Category: Espace Culture

  • Nina Cassian est de retour à la maison d’édition Casa Radio

    Nina Cassian est de retour à la maison d’édition Casa Radio

    Le livre audio (accompagné aussi d’un CD) Dans / Danse, contenant des poèmes de Nina Cassian lus par la poétesse et plébiscité par le public, fait l’objet d’une nouvelle édition, au contenu particulièrement enrichi, y compris d’une interview réalisée par le journaliste Emil Buruiana. Le nouveau livre audio, sorti dans le contexte de l’anniversaire, l’année dernière, du centenaire de la naissance de l’autrice, contient 51 poèmes écrits et lus par Nina Cassian elle-même dans les studios de Radio Roumanie entre 1959 et 2003. Cosmin Ciotloş signe la préface et Tudor Jebeleanu en est l’auteur des illustrations.

     

    Quelques repères biographiques

     

    Essayiste, traductrice, compositrice et artiste visuelle, Nina Cassian est née dans une famille d’origine juives Adolescente, elle fréquente des milieux intellectuels de gauche et, à l’âge de 16 ans, elle rejoint la Jeunesse communiste, une organisation illégale à l’époque, car l’adolescente espérait « libérer le monde de tous les antagonismes fondamentaux entre les sexes, les races, les peuples et les classes sociales ». Elle fait ses débuts littéraires en 1947, avec le volume de poèmes surréalistes « La scara 1/1  /  A l’échelle 1/1 », mais une attaque idéologique du journal Scânteia la prend pour cible et la pousse à écrire aussi de la poésie attachée au réalisme socialiste. Au bout d’un détour d’environ huit ans, selon ses propres mots, Nina Cassian retrouve la vraie poésie et commence également à écrire de la littérature pour enfants.

     

    Elle produit en même temps des traductions remarquables d’œuvres de Shakespeare, Bertolt Brecht, Iannis Ritsos et Paul Celan. « Povestea a doi pui de tigru numiti Ninigra si Aligru / L’Histoire de deux bébés tigres prénommés Ninigra et Aligru » est un superbe poème pour enfants, récompensé du Prix de l’Union des écrivains de Roumanie en 1969. En 1985, elle se trouve aux Etats-Unis en tant que professeur invité à la New York University, lorsqu’elle apprend l’arrestation et le meurtre en prison du dissident et ami proche Gheorghe Ursu, dont le journal confisqué par la Securitate contenait aussi des références aux opinions politiques « évidemment anti-Ceausescu » de Nina Cassian. Elle choisit de ne plus rentrer en Roumanie, où son appartement est confisqué et ses livres sont interdits et retirés des bibliothèques jusqu’à la chute du régime Ceausescu.

     

    Aux Etats-Unis, Nina Cassian publie des traductions de ses poèmes écrits en roumain (« Life Sentence »), mais aussi des poèmes qu’elle écrit directement en anglais (« Take My Word For It », « Blue Apple », Lady Of Miracles »), ceux-ci étant récompensés en 1994 du prix « Le Lion d’Or » accordé par la New York Library. C’est d’ailleurs à New York que Nina Cassian passe les trente dernières années de sa vie ; elle y écrit ses mémoires, qu’elle considère comme « un projet majeur de son âge et de sa vie, un miroir des années volées et données ». Les trois volumes sont publiés en Roumanie entre 2003 et 2005, sous le titre « Memoria ca zestre / La mémoire comme une dot ».

     

    La trace de Nina Cassian dans la littérature roumaine

     

    Le critique littéraire Cosmin Ciotloş, coordinateur  de la récente réédition du livre audio Dans, le réalisateur Alexandru Solomon et l’écrivain Călin-Andrei Mihăilescu étaient tous les trois présents au lancement officiel organisé par la maison d’édition Casa Radio. Une occasion pour le premier d’entre eux de parler de la longévité de la poésie écrite par Nina Cassian.

     

    Cosmin Ciotloş : « J’ai voulu voir combien la poésie roumaine actuelle garde encore de l’œuvre de Nina Cassian. Et quand je dis « actuelle » j’ai en tête un laps de temps assez ample. Ainsi, j’ai tout de suite remarqué le fait qu’une grande partie des jeux inventés par Florin Iaru dans ses poèmes ont des dettes belles, nobles et légitimes envers la poésie de Nina Cassian. Ou bien que les poèmes de Mircea Cărtărescu rassemblés dans les volumes « Une soirée à l’opéra » et « Le Levant », bien qu’adressés à Ion Barbu, passent par le filtre de Nina Cassian. Il y a aussi plusieurs jeunes auxquels je fais énormément confiance parce qu’ils agitent un peu ces eaux trop troubles et trop viscérales de ma génération de poètes, des jeunes créateurs que j’affectionne, mais par rapport auxquels je ne pratique pas des exercices iconodoules. Je pense surtout à ceux qui publient sur la plateforme « Mafia Sonetelor », les très jeunes Ioan Coroamă, Florentin Popa ou Mihnea Bâlici, que j’investis de mon espoir. Je crois donc que notre réaction devant ce que Nina Cassian a laissé d’important en poésie doit être beaucoup plus qu’une simple admiration les yeux fermés. C’est une poésie qu’il faut filtrer par la raison et documenter à point, de façon à ce que, au bout de cette documentation et au-delà des postures éthiques sur lesquelles on puisse plus ou moins facilement porter jugement, que l’on soit en mesure de constater la présence devant nous d’une formule stylistique vivante. Une formule stylistique encore productive, issue non pas de la longévité de Nina Cassian, mais de la longévité de l’intelligence de Nina Cassian. »

     

    Souvenirs new-yorkais

     

    L’écrivain Călin-Andrei Mihăilescu, qui vit au Canada depuis la fin des années 1980, a d’abord rencontré Nina Cassian à 2 Mai, village bohème au bord de la mer Noire où la poétesse se rendait en été. Quelques décennies plus tard, il l’a de nouveau rencontrée à New York.

     

    Călin-Andrei Mihăilescu : « Cela est un livre audio qui vous fait écouter la voix de Nina, enregistrée à la radio entre la fin des années 1950 et le début des années 2000. Et je trouve que la voix de Nina Cassian devrait occuper une place de marque dans un éventuel panthéon des grandes voix roumaines. C’était une voix très cultivée, intelligente, raffinée et en même temps érotique. Moi, j’ai mieux connu Nina à New York, pendant les vingt dernières années de sa vie. À une époque, on participait ensemble à des ateliers d’écriture créative, qui avaient lieu une fois par mois tantôt en roumain, tantôt en anglais et parfois dans les deux langues à la fois. Nina apportait toujours une bouteille d’un litre de whisky mauvais et elle était capable de faire rouler n’importe qui sous la table. Elle fumait aussi bien plus que moi, et croyez-moi que je fume beaucoup. Nina était une diva, qui vivait dans un appart relativement minable, sur la Roosevelt Island, une île sur l’East River ; là, elle a réussi à ne pas céder à la tentation de plonger dans les eaux de la rivière, choisissant de ne pas suivre les exemples de Paul Celan ou de Gherasim Luca, qui s’étaient tués en se jetant dans la Seine. Tout était humide dans ce coin, à l’exception de son appart, tapissé de revues dont de très nombreuses éditions de Gazeta Literară et de România Literară. Elle y avait aussi gardé le célèbre numéro de Paris Match de 1968 consacré à la visite du général Charles de Gaulle à Bucarest. »

     

    Le réalisateur Alexandru Solomon a lui-aussi évoqué Nina Cassian avec beaucoup d’émotion, à travers la projection d’un petit film qu’il avait tourné en tant qu’adolescent à Vama Veche, sur la côte de la mer Noire. Le film montre des images de Nina Cassian en compagnie de la mère du réalisateur, la peintre et professeure de l’histoire de l’art Yvonne Hasan, aux côtés d’autres artistes collègues et amis. (Trad. Ileana Ţăroi)         

     

  • « Horror Vacui » (La phobie du vide), l’événement théâtral le plus long au monde 

    « Horror Vacui » (La phobie du vide), l’événement théâtral le plus long au monde 

    L’événement théâtral le plus long au monde 

     

    La galerie d’art Galateca de Bucarest a récemment été la scène d’un événement théâtral hors du commun. Durant sept jours, du 15 au 22 février, 505 acteurs se sont relayés à raison de trois par heure, 24h sur 24, pour interpréter 505 textes littéraires et dramaturgiques qui parlent du sentiment de vide et d’abandon. Le projet « Horror Vacui » (La phobie du vide) a été une première théâtrale mondiale, réalisé avec le soutien du Musée de l’Abandon et de l’initiative pour un changement civique « Papercuts ». Ce « performance » théâtral s’était proposé de réaliser une médiation émotionnelle et un appel à la reconnaissance d’une partie du passé dramatique de la Roumanie : l’abandon des enfants dans notre pays et l’histoire communiste et post-communiste de ce phénomène. Pendant le régime communiste, plus d’un million d’enfants ont été abandonnés par leurs parents, devenant ainsi les victimes d’un système qui les a transformés en « enfants de personne ». Cette initiative veut encourager le changement social à travers une résilience culturelle et civique renforcée.

     

    Les sources d’inspirations

     

    L’acteur, dramaturge et initiateur du projet, Alexandru Ivanoiu a dévoilé ses sources d’inspiration :

    « C’est une question que j’ai souvent entendue ces derniers temps et à laquelle j’ai l’impression de trouver une nouvelle réponse avec chaque jour de performance. Aujourd’hui, je me suis rendu compte que, par ce projet, j’ai aussi voulu inciter mes collègues acteurs à être plus unis, à venir regarder le jeu des autres, laissant de côté nos éventuelles différences esthétiques ou politiques. Je crois aussi que j’ai en plus été curieux de voir si l’on était capable de rallier au moins 500 personnes sur un seul projet, sur une seule idée. Par les temps actuels, quand il me semble facile plutôt de trouver les différences qui nous séparent, il est encore plus facile de transformer ces différences en raisons d’éviter les moments passés ensemble. Je crois qu’à l’exemple de cette dimension de l’abandon et de son opposé, explorés dans chaque histoire racontée, il est tout aussi important pour les artistes d’explorer de nouveaux formats et des moments où le travail ensemble est plus important que celui individuel. »

     

    Une réflexion collective

     

    Les textes présentés dans le spectacle-événement « Horror Vacui » reposent sur des histoires et des témoignages archivés au Musée de l’Abandon ou sur des textes d’auteurs contemporains. En plus de la mise en œuvre d’une réflexion collective sur le thème de la reconnaissance du passé et la reconstruction de l’avenir, cette initiative souhaite créer un espace de dialogue protégé et permanent, afin de trouver des solutions.

     

    Alexandru Ivănoiu explique :

    « Nous pouvons parler d’au moins 253 exemples, témoignages, photographies, documents, mis à notre disposition par le Musée de l’Abandon pour les utiliser dans « Horror Vacui ». A cela s’ajoutent des textes écrits par des auteurs contemporains qui nous les ont donnés pour ce projet, et des témoignages offerts par des ONG ou d’autres acteurs sociaux et culturels qui se battent contre l’abandon. Tout cela s’est ajouté aux 505 comédiens. Et je dois dire ici aussi nos remerciements et notre reconnaissance aux personnels du Musée de l’Abandon, car leur travail nous a permis de donner vie à ce spectacle. »

     

    Les difficultés

     

    Quelles ont été les plus grosses difficultés rencontrées par les organisateurs du projet ? Alexandru Ivănoiu a précisé :

    « Les principaux défis ont été sans aucun doute liés aux horaires et agendas personnels. Il est très difficile d’harmoniser les agendas de 500 comédiens sur une marge de temps très stricte, mais qui, paradoxalement, était la meilleure que l’on ait pu souhaiter. Rassembler 500 acteurs en deux mois est particulièrement difficile, mais pas impossible. »

     

    Quels objectifs ?

     

    En réalisant le projet « Horror Vacui », les organisateurs visent plusieurs objectifs, explique son initiateur, Alexandru Ivănoiu:

    « Ce que nous souhaitons atteindre c’est d’abord un changement de la législation. La création d’une commission qui documente et enquête sur les faits d’abus contre les enfants institutionnalisés de 1966 à 2007. C’est une demande portée aussi par l’ONG Papercuts, par le Musée de l’Abandon et par d’autres ONG actives dans ce domaine. Nous voulons avoir des recherches qui montrent clairement combien, qui, comment. Car nous croyons que seul un tel acte pourra amorcer le changement. Je crois qu’avant des récompenses, des modifications et des moyens punitifs, la reconnaissance des faits est le plus grand pas vers la guérison et c’est tellement simple à faire. »

     

    Des retours positifs

     

    Alexandru Ivănoiu a enfin abordé la participation des réalisateurs et du public au projet « Horror Vacui » :

    « En général, les participants au projet ont répondu très positivement. Nous avons travaillé avec un réseau de bénévoles et d’acteurs très ouverts à l’idée, qui ont relayé les informations et les objectifs de notre mission. De son côté, le public a magnifiquement réagi. Cela fait chaud au cœur de voir que le public est présent à 4h ou à 5h du matin. Les gens se réveillent pour aller regarder leurs amis, la famille, les collègues, et ensuite ils restent voir les autres aussi. La nuit c’est pareil. C’est une petite communauté qui se crée et ça c’est quelque chose de spécial. » (trad. Ileana Taroi)

  • « Moromeții 3 »

    « Moromeții 3 »

    « Moromeții 3 », du réalisateur Stere Gulea, a été un des films les plus attendus par le public et la critique l’année dernière. Il est également le troisième et dernier volet d’une trilogie unique dans le cinéma roumain, extraite de l’œuvre et de la vie de l’écrivain Marin Preda. Le premier volet, lancé en 1988, avait été une adaptation plutôt fidèle du premier volume d’un roman très apprécié, « Moromeții / Les Moromete », la suite, « Moromeții 2 » (sortie en 2018), s’est inspirée du second volume du même roman, ainsi que d’un autre, intitulé « Viața ca o pradă / La vie comme une proie », et de l’œuvre journalistique de Marin Preda.

     

    Un scénario tiré du journal personnel de Marin Preda et de documents divers

     

    Cette troisième partie de la trilogie, dont le réalisateur Stere Gulea a aussi écrit le scénario, s’appuie sur le journal intime de l’écrivain Marin Preda, mais également sur des documents, privés ou publics, qui recréent l’atmosphère des années 1950, une époque marquée par une très forte tension sociale et idéologique, par l’ascension du parti communiste, devenu le seul parti politique officiel en Roumanie. Cette production continue à raconter l’histoire de Niculae, le benjamin de la progéniture d’Ilie Moromete, qui est devenu un jeune écrivain à succès, un personnage alter ego de l’écrivain Marin Preda, déçu aussi bien par ses convictions politiques que par la guilde littéraire, obligée à obéir aux contraintes idéologiques. Le film met aussi en lumière le rôle important joué dans la vie de Marin Preda par deux artistes spéciales: Nina Cassian et Aurora Cornu. « C’est une image qui couvre le comportement et l’attitude adoptés par Marin Preda dans des situations politiques de l’époque. J’ai essayé de comprendre son itinéraire et d’illustrer ce voyage essentiel en recourant à la fiction. J’ai aimé l’idée de faire un film sur ces temps-là, qui sont assez ignorés de nos jours », nuance le réalisateur Stere Gulea.

     

    Une histoire d’amour très spéciale

     

    Nous avons invité au micro de RRI l’actrice Olimpia Melinte, interprète du personnage Vera Solomon, inspiré par la poétesse Nina Cassian. Elle nous a parlé de l’évolution du scénario, écrit par Stere Gulea, et de sa propre documentation pour le rôle qu’elle a assumé, puisque Nina Cassian a été une artiste particulièrement complexe, à la fois complice et contestatrice du régime stalinien : « Tout a commencé avec un casting. Ensuite, j’ai rencontré monsieur Stere Gulea, j’ai pu voir son scénario de plus près et j’ai appris ses attentes, ce qui m’a permis de conclure que le destin m’avait choisi pour interpréter ce personnage. Si on me compare à Nina Cassian du point de vue de l’apparence physique, elle et moi n’avons pas beaucoup de choses en commun. Mais je crois que ce qui nous unit c’est la passion. Nina Cassian s’est beaucoup passionnée pour la poésie, la musique, pour le dessin et la peinture, elle était attirée par tous les beaux-arts. Elle était une artiste complète et je crois que c’est justement cette passion qui l’a soutenue en général et en particulier durant cette époque très compliquée, quand elle avait fait le choix de se tourner vers la musique et de ne rien publier, tellement le régime était horrible. Or cette passion pour les arts a été le lien très fort avec mon personnage. Quant à la documentation de l’époque en question, les années 1950, et du personnage, il y a eu des mois de conversations et de répétitions aux côtés de monsieur Stere Gulea. J’ai lu les journaux intimes de Nina, ses interviews, tout ce que j’ai trouvé sur elle en ligne. J’ai regardé aussi, bien-sûr, le documentaire avec Nina Cassian, « Distanța dintre mine și mine / La distance entre moi et moi-même », réalisé par Mona Nicoară et Dana Bunescu, et ça m’a beaucoup aidée à comprendre cette artiste, qui faisait l’objet de certains préjugés. J’ai voulu comprendre l’être intime et la profondeur d’esprit de Nina, telle que d’autres ne l’avaient pas vue, telle qu’on peut la voir vers la fin de sa vie, dans ce documentaire. Ce sont des instants de sincérité, quand Nina Cassian enlevait son masque social, quand elle s’était donné la chance de vivre cette histoire d’amour difficile à expliquer avec Marin Preda. »              

     

    Marin Preda et Nina Cassian

     

    Olimpia Melinte a raconté comment la relation amoureuse entre Marin Preda et Nina Cassian a été recréée dans le film : « Nous n’avons pas voulu l’expliquer, parce que dans la vie on n’arrive pas à expliquer. Ou bien on le fait des années plus tard, quand deux personnes se revoient et réussissent à expliquer certaines choses. Concernant nos protagonistes, nous avons essayé de reconstruire leur relation à partir de leurs journaux intimes et nous avons voulu la rendre aussi proche de la réalité que possible. Le travail de nous tous a été colossal, parce que le scénario a été modifié d’innombrables fois, de nouvelles séquences y ont été introduites au fur et à mesure, car monsieur Stere Gulea a travaillé sans arrêt là-dessus. Il nous est arrivé d’apprendre le jour-même du tournage qu’il avait introduit une nouvelle séquence. Par exemple, quand les répétitions avaient commencé, l’histoire d’amour entre Marin Preda et Nina Cassian était secondaire dans le scénario initial. Mais je crois qu’elle a pris du poids avec l’évolution de notre travail et j’en suis très contente car elle a été très importante pour eux deux. »

    Générique final

     

    Outre Olimpia Melinte, l’affiche du film « Moromeții 3 »  inclut les noms de plusieurs acteurs roumains des plus appréciés : Alex Călin, qui a endossé le personnage Niculae Moromete, et Horaţiu Mălăele, qui reprend pour la deuxième fois le rôle Ilie Moromete. La distribution est complétée par Mara Bugarin, Răzvan Vasilescu, Iulian Postelnicu, Cătălin Herlo, Dana Dogaru, Toma Cuzin, Ana Ciontea, Laurențiu Bănescu, Conrad Mericoffer, Ioan Andrei Ionescu, Andreea Bibiri, Ilinca Hărnuț, Dorina Chiriac et Oana Pellea. Cristian Niculescu a créé les décors et Dana Păpăruz les costumes. Vivi Drăgan Vasile est le directeur de la photographie, Alexandra Gulea a signé le montage, Ioan Filip et Dan-Ștefan Rucăreanu le son, et Cristian Lolea la musique du film. Récompensé du prix du public au Festival international du film Transilvania TIFF 2024, « Moromeții 3 » a également été projeté à plusieurs autres festivals nationaux (TIFF Chișinău, Serile Filmului Românesc/Les Soirées du film roumain – Iași, Film în Sat/Film au village – Peștișani, TIFF Timișoara). (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Le documentaire « La mort de Iosif Zagor »

    Le documentaire « La mort de Iosif Zagor »

    « La mort de Iosif Zagor », le premier documentaire réalisé par Adi Dohotaru, récompensé du prix-mention à Astra Film Festival de Sibiu et projeté en ouverture du Festival One World Romania, est aussi un des films roumains les plus émouvants de l’année dernière.

     

    Le documentaire s’est proposé de faire parler les personnes vulnérables

     

    Le documentaire raconte les quatre dernières années de vie du vidéographe Iosif Zagor, qui a documenté sa solitude et sa maladie. Il a parlé de ses peurs nourries par son évacuation forcée de trois endroits lui ayant servi d’abri précaire à l’âge de la vieillesse. Iosif Zagor a filmé des vidéos dans sa chambre pour enregistrer sa propre vie et la vie d’autres personnes vivant dans des logements sociaux. Le logement, qui est le thème principal du documentaire, est abordé à travers la vulnérabilité de l’individu et le contexte problématique de l’accès au logement de plus en plus difficile pour les personnes vulnérables ou marginales.

     

    Le film parle également des évacuations abusives de ces personnes. Le documentaire s’est proposé de faire parler le protagoniste, Iosif Zagor, et de créer un contexte propice à l’auto-présentation des personnes vulnérables, afin que celles-ci racontent leur propre histoire et deviennent visibles, explique Adi Dohotaru : « En 2017, des amis à moi de la société civile m’ont décrit la situation dans laquelle se trouvaient environ cinquante personnes qui risquaient de se faire évacuer de leurs logements. Cela m’a permis de rencontrer Iosif Zagor et ses voisins. Iosif avait une vieille caméra poussiéreuse, à cassette, qu’il n’avait plus utilisée depuis longtemps. Je l’ai prié de filmer sa propre situation et celle de ses voisins, afin de les faire connaître aux autorités et à l’opinion publique. Sauf que nous n’avons pas réussi à éviter l’évacuation ; nous l’avons juste reportée pour qu’elle n’ait pas lieu en hiver. Le documentaire montre comment nous avons gardé le contact avec Iosif Zagor et avec une partie de ses voisins, ce qui a fini par consolider une relation de confiance avec eux. Nous en sommes même devenus amis. Tout ça nous a donné l’idée de réaliser un film qui donne voix à de tels gens vulnérables. »

     

    L’accès au logement – un problème de politique publique

     

    Adi Dohotaru, qui fait ses débuts en tant que réalisateur avec le documentaire « La mort de Iosif Zagor », est un adepte de la méthodologie de l’Action participative et il utilise dans ses projets la technique de l’Anthropologie performative pour mettre en valeur ses collaborateurs. Il écrit aussi des lois et des poèmes, il fait de la recherche civique et environnementale. « En tant que militant, chercheur ou homme politique, j’ai proposé, avec d’autres experts, militants et personnes vulnérables, des politiques publiques qui permettent aux décideurs d’investir des fonds dans des logements sociaux. La moyenne de logements sociaux accessibles est d’un peu moins de 10% sur l’ensemble de l’Union européenne, mais elle est de 1% en Roumanie », a affirmé Adi Dohotaru, le réalisateur du documentaire.

     

    Adi Dohotaru : « En effet, en Roumanie, la situation est encore pire que la moyenne européenne. Un gros problème vient de la privatisation, après 1989, du stock de logements publics. Une politique alternative, d’aide à ces gens, aurait dû préserver un plus grand nombre de logements publics, ce qui aurait donné une chance aux individus vulnérables, aux personnes âgées ou aux femmes qui essaient de sortir de mariages abusifs. De telles politiques publiques seraient venues en aide à un plus grand nombre de catégories de population vulnérables. Mais cela n’a pas été le cas, malheureusement. Après la privatisation des logements publics, d’autres nouveaux n’ont pas été construit, comme cela s’est passé en Occident. Et je voudrais mentionner que cette tendance internationale s’est accentuée ces dernières décennies, le stock de logements publics ayant baissé même en Europe occidentale. Au fond, pourquoi l’Etat s’est-il retiré de ces politiques publiques? Nous avons un Etat néo-libéral, qui n’encourage pas les politiques sociales et environnementales. Or il existe des domaines régulés par l’Etat, et c’est le cas du logement ; faire changer cette réalité est le sujet d’un long débat. En fin de compte, dans mon film, je montre ce que ces personnes sont obligées de vivre, une réalité d’absence ou de présence minimale de l’Etat. Comme je le disais, c’est une situation générale, qu’on ne rencontre pas qu’en Roumanie. Nous vivons dans un contexte très compétitif, très individualiste, du chacun pour soi, et nous n’avons pas le temps nécessaire de raisonner avec les problèmes des autres, puisque nous sommes débordés par nos propres problèmes. Il y a encore beaucoup de travail à faire sur nous à l’échelle individuelle, mais aussi sociétale. Et pour que les choses changent, il faut des mouvements sociaux et politiques qui expriment de tels problèmes. Or, à l’heure où l’on parle, de tels programmes politiques, ciblés sur le niveau de vie général et sur le logement, sont peu nombreux, notamment chez les partis mainstream. »

     

    Le documentaire « La mort de Iosif Zagor » est réalisé par Adi Dohotaru et produit par Monica Lăzurean-Gorgan via la maison de production Filmways, en coproduction avec SOS – Societate Organizată Sustenabil, les coproducteurs étant Adi Dohotaru et Radu Gaciu. Alexandru Popescu a assuré le montage. Le film bénéficie du soutien du Programme de master de film documentaire de la Faculté de théâtre et de cinéma de l’Université « Babeș-Bolyai » de Cluj-Napoca. (Trad. Ileana Ţăroi)

     

  • FILMIKON

    FILMIKON

    La deuxième édition du Festival international du film FILMIKON a présenté une sélection de productions récompensées par des jurys œcuméniques et inter-religieux à une trentaine de festivals du film à travers le monde et les années ; elle a aussi facilité un dialogue sur les valeurs chrétiennes et humaines à partir de ces productions. Si la première édition de FILMIKON a eu lieu à Bucarest en 2024, la deuxième édition a profité d’une scène élargie, ayant inclus les villes de Iași, Cluj-Napoca et Oradea, ainsi que le Vatican, en tant que partie de l’Année jubilaire 2025.

     

    Des films sur des histoires particulières à message universel

     

    Ileana Bârsan, critique de cinéma et directrice de FILMIKON, a souligné les valeurs sur lesquelles reposent les films projetées dans le cadre du festival, expliquant également la signification du Prix du Jury œcuménique, accordé aux longs-métrages présentés en compétition à des festivals internationaux, tels que Berlin ou Cannes.

     

    Ileana Bârsan : « Le nom du prix pourrait faire penser que les films en question ont un lien étroit avec la religion, avec l’église, mais ce n’est pas du tout le cas. Les membres du Jury œcuménique sont des spécialistes désignés par la SIGNIS (World Catholic Association for Communication / L’Association catholique mondiale pour la communication) et par Interfilm (une organisation de cinéma, internationale et interreligieuse). Le prix, lui, est indépendant et récompense les films présentés à des festivals internationaux, qui mettent un accent particulier sur les valeurs humaines et chrétiennes, que nous avons quelque peu perdues en ce début de siècle. Ce sont des films qui tentent de nous faire être plus à l’écoute des autres, que nous abandonnons en cours de route, par manque de temps, d’intérêt, de générosité. Ces films racontent des histoires particulières, au message universel. Or, le festival FILMIKON s’est justement donner pour but de faire projeter pour le public roumain des films récompensés par des jurys attentifs à ces thèmes ou nuances, et de lancer des débats et mêmes des points d’intérêt au-delà des salles de cinéma. Ce qui est important c’est que ces histoires cinématographiques mettent des nuances sur des problèmes et des thèmes graves, présentés d’habitude dans les news. A travers ces films, nous commençons à nous regarder de plus près et à nous interroger sur les actions que nous pouvons mettre en œuvre dans nos communautés, et ainsi de suite. Nous sommes trop petits pour avoir un quelconque contrôle sur ces choses-là ou sur l’action politique en générale, mais nous pouvons contrôler ce qu’il se passe près de nous. »

     

            En 2024, le Festival international du film Transilvania TIFF a créé une Jury œcuménique, dont Ileana Bîrsan avait été un des membres. A l’affiche de la deuxième édition de FILMIKON on trouve entre autres « Frère d’un été » (Summer Brother, réalisé par Joren Molter), qui raconte l’histoire émouvante de deux frères et qui a été récompensé du prix du Jury œcuménique au TIFF 2024), mais aussi l’aventure « Io, Capitano » du réalisateur Matteo Garrone, gagnant du prix SIGNIS à Venise en 2023, une odyssée contemporaine qui surmonte les dangers du désert, les horreurs des centres de détention de Libye et les dangers de la mer.

     

    Les films roumains à l’affiche de FILMIKON

     

    FILMIKON a également présenté plusieurs productions roumaines qui abordent des thèmes actuels ou qui racontent les histoires vraies dot les personnages peuvent servir de modèles à suivre.

     

    Ileana Bârsan, directrice de FILMIKON, ajoute des détails : « ‘Unde merg elefanții / Où vont les éléphants’ est un film roumain réalisé par Gabi Virginia Șarga et Cătălin Rotaru et qui a reçu une Mention spéciale du Jury œcuménique au TIFF 2024. C’est l’histoire d’un enfant autour duquel gravitent des adultes plus dissipés et plus égarés dans leurs propres vies que lui. L’enfant, qui a un problème de santé, est tellement plein d’espoir, tellement serein et dynamique, qu’il réussit à faire changer en quelque sorte la vie des autres autour de lui. Il y a eu aussi à l’affiche le court-métrage ‘Pisica moartă / Le chat mort’ (réalisé par Ana-Maria Comănescu), qui s’est vu attribuer le prix SIGNIS au TIFF 2024. ‘Un munte de iubire / Une montagne d’amour’, autre film roumain projeté à FILMIKON, est une production très récente, de la fin de l’année 2024, réalisée par le prêtre Dan Suciu et dont Bogdan Slăvescu a assuré la direction de la photographie. C’est un film-hommage rendu à un prêtre un peu différent et qui est malheureusement décédé, Florentin Crihălmeanu. Entre 2002 et  2021, il a aussi été l’évêque grec-catholique de Cluj-Gherla. Non seulement il a été très à l’écoute des gens, surtout des jeunes qui le considéraient comme un leader spirituel, mais il était aussi passionné d’alpinisme. Le film raconte donc sa relation avec les gens et avec la montagne. Le dernier film roumain à FILMIKON 2, réalisé en 2019, ‘Le Cardinal’ de Nicolae Mărgineanu, se penche sur la vie de l’évêque Iuliu Hossu. Un cardinal grec-catholique qui a joué un rôle très important dans l’histoire de la Roumanie, un héros de la Grande Union, incarcéré à la prison de Sighet et assigné à résidence par la suite. Un parcours de martyr, malheureusement pas du tout singulier à cette époque-là. »

     

    Le ciné-concert Christus et le film Le Cardinal ont été projetés au Vatican, dans le cadre de l’Année jubilaire 2025, à l’occasion du Jubilée des Communications sociales, qui a eu lieu du 24 au 26 janvier. L’Année jubilaire est une tradition catholique vieille de plus de 700 ans, et qui a lieu toutes les 25 années. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • « Vis. Viață / Le rêve. La vie », un film documentaire de Ruxandra Gubernat

    « Vis. Viață / Le rêve. La vie », un film documentaire de Ruxandra Gubernat

    Réalisé par Ruxandra Gubernat, « Vis. Viață / Le rêve. La vie » est le premier film documentaire roumain qui se propose de présenter les réalités, les aspirations et les défis des jeunes de la Génération Z. La réalisatrice Ruxandra Gubernat, réputée pour sa riche expérience en matière de projets sociaux et cinématographiques frappants, arrive, cette fois-ci, à présenter avec beaucoup d’empathie la manière dont les jeunes se rapportent au monde et relèvent les défis, comment ils se construisent leur identité dans une société en mouvement.

     

    Une étude toute en empathie de la Génération Z

     

    Le tournage, qui a duré quatre ans, a retenu l’évolution des personnages principaux, confrontés à une rude période de transition, y compris les deux années de pandémie, marquées par l’enseignement en ligne et l’isolement des gens.

     

    Invitée à RRI, Ruxandra Gubernat a parlé de son intérêt pour la Génération Z et de la documentation du sujet de son film:

    « Mon parcours s’est déroulé entre la Roumanie et la France, où j’ai habité pendant sept ans, de 2008 à 2015, pour mes études. De retour en Roumanie, je me suis rendu compte que j’avais encore un grand nombre de questions à me poser sur l’option de quitter le pays. Je savais, évidemment, que de très nombreuses personnes quittaient la Roumanie pour différentes raisons, par exemple, économiques, comme à la fin des années 1990 et au début des années 2000. D’autres gens ont choisi de partir après l’adhésion à l’UE, parce qu’il était plus facile à émigrer et à étudier dans un autre pays, comme dans mon cas. Enfin, il y en a eu d’autres qui ont été poussés par un besoin de connaître le monde, et ça c’est une des raisons que j’ai découvertes chez la génération Z. C’est ce qui m’a amenée à m’interroger davantage sur cette génération et ses options, sur le choix de quitter ou de rester en Roumanie. J’ai lu de nombreuses études selon lesquelles environ 80% des jeunes réfléchissaient à la possibilité de quitter la Roumanie, tandis que plus de 25% d’entre eux quittaient effectivement le pays. J’ai commencé ma recherche en allant sur le terrain et en discutant avec les jeunes. Je me suis rendue à Timișoara, Cluj, Bacău, Brașov, Ploiești, București, Târgu Jiu, et j’ai contacté des adolescents très différents les uns des autres, dont un grand nombre me disaient vouloir partir à l’étranger. C’est dans ce contexte que j’ai commencé à tourner mon film. »

     

    Le résultat final d’un tournage de quatre ans

     

    Alors qu’ils imaginent des plans de quitter la Roumanie après le lycée, Una – actrice, Habet – trappeur et Ștefania – activiste écologiste sont tiraillés entre drames personnels et dilemmes sur l’avenir. Le documentaire de Ruxandra Gubernat suit leurs relations avec la famille, l’école et la société.

     

    Ruxandra Gubernat raconte sur RRI comment elle avait choisi les trois adolescents, devenus les héros de son film : « Comme je le disais déjà, je suis allée à plusieurs endroits du pays pour apprendre le plus possible sur la vie d’un adolescent. Certains de la sélection initiale ont abandonné parce qu’ils ne se sentaient pas capables de s’impliquer dans un processus longue durée. Moi-même, j’ai renoncé à d’autres, mais on a construit une relation spéciale avec Habet, Una et Ștefania et on a réussi à porter un processus qui s’est avéré très important pour eux. Je les ai rencontrés quand ils avaient 16 ans et nous avons fini le tournage quand ils avaient déjà 20 ans, c’est-à-dire que nous avons traversé ensemble toute leur adolescence. J’ai également eu l’impression que la caméra les aimait, ensemble et séparément. Qu’ils sont le mix parfait pour illustrer ce que c’est que répondre aux pressions sociales, à l’intérêt pour l’environnement et à tout ce qu’il se passe en général autour d’eux, autour de nous. Ils sont tous les trois des individus très actifs et en même temps très différents les uns des autres. Ștefania, par exemple, était à la tête des manifs « Fridays for Future » en Roumanie, quand ce mouvement s’était globalisé et j’ai trouvé ça très intéressant. Habet faisait de la musique trappe et du théâtre social dans le quartier de Ferentari, à Bucarest, tandis qu’Una et ses camarades de lycée passionnés de théâtre montaient une pièce sur le départ de Roumanie. A travers leurs activités, ils touchaient simultanément à des thèmes et des défis aussi bien locaux que généraux. Ils parlaient d’immigration, de classe, de tous les problèmes que nous avons en tant que société, mais aussi de leurs problèmes à eux. En plus, ce qui a aussi beaucoup compté a été la relation d’une grande sincérité que j’ai réussi à créer avec chacun d’entre eux ; c’est ce qui nous a beaucoup rapprochés les uns des autres. En fin de compte, ce film est le résultat d’un processus de quatre ans et il faut être sincère avec ses propres attentes et avec celles des autres. Si non, il serait impossible de faire quoi que ce soit et ça n’aurait pas produit une histoire authentique. »

     

    « Vis. Viață / Le rêve. La vie », le documentaire de Ruxandra Gubernat s’est retrouvé dans les sélections officielles du Festival international du Film documentaire et des Droits de l’homme One World Romania, du Festival international du film documentaire Astra Film et du Festival international du Film documentaire pour le Changement social Moldox. Chercheuse et réalisatrice, Ruxandra Gubernat a également coréalisé en 2018  « Portavoce », un documentaire moyen-métrage de type collage sur les vagues de protestations des quinze dernières années en Roumanie. Ce film a été nommé au prix du meilleur documentaire roumain au festival Astra Film de la même année et il a été projeté à plusieurs autres festivals nationaux et internationaux. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • “Clara”, un drame social

    “Clara”, un drame social

    Un film impactant

     

    Un nouveau film roumain impactant et consacré à un sujet majeur et nécessaire, vient de sortir en salles à travers le pays. « Clara », un long-métrage du réalisateur Sabin Dorohoi, s’inspire du vécu des millions de Roumains, partis à l’étranger à la recherche d’une vie meilleure pour leurs familles. C’est pour la première fois qu’un long-métrage roumain aborde le sujet de l’émigration sous l’angle de la problématique sociale représentée par les enfants que les parents laissent en Roumanie et qui sont élevés par les grands-parents ou autres membres de leurs familles respectives.

     

    Le film raconte l’histoire de Clara, une enseignante qui s’occupe de la fillette et de la maison d’une famille en Allemagne, ressemblant ainsi à d’autres millions de femmes roumaines qui travaillent à l’étranger pour nourrir leurs familles restées au pays. Quand son fils, qui vit chez le grand-père, s’enfuit de la maison pour aller la chercher, Clara revient dans son village natal de Roumanie, où elle doit affronter son échec en tant que mère et tenter de récupérer la confiance de son fils.

     

    Sabin Dorohoi : « Le sujet du film est né il y a très longtemps. J’ai eu cette idée en 2012, environ, lorsque l’émigration était très forte et j’avais remarqué qu’elle était en train de gagner aussi dans les régions du nord de la Roumanie. C’était à la même époque que j’avais lu dans la presse une info sur un petit garçon qui s’était suicidé parce que ses parents lui manquaient. Cette info terrible m’a énormément touché et j’ai pensé que ça méritait d’en faire un film. Et c’est comme ça qu’il y a eu le court-métrage « Calea Dunării / La route du Danube », sortie en 2013. Après, j’ai ressenti le besoin de développer l’histoire et ça a mené au scénario du long-métrage, écrit par Ruxandra Ghițescu. »

     

    De nombreux prix

     

    « Clara » a eu sa première projection mondiale au Festival international du film de Cottbus, en 2023, où la production a été récompensée du prix du public. D’autres prix, nominations, chroniques positives et accueils chaleureux s’y sont ensuite ajoutés à des festivals internationaux tels que celui de Kolkata, en Indie, le South East European Film Festival de Los Angeles, l’Internationales Donaufest Ulm/Neu-Ulm, le Ceau Cinema de Timișoara, les Soirées du film roumain à Iasi et le BIFF (Bucharest International Film Festival).

     

     

    Dan Burlac, un des producteurs du film « Clara », explique : « C’est un film qui exprime un problème important. Mais nous ne nous sommes jamais proposé d’attrister les gens avec l’histoire de Clara ni d’en tirer des larmes. Notre but a été de nous pencher sur un problème important et qui a gagner de l’importance partout dans le monde, pas qu’en Roumanie ou en Europe. La preuve est la réaction du public lors de la projection en Inde, quand un millier de spectateurs ont montré énormément d’empathie, percevant le film comme une expérience personnelle. C’est pourquoi je dis que l’histoire de Clara n’est pas liée à un certain endroit, elle exprime l’histoire de tous ceux qui vivent une situation similaire en Amérique latine, en Europe ou en Inde, et qui sont forcés par un certain contexte de partir loin de chez eux. Je crois que la très grande qualité de ce film découle avant tout de son honnêteté et de son traitement en finesse d’un sujet important. Nous avons voulu provoquer le plus grand nombre de réactions pour trouver des solutions à un problème qui nous concerne tous. Car ce problème de la migration concerne l’ensemble de la société que nous essayons de construire, puisqu’il s’agit de la génération future qui construira la Roumanie. Ce problème nous concerne tous – parents, grands-parents, enfants ; c’est un problème important pour toute la communauté. C’est un sujet qui ne touche pas qu’une seule couche de la société. C’est notre problème à nous tous. »        

                   

    Un film itinérant

     

    Après la projection de gala à Bucarest, l’équipe du film est allée en tournée à travers le pays, pour participer à des séances de projection spéciales lors desquelles les membres de la production et les acteurs ont répondu aux questions du public. Certaines rencontres ont également bénéficié de la présence d’experts en pédagogie et en psychologie, grâce à un partenariat entre l’équipe du film et l’organisation « Sauvez les enfants », qui soutient le débat sociétal initié par la sortie en salles de « Clara ».

     

    Sabin Dorohoi explique : « Lors de la projection que nous avons eue à Timișoara, j’ai été très ému car j’étais pratiquement revenu chez moi. Vous le savez déjà, la majorité des acteurs est originaire de Timișoara et plus généralement de la région du Banat, à l’exception d’Ovidiu Crișan, le père de Clara et le grand-père d’Ionuț dans le film, qui lui est de Cluj. Lors de la séance de projection à Timișoara, la salle a été comble, ce qui nous a énormément réjouis, tous comme nous ont aussi réjouis les réactions des spectateurs et leurs questions très pertinentes. Mais les questions les plus intéressantes et même les disputes et les débats constructifs, nous les avons eus à Iași. Ce qui n’est pas un hasard, la Moldavie étant la région la plus touchée par l’émigration en Roumanie. Cela a été visible aussi bien dans le grand nombre de spectateurs que dans les échanges très intéressants. »

     

    Ruxandra Ghițescu a écrit le scénario du film « Clara », Lulu de Hillerin en est le directeur de la photographie, les décors sont signés par Anca Miron Sonia Constantinescu, Mircea Lăcătuș a assuré le montage, tandis que la musique a été composée par Eduard Dabrowski. Les principaux personnages sont interprétés par Olga Török (Clara), Ovidiu Crișan (Nicolae), Luca Puia (Ionuț) Elina Leitl (Johanna). (Trad. Ileana Ţăroi)

     

     

     

     

  • « L’Univers de la restauration-conservation de la céramique »

    « L’Univers de la restauration-conservation de la céramique »

    Le Musée municipal Bucarest (MMB) a récemment présenté au public l’exposition « L’Univers de la restauration-conservation de la céramique ». Ouverte au Palais Suţu, siège central du musée, cette exposition met en lumière le côté moins visible des objets en céramique, créés par des maîtres potiers pour remplir certaines fonctions quotidiennes, mais aussi pour entamer, de par leurs formes, textures et décorations, un dialogue spirituel avec ceux qui les regardent ; ces objets ont la capacité de charmer les regards et les esprits, d’y éveiller des réactions d’attachement. Mais le temps qui passe laisse son empreinte sur leur aspect et sur leur intégrité. Et c’est là que le restaurateur-conservateur intervient pour redonner aux objets leur forme initiale, avant de les présenter au public.

     

    Les défis de la restauration d’objets d’art

     

    Mihaela Ciobanu, commissaire de l’exposition et experte en restauration d’objets d’art, explique les défis impliqués par cette activité :  « Un restaurateur d’objets d’art se heurte à ces défis dès l’arrivée de ces objets au laboratoire, à commencer par la première étape, celle de la recherche. Chaque objet en céramique a besoin d’une approche unique, qui prenne en compte la détérioration apportée par le passage du temps. »

    Autrement dit, le restaurateur assume la grande responsabilité d’appliquer des procédures adaptées afin de conserver les objets en céramique, fait savoir Mihaela Ciobanu. Il  s’appuie sur son talent et sa patience, sur son éthique professionnelle aussi pour effacer les effets de l’action destructrice de la nature ou de l’homme sur un objet, afin de lui redonner la forme, la couleur et l’aspect d’origine, précise la commissaire de l’exposition « L’Univers de la restauration-conservation de la céramique ».

     

    La restauration d’objets d’art, un travail délicat et méticuleux

     

    Pour nous aider à mieux comprendre l’essentiel de l’activité de restauration de la céramique, l’experte restauratrice Mihaela Ciobanu résume les étapes de ce travail de fourmi, délicat et méticuleux :  « Le premier pas à faire par tout restaurateur est l’étude de la fabrication de l’argile. A travers l’histoire, le travail de l’argile a évolué du modelage manuel, à l’utilisation du tour de potier et jusqu’aux techniques industrielles de réalisation des objets en céramique. En étudiant la qualité et la composition de l’argile, la technologie de moulage ou de coulage et le processus de cuisson, le restaurateur peut choisir les méthodes de traitement, les matériaux et les substances à utiliser dans le processus de restauration de la céramique étudiée. Les facteurs ayant contribué à la dégradation de la céramique sont déterminés à travers plusieurs types d’investigation. Les investigations chimiques, par exemple, mettent en évidence la nature des dépôts de substances qui menacent l’intégrité d’un objet. Le restaurateur étudie ces analyses et les investigations physiques micro ou macroscopiques, il détermine ensuite l’état de conservation de l’objet et il pose un diagnostic. La restauration repose donc sur la recherche, les principes et les méthodologies scientifiques applicables à toutes les catégories de biens culturels. On commence avec des traitements chimiques d’élimination des dépôts de matières, suivis par l’identification des objets, en cas d’état fragmentaire de ceux-ci ; pour recoller les morceaux nous utilisons des substances adhésives spécifiques pour la pâte céramique ; nous complétons les zones lacunaires avec des matériaux compatibles et nous réalisons des intégrations chromatiques sur les zones complétées, ainsi que la conservation finale. Le restaurateur a l’importante responsabilité de connaître ce qu’il faut utiliser dans le processus de restauration d’art et d’adopter le meilleur traitement pour chaque cas. »

     

    L’exposition « L’Univers de la restauration de la céramique », ouverte au MMB, met en évidence le but de l’activité de restauration, qui est celui de préserver le plus longtemps possible des témoignages palpables pour les générations futures, affirme la commissaire de l’exposition Mihaela Ciobanu. Le public est invité à suivre le voyage d’un objet depuis sa découverte jusqu’aux vitrines des musées et à connaître les défis rencontrés par les restaurateurs d’art, confrontés à l’action impitoyable du temps.  (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Bianca Boeroiu reçoit l’Emmy Award 2023 pour le meilleur maquillage contemporain

    Bianca Boeroiu reçoit l’Emmy Award 2023 pour le meilleur maquillage contemporain

    Bianca Boeroiu, une des maquilleurs professionnels roumains les plus connus, a remporté l’Emmy Award 2023 pour le meilleur maquillage contemporain (non-prothétique) pour son travail dans la série télévisée « Wednesday », réalisée par le réalisateur britannique Tim Burton, produite par Netflix et tournée en Roumanie avec la participation de plusieurs artistes et techniciens locaux.

    Une carrière aux accents roumains et étrangers

    Bianca Boeroiu a déjà collaboré à la réalisation de nombreuses pubs et vidéos, elle a aussi travaillé avec des acteurs célèbres tels que Samuel L. Jackson, Michael Keaton ou encore John Malkovich. En Roumanie, elle a déjà remporté trois prix GOPO du cinéma national et neuf nominations pour sa contribution à des productions telles que « Eu când vreau să fluier, fluier / Moi, quand je veux siffler, je siffle »,  « Loverboy », « Un pas în urma serafimilor / Un pas derrière les séraphins », « Funeralii fericite / Heureuses obsèques », « Aferim ! », « Câmp de maci / Un champ de coquelicots » ou bien « Nu aștepta prea mult de la sfârșitul lumii / N’attends pas trop de la fin du monde ». Bianca Boeroiu a expliqué son parcours jusqu’à la réalisation de la série « Wednesday / Mercredi »  et les démarches de documentation du maquillage :

     

    « Ma collaboration avec Tim Burton est le résultat d’un entretien d’embauche avec le designer du projet. C’est ce qui m’a amenée à rejoindre l’équipe anglo-roumaine chargée de réaliser le maquillage des acteurs. Moi, j’ai maquillé plusieurs personnages, la plupart des collègues de Wednesday, notamment ceux de la Nevermore Academy. J’ai aussi réalisé le maquillage du maire de la ville ainsi que celui du personnage très important qu’était  Eugene, un des étudiants les plus bizarre de l’Académie Nevermore et président du club d’apiculture de l’école. En fait, j’ai maquillé la quasi-totalité des personnages de la série, à l’exception, bien-sûr, des acteurs-vedettes, dont s’est occupé le designer du projet, et de la protagoniste, Jenna Ortega, qui a eu son propre maquilleur. Concernant la documentation d’un tel projet, le réalisateur a déjà une vision des personnages, et puis, nous lisons aussi le scénario et nous participons à des séances de production et à des tests. Certes, un film d’époque est un défi supplémentaire pour nous, mais le maquillage est tout aussi important dans un film contemporain. Dans le cas précis de la série « Wednesday », le réalisateur Tim Burton et le designer avaient déjà pas mal ébauché les personnages, mais nous avons eu, nous aussi, notre contribution. »

     

    Prix Emmy et premier voyage outre-Atlantique

    Au début de cette année, Bianca Boeroiu a assisté à la cérémonie des prix Emmy.

    « J’ai réussi à y aller et je suis heureuse de l’avoir fait. C’était une expérience extraordinaire et j’espère avoir l’occasion d’assister à d’autres événements comme celui-là. Grâce à ce prix, j’ai pu voyager pour la première fois aux Etats-Unis, à Los Angeles, un voyage fascinant ! J’y ai passé une petite semaine, ce qui m’a permis de rencontrer des amis et collègues maquilleurs avec lesquels j’ai collaboré sur d’autres projets en Roumanie. Une expérience émouvante et intense ; je n’oublierai jamais le moment où les présentateurs ont dit le nom de la série – « Wednesday » – sur scène, parce que le résultat n’est pas connu à l’avance, comme pour les Prix Gopo du cinéma roumain, c’est en ouvrant l’enveloppe que l’on découvre le nom du gagnant. Et c’est vrai que ce prix fait grimper la cote du gagnant dans le métier. Moi, j’ai déjà travaillé sur des productions internationales, européennes pour la plupart, j’ai aussi eu une collaboration avec Disney et je suis ouverte à de telles propositions. »

     

    Maquillage professionnel et classe de céramique

    Bianca Boeroiu enseigne l’art de la céramique depuis plus de vingt ans au Palais National des Enfants de Bucarest et actuellement elle est en train de créer un set de matériel didactique pour son cours :

    « J’ai fait des études à l’Université Nationale des Beaux-Arts de Bucarest, la section Céramique – Arts décoratifs. J’ai commencé à enseigner tout de suite après avoir eu mon diplôme et j’adore mon poste au Palais National des Enfants, je n’y renoncerais jamais, quel que soit le nombre d’offres de travail en tant que maquilleuse. J’aime énormément enseigner, les enfants transmettent une énergie extraordinaire et c’est très satisfaisant. Le maquillage m’a attirée depuis toute petite et c’est une amie qui m’a suggéré de suivre une formation dans cette direction. Au début, j’avoue que j’ai été un peu sceptique, je ne savais même pas qu’une telle section existait à l’Université des Beaux-Arts. Après cette découverte, les choses se sont enchaînées sans difficulté, autrement dit j’ai travaillé avec beaucoup de plaisir et d’enthousiasme et tout s’est bien coagulé. Depuis, je me suis impliquée dans ce genre de projets quasiment sans interruption, des projets roumains dans un premier temps, et ensuite aussi des collaborations internationales. »

     

    Bianca Boeroiu est membre  de l’Union des artistes plasticiens de Roumanie, récompensée du Prix du meilleur début dans l’art de la céramique à la Biennale des Arts du feu. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • The Breakup/ La rupture, un spectacle pas comme les autres

    The Breakup/ La rupture, un spectacle pas comme les autres

    Après la République tchèque et la Slovaquie, “The Breakup” arrive à Bucarest

     

    « The Breakup » (La Rupture/Despărțirea) est une performance affective construite sur une lecture moderne des ruptures romantiques, un spectacle dont la première nationale a eu lieu à la Galerie Mobius de Bucarest, après des évolutions en République tchèque et en Slovaquie. La performance est réalisée par un groupe d’artistes européens, coordonnés par la metteur en scène Ioana Păun, qui privilégie pour son travail artistique le comportement humain dans des situations provocantes.

     

    C’est donc Ioana Paun qui a présenté l’équipe de réalisateurs du spectacle:

    « L’équipe a initialement été composée d’artistes de Slovaquie et moi, j’ai tourné un pilote entièrement différent de ce que l’on peut voir actuellement en Roumanie. En février, c’était ultra hyper interactif. Pratiquement, deux spectateurs, qui ne se connaissaient pas, interagissaient selon des indications que nous leur avions données. Mais je n’en ai pas aimé le résultat et je me suis donc retournée vers des expressions disons plus sûres, performatives. Je voulais employer un langage émotionnel pour parler au public de ce que « la rupture, la séparation » signifie pour chacun de nous … Le noyau de l’équipe de Bratislava c’était moi et le scénographe Matěj Sýkora. Et nous échangions des idées, une espèce de ping-pong avec des idées. « Comment pourrions-nous » ou  « comment pourrais-je » représenter ou provoquer les spectateurs à ressentir le sentiment le plus proche d’une rupture amoureuse? Et il y avait une seule chose qui m’intéressait, mettre le public dans la situation où deux personnes s’embrassent et se découvrent pour la première fois. Une sorte de « first kiss » que nous avons tous vécu, et puis d’autres telles actions pour continuer ce périple émotionnel. »

     

    Une expérience discrète, mais intense

     

    « The Breakup » est une expérience discrète, mais intense, créée pour provoquer une réflexion sur la façon dont nous avons vécu nos relations de couple.

    Ioana Păun ajoute : « C’était un sujet qui m’intéressait parce qu’il ne m’était facile de le gérer. Je veux dire le départ de quelqu’un de ta vie ou ton départ de la vie de quelqu’un d’autre, la fin d’une relation romantique, bien-sûr, mais non seulement. »

     

    La réalisatrice Ioana Păun et son équipe explorent un territoire où les frontières entre le sentiment et le progrès technologique sont de plus en plus floues.

     

    Quel accueil le public a-t-il réservé à cette performance ? Ioana Păun répond à cette question:

    « Concernant l’accueil, il est impossible de savoir ce que ressent chaque individu, même si on en parle. Quel accueil ? Je te le dirai. En Slovaquie, nous avons tourné à Bratislava et dans plusieurs autres villes plus petites ; il y en avait des jeunes, des moins jeunes, des Millenials. Les jeunes étaient pleins de fougue et captivés par l’idée et le désir .d’exprimer et d’analyser en profondeur leurs expériences personnelles. C’est ma lecture des réponses reçues. Le public interagit deux fois. Donc, ce public jeune, âgés de 18, 25, 26 ans, j’ai vu une joie de sonder des recherches, des expériences émotionnelles auxquelles ils peuvent être confrontés super souvent, d’une manière culturelle, me semble-t-il. »

     

    Le public, invité à interagir en ligne

     

    Le spectacle offre au public deux codes QR à travers lesquels il peut se connecter et interagir. La réalisatrice Ioana Păun explique:

     « Oui, c’est une sorte de lien reçu par téléphone. Ta réponse est ensuite intégrée, d’une manière ou d’une autre, dans le spectacle ou bien elle est exprimée publiquement, bien qu’anonyme. Le public est peu nombreux, une dizaine de personnes ; nous avons eu des spectacles avec quatre personnes ou dix-sept personnes. Ça fonctionne mieux avec dix personnes. Un genre de communauté se crée ainsi et à plusieurs reprises, le public fait ou vient compléter ou dire des choses, ou bien il nous fait entièrement confiance. C’est un spectacle très simple, aucun chichi, et les réactions ont été différentes d’un spectacle à un autre. Des fois, les spectateurs étaient extrêmement impliqués, en fonction de ce qu’ils ressentaient. Les actrices captent les vibrations venues de la part du public, mais elles ne modifient pas le tempo, ni leurs actions en fonction de la disponibilité, de l’intérêt, de l’implication ou de l’ennui ressentis par le public. Il m’est donc très difficile de répondre à cette question sur l’accueil. ».  (Trad. Ileana Ţăroi)

     

     

  • « Anul Nou care n-a fost/ Ce Nouvel An qui n’est jamais arrivé »

    « Anul Nou care n-a fost/ Ce Nouvel An qui n’est jamais arrivé »

    Un film récompensé de prix à travers le monde

     

     « Anul nou care n-a fost » est le premier long-métrage de début roumain à avoir remporté quatre prix au Festival international du film de Venise (dont le prix du meilleur film dans la section Orizzonti, le prix FIPRESCI du meilleur film, attribué par le jury de la Fédération internationale des critiques de film, le prix Bisato d’Oro 2024 du meilleur scénario ; il s’est également situé en tête du box-office durant plusieurs semaines après sa sortie dans les salles obscures de Roumanie, devant d’autres productions importantes. Après la première projection mondiale à La Mostra de Venise, la production a pu être présentée à d’autres événements à travers l’Italie. « Anul Nou care n-a fost » a récemment eu aussi sa première projection aux Etats-Unis et en Allemagne, étant en plus sélectionné par les organisateurs du Festival international de Zürich.

     

    Deux films sur l’époque d’avant 1989

     

    Le long-métrage de fiction « Anul Nou care n-a fost » vient compléter l’histoire racontée dans le court-métrage « Cadoul de Crăciun/Le cadeau de Noël », une des productions roumaines les plus appréciées, présente dans 200 sélections internationales et gagnante de 72 prix. Récompensé du prix du meilleur court-métrage européen, accordé par l’Académie européenne du cinéma en 2019, du prix Gopo du meilleur court-métrage en 2019 et des trophées pour le meilleur court-métrage à Berlin, Clermont-Ferrand, Cottbus et au TIFF, le court-métrage réalisé par Bogdan Mureșanu bénéficie du travail des acteurs Adrian Văncică, Ioana Flora et Luca Toma.

     

    Le 20 décembre 1989

     

    L’histoire du film se déroule le 20 décembre 1989 au soir, peu de temps avant la chute de la dictature de Nicolae Ceausescu lorsque Marius, un enfant de 9 ans, dévoile à ses parents le contenu de la lettre qu’il avait envoyée à « Moș Gerilă/ Grand-père Gel», et les deux adultes comprennent que le texte incluait un message très dangereux pour la sécurité de toute la famille.

     

    Bogdan Mureșanu explique pourquoi il a choisi de continuer « Cadoul de Crăciun », en l’intégrant dans le récit à plusieurs volets de « Anul Nou care n-a fost » :

    « J’ai toujours eu le sentiment que ce court-métrage n’était qu’un fragment d’un récit plus complexe. Il y a six ans, quand je tournais avec Adrian Văncică, on pensait, tous les deux, que l’histoire faisait partie d’une narration plus longue, et puis de toute façon, moi, j’avais un tas d’histoires dans ma tête. Le projet « Anul Nou care n-a fost » n’a pas commencé avec « Cadoul de Crăciun », mais avec l’histoire de la démolition du Quartier Uranus. Je voulais réaliser un long-métrage sur cette démolition décidée par Nicolae Ceaușescu dans les années 1980, un projet que j’ai toujours remis à plus tard parce que je ne savais pas comment le filmer ; de toute évidence, Bucarest a énormément changé depuis ces temps-là et il était très difficile de trouver des lieux de tournage. Concernant « Cadoul de Crăciun », j’ai filmé cette petite histoire plutôt pour tester les réactions des autres et j’ai été très surpris par le succès de public, car, à mes yeux, il n’était qu’un fragment de quelque chose de plus ample. Après avoir écrit le scénario, il m’a fallu du temps pour arriver à ce type de narration à volets multiples, dans laquelle les personnages se croisent sans que leur rencontre produise des effets. Un critique de cinéma a dit que les personnages étaient des îles qui pourraient former un archipel. Ensuite, puisque je débutais tellement tardivement dans la réalisation de long-métrage, j’ai voulu compliquer un peu plus la production et les deux années de pandémie m’ont donné le temps de le faire. J’ai eu tout un chantier dans ma tête pendant presqu’une année entière, j’ai écrit deux scénarios complètement différents, deux films en fait, et j’ai fini par choisir celui-ci. L’écriture a peut-être un parfum légèrement américain, mais elle me semble suffisamment contemporaine, vu le succès auprès du public et de la critique. »

     

    Une maison démolie

     

    Dans le film « Anul Nou care n-a fost », l’actrice Emilia Dobrin, connue pour avoir interprété une trentaine de rôles dans des productions de cinéma et de télévision roumaines, prête son visage à Margareta Dincă, un des personnages principaux du long-métrage. La maison de Margareta Dincă, qui se trouve dans le quartier Uranus de Bucarest, sera démolie pour laisser la place à des immeubles à étages, les fameux blocs. C’est une des dernières maisons pavillonnaires encore debout et Margareta, sa propriétaire, doit l’abandonner peu avant la Révolution de décembre 1989.

     

    Une époque marquée par la souffrance

     

    Emilia Dobrin, qui est également une actrice de théâtre très appréciée, a parlé sur RRI de sa collaboration avec le réalisateur Bogdan Mureșanu et du rôle qu’elle joue dans « Anul Nou care n-a fost » :

    « Ma rencontre avec le réalisateur Bogdan Mureșan a été extraordinaire, la connexion entre nous a été immédiate, une très belle compatibilité et c’est comme ça que j’ai fini par interpréter cet émouvant personnage du film. Pour moi, l’époque abordée dans le film n’a rien perdu de sa charge de souffrance, elle est très douloureuse. Mon frère et moi avons été très marqués par les injustices que nous avons vécues pendant le régime communiste. Nous étions originaires de la petite bourgade de Vălenii de Munte et on nous a supprimé les bourses d’études et les places dans les foyers d’étudiants à cause de notre origine sociale malsaine, – comme on disait à l’époque. Or, nos parents n’avaient pas les moyens de nous aider, car les temps étaient très rudes. Mon frère et moi avons été très marqués par cette injustice, que nous n’avons pas oubliée. Je ne veux me vanter, mais j’ai refusé d’adhérer à l’Union de la Jeunesse communiste et d’entrer dans ce système de yes men, comme j’appelais les adhérents du parti de l’époque. »

     

    Adrian Văncică, Iulian Postelnicu, Mihai Călin, Nicoleta Hâncu, Andrei Miercure, Manuela Hărăbor, Ioana Flora et Ada Galeş font également partie de la distribution du film « Anul Nou care n-a fost ». (Trad. Ileana Ţăroi)

     

  • Le Festival National de Théâtre

    Le Festival National de Théâtre

    Placée sous le signe des « Dramaturgies du possible », l’édition a été coordonnée par le trio Mihaela Michailov – Calia Ciobotari – Ionut Sociu. L’affiche festivalier inclut les trente-et-un spectacles sélectionnés à travers le pays, parmi les créations contemporaines roumaines les plus représentatives, ainsi que trois installations performatives visuelles, une douzaine de spectacles de théâtre indépendant. dix spectacles éducationnels, cinq conférences – débats, ateliers professionnels, modules dédiés à des artistes consacrés, lancements de livres, spectaces de théâtre radiophonique, et enfin un riche événement-partenaire – la Biennale de Scénographie.

     

    La participation du Forum culturel autrichien

     

    Le Forum culturel autrichien et ses partenaires ont répondu à l’invitation lancée par les organisateurs du Festival national de théâtre et l’Union théâtrale de Roumanie UNITER en offrant au public un programme offline et online complexe, composé de nouvelles approches du thème de la 34eme édition du FNT. Andrei Popov, directeur adjoint du Forum culturel autrichien, explique ce que l’exposition « Doar viorile au ramas/ Seules les violons sont restés – Alma si/et Amold Rosé », le projet VR HUMAN VIOLINS PRELUDE, écrit et mis en scène par Joana Mischie, le spectacle UNION PLACE – O SCURTA TRILOGIE/UNE BREVE TRILOGIE, le spectacle performance HOLY HYDRA @ TIM/SOARA et les deux débats consacrés aux projets performatifs, ont comme élément en partage.

     

    « La contribution du Forum culturel autrichien au Festival national de théâtre s’est amplifiée d’une édition à l’autre et notre programme pour cette année est extrêmement complexe. Toutes les productions, que nous avons proposées, ont en commun une approche contemporaine, innovante et socialement très impliquée, de faire de l’art performatif, du spectacle ou du théâtre, et, pas en demier lieu, cette approche veut aussi dire réalité virtuelle, car elle fait partie des modalités dont nous avons abordé les arts du spectacle. Notre collaboration avec le Festival national de théâtre a toujours tenu compte du thème choisi par les organisateurs. Cette année, nous avons donc voulu répondre au thème « Dramaturgies du possible » proposé par les trois commissaires – Mihaela Michailov. Calin Ciobotari et lenut Sociu. Nous avons surtout été attirés par l’ouverture à l’interdisciplinarité, mais aussi par la manière dont la dramaturgie devient l’élément décisif du spectacle De plus, nous avons voulu mettre en évidence le dialogue entre les artistes roumains et autrichiens dans le domaine des arts du spectacle, qui est le terrain d’une trés forte collaboration. Compte tenu de la visibilité du festival, c’était notre souhait de montrer publiquement le haut degré de créativité et l’évolution croissante du dialogue entre /’Autriche et la Roumanie dans ce domaine du théâtre et des arts du spectacle. »

     

    Expériences en réalité virtuelle

     

    Le projet de l’artiste loana Mischie « Human Violins: Prelude (Multi-Users Version) » présenté au Festival national de théâtre, a eu la première mondiale cette année au Festival de Cannes, dans la nouvelle Compétition immersive (Immersive Competition), ouverte aux projets de la zone de réalité virtuelle. « Human Violins: Prelude (Multi-Users Version) » est une expérience RV (réalité virtuelle) élargie, inspirée par une histoire vraie, qui nous invite à une réflexion sur la préservation de l’héritage humain le plus créatif à travers les générations. Les spectateurs se voient raconter l’histoire fictive d’Alma, amoureuse du violon, ce qui leur offre la chance de jouer de l’instrument et de prolonger l’héritage de sa musique. Loana Mischie explique.

     

    « Notre projet a été la première coproduction Roumanie – France dans la domaine de la RV et nous espérons que notre présence à Cannes soit également une invitation ouverte aux décideurs de la culture d’investir dans ce domaine, qui est une merveille absolue et qui pourrait se convertir en une marque nationale. Car la Roumanie a des artistes pleins de talent, une communauté technologique très avancée et une infrastructure technologique très avancée. Nous pourrions donc atteindre l’excellence dans ce domaine, à condition d’y investir ce qu’il en faut. Nous avons été heureux de constater que c’est une forme d’art reconnue et célébrée, ainsi que de rencontrer à notre tour de possibles investisseurs dans ce domaine. Nous espérons donc que ce ne soit qu’un début et que les bonnes nouvelles ne s’arrêtent pas. Il est vrai aussi que ce début arrive au bout de douze années de travail dans ce domaine, c’est la raison pour laquelle nous espérons mettre à profit notre expérience, tout en continuant à la développer. »

     

    Le Festival national de théâtre (FNT) a également proposé au public le module des « Spectacles-lecture » qui a utilisé des formules dramaturgiques variées, en accord avec les changements en cours dans le monde actuel, les textes débattus provenant d’Allemagne, d’Espagne, du Portugal et de Roumanie. (Trad. Ileana Tároi)

  • « Colorants naturels. Entre la recherche scientifique et l’art contemporain »

    « Colorants naturels. Entre la recherche scientifique et l’art contemporain »

    Colorants et art – quelle relation ?

     

    Le Musée national d’histoire de la Roumanie (MNIR) invite son public à une nouvelle exposition, inaugurée en septembre dernier. Intitulée « Coloranți naturali. De la cercetare științifică muzeală la artă contemporană / Colorants naturels. Entre la recherche scientifique et l’art contemporain », cette exposition se propose de mettre en lumière les résultats du travail des scientifiques sur les colorants naturels, ainsi que les modalités dont ces substances constituent une ressource dans l’art contemporain et créent une connexion entre les tissus contemporains et traditionnels par le biais des colorants.

     

    Mettre en valeur les résultats des recherches

     

    L’objectif de l’exposition est également de mettre en valeur les résultats des recherches interdisciplinaires, en facilitant l’accès du grand public aux informations produites par ces recherches.

     

    Irina Petroviciu, chercheuse en chimie et une des commissaires de l’exposition ouverte au MNIR, explique le concept à l’origine de cet événement:

    « A travers les colorants naturels, nous essayons de connecter les pièces textiles du patrimoine muséal avec les textiles traditionnels et les contemporains, mettant d’une certaine manière les résultats de la recherche scientifique à la disposition du grand public. Les colorants naturels constituent la pièce principale, le principal concept de l’exposition, tout est construit autour d’eux. En tant que chercheuse en chimie, j’étudie le patrimoine textile roumain à travers l’analyse des colorants. Je m’appuie sur le fait que les colorants naturels avaient été utilisés pour toutes les pièces textiles, entrées dans les musées jusqu’à la fin du XIXème siècle, lors de l’apparition des colorants de synthèse. Extraits de plantes, d’insectes, de champignons, de mollusques et de lichens, les colorants naturels ont d’abord été utilisés localement. Plus tard, certains d’entre eux ont commencé à être commercialisés, en fonction de différents événements historiques ou découvertes géographiques. »

     

    Des colorants à base de plantes

     

    Irina Petroviciu ajoute des détails sur la partie scientifique de l’exposition « Colorants naturels. Entre la recherche scientifique et l’art contemporain », ouverte au MNIR :

    « Les techniques d’analyse actuelles nous permettent d’identifier les colorants naturels et leur source biologique, ce qui peut contribuer à placer les pièces historiques dans un contexte précis. Dans cette exposition nous présentons des colorants naturels et leurs caractéristiques de structure, de méthodologie de teinture, qui est évidemment liée à la structure. Dans les textiles muséaux, il existe des colorants plus ou moins stables sous l’action des facteurs environnementaux. On peut y voir les plus stables d’entre eux, mais aussi des tissus teints avec ces colorants naturels. On y a ajouté des informations sur des colorants extraits de plantes que nous rencontrons quotidiennement, des plantes appelées invasives. Ce sont des plantes du jardin, par exemple, qui, en plus d’embellir nos espaces de vie, serviraient aussi à teindre des pièces textiles. Et puis, il y a aussi des colorants obtenus de déchets de cuisine : noyau d’avocat, fruits des bois, zestes de grenade, pelures d’oignon, très connues d’ailleurs, et tant d’autres. »

     

    Textiles liturgiques ou traditionnels

     

    Et la commissaire d’exposition Irina Petroviciu de nous donner davantage de détails:

    « Nous avons des pièces textiles liturgiques appartenant principalement aux collections du Musée national d’histoire de la Roumanie, du Musée national d’art de Roumanie et du Monastère de Putna. Une autre partie de l’exposition est dédiée aux textiles traditionnels, appartenant également à des musées, car nous avons voulu savoir dans quelle mesure les colorants étaient encore utilisés à la fin du XIXème siècle. Vient ensuite la présentation de plusieurs projets récents consacrés aux colorants naturels, qui réalisent le passage vers l’art contemporain. Ces colorants sont présents actuellement dans les nouveaux textiles traditionnels et dans les créations des artistes contemporains. Il faut donc venir visiter cette exposition, qui est en fait difficile à décrire. Il y a des ouvrages créés par des artistes connus, dont certains ont l’habitude de travailler avec des colorants naturels tandis que d’autres y ont vu un défi professionnel. Et l’on peut voir aussi des créations de jeunes artistes, en début de carrière, qui emploient des colorants naturels. »

     

    L’exposition accueillie par le MNIR est ouverte jusqu’à la fin du mois de novembre. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • EXT. MAȘINĂ. NOAPTE, un nouveau film d’Andrei Crețulescu

    EXT. MAȘINĂ. NOAPTE, un nouveau film d’Andrei Crețulescu

    Un mélange de genres et de styles cinématographiques

     

    EXT. MAȘINĂ. NOAPTE (EXT. VOITURE. NUIT), deuxième long-métrage écrit et réalisé par Andrei Crețulescu, compte sur le talent de quatre acteurs de premier rang de la nouvelle vague du cinéma roumain: Rodica Lazăr, Șerban Pavlu, Andi Vasluianu et Dorian Boguță, qui y jouent plusieurs rôles.

     

    Composé de trois parties filmées en plans-séquences, EXT. MAȘINĂ. NOAPTE est un mélange de genres et de styles cinématographiques qui racontent une histoire sur le comment (ne pas) faire un film – « Un making-of aux airs de chronique absurde/postmoderne », note le réalisateur. Pour l’acteur Șerban Pavlu, c’est un film « inédit sous tous les angles: l’écriture, le montage, la distribution amenée à faire plusieurs choses, y compris mon personnage ».

     

    Andrei Crețulescu : « C’est un film très roumain. Bon, on peut toujours me répliquer ‘mais tous les films roumains peuvent être considérés comme étant très roumains. Ce qui est vrai, sauf que celui-ci, bien qu’apparemment difficile ou pittoresque, est aussi très retro et très parlé, voilà pourquoi j’ai dit qu’il était « très roumain ». Et puis, j’ai le sentiment – déjà confirmé par la réaction du public du TIFF et des premières projections – que le public roumanophone raisonne davantage avec ce film. Evidemment, je ne pense pas non plus qu’il ne parle qu’au public national. Mais comme c’est un film très très parlé, les spectateurs roumains ont un énorme avantage sur ceux qui doivent lire les sous-titres, ce qui enlève presque la moitié de la signification du dialogue. C’est également un film difficile à encadrer dans un quelconque genre, une telle démarche serait vouée à l’échec dès le départ, car il est impossible de saisir tous les niveaux que ce film touche comme une balle dans un jeu, si vous voulez. Certains spectateurs y verront un thriller, pour d’autres ce sera une comédie ou une satire, enfin d’autres y vont détecter le discours méta-cinématographique. Toutes ces définitions et catégories sont correctes. En fait, il n’y a pas de définition parfaite, mais il n’y en pas non plus une qui soit erronée, pour ainsi dire. Nous y trouvons beaucoup de films en un seul. »

     

    Une conversation sur le film, la peur et la fiction

     

    EXT. MAȘINĂ. NOAPTE, un thriller sanglant qui se transforme en son propre « making of », en même temps qu’en une conversation sur le film, la peur et la fiction, a été présenté en première aux Journées du film roumain dans le cadre du Festival international du film Transilvania TIFF ; il est aussi récemment sorti en salles en Roumanie.

     

    Andrei Crețulescu ajoute ces détails : « Au fait, notre plan de départ était d’en faire un vrai thriller, classique pour ainsi dire ; un thriller avec dix personnages bloqués par une tempête dans une cabane, en montagne, qui finissent par s’entretuer pour différentes raisons. C’est une histoire vraiment sanglante, qui avait l’air très bien comme scénario sur papier. Sauf que nous n’avions pas compté avec la pandémie, et il a fallu tout repenser. Et en plus de la pandémie, je suis devenu papa et je m’étais rendu compte qu’un film dans lequel les gens se tuaient les uns les autres ne me représentait plus. J’ai donc pensé qu’il serait plus incitant de faire un film sur la fabrication d’un thriller, sur des gens qui veulent produire un thriller noir. Le thriller initial existe lui-aussi d’une certaine façon dans ce film, mais sa perspective est différente. D’autre part, J’ai trouvé qu’il était plus simple de travailler avec seulement quatre acteurs au lieu de dix. Mais ces quatre acteurs jouent une douzaine de personnages au total. Nous avons donc gagné et pas gagné, si j’ose dire. Et j’avoue qu’il a été bien plus difficile, parce que nous avons assumé dès le début cette structure en trois grands cadres, tournés en plan-séquence, sans coupure. Chose difficile pour toute l’équipe, mais également passionnante, car plus honnête. En l’absence de coupures, tout se passe devant nos yeux. En l’absence des coupures, il n’existe pas de plan de détail, ni de gros plans. En tant qu’auteur du film, moi je ne pose pas de conditions à ta perspective, je ne te contraints pas, à travers le montage, de regarder quelqu’un ou quelque-chose. Toi, le spectateur, tu es devant un tableau et tu choisis de regarder ce qui te passionne ou t’intrigue. Voilà pourquoi je trouve que le plan-séquence est une proposition plus honnête dans la relation tellement spéciale entre le réalisateur et le spectateur, qui nous unit. »        

          

    Codruța Crețulescu, Vlad Rădulescu și Claudiu Mitcu sont les producteurs du film pour les compagnies Kinosseur, Avanpost Media et Wearebasca. Le directeur de la photographie est Andrei Butică, le montage appartient à Cătălin Cristuțiu, Mălina Ionescu a créé les costumes et les décors. Le son a été supervisé par Alexandru Dragomir, et Marius Leftărache a signé le sound design. Andrei Crețulescu s’est fait remarquer par la critique en 2015, grâce à son court-métrage RAMONA, récompensé à Cannes, dans le cadre de la section Semaine de la Critique. Son premier long-métrage CHARLESTON (2017) a eu la première mondiale dans la compétition du Festival de Locarno et il a ensuite été présenté à une trentaine de festivals internationaux, s’attirant aussi une belle réception de la part du public de Roumanie. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Connaître le monde / Să cunoști lumea, un projet pour les personnes handicapées

    Connaître le monde / Să cunoști lumea, un projet pour les personnes handicapées

    Rapprocher les personnes handicapées de leur propre expressivité

     

    Le collectif de création théâtrale Vanner Collective a proposé un projet artistique pluridisciplinaire « Să cunoști lumea / Connaître le monde », qui se décline comme une série d’activités censées faire rapprocher les personnes handicapées de leur propre expressivité. Ateliers créatifs et de développement personnel, thérapie par l’art, éducation visuelle et psycho-relationnelle, sessions photo, le tout ayant la créativité comme  cible partagée. Les photos du projet ont été exposées au Combinat du Fonds des plasticiens à la mi-septembre et début octobre.

     

    Denisa Nicolae, co-fondatrice de Vanner Collective, a parlé des sources d’inspiration et de la mise en page du projet :

    « Ce sont douze œuvres photographiques dont chacune parle de quelque chose de perfectible et non de parfait. Qui parle de la beauté tournée vers l’intérieur, de la force des gens d’exister tout simplement. A l’exemple d’autres projets visant l’inclusion, l’égalité, un monde normal, le projet « Connaître le monde » est axé sur la beauté et les superpouvoirs des personnes handicapées et je crois qu’il a la capacité de faire changer des perceptions et paradigmes, de porter loin les voix des personnes handicapées et des autres personnes impliquées dans le projet, de renforcer leur confiance en elles-mêmes ainsi qu’en une société plus inclusive. Il peut aussi renforcer l’empathie et le souci pour ce qui nous entoure et, pas en dernier lieu, il est en mesure de faire tourner notre regard aussi bien vers l’intérieur de nous-mêmes et vers le monde extérieur et sa beauté. »

     

    Difficultés et espoirs

     

    Denisa Nicolae explique les difficultés à surmonter et les espoirs nourris par les organisateurs après avoir collecté les réactions à ce projet. : « Nous sommes absolument convaincus du fait que l’exposition « Connaître le monde » ne passera pas inaperçue et qu’elle aura un impact émotionnel, civique et autre sur les visiteurs et sur tous ceux qui entreront directement ou indirectement en contact avec cette exposition. Le message que nous avons voulu transmettre aussi par cette initiative était celui de stigmatisation et d’inclusion des personnes handicapées. Mais, par-dessus tout, un message d’encouragement à découvrir les superpouvoirs et à montrer la beauté au-delà des limites. Assurer un environnement inclusif et sûr aux participants a été un de nos objectifs majeurs dans le cadre du projet « Connaître le monde ». L’organisation des activités n’a pas été sans défis, dont le plus grand a été de trouver des espaces faciles d’accès qui soutiennent et s’adaptent à nos activités. Parlant d’inclusion, d’élimination de la stigmatisation, la première épreuve a été de trouver de tels espaces à Bucarest, des espaces accessibles qui offrent un environnement sûr aux personnes handicapées. »

     

    Brancusi comme source d’inspiration

     

    L’installation photographique réalisée dans le cadre du projet « Connaître le monde » s’inspire des œuvres de Constantin Brâncuși (1876-1957), le sculpteur roumain qui a contribué de façon essentielle au renouveau du langage et de la vision artistique dans la sculpture contemporaine.

     

    Alina Rotaru, l’artiste derrière les photos et le concept de l’installation, explique :

    « Constantin Brâncuși e sculpteur au-delà de ses sculptures, car il nous a laissé en héritage l’outil de voir les arrondis dans les angles. C’est comme s’il avait inventé la roue, une roue que nous apprenons à utiliser dans notre quotidien. Durant mes recherches biographiques, j’ai lu les livres consacrés à ses créations et j’ai vu ses œuvres ; cela m’a fait comprendre que j’avais rencontré une source d’inspiration. Pratiquement, j’ai commencé à connaître le monde d’un point de vue artistique grâce à ses idées. « Connaître le monde  » est un projet inspiré de l’univers de Brâncuși et propose une redéfinition du concept de perfection par rapport aux temps que nous vivons. À travers cette installation photographique, nous nous proposons de montrer la beauté de dix personnes qui représentent un noyau d’une grande valeur dans notre société. Si la nature se régénère, par ce projet nous essayons de régénérer notre façon de penser. » (Trad. Ileana Ţăroi)