachie.

    Florin Burghui, guide touristique, nous fournit davantage de détails: Dans l’enceinte de la Cour princière, on peut observer la tour de défense, appelée Chindiei (Tour du couchant), puis les ruines du Palais et l’église princière. L’histoire de la Cour princière s’étale entre les règnes de Mircea le Vieux et Constantin Brancovan. À la porte d’entrée, vous trouverez la liste de tous les 33 voïvodes de Valachie qui y ont élu résidence ».

    C’est ce qui explique pourquoi Târgovişte est également connue sous le nom de « citadelle des 33 voïvodes ». A l’entrée dans la Cour princière, se dresse la tour-clocher construite vers la fin du 16e. Dans ce véritable musée en plein air, vous retrouverez les ruines de l’ancienne citadelle, la division des chambres, avec des murailles allant des plus anciennes jusqu’à celles qui proviennent des nombreuses consolidations et restaurations faites au fil du temps. Le symbole de la ville, la Tour Chindiei, mesure 27 m de haut et offre un panorama sur la ville et sur les montagnes alentour. Pour arriver jusqu’en haut de cette tour, le visiteur devra grimper 122 marches de l’escalier en colimaçon.

    A l’intérieur de la Cour princière, on peut visiter, outre les monuments du Moyen Age, le Musée de l’imprimerie et du livre roumain ancien. C’est un musée unique en Roumanie, car c’est ici, à Târgovişte, qu’a été imprimé le premier livre en terre roumaine. La ville de Târgovişte s’enorgueillit de plusieurs autres musées uniques en Roumanie : le musée de la Police roumaine, le musée de l’évolution de l’homme au Paléolithique, le musée des Ecrivains et même le musée de l’unité militaire où a eu lieu l’exécution du couple dictatorial Elena et Nicolae Ceaușescu.

    Voici les explications de Florin Burgui : « Le musée est assez petit. Il comporte la salle où ils ont passé trois nuits, celle où a eu lieu le procès, la pièce dans laquelle les deux époux ont subi l’examen médical avant l’exécution. A titre d’anecdote, ils ont demandé que leurs deux lits simples soient rapprochés, pour former un lit double, car leur couple était très soudé. On a gardé même les couverts de table. Les visiteurs peuvent se rendre aussi sur les lieux de l’exécution des Ceausescu. »

    En 2017, la collection de choses uniques de la ville s’est enrichie d’une Maison de la Romance. Dans ses beaux salons, elle recèle témoignages et documents précieux : partitions originales, photographies et tant d’autres choses qui prouvent combien ce genre musical est important, pour le patrimoine national comme pour celui universel. La ville de Targoviste accueille d’ailleurs le festival de romances, « Le Chrysanthème d’or », créé il y a plus de 50 ans.

    Si vous vous baladez dans le vieux centre-ville, qui a aussi une zone piétonne, laissez-vous tenter par l’ambiance et l’offre variée des restos, des bars et des cafés. (Trad. Mariana Tudose)

  • 160 ans depuis l’Union des Principautés roumaines de Moldavie et de Valachie

    160 ans depuis l’Union des Principautés roumaines de Moldavie et de Valachie

    L’union du 24 janvier 1859 des principautés roumaines de Moldavie et de Valachie s’est réalisée à l’aune de la volonté nationale, mais aussi d’une conjoncture internationale favorable. Car le projet national roumain fait partie d’une dynamique européenne plus ample, censée redessiner les contours du continent. L’une des causes de ce bouleversement constitue l’entrée du Danube dans l’attention de Grandes Puissances, et notamment de la France et de l’Allemagne. Le fleuve qui traverse le continent d’ouest en est, du nord au sud, commence à occuper l’imaginaire européen. Il charge ce fleuve d’une mission civilisatrice : celle de faire reculer le despotisme oriental, en y cultivant à la place les semences de la démocratie, de la liberté et de l’émancipation nationale.

    L’offensive des valeurs occidentales s’est traduite en outre par l’Union des deux Principautés roumaines situées au nord du Danube, débouchant sur la création de la Roumanie. Mais l’union de la Moldavie et de la Valachie ne s’est pas réalisée sans peine, la forme qu’allait prendre le futur Etat demeurant sujet à controverses. Les historiens sont aujourd’hui d’accord que l’acte fondateur posé le 24 janvier 1859 a été arraché de justesse, suite à une bataille acharnée, et que les dilemmes identitaires qui en ont résulté ont perduré jusqu’à l’entre-deux-guerres.

    L’historien Adrian Cioflâncă affirme qu’à la fin des années 1850 on voyait s’affronter deux visions distinctes de ce que devrait être l’avenir: « Vers 1859, l’on remarque la convergence des deux thèmes qui produisaient des remous dans la société roumaine de l’époque, mais qui jusqu’à la Révolution de 1848 n’étaient guère reliés entre eux : d’une part, le thème de la modernisation, d’autre part, celui de l’union. C’est qu’avant 1859, l’union nationale n’était en rien synonyme de modernisation, et que le processus de modernisation ne recouvrait aucunement l’idée d’union nationale. Or, après l’échec du mouvement révolutionnaire de 1848, les énergies se réinvestissent dans un projet politique visant la réalisation de l’union, auquel elles sous-tendent le projet modernisateur. Le projet national exige la compatibilité entre l’unité politique et l’unité nationale. L’union arrive à être perçue comme la panacée universelle à tous les maux de la société roumaine. Ce surinvestissement presque désespéré explique l’adhésion quasi-unanime à l’idée de l’unité nationale. Mais ce surinvestissement explique aussi le désenchantement ultérieur, qui ne manque pas d’arriver. Car, d’évidence, l’union n’était point cette panacée universelle tant désirée ».

    Certains historiens considèrent que l’expansion tsariste dans le sud-est européen et surtout l’annexion de la Bessarabie, cette partie de la Moldavie située entre les rivières Prut et Dniestr, par la Russie, en 1812, ont poussé les élites moldaves à souhaiter l’union avec la Valachie. L’historien Andrei Cușco de l’université d’Etat de Chișinău est l’un de ceux qui n’écartent pas ce scénario: « Il y avait, certes, plusieurs alternatives, dont l’union. L’on pourrait se lancer dans l’histoire fiction, et faire des supputations sur ce qui se serait passé si les Russes avaient annexé la Moldavie tout entière, et pas que la Bessarabie. Il est fort possible alors que le projet national roumain se soit vu mis en échec, dans son ensemble, ou qu’il eut pris une toute autre direction. Mais, quoi qu’il en soit, depuis 1812, la partie libre de la Moldavie a plaidé pour l’union avec la Valachie, voyant cet acte comme le meilleur moyen de contrer le poids du colosse russe. Ainsi, l’annexion de 1812 de la Bessarabie par la Russie a poussé indirectement vers l’Union des Principautés de Valachie et de Moldavie, une bonne chose donc. Mais pour les habitants de la Bessarabie, c’est une autre histoire. »

    Mais à quoi allait ressembler le futur Etat roumain? Allait-il épouser une architecture institutionnelle centralisée, à l’instar de l’Etat français, ou bien un modèle fédéral ou confédéral, à l’instar de la Prusse ? Ces questions ont été longtemps débattues par les partisans de l’union des deux côtés de la rivière Milcov, cours d’eau symbolique, séparant les deux principautés. Enfin, c’est la vision centraliste qui a prévalu. Adrian Cioflâncă : « Après 1859, le nouvel Etat a épousé une formule résolument centralisée. Aussi, d’un point de vue culturel, c’est l’uniformisation identitaire a prévalu. Cela dit, la question était ouverte, il pouvait y avoir un choix entre de multiples possibilités. Les séparatistes, si on peut les appeler ainsi, soutenaient un modèle confédéral, respectueux des identités et des intérêts régionaux. Ce qui est drôle, c’est que ces modèles confédéraux ont d’abord été colportés dans les cercles révolutionnaires par ceux qui allaient être plus tard les adeptes de l’union. Le modèle fédéral était promu à l’époque pour sortir d’une certaine façon les nations du giron des empires afin de les préparer ultérieurement à d’autres formes d’organisation. Avant 1859, des figures remarquables et des partisans de l’union tels Mihail Kogălniceanu, Nicolae Suțu, Ion Heliade Rădulescu, Constantin Heraclide et, surtout, Vasile Boerescu, ont soutenu à cor et à cri les formules décentralisatrices ».

    Les deux camps, celui des unionistes et celui des partisans d’une fédération, surnommés, par leurs détracteurs, les « séparatistes », ont, chacun, jeté sur la table des arguments de choix pour étayer leurs thèses. Si la formule centralisée était censée donner cohérence et force au futur Etat roumain, la formule décentralisée, elle, mettait en avant l’égalité entre les deux entités au sein du futur Etat que leur formule était plus à même de défendre. L’historien Adrian Cioflâncă affirme : « Les deux principautés étaient déjà passées, tour à tour, par un processus de centralisation qui avait culminé par ce qui est considéré comme la première ébauche de Constitution roumaine, les Règlements organiques de 1831-32. C’est ainsi qu’au moment de l’union, la seule expérience politico-administrative, la seule pratique qui pouvait se targuer d’une certaine tradition, était le centralisme. Mais le thème de la modernisation a fait évacuer un peu trop vite du débat public le thème du choix de la formule étatique. Et puis, enfin, les menaces externes qui s’amoncelaient à l’horizon appelaient à un Etat fort, et firent pencher la balance du côté du centralisme ».

    Les 5 et 24 janvier 1859, à Iași et Bucarest, Alexandru Ioan Cuza était élu pour monter sur le trône moldave d’abord, sur le trône valaque ensuite. C’était le début du processus unioniste, à l’issue duquel la Roumanie d’aujourd’hui vit le jour. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • La Constitution de Mavrocordat

    La Constitution de Mavrocordat

    La première famille phanariote – soit d’origine grecque – à avoir régné dans les Principautés Roumaines au XVIIIe siècle a été celle des Mavrocordat, qui a donné au pays au moins deux personnalités importantes : Nicolae Mavrocordat et son fils Constantin. Constantin Mavrocordat a été un réformateur. Son nom est lié à la première Constitution conçue dans l’espace roumain. En 1735, en tant que prince régnant de Valachie, il a commencé à appliquer des réformes inspirées des réformes autrichiennes instituées en Olténie, grande région du sud de l’actuelle Roumanie annexée par l’Autriche en 1718.

    Constantin Mavrocordat supprime les impôts indirects et introduit une taxe générale que l’on pouvait payer en 4 tranches. Il affranchit partiellement les paysans, leur donnant le droit de quitter une propriété terrienne pour une autre, moyennant une taxe de rachat. En 1735, il participe à la création, à Iași, en Moldavie, de la première loge maçonnique. Durant ses prochains règnes, il allait supprimer le servage – en Valachie, en 1746 et en Moldavie, en 1749.

    Selon l’historienne Georgeta Filitti, la première moitié du XVIIIe siècle phanariote – qui fut aussi l’époque de Constantin Mavrocordat – a été caractérisée par des tentatives de réforme propres à l’Epoque des Lumières en France : « L’influence française allait pénétrer par les gens, par les abonnements aux différents quotidiens, par les livres et les marchandises en tous genres apportés d’Occident. On voit ainsi arriver la revue « Mercure de France », qui publiait, en 1746, ce que l’on peut appeler la « Constitution de Constantin Mavrocordat ». Ce qui est intéressant, c’est que, longtemps avant la Révolution française, celui-ci posait le problème de l’affranchissement social. Aussi, la dépendance des paysans asservis est supprimée en Valachie. De nombreuses obligations pesaient encore sur le paysan, qui devait payer 43 impôts, pourtant une préoccupation pour sa libération existait déjà – et c’est très important. Ces idées de liberté et d’égalité sociale trouvaient dans l’espace roumain un terrain déjà préparé. »

    Intellectuel raffiné, sans doute, Constantin Mavrocorat a été aussi un homme politique habile, qui se rendait compte dans quelle direction évoluait le monde de son époque. Georgeta Filitti : « Il a beaucoup lu, beaucoup étudié, il a pris, pour ainsi dire, le pouls de l’Europe et il a très bien vu vers quoi la société de son époque avançait. Dans l’espace roumain, les princes phanariotes, qui étaient en fait des fonctionnaires grecs au service de l’Empire ottoman, poursuivent quelques buts précis : la libération des chrétiens de sous la domination turque et l’idée maîtresse de refaire Byzance, de refaire un empire grec de facture chrétienne. Or, ce genre de choses ne se réalise pas en restant chez soi, mais en s’informant et en agissant. Les phanariotes ont aussi joué un autre rôle extraordinaire – pour eux-mêmes et pour l’Empire ottoman : ils ont utilisé toutes les sources d’information dont ils pouvaient disposer. Ils avaient effectivement des espions à toutes les cours européennes. Ils étaient donc très bien renseignés et se rendaient compte de quelle façon évoluait le monde. »

    Constantin Mavrocordat possédait une bibliothèque impressionnante, abritée par le monastère de Văcărești, fondé par son père, Nicolae Mavrocordat. Il y découvre les écrits de Montesquieu, Diderot, Voltaire et des autres philosophes français des Lumières. Georgeta Filitti : « On le devine par des témoignages indirects, par ce que Mavrocordat a écrit, par sa façon d’agir et de se comporter, car il n’a pas tenu un journal pour noter ses lectures. La bibliothèque de Văcărești était remarquable par les manuscrits qu’elle recelait. On apprend, par les rares témoignages de ses contemporains, combien de temps le prince Mavrocordat passait dans cette bibliothèque. Des témoignages indirects nous permettent également de tirer des conclusions très claires : il organise l’enseignement rural, il réalise une division administrative du pays en départements, chaque département ayant ses propres dirigeants. Il fixe des impôts, il institue des lois, car la loi, pour sévère qu’elle puisse être, c’est la loi, alors que l’absence de loi est le règne du crime. Les choses commencent à se mettre en place. Il était Grec, mais il commence à apprendre le roumain et ceux qui s’adressent à lui en grec pour lui être agréables n’ont plus d’influence sur lui. Il demande à ceux qui l’avaient accompagné depuis Constantinople d’apprendre la langue du pays. »

    Durant la guerre austro-russo-turque de 1736-1739, Constantin Mavrocordat récupère l’Olténie annexée par les Autrichiens. 30 ans plus tard, en 1769, durant une autre guerre russo-turque, Constantin Mavrocordat tombe prisonnier à Galați et il meurt à 58 ans, tué par un soldat russe. Le plus important réformateur du XVIIIe siècle roumain est enseveli à Iași. (Trad. : Dominique)

  • Le drapeau de la Roumanie

    Le drapeau de la Roumanie

    Selon la Constitution, le drapeau national de la Roumanie comporte trois couleurs de dimensions égales rangées verticalement : bleu (à gauche), jaune (au centre) et rouge (à droite). Néanmoins, à chaque fois que l’on parle du tricolore national on le décrit comme étant rouge, jaune et bleu. Il est très semblable au drapeau civil d’Andorre et au drapeau d’Etat du Tchad. C’est en fait la nuance de bleu qui fait la différence entre les trois. Le drapeau roumain et le celui de la République de Moldova sont presque identiques aussi. C’est le blason qui fait la différence dans ce cas. Selon des chroniques historiques et des légendes, dans l’espace roumain ces trois couleurs – rouge, jaune et bleu ont été utilisées depuis des siècles. On les retrouve par exemple sur les diplômes émis par le prince valaque Michel le Brave. Mais vu que jusqu’au 19e siècle il y a eu 3 principautés roumaines distinctes sans une conscience nationale roumaine qui les réunisse, ces trois couleurs n’étaient pas utilisées pour identifier les Roumains.

    C’est à peine au 19 siècle que ces trois couleurs deviennent un symbole de l’identité nationale roumaine. On les retrouve en 1821 sur le drapeau de la révolte menée en Valachie par Tudor Vladimirescu pour renverser le régime phanariote. C’est à ce moment-là que l’on donne les premières significations aux les couleurs du drapeau : le bleu du ciel, symbole de la liberté, le jaune des champs de blé, symbole de la Justice et le rouge du sang, symbole de la fraternité. C’est la Valachie qui adopte la première ce tricolore comme drapeau de lutte, en 1834. Toutefois, sur ce premier drapeau les couleurs avaient un autre ordre – rouge, bleu et jaune. Par la suite, en juin 1848, le drapeau valaque a trois couleurs horizontales – bleu, jaune et rouge – et l’inscription Justice et Fraternité. Un mois plus tard seulement, un décret du gouvernement provisoire valaque précisait que le drapeau roumain devait avoir des couleurs verticales, étant peut-être inspiré du drapeau français. En Transylvanie, les révolutionnaires avaient utilisé en mai 1848 un drapeau bleu-blanc et rouge, le blanc étant remplacé plus tard par le jaune, pour témoigner du désir des gens se joindre aux autres Roumains. La Moldavie aussi avait utilisé un drapeau ayant les mêmes couleurs, sans pourtant l’adopter officiellement.

    Le drapeau change à plusieurs reprises au cours du 19e siècle, de fois on utilise des drapeaux différents au cours de la même année. Soit on revient aux couleurs horizontales, soit on met le rouge en première position, puis le bleu, etc. Une chose est sûre, en 1861, le prince Alexandru Ioan Cuza décide que le tricolore soit le drapeau civil officiel des principautés réunies de Moldova et de Valachie. C’est en 1866 que l’on précise dans la Constitution que les couleurs sont disposées verticalement, à commencer par le bleu. Les symboles restent les mêmes : liberté, justice, fraternité. En 1918, lorsque la Transylvanie se joint à la Roumanie formée auparavant par l’union de la Valachie et de la Moldavie, le drapeau de la Grande Roumanie reste le même. Depuis c’est le blason qui a changé à plusieurs reprises. Mais je vous en parlerai une prochaine fois.

  • Michel Beine (Belgique) – d’où vient le nom « Roumanie » ?

    Michel Beine (Belgique) – d’où vient le nom « Roumanie » ?

    Le nom de notre pays est ancien et provient du latin ; il apparaissait dans des textes latins depuis la fin de l’antiquité et au Moyen Age. Ainsi, l’appellation de Roumanie est attestée tôt au sujet de l’espace danubien (une lettre d’Auxentius de Durostorum, datée autour de l’année 383). Le plus ancien document connu en roumain, et qui atteste la dénomination du pays, « Pays roumain », est une lettre écrite par un certain Neacşu au juge de Braşov, en 1521.



    Et dans ce texte roumain, la principauté nommée par les étrangers « Valachie » est appelée « Pays roumain » (Ţara Românească). L’historien Ioan-Aurel Pop, membre de l’Académie roumaine et président de l’Université Babeş-Bolyai de Cluj (centre), précise dans un discours que le terme de Roumanie (România) n’est qu’une forme de l’appellation Pays roumain, et que cette appellation a circulé par le passé parallèlement à la dénomination de Valachie, donnée par les étrangers.



    Ainsi, l’académicien précise que « des sources anciennes indiquent avec certitude que les provinces roumaines étaient parfois désignées comme Terrae Valachorum ou Valachiae, soit des pays des Roumains. C’est là, entre le Danube et les Carpates Méridionales (appelées par les Occidentaux Alpes de Transylvanie) que s’est formé, au tournant du XIIIe et du XIVe siècles, par la réunification de plusieurs Vlachies, le prototype de l’Etat médiéval roumain, soit la Valachie ou le Pays roumain.



    Pour les Roumains, le nom de Roumanie n’est qu’une forme de l’appellation Pays roumain, adaptée aux temps modernes, mais extraite du passé, avec des racines dans le passé et justifiée par l’histoire », donc « absolument identique à celle de Pays roumain », explique l’historien Ioan-Aurel Pop. Pour ce qui est des Etats médiévaux roumains, à compter du XIIIe siècle, les documents historiques comportent des informations sur les débuts des principautés de Moldavie et de Valachie.



    En même temps, la Transylvanie entre dans la sphère d’influence du catholicisme. Au XVe siècle, l’Empire ottoman conquiert la Dobroudja, et suite à la bataille de Mohacs, toute la Péninsule balkanique et une grande partie de la Hongrie deviennent pachaliks. Toutefois, la Transylvanie (où règnent des voïvodes hongrois), la Moldavie et la Valachie (avec des voïvodes roumains) restent des principautés autonomes, avec leurs propres Conseils, souverains, lois, armées, flottes, ambassadeurs et avec leur religion chrétienne ; elles paient un tribut à la Sublime Porte, sans faire partie de l’Empire ottoman. Une des premières références explicites à un « territoire ethnolinguistique roumain » comprenant la Valachie, la Moldavie et la Transylvanie est à retrouver dans un ouvrage du chroniqueur Costin, au XVIIe siècle. Au XVIIIe siècle, le prince érudit Dimitrie Cantemir désigne systématiquement les trois principautés habitées par les Roumains sous le nom de Pays roumain.



    Le peuple roumain s’est formé au nord et au sud du Danube, comme partie de la romanité orientale, entre le IIe siècle av. J.-C. et le IXe siècle, soit des premiers contacts commerciaux entre les Daces (peuple d’origine thrace) et les Romains jusqu’à la formation de la langue roumaine. Les principales étapes de la formation du peuple roumain ont été la période de domination romaine (les IIe et IIIe siècles dans la province de Dacie, et respectivement les Ier au VIIe siècle dans la région entre le Danube et le mer Noire), lorsque la romanisation a été exercée par les colons, les vétérans, l’administration romaine, formant la population daco-romaine. Ensuite, la continuité des Daco-Romains au nord du Danube après le retrait de Dacie sous l’empereur Aurélien, en 271. Aurélien retire ses armées de Dacie parce que l’Empire ne pouvait plus assurer la défense de la province face aux attaques des peuples migrateurs.



    Durant les grandes migrations des peuples germaniques, slaves, turciques et finno-ougriens, les locuteurs de latin de cet espace voient s’ajouter des peuplades de langue germanique (au IIIe siècle) et surtout les peuplades slaves (aux VIe-VIIe siècles). Le mélange des Daces, des Romains et des nouveaux arrivants s’est passé au nord et au sud du Danube, pendant plusieurs siècles. Au nord du Danube, vous avez donc les Roumains, issus de ce processus.



    Au sud du Danube, les Thraces et les Romains ont donné les Thraco-Romains, et ces derniers avec les Slaves ont donné les Aroumains, les Méglénoroumains et les Istroroumains. Les fouilles archéologiques indiquent une continuité d’habitation sur ce territoire. Les Roumains figurent dans des sources historiques à compter du VIIe siècle sous le nom de Valaques, mais sont attestés clairement à peine aux XIIe-XIIIe siècles, par des chroniqueurs étrangers — dans la Chronique d’Anonymus, dans le Chant des Nibelungen e. a..



    La langue roumaine fait partie des langues romanes ; elle s’est formée avec le peuple roumain, par la symbiose du latin parlé par les colons romains et de la langue géto-dace, nos ancêtres, avec plusieurs influences au cours des âges, suite au contact des populations slaves. L’élément slave est pourtant secondaire et n’a pas influencé le caractère roman de notre peuple ni de sa langue. Le roumain s’est formé entre le IIIe siècle av. J.-C. et le VIe siècle, au nord et au sud du Danube.



    Au nord du Danube apparaît le dialecte daco-roumain ; au sud du fleuve — les dialectes mégléno roumain, istro roumain et aroumain. Les recherches linguistiques ont mis en exergue le caractère latin du roumain, donné par son lexique et sa structure grammaticale. Au Moyen-Age et à l’époque pré moderne, la langue acquiert des mots hongrois, turciques et grecs. Le français exerce une influence importante sur le roumain au XIXe siècle.

  • Târgoviște, la cité des 33 voïvodes

    Târgoviște, la cité des 33 voïvodes

    Aujourd’hui nous parcourons des routes chargées d’histoire du sud de la Roumanie, dans la cité des 33 voïvodes. Nous sommes à Târgoviște. Située à environ 80 km à N-O de Bucarest, cette ville figure sur les trajets touristiques culturels du pays grâce notamment à ses vestiges historiques. Et pour cause : au Moyen Age, Târgoviște a été la capitale de la province de Valachie pendant presque 3 siècles (de 1396 à 1714).

    Pourquoi visiter Târgoviște? Réponse avec Ovidiu Cârstâna, muséographe et directeur du Complexe de musées Curtea Domneasca (la cour princière) : «Târgoviște n’est pas une ville très grande, mais elle est riche en monuments, alors que les musées se trouvent au centre-ville, ce qui les rend extrêmement accessibles. Par conséquent, en parcourant un espace assez réduit, les visiteurs auront l’occasion de voir des choses uniques. »

    Le complexe de musées de la Cour princière (Curtea Domneasacă) réunit 14 musées situés à Târgoviște et au département de Dâmbovița. Ce sont des endroits qui couvrent une vaste aire de ce que l’on appelle muséographie. Parmi eux, le plus important est la Cour Princière elle-même, un ensemble de constructions datant des 15e- 18e siècles et qui, au fil du temps, a servi de siège à 33 princes valaques. Dans ce musée en plein air on peut admirer les ruines de l’ancienne forteresse, avec ses pièces et ses murs des plus anciens jusqu’aux constructions plus récentes réalisées lors de différents travaux de consolidation. A l’entrée vous trouverez une liste des princes qui ont régné à Târgoviște et grâce auxquels la ville est surnommée « la cité des 33 voïvodes ». Toujours à l’intérieur de la cité, on trouve la Tour de Chindia. Haute de 27 mètres, elle est le symbole de Târgoviște et offre un très beau panorama sur la ville et sur les montagnes qui l’avoisinent.

    Ensuite, vous pouvez visiter la grande Eglise Princière, monument du 16e siècle, sauvegardé en proportion de 90% dans son état d’origine, tel qu’il était au Moyen Age. Et c’est toujours à l’intérieur de la Cité princière que vous pouvez visiter le Musée de l’imprimerie et du livre roumain ancien. C’est un musée unique en Roumanie, grâce notamment au fait que c’est ici que fut imprimé le premier livre de l’espace roumain.

    S’y ajoutent d’autres édifices importants: le Musée des écrivains, le Musée d’art, celui d’histoire, la maison – atelier de l’artiste plasticien Gheorghe Petrașcu, ou bien une vingtaine d’églises bâties à l’époque des trois principautés roumaines, d’une grande valeur architecturale et artistique.

    Ovidiu Cârstâna, directeur du Complexe de musées Curtea Domnească (la cour princière) nous invite à découvrir l’histoire de Târgoviște, telle qu’elle est racontée par les vestiges se trouvant au Musée d’histoire de la ville : « Le visiteur y trouve une exposition qui part du Paléolithique et va jusqu’à la fin de la Première guerre mondiale et la création de la Grande Roumanie. C’est une exposition particulière, qui nous fait traverser l’une après l’autre toutes ces époques historiques. Parmi les curiosités exposées dans ce musée, je mentionnerais l’objet le plus ancien, des restes ostéologiques, à savoir une défense de mammouth, ainsi qu’une omoplate et quelques molaires appartenant à une espèce d’Elephas Meridionalis (mammouth méridional) disparue il y a 1 million 800.000 ans. De même, nous avons un objet unique datant de la période des migrations, au premier millénaire : une chaudière ayant appartenu aux Huns, découverte au département de Dâmbovița (sud), dans le lit de la rivière d’Argeș. C’est un objet qui date du 5e siècle avant J-C., un objet très rare, parce qu’à l’heure actuelle on ne trouve plus que 28 tels objets sur l’ensemble de l’Europe, depuis l’Atlantique jusqu’aux Ourals. C’est un objet dont la valeur a été reconnue au moment où nos collègues allemands nous l’ont demandé pour l’inclure dans une exposition reconstituant le chemin d’Attila. Au musée d’histoire de Targoviste nous avons donc voulu reconstituer le plus possible du parcours historique de la région, surtout que les visiteurs sont attirés par ces reconstitutions, ils veulent tous savoir à quoi servaient ces objets. »

    Ruines médiévales, panorama sur la ville, vestiges préhistoriques – voilà, donc, autant de raisons de découvrir cette ville si chargée d’histoire et de beauté, qu’est Târgoviște. Bon voyage! (Trad. Valentina Beleavski)

  • La Valachie pendant le règne de Vlad l’Empaleur.

    La Valachie pendant le règne de Vlad l’Empaleur.

    Surnommé Dracula, le prince Vlad l’Empaleur a régné en Valachie à trois reprises. Après un règne de quelques mois seulement, en 1448, il s’est réinstallé sur le trône de la principauté de 1456 à 1462 avant de reprendre une troisième fois les rênes du pouvoir en 1476. Au bout de deux mois seulement, Tepes allait tomber victime d’une conspiration et mourir à l’âge de 45 ans. Véritable personnalité de son temps, Tepes avait 25 ans quand il a repris, pour la deuxième fois, la couronne valaque, suite à l’intervention du prince transylvain Iancu de Hunyadi désireux d’entraver la percée ottomane vers l’Europe centrale.

    L’historien Stefan Andreescu explique les circonstances historiques qui ont conduit à l’installation de Vlad l’Empaleur sur le trône de la Valachie: «En 1456, Europe chrétienne se préparait à affronter de nouveau l’Empire ottoman lors du siège de Belgrade qui déboucha sur une véritable bataille. Dans un premier temps, la ville a résisté et n’a été conquise que plus de 50 ans après. Mais à l’époque, face aux intentions ottomanes, le prince Iancu de Hunyadi a pris la décision de renforcer la frontière danubienne. Du coup, il lui fallait sur le trône valaque un allié digne de confiance. Bien que venu de Transylvanie, Vlad l’Empaleur menait une politique intérieure solide et bénéficiait d’un groupe de boyards prêts à le reconnaître».

    Ennemi déclaré des Ottomans après plusieurs années de jeunesse passées comme otage à la cour du sultan, Vlad l’Empaleur s’est proposé de combattre l’anarchie qui régnait en Valachie, en décidant de ranger la principauté du côté des alliances des croisés.

    Stefan Andreescu: « L’arrivée de Vlad l’Empaleur sur le trône valaque a mis fin à plusieurs décennies de confrontations et de désordre. A l’époque, la province était au bord de l’anarchie. Le nouveau leader a donc cherché à renforcer sa position en démantelant les différents groupuscules qui ébranlaient son trône. Il y a différents récits consacrés à Dracula aussi bien en slavon qu’en allemand qui parlent des mesures drastiques adoptées par le voïvode contre ses ennemis. A titre d’exemple, rappelons la fureur du prince contre le boyard Albu responsable d’une révolte censée le conduire sur le trône. Sa tentative a échoué au moment où un groupe de boyards l’a trahi, en l’accusant d’avoir cessé de verser un tribut à la Sublime Porte afin de rejoindre une alliance chrétienne sous le patronage du pape Pie II ».

    Pour sa part, Vlad l’Empaleur s’est entouré de quelques alliés: Iancu de Hunyadi, son protecteur, le roi hongrois Matthias Corvin et le prince moldave Etienne le Grand. Pourtant, il convient de mentionner qu’avec ces deux derniers, Vlad l’Empaleur a également eu quelques disputes.

    Stefan Andreescu: « Etienne le Grand était en fait le cousin de Vlad l’Empaleur. Il s’est installé sur le trône de la Moldavie au printemps 1457, à l’aide de Vlad. En échange, celui-ci doit son troisième règne en Valachie à son cousin de Moldavie. Pourtant, à part ces deux moments majeurs de soutien réciproque, les deux princes ont été souvent en conflit. En 1462, Etienne le Grand tente de conquérir sans succès la cité de Chilia. Celle-ci représentait à l’époque la porte de la Valachie vers la mer. De l’avis du grand historien, Nicolae Iorga, c’était à Etienne le Grand de faire en sorte que Chilia ne tombe pas entre les mains des Ottomans. Le conflit a eu donc un enjeu stratégique. Heureusement, les liens de sang ont fini par s’avérer plus importants».

    Dans ses batailles contre les Turcs, menées à chaque reprise en infériorité numérique, Tepes a évité les affrontements directs. Son plus important succès a été plutôt psychologique : ce fut la célèbre attaque nocturne de 1461.

    Stefan Andreescu : « Il a eu recours à des tactiques à succès : la politique de la terre brûlée, l’empoisonnement des fontaines et des manifestations visuelles telles les champs recouverts de soldats turcs et de malfaiteurs dressés sur des pals, près de Târgoviste. Un des exploits les plus connus censés épouvanter les Ottomans a été une attaque nocturne, une action assez inouïe à l’époque. Plusieurs sources décrivent cette attaque, y compris une chronique ottomane qui raconte la panique que cette attaque a créée. Elle visait précisément la tente du sultan, Vlad voulait liquider Mehmet 2. Un envoyé pontifical, Nicolo de Modrusa, a parlé à Tepes, lorsque celui-ci était emprisonné à Buda et il a décrit cette attaque. L’autre commandant qui aurait dû attaquer le camp ottoman depuis le côté opposé a eu peur et n’a plus donné le coup d’envoi du raid. Ce fut uniquement le corps d’armée de Tepes qui, à la lumière des torches, a avancé jusqu’au beau milieu du bivouac. Pourtant, celui-ci a raté la tente du sultan et vu que les gardes formés de janissaires s’étaient organisées, Tepes s’est vu contraint de se retirer. »

    Le même chroniqueur, Nicolo de Modrusa a également dressé un portrait de Vlad l’Empaleur, qui est assez fidèle à la célèbre toile qui représente le prince valaque au château Ambras du Tyrol : « Vlad l’Empaleur n’était pas un homme grand, mais il était robuste et fort, avec un visage cruel et effrayant. Son nez était grand et aquilin, ses narines étaient gonflées, son visage un peu rougeâtre, des cils longs entouraient de grands yeux verts alors que les gros sourcils noirs les rendaient encore plus menaçants. Son visage était rasé, à l’exception des moustaches. Les tempes gonflées ne faisaient qu’augmenter le volume de sa tête. Un cou comme celui d’un taureau la liait à ses larges épaules sur lesquelles tombaient des boucles de cheveux noirs. » (Trad. Alex Diaconescu, Ioana Stancescu)

  • 24.01.2016

    24.01.2016

    Union — Les Roumains du monde ont célébré ce dimanche les 157 années depuis l’Union des Principautés roumaines — le premier pas important pour créer l’Etat national roumain unitaire, réalisé à Bucarest par l’Assemblée des députés. Au programme — concerts folkloriques, parades de détachements militaires, services religieux, mais aussi repas populaires. Présent aux événements organisés à Iaşi (est), le président Klaus Iohannis a adressé un message exhortant la classe politique à se reconnecter aux attentes des citoyens, à reconstruire la confiance érodée avec le temps et à assumer leurs responsabilités. Le premier ministre Dacian Cioloş a également participé aux événements de Iaşi, comprenant aussi une messe au tombeau du prince régnant Alexandru Ioan Cuza. Elu voïvode de la Moldavie le 5 janvier 1859, il est nommé prince régnant aussi en Valachie le 24 janvier de la même année. L’union des deux pays habités par des Roumains était ainsi signée de facto. 3 années plus tard, le 24 janvier 1862, l’union a été reconnue à l’international, et l’Etat a été appelé Roumanie. 59 ans après, en 1918, la Roumanie a réussi à devenir la Grande Roumanie, suite à l’union avec la Bessarabie, la Bucovine et la Transylvanie, habitées elles aussi notamment par des Roumains. Suite à la Seconde guerre mondiale, la Roumanie a pourtant perdu la Bessarabie et la Bucovine.



    Réunion — Le ministre roumain de l’Intérieur, Petre Tobă, participe, lundi, à Amsterdam, à la Réunion informelle des ministres de la Justice et de l’Intérieur, organisée par la présidence hollandaise de l’UE. L’agenda est dominé par deux thèmes d’actualité : la sécurité intérieure de l’UE et la migration. En cas de menaces graves et persistantes sur les frontières extérieures de l’espace de libre circulation, la Commission européenne peut proposer la suspension du Traité Schengen et la réintroduction des contrôles aux frontières pour une période allant jusqu’à deux ans. Plus d’un millions de ressortissants extra communautaires ont pénétré dans l’espace de l’UE cette dernière année, ce qui a généré des disputes entre les Etats membres et aussi des mesures radicales. L’Allemagne, l’Autriche, la Suède et le Danemark ont déjà introduit, ces derniers mois, des contrôles temporaires dans le cadre de l’espace Schengen.



    Manifestations — Près de 40.000 personnes ont manifesté, dimanche, à Chişinău, demandant la tenue d’élections anticipées en République de Moldova, où la crise politique s’approfondit depuis plus d’un an. Les manifestants — issus des forces politiques de gauche mais aussi de droite, tant pro européennes que pro russes -, ont exprimé leur fureur face à la corruption endémique du pouvoir. Après que le gouvernement dirigé par Pavel Filip, le 3e en moins d’un an, eut été désigné mercredi, les protestataires ont tenté d’entrer dans le bâtiment du Parlement pour interrompre la cérémonie d’investiture de l’exécutif, ce qui a déterminé l’UE à lancer un appel au calme. Avec une population de 3,5 millions de personnes, la République de Moldova est considérée un terrain de confrontations entre l’UE et la Russie, surtout après la signature de l’Accord d’association à l’UE en 2014, ce qui a engendré la fureur de Moscou, note l’AFP. 78% de la population de l’ancienne république soviétique est de nationalité roumaine, et les minorités russe et ukrainienne représentent environ 14%. Chisinàu a récemment annoncé que le premier ministre Pavel Filip ferait sa première visite officielle après son investiture à Bucarest, où il rencontrera son homologue roumain, Dacian Cioloş. roduit, ces derniers mois, des contrôles temporaires dans le cadre de l’espace Schengen.




    Tennis — La joueuse roumaine de tennis Simona Halep, n° 2 mondiale, subira une opération de déviation septale et ne pourra pas participer au match de la Fed Cup contre la République tchèque, prévu les 6-7 février, a annoncé la sportive sur sa page Facebook. « Les six dernières semaines ont été particulièrement difficiles pour moi, avec une infection à l’estomac, au nez et à l’oreille. Suite à l’indication du médecin spécialiste, je devrai me soumettre à une intervention chirurgicale pour résoudre ces problèmes. C’est pourquoi je serai contrainte de me retirer aussi des tournois de Dubaï et de Doha », a précisé Simona Halep. Après son élimination prématurée de l’Open d’Australie, premier tournoi de Grand Chelem de l’année, et son absence de Dubaï (où elle était tenancière du titre), Simona Halep descendra dans le classement WTA. La Roumanie jouera contre la République tchèque, championne en titre, au premier tour du Groupe mondial de la Fed Cup, à Cluj-Napoca. Simona n’a pas joué non plus le match contre le Canada, en avril 2015, à Montréal, lorsque la Roumanie s’est imposée 3-2 et a accédé au Groupe mondial après 22 ans.



    Water-polo — La sélection nationale masculine de water-polo de la Roumanie aura des adversaires puissantes au tournoi pré-olympique, prévu du 3 au 10 avril, à Trieste (Italie) — la Russie, la Slovaquie, la France, la Hongrie et le Canada, selon le tirage au sort qui a eu lieu samedi soir à Belgrade, lit-on sur le site de la Fédération internationale de natation. Le Groupe B du tournoi pré-olympique comprend l’Italie, l’Afrique du Sud, l’Espagne, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Kazakhstan. Le règlement de déroulement est du type championnat, soit chaque équipe contre chaque équipe, et les 4 premières classées de chaque groupe se qualifieront dans les quarts de finale, à disputer en chassé-croisé. Les équipes qui arrivent en demi-finales se qualifient aux JO 2016. Après avoir été dépassée par la France 12 à 6 au match de classement, la Roumanie est 10e au Championnat d’Europe de Belgrade, qui s’est achevé samedi.



    Météo — Jusqu’à mardi, la Roumanie continue d’être placée en vigilance jaune au froid intense, à l’exception de cinq comtés de l’ouest et du nord-ouest. Même si les températures marqueront une légère hausse par rapport aux jours précédents, les prochaines 24h, le temps sera plus froid que d’habitude dans la majeure partie du pays, et le grand froid sévira notamment dans le sud et le sud-est. Sur la moitié nord il neigera, tandis que dans le nord-ouest, les précipitations peuvent revêtir la forme de giboulées ou de pluies. Sur le sud et le sud-est, le brouillard fera son apparition. Les minimales iront de –18 à –4°, tandis que les maximales, de –8 à 2°.

  • Les résidences de la famille princière Ştirbey

    Les résidences de la famille princière Ştirbey

    Les membres de la famille Ştirbey, qui sapparentait à dautres familles princières importantes des Principautés roumaines, telles que Bibesco, Brancovan ou Cantacuzène, ont mis leur empreinte sur la modernisation du pays tout entier et de la capitale. Né dans la famille Bibesco, Barbu Démètre Ştirbey avait été adopté par le dernier descendant des Stirbey, mort sans descendance et qui voulait ainsi perpétuer son nom. Il a régné en Valachie à deux reprises : juin 1849 – octobre 1853, octobre 1854 – juin 1856. Son nom est étroitement lié à la poursuite du processus de modernisation et douverture vers lOccident.



    Ses héritiers se sont investis dans la politique étrangère du pays. Parmi eux, le plus connu est son neveu, portant le même nom que son oncle. Il a été président du Conseil des ministres, ministre de lintérieur, ministre par intérim des Finances et des Affaires étrangères, membre honoraire de lAcadémie roumaine pendant lentre-deux–guerres, très proche conseiller du roi Ferdinand et de la reine Marie. Aux côtés de son père, Alexandru, de ses frères et sœurs, il a été propriétaire de nombreuses résidences à Bucarest et à travers le pays, lesquelles, de nos jours, font partie du patrimoine culturel roumain. Le prince Barbu Ştirbey détenait aussi, à Nice, la villa Orestis, où il a passé ses derniers jours. Son fils, le prince et diplomate de carrière George Ştirbey, allait acheter à son tour une autre résidence en France, à savoir un palais situé à Courbevoie, près de Paris.



    Lhistorienne de lart Oana Marinache est lauteure dune étude sur les résidences ayant appartenu à la famille princière Ştirbey. Cest elle qui a découvert que nombre de ces propriétés étaient entrées dans le patrimoine familial par le biais de la dot dElizabeth Cantacuzène, lépouse du prince Barbu Ştirbey.



    Oana Marinache: « Avec la dot dElizabeth Cantacuzène-Paşcanu, beaucoup danciennes propriétés de Constantin Brancovan deviennent possession de la famille Ştirbey. Le prince amasse une fortune considérable grâce notamment à ses terres. Ses domaines étaient éparpillés dans plusieurs comtés du pays: Olt, Dolj,Vâlcea, Mehedinţi et Romanaţi. Dans la seconde moitié du XIXe siècle, une autre politique de famille se fait jour. Par exemple, suite au mariage du prince Alexandru avec la représentante dune grande famille de boyards de Moldavie, les Ştirbey entrent en possession des domaines de Brusturoasa, Mândreşti et Dărmăneşti, couvertes de vastes forêts exploitées industriellement. Dans la capitale, Bucarest, on retrouve bien des résidences ayant appartenu à la famille, dont lancien Palais princier également appelé Palais Ştirbey, situé sur lAvenue de la Victoire et restauré par le prince Alexandru. »



    Oana Marinache raconte en bref lhistoire de cet édifice sis sur lavenue la plus ancienne et la plus importante de Bucarest: « Il sagit de lancienne demeure du dernier descendant des Ştirbey. Au début du XIXe siècle, elle revient au jeune boyard chargé de ladministration et futur prince Ştirbey. Celui-ci fait appel à l’architecte français Michel Sanjouand qui, de 1833 à 1835, la transforme en un édifice digne de toute convoitise. Sanjouand utilise le style néoclassique, très prisé à lépoque. Au fil du temps, la résidence subira maintes transformations, dont la plus importante reste son agrandissement vers 1881-1882, sous la direction de larchitecte allemand Friedrich Hartmann. Cest un architecte dorigine allemande qui a offert ses services à la famille Ştirbey et qui, malgré les changements de style de lépoque, a su tenir compte de lédifice initial quil a décidé délargir en y ajoutant une tour. Cest toujours à son initiative que lon a fait construire les granges, démolies malheureusement fin 2008, par lactuel propriétaire ».



    Vers le début du XXe siècle, la famille Ştirbey a commencé à collaborer avec larchitecte Nicolae Ghika-Budesti pour une série de projets particuliers de restauration et de construction de nouvelles résidences. Lhistorienne Oana Marinache nous en donne des détails : « Près du Palais princier de lAvenue de la Victoire, il y en avait un autre, celui du prince Georges, frère cadet du prince Barbu, qui a trouvé sa mort tragiquement, durant la Grande Guerre. Or ce palais a été, de 1911 jusquà la deuxième guerre mondiale, un édifice emblématique du centre-ville bucarestois. Pas très loin, se trouvaient les villas appartenant aux nièces du prince régnant, dressées toujours par les soins de larchitecte Ghika-Budesti ».



    Ces villas existent de nos jours encore, près de lAvenue de la Victoire. Le Palais de lAvenue Griviţa a été détruit dans les bombardements, mais on en garde les plans architecturaux et deux photos dépoque. Plusieurs des résidences extra-urbaines ont été transformées soit en hôpitaux – comme cest le cas, par exemple, du manoir de la commune de Voila, près de Campina, qui accueille lhôpital de psychiatrie. Un exemple en ce sens est le palais de Darmanesti où a fonctionné une colonie de vacances avant que lédifice, presque réduit à létat de ruine, ne soit récupéré par les descendantes des princesses Ştirbey.



    Pas très loin de Bucarest, dans la petite localité de Buftea, le touriste peut découvrir une autre résidence célèbre de la famille. Il sagit dun palais en style romantique construit selon les plans dun architecte resté méconnu. (trad. Mariana Tudose, Ioana Stancescu)

  • 24.01.2015

    24.01.2015

    Ambassadeur — Les récentes attaques terroristes de Paris ouvrent à nouveau le débat sur la question de l’efficacité de l’Etat pour ce qui est du maintien des valeurs de la démocratie. C’est ce qu’a déclaré samedi à Bucarest l’Ambassadeur de France en Roumanie, François Saint-Paul. Et son Excellence d’ajouter que, sur la toile de fond de la flambée des phénomènes extrémistes, un effort soutenu était nécessaire afin de rendre l’Etat efficace et consolidé. L’Ambassadeur de France en Roumanie, François Saint-Paul, s’exprimait lors du débat portant sur «La démocratie européenne de l’Ouest à l’Est», organisé par la Fondation «La solidarité culturelle roumaine» dont il est devenu «Membre d’Honneur».



    Crise ukrainienne — Le ministre roumain des Affaires Etrangères, Bogdan Aurescu, a exprimé sa profonde inquiétude à propos des bombardements de la ville ukrainienne de Marioupol et des pertes de vies humaines au sein de la population civile. Le Protocole de Minsk continue de ne pas être respecté, et cela doit s’arrêter, a ajouté le chef de la diplomatie roumaine. Tout cela dans le contexte où au moins 20 civils ont été tués samedi dans des bombardements au lance-roquettes multiples Grad à Marioupol, port stratégique et derrière grande ville de lEst séparatiste prorusse contrôlée par Kiev.



    Economie — Les évolutions économiques qui ont suivi l’offensive monétaire annoncée par la Banque Centrale Européenne, seront analysées à Bucarest par les responsables roumains et par les représentants du FMI, lit-on dans un communiqué de l’institution financière. Selon le communiqué, la mission des bailleurs de fonds internationaux se rendra en Roumanie en début de la semaine prochaine pour examiner jusquau 10 février les priorités du gouvernement de Bucarest pour ce qui est de la continuation des réformes économiques. A l’agenda des pourparlers également : la loi de la faillite personnelle et la crise des crédits en francs suisses, qui touche environ 75.000 Roumains.



    Accord — Les maires de 2 villes – Iasi (dans le nord-est de la Roumanie), de Chisinau (capitale de la République de Moldova) et de Cernauti (ville ukrainienne à la frontière avec la Roumanie) – ont signé Samedi un accord de coopération dans les domaines de l’éducation, de la culture et de l’administration publique. Le document a été signé à Iasi, en Roumanie, dans le contexte où cette ville aspire au statut de Capitale Européenne de la Culture. Rappelons-le, en 2007 la ville transylvaine de Sibiu a été Capitale Européenne de la Culture aux côtés du Luxembourg.



    Union – De nombreuses cérémonies ont été prévues samedi à travers la Roumanie, à loccasion du 156e anniversaire de lUnion de la Valachie et de la Moldavie. Le président roumain Klaus Iohannis et le premier ministre Victor Ponta ont participé aux manifestations organisées à Iasi, importante ville de l’est de la Roumanie, capitale de l’ancienne Principauté de Moldavie. Rappelons-le, le 24 janvier 1859, lAssemblée élective de Bucarest faisait élire à lunanimité Alexandru Ioan Cuza, prince de Moldavie, en tant que souverain de la Valachie et des Principautés Unies. Jusquà son départ du pouvoir, en 1866, Alexandru Ioan Cuza a mis en œuvre des réformes radicales jetant les bases institutionnelles de la Roumanie moderne. Cest en 1918 que le processus de constitution de lEtat national roumain sest achevé, quatre provinces à population roumaine majoritaire, administrées par les empires voisins, intégrant alors le Royaume de Roumanie. La Fête de l’Union des deux anciennes principautés roumaines a également été marquée en République de Moldova voisine.



    Tennis — Le duo Florin Mergea (Roumanie) – Michaella Krajicek (Pays-Bas) s’est qualifié Samedi dans les 8e de finale de l’épreuve de double mixte de l’Open d’Australie, le premier tournoi de Grand Chelem de l’année, après avoir vaincu Elina Svitolina (Ukraine) et Raven Klassen (Afrique du Sud). Florin Mergea s’est également qualifié dans les 8e de finale de double messieurs aux côtés de Dominic Inglot du Royaume Uni. Dans la même étape de la compétition d’Australie on retrouve le duo formé du Roumain Horia Tecau et du Néerlandais Jean-Julien Rojer. Pour ce qui est de l’épreuve de simple dames, la Roumanie y est représentée par Simona Halep, numéro 3 mondiale et 3e favorite de la compétition, ainsi que par Irina Begu. Simona Halep doit affronter dimanche la Belge Yanina Wickmayer, alors que Irina Begu jouera contre Eugénie Bouchar du Canada, numéro 7 mondiale.

  • Médecins étrangers à la cour du prince régnant de Valachie, Constantin Brancovan

    Médecins étrangers à la cour du prince régnant de Valachie, Constantin Brancovan

    En 2014, les Roumains célèbrent le tricentenaire de la mort du prince régnant Constantin Brancovan. Lavènement au trône de Constantin Brancovan sest produit en 1688 ; il y a régné 25 ans, soit une période de paix et de prospérité relative pour sa principauté. Décapité aux côtés de ses quatre fils par ordre de la Sublime Porte en 1714, il a été canonisé dernièrement. La culture et lenseignement ont eux aussi connu un grand essor, le plus significatif jamais enregistré jusque là. Le prince avait emmené à sa cour des scientifiques étrangers, dont des médecins célèbres dEurope Occidentale.



    Octavian Buda, historien de la médecine, nous parlera deux dans les minutes suivantes: « Hormis son fameux secrétaire venu de Florence, Anton Maria del Chiaro, on pouvait voir à la cour de Brancovan dautres personnages fort intéressants, dont des médecins: Jean Comnène Milibdos, Pantaleon Caliarchi, lItalien flamboyant Bartolomeo Ferrati, un Alsacien, Clemens von Brechtenberg, des Grecs tels Giorgios Hypomenas, Giorgios Chrysogonos, Stavros et Ioannis Mulaimis, Eustatius Placicus. Le plus marquant entre tous était sans doute le médecin Iacob Pylarino. Leur présence à la cour princière a été consignée par les chroniqueurs du règne de Brancovan, ainsi que par les documents internationaux, car cétaient des médecins itinérants, qui passaient leur temps entre la Sublime Porte et la Sérénissime République de Venise. »



    Un de ces médecins itinérants qui circulaient en mission officielle entre Constantinople et Venise a été le Grec Jean Comnène. Octavian Buda explique : « Après des études à Constantinople, il arrive en Moldavie, à Iasi, en tant que précepteur des enfants du prince Duca. Ensuite, il part pour Padoue, où il étudie la médecine, de 1686 à 1690. Il passe un certain temps à Moscou, après quoi, en 1694, on signale sa présence à la cour de Constantin Brancovan, comme médecin payé de deniers publics. Il donne aussi des cours de sciences de la nature à lAcadémie princière St. Sava de Bucarest et aide le dignitaire Constantin Cantacuzène à dresser la fameuse carte de la Valachie, imprimée à Padoue, en 1700».



    Dautres médecins de la cour de Constantin Brancovan – tels que lItalien Bartolomeo Ferrati et lAlsacien von Brechtenberg – ont mis en exergue les liens que le voïvode roumain avait établis avec la Transylvanie voisine aussi. Octavian Buda: « LAlsacien von Brechtenberg, fils dun pasteur de Strasbourg, étudie la médecine en Allemagne et arrive en Transylvanie comme médecin militaire. Il sétablit à Braşov, où il fonde une famille. Personnalité très connue de lépoque, il se fait remarquer par la riche activité culturelle quil déploie dans les villes de Braşov et de Sibiu. Il apprend le roumain, quil finit par très bien maîtriser, car il souhaitait traduire en roumain plusieurs oeuvres de lAntiquité, dont celles de Thucydide et de Pline. Un autre personnage remarquable est Giorgios Hypomenas, Grec originaire de Trébizonde et bénéficiaire dune bourse détudes à lUniversité de Padoue, accordée par le prince Brancovan. Esprit débrouillard, Hypomenas se lance dans les affaires aussi et finit par être considéré comme lhomme de confiance du prince. Même après lexécution de Constantin Brancovan, il garde ce statut auprès de la famille princière ».



    Selon lhistorien Octavian Buda, le plus important entre tous ces médecins étrangers a été Iacob Pylarino, originaire de l’île grecque de Céphalonie: « Nos historiens sont unanimes à affirmer que, 12 années durant, à compter de 1694, Pylarino sera lombre de Constantin Brancovan, dont il est le proto-médecin, cest-à-dire le premier médecin. Pylarino restera un proche de la famille même après la tragédie de 1714. Il aidera la veuve du prince à amasser les quelques bribes de fortune qui lui restaient encore, éparpillées dans les banques européennes. Les archives roumaines conservent les traces de son séjour à la cour princière. Bien des informations sur Pylarino se retrouvent aussi dans les archives vénitiennes. Ce qui lui a valu la célébrité dans lhistoire de la médecine, cest la variole épidémique, connue aussi sous le nom de peste blanche, qui a tué et mutilé des millions de personnes au fil du temps. Par sa méthode, Pylarino anticipe la vaccination, sur laquelle repose la médecine moderne et qui sera introduite vers la fin du XVIIIe siècle par lEcossais Edward Jenner. Son précurseur direct a donc été Iacob Pylarino. »



    Le prince roumain Constantin Brancovan a donc soutenu la science, la culture et lenseignement. Il convient de mentionner aussi le style architectonique portant son nom, mélange dinfluences vénitiennes et déléments de larchitecture traditionnelle roumaine, ainsi que lAcadémie princière « St. Sava », premier établissement roumain denseignement supérieur. (trad.: Mariana Tudose)

  • L’Etat des frères Petru et Ioan Asan (Assen)

    L’Etat des frères Petru et Ioan Asan (Assen)

    En 1185, des contribuables de l’Empire byzantin étaient arrivés au maximum de leur mécontentement. L’administration centrale avait augmenté les taxes pour organiser le mariage de l’empereur Isaac II Ange avec la fille du roi de Hongrie, ce qui avait engendré toute une vague de critiques. Deux frères, les boyards roumains Petru et Ioan Asan (Assen), leaders des communautés du nord de la Bulgarie actuelle, ont présenté à la cour impériale une protestation formelle contre l’augmentation des taxes, un document rejeté violemment par les autorités. De retour à Veliko Târnovo, leur ville de résidence, les deux frères déclenchèrent la révolte anti-byzantine qui allait se terminer par l’apparition de l’Etat roumano-bulgare, connu aussi comme le Second Empire Bulgare, dirigé par la dynastie des frères Asan. L’Etat a fonctionné jusqu’en 1260, lorsqu’il fut divisé. En 1396 toutes les formations étatiques qui lui ont suivi furent conquises par les Ottomans.



    Etat pluriethnique, l’Empire roumano–bulgare comptait au mois 3 nations: Roumains, Bulgares et Coumans. Il est difficile de faire une carte de cet Etat en suivant les sources historiques, affirme l’historien Alexandru Madgearu: « Il y a plusieurs sources qui mentionnent en même temps, parfois dans la même phrase, les Valaques, les Bulgares et les Coumans. On faisait une distinction ethnique nette entre les participants à une campagne militaire, un siège ou tout simplement de la population de la zone. Tout comme on faisait une distinction très claire entre les territoires, appelés Bulgarie et Valachie. Il paraît donc que la Valachie a existé. Mais ce n’était pas le nom que les Roumains utilisaient pour se désigner eux-mêmes, car les Roumains ne se sont jamais appelés « Valaques ». La source mentionnée, un des documents du Pape, parle de la Valachie en tant que territoire associé à la Bulgarie dans la même phrase. Cela veut dire que l’Etat avait des divisions, des territoires qui auraient pu être autonomes. C’est tout ce que l’ont connaît à ce sujet. On sait seulement qu’il y avait une différence claire entre les Valaques et les Bulgares dans les sources byzantines ».



    Même si la nation médiévale avait un tout autre sens que l’actuel, les frères Assen étaient conscients de leur propre origine. En plus, les divisions ethniques n’ont pas été un obstacle dans la coalisation contre le pouvoir central.



    Alexandru Madgearu explique: « C’est sûr et certain qu’ils étaient conscients de leur origine ethnique, mais pour cette époque-là il faut savoir que l’idée d’ethnie, de nation, n’avait pas la même signification qu’au 18 — 19e siècles. Il s’agissait plutôt de l’appartenance à un groupe, à une religion, à une couche sociale. C’est la seule information qu’ils nous ont transmise. Elle figure dans plusieurs sources, notamment dans leur correspondance avec le Pape, où il est écrit « nous avons du sang roumain » (nous sommes d’origine roumaine). Les révoltes des frères Assen ont réuni des participants de différentes ethnies. Leur ennemi n’était pas les Grecs, dans le sens de l’ethnie grecque mais le pouvoir de Constantinople, représenté par ceux qui collectaient les taxes. Parce que tout a commencé pour des raisons de nature fiscale, économique. Ce ne furent pas forcément les pauvres qui se sont révoltés, ce furent surtout les riches. Ils formaient la principale catégorie touchée par les taxes et ils ont aussi entraîné les gens simples ».



    La révolte anti-byzantine a également comporté un volet mystique. Il s’ajoute à la motivation économique, que l’on serait tenté de négliger. Alexandru Madgearu précise que les pratiques de mobilisation religieuse à des fins politiques étaient monnaie courante au temps du Moyen Age.



    Alexandru Madgearu: “Voici comment les frères Assen ont instigué à la révolte les Roumains et les Bulgares de Târnovo. Ils ont imaginé toute une histoire, selon laquelle Saint Démètre aurait quitté le Thessalonique conquis par les Normands. Ils ont affirmé que le saint était venu chez nous, à Tarnovo, après avoir abandonné les Grecs, à cause de leurs péchés. On aurait dressé une sorte de chapelle, au pied de la cité et rassemblé des individus, lesquels, à mon avis, étaient sous l’effet des champignons hallucinogènes, à en juger d’après leurs manifestations telles que décrites par Nikita Honiates. Ce n’est pas du tout risible, car on a affaire à une pratique millénaire. J’ai comparé cette histoire au récit de Marco Bandini, qui, en 1650, racontait des faits similaires de Moldavie. Il affirme que des personnes en état de délire mystique s’étaient mises à chanter et à crier “Saint Démètre est avec nous ” ou encore “Faisons la guerre aux Grecs maudits”. Cette action, que l’on pourrait étiqueter comme guerre psychologique, de nos jours, s’est avérée décisive pour l’enclenchement de la révolte, car, affirme le même Niketas Honiates, les gens se montraient hésitants”.



    Déceler davantage de traits caractéristiques de l’Etat des Assen est une tâche d’autant plus difficile que la quantité de sources documentaires est plutôt maigre, souligne Alexandru Madgearu: “En l’absence des sources documentaires, il est difficile de déterminer combien il y avait de Roumains et de Bulgares dans une cité. Il n’y a même pas de cimetières qui rendraient possibles de telles estimations. Les mouvements séparatistes ont éclaté sous le règne de dirigeants faibles, comme ce fut le cas de Borilă et de Constantin Asan. Si l’autorité du tsar s’affaiblissait, des groupes de boyards de différentes contrées déclaraient leur autonomie, voire même leur indépendance.”



    Les trois premiers souverains, Petru, Ioan Assen et Ioniţă, étaient d’origine roumaine. Le pouvoir passa ensuite entre les mains de la dynastie bulgare. L’Etat des Assen restera une entité distincte en raison aussi de la chute de Constantinople, laquelle n’était plus une force depuis 1204, lorsqu’elle avait été conquise par les croisés. L’apparition de l’Empire ottoman dans la région, à compter de la première moitié du XIVe siècle, marquera le début d’une nouvelle formule politique et étatique. (trad. Valentina Beleavschi, Mariana Tudose)