Category: Espace Culture

  • Le Théâtre Regina Maria, Reine Marie, d’Oradea

    Le Théâtre Regina Maria, Reine Marie, d’Oradea

    Un couple de jeunes mariés, le cœur rempli de joie, – sous une comète. Tout autour, des invités joyeux et décontractés. A dix ans de son mariage, Elisabeth voudrait bien savoir si le bonheur peut rester sur place et elle décide donc de refaire la fête de son mariage. C’est la prémisse du spectacle La Comète” de Justine del Corte, mis en scène par Radu Alexandru Nica au Théâtre Regina Maria, Reine marie, d’Oradea. Justine del Corte figure parmi les dramaturges allemands les plus appréciés du moment et son texte écrit en 2012 a été mis en scène pour la première fois au théâtre Burgtheater de Vienne par Roland Schimmelpfennig, un des auteurs allemands les plus chevronnés de nos jours.



    Pourquoi le metteur en scène roumain, Radu Nica, a-t-il choisi ce texte? « Ce fut le côté philosophique du scénario qui m’a particulièrement touché. Je ne trouve rien de déplacé à ce qu’un spectacle propose au public un peu de philosophie. J’aime bien que les personnages se mettent à réfléchir sur la vie. Le texte renvoie aussi bien à Tchékhov qu’à Arthur Schnitzler et c’est justement ce mélange ciblé sur les problèmes du monde contemporain qui l’a rendu extrêmement séduisant tant pour moi, en tant que metteur en scène, que pour les comédiens. Tous les personnages ont des rôles très complexes. Il n’y a presque pas de personnages secondaires. Il y a une dizaine de personnages principaux qui jouent dans ce spectacle qui parle du bonheur et s’interroge sur les moyens d’en obtenir le plus possible. Un thème qui a vraiment suscité mon intérêt en tant qu’individu. Car, en tant que cinéaste, j’ai préféré privilégier le thème de la mise en abîme et présenter la fête du mariage comme un épisode quotidien repris sur une scène de théâtre. Du coup, au lieu d’une simple méditation sur le passage du temps, le spectacle a mis en évidence la façon dont le théâtre peut nous aider à nous soustraire au temps qui s’écoule. »



    Ce fut justement à l’occasion du spectacle La comète” que le metteur en scène Radu Nica a découvert la troupe Iosif Vulcan du Théâtre Regina Maria d’Oradea. Au total: quinze comédiens de moins de 40 ans. Radu Nica: « J’ai fait la connaissance d’une troupe assoiffée de jouer un théâtre différent de ce que l’on a fait dernièrement à Oradea. Puisque cette institution a privilégie le côté plutôt commercial, les variétés ce qui n’est pas mal du tout, vu que la salle est de nouveau prise d’assaut par le public . Mais, je crois que le moment est venu d’offrir aux spectateurs des textes dans un registre différent. Or, ce texte, bien que difficile et d’un humour pas du tout facile, n’est pas du tout indigeste. »



    L’édifice du Théâtre d’Oradea, qui accueille aussi bien le Théâtre Reine Marie, que le Théâtre Szigligeti, en langue hongroise, est un des plus importants du patrimoine architectural de la ville. Il a été bâti d’après les plans de la société d’architectes Fellner et Helmer de Vienne. Les travaux de construction ont duré seulement 15 mois, de juillet 1899 en octobre 1900. A l’extérieur, le bâtiment combine harmonieusement le style néoclassique, dominant sur la façade, avec des éléments de néo-Renaissance et néobaroque, tandis que les finitions et les ornements intérieurs relèvent du rococo.



    Cinq ans durant, jusqu’en 2011, l’édifice a subi des travaux de rénovation. La troupe du Théâtre Reine Marie a inauguré l’espace fraîchement remis à neuf par le célèbre musical “Violoneur sur le toit”, deux fois nominé aux prix de l’Union Théâtrale de Roumanie, dans les catégories meilleure scénographie et meilleure actrice dans un rôle secondaire.



    Au micro, Daniel Vulcu, directeur de ce théâtre. « Nous envisageons d’aborder ce genre peu exploité par les autres théâtres de Roumanie, à savoir le théâtre musical. Bien sûr que ce ne sera pas notre unique option, mais nous souhaitons promouvoir ce genre de spectacle et pensons avoir la force de le faire comme il faut. Aux termes de notre stratégie de management, tous les deux ans nous mettons en scène un musical d’envergure. Je crois que nous avons fait la preuve de notre performance en ce qui concerne le musical. Nous n’allons pas pour autant oublier le fait que nous sommes un théâtre dramatique et par conséquent les autres types de pièces ne manqueront pas de notre répertoire. Nous nous sommes proposés de travailler avec des metteurs en scène réputés. La collaboration avec Radu Nica a été de bon augure. Il y a eu aussi d’autres collaborations importantes, comme celle avec Mihai Măniuţiu. C’est lui qui nous a lancé la proposition de transformer un texte classique, celui de Leonce et Lena en un spectacle de théâtre musical ”.



    Comme la ville d’Oradea compte environ 200 mille habitants, les salles du Théâtre Reine Marie sont combles à chacune des 10 à 15 représentations qu’il donne par mois. Daniel Vulcu « Nous avons en tout une quinzaine de spectacles et beaucoup de demandes. A l’approche du Festival de la pièce courte, nous travaillons encore plus. L’année dernière, nous avons monté une cinquantaine de spectacles qui ont été très bien accueillis. Nous avons notre public, qui aime le théâtre. J’oserais même dire que nous sommes créateurs d’une mode en matière de théâtre. Dans les salons de coiffure, dans les banques ou les hôpitaux, partout on parle théâtre, on se demande si l’on a vu tel ou tel spectacle. Lors de la précédente édition du Festival de la pièce courte nous avons présenté deux de nos propres spectacles, accueillis par la Grande Salle. Des troupes de Bucarest y ont également été invitées»



    Parvenu à sa XXe édition et organisé par le Théâtre Reine Marie d’Oradea, le Festival de la pièce courte est le seul événement consacré à la pièce en un seul acte et un des plus longévifs en Roumanie, puisqu’il existe depuis 1976. (trad. : Ioana Stancescu, Mariana Tudose)


  • Ateliers de cinéma pour les enfants

    Ateliers de cinéma pour les enfants

    « Le cinéma, c’est l’art le plus populaire, mais aussi le moins présent dans la vie des enfants. Malheureusement, les cinémas se limitent à la liste d’animations et de films d’amusement de date récente, les chaînes de télévision n’ont pas de programmes spéciaux à l’intention des enfants, où le cinéma et les arts visuels aient une place, tandis que les écoles, elles ne consacrent aucune classe à l’éducation cinématographique », dit Ileana Bârsan, journaliste et critique de film, expliquant comment l’idée des ateliers destinés aux enfants entre 7 et 14 ans lui était venue.



    En plus, ce n’est pas sa première expérience de ce type. Elle a participé, en tant que formatrice, au projet inédit dans l’enseignement roumain, L’Education à l’image, projet lancé par l’Ambassade de France en Roumanie, la Société culturelle Next et la cinéaste française Vanina Vignal. L’Education à l’image a commencé en Roumanie en 2009 et a réussi à ramener les lycéens plus près du cinéma, par des projections et des débats en marge des films qui ont marqué l’histoire de cet art.



    Un autre programme qui a compté pour Ileana, c’est EducaTIFF, initialement appelé Programme d’éducation médiatique et cinématographique, lancé dans le cadre du festival international de film Transilvania.



    Ileana Bârsan: « Vu que j’écris depuis quelques années sur le film, et à un moment donné la critique spécialisée en cinéma a commencé à déchoir, et j’ai pensé qu’il n’y avait plus de gens avec lesquels échanger en marge de cet art. la critique de cinéma n’est pas discréditée en ce moment seulement en Roumanie, c’est un phénomène assez général. En plus, les revues dans lesquelles j’aurais pu écrire ont disparu, et les spectateurs ne se pressent pas dans les cinémas. On arrive dans le meilleur des cas à 200.000 spectateurs, donc je me suis dit qu’il fallait en quelque sorte les former. Bien entendu, c’est un plan de longue haleine, il s’agit d’enfants qui commencent à peine à visionner des films, à être intéressés par cet autre moyen de raconter une histoire, et d’essayer de comprendre ces histoires par leur propre expérience. Je me suis rendu compte que cela pourrait être une solution, de former des spectateurs qui pensent au cinéma comme un moyen de raconter une histoire, et qui puissent faire des corrélations entre le cinéma et d’autres arts ».



    Ileana Bârsan raconte également la manière dont se déroulent les ateliers : « Le module introductif dure cinq semaines, avec une séance par semaine, pendant le week-end. La projection et les discussions durent environ deux heures. Dans le module introductif je présente aux enfants des fragments de films de moins de dix minutes. Et eux, ils essaient de comprendre les images en mouvement, le jeu des acteurs, le rôle de la mise en scène, de la lumière, l’abc du cinéma. On évite de théoriser et ce sont les enfants qui découvrent par eux-mêmes la manière dont on construit une scène, quelle est la contribution de l’acteur et du réalisateur, combien il est visible dans toute cette affaire. Dans ce même module introductif, ils découvrent la technique du montage, en partant d’une photo et arrivent au cinéma et au montage. Je peux dire qu’ils ont été très heureux de découvrir qu’étaient eux aussi capables à penser en images » .



    Mais les ateliers de cinématographie organisés par le critique et journaliste Ileana Bârsan ont comme point de départ une expérience moins professionnelle : « J’ai constaté qu’ils étaient utiles en regardant mes propres enfants, et notamment ma fille aînée de presque 13 ans. Le cinéma est le moyen le plus efficace et le plus rapide de communiquer puisqu’en regardant un film, les réactions sont presque instantanées. C’est ainsi que naît une idée, un dilemme. Et les enfants non seulement réagissent immédiatement, mais leur réaction est sincère. Ils expriment directement ce qu’ils ressentent lorsqu’ils regardent une histoire. C’est pourquoi, ces cours aident aussi à stimuler la créativité des enfants. Du coup, ils proposent des idées, ils analysent ce qu’ils voient sur l’écran, ils avancent d’autres variantes, pour donner naissance à un débat et finalement ils arrivent à se poser eux mêmes des questions, ce qui est important. »



    « Depuis la photographie aux images en mouvement. Mémoire, imagination et histoire. A quoi servent les films ? » et « Qui raconte l’histoire ? Le réalisateur ? Le narrateur ? Le personnage ou le spectateur ? Qu’est ce que doit suivre ensuite ? Comment a été le film ? » ce ne sont que quelques unes des questions que le critique de film Ileana Bârsan propose à ses petits élèves. (trad. Ligia Mihaiescu)

  • Le Festival de danse contemporaine et de performance Like CNDB #1

    Le Festival de danse contemporaine et de performance Like CNDB #1

    « C’est plus que réconfortant qu’il ait un si grand succès ! Et ce sur tous les plans : organisationnel, économique, de qualité — la qualité du public, la qualité des spectacles… C’est très bien d’avoir la confirmation d’avoir bien choisi, d’avoir bien pensé les choses et enfin, le spectacle de danse contemporaine a un si large accès à un public en voie de spécialisation.»



    Ce sont les pensées exprimées par la chorégraphe Vava Ştefănescu, directrice par intérim du Centre national de la danse de Bucarest, exprimées à la fin du Festival de danse contemporaine et de performance Like CNDB #1, organisé par ce Centre. Un événement par lequel la seule institution publique de culture qui soutient, développe et promeut la danse contemporaine de Roumanie a réussi à rassembler un public si nombreux — au-dessus des attentes. Et elle a également réussi à créer une ambiance tellement chaleureuse et amicale qu’il est rare d’en trouver dans une salle de spectacle. Selon son propre témoignage, l’équipe du Centre a choisi pour ce festival des spectacles originaux, surprenants, amusants et extravagants, dont nous vous présenterons certains aujourd’hui.



    En 2010, l’artiste Mihai Mihalcea prenait d’assaut la scène culturelle avec un projet de fictionnalisation de sa propre biographie, devenant Farid Faïrouz et commençant à lancer, par ses spectacles, des questions et des réflexions sur la production culturelle, le capitalisme, la sexualité et la religion. Directeur, entre 2006 et 2013, du Centre national de la danse, Mihai Mihalcea/ Farid Faïrouz a présenté au Festival Like CNDB le spectacle « Realia (Bucarest-Beyrouth) ». « C’est un spectacle où je crois que je veux faire tourner la tête au spectateur, en essayant de superposer complètement les deux personnages, pour que l’on ne sache plus jusqu’où Farid va et jusqu’où Mihalcea peut s’étendre. C’est un spectacle dans lequel j’apporte au premier plan toute sorte d’histoires autobiographiques, mais je fais figurer aussi beaucoup de choses qui m’intéressent dans le monde d’aujourd’hui — la guerre civile à Beyrouth, par exemple, et beaucoup d’autres, qui ont attiré mon attention au fil du temps et qui ont marqué une tension en moi ».



    Signée par Dhafer Youssef, Brent Lewis, Tchaïkovski et Margareta Paslaru, la colonne sonore du spectacle vient compléter cette double identité.


    Autre point fort à l’affiche du Festival Like CNDB — le spectacle Hematopoesis”, un marathon de danse de huit heures imaginé par la chorégraphe Madalina Dan avec la présence sur scène des spectateurs. Nous avons voulu savoir les raisons qui poussent un danseur à créer un spectacle tellement dur. Les raisons sont des plus sérieuses. Dans mon cas: la maladie. Je n’aurais jamais pensé à un marathon du mouvement avant que je ne tombe malade. Ce fut une année très dure pour moi avec toutes sortes de traitements qui m’ont fait comprendre à quoi rime la douleur physique et psychique et surtout comment la vie se présente au moment où le corps ne fonctionne plus. Or, ce fut justement pour compenser cette détresse que j’ai décidé de créer un marathon de la danse de huit heures. Je suis intéressée à examiner de plus près l’épuisement du corps et j’ai décidé de le faire en compagnie du public. Normalement, les spectacles de danse durent une heure. Or moi, je voudrait inviter le public à assister à un véritable processus qui se construit sous leurs yeux en l’absence de tout scénario. Moi, je me plais à parler d’une dramaturgie ouverte dans le sens qu’il y aura aussi des moments moins intéressants puisqu’il s’agit d’improviser et de créer sur place. C’est un processus de transformation en plein déroulement, ce qui éveillera la curiosité du public”.



    La première édition du festival de danse contemporaine et performance Like CNDB s’est achevée le 27 février par deux spectacles dont la chorégraphie est signée par Andreea Novac. Il s’agit de deux solos, « Dance a playful body » (« Faire danser son corps vivace »), avec le comédien Istvan Teglas et « Sur la tendresse », où Andreea Novac est également protagoniste du spectacle. Créé en 2008, « Dance a playful body » continue d’attirer un grand nombre de spectateurs. Andreea Novac: “Dans ce spectacle j’ai pris pour point de départ le corps — sa représentation et le corps quotidien, qui cohabitent dans la même personne. Ce que j’ai beaucoup apprécié chez Istvan et que j’ai tenté de rendre dans le spectacle c’est la capacité à passer très vite par différents états. Il y a un corps-caméléon et un interprète caméléonique. C’est justement ce qui se passe dans ce spectacle: il traverse toute sorte d’étapes lors desquelles le corps apparaît tantôt comme représentation, donc dépersonnalisé, tantôt dans sa vulnérabilité, et c’est là que l’homme Istvan se révèle. Bref, c’est un va-et-vient entre états, émotions et formes diverses.



    L’autre spectacle, « Sur la tendresse » a été créé il y a deux ans. Au début, il renvoyait à des prémisses personnelles. Maintenant, il parle de la tendresse de l’acte artistique”, affirme Andreea Novac, qui ajoute : “J’oscille sans cesse entre réalité et fiction, entre sincérité et dissimulation et cette frontière est difficilement saisissable”. (Trad. : Ligia Mihaiescu, Ioana Stancescu, Mariana Tudose)

  • Maîtres artisans du département de Prahova

    Maîtres artisans du département de Prahova

    Sis entre Bucarest, la capitale et la province historique de Transylvanie, au pied des Carpates Méridionales, le département de Prahova ne cesse de nous surprendre aussi bien par la beauté des paysages que par la richesse de son patrimoine culturel. Dans ce qui suit, nous allons vous faire la connaissance de plusieurs maîtres artisans qui, par leur art et leur savoir-faire, se battent pour la survie des formes traditionnelles d’artisanat.



    A ses 90 ans, Larisa Iftode de la ville de Urlati passe le plus clair de son temps à réaliser des icônes sur verre et des masques inspirés de l’imaginaire populaire. Sa passion pour l’art dure depuis longtemps : « Tout a commencé lors d’une de mes visites dans les galeries et les expositions de la capitale, Bucarest. C’est alors que j’ai remarqué dans une galerie d’art une icône sur verre représentant Saint Georges. Elle coûtait énormément et moi, à l’époque, j’étais très pauvre. Toutefois, plus que le prix, ce fut le fait de remarquer que un poisson à la place du dragon traditionnel qui m’a profondément contrariée. Et c’est alors que je me suis dit que moi, j’aurais certainement pu faire un meilleur dessin. Des années se sont écoulées depuis, pendant lesquelles j’ai préféré m’occuper des masques. J’en ai fait des centaines, j’ai participé à toute sorte d’expositions et j’ai même décroché des diplômes. Et puis un jour, vers 63 ans, j’ai décidé de m’adonner à la peinture sur verre. Je n’ai jamais pris de cours en ce sens, personne ne m’a appris comment cela se faisait. Mon talent est tout simplement un don divin. J’ai réalisé des tas d’icônes que j’ai présentées aussi en France, Allemagne, Suisse, Italie et Russie ».



    En l’absence de tout cours de spécialité, Larisa Iftode s’est laissé inspirer par la nature et la beauté qui l’ont accompagnée tout au long de sa vie. Une histoire similaire a vécu Irina Mihaela Popovici, artiste plasticienne dilettante de la ville de Ploiesti, passionnée des costumes traditionnels : « Cette passion, je l’ai héritée de ma mère, elle aussi artiste plasticienne. Mais, à la différence d’elle qui se préoccupait des costumes sous plusieurs aspects, moi, j’ai préféré me consacrer aux poupées folkloriques pour mettre en lumière la beauté des costumes roumains. Mes poupées se vendent notamment à l’étranger où il existe pas mal de personnes qui se passionnent pour ces représentations miniatures. Leurs petits costumes stylisés que je créée avec les mêmes matériaux comme dans le cas des costumes originaux me permettent de montrer dans les moindres détails la richesse de nos costumes ».



    La fabrication d’une petite poupée de collection n’est pas chose facile, avoue Mihaela Popovici pour laquelle chaque détail compte si l’on veut que l’Europe tombe sous le charme des costumes folkloriques roumains : « Personnellement, je me suis consacrée notamment aux costumes originaires de Moldavie et Transylvanie. Pourtant, j’en ai fait pas mal inspirés aussi des régions d’Arges et de Valcea. J’ai fabriqué même des tenues traditionnelles pour les fêtes de Noël ou de Pâques. Toutes mes poupées sont chaussées d’opinci, ces chaussures traditionnelles roumaines réalisées en cuir et portent des chaussettes tricotées de laine. Les accessoires tels les petits gilets, les sacs en tissu, les bonnets en laine pour les hommes ou les fichus en lin pour les femmes ne manquent jamais quand il s’agit des costumes de la contrée de Moldavie. Quant à ceux transylvains, eh bien là, je confectionne des chapeaux pour les figurines masculines et des colliers pour celles féminines. Puisqu’il s’agit de miniatures, j’ai du mal à imaginer des costumes complets qui comportent aussi les habits d’hiver. J’ai choisi de vêtir mes poupées de blouses roumaines stylisées décorées selon la tradition de la région d’origine. Les cheveux sont faits en laine et toutes les poupées sont coiffées soit de bonnets, soit de fichus ».



    Valetin Nicolae est un artiste plasticien amateur dont l’œuvre ne passe pas inaperçue. Car, ce sapeur-pompier de Ploiesti a réussi à transposer dans son art la fascination pour le feu en tant qu’élément primordial : « Mes ouvrages renvoient au style gothique, médiéval. Pour l’instant, je ne travaille que le verre et le bois. Pour cela, je fais la collecte des déchets que je transforme par la suite en différents objets décoratifs repeints pour la plupart en noir et jaune d’or ».



    Les objets décoratifs de Valentin Nicolae impressionnent notamment par la multitude des détails en couleurs sombres qui nous font plonger dans la nuit des temps. Et puisque l’on parle d’une période révolue, faisons la connaissances de notre dernier invité du jour, le maître artisan Ion Ionita qui fait des tableaux en pailles collées censées évoquer les coutumes roumains de la contrée de Prahova : « Notre grand historien roumain, Nicolae Iorga, disait que l’identité d’une nation est plus qu’une identité de langue et d’espace. S’y ajoutent les traditions, l’histoire, le passé, le présent et l’avenir, les coutumes, les costumes- autant d’aspects qui nous définissent en tant que Roumains. Moi, j’ai bien aimé les maisons traditionnelles de chez nous, même celles bâties en ville qui savent mêler l’art traditionnel à l’urbanisme. Avant qu’un village ne commence à se former, il faut toujours bâtir une église. Car le village gravite autour d’une sainte demeure. Les églises villageoises conservent les éléments traditionnels d’architecture et de peinture. On s’est souvent posé la question pourquoi les portes de nos églises sont tellement basses . Car pour y entrer, il faut baisser la tête et laisser la vanité dehors. C’est de tout cela que j’ai bien voulu parler dans mon art ».



    Chers amis, c’est ici que prend fin notre itinéraire culturel à travers le département de Prahova. Nous vous remercions de votre attention et vous donnons rendez-vous la semaine prochaine pour de nouvelles informations culturelles. (trad.: Ioana Stancescu)

  • L’Atelier de création Laurenţiu Dimişcă

    L’Atelier de création Laurenţiu Dimişcă

    Le peintre Laurenţiu Dimişcă est un promoteur reconnu sur le plan international de l’art « hors norme ». Il a présenté ses œuvres lors de prestigieuses manifestations internationales et il a organisé en Roumanie d’amples événements consacrés à ce genre d’art.



    Cette fois-ci, Laurenţiu Dimişcă nous propose un espace permanent de rencontre, son propre atelier, au premier étage du bâtiment accueillant le théâtre d’animation ŢĂNDĂRICĂ, situé place Lahovari, au cœur de Bucarest. C’est la première galerie de Roumanie et du sud-est européen consacrée aux types d’art disons nouveau : l’Art singulier, l’art brut, à la nouvelle peinture figurative, l’art naïf, l’art populaire, alternatif, visionnaire, schizophrénique, au raw vision et à l’art contemporain du monde entier.



    Le critique d’art Marius Tiţa nous en dit davantage: « L’atelier que Laurenţiu Dimişcă a ouvert à Bucarest est en fait la capitale de l’art brut, de l’art singulier dans cette partie de l’Europe. Laurenţiu Dimişcă est connu depuis un certain temps déjà en tant que promoteur et créateur talentueux d’art brut. N’oublions pas que c’est un peintre véritable. Il a suivi les cours du lycée d’art et la faculté de Beaux arts et il a passé son doctorat à l’Université d’art de Cluj. Cet atelier est une troisième édition des grandes expositions que Laurenţiu Dimişcă a ouvertes à Bucarest, au Palais du Parlement, au Musée du village ou au Musée du Paysan roumain, mais c’est aussi un centre permanent où l’on peut apprendre davantage sur ce genre d’art et voir les oeuvres de grands créateurs d’art brut provenant d’importantes collections de France, on pourra également assister à des événements consacrés à cet art : art « hors norme », art singulier. L’art brut est un art qui ne tient compte d’aucune convention. Il offre à l’artiste une totale ouverture. »



    L’atelier de Laurenţiu Dimişcă est la concrétisation d’un vieux rêve, celui de créer un centre international d’art qui soit en même temps un musée. Laurenţiu Dimişcă : « Initialement, j’ai acheté une vieille école tout près de Piatra Neamţ, dans le nord-est de la Roumanie, pour y ouvrir ce centre. Pourtant, j’ai pensé que je devais plutôt mettre sur pied une collection, en organisant des salons et des événements. A présent, j’ai mon atelier au centre de Bucarest, dans un bâtiment superbe, celui du Théâtre Ţăndărică. L’atelier est ouvert à tout le monde ; pourtant, ceux qui souhaitent visiter les expositions temporaires et permanentes, ainsi que mon atelier personnel doivent m’appeler pour m’avertir, afin que je sois là. La collection permanente est celle de la fondation. Quant aux collections temporaires, à présent nous accueillons le Salon international d’art singulier, arrivé à sa 3e édition. La prochaine exposition sera celle de l’artiste Aurel Cogealac, un artiste autodidacte, suivie par celle de Mimi Revencu, femme peintre autodidacte elle aussi. Avant le 8 mars, l’occasion de la journée internationale de la femme, je souhaite lancer des bijoux, réalisés en collaboration avec l’artiste Andra Margine. Ensuite, les créations prendront la voie du Musée du village, du Musée du Paysan roumain et de la Bibliothèque nationale. De nouveaux artistes s’ajouteront à chaque nouvelle exposition. Nous organiserons également un colloque d’art singulier — qui en est à sa deuxième édition. D’ici la fin 2014, je me propose d’accueillir aussi bien des expositions personnelles d’artistes qui travaillent dans l’esprit de cet art ou qui font de l’art contemporain. »



    Les peintres Laurenţiu Dimişcă, Aurel Cogealac et Mimi Revencu, comme les photographes Andrei Baciu et Sorin Onişor et le Musée national du village ont été, à l’automne dernier, invités du Consulat de Roumanie à Lyon, dans le cadre de l’exposition « La Roumanie entre tradition et modernité ».



    La galerie-atelier de Laurenţiu Dimişcă est un espace où l’artiste s’est proposé de familiariser le public avec son genre d’art, et ce non seulement par des expositions. « En dehors de l’occasion que peu de gens ont de découvrir un atelier d’artiste — parce qu’il y a des artistes dans l’atelier desquels vous n’avez aucune chance de pénétrer pour les voir peindre — il a aussi un but d’initiation. Je vais initier des enfants, mais aussi des adultes dans le domaine de la peinture, de la créativité, de l’imagination. J’ai une expérience française, où j’ai ouvert des festivals d’art singulier et j’ai travaillé avec 300 enfants de 9 maternelles d’Auvergne. J’ai ensuite ouvert le festival « Itinéraires singuliers », à Dijon ; il est consacré aux personnes handicapées, donc j’ai travaillé avec des personnes ayant des problèmes, genre alcooliques, schizoïdes. Je parle de l’interaction artiste — public, de gens qui n’ont jamais travaillé avec un artiste. Mon style est plus optimiste et j’ai de beaux projets dans les domaines de la créativité et de l’imagination ».



    A présent, environ 300 oeuvres sont exposées dans l’atelier Dimişcă. Les artistes qui les signent, plus d’une cinquantaine, sont notamment des Français ; grâce à la collaboration avec l’Association pour promouvoir l’art contemporain populaire, de France. A leurs côtés, l’on retrouve aussi quelques Roumains, mais aussi des artistes africains, cubains, argentins et norvégiens.



    Ce printemps, vous pourrez voir de nouvelles œuvres créées par le peintre Laurenţiu Dimişcă à La Haye, à la célèbre galerie Carré d’artistes faisant partie de la chaîne de galeries homonymes présentes dans le monde entier. Leur particularité, c’est qu’il est demandé aux artistes désireux d’exposer là de réaliser des travaux de petites dimensions, de manière à ce qu’ils puissent être accessibles à tout acquéreur. Le prix est le même, quel que soit le niveau de l’artiste. ( Trad. : Dominique, Ligia Mihaiescu)

  • Cosmina Stratan, dans le programme “Shooting Stars” de la Berlinale

    Cosmina Stratan, dans le programme “Shooting Stars” de la Berlinale

    L’actrice Cosmina Stratan a été sélectionnée par le programme Shooting Stars, Etoiles montantes, consacré aux jeunes talents d’Europe, qui se déroule du 8 au 10 février dans le cadre du Festival International du Film de Berlin. Elle rejoint ainsi d’autres stars internationales, telles Rachel Weisz, Daniel Craig, Carey Mulligan et Mélanie Laurent, lancées au fil du temps par ce célèbre programme. Dans la sélection de ces dernières années on retrouve aussi les acteurs roumains Ana Ularu, Dragoş Bucur, Maria Popistaşu et Ada Condeescu.



    Quant à Cosmina, elle a décroché en 2012, au Festival de Cannes, le prix d’interprétation (aux côtés de Cristina Flutur), pour le rôle interprété dans le film « Au delà des collines », du réalisateur roumain Cristian Mungiu. Primé lui aussi à Cannes, le scénario du film puise son sujet dans l’ouvrage de Tatiana Niculescu Bran, laquelle s’inspire d’un cas réel. Dans le monastère de Tanacu, en plein cœur de la Moldavie roumaine, une jeune femme de 23 ans trouve la mort à la suite d’un rituel meurtrier d’exorcisme officié par un prêtre et quatre nonnes.



    Dans son film, Cristian Mungiu raconte l’histoire de deux jeunes, Alina (Cristina Flutur) et Voichiţa (Cosmina Stratan), élevées dans un orphelinat. Alina rend visite à son amie de cœur Voichita qui a embrassé la religion. Elle veut la convaincre de quitter les ordres pour s’installer en Allemagne avec elle. Mais Voichita souhaite qu’Alina renonce à l’amour qu’elle lui porte pour le consacrer à Dieu.



    Deux ans après le lancement du film, Cosmina Stratan se sent toujours attachée à son personnage et se rappelle avec plaisir les jours de tournage : « Ces deux années sont passées sans que je m’en aperçoive. A l’arrivée de l’hiver, car le tournage a été fait surtout en hiver, les souvenirs liés au film «Au delà des collines» se font plus intenses. Je n’ai jamais cessé d’y penser. Ce film est pour l’instant mon repère le plus important et il est possible qu’il le reste. C’était mon premier long – métrage. En plus, il m’a offert la chance de travailler avec Cristian Mungiu. Je doute qu’un autre projet puisse me tenir à cœur comme celui-ci. Et puis je ne sais pas si je parviendrai jamais à réitérer la performance que j’ai réalisée avec l’équipe du film «Au delà des collines».



    Le prix d’interprétation féminine accordé à Cosmina Stratan au Festival de Cannes a surpris l’actrice. Elle ne s’y attendait pas. Invitée de notre émission, elle nous parle de sa sélection pour le programme Shooting Stars et de son prochain film : « A la différence de ma participation au Festival de Cannes, à celle de Berlin, pour « Shooting Stars » j’ai eu le temps de réfléchir et de souhaiter être sélectionnée. Figurer dans ce programme est une chance pour tout acteur en train de se former. Il lui permet de rencontrer des professionnels du cinéma, des agents, des directeurs de casting, des producteurs. Mon prochain film sera tourné à Berlin, au printemps. Il s’agit du long métrage d’un réalisateur allemand qui fait ainsi ses débuts, c’est son premier long métrage. Je ne peux pas vous dire le titre du film, je pense qu’il n’a pas encore un titre définitif. J’y joue un rôle principal. »



    Si nombre de jeunes acteurs souhaitent voir leur nom figurer dans une superproduction, Cosmina Stratan s’intéresse, elle, surtout au scénario, à l’histoire. Le scénario du film « Au-delà des collines » et son admiration pour le cinéaste Cristian Mungiu ont d’ailleurs déterminé Cosmina Stratan à jouer dans ce long métrage : «Je pense que c’est l’histoire qui m’intéresse le plus. L’histoire et les personnages. Et bien sûr, il faut aussi que lors du casting, je parvienne à établir une bonne relation avec le réalisateur, car il est particulièrement important que nous soyons sur la même longueur d’onde. Et c’est une chose dont on peut se rendre compte dès le début. Ce sont là les éléments sur lesquels je me focalise quand je choisis un film ou reçois une proposition. Je ne pense ni au budget du film, ni à la distribution, ni à d’autres aspects liés à la visibilité ou aux possibilités d’avancer dans ma carrière. Si les éléments qui m’intéressent sont là, je m’engage volontiers. »



    Ce n’est pas uniquement dans le domaine du cinéma que Cosmina s’est fait remarquer. Elle a une forte attraction — peut-être même plus forte — pour le théâtre. C’est pourquoi elle ne souhaite pas quitter la Roumanie. Cosmina Stratan : « Je ne voudrais pas quitter le pays. Partir n’est pas une option viable pour moi, car je souhaite continuer à faire du théâtre. Or, réussir dans le domaine du théâtre me paraît impossible ailleurs, car il est vraiment difficile de s’exprimer sur scène dans une autre langue. »



    Arrivé à sa 17e édition, le programme « Shooting Stars » est organisé par European Film Promotion (EFP) en collaboration avec les organisations membres, dont l’Association pour la promotion du film roumain. (trad. : Mariana Tudose, Dominique)

  • Présences roumaines au Festival International du film de Rotterdam

    Présences roumaines au Festival International du film de Rotterdam


    «Quand le soir tombe sur Bucarest ou Métabolisme» de Corneliu Proumboiu, «Bucarest, où es-tu? » de Vlad Petri et le court métrage «L’ombre d’un nuage» de Radu Jude sont les 3 films roumains sélectionnés pour la compétition du Festival international du film de Rotterdam, qui se déroule dans cette deuxième plus grande ville néerlandaise du 22 janvier au 2 février.



    Moins connu que Radu Jude et Corneliu Porumboiu, Vlad Petri est diplômé de l’Université nationale d’art du théâtre et du cinéma de Bucarest. Il est réalisateur de films documentaires et photographe. Il a suivi attentivement, en tant qu’artiste, les mouvements sociaux de 2012-2013 à Bucarest, publiant régulièrement sur Internet des vidéos et des photos prises sur les lieux. Il s’intéresse à la réalité immédiate, personnelle et aux transformations sociales dont il est témoin. «C’est la place publique, cet espace de débats, de propositions et de protestations qui m’intéresse le plus. J’aime observer son devenir, sa dynamique, son impact social. Les gens qui l’envahissent me passionnent, tout comme leur façon de formuler et de transmettre leur message. Je me suis proposé d’être présent le plus souvent possible sur la place publique et de distribuer mes films exclusivement sur Internet, au rythme des événements — affirme le réalisateur. C’est d’ailleurs de cet intérêt pour la place publique, pour l’espace public de débats qu’est né le documentaire «Bucarest, où es-tu?», faisant partie de la sélection de l’actuelle édition du Festival international du film de Rotterdam.



    Vlad Petri. «La réalisation de ce film a duré deux ans. Cette sélection m’a beaucoup réjoui, car le festival de Rotterdam est un des plus importants en Europe. A présent, nous sommes curieux de connaître les réactions qu’il a suscitées. Le film présente les événements de 2012 à Bucarest. J’ai travaillé sur 60 heures de tournage pour faire un film d’une heure vingt. Pourtant, dans ces 80 minutes nous avons essayé de raconter une histoire aussi bien structurée et complète que possible sur ce qui s’est passé dans la rue, pendant cette période-là. Nous avons laissé le matériel filmé dans la rue nous diriger vers une histoire, nous n’avons pas souhaité orienter les spectateurs vers un certain décodage».



    Le court-métrage de Radu Jude «Shadow of a cloud» «Ombre d’un nuage» raconte l’histoire d’un prêtre, interprété par le metteur en scène Alexandru Dabija. Un jour torride d’été, le prêtre est appelé au chevet d’une mourante, pour une dernière prière. Ce film est riche de sens. Le plus important en est, peut-être, celui exprimé dans un fragment de la prière faite par le prêtre: «ma vie pitoyable est passée comme un sommeil profond, comme l’ombre d’un nuage» – formule reprise dans le titre de ce film, présent, l’année dernière, au Festival de Cannes, dans la Quinzaine des réalisateurs.



    Radu Jude. «Quelque chose en moi me pousse à voir les choses de cette façon. Tchekhov a résumé encore mieux cette situation. Un personnage de la pièce «Oncle Vania» dit — je cite: «Pendant longtemps j’ai pensé que la destinée de l’homme c’était d’être tragique, mais j’ai fini par découvrir qu’en fait, sa destinée ’était d’être ridicule. « Et il y a, en effet, du ridicule dans la façon dont les gens se rapportent à eux-mêmes et à leurs problèmes, ce qui n’exclut pas la réalité de la tristesse et de la souffrance. Et c’est là l’angle sous lequel j’aime regarder. Pour moi, cela devient intéressant lorsque la tristesse, le drame et la détresse se mêlent au point d’être perçues comme ridicules».



    «Je tends vers un cinéma aussi impur que possible. Je découvre chez moi une évolution — ou peut-être une involution: lorsque j’ai commencé à travailler mes premiers films, je souhaitais vivement être très cohérent du point de vue stylistique. Je voulais avoir une sorte de conscience de la manière de tourner. Peu à peu, j’ai constaté que ce type de cohérence finit par bloquer certaines énergies susceptibles de propulser le film dans une autre direction. Il risque également de vous faire placer l’accent là où il ne devrait pas être» – affirme Radu Jude en parlant de son expérience cinématographique.



    Tout comme «Policier, adjectif», le plus récent long-métrage de Corneliu Porumboiu a divisé les spectateurs en deux camps : ceux qui estiment que l’histoire, dans son sens classique, est indispensable au 7e art et ceux qui plaident en faveur d’un cinéma moins narratif. Le critique Tudor Caranfil affirmait, juste après la projection du film, que le nouveau long-métrage de Corneliu Porumboiu « Quand le soir tombe sur Bucarest ou Métabolisme » est un défi et qu’il s’agit du film expérimental le plus passionnant du cinéma roumain.



    Le critique Andrei Gorzo le qualifie, lui, «de production anti-romantique hyper subtile». Le film, on pourrait le résumer de la façon suivante: Paul est en train de travailler à un film dont il est le réalisateur. Alors qu’il tourne une scène de nudité, il s’entretient avec Alina, l’actrice avec laquelle il a une relation amoureuse, avec la productrice, avec un collègue et avec un médecin qui examine son endoscopie. Le film est formé de seulement 17 plans, dont la plupart sont fixes. Dans une interview, Corneliu Porumboiu avoue que son intention était de parler de la naissance d’un film et des contraintes imposées. Corneliu Porumboiu: «Ce qui m’intéressait, c’était la relation entre les personnages et l’histoire proprement-dite. L’idée m’est venue il y a trois ans lorsque l’on avait proposé une nouvelle loi de la cinématographie. Selon elle, le concours au Centre National de la Cinématographie prévoyait un découpage de réalisateur. Des souvenirs de la faculté ont refait surface, je me rappelle que durant mes années universitaires j’étais toujours limité par le temps. Je me présentais devant mes professeurs avec des découpages que je faisais tout seul à la maison, en chronométrant les plans du film. Et ce film est né à partir de ces souvenirs. Certes, il pose aussi une question sur la manière dont j’ai commencé à faire du cinéma. »



    Chaque nouvelle édition du festival de Rotterdam — le plus important organisé au Benelux — attire plus de 3.000 journalistes et professionnels de l’industrie cinématographique. Le principal but du festival est de promouvoir les jeunes réalisateurs les plus doués. (Trad.: Dominique)

  • Les grands classiques aux Editions “Casa Radio”

    Les grands classiques aux Editions “Casa Radio”

    Les maisons d’éditions Casa Radio appartenant à la Société Roumaine de Radiodiffusion viennent de lancer des archives sonores de la poésie du poète national Mihai Eminescu pour marquer la Journée de la culture nationale, célébrée, chaque année, le 15 janvier. Intitulée « Les poésies de Mihai Eminescu », l’anthologie audio reprend au micro des poèmes regroupés par le grand critique roumain Titu Maiorescu dans une anthologie parue en 1883. Les amateurs de poésie pourront donc écouter les plus beaux poèmes d’Eminescu interprétés au micro par de grands noms de la scène théâtrale roumaine: Emil Botta, Elvira Godeanu, Clody Bertola ou Ion Caramitru. Présent au lancement de l’anthologie, le poète Florin Iaru affirme que « vouloir interpréter l’œuvre d’Eminescu est, peut-être, le plus grand défi au monde ». « Mihai Eminescu est le poète roumain le plus connu. Victime de nombreux préjugés, il fut à tour de rôle le visionnaire, le Roumain fondamental, la légende de la poésie roumaine. Pourtant, toutes ces épithètes retentissantes n’ont rien à voir avec le poète Eminescu. La poésie ne se veut pas un monument, une cathédrale, un geste de contrainte, un exploit ou un acte de patriotisme. Un poète est considéré national lorsque la nation tout entière aime ses poèmes et que la plupart des individus fait de son oeuvre son livre de chevet. Si par exemple quelqu’un me réveillait au cœur de la nuit, moi, je pourrais réciter sans problème des poèmes d’Eminescu. Car, une fois qu’on apprend par cœur une poésie, on ne l’oublie jamais. A l’heure actuelle, les amateurs de poésie se font de plus en plus rares. Du coup, il me serait difficile d’accepter la notion de poète national. Mihai Eminescu a su transposer ses pensées en vers et le résultat figure parmi les expériences culturelles difficiles à répéter ».




    Et puisqu’en Roumanie le mois de janvier est placé sous le signe de la poésie de Mihai Eminescu, le site littéraire Bookaholic.ro a invité plusieurs poètes contemporains à parler de l’œuvre du poète, en insistant sur leurs expériences personnelles. Le poète Radu Vancu: « Eminescu est le plus probablement le poète roumain que j’ai lu le plus souvent. Pendant la faculté, j’aimais notamment ses grandes visions panoramiques et sa façon d’imaginer l’apocalypse, thème que j’ai développé dans mon mémoire de maîtrise. Depuis mes 30 ans et jusqu’à présent, je cherche à relire surtout ses poèmes à caractère biographique qui anticipent en quelque sorte les poèmes de Bacovia et ceux de la génération des poètes du XXe siècle. Ce que je trouve de spectaculaire chez Eminescu, c’est la façon de vivre chaque poème comme si toute sa vie dépendait de ses vers. Quoi qu’il en soit, toute la poésie roumaine doit beaucoup à la création de Mihai Eminescu. »



    A son tour, le poète Florin Iaru ajoute: « A part la technique, l’éclat, la prosodie, la rhétorique, il y a dans ses vers un je ne sais quoi qui n’a pas d’équivalent dans l’univers matériel. Une émotion, comme l’affirmait Titu Maiorescu. On sait qu’elle est là, mais on a du mal à l’expliquer. C’est comme si tout d’un coup, on ressentait son âme remplie de satisfaction, d’humanité, de mélancolie, de nature. On se sent envahi par un tas de sentiments bien avant que l’on n’arrive à s’en rendre compte à la simple lecture d’un poème. Eminescu a été un grand technicien de la langue, un alchimiste des mots. Rien ne lui était impossible. Il a bouleversé les rimes, a changé les accents, a détruit les préjugés ; la langue n’était auparavant qu’une matière amorphe qui n’attendait que lui pour renaître. Le plus difficile, c’est de lire ses poèmes. Puisque malgré soi, on essaiera de trouver du sens là où le poète n’a rien voulu dire de plus. En vain chercherons-nous des sens profonds! Tout est dit et tout se trouve sous nos yeux, dans les poèmes! Quant aux CDs lancés par la maison d’édition Casa Radio, leur grand atout est représenté par les voix célèbres qui récitent les vers! Ce sont des voix de grands comédiens qui s’imprègnent du texte, brisent les conventions et confèrent aux vers une plus grande liberté! » (trad. : Ioana Stancescu)


  • Eminescu vu par ses contemporains

    Eminescu vu par ses contemporains

    Différentes manifestations culturelles et symposiums sont organisés chaque année pour marquer le 15 janvier, l’anniversaire du poète national Mihai Eminescu. Toutefois, on parle peu de la véritable personnalité du prosateur, publiciste et homme de culture Mihai Eminescu, laquelle reste de ce fait méconnue.



    C’est justement cet aspect qu’a été remis sur le tapis lors de la parution chez Humanitas, du volume « Témoignages sur Eminescu. L’histoire d’une vie racontée par ses contemporains ». Les 500 pages du volume réunissent les témoignages et opinions de ceux ayant connu Mihai Eminescu — hommes de culture importants de l’époque (Titu Maiorescu, I.L Caragiale, Ioan Slavici) mais aussi amis et personnes de l’entourage du poète, ces derniers étant pour la plupart tombés de nos jours dans l’oubli. Tous les textes du volume mettent en exergue différents traits de la personnalité d’Eminescu afin de dresser un portrait moral aussi authentique et exhaustif que possible.



    Catalin Cioaba, éditeur du volume « Témoignages sur Eminescu » : « Juste après la mort du poète, soit deux semaines après, la revue « Familia », « La Famille » a lancé un appel sous le titre « Ecrivez des souvenirs ». Tous les journaux ont alors appelé ceux ayant connu Eminescu à écrire leurs souvenirs du poète. Que ce soit amis ou ennemis, hommes ou femmes, connaissances ou personnes qui l’avaient seulement aperçu de loin. Et dans le cas de ces dernières ce qui comptait c’était le contexte où elles l’avaient vu: à la rédaction du journal où il écrivait ou lors des conférences à des réunions de l’association culturelle « Junimea », « La Jeunesse ». L’important c’était d’aboutir à une diversité des points de vue. Qu’est ce qu’on entend par obtenir la diversité ? Il s’agit de ne pas être partial. On n’essaie ni de mythifier ni de démythifier. On cherche les textes de bonne qualité qui donnent l’image d’un moment de la vie d’Eminescu. Il y a aussi des textes très importants qui décrivent par exemple un moment de joie du poète ou encore le poète en train de chanter, de faire la fête avec ses amis. Ce sont des choses très importantes, car cette variété aide le lecteur à se faire sa propre image du poète. C’est important car on n’a pas eu une image d’Eminescu tel qu’il était dans la vie quotidienne ».



    La plupart des récits réunis dans le volume « Témoignages sur Eminescu. L’histoire d’une vie racontée par ses contemporains » sont parus le long des années aussi dans d’autres anthologies consacrées au poète. Mais aucune n’est parvenue à rassembler tant de textes qui retracent la biographie du poète : la période scolaire, celle des pérégrinations avec des troupes de théâtre, ses études à Vienne et à Berlin ainsi que les années en tant que rédacteur en chef du journal « Timpul », « Le Temps ». Un chapitre important est consacré au déclin physique et psychique en raison de la maladie qui a causé sa mort.



    Catalin Cioaba résume : «C’était un altruiste. Et cet aspect est bien mis en évidence par l’écrivain Ioan Slavici. En même temps, Eminescu était intransigeant dans ses articles dans « Timpul », tout comme dans d’autres situations. Mais des traits contradictoires, on en retrouve chez toutes les personnalités. Voici ce qu’écrivait Slavici sur ce sujet « Son intransigeance envers certains, c’était la manifestation de son amour pour tous ». Et il y a un autre aspect sensible lorsqu’on parle de Mihai Eminescu, qui a vécu un calvaire les dernières années de la vie. Ce n’est pas facile à gérer. Il y a aussi des textes qui ont peut-être exagéré et fourni des images macabres du poète. Même parmi les textes de ce volume il y en a plusieurs qu’on a du mal à lire. La fin de vie fut difficile à supporter. Autant il consacra sa vie à sa création durant sa jeunesse, autant il en fut dévoré durant les dernières années de sa vie. Il s’est épuisé. N’empêche, comme l’affirmait Slavici en citant Shopenhauer, Eminescu avait la personnalité d’un génie. Le génie devait avoir de bons poumons, un estomac solide et une forte résistance physique qui lui permette de créer. Ecrire pendant la journée pour le journal « Timpul », et créer des poésies pendant la nuit et recommencer le lendemain – cela exige une bonne résistance physique. Et Slavici pensait qu’Eminescu en était doté car autrement il n’aurait pas tenu autant d’années. Lorsque la maladie était à un stade avancé, Eminescu a également joui du soutien de ses amis».



    Le 15 juin 1889, Mihai Eminescu quittait ce monde, à l’âge de 39 ans, dans un sanatorium de maladies psychiques à Bucarest. Une véritable légende fut créée autour de l’homme de culture et du patriote parfait, sa personnalité étant assez souvent reléguée au second plan. (trad.: Alexandra Pop)

  • Mémoires de la bibliothèque idéale

    Mémoires de la bibliothèque idéale

    Les « Mémoires de la bibliothèque idéale », écrites par le prosateur et mathématicien Bogdan Suceavă, professeur à l’Université d’Etat de Californie, sont des essais ayant pour thème la rencontre avec les mathématiques, rencontre essentielle pour l’auteur. Le volume, paru aux Editions Polirom, est le premier qu’un des écrivains roumains les plus importants de la nouvelle vague consacre à sa profession : « Je me considérais un solutionneur de problèmes avant tout autre chose. Il me semblait évident que l’expression la plus claire de l’intelligence devrait être d’identifier une solution précise, optimale, qu’il s’agisse de littérature ou de mathématiques », disait-il. Nous avons demandé à l’auteur des romans « La nuit quand quelqu’un est mort pour toi » et « Venant du temps dièse » qu’est-ce que c’est qu’une « solution précise » en littérature. « S’il s’agit d’écrire un roman, la solution commence par la voix du narrateur, par le choix du moment quand toute l’histoire devrait se terminer, en préparant un final bien calculé. On réfléchit quels personnages mettre au premier plan et où la tension doit démarrer dans le roman. Tout cela relève de la solution littéraire et les choses peuvent être très compliquées si vous y impliquez beaucoup de personnages. Cette fois-ci, j’ai eu l’occasion de raconter comment certaines choses que nous apprenons en mathématiques nous aident finalement dans d’autres champs de la vie culturelle, et surtout en littérature ».



    Des rencontres par livres interposés avec les idées de scientifiques disparus (Huygens, Newton, Meusnier, Euler, Sophie Germain entre autres), mais aussi des rencontres directes avec des personnes qui ont marqué l’évolution de l’auteur composent les « Mémoires de la bibliothèque idéale ». C’est un volume qui s’adresse à tout lecteur, et non seulement aux personnes s’y connaissant en mathématiques. Il y présente aussi l’Ecole de géométrie de Bucarest qui a développé, pendant plus d’une centaine d’années, un programme académique consistant, à qui Bogdan Suceavă doit le début de sa formation. Gheorghe Ţiţeica, Dan Barbilian, Nicolae Teodorescu, Solomon Marcus, Ieronim Mihăilă, Basarab Nicolescu sont quelques-uns des mathématiciens roumains auxquels l’auteur rend hommage en écrivant ses mémoires.



    « Si le rêve des mathématiciens pur sang est de démontrer des théorèmes qui soient baptisés de leur nom, mon rêve a été de comprendre jusqu’à leur ultime conséquence non seulement certaines idées mathématiques, mais aussi leur origine, leur filiation historique, leur évolution dans le temps » – écrit Bogdan Suceavă.



    Nous reprenons une question à laquelle l’écrivain cherche une réponse dans son livre « Mémoires de la bibliothèque idéale ». Quelle est la raison d’être des mathématiciens dans un monde pressé et frivole ? « C’est pour rappeler qu’il y a des coins dans l’univers où la logique est monnaie courante. On a besoin de mathématiciens parce qu’il doit y avoir dans ce monde des gens qui évitent les compromis éthiques, des gens qui restent éveillés lorsque les autres partent à la dérive. Des gens qui posent des questions, des questions tellement difficiles, que seul un véritable effort intellectuel puisse mener à une réponse précise, où toutes les catégories sont clairement délimitées. Or, depuis 20 ans, en Roumanie, je peux dire que nous avons bénéficié uniquement de moments de divertissement et de frivolité. Pourtant, nous pouvons reconsidérer le passé et nous demander ce qui reste à réparer, à sauver dans l’espace public. »



    Après des études à l’Université de Bucarest, où il a obtenu son diplôme de mathématiques et son master spécialité géométrie, Bogdan Suceavă remporte également son doctorat en 2002 à l’Université d’Etat du Michigan, East Lansing. Consacrer sa vie à l’étude des mathématiques peut s’avérer très difficile pour les chercheurs d’Europe Orientale — estime Bogdan Suceavă. Pourtant, pour les chercheurs occidentaux c’est aussi un défi, certains d’entre eux ont des contrats à durée déterminée. Bogdan Suceavă. « Pour moi, cela est devenu un plus facile à mesure que j’ai appris ce que j’avais à faire. Tout ce que j’enseigne dans mon cours est mentionné dans mon livre. C’est là la partie autobiographique la plus importante du livre. Pourtant, le livre ne rappelle qu’une partie des thèmes de géométrie avec lesquels je suis entré en contact grâce à mes professeurs de l’Université de Bucarest et plus tard de l’Université d’Etat du Michigan. Et c’est pourquoi ce livre est très subjectif, il est une sorte d’histoire de la géométrie vue sous un angle très personnel. »



    Le livre « Mémoires d’une bibliothèque idéale » paru aux Editions Polirom dans la collection « Ego-grafii » est également disponible en format électronique.

  • Le théâtre « Anton Pann » de la ville de Râmnicu Vâlcea

    Le théâtre « Anton Pann » de la ville de Râmnicu Vâlcea

    « Je ne crois pas qu’il existe au monde un autre théâtre neuf, élégant, doté d’équipements ultra-modernes, comme celui-ci, dans une ville de 120 mille habitants. Je vais signaler ce cas absolument unique aussi à l’Institut international de théâtre ». Cette affirmation a été faite par le patriarche de la scène roumaine, le comédien Radu Beligan (qui a fêté en 2013 son 95e anniversaire) ; il se référait au Théâtre « Anton Pann », de la ville de Râmnicu Vâlcea (centre-sud de la Roumanie), une institution artistique sur laquelle ont mis leur empreinte des metteurs en scène réputés, tels Silviu Purcărete ou Alexandru Dabija.



    Le Théâtre « Anton Pann » en tant qu’institution professionnelle est né au mois de mai 1990, mais il continue une tradition artistique locale plus que centenaire. Dans les années 1960 — 1980, le théâtre dit « populaire » de la ville de Râmnicu Vâlcea a été une des troupes d’amateurs les mieux cotées du pays. « Il campiello » (le Carrefour) de Goldoni, dans la mise en scène de Silviu Purcărete est un des meilleurs spectacles de la période plus récente.



    La direction du théâtre est assurée depuis plus d’une décennie par le metteur en scène Adrian Roman, qui a beaucoup rajeuni la troupe : « Depuis plusieurs années déjà, nous essayons de faire baisser la moyenne d’âge des comédiens. Quand j’ai assumé la direction du théâtre, en 2000, j’ai tenu à professionnaliser cette troupe, et j’ai commencé en invitant à nous rejoindre de jeunes diplômés de l’école de théâtre de Craiova. Ensuite, il y a deux ans, je me suis tourné vers Cluj, d’où j’ai fait venir ici la moitié des jeunes formés par Miklos Bacs, un professeur et un être humain que j’admire. Il inculque à ses étudiants une attitude extraordinaire envers le travail et la scène, une attitude que je n’ai pas rencontrée chez d’autres jeunes comédiens. Il y a eu aussi trois autres jeunes formés par Miriam Cuibus et aujourd’hui nous avons une troupe de 15 comédiens, 10 jeunes et 5 anciens. »



    Des metteurs en scène, tels Cristi Juncu ou Vlad Massaci, qui avaient déjà rencontré ces jeunes magnifiques, comme les appelle leur directeur, sont spécialement venus à Vâlcea, afin de travailler avec cette équipe. Adrian Roman : « J’essaie de faire venir ici des metteurs en scène qui affectionnent le théâtre « Anton Pann » et qui, de ce fait, y reviennent constamment. Ce ne sont pas les plus grands, car ils sont chers à embaucher. Ceux qui travaillent avec notre troupe viennent ici pour le plaisir et acceptent nos honoraires, parce que le théâtre est beau, on y travaille bien, à la différence d’autres troupes, notamment de Bucarest, nos comédiens sont logés à l’intérieur du théâtre, donc ils sont toujours là. En été, nous organisons des ateliers professionnels. Notre bâtiment a aussi une très belle salle de répétitions et une très belle terrasse. Ceux qui nous ont rendu visite et les ont vues ont promis de revenir avec des projets intéressants. Nous voulons créer une équipe qui impose une évolution bien précise. »



    L’évolution en question est ciblée sur un certain public, qui n’est pas difficile à deviner. Le metteur en scène Adrian Roman, directeur du théâtre « Anton Pann » de Râmnicu Vâlcea : « Nous ciblons principalement le public jeune. J’ai pu constater que des comédiens jeunes attirent un public jeune, parce qu’ils ont aussi bien l’ouverture d’esprit que la mobilité nécessaire, en province surtout, où les gens bougent peu. Nos concitoyens ont compris que le théâtre « Anton Pann » a une bonne équipe, qui produit de bons spectacles. Nous avons également une troupe de théâtre de poupées et marionnettes, qui propose des spectacles pour enfants ; les petits apprennent ainsi à venir au théâtre, à apprécier cet art, et cela restera dans leurs esprits à l’âge adulte aussi ; nous formons, pour ainsi dire, notre public. »



    Effectivement, le metteur en scène Cristi Juncu s’est profondément attaché à la compagnie « Anton Pann » de Râmnicu Vâlcea. L’automne dernier, il y a créé « La trilogie de Belgrade » de Biljana Srbljanovic, un spectacle touchant sur le quotidien des immigrants à Prague, à Sydney et à Los Angeles. Une dizaine de très jeunes comédiens du théâtre montent sur scène dans cette production. Parmi eux, Vlad Bârzanu, diplômé de 2012 de la Faculté de théâtre de l’Université Babeş-Bolyai de Cluj (centre-ouest) de la Roumanie. Juste après être sorti de l’école, Vlad Bârzanu a été nommé au Prix du meilleur espoir masculin de l’Union théâtrale roumaine (UNITER), pour le rôle Flaut (Flûte) du « Songe d’une nuit d’été » de Shakespeare, mis en scène par Botos Bálint au théâtre « Anton Pann ».



    Tandis que le monde artistique roumain est divisé par un débat sur le statut des comédiens indépendants et celui des comédiens en CDI dans les théâtres d’Etat, Vlad Bârzanu préfère son emploi stable et sans surprises : « Cela me convient, en tout premier lieu parce que j’appartiens à une équipe que j’aime beaucoup et que je connaissais d’ailleurs bien avant d’arriver à Râmnicu Vâlcea parce que nombre de ses membres ont été mes collègues d’université. En plus, je trouve qu’il est rassurant de se trouver dans une position bien claire, notamment de nos jours quand de nombreux comédiens sortent chaque année de toutes les universités théâtrales du pays tout en ignorant quelle voie ils pourraient suivre. Pour moi, c’est très bien comme ça — je me trouve près de Bucarest, je peux suivre mes cours, finir mon master. Les choses s’agencent à merveille ! »



    Pour son nouveau spectacle à Râmnicu Vâlcea, « La trilogie de Belgrade », Vlad Bârzanu parle un peu sur scène de sa propre condition aussi. La pièce est un récit de vie — les personnages racontent à ceux qui sont restés en République serbe, la vie de ceux qui l’ont fuie pour diverses raisons, liées notamment à la situation politique et aux conditions de vie dans le pays. La pièce est un triptyque de conversations téléphoniques à l’occasion du réveillon du Nouvel An, des conversations entre ces immigrants et leurs proches, des monologues sur leurs réussites vraies ou fausses, leur isolement ou leur mal du pays.



    Vlad Bârzan : « Je n’ai pas tant réfléchi au rôle de l’immigrant, qu’à la relation avec mon frère, qui a lui aussi quitté le pays. J’ai travaillé tout d’abord à ce niveau personnel et je suis ainsi arrivé aux gens qui vivent dans un pays étranger, qui ne sont plus chez eux, qui sont seuls, sans amis, loin de ceux qui leur sont chers. Pour un comédien, un tel rôle est difficile mais très beau, parce qu’il offre la possibilité de travailler sur les nuances et de faire passer nombre de choses au public. Après tout, à mon avis, presque chacun d’entre nous a été dans une telle situation, à un moment de son existence — loin de chez lui, sans certitudes pour le lendemain, avec un travail qui lui déplaît mais sans alternative, dans une situation dont la seule certitude est le mal du pays. En quelque sorte, je suis moi-même dans ce cas de figure… Moi, je suis originaire de Baia Mare (nord-ouest de la Roumanie), j’ai fait mes études universitaires à Cluj et maintenant je vis ici, dans le sud du pays… Je suis donc assez loin de chez moi, je suis un petit immigrant, on va dire. Bien sûr, mon cas n’est pas du tout grave, mais a fait travailler mon imagination. »



    Le théâtre « Anton Pann » de Râmnicu Vâlcea a non seulement une troupe très jeune. Il n’a investi ses locaux actuels qu’au 25 septembre 2009, date de l’inauguration de ce premier édifice spécialement conçu pour un théâtre professionnel du département de Vâlcea. Avec ses deux salles, un amphithéâtre extérieur et ses dotations dernier cri, le Théâtre « Anton Pann » dispose d’un des outils les plus modernes et fonctionnels du secteur artistique roumain. Qu’il promet d’utiliser pleins feux… (trad. : Ileana Taroi, Andrei Popov)

  • Le Festival international de littérature de Bucarest

    Le Festival international de littérature de Bucarest

    La première soirée du Festival international de littérature de Bucarest s’est déroulée début décembre au Club du Paysan de la capitale. Les débats ont tourné autour d’un des roman de l’écrivaine israélienne Zeruya Shalev, « Mari et femme », publié en roumain aux Maisons d’édition Polirom.



    « Reconnue sur le plan international dès son premier roman — « Vie amoureuse » – l’écrivaine israélienne Zeruya Shalev nous offre, dans « Mari et femme » une méditation d’une remarquable force poétique sur la jalousie, la douleur et le renoncement » – écrivait le Library Journal. En mentionnant ce livre Publishers Weekly écrivait, de son côté — « Le roman de Zeruya Shalev est un flux ininterrompu de la conscience qui nous présente des bribes de conversation, des querelles conjugales et murmures d’amour. »



    Les invités de cette soirée ont été deux couples d’écrivains : Zeruya Shalev et Eyal Megged (d’Israël) et respectivement Cecilia Ştefănescu et Florin Iaru (de Roumanie). Une des questions qui leur avait été lancées portait sur le potentiel créatif supérieur du malheur par rapport au bonheur. Pourquoi en est-il ainsi ? Le débat a été modéré par un 3e couple, constitué de l’écrivaine Adela Greceanu et du journaliste Matei Martin.



    Revenons, un petit moment, au roman de Zeruya Shalev, « Mari et femme » : Udi et Naama ont grandi ensemble, pourtant, le long de ce parcours de toute une vie, ils ont cessé de communiquer et leur vie commune, aux côtés de leur fille, Noga, est faite de jalousie, colère et culpabilité. Peu à peu, il devient évident que ce ménage reposait sur un fondement peu solide, l’image de l’amour idyllique de leur adolescence n’étant que l’enveloppe illusoire d’une vie familiale pleine de frustration.



    Zeruya Shalev explique pourquoi le malheur lui offre plus de matière pour son écriture que le bonheur. « Le malheur est plus créatif que le bonheur. Le malheur réussit à nous motiver, déclenche le changement, fait bouger les choses. C’est la raison pour laquelle dans la plupart de mes livres, je parle de crises. Une crise n’est pourtant que le commencement. Ce qu’elle déclenche est important. Après une crise, on a la chance de changer, de se réinventer. Un de mes but, en tant qu’écrivaine, est d’accompagner mes personnages sur leur chemin non pas vers le bonheur, mais vers un changement positif. »



    Eyal Megged — journaliste, poète et prosateur, professeur d’écriture créative, lauréat d’importants prix littéraires — dont Macmillian Prize — voit les choses différemment : « Je ne pense pas que le malheur stimule l’inspiration. Moi, quand je suis malheureux, je n’écris presque pas. Le plus beau compliment que l’on m’ait jamais fait venait d’une lectrice de mon dernier roman — «End of the Body » – qui a été malade du cancer. Elle m’a dit qu’après avoir lu mon livre, elle a trouvé une raison de vivre. Cela veut dire que lorsqu’on décrit une situation malheureuse, on offre au lecteur non pas de la douleur, mais du bonheur. »



    L’écrivaine Cecilia Ştefănescu est, elle d’un autre avis. Dans ses livres, il y a plus de malheur que de bonheur — paraît-il : « Les situations dramatiques créent des conflits et cela nous fait plaisir de participer à ces conflits. Les situations malheureuses vous font enlever le masque et sortir en quelque sorte de vous-même. Parfois on se sent ridicule, on s’en veut, le plus souvent on se sent impuissant à regagner le moment de bonheur perdu. Je n’ai pas renoncé à toutes mes illusions, pourtant celle de croire que le bonheur dure je me suis vue obliger d’abandonner. Le bonheur est un instant, il ne dure pas. On souffrirait énormément d’être constamment heureux, ce serait malsain. »



    L’écrivain Florin Iaru partage le même avis. Au niveau de l’écriture, le malheur est beaucoup plus productif que le bonheur : « C’est une question de grammaire. Dans la grammaire, le bonheur est limitatif, il n’est défini que par des adjectifs, par des qualités. Pourtant, nous cherchons le bonheur en dépit de tout. Surtout en littérature, le bonheur est statique, il n’y a pas de conflit en lui, dont il ne peut pas fournir un noyau dramatique. Quant aux lecteurs, ils consomment du malheur et cela les contente — du point de vue esthétique. Si, dans les livres, le public cherche le malheur, alors le malheur est rentable et nous, les auteurs, nous ne sommes pas sans l’ignorer. »



    Le débat a continuer par des questions tout aussi intéressantes. Entre autres : un mariage entre écrivains a-t-il des avantages ? Y a-t-il de l’admiration, de la compréhension, de la compétition, de la jalousie dans un couple où les deux partenaires écrivent ? La littérature peut-elle marquer une vie de couple ?



    L’édition 2013 du Festival international de littérature de Bucarest a permis aux passionnés de belles lettres de la capitale roumaine de rencontrer des personnalités importantes de la littérature contemporaine du Royaume Uni, d’Israël, de Croatie, de Hongrie, de Serbie, de Jamaïque et de Roumanie. (trad. : Dominique)

  • Le festival KINOdiseea

    Le festival KINOdiseea

    Déroulée du 15 au 22 novembre, la cinquième édition de cet événement cinématographique a enregistré un nombre record de réservations: plus de 10.000 personnes au total ont pris d’assaut les trois salles de cinéma de Bucarest qui ont accueilli, une semaine durant, des dizaines de productions internationales, dont plusieurs primées aux festivals de Toronto ou de Berlin, auxquelles se sont ajoutés les classiques de Disney La Blanche Neige et les 7 nains” ou encore Pinocchio”. Pour plus de détails, passons le micro à la directrice du Festival International de films pour enfants KINOdiseea”: KINOdiseea a pris beaucoup d’ampleur ces 5 dernières années. Si en 2012, il a accueilli en salle quelque 8500 enfants, cette année, une semaine avant le début des projections, on avait déjà 9000 réservations. Les salles étaient archi pleines. Le festival s’enorgueillit d’offrir au jeune public la possibilité de voir en première des films qui ne passent ni à la télé ni sur le grand écran. Il s’agit de productions figurant dans la sélection des grands festivals en raison de leurs éléments éducatifs et sociaux. On espère que le festival prendra de l’essor et qu’il continuera à se tenir chaque année, puisque, avouons-le, le soutien offert à la culture va se rétrécissant tout comme le financement. Or, les enfants ont besoin de tous ces films”.



    A part les projections en salle, la dernière édition de KINOdissea a invité les enfants à toute sorte d’ateliers: de comédie, d’effets spéciaux, de montage, costumes, improvisations et même recyclage dont certains animés par des personnalités marquantes du monde cinématographique. Un exemple en serait justement l’atelier d’effets spéciaux du célèbre Jor van Kline qui a imaginé des démonstrations interactives censées expliquer aux enfants la façon dont on a créé les effets des films de fiction La guerre des étoiles ou encore Star Trek”.



    Nous vous invitons à écouter un extrait d’une interview sur Radio Roumanie où le cinéaste parle de ses débuts dans l’industrie cinématographique: « J’ai fait mes débuts dans les années ‚60, non pas comme créateur d’effets spéciaux, mais comme technicien, électricien et assistant opérateur. J’ai occupé plusieurs postes dans la production. En 1975, j’ai fait la connaissance du grand maître d’effets spéciaux Douglas Trumbull, auquel je dois énormément, tout comme à son équipe que j’ai eu la chance d’intégrer. J’ai participé à La Rencontre du troisième type”, un projet de Steven Spielberg pour Columbia Pictures”. J’ai donc travaillé avec Spielberg, Douglas, avec François Truffaut et beaucoup d’autres personnalités de l’industrie cinématographique. »




    L’atelier animé par Jor van Kline à Bucarest a cartonné auprès du jeune public du festival enthousiaste de découvrir des astuces sur la façon de créer des effets spéciaux. Jor van Kline: Mon atelier de créativité a clôturé cette dernière édition du Festival et donc, à cette occasion, j’ai choisi de montrer aux gamins quelques trucs que j’ai imaginés avec des personnages en miniature qui interagissent. Ce fut une série télévisée que j’ai produite dans les années ’80, avec pour protagonistes Bruce Willis et Cybill Shepherd. Elle s’appelait Clair de lune” et ce fut une série très populaire sur ABC qui a duré cinq saisons. Les personnages Maddie et David tombent amoureux l’un de l’autre et attendent un bébé. Or, pour KINOdiseea, j’ai refait un coin construit spécialement pour le premier épisode de la série 5 quand le public plonge dans le ventre de Maddie pour voir le futur bébé. Et nous avons donc imaginé un petit embryon aux traits de Bruce Willis pour lequel on a créé tout un environnement maternel gigantesque de quelque 4 mètres carrés. Et dans cet épisode-là, un ange descend du ciel et se met à raconter au futur bébé ce qui va l’attendre une fois au monde”.



    Et puisque le festival KINOdiseea est consacré aux enfants, ce fut toujours à eux de choisir les meilleurs films. Sur l’ensemble des productions internationales à l’affiche de l’édition 2013, les gamins ont préféré Le forgeron de Woodham” de la République Tchèque, Mon ami, l’oranger” du Brésil, Terre et étoiles” d’Australie, Nono, une aventure en zigzag” des Pays Bas, Victor et le mystère des crocodiles” d’Allemagne et C’est un cheval sur le balcon” d’Autriche…(trad.: Ioana Stancescu)

  • L’Académie itinérante Andrei Şerban

    L’Académie itinérante Andrei Şerban


    «Je pense qu’un tel ouvrage est unique en Roumanie et que l’on en avait besoin pour la documentation sur un phénomène lui aussi unique et tout à fait extraordinaire… », affirmait le critique de théâtre Monica Andronescu lors du lancement, par les Editions Nemira, du volume « L’Académie itinérante Andrei Şerban — Le livre des ateliers ». Un livre dont la parution a été coordonnée par Monica Andronescu et Cristiana Gavrilă.



    Voici en bref l’histoire de ce livre: en 2007, le metteur en scène Andrei Şerban démarrait, aux côtés de Corina Şuteu, la directrice, à l’époque, de l’Institut culturel roumain de New York, une série d’ateliers de création théâtrale, destinés notamment aux jeunes. Cette série d’événements s’intitulait « Académie itinérante ». Les ateliers étaient ouverts non seulement aux comédiens, metteurs en scène, scénographes et musiciens, mais aussi aux « jeunes d’esprit et aux autres professions ». Le livre sorti chez Nemira reconstruit l’image « mystérieuse » de l’Académie d’Andrei Şerban.



    Ce dernier a tenté de dévoiler un peu ce mystère lors du lancement du volume. « Qu’est-ce qui nous manque? De quoi avons-nous besoin? C’est ce genre de questions qui s’est trouvé à l’origine de ces activités. Nous travaillons des matières et allons vers des directions différentes — certains vers le théâtre, d’autres dans d’autres domaines -, mais il manque quelque chose à chacun de nous. Nos besoins ne sont pas les mêmes. Par ailleurs, nous nous retrouvons tous dans ce désir de recherche. Les ateliers ont été pour nous tous une sorte d’évasion, tout comme pour les personnages de la pièce Comme il vous plaira”, qui quittent la ville pour la forêt parce qu’ils ne supportent pas la pression de la vie, de la société ».



    Les ateliers organisés jusqu’ici dans le cadre de l’Académie itinérante ont eu lieu à Plopi, Horezu, Ipoteşti et Mogoşoaia, chacun avec son propre centre d’intérêt. Le premier, un peu plus spécial, a eu pour point de départ le livre « Confession à Tanacu », de Tatiana Niculescu-Bran, et a débouché sur un spectacle, monté sur la scène du célèbre théâtre « La MaMa » de New York. Andrei Şerban : « Dans le premier atelier, nous avons essayé de voir comment nous autres, comédiens, musiciens, artistes plasticiens et écrivains, nous pouvions nous réunir et habiter ensemble 10 jours durant pour découvrir quelque chose. Dans ce cas, nous avions à notre disposition le livre de Tatiana Niculescu-Bran. On a donc voulu savoir si nous parvenions à le vivre en nous — mêmes. Le deuxième atelier, celui de Horezu, a été ciblé sur la vie et l’œuvre de Brancusi. Bien des comédiens ne se connaissaient pas, mais jusqu’à la fin on s’est sentis comme dans une famille. Très tôt le matin, nous nous rencontrions pour des exercices. A midi, on déjeunait ensemble. C’était là aussi une sorte d’atelier, car, au lieu de nous disperser par petits groupes, nous nous mettions tous à la même table et essayions de faire attention au moindre détail: comment faire passer le saladier, s’il fallait servir du pain ou remplir le verre d’eau à tel ou tel compagnon. L’idée était de faire du repas une activité de groupe, de manger tout en prêtant attention aux autres et en montrant plus de respect à autrui ».



    L’atelier d’Ipoteşti a été centré sur la vie et les poésies d’Eminescu, tandis que celui Mogoşoaia a eu pour objet les personnalités et les œuvres de Caragiale et de Shakespeare. Rendre l’essentiel de ces rencontres dans un livre n’est pas facile. Monica Andronescu a expliqué sa conception sur la structure du volume « L’Académie itinérante Andrei Şerban — Le livre des ateliers ». « Le livre est formé de témoignages, de récits, d’interviews, d’essais. Je crois qu’après la lecture de ce livre on a le sentiment de découvrir une école où l’on peut apprendre à vivre et à vivre dans le théâtre, à faire du théâtre. Or, à mon avis, cela est très important. Comment ai-je disposé les textes? J’ai essayé de donner la parole tout d’abord à monsieur Andrei Şerban pour nous raconter ce que cette Académie signifie pour lui. Le texte suivant est celui de madame Corina Şuteu, à qui l’on doit l’existence de ce livre, et bien sûr des ateliers. Ensuite, nous avons parlé de la première des Académies itinérantes, celle qui a eu pour point de départ le livre Confession à Tanacu”, signé par Tatiana Niculescu-Bran. Nous avons continué par les témoignages des participants aux ateliers de Horezu, Mogoşoaia et Ipoteşti. Le livre s’achève par un autre texte d’Andrei Şerban. Je vous laisse le plaisir d’en découvrir les mots extraordinaires et cette impulsion indissolublement liée à l’écoute ou à la lecture de ses textes ».



    Parmi les témoignages recueillis dans ce livre on retrouve celui du comédien Marius Manole. Voici ce qu’il a déclaré lors du lancement de cet ouvrage : « J’ai rencontré Andrei Şerban à Horezu, à l’occasion d’un atelier que je n’oublierai jamais. Ce fut un des moments les plus beaux que j’aie jamais passés dans le théâtre roumain. Vous direz peut-être que ce sont de grands mots, mais croyez-moi, cet atelier de Horezu a vraiment été pour moi une révélation. Ma confiance dans le théâtre s’était quelque peu affaiblie; j’avais l’impression que les choses ne se passaient plus comme je le souhaitais. J’ai eu la chance d’y rencontrer une poignée de comédiens, très doués, venus de tous les coins du pays. J’ai assisté à la démonstration du fait qu’un comédien dispose d’une énorme force de travail, qu’il est capable de se réveiller au petit jour et de travailler tard dans la nuit, s’il y a intérêt. J’ai également pu constater qu’il est possible de monter un spectacle en moins d’une semaine ou encore mesurer l’étendue de notre fantaisie. Autre conclusion que j’en ai tirée: on a besoin de quelqu’un qui sache fouiller au plus profond de nous et qui nous aide à nous épanouir… je ne penserai plus jamais à jeter la responsabilité d’un mauvais spectacle sur le comédien … ».



    Voici maintenant les propos du metteur en scène Andrei Şerban au sujet de l’essence de l’Académie itinérante: « Ces ateliers peuvent aider la jeunesse — et là je pense à la jeunesse d’esprit — à grimper d’une marche. Ils ouvrent la voie vers une nouvelle éducation, dont nous autres, nous n’avons pas bénéficié. Les ateliers sont comme des cloches qui sonnent le réveil. Matisse affirmait que l’art ressemble à un fauteuil confortable. Ou à une drogue, ajouterions-nous. C’est dire qu’il a toutes les chances de nous endormir, de nous rendre passifs. Malheureusement, le théâtre est, aujourd’hui encore, un sédatif qui finit, à quelques exceptions près, par nous endormir. Il est grand temps que l’on s’évade! ». (trad. : Mariana Tudose)



  • La Foire internationale Gaudeamus, livre du savoir

    La Foire internationale Gaudeamus, livre du savoir

    La 20e édition de la Foire internationale Gaudeamus, livre du savoir, organisée au centre d’expositions Romexpo de Bucarest, a dénombré plus de 600 événements. Pour la première fois dans son existence, GAUDEAMUS a eu comme invités d’honneur plusieurs pays réunis dans ce que l’on a appelé «Le groupe des pays nordiques», à savoir le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède. Le président d’honneur de cette édition a été son Excellence Anders Bengtcén, l’ambassadeur de Suède à Bucarest. La participation des pays mentionnés a été placée sous le slogan «Cool Nordic Bucarest».



    Voici ce que déclarait Anders Bengtcén, l’ambassadeur de Suède en Roumanie. « Je remercie Radio Roumanie pour l’excellente collaboration, pour les efforts visant à préparer la présence des pays nordiques en tant qu’invités d’honneur à l’édition de cette année de la Foire internationale du livre Gaudeamus. Le Groupe des pays nordiques, représenté par le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède est honoré de cette qualité. A l’occasion de cette foire, dix auteurs originaires de ces pays se sont rendus à Bucarest pour présenter au public roumain leurs oeuvres, notamment des romans policiers. Il y a eu aussi des lancements de livres qui ont permis aux visiteurs d’interagir avec les écrivains invités. »



    Le partenaire privilégié de cette édition de la Foire internationale du Gaudeamus a été le GADIF — le Groupe des ambassades, délégations et institutions francophones de Roumanie. Le stand dédié à la littérature francophone du monde entier a marqué les 20 années écoulées depuis l’entrée de la Roumanie dans l’Organisation internationale de la francophonie.



    Le stand du GADIF a accueilli tables rondes, lancements de livres et différents concours. Andreï Makine, Pierre Martens et Jabbour Douaihy ont figuré sur la liste des écrivains francophones présents cette année à Gaudeamus.



    Au stand des maisons d’édition Cartea Românească et Polirom, nous avons rencontré le critique littéraire Daniel Cristea-Enache, qui nous a déclaré : « Comme je l’ai déjà dit, 2013 a été pour moi l’année du dialogue. En effet, cette année j’ai vu paraître trois de mes livres de dialogues. Le premier, intitulé «La littérature d’aujourd’hui. Dialogues sur le net”, publié chez Polirom, réunit mes entretiens avec 12 intellectuels roumains. Le deuxième s’appelle «Le livre comme destinée. Daniel Cristea-Enache en dialogue avec Dan C. Mihăilescu”. Il est paru aux éditions Humanitas. Le troisième «Quoi et comment. Paul Cornea dialogue avec Daniel Cristea-Enache» a été publié grâce aux efforts conjoints des éditions Polirom et Cartea Românească. Pourtant, je ne m’arrêterai pas là. Je continuerai ces dialogues, car, à mon avis, on parle beaucoup de la nécessité du dialogue mais on le pratique peu. Je pense que le dialogue peut enrichir la littérature aussi bien par les expériences littéraires que par celles historiques, qu’une personnalité comme celle de Paul Cornea a parcourues de l’intérieur, comme de l’extérieur. D’ailleurs, comme il écrivait dans l’avant-propos de ce livre, s’il n’avait pas été interlocuteur, il n’aurait pas été capable d’un exercice de mémoire aussi réussi que celui que l’on retrouve dans ce volume. Seulement, voilà, il avait besoin de quelqu’un à qui parler pour nous révéler son moi le plus profond et l’époque à laquelle il a vécu et à laquelle il a survécu avec une incroyable dignité ».



    « Le débarras aux sens », tel est le titre du nouveau recueil de poèmes signé par Ciprian Măceşaru et publié aux éditions Tracus Arte. « Ma poésie a bien des fois été peuplée de personnages, car je me suis imaginé dans telle ou telle situation. Je crois que l’on peut écrire de la poésie de cette manière aussi. “Le débarras aux sens” parle presque exclusivement de moi-même, alors que dans mon autre volume de poèmes, Feu rouge pour les piétons”, j’endossais plusieurs rôles. J’ose dire que Le débarras aux sens” est mon meilleur volume de vers, un livre de l’âge mûr, qui fait entendre une voix plus forte et plus authentique ».



    La Foire internationale Gaudeamus, livre du savoir, est organisée chaque année par la Radio publique roumaine, qui a célébré, le 1er novembre dernier, son 85e anniversaire…