Category: Chroniques hebdomadaires

  • Le magnétophone à Radio Roumanie

    Le magnétophone à Radio Roumanie

    De nos jours encore, un grand nombre des archives du monde utilisent un support analogique, le magnétophone étant donc l’équipement auquel l’on doit cet immense héritage inestimable. Inventé au cours des premières décennies du XXème siècle, le magnétophone à bobine et fil d’acier est le premier à enregistrer la voix humaine dans l’histoire de la radiodiffusion. Cependant, c’est l’apparition du magnétophone à bande magnétique, fabriqué par la compagnie allemande AEG et utilisé pour la première fois en 1935, qui marquera le lancement d’une longue génération d’équipements techniques à bande magnétique, qui domineront le marché audio durant la seconde moitié du siècle dernier.

     

    Le passé des équipements techniques à Radio Roumanie

     

    Radio Roumanie a toujours saisi l’air du temps, cherchant prioritairement à munir ses techniciens et ses journalistes de magnétos qui les aident à bien faire leur métier. Une histoire technique de la Radio roumaine retient dans ses chapitres des magnétophones de pointe, cet outil étant aussi le héros de nombreuses anecdotes qui attendent d’être écrites. En l’an 2000, l’ingénieur et ancien directeur technique de la Radio publique, Ilie Drăgan, a répondu aux questions du Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine. C’est en 1958 qu’il avait été embauché à Radio Roumanie, où il avait dirigé le département « Transmissions » chargé de l’exploitation des équipements techniques : « Je me souviens des transmissions avec des équipements à tubes électroniques, que nous appelions CN ; pour une réserve d’alimentation en électricité, nous avions aussi des batteries 110 Volts, connues sous le nom de <briques / cărămizi.> Une seule avait les dimensions de deux briques superposées. Quand nous partions en mission, nous les mettions (elles en étaient deux) dans une sacoche, car la Radio n’était pas dotée de véhicules de transport comme elle l’est aujourd’hui. Nous emportions aussi un magnéto qui pesait souvent plus de 35 kilos et qui fonctionnait avec de la bande en papier. Ainsi équipés, nous prenions le train pour aller enregistrer des choses dans les régions. Pour faire des enregistrements dans des fermes agricoles, les journalistes et les techniciens devaient aller dans les champs, où il n’y avait pas d’électricité ; il fallait donc recourir aux deux ou trois groupes électrogènes du département « Transmissions » transportés en voitures. Une fois sur notre lieu de travail, nous y mettions de l’essence et on les mettait en fonction pour alimenter les magnétos. C’est ainsi qu’on réalisait nos enregistrements à cette époque-là. »

     

    Evolution des équipements pour l’enregistrement du son

     

    L’histoire de la radio publique roumaine indique quatre périodes concernant les magnétophones. La première a été celle de la deuxième guerre mondiale et des années 1950, quand on utilisait toujours des magnétos à fil d’acier. Dès le début des années 1950, les magnétos à bande magnétique commencent à prendre de plus en plus de place. La deuxième période est celle des années 1960 et de la première moitié des années 1970, quand il fallait acheter les magnétos à travers le CAEM, le Conseil d’aide économique mutuelle, l’association économique des Etats socialistes. Cette convention désignait la Hongrie comme productrice de tels équipements. La troisième période a été celle de l’ouverture vers l’Occident, comprise entre 1975 et 1985. Les appareils occidentaux étant nettement supérieurs en termes de qualité et de prix, Radio Roumanie a acheté de la technologie occidentale. La quatrième période est marquée par le retour aux achats chez les fabricants du bloc socialiste, après1985. Ilie Drăgan se souvient : « Les traités CAEM désignait la Hongrie pour fabriquer ces équipements, des magnétos et des consoles. Plus tard, les Allemands de l’est ont proposé eux-aussi leur version de magnétophone, tandis que la Tchécoslovaquie fabriquait des cars de reportage. Nous en avions d’ailleurs acheté, installés dans des bus Škoda, mais en réalité les consoles et les magnétos étaient de fabrication hongroise. Ensuite, les Tchécoslovaques ont réussi à remplacer les consoles hongroises par d’autres de la marque Tesla Bratislava. Donc, en 1989, quand Radio Roumanie a acheté un car de reportage, qui est utilisé encore aujourd’hui, les consoles étaient tchécoslovaques et les magnétophones hongrois. »

     

    Souvenirs de technicien

     

    Ilie Drăgan se souvient de l’évolution des magnétophones à Radio Roumanie durant sa longue carrière d’ingénieur électronique, une carrière étendue sur quarante-deux ans: depuis les magnétos à bande de papier jusqu’aux enregistreurs portables, accrochés à l’épaule. Track 3: « Les magnétophones étaient très lourds. Avec un poids autour de 35 kilos, il fallait deux personnes pour transporter un seul magnéto à un enregistrement extérieur. Un calvaire. Aujourd’hui un journaliste à un super enregistreur aussi grand que la paume de sa main et qui réalise des super enregistrements. Plus tard, on il y a eu les Philips Junior, aussi grands qu’une mallette porte-documents, mais qui pesait tout de même environ 16 kilos. En tout cas, il n’était pas comparable à celui de 35 kilos. En plus, pour réaliser tous les enregistrements, les journalistes ne pouvait pas y aller seuls, il avait besoin d’être accompagné par un technicien. Les magnétophones portables de la marque Uher sont apparus après. »

     

    Les magnétophones sont actuellement des objets exposés dans un musée, ils éveillent la curiosité et l’intérêt des passionnés d’histoire de la science et de la technologie. A Radio Roumanie, le magnétophone est toujours présent et il coexiste avec les nouvelles générations d’équipements numériques. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Les défis d’un écosystème de l’information en perpétuel changement

    Les défis d’un écosystème de l’information en perpétuel changement

    Un perpétuel changement 

     

    Ce que nous vivons aujourd’hui est le résultat d’un écosystème médiatique totalement chamboulé, affirme la professeure Alina Bârgăoanu, experte européenne dans la lutte contre la désinformation et membre du Conseil Consultatif de l’Observatoire européen des Médias numériques, dans une intervention sur les ondes de Radio Roumanie, dans laquelle elle parle de la guerre informationnelle, de la dictature des émotions ainsi que de la manipulation des algorithmes sur les réseaux sociaux.

     

    En effet, affirme Alina Bârgăoanu, chaque époque est définie par son moyen de communication dominant, et le rythme des changements dans ce domaine est aujourd’hui si rapide que nous nous sentons submergés, désorientés et anxieux.

     

    Alina Bârgăoanu : « Nous ne sommes pas préparés à un tel rythme de transformation. Si l’on pense à la seule Roumanie, nous ne sommes pas si loin de l’année 1989, où nous n’avions qu’une seule chaîne de télévision. Il y avait au mieux un seul poste télé par foyer, et la durée quotidienne de diffusion de cette chaîne était de deux heures. Après cette période d’austérité informationnelle, il y a eu en effet l’essor endiablé de la presse écrite après 1989, suivie par les chaînes de radio, puis les chaînes de télévision commerciales. L’espace médiatique est devenu extrêmement riche. Nous n’avons pas eu le temps de nous habituer aux chaînes d’information en continu et aux titres à sensation qui nous bombardaient sans cesse que les blogs sont apparus, puis les versions en ligne des journaux, et enfin les réseaux sociaux, qui ont raflé la mise et ont confisqué la plus grande partie de l’espace informationnel. Nous n’avons pas eu le temps de digérer l’expérience Facebook que sont apparues des plateformes basées sur le son et l’image. Et avant même que nous ne nous adaptions à ces changements, l’intelligence artificielle, ChatGPT et ses concurrents, les nouveaux créateurs de contenu sont arrivés. En seulement 35 ans, nous sommes passés de deux heures de télévision par jour à une surabondance informationnelle, à un bombardement continu de contenus variés. »

     

    Une véritable guerre informationnelle

     

    La société entière est prise dans cette tourmente, et l’impact des nouvelles technologies se fait sentir dans toutes les générations. Mais depuis longtemps, nous ne parlons plus de simples distorsions de la vérité ou des faits, explique Alina Bârgăoanu, mais d’une véritable guerre informationnelle, d’une guerre politico-informationnelle, voire d’une guerre cognitive.

     

    Alina Bârgăoanu : « Aujourd’hui, l’écosystème informationnel est devenu une véritable arme. Les plateformes numériques peuvent être transformées en outils censés altérer la réalité, manipuler la cognition et imposer une dictature des émotions. La puissance de ces nouveaux instruments de communication pour déformer la réalité est considérable. Et c’est pourquoi notre défense contre ces armes doit être à la hauteur. Si nous acceptons la métaphore de la guerre informationnelle et cognitive, nous ne pouvons pas laisser les gens se défendre seuls. »

     

    Un outil d’émancipation

     

    Cependant, il ne faut pas oublier que les réseaux sociaux ont également été un véritable outil d’émancipation, permettant de renverser des tyrannies et des gouvernements dictatoriaux, souligne Alina Bârgăoanu :

    « Vous savez, il serait inexact de réduire les réseaux sociaux à leur seul côté obscur. A leurs débuts, ils ont contribué à une réelle démocratisation de l’espace public. Ils ont bousculé les médias traditionnels, parfois à juste titre, car ces derniers devenaient des espaces fermés. Les réseaux sociaux ont permis à de nouvelles voix d’émerger. Mais aujourd’hui, leur côté sombre est très visible, car ils se sont fortement technologisés et permettent une distorsion de la manière dont nous percevons le contenu. Il existe même des entreprises spécialisées dans ce que l’on appelle en anglais le « rent a digital cloud » – elles louent des foules de robots qui vont agir sur cette plateforme selon votre désir. Si vous voulez 1000 likes sur votre publication, vous payez une certaine somme pour les obtenir. Et cette fausse popularité est interprétée par l’esprit humain comme un gage de vérité, ce qui totalement faux. »

     

    Distorsions de la vérité

     

    En effet, la popularité d’une information est souvent perçue comme une validation de sa véracité. Or la viralité d’un contenu est une arme puissante, et les plateformes sociales arrivent à donner des vitesses différentes de propagation du contenu, explique Alina Bârgăoanu qui ajoute : « Des campagnes d’attaques cognitives peuvent être menées même si l’on utilise des éléments réels. Un contenu viral n’est pas nécessairement faux, il peut être conforme à la vérité factuelle. Malgré tout, la distorsion intervient lorsqu’il bénéficie d’une popularité accrue, d’un nombre de visualisations bien supérieur à ce dont il aurait bénéficié en l’absence de la manipulation des algorithmes. La force de l’intelligence artificielle réside aujourd’hui dans sa capacité à distordre la distribution du contenu. »

    (Trad Ionut Jugureanu)

  • Destinations de vacances en Roumanie

    Destinations de vacances en Roumanie

    Commençons par le tourisme d’aventure. Ana Voican, spécialiste du domaine, passe en revue quelques nouveaux programmes ciblés sur le tourisme vert, durable au cœur de la nature :

    « Pour la Pentecôte, par exemple, célébrée du 6 au 9 juin nous vous invitons à la 4e édition de l’événement intitulé « Campfest », où les amateurs de nature sont attendus pour se rencontrer, pour échanger, pour échapper au stress quotidien, le tout, bien évidemment, au cœur de la nature et en compagnie de leurs enfants. Au programme : randonnées en montagne, vélos, rafting, kayak – bref tout ce qui se traduit par une pause à la vie numérisée et citadine. Enfants et parents ont tous bénéficié d’une réduction de 45 % du prix normal durant le Salon. Et c’est toujours pendant la Foire du tourisme que nous avons proposé des discounts allant jusqu’à 35 % pour les séjours sur le littoral roumain. Ici les tarifs vont de 200 lei (50 euros) par personne pour un séjour de 3 jours jusqu’à 3000 lei (600 euros) par personne pour un paquet de 5 jours dans un hôtel 5 étoiles, en régime tout compris. On constate un vif intérêt pour le tourisme en Roumanie, les demandes abondent tant à la Foire que sur Internet, puisque les offres sont également disponibles sur les sites officiels » 

     

    Maramures

    Pour découvrir des traditions locales ancestrales toujours vivantes, le folklore, les costumes traditionnels et la nature, c’est au Maramures qu’il faut se rendre. Talida Cozma, conseillère supérieure au Conseil départemental de Maramureș nous y invite, avec une offre unique, comme elle l’affirme elle-même :

    « On fait la promotion de tout ce qui signifie tradition et culture. Ici les traditions sont toujours vivantes. Nos attractions touristiques sont bien connues : le Cimetière Joyeux, la Cascade des Chevaux, la mocanita, ce petit train à vapeur. Pour cette édition de la Foire, le Conseil départemental est venu présenter le Maramureș, car il ne peut pas proposer de paquets touristiques. En revanche, nous avons invité les agents de tourisme et des agents économiques qui sont venus promouvoir leurs paquets pour les vacances de Pâques et même pour Noël, car la demande existe déjà pour la fin de l’année. » 

     

    Buzau

    Dans l’est de la Roumanie, c’est le comté de Buzău qui attire de plus en plus de touristes. Si aux foires précédentes, ses représentants mettaient l’accent sur les arts et métiers, sur les traditions et les coutumes locales, cette années ils ont choisi de présenter son côté actif. Ana Maria Dobrescu est la cheffe du service de tourisme au Conseil départemental de Buzău. Elle nous propose une escapade dans la belle nature de la contrée :

    « La contrée ressemble à une Roumanie en miniature puisqu’elle réunit en proportions similaires des prés, des collines et des montagnes. Bref, toutes les formes de relief s’y retrouvent. C’est ici, sur la rivière Buzău, que vous trouverez un des itinéraires de rafting les plus longs de Roumanie, s’étalant sur 14 km. C’est un trajet à parcourir aussi par les enfants, car il comporte une partie plus facile, plus calme de la rivière. Mais il peut s’avérer tout aussi intéressant pour les adultes qui ont déjà fait du rafting. On les invite à parcourir une zone de la rivière surnommée « le lave-linge ». A l’intérieur du « lave-linge » tout devient très intense et intéressant. A part le rafting, on présente aux gens les loisirs actifs à découvrir sur le lac de Siriu. Par exemple on peut y faire du Stand Up paddle.  »

     

    Bucovine

    Retour dans le nord, puisque la Bucovine est un must pour tout touriste qui souhaite bien connaître la Roumanie. Les visiteurs de la Foire ont pu goûter aux plats traditionnels de la zone et se renseigner sur ses principales attractions touristiques, après d’Andreea Zimbru, conseillère de tourisme au Conseil départemental de Suceava, qui nous a déclaré :

    « Les paquets touristiques partent de 500 lei (100 euros) par nuitée par personne en régime tout compris ou de 1800 lei (360 euros) pour un séjour de trois  nuitées en pension complète. Pour un séjour en demi-pensions il faudra débourser environ 1 200 lei (240 euros). Pour cette foire, notre stand vous invite à assister à des activités de décoration des œufs aux côtés des maîtres artisans de Bucovine ou encore à savourer les délicieuses spécialités de la cuisine locale. La Bucovine est une véritable marque touristique de la Roumanie et notre présence à cette Foire témoigne de notre engagement de faire la promotion du potentiel touristique de notre département. Nous souhaitons offrir aux visiteurs une expérience authentique, en leur faisant découvrir des traditions toujours vivantes, la gastronomie traditionnelle et les multiples options de passer des vacances extraordinaires dans département de Suceava.   » 

     

    Transylvanie

    On ne saurait oublier non plus Transylvanie. Dana Matic de Visit Mures nous propose de faire le tour des châteaux et des manoirs du département de Mures :

    « C’est sur le territoire du département de Mures que le retrouve les châteaux et manoirs les plus nombreux par rapport aux autres zones du pays. La demande pour ce tour ne cesse de croître. Certains d’entre eux sont devenus des musées, d’autres ont été transformés en hôtels ou centres d’événements » 

     

    Brasov

    Notre dernier arrêt d’aujourd’hui est toujours au centre de la Roumanie, dans le département de Brașov : Vama Buzăului, dont le stand à la Foire de tourisme de la Roumanie s’est fait remarquer par une mascotte inédite : un bison d’Europe grandeur nature, mais aussi par les produits gastronomiques faits maison par des habitants de la zone. Iulia Roth ajoute :

    « Venez visiter la Réserve des bisons d’Europe et la Cascade Urlatoarea et gouter aux plats traditionnels dans les fermes des habitants. Vama Buzăului n’est pas loin du tout, à 45 km seulement de Brașov ».

     

    Avant de terminer disons aussi que c’est à l’occasion de cette Foire de Tourisme de la Roumanie que le Club de la presse de tourisme FIJET Roumanie a présenté son Top 10 des meilleures destinations de Roumanie pour 2025, avec en tête de liste Le Chaudières du Danube, soit l’endroit où le fleuve entre dans le pays, en creusant un magnifique défilé dominé du haut d’un rocher par la sculpture monumentale du visage de Décébale, le roi des Daces.

    Autant de raisons de prévoir des vacances en Roumanie.

  • La santé mentale des travailleurs roumains

    La santé mentale des travailleurs roumains

     

    Plus récemment, en février 2025, une entreprise roumaine a été condamnée en justice pour l’épuisement professionnel d’une employée. C’est la première fois qu’une telle condamnation est prononcée. L’entreprise est désormais obligée de verser des dommages et intérêts à son ancienne employée. Les données confirment que le stress lié au travail n’est pas un phénomène isolé. Une étude récente analysant les réponses de 3 500 employés en Roumanie montre que 48 % d’entre eux ressentent souvent ou très souvent des symptômes d’anxiété au travail et que 43 % ne consacrent pas plus de trois heures par semaine à la détente.

    Corina Neagu a plus de 20 ans d’expérience dans les ressources humaines et est la fondatrice d’un cabinet de conseil qui aide les organisations à cultiver le potentiel de leurs employés et à les aider à découvrir leurs talents. Elle estime que le faible niveau d’éducation en Roumanie au cours des 35 dernières années et le manque d’éducation émotionnelle sont des facteurs déterminants pour les problèmes de santé mentale liés au travail. Corina Neagu estime que les écoles roumaines ont encore beaucoup de chemin à faire pour former les futurs travailleurs.

     « L’école en Roumanie n’apporte pas aux enfants les compétences dont ils auront besoin, nous ne nous occupons pas de l’émotivité de nos enfants. Les parents travaillent à l’étranger ou ne sont pas disponibles émotionnellement, les relations familiales sont dysfonctionnelles, il y a aussi de la pauvreté – dans les zones rurales – ou toutes sortes d’abus. Les parents ne savent même pas comment être bien avec eux-mêmes alors ça leur est difficile de gérer la relation avec leurs enfants. Tout cela a fait que notre état émotionnel et mental n’est pas ce qu’il devrait être. Oui, dans un pays civilisé, sain et normal, il existe des politiques de prévention, des stratégies au niveau national, des programmes au niveau organisationnel, des programmes de prévention et de bien-être – pour encourager le bien-être et la sécurité psychologique sur le lieu de travail ».

     

    Le poids du passé

    L’experte estime que le passé de nos concitoyens a donné naissance à des modèles de comportement qu’il nous faut désormais abandonner. À cet égard, la peur, principal instrument de contrôle sous le communisme, est toujours présente dans nos relations hiérarchiques. L’absence d’une culture du travail en équipe, un individualisme mal compris et la honte dans nos rapports avec les autres sont d’autres héritages culturels. L’experte poursuit :

     « Un autre modèle culturel est que nous n’avions pas le droit d’avoir une opinion. Nous ne savions pas ce que signifiait un retour d’information. Si nous ouvrions la bouche, on nous disait « va dans ta chambre, les adultes parlent maintenant ». Sans parler des instruments de coercition qui existaient à la maison et à l’école. Là encore, il s’agit d’un modèle qui s’est perpétué ».

    De nombreuses voix éminentes dans le domaine des ressources humaines affirment de plus en plus que les organisations jouent un rôle clé dans le bien-être des employés et, par conséquent, de la société en général. Corina Neagu le confirme :

    « Les entreprises ne sont pas des tiers, elles sont dirigées par des personnes qui doivent prendre des décisions. La décision de prendre soin de ses employés doit être une priorité pour tout type d’organisation et pour tout type de dirigeant. Pourquoi s’occuper de son personnel ? Votre personnel s’occupe-t-il de vos clients ? C’est très simple. Oui, aussi bien les clients internes que les clients externes. Richard Branson l’a dit, je ne l’ai pas dit, mais il l’a très bien dit. Je veux dire que c’est extrêmement important – et vous ne vous occupez pas seulement de leur donner un salaire à la fin du mois, vous vous occupez de créer l’espace, le climat, la culture, l’environnement où ils se sentent authentiques et où ils peuvent venir et s’exprimer d’une manière authentique. Une authenticité consciente. Je ne veux pas dire que nous devons laver notre linge sale en public, mais que nous devrions pouvoir donner un feed-back sans en craindre les conséquences.

    Une enquête menée par la plateforme BestJobs l’année dernière a révélé que la satisfaction professionnelle des employés roumains était à son niveau le plus bas depuis trois ans, avec seulement trois personnes interrogées sur dix qui se disent satisfaites de leur travail. Dans la même enquête, six employés sur dix ont déclaré que leur travail entraînait également des répercussions négatives sur leur vie personnelle. En même temps, de plus en plus d’ONG et de personnes formées aident les entreprises et les employés à développer des environnements de travail plus sains, où une communication saine et empathique anime les relations interpersonnelles.

  • Les grands-parents, guides au musée

    Les grands-parents, guides au musée

    En février, les élèves roumains profitent des « vacances au ski », une période durant laquelle le Musée du Pays de Criș – Complexe Muséal d’Oradea – organise, en partenariat avec le Conseil Départemental de Bihor et sa mairie, un événement intitulé « Au musée avec les grands-parents. Guides d’un jour ». Du 18 au 23 février 2025, grands-parents et petits-enfants sont conviés à explorer l’histoire de la ville, avec une particularité : les grands-parents auront l’opportunité de jouer le rôle de guides pour leurs petits-enfants.

     

    Cristina Liana Pușcaș, docteure en histoire et muséographe au sein de la section du Musée de la Ville d’Oradea, rattachée au Musée du Pays de Criș, nous a présenté ce projet :

     

    « C’est la deuxième édition de ce programme, initié en 2023. En 2024, nous n’avons pas pu le mettre en place en raison d’un vaste projet de rénovation du musée. Nous avons réfléchi à cette initiative pendant les vacances d’hiver, sachant que de nombreux enfants n’ont pas les moyens de partir en voyage. Beaucoup restent à Oradea avec leurs grands-parents, qui peuvent se permettre de passer une journée à redécouvrir l’histoire de la ville et à partager leurs souvenirs. L’an dernier, grâce à ce projet de rénovation, nous avons aménagé de nouveaux espaces et expositions, notamment sur la période communiste. Cette époque, que les grands-parents ont vécue, leur permet d’enrichir la visite par leurs récits personnels. »

     

    Cristina Liana Pușcaș a également donné quelques précisions :

     

    « Ils peuvent, par exemple, expliquer aux enfants ce que symbolise les bibelots de poisson posés sur les téléviseurs, l’usage des bouteilles de lait, les longues files d’attente, le siphon, ou encore la lampe à pétrole qui rappelle les coupures d’électricité en soirée. Il y a aussi le téléphone à cadran. Dans l’exposition « L’enseignement d’Oradea au XXe siècle », nous avons reconstitué une salle de classe de l’époque, avec les uniformes scolaires, l’uniforme de pionnier, l’encrier, l’abécédaire et l’outil en bois pour apprendre à compter (« socotitoare »). Ces éléments aident les grands-parents à illustrer leurs souvenirs de manière concrète. Une autre exposition qui devrait captiver les enfants est « La discothèque des années 70-80 », où les grands-parents pourront raconter leur jeunesse et la vie de cette époque. »

     

    Le musée a aussi préparé des supports pour les sections plus difficiles à raconter et expliquer, comme l’a précisé Cristina Liana Pușcaș :

     

    « Bien sûr, ils ne peuvent pas tout maîtriser. Pour la Première Guerre mondiale, nous avons élaboré une fiche sur l’entrée de l’Armée Roumaine à Oradea en 1919 et sur Traian Moșoiu, héros de la libération de la ville. Concernant le quotidien sous le communisme, un flyer avec des informations et des images a été conçu pour raviver les souvenirs des grands-parents et les aider à les partager. »

     

    Nous lui avons demandé quel avait été l’impact du projet en 2023 :

     

    « En revoyant les photos de cette première édition, j’ai remarqué que les grands-parents étaient véritablement impliqués avec leurs petits-enfants. On les voyait expliquer le fonctionnement du téléphone à cadran, de la radio, du pick-up, ou encore le rôle des vinyles. Ces moments d’échange étaient précieux. Aujourd’hui, nos expositions sont encore plus riches en objets de cette époque, offrant aux grands-parents davantage de matière pour transmettre leur savoir. »

     

    Le billet d’entrée pour ce programme est fixé à 10 lei par personne (environ 2 euros) pour l’accès aux expositions de la section du Musée de la Ville d’Oradea. Situé dans la Citadelle d’Oradea, le musée propose des expositions temporaires et permanentes, parmi lesquelles : « Des églises dans un palais – recherches archéologiques au Palais Princier », l’exposition « Dépersonnalisation » de Cătălin Bădărău, ainsi que des expositions consacrées aux évêchés gréco-catholique, réformé et romano-catholique d’Oradea.

     

  • L’émission “Réflecteur” de la Télévision roumaine

    L’émission “Réflecteur” de la Télévision roumaine

    1966 – 1971 : une période de relâchement idéologique

     

    L’histoire de la presse des années noires du communisme comprend une période plus faste, de relâchement idéologique, entre 1966 et 1971, période pendant laquelle l’éthique et la déontologie journalistique n’ont plus été le vain mot qu’elles étaient habituellement. C’est en cette période qu’est apparue l’émission de télévision Réflecteur, censée mettre sur la sellette les dysfonctionnements présents dans certains domaines de la vie de la société socialiste de la Roumanie d’alors. Forcément, certains sujets, qui avaient trait à la nomenklatura, aux forces armées ou encore à l’appareil répressif de la Securitate, demeuraient tabous.

     

    Lancée en 1967 et s’inspirant de certaines émissions de télévision occidentales, Réflecteur trouva rapidement écho dans les chaumières. L’ouverture idéologique de l’appareil de propagande qu’était la télévision publique d’alors doit beaucoup à deux personnalités : Silviu Brucan, président de la société de la télévision roumaine, et Tudor Vornicu, ancien correspondant de presse en France, devenu rédacteur en chef de la télévision roumaine, qu’il tenta de bâtir selon le modèle français.

     

    Les débuts de l’émission 

     

    Dans une interview passée en 1997 au micro du Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, Ion Bucheru, vice-président de la Télévision roumaine depuis le milieu des années 1960, racontait le contexte du lancement de cette émission de télévision :

     

    Ion Bucheru: « J’étais responsable de l’émission Réflecteur de la part du conseil de direction tout comme d’une autre émission similaire, intitulée L’Enquête sociale. Réflecteur bénéficiait d’une diffusion bihebdomadaire d’une durée de 20 à 25 minutes. L’Enquête sociale avait une durée de 50 minutes, parfois une heure. Il y avait un véritable engouement du public pour ces émissions. L’on recevait un courrier inouï qui nous était adressé le plus souvent par des gens qui avaient épuisés toutes les voies administratives ou légales pour faire valoir leurs droits. »   

     

    Les enquêtes présentées dans le cadre de ces émissions de télévision mettaient sur la sellette des cas flagrants d’abus, l’incompétence ou encore l’indifférence des autorités dans la gestion de l’intérêt public. Des émissions craintes pour leur mordant par bon nombre de responsables politiques.

     

    Ion Bucheru : « Le cadre final de Réflecteur montrait une limousine noire qui démarrait en trombe, alors que la bande texte titrait « Le ministre Untel, sans doute trop pressé par ses responsabilités, s’est refusé à tout commentaire face aux graves dysfonctionnements relatés dans le cadre de notre émission et qui relèvent malgré tout de son domaine de responsabilités ». Alors, voyez-vous, cette émission s’est rapidement bâti une réputation. Lorsqu’un ministre ou un directeur d’entreprise apprenait que le car de reportage de l’émission était dans les parages, il n’était pas loin de l’apoplexie. »      

     

    Nicolae Ceaușescu met fin brutalement au vent de liberté dans la presse roumaine

     

    Mais le vent idéologique allait rapidement tourner et les cowboys de la télévision roumaine devront rentrer dans les rangs. En effet, en 1971 Nicolae Ceaușescu décide de mettre brutalement fin au vent de liberté qu’avait un moment soufflé dans la culture et les médias roumains pour revenir à la ligne dure idéologique qui avait été de mise pendant l’époque du stalinisme. Un tournant pour l’émission Réflecteur, qui allait devenir de moins en moins acide, jusqu’à perdre son âme.

     

    Ion Bucheru : « Le tournant idéologique opéré par Nicolae Ceausescu au mois de juillet 1971 a été provoqué par un scandale de télévision. En effet, Ceausescu était au faîte de sa gloire et de sa popularité en 1968, lorsqu’il a tenu tête à l’URSS lors de l’invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes du Pacte de Varsovie. Il était adulé par les Roumains, il s’était aussi rapidement bâti grâce à cette position un indéniable prestige en Occident. Ce fut un véritable moment de grâce pour la politique externe du régime communiste roumain, un prestige, une sympathie que l’on ressentait tous dès que l’on arrivait en Occident. J’ai ressenti cette sympathie en tant que journaliste de télévision. L’on partait souvent sans moyens, sans argent, faire un documentaire, une émission, suivre une délégation officielle en Occident. Et l’on se voyait entouré, l’on se faisait aider par nos confrères d’une manière incroyable ».   

     

    Finalement l’émission Réflecteur passera à la trappe au milieu des années 1980, lorsque la durée de diffusion quotidienne de la Télévision roumaine a été ramenée à seulement deux heures. Une émission phare pour son franc-parler, qui reviendra après la chute du régime communiste dans la grille des programmes de la télévision publique roumaine sans toutefois plus jamais parvenir à égaler l’engouement suscité à l’époque de sa gloire. (Trad Ionut Jugureanu)

     

  • Nina Cassian est de retour à la maison d’édition Casa Radio

    Nina Cassian est de retour à la maison d’édition Casa Radio

    Le livre audio (accompagné aussi d’un CD) Dans / Danse, contenant des poèmes de Nina Cassian lus par la poétesse et plébiscité par le public, fait l’objet d’une nouvelle édition, au contenu particulièrement enrichi, y compris d’une interview réalisée par le journaliste Emil Buruiana. Le nouveau livre audio, sorti dans le contexte de l’anniversaire, l’année dernière, du centenaire de la naissance de l’autrice, contient 51 poèmes écrits et lus par Nina Cassian elle-même dans les studios de Radio Roumanie entre 1959 et 2003. Cosmin Ciotloş signe la préface et Tudor Jebeleanu en est l’auteur des illustrations.

     

    Quelques repères biographiques

     

    Essayiste, traductrice, compositrice et artiste visuelle, Nina Cassian est née dans une famille d’origine juives Adolescente, elle fréquente des milieux intellectuels de gauche et, à l’âge de 16 ans, elle rejoint la Jeunesse communiste, une organisation illégale à l’époque, car l’adolescente espérait « libérer le monde de tous les antagonismes fondamentaux entre les sexes, les races, les peuples et les classes sociales ». Elle fait ses débuts littéraires en 1947, avec le volume de poèmes surréalistes « La scara 1/1  /  A l’échelle 1/1 », mais une attaque idéologique du journal Scânteia la prend pour cible et la pousse à écrire aussi de la poésie attachée au réalisme socialiste. Au bout d’un détour d’environ huit ans, selon ses propres mots, Nina Cassian retrouve la vraie poésie et commence également à écrire de la littérature pour enfants.

     

    Elle produit en même temps des traductions remarquables d’œuvres de Shakespeare, Bertolt Brecht, Iannis Ritsos et Paul Celan. « Povestea a doi pui de tigru numiti Ninigra si Aligru / L’Histoire de deux bébés tigres prénommés Ninigra et Aligru » est un superbe poème pour enfants, récompensé du Prix de l’Union des écrivains de Roumanie en 1969. En 1985, elle se trouve aux Etats-Unis en tant que professeur invité à la New York University, lorsqu’elle apprend l’arrestation et le meurtre en prison du dissident et ami proche Gheorghe Ursu, dont le journal confisqué par la Securitate contenait aussi des références aux opinions politiques « évidemment anti-Ceausescu » de Nina Cassian. Elle choisit de ne plus rentrer en Roumanie, où son appartement est confisqué et ses livres sont interdits et retirés des bibliothèques jusqu’à la chute du régime Ceausescu.

     

    Aux Etats-Unis, Nina Cassian publie des traductions de ses poèmes écrits en roumain (« Life Sentence »), mais aussi des poèmes qu’elle écrit directement en anglais (« Take My Word For It », « Blue Apple », Lady Of Miracles »), ceux-ci étant récompensés en 1994 du prix « Le Lion d’Or » accordé par la New York Library. C’est d’ailleurs à New York que Nina Cassian passe les trente dernières années de sa vie ; elle y écrit ses mémoires, qu’elle considère comme « un projet majeur de son âge et de sa vie, un miroir des années volées et données ». Les trois volumes sont publiés en Roumanie entre 2003 et 2005, sous le titre « Memoria ca zestre / La mémoire comme une dot ».

     

    La trace de Nina Cassian dans la littérature roumaine

     

    Le critique littéraire Cosmin Ciotloş, coordinateur  de la récente réédition du livre audio Dans, le réalisateur Alexandru Solomon et l’écrivain Călin-Andrei Mihăilescu étaient tous les trois présents au lancement officiel organisé par la maison d’édition Casa Radio. Une occasion pour le premier d’entre eux de parler de la longévité de la poésie écrite par Nina Cassian.

     

    Cosmin Ciotloş : « J’ai voulu voir combien la poésie roumaine actuelle garde encore de l’œuvre de Nina Cassian. Et quand je dis « actuelle » j’ai en tête un laps de temps assez ample. Ainsi, j’ai tout de suite remarqué le fait qu’une grande partie des jeux inventés par Florin Iaru dans ses poèmes ont des dettes belles, nobles et légitimes envers la poésie de Nina Cassian. Ou bien que les poèmes de Mircea Cărtărescu rassemblés dans les volumes « Une soirée à l’opéra » et « Le Levant », bien qu’adressés à Ion Barbu, passent par le filtre de Nina Cassian. Il y a aussi plusieurs jeunes auxquels je fais énormément confiance parce qu’ils agitent un peu ces eaux trop troubles et trop viscérales de ma génération de poètes, des jeunes créateurs que j’affectionne, mais par rapport auxquels je ne pratique pas des exercices iconodoules. Je pense surtout à ceux qui publient sur la plateforme « Mafia Sonetelor », les très jeunes Ioan Coroamă, Florentin Popa ou Mihnea Bâlici, que j’investis de mon espoir. Je crois donc que notre réaction devant ce que Nina Cassian a laissé d’important en poésie doit être beaucoup plus qu’une simple admiration les yeux fermés. C’est une poésie qu’il faut filtrer par la raison et documenter à point, de façon à ce que, au bout de cette documentation et au-delà des postures éthiques sur lesquelles on puisse plus ou moins facilement porter jugement, que l’on soit en mesure de constater la présence devant nous d’une formule stylistique vivante. Une formule stylistique encore productive, issue non pas de la longévité de Nina Cassian, mais de la longévité de l’intelligence de Nina Cassian. »

     

    Souvenirs new-yorkais

     

    L’écrivain Călin-Andrei Mihăilescu, qui vit au Canada depuis la fin des années 1980, a d’abord rencontré Nina Cassian à 2 Mai, village bohème au bord de la mer Noire où la poétesse se rendait en été. Quelques décennies plus tard, il l’a de nouveau rencontrée à New York.

     

    Călin-Andrei Mihăilescu : « Cela est un livre audio qui vous fait écouter la voix de Nina, enregistrée à la radio entre la fin des années 1950 et le début des années 2000. Et je trouve que la voix de Nina Cassian devrait occuper une place de marque dans un éventuel panthéon des grandes voix roumaines. C’était une voix très cultivée, intelligente, raffinée et en même temps érotique. Moi, j’ai mieux connu Nina à New York, pendant les vingt dernières années de sa vie. À une époque, on participait ensemble à des ateliers d’écriture créative, qui avaient lieu une fois par mois tantôt en roumain, tantôt en anglais et parfois dans les deux langues à la fois. Nina apportait toujours une bouteille d’un litre de whisky mauvais et elle était capable de faire rouler n’importe qui sous la table. Elle fumait aussi bien plus que moi, et croyez-moi que je fume beaucoup. Nina était une diva, qui vivait dans un appart relativement minable, sur la Roosevelt Island, une île sur l’East River ; là, elle a réussi à ne pas céder à la tentation de plonger dans les eaux de la rivière, choisissant de ne pas suivre les exemples de Paul Celan ou de Gherasim Luca, qui s’étaient tués en se jetant dans la Seine. Tout était humide dans ce coin, à l’exception de son appart, tapissé de revues dont de très nombreuses éditions de Gazeta Literară et de România Literară. Elle y avait aussi gardé le célèbre numéro de Paris Match de 1968 consacré à la visite du général Charles de Gaulle à Bucarest. »

     

    Le réalisateur Alexandru Solomon a lui-aussi évoqué Nina Cassian avec beaucoup d’émotion, à travers la projection d’un petit film qu’il avait tourné en tant qu’adolescent à Vama Veche, sur la côte de la mer Noire. Le film montre des images de Nina Cassian en compagnie de la mère du réalisateur, la peintre et professeure de l’histoire de l’art Yvonne Hasan, aux côtés d’autres artistes collègues et amis. (Trad. Ileana Ţăroi)         

     

  • Code for Romania

    Code for Romania

    Des solutions informatiques qui tiennent de l’accès à la démocratie et qui facilitent la vie

     

    Sous le slogan « Nous sommes ceux qui nous attendions », est née en 2016 – Code for Romania : une association qui bâtit jour après jour une infrastructure numérique colossale dédiée au bien commun et à la démocratie, en créant des outils digitaux et des solutions informatiques gratuits censés répondre aux problèmes qui tiennent de l’accès à la démocratie et qui facilitent la vie de tous les jours. La première solution ainsi développée a été votdiaspora.ro, une plateforme qui permet aux Roumains de l’étranger de trouver plus facilement leur chemin vers les bureaux de vote. Depuis, informaticiens, sociologues, chercheurs, designers, spécialistes en communication et bien d’autres – soit environ 3.000 volontaires au total – ont fourni à l’État roumain et aux citoyens des dizaines d’applications gratuites qui simplifient la vie. Code for Romania traite des millions de données, statistiques ou lois, et les transforme en sites et applications utiles pour les citoyens. Ainsi, les Roumains peuvent, par exemple, suivre en temps réel les résultats des élections, ou accéder à des informations médicales via des applications comme Sănătatea Mintală.ro, santé mentale.ro, ou Centrul de sănătate.ro, le centre de santé.ro. Grâce à Code for Romania, le Département des Situations d’Urgence dispose également d’une plateforme informatique pour coordonner les ressources humanitaires en cas de catastrophe. Dans ce domaine, l’infrastructure numérique roumaine est devenue un modèle européen, suscitant l’admiration chez leurs collègues hollandais, allemands ou italiens.

     

    Bogdan Ivănel, fondateur de Code for Romania

     

    Le fondateur de Code for Romania, Bogdan Ivănel, n’est pas un expert dans les nouvelles technologies, mais docteur en droit international à Paris, avec un parcours académique qui inclut l’Université d’Utrecht, Oxford et Berkeley. Il a décidé de retourner en Roumanie après près de 11 années passées à l’étranger, le déclic étant la tragédie de Colectiv, où des dizaines de personnes ont perdu la vie dans un incendie déclenché lors d’un concert. Pour comprendre les problèmes à résoudre, Code for Romania a mené pendant huit années les Civic Labs, le plus grand programme de recherche de l’histoire récente de la Roumanie, où ont été recensés 37 problèmes majeurs dans cinq domaines clés : Éducation, Environnement, Groupes Vulnérables, Santé et Participation Civique. Cela a abouti à dénicher plus de 400 solutions numériques nécessaires à la Roumanie, dont 70 ont déjà été développées par Code for Romania.

     

    Bogdan Ivănel : « Notre volonté est à la mesure de nos ambitions, soit construire toute l’infrastructure numérique dont la Roumanie a besoin. Quand nous parlons digitalisation, nous ne pensons pas seulement aux services publics ou aux besoins de l’administration fiscale, mais aussi au secteur social, où ces outils sont essentiels. Par exemple, nous avons développé un système de gestion des cas pour les victimes de violences domestiques. Cela permet aux associations et aux refuges de mieux se coordonner, de savoir combien de lits sont disponibles, combien de psychologues ou d’avocats sont prêts à accompagner les victimes à l’Institut Médico-Légal ou aux urgences. »

     

    En 2022, Code for Romania a conçu la plateforme DOPOMOHA, un système qui a permis à l’État roumain de répartir efficacement des logements et des aides aux réfugiés ukrainiens. Cette plateforme a rapidement attiré l’attention des médias et des organisations internationales, et le projet a été récompensé au Forum de la Paix de Paris et aux États-Unis. L’étape suivante a été franchie en 2023, avec la création de Commit Global, la version internationale de Code for Romania, la première ONG internationale partie de Roumanie.

     

    Commit Global, la première ONG internationale partie de Roumanie

     

    Bogdan Ivănel : « Nous avons vite réalisé que les outils que nous construisions en Roumanie étaient nécessaires dans bien d’autres endroits du monde. Des organisations et des gouvernements nous ont contactés en disant : « Nous avons aussi besoin de ces outils ». Mais nous n’avions pas la capacité de répondre à ces demandes, car notre mission première est la Roumanie. Pourtant, les besoins sont les mêmes partout : 90% des besoins sont identiques, que ce soit au Mexique, en Turquie, en Chine ou en Roumanie. Un tremblement de terre ou une inondation se gère de la même manière, quelle que soit la langue parlée. Nous avons convaincu des gouvernements du monde entier, reçu le soutien de la municipalité de La Haye, et notre siège global est maintenant là-bas. Une équipe de Roumains y travaille. Nous avons également reçu le soutien du gouvernement allemand, notre partenaire stratégique. Nous avons ouvert des portes partout dans le monde : à la Maison Blanche, en Suisse, en Suède, au Royaume-Uni. L’idée est de créer une infrastructure globale à laquelle toute organisation faisant le bien peut se connecter, sans avoir à tout reconstruire à chaque fois. »

     

    L’idée de départ était simple : si l’organisation développe une technologie utile après un séisme, pour les femmes enceintes ou pour lutter contre les violences conjugales, pourquoi ne pas la rendre accessible à d’autres pays ?

    Bogdan Ivănel explique : « Nous sommes confrontés à une urgence mondiale, avec des crises qui se multiplient. Pour y faire face, nous devons doter les organisations qui sauvent des vies avec la technologie nécessaire pour accroitre l’efficacité de leurs actions et améliorer la coordination entre les différents acteurs. »

     

    Aussi, Code for Romania et Commit Global continuent de transformer la technologie en un levier puissant pour le bien commun, en Roumanie et au-delà. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • L’église orthodoxe roumaine, à l’heure de son Centenaire

    L’église orthodoxe roumaine, à l’heure de son Centenaire

    2025 : année du Centenaire du Patriarcat Roumain

     

    Le Saint-Synode de l’Église orthodoxe roumaine a déclaré 2025 – année du centenaire du Patriarcat roumain. Une loi à cet effet a également été adoptée par le Parlement de Bucarest. En fait, l’anniversaire est double ! En effet, il y a 100 ans, le 4 février 1925, l’Eglise orthodoxe roumaine devenait un Patriarcat, alors que 40 ans plus tôt elle avait déjà fait un pas dans ce sens en devenant autocéphale, le 25 avril 1885. Un moment du bilan, donc, pour l’Eglise ! Outre ses activités liturgiques actuelles et l’assistance religieuse qu’elle apporte dans les hôpitaux, les orphelinats, les prisons et les maisons de retraite, l’Église orthodoxe, qui est majoritaire en Roumanie, déploie également une vaste activité sociale et philanthropique en faveur des personnes défavorisées et des personnes confrontées aux problèmes les plus divers.

    Et cela ne date pas d’hier !

     

    Des centres pour aider les personnes vulnérables

     

    Le conseiller social du patriarche Daniel de Roumanie, le prêtre Ciprian Ioniță, évoque brièvement le passé de cette activité :

    “C’est le commandement de notre Sauveur Jésus-Christ d’aimer notre prochain et ceux qui ont besoin d’aide, et nous, en tant qu’Église, nous avons toujours eu des centres socio-médicaux dans les monastères, et dernièrement certains d’entre eux ont été accrédités, autorisés et offrent des services de qualité aux personnes vulnérables. Immédiatement après 1990, des fondations ont été créées aux côtés de l’Église : par exemple, l’association Diaconia, la fondation St Macrina de Solidarité et Espérance – une autre fondation à Iasi, qui possède également le plus grand hôpital de l’Église orthodoxe… Il y en a tellement ! Nous disposons d’une carte actualisée de tous les services sociaux sur social-fililantantropic.patriarhia.ro. Vous y trouverez tous les services que l’Église développe actuellement. Chaque diocèse a au moins un secteur socio-philanthropique où il y a un conseiller et des inspecteurs diocésains, ainsi que des ONG. Et le prêtre qui veut développer une activité dans sa paroisse peut s’adresser au diocèse pour être guidé ou bien à nous, au Patriarcat. Nous avons également une Fédération qui rassemble les ONG les plus importantes de l’Eglise et il y en a actuellement 27”.

     

    La zone rurale, le plus en besoin

     

    L’action de la Fédération de Philanthropie, à travers les associations et fondations qui la composent, n’exclut ni les zones urbaines, ni les zones rurales. Mais, étant donné que les besoins sont plus importants dans les villages, les actions qui leur sont destinées représentent 60 % de l’ensemble des actions menées par les associations religieuses.

     

     

    Le père Ciprian Ioniță nous en dit plus.

    “Puis-je vous donner un exemple actuel ? La Fédération de philanthropie mène une campagne intitulée ‘Rend le sourire à une personne âgée’ destinée aux personnes âgées vulnérables. Nous avons reçu une demande d’une paroisse située quelque part à la frontière entre le comté de Bacău et le comté de Harghita… qui souhaitait participer à notre campagne de consultations ophtalmologiques et de lunettes gratuites. Comment ça se passe concrètement ? Nous allons sur place avec nos volontaires, nous faisons la consultation pour les personnes âgées, et ensuite nous retournons à Bucarest, nous commandons le type de lunettes dont chaque personne a besoin et nous les lui faisons parvenir. Aujourd’hui même, nous avons reçu une demande pour 70 personnes. Nous avons des activités que nous organisons et qui sont sur notre page Facebook… Un prêtre m’a appelé, je lui ai dit de contacter d’abord le conseiller social de l’archidiocèse de Roman et Bacău, avec lui nous avons fait une demande, nous l’avons présentée au Patriarche et évidemment il donne son feu vert”.

     

    Aide aux toxicomanes

     

    L’Église aide les personnes âgées, qui sont les bénéficiaires les plus nombreux. Mais elle aide aussi quelque 130 000 enfants dont le destin est difficile, des mères célibataires, des femmes victimes de violences domestiques, des malades qui n’ont pas les moyens de payer les services médicaux, qui n’ont rien à mettre sur la table ou qui ont besoin d’être conseillés – par exemple, les chômeurs ou les toxicomanes.

     

    Le père Ciprian Ioniță apporte des détails.

    “La Fédération de philanthropie est un organisme de formation et nous avons un cours de spécialisation dans le domaine de l’aide aux toxicomanes. Au départ, nous avons pensé qu’il serait utile pour nos confrères prêtres de connaître ce problème. Mais entre-temps, nous avons reçu de très nombreuses demandes de la part d’enseignants ou de personnes qui travaillent dans certains centres de traitement des dépendances et nous abordons, dans ce cours, toute la partie relative aux dépendances – alcool, dépendances numériques, toxicomanie… Et vous devez savoir que c’est un cours qui, ces derniers temps, est très apprécié. Les cours sont suivis par ceux qui veulent aider les personnes en situation d’addiction, mais nous avons également organisé un cours à Târgu Mureș, il y a quelques années, où des personnes qui avaient dépassé leur addiction voulaient suivre ce cours, afin d’être en mesure d’aider les personnes dans des situations similaires”.

     

    Le cours de lutte contre la toxicomanie existe depuis 2022 et a permis de former environ 500 personnes à ce jour. Les cours de spécialisation ou de formation professionnelle présentent également un grand intérêt. À l’avenir, l’Église orthodoxe souhaite par exemple développer son propre réseau d’aides à domicile.

     

    Aides à domicile

     

    Ciprian Ionita poursuit sur ce projet et d’autres encore.

    “Nous considérons que les personnes âgées sont très vulnérables et ont besoin d’aide et c’est pourquoi nous voulons former un réseau de soins à domicile pour l’ensemble du Patriarcat, d’autant plus que les statistiques montrent que la Roumanie devient un pays plutôt vieillissant et, d’une manière ou d’une autre, il faut soutenir ces personnes. C’est l’un de nos projets pour l’avenir proche. En ce qui concerne les enfants, différents projets ont été soumis. Nous avons eu des projets et nous allons en avoir d’autres dans le domaine de l’écologie. Nous avons pris des initiatives au sein de l’Église orthodoxe roumaine, en collaboration avec la République de Moldavie. Hier encore, je suis revenu d’un cours sur la violence domestique, auquel j’ai participé en tant que formateur pour des prêtres”.

     

    Des difficultés, aussi

    Le siècle d’existence et de riche activité du Patriarcat roumain a été marqué, selon le Patriarche Daniel, par de nombreuses bénédictions, mais aussi par des épreuves difficiles. Quelles sont les difficultés en termes d’activité socio-philanthropique ? Le conseiller patriarcal Ciprian Ionita répond :

    “Le plus difficile, parfois, c’est quand, par manque de fonds, parce que nous sommes limités, un centre ferme et que nous réfléchissons à la manière de transférer les personnes qui sont dans ce centre ou qui dépendent de nos services vers un autre centre. Mais, Dieu merci, même si un centre a fermé, deux ont probablement ouvert. Si, par exemple, en 2022, nous avions 767 services, cette année nous en avons 100 de plus, soit 867”.

     

    Le conseiller social du patriarche roumain, le père Ciprian Ioniță, est coauteur d’un livre sur le travail socio-philanthropique de l’Église orthodoxe depuis un siècle. Il sera publié en octobre, lorsque l’année du centenaire du patriarcat roumain culminera avec la grande consécration de la cathédrale nationale de Bucarest. Construite à côté du Palais Parlement, son immense dôme le dominant, la cathédrale semble le juste symbole de la place centrale occupée par l’Eglise orthodoxe roumaine dans les affaires du pays. (trad. Clémence Lheureux)

  • L’histoire à succès international d’une petite marque roumaine

    L’histoire à succès international d’une petite marque roumaine

    Chose peu connue, il existe une marque roumaine qui crée et produit des combinaisons de ski professionnelles de renommée internationale. Cela fait une trentaine d’années déjà que ces combinaisons sont créés dans un petit atelier de famille de Topliţa, dans le département de Harghita, dans le centre de la Roumanie.

    Pour en savoir davantage sur cette marque peu médiatisée dans notre pays, mais très appréciée par les professionnels de la glisse, nous avons invité au micro de RRI, Dan Cotfas, l’administrateur de cette société roumaine. Il raconte les débuts de cette marque qui a vu le jour dans le petit atelier de ses parents, anciens couturiers :

    De ses débuts modestes en 1992, au début de la gloire dès les années 2000s

     « Nous avons démarré notre activité en 1992, lorsque mes parents, qui avaient travaillé dans le domaine, une fois partis à la retraite, ont senti le besoin de rester en activité. Je suis pour ma part ingénieur mécanicien, un domaine complètement différent, mais j’ai voulu leur donner la chance de pouvoir continuer en leur proposant une activité qui leur donne la satisfaction d’être toujours utiles. J’ai donc mis sur pied une petite société, en 1992, aux côtés de mes parents et de mon frère, sise dans la maison de nos grands-parents, à la campagne. Ayant travaillé dans la couture, mes parents disposaient encore de deux machines à coudre. Mon père avait aussi une « Licence de maître artisan », car il avait eu son propre atelier de couture à l’époque de Ceausescu, lorsqu’il fabriquait des vêtements pour hommes sur demande. On s’est dotés aussi de quelques vieux outillages d’occasion et on a démarré la production pour le marché intérieur : des pantalons pour les hommes et des robes pour les femmes. Et surprise : nos produits se sont très bien vendus et ont commencé à être très recherchés sur le marché roumain de l’époque.»

     

    Et puisqu’à l’époque notre invité travaillait encore dans un autre domaine et que l’approvisionnement et la vente des produits de cet atelier devenaient de plus en plus difficiles, il a fallu élargir le projet. Dan Cotfas poursuit :

     

    « Nous avons embauché 4 autres personnes. Notre équipe comptait 6 à 7 employés vers 1995. Puis, en 1995, nous avons eu l’opportunité de nous perfectionner en fournissant des produits à une compagnie italienne. Nous avons donc changé d’atelier et démarré la formation de 15 personnes sur place afin de produire pour une marque italienne connue. Rapidement, nous avons pu élargir notre capacité de production et fabriquer aussi des produits techniques. Donc les défis se sont enchaînés tout au long de cette période, car il a fallu faire des opérations que nous ne connaissions pas ou très peu et même des choses méconnues en Roumanie à cette époque-là. Par exemple, nous avons commencé à faire des combinaisons de ski aux coutures thermocollées. Puis, on a commencé à fabriquer des vestes pour les randonnées en montagne et nous avons aussi été les premiers de Roumanie à produire des doudounes en duvet d’oie. »

     

    Un succès grandissant qui a conduit à un élargissement de l’activité

    Cette collaboration s’est poursuivie pendant plusieurs années jusqu’au moment où, grâce à l’expérience accumulée et à la renommée ainsi gagnée, ils ont décidé d’élargir la production et de la personnaliser. Dan Cotfas explique :

     

    « Etant donnée l’expérience accumulée, nous avons décidé de créer notre propre marque. Ainsi avons-nous ouvert notre propre magasin à Topliţa, puis un autre à Târgu Mureș. On a aussi multiplié les ventes de notre marque à travers la Roumanie, avec une trentaine de collaborateurs pour lesquels on fabriquait des produits mais à l’aide desquels on vendait aussi notre propre marque partout dans le pays. »

     

    Une fois l’expansion nationale mise en marche, gagner le marché international était le pas naturel à faire. Dan Cotfas raconte :

     

    « Vers 2011-2012, on a commencé à travailler avec des moniteurs de ski d’Italie. Puis, nous avons réussi à recevoir des commandes et à proposer des collections en Autriche, Allemagne, Finlande et Grande Bretagne. On pouvait voir nos produits sur les pistes de ski de ces pays. Les commandes se sont multipliées d’une année à l’autre, étant donné la haute qualité de nos produits. A présent, nous collaborons avec plus de 90 clubs sportifs. Nous leurs fournissons chaque année des vêtements pour les sports d’hiver, pour les sauveteurs en montagne, pour les alpinistes. Et, dernièrement, nous avons aussi développé le côté mode de notre entreprise, en mettant l’accent principalement sur les vêtements à base de plumes d’oie ».

     

    Voilà donc l’histoire à succès d’un petit fabriquant de vêtements sportifs de Roumanie qui a persévéré dans le temps pour gagner le marché international. Une preuve de plus que tout rêve peut devenir réalité, même à l’âge de la retraite ! (trad. Valentina Beleavski)

     

  • La prison politique d’Aïud

    La prison politique d’Aïud

    La triste notoriété d’Aiud, petite ville du Maramures

     

    La triste notoriété d’Aiud, petite ville du Maramures, région située au nord de la Roumanie près de la frontière avec l’Ukraine, a abrité probablement la plus importante prison politique des années noires du régime communiste de Roumanie.

     

    L’historien Dragoș Ursu du musée national de l’Union d’Alba Iulia s’est penché dans son dernier ouvrage, 35 années après la chute du régime communiste, sur l’histoire de cette prison.

     

    Dragoș Ursu :  « L’opposition de la société roumaine au communisme, au régime communiste qui s’est installé après la Seconde Guerre mondiale, a été, avant tout, de nature politique. C’est que la société roumaine d’alors, les partis politiques, ce que nous appelons génériquement la société civile, les Roumains dans leur ensemble voyaient dans le communisme un ennemi qui menaçait l’existence même de la démocratie roumaine et de l’État roumain. Il s’agissait d’un régime imposé par l’occupant soviétique, un régime illégitime et criminel. Ainsi, avant tout, l’opposition au régime communiste était de nature politique, ce qui a conduit ces opposants dans les prisons, poursuivis qu’ils étaient par la Securitate, la police politique du régime, et par la répression communiste. La rééducation était de mise à Aiud, car le régime considérait qu’il avait à faire à ce qu’il appelait nommément des ennemis du peuple. Ils devaient donc être réprimés continuellement en détention, soumis à un régime de déshumanisation à travers un processus de rééducation politique et psychologique, déroulé sans répit ».

     

    Le lieu de détention privilégié des membres de la Garde de Fer

     

    La population carcérale de la prison d’Aiud venait de différents horizons politiques, mais elle fut surtout le lieu de détention privilégié des légionnaires, ces membres de la Garde de Fer, de l’extrême-droite d’avant la guerre.

     

    Dragoș Ursu : « Aiud est peut-être la prison la plus grande, si l’on parle en termes de capacité d’accueil. Elle pouvait accueillir entre 3.600 ou 4.000 détenus au même moment. Au cours de la période communiste, environ 14.000 détenus sont passés par Aiud. En 1948, Aiud se voit attribuer les détenus ayant une profession intellectuelle : fonctionnaires, professions libérales et intellectuels, ainsi que ce que les communistes appelaient les « criminels de guerre », condamnés après la Seconde Guerre mondiale. Aiud devient ainsi connue comme la « prison des légionnaires ». Mais ces derniers ont formé une majorité plutôt relative. Car Aiud accueillait des membres d’autres formations politiques, des libéraux, des nationaux-paysans, des officiers de l’ancienne Armée royale, des paysans qui se sont rebellés contre la collectivisation des terres, des membres de la résistance anticommuniste ».

     

    Les différentes formes de la rééducation

     

    Aux côtés des pénitentiaires de Pitești, Gherla et Canal, Aiud a également été un des lieux de rééducation, soit de l’une des formes les plus extrêmes de brutalité infligée à l’être humain par un régime qui se prétendait humaniste.

     

    Dragoș Ursu a cependant observé des différences entre les différentes formes que prenait la rééducation :

    « C’est dans la prison politique de Pitești qu’a débuté la rééducation des détenus. Cette méthode sera ensuite implémentée à Gherla et Canal, une soi-disant rééducation, d’une violence extrême. En revanche, à Aiud, nous parlons d’une rééducation tardive, d’une répression déclenchée après la révolution hongroise de 1956, où le régime emploie davantage les instruments propres du conditionnement psychologique, de la guerre psychologique. Aussi, l’on hésitera d’utiliser directement et ouvertement la violence et la torture, pour des raisons très pratiques, car il s’agissait des détenus qui avaient déjà passé 10, voire 15 ans en détention, épuisés physiquement, psychiquement, moralement. Employer dans leur cas la violence physique les aurait tués. Aussi, si à Pitești l’on fait appel à des méthodes violentes, à Aiud l’on agit dans le registre psychologique, idéologique et culturel pour aboutir au lavage des cerveaux. »

     

    La mémoire collective

     

    Mais quelle empreinte a laissé la prison politique d’Aiud dans la mémoire collective ?

     

    Dragoș Ursu : « La rééducation de Pitești, par sa violence extrême, a absout les victimes. Car, face à ce déchaînement de violence extrême, nul n’est tenu de résister. A Aiud en revanche, le sentiment de culpabilité des victimes est bien plus important, précisément parce que la rééducation a pris des formes insidieuses, psychologiques. Et nous voyons comment les mémorialistes, les survivants, polémiquent, transmettent le sentiment de culpabilité de ceux qui, d’une certaine manière, sont passés du côté du régime. Cela place la rééducation à Aiud dans un registre différent. Et, d’une certaine manière, de ce point de vue, nous pouvons dire que le régime a réussi à semer les graines de la méfiance parmi les victimes détenues, à la fois pendant la rééducation et ensuite au niveau des mémoires, parmi ceux qui ont survécu et ont raconté leur expérience d’incarcération. Ce qui n’est pas le cas à Pitești, car là-bas, la mémoire est beaucoup plus unie et les détenus se comprennent les uns les autres parce qu’ils ont traversé une violence extrême. En revanche, Aiud est différent. »

     

    La prison d’Aiud dispose désormais d’une monographie qui ramène au présent un temps et un lieu de l’inhumanité du régime communiste.

    (Trad Ionut Jugureanu)

  • Le Casino de Constanta

    Le Casino de Constanta

    Constanta, une ville dont les débuts remontent à l’Antiquité

     

    Nous vous invitons à découvrir l’histoire de l’emblématique Casino de Constanța, symbole de la plus grande ville-port sur la mer Noire, ville fondée par les colons grecs de l’Antiquité, sous le nom de Tomis. Le nom de cette localité est également lié à la légende des Argonautes et notamment à l’exile du poète latin Ovide.

     

    Aujourd’hui, le symbole de la ville est sans nul doute son Casino, construit en style Art Nouveau et inauguré en le 15 août 1910, le jour même où les Roumains marquent la Journée de la Marine.

     

    Déjà en 1879, Constanța était considérée non seulement comme un port mais aussi comme une station thermale maritime. En 1880, son premier salon de danse a ouvert ses portes – Le Salon Guarracino – qui fut sévèrement endommagé en 1891 par une forte tempête. La municipalité lui a donc fait construire un nouveau bâtiment qui a fonctionné jusqu’au printemps 1910.

     

    Mais l’histoire proprement-dite du Casino commence en 1903, lorsque le maire Cristea Georgescu signe un contrat avec l’architecte Daniel Renard, qui allait dresser les plans d’un casino en style Art Nouveau, comme nous l’explique Delia Roxana Conrea, directrice par intérim du Musée national d’histoire et Archeologie de Constanța :

     

    Le Casino dans les années 1930

     

    Delia Roxana Conrea : « Le 15 août 1910 fut inauguré ce beau Casino Communal Carol Ier – c’est avec ce nom qu’il est mentionné dans la presse de l’époque, qui a d’ailleurs fait couler beaucoup d’encre à ce sujet. On y retrouve y compris le menu servi lors de l’inauguration : du foie gras, du vin de Drăgășani et autres plats. Le Casino a eu une très belle évolution avant la Première Guerre Mondiale. En 1916, la Dobroudja tombe pourtant sous occupation germano-bulgare et de nombreux bâtiments de Constanța sont occupés, puis pillés. Ce fut aussi le cas du Casino, qui a été transformé en hôpital militaire et, même s’il avait la Croix Rouge affichée sur son toit, il parait qu’une bombe est néanmoins tombée dessus, en détériorant une partie de son escalier intérieur. Reconstruit dans les années 1920, le Casino retrouve sa splendeur d’antan à l’entre-deux-guerres, lorsque la fête du 15 août et les célébrations nautiques étaient fortement appréciées tant par les habitants de la ville que par les visiteurs. D’autres événements y étaient également organisés. Par exemple, la plupart des bals caritatifs se tenait au Casino et on a même la confirmation que les différents membres de la famille royale y participaient. Cette tradition a été perpétuée si bien qu’à ce jour, la fête du 15 août est marquée tout aussi fastueusement en Roumanie. » 

     

    Le Casino de Constanța connaît donc son apogée dans les années 1920-30, lorsque cette ville-port devient très prospère, affirme à son tour Cristian Cealera, historien, écrivain et guide au sein du Musée national d’histoire et d’archéologie de Constanța.

     

    Plein d’histoires autour du Casino

     

    Cristian Cealera : « A noter que la Dobroudja recensait 19 minorités. Plus encore, un recensement de Constanța, qui avait plus de 56 000 habitants dans les années 1920, fait état de pas moins de 33 ethnies. Chose moins connue, à l’époque, il y avait des courses maritimes transatlantiques entre Constanța et New York et par conséquent dans certains jardins de la ville et sur même la terrasse du Casino, des troupes de la Nouvelle Orléans venaient jouer du jazz. C’est une histoire très riche en fait, parce qu’il s’agissait aussi de sopranos et ténors de la Scala du Milan, de nombreuses troupes d’acteurs qui tentaient de décrocher un contrat d’été au casino. Des boxeurs de renommée mondiale se donnaient rendez-vous au casino ou s’affrontaient dans l’arène improvisée devant l’édifice. Le monde adorait se rendre au casino. Et n’oublions pas non plus les Journées de la Marine : la fête du 15 août était l’évènement le plus important de l’été. Evidemment, les jeux d’argent, plus répandus dans les années 1930, ont de bonnes conséquences, mais aussi de moins bonnes. La ville entière prospère – ses restaurants, ses hôtels enregistrent des revenus exceptionnels. Mais en même temps, les jeux de fortune font des victimes, car, si les riches quittaient Monté Carlo en faveur de Constanța puisque c’était moins cher, les moins chanceux – les petits fonctionnaires, les habitants de la ville etc. – ne savaient pas gérer ce problème, d’où tant de tristes histoires. La presse de l’époque note une multitude de cas : des suicides, des scandales d’amoureux, du genre : la jeune femme qui avait dépensé tout l’argent de son fiancé, qui le lendemain tentait de la tuer par balle sur la promenade du casino… et la liste est longue ».

     

    Le Casino à l’époque communiste

     

    Après 1940, le bâtiment tombe dans l’oubli, étant donné que la Seconde Guerre Mondiale avait déjà éclaté. Le Casino est occupé par les troupes allemandes, puis, par les troupes soviétiques, après octobre 1944. L’histoire du casino est tout aussi triste durant l’époque communiste, du moins au début de cette période. Bien qu’il ait été jeté à l’oubli, en ruines, pendant de longues années, sa réhabilitation a quand même été proposée et les travaux de rénovation ont démarré dans les années ’50. Pour la main d’œuvre on a compté non seulement sur les civils, mais aussi sur les détenus politiques des prisons et camps d’ouvriers qui tentaient de creuser le fameux Canal censé relier le Danube à la mer Noire. Une triste réalité, dont témoignent aussi deux billets laissés par l’équipe dirigée par les architectes Constantin Joja et Ion Cristodulo, soit une liste de tous les détenus politiques du moment. Le premier billet a été découvert entre les murs du Casino durant les travaux de restauration démarrés au début de l’année 2020, le second – en 2023. Enfin à compter des années ’80 et jusqu’après 1990, le Casino de Constanța a fonctionné en tant que restaurant avec terrasse.

     

    Après l’an 2000, il a été fermé au public, en attendant que les fonds nécessaires soient ramassés pour sa restauration. Lorsque le Casino de Constanța ouvrira de nouveau ses portes il pourra accueillir des espaces d’exposition qui raconteront son histoire et ainsi qu’un centre culturel multifonctionnel. (trad. Valentina Beleavski)

     

     

  • « Horror Vacui » (La phobie du vide), l’événement théâtral le plus long au monde 

    « Horror Vacui » (La phobie du vide), l’événement théâtral le plus long au monde 

    L’événement théâtral le plus long au monde 

     

    La galerie d’art Galateca de Bucarest a récemment été la scène d’un événement théâtral hors du commun. Durant sept jours, du 15 au 22 février, 505 acteurs se sont relayés à raison de trois par heure, 24h sur 24, pour interpréter 505 textes littéraires et dramaturgiques qui parlent du sentiment de vide et d’abandon. Le projet « Horror Vacui » (La phobie du vide) a été une première théâtrale mondiale, réalisé avec le soutien du Musée de l’Abandon et de l’initiative pour un changement civique « Papercuts ». Ce « performance » théâtral s’était proposé de réaliser une médiation émotionnelle et un appel à la reconnaissance d’une partie du passé dramatique de la Roumanie : l’abandon des enfants dans notre pays et l’histoire communiste et post-communiste de ce phénomène. Pendant le régime communiste, plus d’un million d’enfants ont été abandonnés par leurs parents, devenant ainsi les victimes d’un système qui les a transformés en « enfants de personne ». Cette initiative veut encourager le changement social à travers une résilience culturelle et civique renforcée.

     

    Les sources d’inspirations

     

    L’acteur, dramaturge et initiateur du projet, Alexandru Ivanoiu a dévoilé ses sources d’inspiration :

    « C’est une question que j’ai souvent entendue ces derniers temps et à laquelle j’ai l’impression de trouver une nouvelle réponse avec chaque jour de performance. Aujourd’hui, je me suis rendu compte que, par ce projet, j’ai aussi voulu inciter mes collègues acteurs à être plus unis, à venir regarder le jeu des autres, laissant de côté nos éventuelles différences esthétiques ou politiques. Je crois aussi que j’ai en plus été curieux de voir si l’on était capable de rallier au moins 500 personnes sur un seul projet, sur une seule idée. Par les temps actuels, quand il me semble facile plutôt de trouver les différences qui nous séparent, il est encore plus facile de transformer ces différences en raisons d’éviter les moments passés ensemble. Je crois qu’à l’exemple de cette dimension de l’abandon et de son opposé, explorés dans chaque histoire racontée, il est tout aussi important pour les artistes d’explorer de nouveaux formats et des moments où le travail ensemble est plus important que celui individuel. »

     

    Une réflexion collective

     

    Les textes présentés dans le spectacle-événement « Horror Vacui » reposent sur des histoires et des témoignages archivés au Musée de l’Abandon ou sur des textes d’auteurs contemporains. En plus de la mise en œuvre d’une réflexion collective sur le thème de la reconnaissance du passé et la reconstruction de l’avenir, cette initiative souhaite créer un espace de dialogue protégé et permanent, afin de trouver des solutions.

     

    Alexandru Ivănoiu explique :

    « Nous pouvons parler d’au moins 253 exemples, témoignages, photographies, documents, mis à notre disposition par le Musée de l’Abandon pour les utiliser dans « Horror Vacui ». A cela s’ajoutent des textes écrits par des auteurs contemporains qui nous les ont donnés pour ce projet, et des témoignages offerts par des ONG ou d’autres acteurs sociaux et culturels qui se battent contre l’abandon. Tout cela s’est ajouté aux 505 comédiens. Et je dois dire ici aussi nos remerciements et notre reconnaissance aux personnels du Musée de l’Abandon, car leur travail nous a permis de donner vie à ce spectacle. »

     

    Les difficultés

     

    Quelles ont été les plus grosses difficultés rencontrées par les organisateurs du projet ? Alexandru Ivănoiu a précisé :

    « Les principaux défis ont été sans aucun doute liés aux horaires et agendas personnels. Il est très difficile d’harmoniser les agendas de 500 comédiens sur une marge de temps très stricte, mais qui, paradoxalement, était la meilleure que l’on ait pu souhaiter. Rassembler 500 acteurs en deux mois est particulièrement difficile, mais pas impossible. »

     

    Quels objectifs ?

     

    En réalisant le projet « Horror Vacui », les organisateurs visent plusieurs objectifs, explique son initiateur, Alexandru Ivănoiu:

    « Ce que nous souhaitons atteindre c’est d’abord un changement de la législation. La création d’une commission qui documente et enquête sur les faits d’abus contre les enfants institutionnalisés de 1966 à 2007. C’est une demande portée aussi par l’ONG Papercuts, par le Musée de l’Abandon et par d’autres ONG actives dans ce domaine. Nous voulons avoir des recherches qui montrent clairement combien, qui, comment. Car nous croyons que seul un tel acte pourra amorcer le changement. Je crois qu’avant des récompenses, des modifications et des moyens punitifs, la reconnaissance des faits est le plus grand pas vers la guérison et c’est tellement simple à faire. »

     

    Des retours positifs

     

    Alexandru Ivănoiu a enfin abordé la participation des réalisateurs et du public au projet « Horror Vacui » :

    « En général, les participants au projet ont répondu très positivement. Nous avons travaillé avec un réseau de bénévoles et d’acteurs très ouverts à l’idée, qui ont relayé les informations et les objectifs de notre mission. De son côté, le public a magnifiquement réagi. Cela fait chaud au cœur de voir que le public est présent à 4h ou à 5h du matin. Les gens se réveillent pour aller regarder leurs amis, la famille, les collègues, et ensuite ils restent voir les autres aussi. La nuit c’est pareil. C’est une petite communauté qui se crée et ça c’est quelque chose de spécial. » (trad. Ileana Taroi)

  • La mondialisation amène de nouvelles espèces de coléoptères en Roumanie

    La mondialisation amène de nouvelles espèces de coléoptères en Roumanie

    Une équipe mixte d’entomologistes roumains et italiens a récemment découvert cinq nouvelles espèces de coléoptères sur le territoire roumain. Il est essentiel, selon les entomologistes qui ont pris part à l’étude à ce que la surveillance du phénomène se poursuive et que les recherches s’intensifient pour identifier rapidement les nouvelles espèces qui arrivent en Roumanie en raison du processus de mondialisation.

    Andreea Cătălina Drăghici, muséographe au Musée National d’Histoire Naturelle « Grigore Antipa » de Bucarest et auteure d’une étude qui recense les différentes espèces de coléoptères présentes en Roumanie, nous explique le contexte de cette découverte :

    « Les coléoptères sont des espèces qui revêtent une importance particulière pour la nature et les écosystèmes. Nous nous savons vivre à l’ère de l’Anthropocène, nous sommes conscients du déclin accéléré de la biodiversité, mais aussi de l’urbanisation rampante et des effets nocifs de la mondialisation, et notamment du commerce international. Dans notre étude, nous avons observé que cinq espèces de coléoptères sont arrivées en Roumanie grâce à ce commerce international. Ces espèces non indigènes, allogènes, sont des espèces opportunistes. Elles vivent près des activités humaines, accompagnant l’homme. Les zones urbaines, les villes, les zones portuaires et douanières constituent les points de passage privilégiés pour l’introduction de ces espèces opportunistes hors de leur aréal habituel. »

     

    La recherche a un rôle essentiel à jouer

     

    C’est précisément pour cette raison que trois des cinq espèces découvertes ont été trouvées dans la région de Dobroudja, poursuit Andreea Cătălina Drăghici, qui souligne combien il est important d’étudier ces nouvelles espèces de coléoptères :

     

    « La Dobroudja est une zone aride, de steppe, adaptée à des espèces non indigènes, qui s’épanouissent à des températures plus élevées. Les zones portuaires de la région constituent des points d’introduction privilégiés de ces espèces dans notre pays. Mais au-delà de la connaissance purement scientifique, ces insectes peuvent avoir un impact sur notre santé, sur notre bien-être général. C’est pour cela qu’il est important de les étudier et de comprendre leur mode de vie. Elles risquent par exemple d’altérer les aliments, et il n’est pas rare de trouver dans la farine de maïs de telles espèces non indigènes. Elles ont un impact aussi sur la biodiversité, perturbant les écosystèmes locaux. On aurait cependant besoin des études plus approfondies pour comprendre de manière exacte la teneur de cet impact. Il existe toutefois un risque génétique, un risque d’hybridation avec des espèces indigènes. Il peut y avoir des phénomènes de concurrence ou de déplacement des populations indigènes. Pour l’instant, les données dont nous disposons sont insuffisantes pour étayer tout cela, mais ces espèces importées peuvent présenter un risque mortel pour certaines espèces indigènes. »

     

    L’étude sur les espèces de coléoptères a été réalisée par une équipe internationale, s’appuyant dans sa démarche sur un règlement européen qui vise la prévention et la gestion de l’introduction et de la propagation des espèces allogènes invasives. Andreea Cătălina Drăghici :

     

    « Ce n’est qu’en 2022 que nous avons réussi à recenser les 52 espèces de coléoptères allogènes ou non indigènes. C’est grâce à cette démarche que nous sommes parvenus à découvrir cinq nouvelles espèces et je crains qu’il en existe bien d’autres. Il est très difficile de réaliser des recensements au niveau national, car cela suppose un effort financier et humain très important. Ces cinq espèces ont été découvertes un peu par hasard. Donc, voilà, même ces collectes non intentionnelles sont encore de grande importance, jusqu’à ce que des mécanismes plus élaborés de surveillance au niveau national soient développés. L’une de ces espèces a été identifiée à Bucarest, ce qui est totalement inhabituel. L’on aurait pu imaginer trouver ces espèces dans des zones plus isolées, or voilà, parfois c’est loin d’être le cas. Mais notre étude nous a permis de faire d’autres découvertes, concernant par exemple les données de distribution de différentes espèces, élément extrêmement important ».  

     

    Les scientifiques alertent sur la nécessité de rester vigilants

     

    La Roumanie possède une diversité impressionnante d’insectes grâce à son climat varié et à ses écosystèmes diversifiés. Dans ce contexte, plusieurs espèces d’insectes ont été signalées au cours des dernières décennies pour avoir causé des problèmes de nature économique, écologique ou agricole. Des espèces introduites accidentellement, le plus souvent à cause du commerce international de plantes, de fruits ou de bois. Surveiller ces évolutions et prendre à temps des mesures appropriées pour lutter contre des espèces nuisibles est dès lors essentiel. Andreea Cătălina Drăghici, muséographe au Musée National d’Histoire Naturelle « Grigore Antipa », ajoute :

     

    « Nous savons que la plupart de ces nouvelles espèces non indigènes ne deviennent pas invasives. Pour devenir invasives, c’est-à-dire pour parvenir à se répandre massivement, elles doivent franchir plusieurs étapes, bénéficier des conditions climatiques favorables, trouver de la nourriture à suffisance et ainsi de suite. Ce n’est pas donné. J’aimerais dire un mot encore au sujet de la plateforme « Citizen Science », une plateforme qui vient en aide aux chercheurs notamment. Le domaine des coléoptères est peu abordé, car leur identification est difficile, leurs dimensions sont très petites et leurs caractéristiques sont souvent assez rapprochées. Mais cette plateforme facilite l’accès du public à des informations scientifiques accessibles sur les espèces invasives et a un rôle important dans la sensibilisation du public à ce sujet. »

     

    Citizen Science constitue en effet une forme de participation publique à des projets de recherche où les gens sont impliqués dans les différentes étapes du processus de recherche scientifique, depuis le simple accès à l’information scientifique et jusqu’à la participation à des recherches. Aussi, à travers cette plateforme participative, les gens peuvent collecter et analyser des données et peuvent même financer certains projets de recherche scientifique.

    (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Harghita, région gastronomique européenne pour 2027

    Harghita, région gastronomique européenne pour 2027

    Un jury séduit par la beauté des paysages

     

    Récemment, l’Institut international de gastronomie, culture, arts et tourisme a décerné au département roumain de Harghita, en Transylvanie, le titre de « région gastronomique européenne pour 2027 ». La décision appartient à un jury de sept pays qui ont été séduits par la beauté des paysages, des traditions culinaires et l’engagement des habitants de la région envers une agriculture durable. Et puis, ce n’est pas tout, comme le dit Mezey Zsolt, chargé de projet du site touristique Visit Harghita, qui nous propose une petite visite virtuelle de cette partie de la Roumanie.

     

    Une destination idéale pour les voyage en famille

     

    Mezey Zsolt : « Je vous propose un petit tour à travers le département de Harghita, une destination idéale pour les voyages en famille et qui vient de se voir décerner le titre de région gastronomique de l’Europe pour 2027. Cette contrée a un fort potentiel touristique, il suffit de mentionner les stations thermales de Tusnad, Borsec, Lacul Rosu ou Izvorul Muntelui auxquelles s’ajoutent les réserves naturelles du lac Sainte Anne, des Gorges du Bicaz, de la Prairie des Jacinthes ou encore des Monts Calimani. Nous avons également des lieux de culte très importants, tels l’Eglise du village de Șumuleu Ciuc, un important lieu de pèlerinage pour les catholiques, ou encore l’église fortifiée de Dârju, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, nous avons des châteaux, tels Lăzarea ou Mikó. Et puis, si on revient aux trésors que la nature nous offre dans cette partie de la Roumanie, mentionnons les mofettes, les boues sapropéliques, les mines de sel ou encore les plus de 2000 sources d’eaux minérales dont certaines sont mises en bouteille. Mais pour une expérience complète, mieux vaut vous rendre sur place et goûter l’eau au moment où elle jaillit de la source. »

     

    Des traditions et des coutumes ancestrales qui ont survécu

     

    Au cœur d’un cadre féerique, la région préserve de nos jours encore des traditions et des coutumes ancestrales qui se transmettent d’une génération à l’autre et que vous pourriez admirer, en franchissant le seuil des ateliers des maitres artisans ou des musées.

     

    Mezey Zsolt : « L’art et la musique folklorique occupent une place importante au quotidien. Les soirées traditionnelles typiques, les fêtes foraines, les braderies ou encore les festivals locaux sont autant d’occasions pour les touristes de découvrir les us et coutumes authentiques locales. Les costumes populaires sont une raison de plus pour les habitants de Harghita de se sentir fiers de leurs origines. D’ailleurs, les musées à travers le département renferment plusieurs collections de vêtements traditionnels. Et je voudrais préciser que certains musées sont installés dans des édifices monumentaux. C’est le cas, par exemple, du Musée des Sicules de Miercurea Ciuc qui se trouve à l’intérieur de la Cité Mikó, ou du musée Haáz Rezső, de la localité d’Odorheiu Secuiesc, qui a emménagé dans la Villa Haberstumpf. »

     

    Des sentiers de randonnée en motagne

     

    Le département de Harghita attire les visiteurs non seulement grâce à ses attactions culturelles, mais aussi grâce aux sentiers de randonnée en montagne qu’il propose. Mezey Zsolt, chargé de projet du site touristique Visit Harghita, nous raconte :

     

    « Il y a de nombreux itinéraires balisés dans les montagnes de Harghita, Hășmaș, Călimani ou Ciucului. Si vous vous y rendez en hiver, vous pourriez faire du ski dans une de nos belles stations alpines telles Harghita les Bains, Harghita Mădăraș, Bucin, Ciumani, Homorod ou Versag. Pour plus de détails sur les modalités de pratiquer le ski dans la région, je vous conseille de consulter le site Visit Harghita. Il convient de préciser que nous avons mis en place plus d’une centaine de programmes touristiques à travers le département pour les amateurs de sports d’hiver. Nous avons une piste de luge quatre saisons ouverte à Lunca de Sus, de 1800 mètres de long et puis de nombreuses pistes de bobsleigh. Par exemple, celle de Vărșag, de 1500 mètres, du col de Pângărați, de 1260 mètres, celle de lacul Rosu, qui traverse la forêt sur presqu’un kilomètre. N’oublions pas la piste des Homorod les Bains et surtout, celle de Toprițza, la plus longue de Roumanie, mesurant 1900 mètres. Nous avons aussi la piste de luge trois saisons de Borsec qui est ouverte au printemps, en été et en automne et qui totalise 1500 mètres de long. »

     

    A ne pas rater : le lac Rouge et le lac Sfanta Ana

     

    La région est fameuse aussi pour les deux grands lacs qui se trouvent sur son territoire. Le lac Rouge et le lac Sfanta Ana, Sainte Anne, un lac unique en Europe, formé dans le cratère d’un ancien volcan. :

     

    Mezey Zsolt : « Une des attractions naturelles à ne pas rater est le Lac Rouge, formé suite à un glissement de terrain qui a bloqué une rivière. On peut observer de nos jours encore les réminiscences de la forêt qui a été engloutie par les eaux. Une sortie en nature que je vous conseille vivement de faire est la visite des Gorges de Vărghiș. Les aventuriers vont adorer les différents ponts qui leur permettent de passer par dessus les rivières, les gouffres ou de grimper en haut de la montagne, en direction des grottes. La nature a été particulièrement généreuse avec les habitants de la région, puisque sous les collines de Praid se trouvent des gisements de sel suffisamment importants pour qu’on puisse les exploiter. Près de la saline, nous avons un canyon de sel, tout comme des montagnes de sel. »

     

    Les coups de cœur de la cuisine du terroir

     

    Et puisque Harghita a été sacrée « région gastronomique européenne pour 2027 », voyons quels sont les coups de cœur de la cuisine du terroir.

     

    Mezey Zsolt nous en parle : « Une fois attablés, vous serez pris d’assaut par une variété de goûts susceptibles d’éveiller vos papilles gustatives. Il y a de tout chez nous, du sucré, du fumé, du chaud, du froid, du consistant ou du léger. Que vous preniez un bol de soupe aigre à base de choux en saumure, un bon rôti de porc, du goulash hongrois ou du poulet au paprika, vous vous verrez proposer un petit verre d’eau de vie pour bien stimuler votre appétit. Les habitants ont vite compris la valeur des produits du terroir. Voilà pourquoi, nous avons des produits considérés comme typiques de la cuisine sicule et qui sont enregistrés comme tels. Par exemple, le cozonac sicule, l’eau de vie de prunes, la bière sicule, mais aussi différentes variétés de fromages, de confitures ou de sirops. Et puisque dans cette zone de Roumanie nous aimons bien faire la fête, nous organisons toutes sortes de festivals autour de thématiques gastronomiques, comme par exemple le Festival du Chaudron de Borsec, celui de la Polenta au fromage, le Festival de la Pomme de terre de Miercurea Ciuc, les Journées des Prunes ou encore le Festival du choux farci. L’Association Visit Harghita pour le Développement intercommunautaire dans la région a lancé en 2023 sa candidature pour se voir attribuer le titre de région gastronomique européenne en 2027 et suite à une visite effectuée sur place en 2024, l’Institut International de gastronomie, culture, art et tourisme le lui a attribué. La distinction a été remise au président du Conseil département local, lors d’une cérémonie. Les préparatifs en vue de cet événement sont en cours et les organisateurs espèrent que le département représentera fièrement son héritage culinaire et culturel. »

     

    La région de Harghita sera promue sur le plan international non seulement comme destination touristique, mais aussi comme un modèle à succès pour le développement durable et la protection du patrimoine culinaire. (trad. Ioana Stancescu)