Category: Espace Culture

  • Le festival eurorégional de théâtre de Timişoara

    Le festival eurorégional de théâtre de Timişoara

    A la fin du mois de mai, les habitants de la ville Timişoara, dans l’ouest de la Roumanie, ont eu droit à un véritable régal théâtral. Le Théâtre magyar d’Etat “Csiky Gergely” a organisé une nouvelle édition du festival eurorégional de théâtre — TESZT, qui a également marqué le 60e anniversaire de cet établissement culturel.



    Dès sa première édition, qui s’est déroulée en 2007, le festival s’est proposé de mettre en valeur le multiculturalisme de l’eurorégion DKMT (Danube-Criş-Mureş-Tisa) et de renforcer les liens entre les institutions théâtrales de celle-ci. C’est ce qui lui confère d’ailleurs un caractère unique en Roumanie.



    Balazs Attila, le directeur du festival, nous a parlé de la ligne directrice de cet événement : « Ce sont les courants identifiés chaque année qui définissent la ligne directrice du festival. A cela s’ajoutent d’autres spectacles et des programmes annexes. Cette année, nous avons monté un spectacle intitulé Temps de paix”, mis en scène par Hajdu Szabolcs. Ce dernier est très connu en Roumanie, notamment comme cinéaste. C’est lui qui a réalisé par exemple « La Bibliothèque de Pascal », avec, dans les rôles principaux, Răzvan Vasilescu et Oana Pellea. Ce film a été d’ailleurs la nomination de la Hongrie pour lOscar du meilleur film étranger. Pour en revenir à notre spectacle de théâtre, disons que Hajdu Szabolcs en a également signé le script et a figuré dans la distribution de la pièce. Nous avons aussi accueilli un spectacle de Novi Sad, mis en scène par Kokan Mladenovic, qui a réécrit le deuxième acte de Opéra ultime”, des « Noces de Figaro ». Un autre spectacle du Théâtre national de Novi Sad où la présence du metteur en scène se fait sentir est La Mouette”. Dans ce spectacle qui dure 6 heures, le thème de la pièce tchékovienne s’épanouit dans plusieurs directions ».



    Ces spectacles ont été des plus prisés du public, cette année, affirme le critique de théâtre Kolo Katalin : « J’ai beaucoup aimé le spectacle « La Mouette », du Théâtre national serbe de Novi Sad. Ce fut pour moi une expérience fort enrichissante. Malgré sa longue durée, à savoir 8 heures, ponctuées de pauses d’une trentaine de minutes, elle a eu l’air d’un atelier. J’ai également apprécié le spectacle des comédiens du Théâtre magyar de Novi Sad, Opéra ultime”. Il s’agit d’une satire, un mélange d’opéra et de prose, à savoir la pièce de Beaumarchais, Les Noces de Figaro” et l’opéra de Mozart. Enfin, mais non en dernier lieu, je mentionnerais la pièce « Le Gardénia » du Théâtre magyar ».



    « Le Gardénia » raconte l’histoire de famille de quatre femmes polonaises appartenant à autant de générations successives. Les rôles ont été interprétés par quatre comédiennes très aimées du public. Pour l’une d’entre elles, Tokai Andrea, ç’a été une véritable épreuve, puisqu’elle a endossé, un à un, plusieurs rôles : celui de fille, de bien aimée, d’épouse, de mère, de grand-mère et d’arrière-grand-mère : « Quand j’ai lu le texte pour la première fois, je l’ai trouvé fantastique. J’en suis tombée amoureuse — tout comme du personnage que je devais jouer. Evidemment, ce ne sont pas des héros, ce ne sont pas des personnages positifs. Tous les malheurs sont là: pauvreté, alcoolisme, femme abandonnée, femme trompée… Pourtant, il a une certaine profondeur, il a sa vie à lui, que les paroles ne peuvent pas exprimer. Il est différent. C’est peut-être aussi à cause du fait qu’il est écrit par une très jeune écrivaine. »



    Un autre spectacle, dont le message coïncidait avec celui du festival TESZT, a été « La ville des démons — Pass-port Subotica », mis en scène par Urban Andras au Théâtre « Kosztolanyi Dezsö » de Subotica. Le spectacle fait partie d’une trilogie qui pose le problème de la coexistence dans un espace multiculturel et de l’acceptation de l’autre.



    L’actrice Béres Marta explique : « Subotica est la ville que j’habite. Le spectacle aborde la problématique des lieux de coexistence multiculturels. La coexistence de plusieurs cultures apporte de bonnes choses, mais elle pose aussi certains problèmes. Ce spectacle n’offre pas de réponses, il interroge plutôt et parle de notre façon de vivre. A mon avis, les hommes politiques et les historiens présentent des aspects qui ne sont pas vraiment réels. C’est pourquoi ce spectacle utilise un langage ironique. Car on peut vivre dans un espace en proie à la guerre ou qui pose certains problèmes uniquement si on a le sens de l’humour. Je suis de nationalité hongroise, mais je suis née en Serbie — tout comme mon père et mon grand-père. Je sens donc que la Serbie est la terre à laquelle j’appartiens et j’aime habiter là, je ne veux pas aller m’installer ailleurs. Mon bien-aimé est Serbe et je pense que la meilleure solution est de vivre ensemble, d’essayer de préserver sa culture et de respecter celle des autres, de vivre avec les autres sans se perdre soi-même ».



    Les théâtres qui participent chaque année au Festival euro régional de théâtre Timisoara sont parvenus, avec le temps, à former une communauté. Le directeur du Festival, le comédien Balazs Attila, revient sur la mission du Festival: « Ce qui nous intéresse c’est dans quelle direction se dirige notre théâtre et qui sont nos partenaires dans ce voyage. On souhaite montrer au public de Timisoara que nous ne sommes ni seuls, ni sûrs — car l’art est fondé sur l’insécurité; si l’on est convaincu que tout est parfait, que vous êtes parfait, aller plus loin n’a plus aucun sens. C’est cette insécurité qui nous pousse à appeler ceux qui nous ressemblent à se réunir une semaine durant. Notre objectif est de serrer ces liens encore plus et d’aboutir à une communication beaucoup plus directe et plus prompte. On peut dire que ce n’est pas une nouveauté qu’un comédien joue dans un de ces théâtres, ce qui est réciproquement valable. Il en va de même pour les metteurs en scène. C’est là une réalité. Un de nos plans serait de réaliser un spectacle conjoint, une collaboration entre Timisoara, Subotica, Novi Sad, Szeged — coordonnée par un metteur en scène important. En unissant nos forces on pourrait créer un méga spectacle. Ce qui compte, c’est d’aboutir à un acte artistique qui repose sur une idée formulée ensemble. Quand on se rassemble, on se met à faire des plans d’avenir et beaucoup d’entre eux deviennent réalité. On n’est plus des étrangers. »

  • 84 ans de théâtre national radiophonique en Roumanie

    84 ans de théâtre national radiophonique en Roumanie

    « Nous sommes de beaux fous, amoureux du son. Ce n’est pas pour enregistrer une pièce de théâtre que venons à la radio, mais pour raconter une histoire, dans les conditions où le progrès de la technologie du son a rendu possibles tant de formules inédites et extrêmement efficaces de capter l’intérêt du public. » Ce sont les propos de Ilinca Stihi, la cadette de l’équipe de metteurs en scène du Théâtre National Radiophonique…




    La première pièce de théâtre radiophonique était diffusée sur les ondes de Radio Roumanie le 18 février 1929. Dans cette pièce, intitulée “Ce que savait le village ”, écrite par V. Al. Jan, les rôles principaux étaient interprétés par Maria Filotti et Romald Bulfinski, comédiens du Théâtre National de Bucarest. Vasile Manta, l’aîné de l’actuelle équipe qui travaille à la rédaction théâtrale de la Radio roumaine évoque les débuts de cette aventure culturelle : « A cette époque-là, toutes les émissions étaient diffusées en direct, car il n’y avait pas de support sonore. Ce dernier n’allait apparaître qu’après 1950, sous la forme de la bande magnétique. En Roumanie, l’enregistrement date de 1952. Depuis, cela nous a permis de conserver presque toutes les pièces radiophoniques, dans la phonothèque. Notre patrimoine compte pas moins de 12 mille pièces, de tous les dramaturges connus du monde entier. »




    Il arrive parfois, même à l’âge de la technologie, que les créateurs de théâtre radiophonique refassent l’expérience des spectacles en direct. Nous écoutons Attila Vizauer, rédacteur en chef de la rédaction théâtrale de Radio Roumanie : « A une certaine époque, on réalisait des pièces de théâtre live, avec des spectateurs dans la salle. Toute l’équipe était là: comédiens, techniciens du son et autres spécialistes. Le public était ainsi témoin de tout le travail que suppose le théâtre radiophonique. Nous souhaitons marquer le 85e anniversaire de la radio publique roumaine par un spectacle similaire, avec la variante revisitée de la première pièce radiophonique diffusées sur les ondes 1929, «Ce que savait le village», de V. Al. Jan. »




    Au bout de 84 ans d’existence, le Théâtre National Radiophonique, partie intégrante de la radio publique roumaine, n’a rien perdu de son prestige. Attila Vizauer : « Le théâtre radiophonique roumain est né presque en même temps que celui des grands pays d’Europe, à savoir dans la troisième décennie du siècle passé. Autant dire que nous avons, nous aussi, fait partie de l’avant-garde de la radio. Aujourd’hui, nous devons y réfléchir et nous proposer de garderla cadence avec ceux qui font du théâtre radiophonique de la meilleure qualité. »




    Défiant les sceptiques qui ne croyaient pas en son avenir, le théâtre radiophonique non seulement continue d’exister, mais il ne cesse d’engranger des prix décrochés aux différentes compétitions internationales. Attila Vizauer nous parle des plus récentes de ses participations : « Ce n’est pas sans fierté que j’avoue que le théâtre radiophonique connaît depuis trois ans déjà la routine des prix internationaux : il y a eu celui décroché à Hvar, en Croatie, celui de Bratislava, le festival Prix d’Italie ou bien celui de New York. On attend voir toujours si on a remporté ou non un prix au récent festival de Berlin, mais pour le reste, à chaque fois qu’on a participé, on a fini par être récompensé. On a même remporté le Grand Prix, comme quoi les experts du monde entier nous apprécient pour les éléments nouveaux et spectaculaires de nos productions. La nouvelle génération des réalisateurs fait la gloire mondiale du Théâtre National Radiophonique. »




    Ilinca Stihi s’inscrit justement dans cette nouvelle génération de metteurs en scène. Ses spectacles « Maldoror » et « Argentina », réalisés d’après ses propres scénarios, ont cartonné sur les ondes et auprès du public de tout âge. Sur ses deux productions, c’est plutôt « Argentina » qui a fait carrément le succès de son metteur en scène, après avoir décroché la Médaille d’or de la section «Special Drama » du festival international de la radio de New York. Le palmarès d’Ilinca Stihi est complété par le Grand Prix au concours Premios Ondas de Barcelone, le Prix Marulic au Festival international du spectacle radiophonique, fiction et documentaire de Hvar, en Croatie et une nomination au festival Prix Italie de Turin. Ilinca Stihi : « Argentina a été un véritable phénomène. C’est un spectacle qui transmet mon amour pour la radio, car il tourne autour d’un personnage qui meurt au micro, pendant une émission en direct. C’est le sacrifice suprême. L’histoire, je l’ai entendue à un festival en Croatie où je participais avec « Maldoror ». C’est un membre du jury qui m’avait raconté qu’en Argentine, un célèbre DJ, Fernando Pena, qui souffrait du SIDA est mort pendant qu’il interprétait un personnage au micro. Or, le public a cru que c’était une mise en scène et il continuait d’appeler et de vouloir parler avec lui. Cette histoire m’a tellement touchée que j’ai bien voulu en faire un scénario! »




    Ilinca Stihi a s’est formée à la réalisation de film, pourtant, elle a choisi de faire du théâtre radiophonique. Pourquoi? « Le théâtre radiophonique met à ma disposition un espace imaginaire offrant plus de liberté que la cinématographie. C’est bien étrange que dans un espace tellement intime où l’on travaille en petit comité, où l’on se connaît tellement bien, on arrive à profiter d’un plus de liberté et d’originalité, introuvables dans des secteurs bénéficiant de gros budgets et d’équipes nombreuses. »




    Aux dires du rédacteur en chef, Attila Vizauer, un spectacle de théâtre radiophonique fait une audience d’une centaine de milliers de personne par soirée. Un chiffre que le théâtre classique n’arrive à obtenir qu’au bout de plusieurs centaines de représentations. Or, déjà une pièce de théâtre jouée une centaine de fois est un événement en soi. Du coup, on pourrait affirmer qu’une seule diffusion sur les ondes dépasse souvent cent représentations en salle. Comme quoi, le théâtre radiophonique est le théâtre au public le plus nombreux du monde. (trad. : Ioana Stancescu, Mariana Tudose)

  • Lia et Dan Perjovschi, primés

    Lia et Dan Perjovschi, primés

    La Fondation Culturelle européenne a décerné fin mars le prix « La princesse Margriet » aux artistes roumains Lia et Dan Perjovschi et au chef d’orchestre d’origine israélienne établi en Allemagne, Yoel Gamzou. La cérémonie a été accueillie par le Centre culturel Egg de Bruxelles, avec comme amphitryon la directrice de la Fondation culturelle européenne.



    Les lauréats se sont vu remettre le prix par Son Altesse Royale la princesse Margriet des Pays Bas. Le discours d’ouverture a été prononcé par Son Altesse Royale la Princesse Laurentien des Pays Bas, en présence de la Princesse Astrid de Belgique. « Les lauréats de cette année nous obligent de porter un regard critique aussi bien sur le passé que sur l’avenir », «Ainsi nous amènent-ils et nous lancent-ils le défi de nous définir de nouveaux paramètres et de nous dessiner une nouvelle carte mentale vers une Europe plus ouverte, plus démocratique et plus élargie », a déclaré Son Altesse Royale la Princesse Laurentien dans son discours d’ouverture.



    Dan Perjovschi: «C’est la reconnaissance européenne d’une activité que nous avons déroulée chez nous, en Roumanie. Ce prix récompense non seulement notre valeur individuelle — celle de Lia et la mienne – mais aussi notre travail commun — une activité qui concerne plutôt la communication par l’art que l’art lui-même. Mon épouse, Lia, a créé une plate-forme de débats appelée «Archives de l’art contemporain». Cet aspect est d’ailleurs mentionné dans la motivation du prix, qui rappelle l’impact social de l’art et la manière dont l’art et notre activité peuvent influencer la manière dont la monde et l’Europe sont perçus. Notre décision de ne pas quitter la Roumanie est un autre aspect essentiel. Nous avons en fait reçu un prix néerlandais pour être restés au pays, alors que la plupart des bons et très bons artistes s’établissent dans les grandes capitales européennes .»



    De par son art, Dan Perjovschi se considère comme un marginal. Toutefois, il estime que tant pour lui que pour son épouse Lia, il s’agit d’une sorte de « déclaration », de « statement ». Ce qui veut dire qu’il faut faire attention à l’espace et au contexte dans lequel on s’exprime et non pas en dernier lieu à qui on confectionne des t-shirts gratuits, comme Dan aime plaisanter. Par exemple, il y a 10 ans, Dan et Lia Perjovschi ont refusé toute collaboration avec le Musée national d’art contemporain. Et ce parce que le Musée avait été aménagé dans le siège de la Maison du Peuple, un édifice érigé sur l’ordre de l’ancien dictateur communiste Nicolae Ceausescu.



    Poétiques, élaborés et raffinés au début, les dessins ont changé pour devenir plus simples, et ce à cause de l’historie, avec les descentes des mineurs, l’époque où Ion Iliescu a été président ou encore la guerre en Irak, estime Dan Perjovschi en se référant à ses créations : «Je pratique un langage artistique marginal, une sorte de dessin qui ressemble à la caricature, mais ne l’est pas. Généralement, quand on met côte à côte une peinture et une caricature, les gens diront que seule la peinture est de l’art, parce qu’ils ont été éduqués ainsi. Or, moi je dis qu’ils se trompent, que tout élément peut permettre une communication artistique et devenir porteur d’un message esthétique ou politique. Cela dépend de la manière dont on s’y prend. Et ma femme, Lia, fait la même chose. Dans les salles d’exposition, elle crée une sorte d’ « institutions » temporaires. Or, ces institutions ne sont pas nécessairement artistiques. Certaines sont liées à la science, d’autres à la communication, ce sont des démonstrations très intéressantes. Je dirais que nous appartenons à une catégorie d’artistes qui souhaitent renverser les choses, les faire d’une autre façon, transformer le monde des musées. Nous souhaitons que le musée cesse d’être cet espace que nous visitons le dimanche, après avoir pris soin de mettre nos plus beaux habits. Le musée, le territoire artistique doivent, au contraire, être un espace que nous visitons chaque jour et qui fait partie de notre quotidien, de notre existence.»



    Dan Perjovschi a dessiné dans les grands musées de la planète, en recouvrant leurs murs d’histoires sur le monde où nous vivons. Il entretient une longue amitié avec la Revue 22, avec laquelle il collabore depuis sa création. « Tout est dessin et tout peut être transformé en dessin » affirme l’artiste qui a réussi à s’exprimer aussi dans des endroits où la liberté d’expression se voit sanctionner.



    « N’importe quelle culture peut être aussitôt stigmatisée. Mais cet aspect ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse c’est de comprendre des choses. Aux Emirats Arabes Unis, où les hommes peuvent avoir 4 épouses, j’ai fait un dessin où un Arabe s’exclamait « Give me five »! » raconte Dan Perjovschi qui évoque d’autres expériences similaires : «J’ai été à Cuba, j’ai été en Chine, je suis allé à Moscou, où des restrictions sont imposées à la liberté d’expression et où on vous dit ouvertement que vous pouvez tout critiquer, sauf l’Eglise orthodoxe. Je suis arrivé dans des espaces sensibles, pourtant j’y ai dessiné de façon à créer un espace de réflexion. En ce qui concerne ma collaboration avec la revue « 22 », je peux dire que je n’ai pas gaspillé mon temps en m’occupant de politique — au contraire, c’était du temps gagné. Pour moi, « 22 » n’est pas une publication, c’est une plate-forme de débat. Cela a été comme une exposition itinérante qui est entrée dans les maisons des gens. Les dessins que j’y ai publiés sont comme des résumés de certaines situations, de certains articles très intelligents, écrits par des gens éveillés. Et mes dessins se proposent de condenser des idées importantes, que j’ai puisées au domaine politique, pour les transférer dans le domaine artistique ou social. C’est d’ailleurs ce que je fais lorsque je réalise une installation sur les murs, n’importe où dans le monde. »



    Kristine Stiles, professeure à Duke University, a collaboré avec les époux Perjovschi pendant ces 20 dernières années. Ecoutons ce qu’elle a déclaré dans son discours laudatif, lors de la remise du prix « Princesse Margriet » : « Reconnus sur le plan international pour leur originalité, authenticité féroce, dignité, intégrité ainsi que pour avoir mis leur vie au service de l’art et de la société, Lia et Dan Perjovschi sont devenus les ambassadeurs idéaux de la culture européenne, des citoyens du monde qui ont changé la manière dont le but de l’art est perçu dans la société ». (trad. : Dominique, Alexandra Pop)

  • Quatre décennies de danse roumaine

    Quatre décennies de danse roumaine

    Lancé fin avril, le livre «Tout un monde fait d’éclats. Chroniques de la danse 1972-2012» de Liana Tugearu est un véritable dictionnaire d’art chorégraphique ou plutôt une histoire de la danse des 40 dernières années. Elève des célèbres danseuses Elena Penescu Liciu et Floria Capsali, après quelques années d’activité artistique sur la scène du Théâtre lyrique de Constaţa, Liana Tugearu s’est consacrée à la critique.



    La danse a été presque tout pour elle dans la vie : «Elle représente, en effet, une bonne partie de mon existence, qui s’est déroulée sans cesse dans l’ambiance de la danse. J’ai dansé, moi-même, mon mari a dansé et a créé de la chorégraphie, j’ai suivi tout ce que l’on a pu voir en Roumanie en matière de danse — des spectacles soit réalisés au pays, soit présentés, en tournée, par des troupes étrangères. »



    Le livre de Liana Tugearu a été lancé lors de l’ouverture à Bucarest du nouveau Centre national de la danse — institution qui l’a d’ailleurs publié en partenariat avec les Maisons d’édition Coresi. Le chorégraphe Mihai Mihalcea, directeur du Centre, explique pourquoi: «Cela nous a paru tout à fait naturel et absolument nécessaire. C’était une urgence, car ces deux volumes survolent 40 ans d’histoire de la danse. Les articles de ce recueil, publiés au fil du temps, sont de véritables documents historiques. Liana Tugearu est ce genre rare de critique de danse qui a eu la patience et la générosité de suivre tous les événements du monde de la danse, tous les spectacles de danse classique ou contemporaine, ayant pour protagonistes aussi bien de jeunes artistes ou chorégraphes que des artistes consacrés et des célébrités du domaine. Elle a été un témoin incroyable, pendant ces 40 dernières années, de tout ce qui s’est passé d’important dans la danse roumaine. »



    « Tout un monde fait d’éclats. Chroniques de danse 1972-2012 » recense quelque 900 pages. La critique de danse Liana Tugearu nous parle de ce recueil de chroniques et d’images : « Je me suis rendu compte qu’il comble en grande partie l’absence d’une histoire de la danse de ces 40 dernières années. C’est une histoire sur le vif de chaque spectacle. J’ai également réalisé que ce volume s’agence avec un autre livre à moi, L’Expérimentalisme dans la chorégraphie roumaine des années ’60 — ’90” et que la danse continue de traverser une période de crise. En effet, pendant deux ans et demi, elle n’a plus eu de scène ni de salle de répétition. Heureusement que l’on peut inaugurer maintenant cet espace, véritable oasis pour nous. Des moments difficiles, la danse contemporaine en a vécu aussi avant 1989, lorsqu’elle était à la merci de quelque musée ou théâtre qui voulait bien l’accueillir. Il y a eu même des situations où les répétitions se sont déroulées dans les appartements de particuliers. On peut donc parler d’une triste continuité dans le destin malheureux de la danse contemporaine avant et après ’89. Espérons que la réouverture du Centre national de la danse de Bucarest mettra un point final à cette période ».



    On ne saurait résumer les 900 pages de cet ouvrage. Voilà pourquoi nous avons demandé à madame Liana Tugearu de nous raconter le début et la fin de son livre : « Un de ces jours, j’ai regardé plus attentivement la première et la dernière des chroniques, datées de respectivement 1972 et 2012. Ca m’a fait vraiment plaisir de constater qu’elles concernent deux personnalités exceptionnelles de la culture roumaine. La première chronique parle du spectacle qui s’inspire de l’œuvre de Constantin Brâncusi, réalisé par le chorégraphe Alexandru Schneider. La dernière porte sur le spectacle monté par Gigi Căciuleanu d’après l’œuvre de Ion Luca Caragiale ».



    Le volume «Tout un monde fait d’éclats. Chroniques de danse 1972-2012» enregistre une grande absence, celle du maestro Ioan Tugearu, époux de Liana Tugearu, qui commente: « C’est une absence que je dois combler. C’est toujours moi qui ai rassemblé toutes les chroniques sur lui. Je les ai dans un dossier, avec des images. J’ai donc un noyau dur pour commencer. Il est bien entendu inimaginable qu’il n’en fasse pas partie, alors que pendant tout ce temps, il a eu de nombreuses interprétations en Roumanie comme à l’étranger, et aussi des créations chorégraphiques. Il est inconcevable, disais-je, qu’il ne soit pas mentionné ou qu’il soit présent dans une très petite mesure. C’est dire qu’il y figure lorsqu’il a fait partie du festival et je ne pouvais pas faire semblant de ne pas l’avoir remarqué, j’ai donc dû écrire quelques lignes sur sa création. Mais il est nécessaire, pour une image d’ensemble correcte, de faire un album qui lui soit entièrement consacré, avec tout ce qui a été écrit sur lui, avec tout ce qu’il a créé, avec des images de ses interprétations, des chorégraphies qu’il a signées pour d’autres et que j’ose aussi exprimer quelques opinions personnelles à l’occasion ».



    Liana Tugearu est l’auteure de différents librettos de danse, joués sur plusieurs scènes roumaines : l’Opéra national de Bucarest, le Théâtre de danse Oleg Danovsky de Constanţa, l’Opéra de Iaşi et l’Orion Ballet. Dans le cadre de l’exposition de 1996, à ARTEXPO, elle a organisé la section de chorégraphie « L’Expérimentalisme dans l’art roumain des années ’60 -’90 », et en 2004, elle a publié le volume homonyme. En 1995 elle a reçu un prix pour toute son activité de critique de danse de la part de l’Union des danseurs, des chorégraphes et des critiques musicaux. (trad. : Mariana Tudose, Ligia Mihăiescu, Dominique)

  • La Reine Marie

    La Reine Marie

    « Elle est née au Royaume Uni, d’une mère russe et d’un père anglais, descendante directe du tsar russe et de la reine Victoria. Et tout d’un coup, elle se voit contrainte d’aller à l’autre bout du monde, dans un petit pays insignifiant et complètement méconnu. Et pourtant, même ces premiers pas sur la voie de sa royauté cachent les prémisses de ce que la reine Marie allait devenir plus tard ». C’est ce qu’affirmait l’écrivain Stelian Tanase, président de la Fondation « Orient Express ».



    La reine Marie de Roumanie, de son vrai nom Maria Alexandra Victoria, est née le 29 octobre 1875 à Eastwell Park, dans le Kent, du prince Alfred de Saxe-Cobourg-Gotha, duc dÉdimbourg, et de la duchesse Maria Alexandrovna de Russie. Ses fiançailles avec le prince Ferdinand de Roumanie, issu de la maison de Hohenzollern, ont eu lieu quand la jeune Maria n’avait que 16 ans. Une année plus tard, le 29 décembre 1892, elle épouse Ferdinand.



    Aux dires de Dan Zamfirescu, président de l’Institut pour l’enquête des Crimes communistes et de la Mémoire de l’Exil, la reine Marie était une personne avec un caractère fort: « C’était une jeune femme obligée de vivre dans un pays totalement méconnu où elle a fini par s’imposer grâce à sa personnalité exceptionnelle. N’oublions pas qu’elle a insisté auprès de Ferdinand pour que la Roumanie rejoigne les alliés sur le front de la Première Guerre Mondiale, en désobéissant au roi Carol sous lequel la Roumanie s’était rangée du côté des Puissances centrales ».



    Surnommée la « Mère des blessés » ou encore « La mère soldat », la reine Marie s’inscrit comme infirmière volontaire pendant la guerre et se rend sur le champ de bataille pour aider les malades et les blessés. Repassons le micro à Dan Zamfirescu : « On ne saurait oublier le rôle joué par la reine Marie à la Conférence de Paix de Versailles, de 1919, et sa contribution au renforcement des relations roumano-américaines, surtout que le président Wilson n’était pas un proche de la Roumanie ».



    A propos des relations diplomatiques de la Roumanie, l’historien Ion Bulei a tenu à préciser : « C’était bien à la reine Marie que le général Clémenceau avait dit : « Personnellement, je lève mon chapeau devant le peuple roumain, mais je le remets sur la tête devant ses responsables politiques ». A cette phrase, la reine Marie a répondu : « vous nous connaissez mal, monsieur Clémenceau ! ».



    Il faudrait préciser que le sénateur français Georges Clémenceau a représenté la France lors de la Conférence de Paix de Versailles. Une conférence à laquelle la reine Marie fut présente pour assurer l’interprétation du dialogue entre le premier ministre roumain I.C Bratianu qui ne parlait pas l’anglais et le président américain Wilson qui ne savait pas un mot de français. Du coup, la reine est devenue un personnage extrêmement important pour les Roumains.



    A part sa contribution à la vie politique du pays, la Reine Marie a fortement contribué à la vie culturelle et artistique de la Roumanie. Son nom se rattache notamment à deux endroits d’une rare beauté : le château de Bran et la station de Baltchik. « Bran et Balchik sont mes maisons de rêve, ils sont mon cœur à moi », disait la reine. Il semble qu’elle ait découvert la station de Baltchik, actuellement dans le nord-est de la Bulgarie, grâce au peintre Alexandru Satmari qui a insisté qu’elle y fasse un voyage en 1924. Une année plus tard, la reine décida de démarrer la construction de sa future résidence d’été. L’historien Ion Bulei précise : « Le domaine de Baltchik ne comporte pas seulement le palais, mais aussi l’église Stella Maris qui a abrité dans un premier temps le cœur de la reine. Il y a ensuite le jardin de cactus, le plus vaste d’Europe. Ce fut pratiquement la reine Marie qui a fait de Baltchik l’actuelle station de nos jours. Une ville baignée d’une lumière qui change toutes les deux heures comme on peut voir sur les toiles des peintres ».


    D’ailleurs, les autorités municipales décidèrent à un moment donné d’offrir aux artistes peintres qui travaillaient en été sur le domaine royal des lots de terre à Baltchik pour qu’ils s’y installent pour de bon.



    Personnalité fascinante, la reine Marie se plaisait à collectionner des oeuvres artistiques, figurant parmi les promoteurs du style Art Nouveau en Roumanie. En 1933, elle décide d’exprimer dans son testament le vœu qu’après sa mort, son cœur soit déposé dans la petite chapelle de l’église Stella Maris de Baltchik, tandis que son corps soit enterré à Curtea de Arges, près de son époux Ferdinand et du reste de la famille royale. A présent, le cœur de la reine Marie se trouve au Musée National d’Histoire de la Roumanie.



    Figure remarquable de l’histoire roumaine, la reine Marie s’est remarquée notamment pour son rôle dans la promotion des intérêts et des valeurs de la Roumanie. En échange, elle a espéré obtenir le respect du peuple roumain, comme elle l’affirme dans ses Mémoires rédigées en anglais et traduites par la suite sous le titre « L’Histoire de ma vie ». De nouveau au micro l’historien Ion Bulei : « Voici ce que la reine disait dans son testament : je ne vous ai pas jugés, je vous ai tout simplement aimés ». Des mots qui font d’elle une Roumaine authentique.



    D’ailleurs, n’oublions pas que la reine Marie a fait un geste extraordinaire et unique : le 26 mars 1926, le jour de l’Annonciation, elle a décidé de se convertir dans la foi orthodoxe, celle du peuple roumain. (trad.: Ioana Stancescu)

  • L’art contemporain roumain à Montréal

    L’art contemporain roumain à Montréal

    Cela fait un certain temps que trois Roumains et trois Canadiens, artistes plasticiens de générations différentes, travaillent ensemble sur des projets communs d’expositions organisées dans les deux pays. “Juste pour le plaisir” c’est le titre de leur dernière exposition conjointe accueillie par la galerie d’art L’espace contemporain de Montréal, du 18 au 30 juin 2013. Véritable carrefour culturel entre le Québec et la Roumanie, cette exposition a révélé des procédés de création divers, mais ayant pour dénominateur commun la passion pour l’art visuel.



    Valeriu Stoica est un des trois artistes plasticiens roumains participants à cet événement. Voici ce qu’il nous a déclaré : “ L’organisatrice de ce projet est Carmen Smutneac. Cette diplômée des Beaux-Arts de Cluj a décidé de quitter le pays après sa dernière exposition à succès accueillie par les Galeries “Orizont” de Bucarest. Etablie au Canada, elle a continué de travailler à nos côtés par le biais des ouvrages exposés en Roumanie. Son talent lui a récemment valu le premier prix à un concours international organisé par l’Association des artistes plasticiens de Québec. Elle a acquis une riche expérience et déployé une intense activité internationale. L’amitié avec Carmen date d’une vingtaine d’année, durant lesquelles je lui ai envoyé de nombreuses œuvres, voire des icônes qui y ont été très bien reçues. »



    Diplômé de l’Ecole de peinture monumentale auprès du Patriarcat roumain, Valeriu Stoica, a également embrassé la peinture sur chevalet, réalisant plusieurs expositions personnelles et de groupe. Parmi elles, celle du Musée National d’Art de la Roumanie ou encore du Musée National d’Histoire, de Bucarest. Valeriu Stoica : « J’ai réussi petit à petit à trouver ma place dans un monde que j’aime depuis mon enfance. Ce fut là un besoin organique, comme le disait Kandinsky, si je ne m’abuse pas : « L’artiste doit être couleur, il doit se nourrir de la couleur, se transformer en couleur ».



    Voici ce qu’a déclaré Valeriu Stoica à propos de Melania Florescu, troisième membre du groupe de plasticiens roumains : « Elle est une des peintres les plus talentueuses que je connais. Son art graphique est tout à fait à part mais ce que j’ai remarqué chez elle c’est aussi le talent professionnel classique. Elle cultive un art moderne raffiné, mais elle a cette base solide conférée par la culture classique. Melania Florescu fait partie de la nouvelle génération, à savoir celle de Ana Maria Vasilescu ».



    Le groupe des trois artistes canadiens compte hormis, Carmen Smutneac, aussi Lauren Bourgie et Jaques Descent. Valeriu Stoica explique: « Lauren Bourgie et Jaques Descent — on les retrouve dans notre groupe pour la 2e ou 3e fois. Ils ont aussi été présents avec plusieurs œuvres à l’exposition de l’année dernière, à Constanta. L’un d’entre eux relève d’un style un peu plus révolutionnaire, plus prolétaire. L’autre est un visionnaire, un artiste dont l’art a quelque chose de mirifique. Le groupe présent à la Galerie « L’espace contemporain » a été choisi par une galeriste de Montréal. »



    Voici ce que déclarait récemment le critique d’art Dragos Ciobanu : « Diplômé de l’Université nationale de Beaux-Arts de Bucarest, section peinture, Ana Maria Vasilescu, parvient à imprimer une fraîcheur chromatique spontanée au style figuratif — abstrait qu’elle embrasse. Elle est l’auteure de nombreuses expositions de peinture, photos, peinture monumentale aussi bien en Roumanie, qu’à l’étranger. Hormis la peinture, la jeune artiste est impliquée dans plusieurs projets, qui ont trait à l’art, bien évidemment : elle participe en tant que formatrice à des team buildings organisées par des multinationales, met en place différents événements culturels et exposent des objets fait main à différentes Foires spécialisées ».



    Ana-Maria Vasilescu se fait remarquer par une chromatique et un symbolisme qui lui sont propres, son peintre préféré étant Paul Cézanne. Ana-Maria Vasilescu : «J’aime la couleur, je n’utilise pas des gris. A mon avis, les couleurs nous animent, gardent notre esprit jeune et beau. Sur la toile, je privilégie l’acrylique plutôt que l’huile. Si au début c’était plutôt l’abstrait qui l’emportait dans mes créations, ces derniers temps, j’ai commencé à m’intéresser aux paysages ».



    Enfin Valeriu Stoica s’attarde aussi sur les projets d’avenir : « Par le prochain projet on souhaite continuer « Les plaines verticales ». Je me suis rendu compte qu’il y plein de choses à faire dans ce monde, et qu’une seule vie s’avère insuffisante. Je ne saurais être défini ni comme peintre monumental ni comme peintre sur chevalet ; je suis une partie de la nature. » (trad. : Mariana Tudose, Alexandra Pop)



  • La Roumanie à l’Exposition Internationale d’Art contemporain de la Biennale de Venise…

    La Roumanie à l’Exposition Internationale d’Art contemporain de la Biennale de Venise…

    Deux projets ont été choisis afin de représenter la Roumanie à l’édition 2013 de la Biennale de Venise, suite au Concours national organisé par les ministères roumains de la Culture et des Affaires étrangères et l’Institut culturel roumain. Il s’agit d’Une rétrospective immatérielle de la Biennale de Venise qui peut être admirée dans le Pavillon de la Roumanie aménagé dans le Giardini della Biennale et du Centre de réflexion pour des histoires suspendues. Une Tentative — accueilli par la Nouvelle galerie de l’Institut roumain pour la Culture et la Recherche humaniste, qui siège depuis 1930 au Palazzo Correr.



    Alexandru Damian, vice-commissaire, nous dit davantage sur la Rétrospective immatérielle de la Biennale de Venise : «Ce premier projet appartient à Alexandra Pirici et à Manuel Pelmush, avec pour commissaire Raluca Voinea. Une Rétrospective immatérielle de la Biennale de Venise inclut une recherche du type performance qui se déroulera tout au long de la Biennale. Le projet offre une vision fraîche et dynamique sur l’histoire de la Biennale depuis sa création en 1885 jusqu’à nos jours. Le commissaire et les auteurs ont fait une sélection sur une centaine d’œuvres renommées, qui sera représentée chaque jour par les 10 performers présents dans le Pavillon. La performance n’est pas un acte artistique éphémère mais uniquement immatériel, c’est un acte qui repose sur des recherches ».



    Intitulé Centre de réflexion pour des histoires suspendues. Une tentative… le deuxième projet roumain à la 55e édition de la Biennale de Venise réunit 5 artistes de Roumanie et une plasticienne de Pologne. Son commissaire Anca Mihulet explique : « L’exposition est accompagnée de deux publications, dont une lancée lors du vernissage même. Elle contient un guide explicatif de l’exposition, ainsi que 6 interviews avec les artistes participants, de sorte que le visiteur puisse entrer directement dans l’ambiance du Centre de réflexion pour des histoires suspendues. L’exposition peut avoir un parcours chronologique, axé sur l’histoire de l’art ainsi que sur l’obsession du savoir ».



    Et Anca Mihulet d’expliquer aussi le titre donné au projet : « Il est suggestif, le Centre de réflexion s’attache à pénétrer dans l’ambiance institutionnelle qui règne dans ce bâtiment depuis les années ’30. Nous avons beaucoup misé sur l’histoire de l’Institut roumain pour la Culture et la Recherche humaniste de Venise, qui est une des plus anciennes institutions de culture moderne de Roumanie. Il a été conçu dès le début comme un centre qui abrite l’esprit roumain à Venise. J’ai essayé en quelque sorte de moderniser ce concept et d’extrapoler l’idée. J’ai pensé aux histoires suspendues qui ne sont pas nécessairement très connues, mais qui sont très suggestives pour une certaine époque ou dans un certain endroit. »



    Hormis les deux projets qui représentent la Roumanie au niveau institutionnel, d’autres artistes roumains sont également présents à la Biennale de Venise. Le vice-commissaire Alexandru Damian : « Cette Biennale dont le commissariat est assuré par Massimiliano Gioni et qui s’intitule Le Palais encyclopédique, réunit aussi les artistes roumains Stefan Bertalan et Geta Bratescu, dont les oeuvres peuvent être admirées dans le Pavillon général. D’autres artistes roumains, dont Stefan Bertalan, sont aussi présents à une autre exposition organisée à Venise par la Fondation Triade” et intitulée If a Rendeline could speak – Si un pissenlit pouvait parler”. Je mentionnerais également le nom de l’artiste Bogdan Rata dans le cadre de l’exposition collatérale qui s’inscrit dans la série d’événements collatéraux mis en place au Palazzo Bembo et dont le commissaire est Cosmin Nàsui. Cette année la Roumanie est représentée à Venise par plusieurs projets, ce qui contribue à une meilleure visibilité de l’art roumain en Italie ».



    Notons que la 55e édition de la Biennale de Venise se tient du 1er juin au 24 novembre….(trad. : Alexandra Pop)

  • Le Film « Child Pose » – en première en Roumanie

    Le Film « Child Pose » – en première en Roumanie


    Le long métrage « Child pose » (La position de l’enfant), Ours d’or du meilleur film lors de la dernière Berlinale, vient d’avoir sa sortie en salles en Roumanie. Parallèlement, le film poursuit sa carrière internationale figurant déjà parmi les titres les plus convoités par les grands distributeurs. « La position de l’enfant » dont les ventes internationales sont à la charge de la compagnie allemande Beta Cinema, sera projeté en salles en France, Allemagne, Autriche, Suisse, Grèce, Serbie, Monténégro, Australie, Nouvelle Zélande et à Taiwan.


    Troisième long métrage du réalisateur Calin Peter Netzer après « Maria » (2003) et « La médaille d’honneur » (2010), « La Position de l’enfant » se penche sur les traumas des enfants étouffés par l’amour maternel. Parallèlement, le film fait une radiographie des nouveaux riches roumains, en soulignant les problèmes de corruption et de trafic d’influence auxquels se heurte la société contemporaine. Le scénario porte la signature de Razvan Radulescu et de Calin Peter Netzer.


    Longuement applaudie par le public réuni dans la grande salle du Théâtre National de Bucarest, la protagoniste du film, Luminita Gheorghiu, s’est dite plus émue devant les spectateurs roumains que devant le jury de Berlin. « C’est pour la première fois que le film se dévoile au public du pays. Après tout, c’est bien ici, en Roumanie, que l’on travaille et que l’on mène notre vie quotidienne. Or, à chaque fois qu’un de mes films est projeté en première en Roumanie, je suis saisie d’émotion. Je n’arrête pas de penser aux gens que je vais croiser dans la rue et j’aimerais bien les entendre dire: merci d’avoir fait ce film! ».


    Luminita Gheorghiu:« Je pense que le moment de la confession est venu pour les cinéastes roumains. Je me souviens qu’à un moment donné, j’en avais tellement marre du néoréalisme italien et de toute la pauvreté autour de laquelle tournaient tous ces films-là. Or, à présent, je pense que nos réalisateurs traversent justement une étape pareille. Arrêtez de déformer la réalité!, disait Cristi Puiu. Hé bien, la réalité est maintenant à l’écran. On ne saurait dire que des choses plus agréables, plus amusantes n’existent plus de nos jours, mais franchement, pourquoi faut-il accuser les réalisateurs roumains de traiter de la vie telle qu’elle est? Pour revenir sur la Position de l’enfant, je dois avouer que je fus très égoïste. J’ai vite compris que je tenais entre mes mains un scénario excellent qui plaçait au centre un personnage négatif, d’une grade complexité. Le scénario fut tellement bien écrit qu’il m’a fallu une seule lecture pour le comprendre et pour apprendre beaucoup de choses sur mon personnage. Je suis très heureuse d’avoir eu la chance de le jouer. »


    Bogdan Dumitrache joue le rôle d’un fils qui tente désespérément de se séparer d’une mère possessive. Nous vous proposons de lui passer le micro pour nous parler de sa façon d’approcher un personnage:


    «J’ai besoin de comprendre ce qui se passe avec mon personnage, ce qui lui arrive pour pouvoir ensuite m’identifier à lui. Sinon, je n’arrive pas à refaire la palette d’émotions. Je dois donc refaire le contexte, m’aventurer de plus en plus profondément dans son existence pour bien comprendre ce qui se passe. A chaque fois que je tourne avec un nouveau réalisateur, je finis par me laisser influencer par son style et je le suis dans la direction voulue. Quant à la « Position de l’enfant », je crois qu’à part cette relation mère-fils, fondée sur l’amour et la haine, le film dit encore nombre de choses. Par exemple, j’ai particulièrement aimé le fait qu’il nous suffit d’une action déroulée sur trois jours pour comprendre les 30 années de relation entre les deux protagonistes, pour saisir la source de leurs conflits. Il est vrai que le film surprend un moment de tension extrême, quand les personnages se disent des choses très dures, mais ce n’est là qu’une accumulation de problèmes. »


    A part Luminita Gheorghiu et Bogdan Dumitrache, le film s’enorgueillit de la présence à l’écran de plusieurs noms célèbres du cinéma roumain. Parmi ceux-ci, Natasa Raab, Florin Zamfirescu, Ilinca Goia ou encore Vlad Ivanov, connu du public occidental pour son rôle dans le déjà célèbre « 4 mois, 3 semaines et 2 jours ».


    Nous avons demandé à Natasa Raab si par ce film la Roumanie risque d’entacher davantage l’image que l’Occident s’est fait d’elle.« Je ne saurais dire que le film tourne autour d’une histoire négative, car ce qui s’y passe pourrait arriver partout dans le monde. Ce n’est pas une histoire à la roumaine, car un accident de la route peut arriver à n’importe qui, partout. C’est une tranche de vie, une histoire universelle aussi bien par ce qu’elle raconte que par la façon dont on la raconte. C’est comme cela que s’explique la décision du jury de Berlin. En plus, à la différence d’autres productions roumaines, le film présente aussi la vie des nouveaux riches d’après la Révolution. Ce n’est plus le film minimaliste auquel on s’était habitués. Voilà pour le grand mérite de ce film: il raconte une histoire facile à comprendre par n’importe qui ».


    « Personnellement, j’ai voulu créer un drame psychologique capable d’attirer le public par des personnages auxquels on s’identifie facilement bien que l’action soit assez dure et tendue. Pourtant, je ne crois pas que le spectateur ait du mal à suivre mon film. Par contre, je pense que d’une certaine manière, il se sentira récompensé. Mon film est loin de ce que l’on appelle un feel good movie”, un film qui vous mette le sourire aux lèvres. C’est un film aux effets à moyen et à long terme. Un film qui ne se propose pas de changer le spectateur, mais tout simplement de lui poser des questions à effet thérapeutique », a conclu le réalisateur Calin Peter Netzer… ( trad. : Ioana Stancescu)

  • L’Ours d’or est arrivé à Bucarest

    L’Ours d’or est arrivé à Bucarest


    Le réalisateur roumain Calin Peter Netzer et la productrice Ada Solomon se sont vu remettre le trophée l’Ours d’or” pour leur film La position de l’enfant” Child’s pose” entré dans la sélection officielle de l’édition 2013 de la Berlinale.Le réalisateur chinois Wong Kar Wai, président du jury de cette année, a expliqué avoir voulu récompenser des films engagés “qui montrent que la vision du cinéma fait la différence”. Visiblement ému, le réalisateur roumain a déclaré: « je vais tenter de dire quelques mots, bien que j’aie du mal à en trouver. Je remercie la Berlinale de nous avoir invités, je remercie son directeur, Dieter Kosslick, et je remercie Razvan Radulescu avec qui j’ai écrit le scénario de ce film ».


    A son tour, la productrice Ada Solomon a ajouté: « Je suis habituée plutôt à me battre qu’à sortir victorieuse. Un grand merci à notre protagoniste, Luminita Gheorghiu, c’est notamment à elle qu’on doit ce prix. Les responsables politiques de Roumanie devraient prêter un peu plus d’attention à la cinématographie roumaine et aux cinéastes roumains qui s’avèrent d’excellents ambassadeurs du pays ».


    Juste après la projection, la presse internationale s’est précipitée à inclure le film de Calin Netzer parmi les grands favoris du festival. Die Welt, par exemple, s’est extasié devant la force du scénario, la vision du réalisateur et la performance de Luminita Gheorghiu qui joue le rôle d’une mère s’efforçant de reprendre le contrôle sur la vie de son fils interprété par Bogdan Dumitrache. « Le film trace le portrait d’un pays et présente le profile psychologique d’une obsession », note Die Welt. A son tour, The Hollywood Reporter remarque la magnifique performance artistique de Luminita Gheorghiu qui « est brillante dans le rôle d’une mère possessive qui va tout faire pour sauver de la prison son fils coupable davoir tué un adolescent au volant de sa voiture ». « Après Paulina Garcia du film chilien ‘Gloria’ et en attendant Catherine Deneuve dans son film ‘On my way’, la Berlinale rend hommage à une autre actrice extrêmement puissante : il s’agit de Luminita Gheorghiu ». En plus de son partenaire à l’écran, le jeune Bogdan Dumitrache, la comédienne a partagé l’affiche du film avec des poids-lourds de la cinématographie roumaine : Nataşa Raab, Florin Zamfirescu, Ilinca Goia, Adrian Titieni, Cerasela Iosifescu, Mimi Brănescu et Vlad Ivanov.


    Nous vous proposons de passer le micro à Bogdan Dumitrache, le fils rebelle du film « La position de l’enfant » qui nous parle de sa façon d’approcher un personnage : « J’ai besoin de comprendre ce qui se passe avec mon personnage, ce qui lui arrive pour pouvoir ensuite m’identifier à lui. Sinon, je n’arrive pas à refaire la palette d’émotions. Je dois donc refaire le contexte, m’aventurer de plus en plus profondément dans son existence pour bien comprendre ce qui se passe. A chaque fois que je tourne avec un nouveau réalisateur, je finis par me laisser influencé par son style et je le suis dans la direction voulue. Quant à la Position de l’enfant”, je crois qu’à part cette relation mère-fils, fondée sur l’amour et la haine, le film dit encore nombre de choses. Par exemple, j’ai particulièrement aimé le fait qu’il nous suffit d’une action déroulée sur trois jours pour comprendre les 30 années de relation entre les deux protagonistes, pour saisir la source de leurs conflits. Il est vrai que le film surprend un moment de tension extrême, quand les personnages se disent des choses très dures, mais ce n’est là qu’une accumulation de problèmes. »


    « La position de l’enfant », troisième long métrage de Calin Peter Netzer, ajoute une nouvelle couronne de lauriers sur la tête de son réalisateur déjà primé pour ses deux premiers films « Maria » (2003, prix spécial du jury au Festival de Locarno) et « La médaille d’honneur » (2010, prix Gopo de la cinématographie roumaine).


    « La position de l’enfant » se penche sur les traumas des enfants étouffés par l’amour maternel. Parallèlement, le film fait une radiographie des nouveaux riches roumains, tout en soulignant les problèmes de corruption et de trafic d’influence auxquels se heurte la société contemporaine. Le scénario porte la signature de Razvan Radulescu et de Calin Netzer: « Mes personnages se révoltent, se détestent, mais en même temps, ils s’aiment, car Barbu, interprété par Bogdan Dumitrache, n’est après tout qu’un gars atteint d’une névrose et c’est pour cela qu’il réagit de cette manière, qu’il aime et déteste sa mère avec la même force du sentiment. S’il ne l’aimait pas, il lui serait complètement égal et le conflit s’éteindrait. C’est après tout un drame psychologique. Un accident mortel a lieu dans le film et du coup, la mère tente de sauver son fils en essayant en même temps de le regagner. Donc, ce premier accident s’avère plutôt un accident dans la relation mère-enfant et la véritable victime est justement Barbu, l’enfant perdu. »


    Selon le critique Jay Weissberg de la publication Variety”, le long métrage « « La position de l’enfant » repose sur un des scénarios les plus intenses jamais écrits par Razvan Radulescu et opère une dissection monstrueuse de l’amour maternel » « une satire vive et tranchante de la vie des nouveaux riches de Roumanie, une couche sociale habituée à dissimuler la vérité et à prendre soin d’écarter tout le monde dès qu’un conflit surgit » . Le film a également impressionné les critiques du site « Ciné-Vue.com » qui affirment que le réalisateur roumain Calin Netzer « laisse la caméra à poser sur Cornelia un regard tellement intrusif et intense que dans un premier temps, le spectateur pense assister à une enquête de la police au cours de laquelle on passe en revue tous les moments tragiques de l’événement. Capable de transmettre les angoisses et la fragilité d’esprit de la remarquable protagoniste, mais aussi des acteurs distribués dans les rôles secondaires, La position de l’enfant” est un film où le conflit domestique couve en permanence », note le site britannique, tout en faisant l’éloge de / « l’interprétation phénoménale de la comédienne Luminita Gheorghiu ».


    Le trophée remporté par Calin Peter Netzer est le deuxième Ours d’Or décroché par un réalisateur roumain après celui obtenu en 2004 par Cristi Puiu pour son court métrage « Une cartouche de Kent et un paquet de café ». « La cinématographie roumaine est couronnée de succès, mais l’Etat roumain choisit d’y investir très peu et donc les subventions s’avèrent insuffisantes par rapport au grand nombre de personnes douées travaillant dans cette branche », a déclaré Calin Peter Netzer pour Stern.de . (trad. : Ioana Stăncescu)

  • Le Théâtre National de Iasi

    Le Théâtre National de Iasi


    La prochaine édition du Gala de l’Union théâtrale de Roumanie sera organisée à Iasi, dans la grande salle du Théâtre national, a déclaré le président de l’UNITER, le comédien Ion Caramitru. C’est pour la deuxième fois, depuis 2007, que cet événement quitte la capitale au bénéfice de la province.


    Pour le Théâtre national « Vasile Alecsandri » de Iasi, la perspective de se voir l’amphitryon d’un événement d’une si grande envergure représente « un équilibre entre la normalité et l’anormalité », comme nous l’a déclaré le réalisateur Cristian Hadji Culea, directeur de cette institution : « Le Théâtre national de Iasi est le premier de ce type de Roumanie. C’est justement à Iasi qu’a vu le jour le théâtre roumain sous une forme institutionnalisée ou pas. C’est sur la scène de Iasi que l’on a joué en première une pièce en langue roumaine, écrite par Gheorghe Asachi. C’est de tous ces arguments que découle la normalité d’organiser un tel festival à Iasi. Par contre, l’anormalité veut que dans un pays comme la Roumanie, tellement centralisé, un tel événement ait lieu dans la capitale. Mais puisqu’à l’époque de Carol I la ville de Iasi fut considérée comme une véritable capitale de la culture roumaine, l’organisation du festival n’est probablement qu’un retour à la normale ».


    Au beau milieu du mouvement dramatique d’expression française qui s’empara des Principautés roumaines jusqu’en 1850, la ville de Iasi a accueilli en 1816 la première représentation théâtrale en roumain : la pièce « Mirtil et Hloé » de Gheorghe Asachi, d’après Gessner et Florian.


    Construit entre 1894 et 1896 d’après les plans des célèbres architectes viennois Fellner et Helmer, l’édifice qui abrite le théâtre de Iasi est le plus beau et le plus ancien monument du genre de Roumanie. En plus, l’usine électrique inaugurée en même temps que le théâtre a marqué le début de l’éclairage électrique à Iasi. Incluse dans un programme de rénovation selon les plans originaux, la grande salle du théâtre a rouvert ses portes au public en juin 2012.


    Elle continue à impressionner par l’immense chandelier à 109 ampoules en cristal vénitien et par les 1418 lampes électriques qui mettent en évidence les allégories paradisiaques, les nymphes et les Cupidons dont est décoré le plafond en style rococo, peint par Al Goltz. C’est justement cette salle d’une beauté impressionnante qui a poussé le président de l’UNITER à décider de l’organisation du Gala au théâtre de Iasi. Surtout que par cet événement, Iasi aura une raison de plus d’aspirer au titre de capitale européenne de la culture en 2021. Si Iasi sort vainqueur, le théâtre de la ville se verra conférer une place centrale dans le projet européen, surtout que, pour ce qui est de sa capacité, l’édifice est plus que généreux.


    Au micro, le directeur de l’institution, Cristian Hadji Culea : « A l’heure où l’on parle, le Théâtre national comporte 4 salles de spectacles, ce qui nous permet d’y organiser presque toutes les formes de théâtre. A part la grande salle à scène italienne, nous avons la scène du Théâtre Cube, construite pour continuer nos activités durant les travaux de rénovation. C’est une salle à 150 places qui attire nombre de réalisateurs souhaitant travailler ici. Rappelons ensuite l’existence, dans un bâtiment annexe, de la première usine électrique, un endroit qui a abrité des concerts d’Enescu et qui s’est transformé en ce que l’on appelle de nos jours l’Usine au théâtre. C’est une salle à plus de 100 places que l’on met généralement à la disposition des jeunes réalisateurs. Et finalement, nous avons une salle studio de 100 places. Le Cube et l’Usine s’ouvrent notamment aux metteurs en scène qui exploitent des langages divers et qui ont besoin d’un espace qui se plie à toutes les approches possibles. Quant à l’Usine au théâtre, hé bien, depuis cette année, on y organise un concours pour les metteurs en scène débutants. Je pense que c’est dans l’intérêt de notre troupe d’arriver à découvrir de nouvelles formes théâtrales et de nouvelles réponses pour un public nouveau ».


    Le Théâtre national « Vasile Alecsandri » de Iasi a un riche palmarès de festivals à même de nourrir les aspirations de la ville de devenir capitale européenne de la culture. Repassons le micro à Cristian Hadji Culea : « Je voudrais d’abord vous parler d’un festival en rapport avec le Théâtre national de Iasi. Juste en face de notre édifice, il y avait jadis une grande salle où fonctionnait le premier théâtre juif du monde ouvert par Abraham Goldfaden. C’est bien lui qui a joué en première, à Iasi, du théâtre en yiddish avant de continuer sa carrière à New York. Cela fait déjà plus de 15 ans que nous avons un festival consacré aux influences de la culture juive et d’autres cultures européennes. Ce festival a pris de l’ampleur à l’époque de l’ancien directeur Ion Holban et il a continué à se dérouler régulièrement, bien que dernièrement on ait commencé à avoir des problèmes de financement. Un autre festival est celui nommé «l’Europe, tout à l’Est » qui met en lumière les rapports culturels entre l’Orient et l’Occident. A cette occasion, on a fait venir à Iasi tous les théâtres de Moldavie, dans une tentative de refaire l’unité de cette province historique à deux frontières. Et puisque l’espace nous le permet, on souhaite mettre sur pied un festival nommé « Rencontres » consacré au langage théâtral et susceptible de faire débat sur la capacité innovatrice de la mise en scène ».


    Et puisque l’on ne sait pas encore si Iasi serait bien servi dans son ambition de devenir capitale européenne de la culture, disons tout simplement que le 13 mai 2013, cette belle ville accueillira dans la grande salle du Théâtre national le Gala de l’UNITER. En plus, n’oublions pas les premières qui feront la gloire de ce théâtre dans les mois à venir. Et nous pensons notamment à la comédie « Le chapeau florentin » d’après Eugène Labiche, mise en scène par Silviu Purcarete et dont la première a lieu ces jours-ci.(trad.: Ioana Stancescu)

  • Evénements culturels dans les mines de sel de Roumanie

    Evénements culturels dans les mines de sel de Roumanie


    Aménagée et ouverte au public en septembre 2009, la mine de sel d’Ocnele Mari compte déjà parmi les plus importantes et les plus visitées de Roumanie. Avec une superficie de 25 mille mètres carrés, elle dispose d’aires de jeux pour les enfants, de magasins de souvenirs, d’une salle de cinéma, d’un mini-terrain de basket et d’une piste de karting. La mine d’Ocnele Mari accueille aussi la plus grande église souterraine de Roumanie, ainsi qu’un musée du sel.


    Rodica Tanasie dirige l’office de Tourisme de cette mine. Elle présente l’église située à l’intérieur de la mine: « L’histoire de cette église commence par l’ouverture de cette attraction touristique en septembre 2009, après la fin de l’exploitation proprement dite du sel. C’est ici qu’a été inaugurée cette église qui est devenue par la suite la plus grande église orthodoxe souterraine de Roumanie, consacrée aux Saints Georges et à la Sainte Barbe, la protectrice des mineurs, des architectes et des constructeurs. Cette église a été aménagée par l’Exploitation minière de Râmnicu Vâlcea et par le paroissien. A commencer par 2009 et jusqu’à l’heure actuelle, la mine a accueilli différents évènements. En 2011 les reliques de sainte Barbe provenant de Grèce y ont été déposées. Un pèlerinage de deux jours a été organisé à l’occasion. A travers le temps nous avons organisé des concerts de musique religieuse, dont un tenu par Felix Goldbach, un clarinettiste très connu. C’est pendant la même soirée musicale qu’a eu lieu un concert de la Chorale de la Cathédrale Archiépiscopale. »


    C’est en raison de l’état excellent de conservation des travaux miniers et des outillages utilisés pour transporter le sel que la mine de Turda est devenue un véritable musée d’histoire de l’exploitation du sel. La mine est actuellement une destination touristique importante pour ceux qui se rendent à Turda, dans le département de Cluj. L’exploitation du sel à Turda a été un élément important pour l’évolution prospère de la ville vu que cette mine date du 17e siècle. Ceux qui étaient présents à l’inauguration de l’attraction touristique il y a deux ans ont été surpris de trouver dans ces espaces une salle de traitement, des terrains de sport et un amphithéâtre. Et les évènements se sont enchaînés jusqu’à nos jours.


    Felicia Ràceanu, directrice de la Maison de la Culture de Turda passe en revue les événements que la mine s’apprête à accueillir: «L’agenda des événements est très riche cette année. La Maison de la Culture de Turda se charge de leur organisation en collaboration avec la mine et d’autres institutions, histoire de rendre les activités plus agréables et d’attirer un nombre plus grand de touristes. Dans le cadre du Printemps culturel à Turda, qui s’ouvre au mois de mars et qui est arrivé à un nombre respectable d’éditions, il y aura une Journée consacrée aux Arts, dont le coup d’envoi sera donné dans la mine même. La mine de sel de Turda accueillera également un concert de musique avec comme protagonistes les groupes musicaux d’enfants et des jeunes de la localité, ainsi qu’une exposition spéciale, lors des fêtes pascales. L’occasion aussi de mettre en place une exposition d’art culinaire. A noter aussi les deux ateliers que la Maison de la Culture de Turda va organiser cet été, dont un en partenariat avec la Société culturelle Filarmonia Turda et l’autre en partenariat avec l’Ecole Populaire d’art Tudor Jarda de Cluj. Nous avons aussi été très contents d’apprendre que la Société « La culture sans frontières » a annoncé sa participation à nos programmes. Les artistes ayant exposé l’année dernière dans notre mine ont connu un grand succès ».


    Et c’est toujours en 2012 que la mine de Turda a accueilli entre autres un spectacle inédit du Théâtre du Silence, d’Italie, lors de la 5e édition du Festival International du Théâtre expérimental MAN.in.FEST organisée par l’Association « Le Théâtre impossible ». L’édition 2012 a réuni des artistes de renommée internationale issus de 6 pays; l’événement a surpris par l’organisation des événements dans des espaces non-conventionnels, tels la Mine de Turda…(trad. : Alexandra Pop, Alex Diaconescu)

  • La Fabrique de pinceaux

    La Fabrique de pinceaux


    En octobre 2009 prenait naissance à Cluj la Fabrique de pinceaux, un espace d’art contemporain tout à fait à part — consacré tant aux arts visuels qu’à ceux du spectacle. Constituée en même temps en tant que fédération, la Fabrique de pinceaux est le premier projet collectif d’une telle ampleur dans le milieu culturel roumain et dont la renommée a vite fait le tour du pays. Entre 2009 et 2011, plus de 40 spectacles, 50 expositions, 30 ateliers et 10 festivals ont eu lieu à la Fabrique de pinceaux.


    Notre interlocuteur est aujourd’hui Miki Branişte, directeur de l’association ColectivA, partie du projet « la Fabrique de pinceaux »: « C’est une initiative commune, qui représente pratiquement la crème de la société civile intéressée par la culture à Cluj. Dans une visite que je vous propose de faire dans cette ville transylvaine, vous rencontrerez dans la Fabrique de pinceaux tant des galeristes que des sculpteurs, des artistes qui travaillent en vidéo, en installations, en spectacles ou qui sont peintres, tout simplement. Vous rencontrerez, d’autre part, des ONGs qui créent des spectacles de danse ou de théâtre ou organisent des concerts. Nous sommes un groupe très divers de gens qui souhaitaient une seule chose à un moment donné de leur vie et je pense que cela nous a unis et a fait que nous continuions de rester ensemble. La plupart des opérateurs culturels locataires de la Fabrique de pinceaux cherchaient à louer un espace en 2009. La baisse assez conséquente des loyers nous a permis de nous rassembler tous et de louer un espace très grand, respectivement 3000 m². »


    La Fabrique de pinceaux, c’est 40 artistes contemporains, 5 galeries d’art contemporain, 10 organisations culturelles et deux salles de spectacles. Le nom vient de la destination initiale de l’endroit, qui peut encore être devinée par ceux qui visitent cet espace. Le manager culturel Miki Branişte raconte: «Nous avons essayé de préserver le plus de choses qui renvoient à l’identité primaire de cet endroit. Même lorsque nous sommes arrivés ici, nous avons trouvé plusieurs panneaux publicitaires avec différents types de pinceaux qui y étaient fabriqués, ainsi que des panneaux sur la santé – sécurité au travail. Nous les avons tous gardés. Nous avons même organisé une exposition avec tout le matériel que nous y avons trouvé. Nous voulons montrer du respect à l’égard de nos prédécesseurs ».


    En période de crise, les financements pour des activités culturelles sont assez difficiles à obtenir, notamment pour le secteur indépendant. La survie financière de la Fabrique de pinceaux est un exemple pour les notions de communauté et de solidarité. Miki Braniste explique : « Nous tous qui habitons la Fabrique de pinceaux par nos projets culturels, nous cherchons différentes sources de financement. Et dans ce cas je pense notamment aux ONGs. Les artistes vendent leurs œuvres, participent à des foires internationales et à des enchères. A mon avis, une chose importante à mentionner, c’est qu’en juin 2012 plusieurs collègues artistes de la Fabrique de pinceaux ont envoyé leurs travaux pour des enchères qui ont eu lieu à la maison française Tajan à Paris. Leurs œuvres se sont vendues 90 mille euros au total ; ce montant est revenu à la Fabrique de pinceaux où il a été utilisé pour des investissements, pour réparer certains espaces, pour le chauffage – extrêmement coûteux en hiver. Le but, c’était de mieux coaguler la communauté, de pouvoir transformer des espaces avec cet argent … Et à mon avis, cette cohabitation arts visuels — arts du spectacle est très bénéfique. Si pendant les deux premières années de vie de la Fabrique, la vie financière de cet espace a été soutenue plutôt par les ONGs locataires, l’année dernière l’importance des artistes visuels s’est fait sentir et notamment le fait qu’eux, par les dons faits pour cette vente aux enchères, peuvent vraiment y contribuer. Pratiquement, nous nous aidons réciproquement. Cette année, de nouvelles enchères seront organisées par la même maison parisienne parce que les organisateurs français ont été également très contents d’apprendre à quoi a servi la somme récoltée. Ils ont estimé que cela valait vraiment la peine de nous aider à garder un niveau d’activité qui reflète l’importance des gens de la Fabrique et des projets qu’ils déroulent. »


    Une partie de l’argent reçu l’année dernière suite à la vente aux enchères de Paris a été utilisé pour la remise en état d’un espace de socialisation, qui jouera la rôle de bibliothèque d’art, ouverte à tous. Aux dires de Miki Braniste, cette bibliothèque était le rêve de plusieurs artistes de la Fabrique et c’est pourquoi ils feront don d’une partie de leurs collections personnelles de magazines, d’albums et de livres de théorie de l’art.


    Les artistes et les opérateurs culturels de la Fabrique de pinceaux évaluent leur activité en se rapportant à la communauté, le public leur donne la motivation nécessaire afin de continuer, d’investir dans un espace qui est devenu une référence pour la ville de Cluj. Par exemple, parmi les projets menés cette semaine par et à la Fabrique de pinceaux figure aussi un atelier de communication musicale, dont les participants disposent de toute sorte d’instruments plus ou moins connus, modernes ou très anciens.


    A cela vient s’ajouter un spectacle « work in progress », qui s’adapte à chaque fois au public présent, et un atelier de percussion appelé « Your brain on drums » (« Ton cerveau sur des tambours »), dont les organisateurs affirment que jouer du tambour, c’est s’harmoniser avec sa propre personne et avec son propre rythme de vie…(trad. : Ligia Mihaiescu, Alex Diaconescu)

  • L’écrivaine Ileana Malancioiu

    L’écrivaine Ileana Malancioiu


    « Bravo, femme ! Courageuse. Apre. Elle voit, elle sait, elle dit. Et elle y met son cœur de femme sensible. Esprit profond, aux aspérités. Grande poétesse. En effet, voici ce que j’admire chez elle : une force très intelligente mais à la fois accessible à la compassion, à la tendresse (indirecte). Je l’ai qualifiée : une Antigone qui tient Oedipe par la main, mais une Antigone à l’âme d’Electre » – C’est ainsi que Nicolae Steinhardt, l’auteur du « Journal de la Félicité », œuvre unique de la littérature roumaine, décrivait l’écrivaine Ileana Malancioiu.


    Prix national de la poésie «Mihai Eminescu », «Grand prix Prométhée», Grand Prix « Lucian Blaga », « Prix de la revue Adevarul littéraire et artistique » ou encore « Prix Opera Omnia» accordé par l’Association des Ecrivains de Bucarest — voilà quelques-unes des distinctions dont Ileana Malancioiu s’est vu récompenser pour ses volumes de poésie, essais et créations journalistiques. Un deuxième volume signé Ileana Malancioiu et intitulé « La légende de la femme emmurée » paraissait fin décembre dernier en Irlande, chez les Editions « Gallery Press », le premier à avoir été publié dans ce pays étant celui intitulé « Après la Résurrection de Lazare ».


    Invitée d’honneur il y a deux ans de l’événement « Notre langue, le roumain », organisé en République de Moldova, Ileana Malancioiu lançait l’idée de réaliser un buste de Paul Goma, l’intellectuel roumain dissident le plus important, qui s’était établi à Paris. L’événement a abouti à la parution du « Livre de la poésie 2012 », qui s’ouvre sur la poésie de Malancioiu et qui comporte une sélection des créations signées par des poètes de Bessarabie.


    Ileana Malancioiu:« Les intellectuels de Bessarabie qui ont lutté pour la langue roumaine ont réalisé quelque chose de très important. Ils ont créé la Grande Roumanie d’un point de vue culturel. Il y a beaucoup de poètes moldaves talentueux et le préjugé des intellectuels roumains selon lequel en République de Moldova on écrit comme on le faisait au siècle passé est toujours d’actualité. J’ai voulu parler de Paul Goma car en Roumanie il a été victime d’une grande injustice. Nous ne sommes pas très nombreux à parler de lui avec amour. Ce fut là aussi peut-être sa faute, vu que son journal a soulevé beaucoup de questions. En fait, il se disait triste du fait que notre enthousiasme des années ’90 se soit éteint. Ces mots étaient issus de sa tristesse et les gens ont senti le besoin de l’isoler, ce qui n’est pas correct vu qu’il est quand même le symbole de notre résistance, tant qu’elle a été. Je ne trouve pas normal qu’il mène sa vie seul et isolé à Paris, et que dans le pays, toute sorte de faux dissidents se révèlent. C’est une tristesse sans fin qu’un homme comme lui se voit isoler ».


    Diplômée de la faculté de philosophie en 1968, Ileana Malancioiu se voit publier en 1978 sa thèse de doctorat « La Faute tragique », 6 autres de ses volumes ayant été publiés entre temps. Ileana s’est vu obliger à renoncer à la philosophie, car comme elle l’avouait elle-même, «l’époque ne prêtait pas à la philosophie ».


    Même son mémoire de maîtrise, «La place de la philosophie de la culture dans le système de Lucian Blaga », a suscité un véritable tollé. Elle s’est vu reprocher par la plupart de ses professeurs qu’après 5 années d’études de philosophie marxiste, elle avait choisi comme thème la philosophie de Lucian Blaga (philosophe et poète roumain réduit à l’isolement par le régime communiste). Ileana allait provoquer un autre scandale dans les années ’70, lorsqu’elle travaillait à la télévision. A cette époque-là, caractérisée par une liberté apparente, Ileana avait une émission intitulée « Poètes roumains contemporains », dans laquelle elle parvenait à faire connaître au public des poésies de Alexandru Philippide, Constantin Noica, Dimitrie Stelaru, Eugen Jebeleanu, Emil Botta.


    Une simple question adressée à ceux qui ont décidé d’interdire l’émission a profondément dérangé la direction de l’époque de la télévision publique. Le cas a été examiné en séance du parti et Ileana Malancioiu s’est vu contrainte de quitter définitivement l’institution. En 1985, la vente de son volume « L’escalade de la montagne » est suspendue dans les librairies et tout commentaire littéraire est interdit. Trois ans plus tard, à une époque où la censure intervenait même dans les œuvres du philosophe Constantin Noica, Ileana Malancioiu décide de démissionner de la revue littéraire « Viata romaneasca » (« La vie roumaine »). Elle est suivie de près par la Securitate(, comme on peut le constater à feuilleter le dossier de Dorin Tudoran).


    Et pourtant, Ileana Malancioiu affirme : « On ne doit pas me reconnaître les mérites d’un grand dissident. Tout ce que j’ai fait, moi, ce fut d’essayer en tant qu’écrivain de sauver des livres. J’ai donc rejeté les mensonges, la censure, c’est tout. Loin de moi de jouer les dissidents. A chaque fois quand on me traitait de dissidente, je disais « Paul Goma fut un vrai dissident, pas moi ! » C’est lamentable d’assumer plus de vertus qu’on ne mérite. Il est vrai que les temps étaient durs, mais puisque la revue « Viata romaneasca » avait un tirage plus restreint, on arrivait, après de longs combats, à y faire paraître des articles qui n’avaient pas de chances réelles de publication dans des revues au tirage plus grand, telles « Romania literara ».


    Ileana Malancioiu a fait ses débuts poétiques inspirée par les vers du poète russe Sergueï Essenine et de ses confrères roumains Mihai Eminescu et George Bacovia avant de trouver sa propre voix. Qu’est-ce qu’elle a emprunté de ces fameux prédécesseurs ? « Presque tout le bagage poétique dont on s’accompagne une fois engagé sur la voie de la poésie. Après avoir exercé ma technique sur des vers d’Eminescu et de Bacovia, j’ai décidé de jeter toutes ces imitations pour repartir à zéro et dire ce que j’avais vraiment à dire. Pourtant, en l’absence de tous ces exercices de versification, je ne serais jamais parvenue à atteindre le niveau poétique actuel. Ensuite, j’ai commencé à lire systématiquement les poèmes de Baudelaire. C’est-à-dire, lire des poésies, le crayon à la main et tenter de comprendre pourquoi lui, à la différence d’autres poètes, a tellement bien résisté. Généralement, le poète est obsédé par la mort, surtout à partir d’un certain âge. Or, à un moment donné, l’obsession risque de devenir tellement grande que le poète arrive à se sentir menacé et refuse d’en parler. On évite le mot, comme si on pouvait éviter la mort. Mais le silence n’est pas mauvais non plus. Il y a des moments quand on risque de dire des choses qui ne nous représentent plus. Le mieux serait alors de faire de pauses lecture, très utiles pour replonger dans l’écriture ou pour clôturer brillamment une carrière. La clôturer avant que la dégradation ne se déclenche ! »


    « Je ne saurais être dans mes poèmes autre que dans ma vie réelle. Au contraire. Pourtant, je n’ai jamais renoncé à faire des efforts pour trouver le mot juste, celui qui arrive à m’exprimer telle que je le suis. Et je suis terrifiée par la crise du mot qui me réduira définitivement au silence » a encore affirmé Ileana Malancioiu…(trad. : Alexandra Pop, Ioana Stancescu)

  • Musique dans les salines de Roumanie

    Musique dans les salines de Roumanie


    Les mines de sel de Roumanie sont des espaces spectaculaires, privilégiés par les touristes. C’est une des raisons qui font qu’elles soient souvent transformées en salles de concert.


    Ainsi, par exemple, en août de l’année dernière, Radio România Cultural (Radio Roumanie Culture), une des stations du bouquet Radio România (Radio Roumanie), a fait appel aux trois jeunes musiciens talentueux du trio « Icon Arts » et imaginé la tournée « Romania Underground — Musique dans les salines de Roumanie » – cinq concerts, en l’espace d’une semaine. C’est le journaliste Sebastian Crăciun, coordonnateur du projet, qui en raconte le « making of » :« Nous avons déroulé pendant deux ans une tournée intitulée Musique dans les palais de Roumanie” ; un jour, quand je rentrais de Cluj, je me suis arrêté en touriste dans la ville de Turda. C’est là que j’ai vu un amphithéâtre créé spécialement à l’intérieur de la mine de sel pour accueillir des spectacles musicaux ; l’idée m’est ainsi venue d’appeler la tournée suivante « Romania Underground — Musique dans les salines de Roumanie », mais malheureusement c’est justement la ville de Turda qui n’est pas incluse dans l’itinéraire de cette tournée. J’ai découvert que la Société nationale du sel détient six mines ouvertes aux visites, des endroits spectaculaires, très différents les uns des autres, qu’il ne faut absolument pas rater. Slănic Prahova, la plus connue, impressionne par ses salles extrêmement larges; Cacica a une Salle de bal cachée à plus de 200 m de profondeur; Praid est équipée des installations les plus modernes, on y trouve des aires de loisirs et même une église; Târgu Ocna, près de Bacău, est une mine où on descend en bus plusieurs centaines de mètres dans le souterrain; la mine d’Ocnele Mari, près de Râmnicu Vâlcea, est très moderne, avec des restaurants, des aires de jeux, des terrains de basket, de tennis et de football, ainsi que la plus grande église souterraine de Roumanie. C’est le concert d’Ocnele Mari qui m’a paru le plus réussi, parce que là, nos amphitryons nous ont aidés avec la sono ; voyez-vous, le sel retient les sons et les espaces très larges n’aident pas non plus. Le seul endroit avec une acoustique naturelle a été la Salle de bal de Cacica. »


    Le ‘Icon Arts Trio’ est formé du violoniste Simon Csongor, du violiste Bogdan Eugen Cristea et de la violoncelliste Csilla Kecskes Aved, trois artistes récompensés dans des compétitions internationales et qui aujourd’hui se perfectionnent respectivement à l’Académie Gheorghe Dima de Cluj, à l’Université d’Arts de Zurich et à l’Académie de Musique de Hambourg. A l’affiche de la tournée, des créations de Telemann, Schubert, Mozart, Compagnoli, Swan Hannessy, Vladimir Cosma. Sebastian Crăciun explique : « Nous avons pensé à cette inconnue qu’est le public formé de vacanciers. Nous avons donc choisi un programme avec beaucoup de miniatures musicales, plus léger, plus dynamique aussi, pour un public qui pourrait assister pour la première à un tel concert. »


    Le violoncelliste Răzvan Suma, un des musiciens roumains les plus présents sur les scènes de concert, a donné lui aussi un récital dans la mine d’Ocnele Mari, l’année dernière, dans le cadre de sa tournée ‘Aimez-vous Bach ?’ « Ça a été extraordinaire, dans une ambiance très détendue. Je ne peux pas dire que je m’étais senti comme dans une salle de concert, mais la sensation a été fantastique, parce que près de moi des gens jouaient au foot, un peu plus loin d’autres jouaient au basket, on entendait même quelques enfants crier de temps en temps. A un moment donné, les organisateurs ont pris l’initiative d’arrêter le match de foot, mais je les ai dissuadés en leur disant que si ce n’était pas pour le concert, j’aurais joué moi aussi. J’ai l’habitude de faire de la musique dans des lieux non conventionnels, surprenants. Je suis allé, par exemple, dans des lycées où on ne faisait pas de musique, ou bien sur des scènes ad hoc où la musique classique n’avait jamais résonné ; avec le Trio, nous avons vécu des expériences bien moins agréables qu’une mine de sel. Ceux qui descendent dans un tel endroit sont des touristes. Il ne faut pas les obliger à s’y tenir tranquilles, à perdre pratiquement l’endroit pour lequel ils sont venus en fait. Certes, il y a eu aussi des personnes venues spécialement pour le concert, mais j’ai beaucoup apprécié que le nombre de spectateurs s’est fortement accru après le début du concert. Il y en avait même qui sont restés debout tout le temps, il y en avait même des enfants qui écoutaient très attentivement. »


    Răzvan Suma possède un violoncelle construit en 1849 par le luthier Maucotel et qui lui a été offert par la Fondation Musicha de Saint-Sébastian, en Espagne.


    Les mines de sel de Roumanie ne résonnent pas que de la musique classique. Ces espaces ont attiré d’autres genres aussi, par exemple le célèbre maître de la flûte de Pan Gheorghe Zamfir qui a donné un concert de musique sacrée, ou encore le groupe rock Byron qui a enregistré intégralement un concert. Enfin, la mine de sel de Turda a accueilli des participants au festival international « Transilvania Jazz Festival ». (trad. : Ileana Taroi)