Category: La Roumanie chez elle

  • Le Royaume des dragons

    Le Royaume des dragons

    Nous vous emmenons aujourd’hui à 11 km de Bucarest, sur l’ancienne route menant à la mer. Pour arriver au Royaume des dragons, la route traverse une forêt et un lac, passe près du monastère de Pasărea et se cache ensuite derrière quelques vinaigriers qui poussent çà et là au bord d’un champ apparemment abandonné. Comme dans les contes de fées, l’absence de toute forme de vie n’est qu’apparente; persévérance !



    En deuxième vitesse, parcourez le chemin en dalles de béton, enfoncées par endroit, qui mène à des maisons peintes en jaune. Derrière les hauts portails en bois, vous découvrirez les plus beaux chevaux du monde. Ce sont les 5 dragons – Călin, Decebal, Rafael, Willow et Loverboy de leur nom. Les trois derniers sont des Tinker — des chevaux tout à fait spéciaux. Ils ont des crins et des fanons abondants, des jambes fortes et une apparence trapue. Vous les trouverez à chaque fois fraîchement brossés, à la robe, généralement pie, luisante de shampooing et aux crinières tressées. Pour arriver jusqu’à eux, il faut d’abord passer devant Zâna, Mitică et Nero, trois des huit chiens friands de caresses qui vivent en liberté dans ce Royaume des dragons. Après, il s’agit de ne pas marcher sur la queue d’un chat. Car il y en a tant, que l’histoire ne retient même pas leurs noms.



    L’histoire de cet endroit commence en 2011, dans un refuge pour chevaux abandonnés de Bucarest. Cela s’appelle Steaua speranţei — l’Etoile de l’espoir – et c’est la station terminus pour les chevaux dont personne ne veut, bien des fois trop vieux pour tirer la charrette et abandonnés à leur sort sur un champ quelconque. Teodora Bănduţ, propriétaire du Royaume des dragons, raconte: «Mon mari a trouvé par hasard le refuge pour chevaux abandonnés sur Internet, et il m’a dit : « allons y jeter un coup d’œil ». Cette structure pour chevaux abandonnés avait été construite par la municipalité avec l’appui d’une fondation. Ils apprennent l’existence de cas désespérés, sont annoncés et se déplacent pour les récupérer. Il s’agit de chevaux abandonnés, récupérés à l’aide de la police, des chevaux abusés, en général ».



    A L’Etoile de l’espoir, Teodora et son fils, Tudor, ont connu Călin et Decebal, des chevaux de trait que les propriétaires n’aimaient pas vraiment. Un moment inoubliable, se souvient Teodora Bănduţ: « Ça a été le coup de foudre entre mon fils et Decebal, et pour moi c’était Călin… J’ai souhaité désespérément sortir Călin de là, même s’il y était bien — beaucoup mieux que chez son ancien propriétaire, qui le battait avec des chaînes et avec des barres de fer, comme cela arrive encore en Roumanie, malheureusement. Decebal a été lui aussi un cheval de trait, trouvé abandonné quelque part dans ce vaste monde ».



    Au début, ce fut une adoption à distance. La famille de Teodora Bănduţ contribuait par des sommes mensuelles aux soins prodigués à ces deux chevaux à l’Etoile de l’espoir. Secrètement, l’époux de Teodora oeuvrait pour lui faire une grande surprise : sur un terrain à proximité de Bucarest, il a fait construire une étable comme on n’en voit que dans les films, avec des box spacieux et un paddock, préparé pour l’adoption « pour de vrai ». « J’ai senti qu’il se passait quelque chose. J’ai mis un peu de pression et j’ai appris… j’ai frémi seconde après seconde, jusqu’à ce que tout soit prêt. Ça l’a été très vite et je pense que ce jour-là, l’intensité des sentiments a été tout aussi forte pour moi que le jour où j’ai accouché de mon enfant ».



    Et comment ne pas être émus lorsque dans le box, il n’y avait pas seulement Călin et Decebal, mais aussi deux autres chevaux, d’anciens champions que le club Steaua vendait aux enchères, pour leur éviter l’abattoir ? Teodora Bănduţ raconte : « On a lancé les travaux le 1er octobre 2011 et le 11 décembre, deux mois plus tard, il y avait six chevaux dans l’étable. D’abord les vieux, Călin et Decebal, un pur-sang arabe du haras de Mangalia, repris à quelqu’un d’autre, sur contrat. C’était quelqu’un qui ne pouvait plus le garder — une vraie beauté, ce cheval ! Et Rafael… Rafael a été la plus grande surprise. Voici quelques années, en voyant un Tinker courir dans un pré verdoyant, je m’étais exclamée : « Mon Dieu, quel ondoiement ! » Mon mari avait retenu cette exclamation et me suis retrouvée avec un Tinker sans l’avoir demandé… Je n’ai pas beaucoup de mots pour décrire comment je les ai vus tous les six dans l’étable… Finalement, j’ai réussi à les prendre en photo lorsqu’ils avaient tous sorti leurs têtes par-dessus la clôture. J’ai alors dit : « Je pense que c’était ce que je voulais voir ». Un endroit où ils puissent retrouver la paix, un abri, les vieux — qu’ils vivent en paix le restant de leur vie, sans être importunés, ni battus par quiconque, et qu’ils soient bien nourris. Et que Călin trouve sa paix, on travaille avec lui et on continuera à le faire, c’est un cheval à part. Tout le monde a été heureux ».



    Entre temps, les champions sont morts de vieillesse. Decebal et Călin vont bien, ils vivent bien, avec tous les autres chiens, chats et autres animaux, venus les rejoindre ou apportés là. Maintenant, au Royaume des dragons, il y a trois Tinker et Teodora compte faire un élevage. En attendant d’acheter une jument de cette même race, elle accueille Loverboy et Willow, des chevaux qui se plaisent dans la présence des enfants et des carottes que ceux-ci leur offrent à chaque fois qu’ils viennent leur rendre visite. Même si cet endroit avait été conçu comme privé, cette année, Teodora Bănduţ essaiera d’ouvrir ses portes à tous ceux qui aiment les chevaux. « L’année dernière, nous avons commencé par accueillir les camarades de maternelle de Tudor. Ils ont beaucoup aimé, ils ne voulaient plus partir ! Nos amis, qui ont des enfants, ont fait venir d’autres amis avec leurs enfants et ainsi de suite. C’est alors que l’idée nous est venue. C’est l’année du cheval de bois, et il faut mettre notre idée en œuvre ».



    Qui va une fois au Royaume des dragons ne peut pas s’empêcher d’y revenir. Cristina Niţă, une des amies de Teodora Bănduţ qui a des enfants, explique pourquoi. « C’est un endroit merveilleux, on y recharge ses batteries, les enfants peuvent courir tant qu’ils veulent, ils tombent amoureux des chevaux, des autres animaux, ils retrouvent le plaisir de jouer en plein air, comme nous, quand on était enfants. C’est un endroit de rêve ; si je pouvais, j’y emménagerais, je prendrais soin des chevaux, je m’occuperais de leurs dents uniquement pour y rester plus. C’est calme, l’air est pur, les gens sont super, c’est le paradis. Si tous ceux qui ont des chevaux dont ils ne veulent plus pouvaient les emmener auprès de gens au grand cœur qui s’occupent d’eux, le monde serait un peu meilleur. Malheureusement, beaucoup les abandonnent dans les champs ou les tuent ou je ne veux même plus penser qu’il y en a qui les emmènent aussi à l’abattoir ».



    Avant le crépuscule, à l’heure d’or, comme l’appellent les photographes, cet endroit est enveloppé dans une lumière ambrée. Derrière la cour des dragons, il y a un champ de blé, qui verdit, mais vous pouvez certainement anticiper son ondoiement d’océan doré d’ici quelques mois. Et maintenant, il ne vous reste plus qu’à fermer les yeux et à imaginer les chevaux, leur crinière flottant au vent. Vous voudrez certainement aller au Royaume des dragons. ( trad.: Ligia Mihaiescu)

  • En joli train

    En joli train

    Forte d’une expérience solide dans la fabrication de matériel ferroviaire roulant la ville de Craiova revient en force sur le devant de la scène industrielle avec le projet Hyperion: la première rame automotrice électrique fabriquée en Roumanie, depuis 1990.


    En 2009, une société privée, à capital roumain, basée à Craiova démarrait le projet Hyperion, un train électrique dotée de moteurs asynchrones, hautement performants. Investissement total: 10 millions d’euros, le prix de vente étant estimé à près de 5 millions d’euros. La partie conception a été co-financée par des fonds européens, Softronic ayant par la suite supporté lensemble des coûts de fabrication. Et les efforts semblent avoir porté leurs fruits.


    Radu Zlatian, un des consultants de la compagnie explique:« Le train Hyperion est le plus moderne d’Europe, il a été conçu entre 2009 et 2010 suivant les dernières exigences techniques et les réglementations les plus récentes ».


    Hyperion inclut les meilleurs composants fabriqués par les sociétés européennes les plus importantes du secteur. La rame automotrice électrique fabriquée à Craiova est dotée d’équipements très modernes – Wifi, éclairage en fonction de la lumière naturelle, conduite simplifiée, système vidéo pour la communication avec les passagers. Et ce n’est pas tout, explique encore Radu Zlatian : « Ce train à quatre voitures consomme trois fois moins dénergie qu’un train classique transportant le même nombre de passagers, soit 180. La traction ferroviaire électrique comporte des avantages économiques et du point de vue de la préservation de l’environnement ».



    Hyperion doit assurer la liaison Motru-Craiova-Bucarest, soit environ 330 kilomètres. Sil peut atteindre 160 km/h, la vitesse de croisière sera celle permise par le réseau sur ce trajet, il y a des tronçons où le train pourra aller à 120 km/h, dautres où il ne pourra dépasser 30 km/h. Hyperion ne se distinguera donc pas vraiment, côté vitesse de croisière, des locomotives et voitures neuves ou modernisées de CFR Călători, la branche voyageurs de la compagnie nationale des chemins de fer, l’infrastructure ferroviaire du pays ne permettant pas de dépasser 140 km/h sur les voies.


    En effet, selon un communiqué CFR Infrastructură, la branche infrastructures des chemins de fer nationaux « le réseau ferroviaire roumain (qui sétend sur 19.977,11 kilomètres) est confronté non seulement à un sous- mais aussi à des vols et destructions d’éléments d’infrastructures. (…) Ceci étant, plusieurs projets de modernisation visant à accroître la vitesse de croisière des trains sont en déroulement ou en train d’être préparés ou lancés ».



    Même en l’absence d’une infrastructure adéquate, selon Radu Zlatian : « La vitesse maximale d’un véhicule est assurée par le constructeur justement pour aboutir à des accélérations et des décélérations très rapides, de sorte que les arrêts et les départs aient lieu dans les meilleures conditions ».



    Radu Zlatian déplore cependant qu« en Roumanie, comme dans dautres pays moins développés que les pays de lOuest, le transport ferroviaire ne cesse de régresser, le nombre de voyageurs et la quantité de marchandises transportés par voie ferrée diminuant d’une année à l’autre. Le problème, c’est que le transport ferroviaire a besoin du soutien de l’Etat, car l’infrastructure coûte très, très cher ».


    Quoi quil en soit, la compagnie de Craiova a déjà lancé la production d’une deuxième rame du même type quHyperion, dont la mise en service est prévue à la fin de lannée.

  • Billets doux, lettres de pardon et de mal d’amour

    Billets doux, lettres de pardon et de mal d’amour

    Elle remonte à quand, votre dernière lettre manuscrite autre qu’une carte de vœux ou une invitation à je ne sais quelle cérémonie ? Une lettre écrite avec la plume du cœur, commençant par « Cher X, chère Y… », et qui finisse par « Bien à vous… ». J’imagine que cela devait se passer il y a assez longtemps. Nous vivons dans l’ère de la vitesse ; qui a encore le temps d’attendre les lettres envoyées par la poste alors que nous pouvons communiquer instantanément avec n’importe qui se trouvant n’importe où ? En même temps, nous écrivons de moins en moins à la main, sans doute plus difficilement et probablement notre écriture est de moins en moins lisible. Toutefois, les moyens modernes de communication nous imposent souvent des limites, comme par exemple un nombre fini de lettres.



    Inspirée par un film récent nominé aux Oscars, Loredana Munteanu a décidé d’offrir aux Roumains un service gratuit hors du commun : elle transcrit des messages avec de l’encre sur du papier recyclé. Une manière alternative de communiquer, qui met l’accent sur l’émotion, sur l’histoire, sur les gestes simples qui comptent pour beaucoup, explique Loredana Munteanu : « Un projet spécial sans occasion spéciale, c’est ainsi que nous l’avons appelé. Concrètement, on écrit avec le stylo sur du papier recyclé des lettres qui sont par la suite livrées à bicyclette. C’est aussi un concept responsable avec la nature. Nous devenons une extension de l’expéditeur. A l’heure qu’il est, les gens disposent de tous les gadgets actuels qui les déterminent plutôt à envoyer des courriels, des textos et autres messages virtuels. Nous ne rédigeons pas les messages que nous envoyons, nous les transcrivons tout simplement pour venir en aide aux gens qui n’ont pas le temps de le faire eux-mêmes ou dont l’écriture n’est pas lisible».



    Loredana Munteanu et son équipe intitulée «L’art ne mord pas» ont déjà reçu 250 demandes depuis début mars, lorsqu’ils ont fait part de leur initiative aux bucarestois. Ce sont des messages pleins d’émotion, affirme Loredana. Ce ne sont pas uniquement des lettres d’amour, leurs destinataires sont aussi d’anciens amis, les parents ou les grands-parents de ceux qui ne leur ont pas écrit depuis longtemps.



    La lettre d’une jeune femme ayant une histoire similaire à la sienne a le plus touché Loredana: «Il s’agit d’une jeune fille qui habite à Bruxelles depuis 3 ans et qui regrette de ne pas avoir réussi à revoir sa mère pendant tout ce temps ; elle lui demande pardon. Je pense qu’elle pleurait en écrivant sa lettre, surtout qu’elle mentionne le fait qu’il était 3 heures du matin, qu’elle était en train d’écouter une chanson qui lui rappelait sa mère, restée seule à Bucarest. Elle espérait pouvoir revenir en Roumanie du moins pour Pâques, après 3 années d’absence. Moi aussi je suis loin de ma mère, qui n’est pas en Roumanie. Nos histoires se ressemblent d’une certaine manière, sauf que les rôles sont inversés : la fille est à Bucarest et la mère est ailleurs».



    Combien coûte l’envoi d’une telle lettre, avec une belle écriture, dans une belle enveloppe scellée avec de la cire rouge, comme on le faisait jadis? Rien du tout. Comment ça se passe ? Loredana Munteanu explique : «Nous avons des partenaires qui nous soutiennent et grâce auxquels notre service restera gratuit. Il faut remplir le formulaire se trouvant sur notre site Internet, l’expéditeur ayant la possibilité d’offrir aussi une surprise de la part de nos partenaires, toujours à titre gratuit, par exemple un livre ou des produits de beauté. Nous espérons que les gens deviennent de plus en plus réceptifs à cette idée, nous espérons que cela les rapproche par des gestes un peu oubliés. Nous communiquons à l’aide de gens et non pas à l’aide d’objets. Il faudrait que les gens profitent de ce service et se souviennent plus souvent des personnes importantes dans leur vie».



    Le projet de Loredana sera disponible tant que son équipe disposera de ressources… humaines. Surtout qu’ils ont déjà reçu des demandes d’élargir leur zone de livraison au-delà de la capitale.



    Loredana Munteanu: « Nous sommes très contents de la façon dont le projet a évolué, car nous avons reçu des messages d’autres villes des 4 coins du pays, de Deva et Cluj (dans le centre du pays), Timişoara (dans l’ouest) et Iaşi (dans le nord-est). Ce sont des gens qui souhaitent nous aider à livrer des lettres dans leur région, notamment des organisations de cyclistes. Et c’est vraiment touchant de voir notre idée fleurir et réunir de plus en plus de bénévoles, mais aussi de constater combien nombreuses sont les personnes qui souhaitent envoyer une lettre écrite à la main à leurs proches. Nous encourageons tous les Roumains à trouver une personne à laquelle ils aimeraient faire une telle surprise, à prendre le temps de réfléchir qui dans leur vie mériterait une lettre».



    Et si les Roumains ont du mal à entamer une lettre ou n’ont pas trop de talent littéraire, il leur suffit d’entrer sur le site de l’équipe « L’art ne mord pas » pour trouver la bonne inspiration. A part les formules pour commencer ou terminer une lettre, ils découvriront le principal message de Loredana et de ses collègues: écrivez avec le cœur!



    Alors, qu’en pensez-vous, amis auditeurs? Aimeriez — vous envoyer une lettre à quelqu’un de très proche? Alors, à vos stylos! (trad. Mariana Tudose, Valentina Beleavski)

  • Bal viennois à Bucarest

    Bal viennois à Bucarest

    Le 8 mars, la capitale roumaine a accueilli une nouvelle édition du Bal viennois. Organisé par la chaîne hôtelière Marriott, en collaboration avec les municipalités de Vienne et de Bucarest, le Bal viennois réunit au Palais du Parlement l’élite du milieu des affaires et diplomatique pour une soirée de conte de fées.



    Selon Meda Vasiliu, directrice de marketing à l’hôtel Marriott, l’organisation de ce bal a été dès le début un grand défi : « La série des Bals viennois a débuté en 2006. Nous avons souhaité apporter à Bucarest la grâce et l’élégance des bals de Vienne. Le projet était hardi, pourtant, nos partenaires, sponsors traditionnels de cet événement et nos clients ont embrassé l’idée de telles soirées à Bucarest. Aussi, le nombre des participants a-t-il augmenté constamment — sauf ces dernières années, sous la pression de la crise économique. Pourtant, à chaque édition, nous comptons toujours plus de 500 participants. »



    A quoi pense-t-on quand on dit « bal viennois » ? Les premiers mots qui se présentent à l’esprit sont peut-être « étiquette », « faste », « élégance », « luxe » … Et puis, bien sûr, « valse » et « débutants » ne sauraient manquer.



    Les organisateurs de Bucarest s’assurent, chaque année, que les participants ont à leur disposition toutes les informations dont ils ont besoin pour respecter l’étiquette d’un tel événement. La tenue de soirée est obligatoire — et d’ailleurs, sur le site du Bal viennois, les indications sont très précises : pour les hommes — frac noir, pantalon noir, souliers noirs en cuir verni, veste, chemise à col cassé et nœud papillon ; pour les femmes : robe longue — d’habitude blanche pour les débutantes. Les dames qui ne souhaitent pas être reconnues peuvent porter des masques. Les bijoux élégants et éventuellement les gants de soirée sont conseillés.



    Au Bal viennois de Bucarest, on valse sur la musique jouée par l’orchestre du palais Schönbrunn de la capitale autrichienne. Le moment culminant du bal est la valse des débutants.



    Martin Grund est le chorégraphe qui s’assure que les 40 couples de débutants danseront parfaitement : « Il y a 9 ans, j’ai reçu un message me faisant savoir que l’on tâchait d’organiser un bal viennois en Roumanie. Les membres de l’orchestre n’étaient jamais venus dans ce pays, nous ne connaissions rien à son propos — nous avions seulement entendu parler de la Transylvanie et de Dracula. Je suis venu à Bucarest et je me suis entretenu avec les organisateurs. J’ai été fasciné de voir que tout était si bien préparé. J’ai rejoint l’équipe et le bal a connu un grand succès, dès la première édition. »



    Jadis, les bals étaient l’occasion parfaite pour présenter les jeunes filles de la haute société aux éventuels prétendants. Leur grâce et leur talent de danseuses pesaient dans la balance. De nos jours encore, dans les grandes villes du monde, il y a des jeunes qui souhaitent valser devant les invités — affirme Martin Grund.



    Martin Grund : « Pour pouvoir valser au Bal viennois, il faut s’inscrire et expliquer pourquoi on veut y être présent. Il faut passer par une audition et prouver devant un jury que l’on maîtrise bien la valse viennoise. Pour le Bal de l’Opéra on doit être capable de danser dans le rang, de gauche à droite, en tournant uniquement à gauche sur une distance de 15 mètres ».



    Qui débute au bal de Bucarest ?



    Martin Grund : « Les premières années, nous avons eu des danseurs professionnels, qui se sont très bien débrouillés. Ils valsaient très bien, trop bien même, car il leur manquait ce quelque chose que seuls les Viennois possèdent. L’âme viennoise n’est pas aussi « précise », quand ils dansent, les Viennois ondoient… Les années suivantes, nous avons accepté également des amateurs, qui se sont entraînés avec les professionnels et, à présent, la sensation que l’on a en regardant est différente, ils sont beaucoup plus naturels ; on peut même voir l’émotion des débutants : ils sont fiers, les jeunes filles se sentent comme des princesses et les jeunes hommes comme des princes. C’est magnifique de se trouver à ce bal impérial. J’ai été heureux de découvrir un si grand nombre de nouveaux visages, des personnes très jeunes, qui étaient venues au bal avec leurs parents, il y a 9 ans. A ce moment-là, ils étaient encore des enfants. A présent, ils sont adolescents. Ils ont 15 ou 16 ans et sont fiers de faire leurs débuts au Bal viennois. Lors de la dernière répétition j’ai été émerveillé par la joie avec laquelle ils dansaient. Cela m’a semblé extraordinaire. »



    Le billet d’entrée au Bal viennois coûte environ 200 euros et, après minuit, l’argent recueilli est offert en donation à des ONGs pour être investi dans des projets au bénéfice des enfants.



    Meda Vasiliu : « United Way a été depuis toujours le bénéficiaire du Bal viennois. La collaboration avec cette organisation est de longue date, au niveau international aussi. A l’édition 2013, nous avons choisi un deuxième bénéficiaire — SOS Villages d’enfants — dans le cadre d’un partenariat conclu au niveau européen. Les deux organisations sont orientées vers les enfants des milieux défavorisés, qui ne peuvent pas fréquenter l’école ou n’ont pas accès à une éducation telle que nous la souhaitons pour nos enfants. Alors, nous avons souhaité nous impliquer et les soutenir, chaque année, par ce Bal viennois. »



    Mihaela Rizea a compté parmi les invités du Bal viennois de Bucarest — édition 2014 : « C’est pour la deuxième fois que je participe à ce bal. A mon avis, c’est un événement dont notre ville a besoin. Mon seul regret c’est de ne pas avoir eu le courage de valser, pourtant je pense que je le ferai l’année prochaine. C’est une bonne occasion d’échapper un petit peu à notre vie tumultueuse et de laisser nos émotions s’exprimer. Et de ce point de vue là, ce fut une magnifique soirée. »



    Ana Elefterescu, chargé de relations publiques de United Way — l’organisation qui bénéficie des fonds recueillis au Bal viennois — partage cet avis. La soirée a été magnifique, au-delà de toute attente.



    Ana Elefterescu : « A en juger d’après l’expérience des années précédentes, après ce bal, environ 12 .000 euros sont versés à notre organisation. Cet argent est destiné exclusivement à nos projets. Depuis 2013, nous sommes également les bénéficiaires du Bal viennois de Timişoara, qui en est à sa 2e édition. L’argent recueilli là-bas est utilisé pour des projets destinés à cette zone. Nous tâchons d’aider, chaque année, un nombre de personnes aussi grand que possible. En 2013, nous avons pu aider 7 mille enfants ».



    Le Bal viennois devient une tradition — pas uniquement à Bucarest, mais, depuis quelque temps, à Timişoara aussi, et même à Suceava.



    Bien qu’entre les colonnes de marbre du Palais du Parlement l’écho des valses se soit à peine éteint, les organisateurs préparent déjà l’édition 2015. Comme ce sera la 10e édition, nous nous attendons, certes, à des feux d’artifice. (Trad. :Dominique)

  • SONG – une chanson 20 ans après

    SONG – une chanson 20 ans après

    Lhistoire daujourdhui tourne autour d’un numéro magique: 20.


    20 comme 20 ans de voyages à travers le monde dun groupe de jeunes habillés en jeans et blouses traditionnelles roumaines en chantant des chansons que peu de gens ont eu le courage dinterpréter: du folklore roumain dans une nouvelle interprétation, du negro spiritual et des noëls dissimulés, de la musique internationale chantée en original au lieu du roumain. Tout cela entre les murs dune guerre froide qui isolait la Roumanie de “la décadence de lOccident”. En plus, 20 ans se sont écoulés depuis la disparition brutale du créateur et chef de direction de ce groupe de musiciens audacieux.



    En 1974, Ioan Luchian Mihalea réunissait sous le nom SONG (‘chanson’ en anglais) des étudiants du Conservatoire de musique de Bucarest, rejoints plus tard par les étudiants en Langues germaniques de l’Université de Bucarest. Ils ont fait leurs débuts en chantant de la musique de la Renaissance et des chants médiévaux anglais, pour enchaîner avec tournées, émissions enregistrées, films, concerts sur la scène de la Grande Salle du Palais de la capitale ou encore voyages à létranger. Une vie difficile à imaginer pour le reste des Roumains qui suivaient ce groupe avec admiration et envie à la fois.



    Raluca Alina Hurduca a fait partie du groupe Song pendant les années 80, la décennie la plus sombre de lhistoire récente de la Roumanie. Cette expérience a marqué non seulement sa jeunesse mais aussi tout son parcours ultérieur, avoue-t-elle: « A ce moment-là je ne réalisais pas toutes ses implications. Premièrement je pouvais faire quelque chose que jaimais aux côtés de jeunes considérés comme lélite des étudiants, car le groupe Song était formé uniquement délèves et détudiants. Cétait aussi un moyen déchapper à la réalité devenue un véritable cauchemar à la moitié des années 80. Cétait de la pure joie, comme une bulle dorée qui nous entourait. Et je suis persuadée que mes collègues seraient daccord avec moi. Certes, le style, lénergie et cet état desprit étaient transmis par notre chef de chorale. Sy ajoutait le fait dêtre une équipe jeune, car de nouveaux étudiants venaient en permanence nous rejoindre et cela marquait aussi la manière dont les chansons étaient interprétées. »



    Le groupe Song était une grande famille, racontent ses anciens membres. Parmi eux, Carmen Săndulescu, aujourdhui journaliste à RRI, qui n’oubliera jamais les répétitions aux côtés des jeunes du Song: « Les répétitions étaient des moments tout à fait à part, qui se sont à jamais imprimés dans ma mémoire notamment parce quelles étaient très sévères. On samusait pendant une dizaine de minutes, comme si on était entre amis, ou en famille, puis on se mettait au travail. Un travail très dur. On répétait 3 notes à linfini, les entrées en scène, des choses qui se sont avérées très utiles aux enregistrements pour la télévision. Pour 3 chansons interprétées à la télé nous avons répété toute une nuit. Nous étions tellement absorbés par létude et par la musique. Nous nous rendions compte que nous étions différents parce que les autres nous le disaient. »



    Raluca Alina Hurduc raconte comment se déroulaient les concerts de la chorale SONG dans le pays: «Nous chantions des chansons du folklore roumain, mais aussi des negro spirituals et même des cantiques de Noël dont les paroles avaient été changées. C’est que, de temps à autre, Mihalea bricolait des vers qui allaient avec la mélodie des cantiques et nous les chantions sur scène, dans les années ’80. Le public vibrait d’enthousiasme lorsqu’il reconnaissait les cantiques ainsi déguisées. Il chantait avec nous, il applaudissait. La chose la plus importante que nous avons comprise grâce à ces concerts, c’était que nous pouvions faire des choses et les partager avec les autres, que nous pouvions créer une communion et que cela nous rendait heureux. Ça valait la peine de consacrer du temps à ces choses-là et sortir du quotidien, pour être plus heureux. »



    En pleine révolution culturelle communiste, lorsque les artistes n’avaient presque aucune liberté d’expression, comment quelque chose de si différent, comme le groupe SONG, a-t-il pu exister ? Par un « ballet » très subtil, dont très peu étaient conscients — affirme Carmen Săndulescu : « A ce que j’aie compris, dans les années ’80, lorsque les autorités communistes ont exigé une explication concernant le nom de la chorale, la réponse avait été la suivante : SONG ne venait pas du mot anglais qui signifie chanson, c’était un acronyme voulant dire « Suntem Oamenii Noii Generatii » (« nous sommes les gens de la nouvelle génération »). C’était donc une sorte de ballet entre ce qu’il y avait à l’intérieur du groupe et ce qu’il fallait voir de l’extérieur. Je ne sais pas si tous les membres de la chorale en étaient conscients. Je me suis rendu compte de la réalité extérieure au moment où s’est posé le problème de notre participation au festival de la Havane, à Cuba. Cette participation a explicité les choses, pour ainsi dire : sur les 40 dossiers avancés pour ce départ, 18 seulement ont reçu un avis positif. »



    L’âme du groupe SONG, le chef de chorale Ioan Luchian Mihalea, adoré par tous ses jeunes chanteurs, fut sauvagement assassiné dans sa propre maison, en novembre 1993. Quelques semaines plus tard, la chorale a donné son dernier concert, à la mémoire de Ioan Luchian Mihalea. Début mars de cette année, 20 ans après, SONG s’est réuni de nouveau, pour un spectacle diffusé en direct par la télévision publique.



    Selon Raluca Alina Hurduc, l’émotion s’est propagée bien au-delà du petit écran : « En moins d’un mois, nous avons réussi à nous mobiliser et à nous réunir de tous les coins du pays — et même de l’Europe. Nous avons pu faire une dizaine de répétitions, car cette émission est venue en quelque sorte d’en haut… Ce fut un réussite au-delà de toute attente. Nous nous sommes mobilisés et nous avons chanté comme jadis — certes, d’une manière pas nécessairement parfaite, mais c’était inespéré, très beau. Le fait d’être de nouveau ensemble et de chanter nous a énormément réjouis et je pense que cette joie est passée au-delà du petit écran, si l’on juge d’après les impressions recueillies après le concert et les appels téléphoniques que nous avons reçus. »



    Le groupe SONG s’est réuni sous la baguette d’un chef de chorale jeune, Daniel Jinga : « J’avais entendu parler d’eux, j’ai grandi avec cette chorale et à présent je suis heureux que cette rencontre ait eu lieu. Nous avons chanté ensemble, nous nous sommes réjouis. Tout a été empreint d’allégresse et de nostalgie. On m’a demandé à plusieurs reprises, ces dernières années, de créer une chorale similaire. Le fait que certaines personnes, qui perçoivent le désire du public, m’ont demandé de mettre sur pied ce genre de projet prouve que les gens souhaitaient réécouter la chorale SONG. Et ce n’est guère surprenant, des générations entières ont écouté cette musique, qui sera certainement aimée par la jeune génération actuelle. »



    La chorale SONG chantera-t-elle de nouveau ? Seul le temps pourra nous donner une réponse. (trad. : Valentina Beleavski, Dominique)

  • La cité de la connaissance

    La cité de la connaissance

    “La cité de la connaissance” est une initiative privée d’une famille roumaine amoureuse du Musée des techniques de Vienne. En fait c’est le fils, Matei, qui a demandé à sa mère pourquoi un tel endroit n’existait pas à Bucarest, un endroit où l’on pouvait toucher les objets exposés. « S’il n’existe pas, nous pouvons le créer », a répondu sa mère. Et voilà, 3 ans plus tard, « La cité de la connaissance » a ouvert ses portes. Un investissement de 100.000 euros a rendu possible l’apparition de cet espace rempli de lumière et de couleurs, qui encourage les enfants à interagir avec les objets, à expérimenter, ayant leurs parents pour guides.



    Selon Anamaria Roată-Palade, celle qui a eu l’idée de fonder ce musée, tous les jeux ont été spécialement créés pour cet endroit: « Depuis 3 ans nous inventons toute sorte de jeux. Tout d’abord sur papier, pour construire par la suite de véritables jeux, avec des billes, des aimants et même de l’eau. Le jeu d’eau est à mon avis le plus intéressant, parce qu’il compte plusieurs moulins, un vis d’Archimède, un vortex où les enfants peuvent lancer des balles de ping-pong et voir comment se forme le tourbillon ou bien ils peuvent guider une balle sur un trajet à l’aide d’un jet d’eau. Il y a aussi des jeux d’habilité, jeux de miroirs, une piste d’athlétisme qui s’étale sur 10 mètres de longueur où les petits peuvent faire des courses de vitesse, un simulateur de tsunamis construit à l’aide d’un plexiglas et un cadre métallique. Il montre aux enfants ce qui arrive à une maison frappée par une vague géante. Le même jeu leur montre la structure interne de la Terre. Tous les jeux sont accompagnés d’explications. Les enfants apprennent à manier l’objet, ils observent l’effet de leurs actions, découvrent la liaison avec les lois de la physique où l’on retrouve le phénomène en question dans la vie réelle: en physique, en mathématiques, en chimie. Dans une autre salle, il y a des jeux d’équilibre. Par exemple: il faut poser 10 clous en équilibre sur un seul clou, ou mettre un plateau de table à 3 trous sur 6 pieds… Nous avons voulu créer des jeux amusants et incitants à la fois, qui invitent l’enfant à se poser des questions et à trouver lui-même la réponse pour reconnaître ensuite la transposition de l’objet en pratique».



    Le musée est destiné aux enfants de 2 à 99 ans. On y trouve aussi des jeux pour les moins de 2 ans, faits de billes roulant le long d’un trajet sinusoïdal, des billes qui empruntent différents circuits, des formes s’emboîtant dans d’autres formes, un mémo géant et des boîtes sensorielles contenant des objets surprenants pour les jeunes générations: cassettes audio, disquettes et autres choses appartenant à un passé pas trop éloigné.



    Heureusement, pour tout il y a des guides, pourtant, il est important que les parents s’impliquent, eux aussi — estime Anamaria Roată-Palade: « Nous encourageons les parents à jouer aux côtés des enfants; nous ne voudrions pas que les parents laissent là leur enfant et disparaissent dans la nature pendant 2 ou 3 heures. Nous souhaitons que les parents restent auprès de l’enfant pendant au moins une heure. Il est important pour l’enfant de voir que ses parents souhaitent apprendre, eux aussi, que maman ou papa lui expliquent des notions qu’il ne peut pas encore très bien comprendre. Nous avons des guides et nous pouvons donc tout expliquer aux enfants ; pourtant, j’ai appris par ma propre expérience que l’enfant est ravi s’il peut dire: « Maman, regarde ce que je sais faire ! » ou si sa mère lui dit : « Attends, je vais t’expliquer ».



    Les organisateurs ont voulu s’assurer que les adultes auront quelque chose d’intéressant à faire pendant que leurs petits sont occupés à apprendre toute sorte de choses. Ils ont donc prévu des jeux pour les grandes personnes : « Nous disposons d’une salle comportant des jeux QI de grandes dimensions : 1 mètre sur 1 mètre, 2 mètres sur 1 mètre et demi. Ce sont des puzzles géants. Il y en a aussi de dimensions plus réduites, pourtant les grands sont plus séduisants. Mon jeu d’échecs interactif n’est pas encore résolu, bien que je l’aie depuis deux mois déjà, il est toujours là. De temps en temps nous passons à côté, nous essayons d’avancer un petit peu… J’aime jouer. Parfois je me surprends dire à mon enfant : « Laisse-moi essayer, pousse-toi un peu et laisse-moi jouer quelques minutes. Le jeu est important, c’est comme ça que l’on apprend. En jouant. »



    Une visite à la Cité de la connaissance peut durer plusieurs heures. Les enfants présents à l’inauguration ont été enchantés et souhaitent revenir. Il est vrai que les objets exposés et les expériences auxquelles ils ont assisté lors de l’ouverture de ce musée interactif ont suscité leur curiosité et les ont incités à s’impliquer. Cette cité est une destination idéale pour les jours frais et pluvieux. Elle dispose également d’une salle où les enfants peuvent manger un sandwich et les parents boire un café. Les enfants sont pourtant si absorbés par ce qu’ils font qu’ils oublient de manger et le départ pose toujours des problèmes. Le billet d’entrée coûte 34 lei pour un enfant, soit environ 8 euros, comparable à celui d’entrée au cinéma. Les bénéfices que l’on retire d’une visite à la cité sont beaucoup plus grand en comparaison de ce qu’un film — même en 3D — peut apporter à un enfant. La Cité de la connaissance n’est pas la seule initiative de ce genre de Roumanie. Des projets similaires seront mis en œuvre à Cluj-Napoca et à Braşov. Nous espérons pouvoir vous raconter des choses sur ces nouvelles cités bientôt. (trad. Valentina Beleavski, Dominique)

  • Cérémonies humanistes

    Cérémonies humanistes


    Exemptes de leur composante religieuse habituelle et officiées par un célébrant ayant suivi une formation spéciale, ces cérémonies marquent des moments importants de notre vie, tels — pour l’instant — le mariage ou la naissance d’un enfant.



    Monica Beliţoiu est la porte-parole de l’Association séculière humaniste de Roumanie, qui organise ces cérémonies. L’idée de créer un tel service lui est venue en 2012, lors de la célébration de son mariage. « Mon mari et moi n’avons pas voulu nous marier à l’église. Nous souhaitions une cérémonie en plein air, où nous puissions échanger des serments devant nos parents et nos amis. La cérémonie s’est déroulée dans un cercle restreint de personnes, au bord d’un lac et elle a été officiée par un ami, car, à ce moment-là, il n’y avait pas encore un service spécialisé en Roumanie et donc nous ne savions pas à qui nous pouvions nous adresser. Faire venir un célébrant de l’étranger aurait coûté trop cher et la cérémonie n’aurait pas pu se dérouler en roumain. Nous avons choisi un ami qui sait parler en public et nous l’avons prié de s’en charger. Nous lui avons dit ce que nous souhaitions, il a écrit un discours où il a raconté notre histoire d’amour, telle qu’il la connaissait, il a parlé de nous et dit pourquoi il avait accepté d’officier la cérémonie de notre mariage. Ensuite, mon mari et moi, nous avons échangé des serments et nos alliances. Notre ami nous a félicité et invité les autres à en faire autant. Nous nous étions déjà mariés à la mairie, quelques mois avant, pourtant, un mariage civil, qui ne dure que quelques minutes, n’est pas une vraie cérémonie. Pour nous, c’était un moment important et nous voulions le marquer d’une autre manière. La cérémonie a plu à tout le monde et nos mères ont pleuré d’émotion. Nos grands-parents ont toutefois été d’avis que nous devrions nous marier à l’église aussi, ne serait-ce que pour nous mettre à l’abri des mauvaises langues. Pourtant, ceux qui ont fait connaître leur opinion sur la cérémonie, ont dit du bien de nous. Nos amis ont été enchantés. Certains d’entre eux se marieront cette année et ils ont auront, eux aussi, une cérémonie humaniste. »



    Est-ce là, en fait, une nouvelle forme de religion ? Monica Beliţoiu estime qu’il s’agit plutôt d’une nouvelle attitude envers la vie. « Les principes humanistes sont des principes de tolérence, de bonne entente, de coopération, de non-discrimination, d’égalité entre les êtres humains et devant la loi. Je considère que nous n’avons qu’une vie et que nous sommes responsables de tout ce que nous faisons ; si nous commettons une erreur, c’est nous qui en sommes responsables et pas le destin et si nous réussissions, c’est notre mérite et celui des personnes qui nous ont aidé. Nous ne ressentons pas le besoin d’appartenir à une religion. En échange, nous respectons celle des autres. Nous nous rendons chez nos parents pour les fêtes et nous les célébrons ensemble, mais c’est tout. »



    Puisque les personnes invitées à leurs noces ont été enchantées et qu’il y avait des demandes et un intérêt pour ce type de cérémonies, Monica et ses collègues de l’Association ASUR ont tenté d’esquisser une offre à l’intention des personnes intéressées.



    Assistés par les vétérans des cérémonies humanistes, en octobre 2012, ils ont mis au point un stage de formation des célébrants, qui sont à présent déjà aptes à répondre aux exigences de tout couple non-conformiste. Rêvez-vous de noces thématiques, de noces où les invités soient des personnages littéraires ou de cinéma ? Ou peut-être aimeriez-vous souhaiter à votre bébé la bienvenue au monde d’une façon plus originale ? A présent c’est possible. Donnez libre cours à votre fantaisie, les professionnels des cérémonies humanistes feront le reste — dans les limites de la laïcité. « Nous ne faisons rien qui soit de nature religieuse, nous n’offrons pas une réplique des cérémonies pratiquées par les différentes religions, nous ne lisons pas de passages des livres saints, nous n’organisons pas de cérémonies pareilles à celles de Las Vegas. Nous organisons des cérémonies pour les couples sérieux, qui souhaitent rester ensemble et bénéficier d’une telle cérémonie non pas pour apporter plus d’amusement à leurs noces, mais pour célébrer leur amour — si je puis dire. On a besoin de partager avec les êtres chers les moments importants de sa vie, on a besoin de dire aux siens et aux amis : voilà, je me suis mariée et c’est lui l’homme que j’aime et avec lequel je souhaite passer le reste de ma vie et je lui promets et je vous promets de nous respecter et de nous entendre. On a besoin de dire : « C’est mon enfant, je suis fier ou fière de lui, je vais l’aider et l’aimer toujours. » On a besoin de marquer ces moments. A mon avis, l’idée de cérémonie ne doit pas être strictement liée à un vécu de nature religieuse ; il s’agit de sentiments humains, que tout le monde éprouve — que l’on croie ou non à une divinité. »



    Les couples mixtes qui ont besoin de cérémonies en roumain, mais aussi en anglais, semblent très attirés par l’offre de l’Association ASUR. Depuis le début de l’année, 8 couples ont déjà choisi un célébrant pour leur mariage, qui aura lieu en 2014 ou même en 2015. 10 autres couples hésitent encore entre les 3 célébrants de l’Association. Les deux premiers mariages auront lieu le 31 mai à Bucarest. Avant la cérémonie, les mariés rencontreront le célébrant, lui raconteront leur histoire d’amour, lui diront ce qui les a uni et lui offriront les informations dont il a besoin pour écrire son discours. Après la cérémonie, les mariés signeront un certificat avec un stylo qui leur sera offert en souvenir.



    Les cérémonies humanistes sont purement symboliques, le certificat n’a pas de valeur légale, il leur rappellera le jour heureux de leur mariage.



    Les réactions de l’Eglise ne se sont pas fait attendre. « Peu de temps après l’annonce concernant la création de ces services, les prêtres ont affirmé que ces cérémonies n’étaient pas bénies par la grâce divine et qu’elles n’étaient pas reconnues par l’église. Je ne saurais dire si ma définition de la grâce divine correspond à celle de l’Eglise. Pourtant, ce que nous faisons découle plutôt du désir d’offrir aux gens les moments dont ils ont rêvé pour marquer un événement important de leur vie. » (Trad. : Dominique)

  • Charlottenburg, le village rond comme une pomme

    Charlottenburg, le village rond comme une pomme

    La colonisation de la province historique roumaine du Banat, au 18e siècle, a été une action d’envergure, systématique et pensée jusque dans les moindres détails par l’administration autrichienne. Sur la planche à dessin, villages, villes et rues ont été tracés en une parfaite symétrie censée illustrer la culture de l’absolutisme dans l’architecture et l’urbanisme de l’époque.



    Situé à seulement 50 kilomètres de Timişoara, ville de l’ouest de la Roumanie, Charlottenburg est l’unique village rond du pays. Il a été fondé vers 1770, par une trentaine de familles de Souabes, amenés par la deuxième vague de colons originaires de Baden – Wurtemberg, de Lorraine et du Tyrol du sud, pendant le règne de l’impératrice Marie Thérèse. Les historiens affirment que ces familles portaient dans leurs bagages les plans du futur village rond.



    «Au milieu du village il y a une fontaine couverte, dont l’eau est très bonne. Derrière les mûriers qui l’entourent on aperçoit les maisons. Dans les cours, on voit des granges et des étables, des jardins avec des vignes. Construites à l’identique, les maisons ont la même hauteur et sont disposées à égale distance l’une de l’autre. Une symétrie sans faille. Il en va de même pour les quatre entrées du village ». C’est ce que Johann Kaspar Steube notait, le 5 mars 1779, dans son volume «Lettres du Banat», à propos du village de Charlottenburg.



    L’histoire de ce village ne diffère pas trop de celle de la contrée. Au gré des occupations étrangères, le village a eu des propriétaires hongrois ou autrichiens jusqu’en 1921, lorsque la réforme agraire a remis les paysans en possession des terres. Au début du 20e siècle, un parc de chasse allait être créé à proximité du village. Il fut peuplé de daims amenés de Serbie et de cerfs des Carpates originaires de Bohème. Des parties de chasse y ont été organisées d’abord par le fondateur du parc, le comte Siegfried von Wimpffen, ensuite par la Cour Royale de Roumanie. Plus tard, après la guerre, on y voyait les soldats russes chasser à la mitrailleuse. Puis, ce fut le tour des dirigeants communistes et enfin des chasseurs amateurs venus d’Europe. Le parc et ses environs sont riches en gibier à poil et à plumes: sangliers, chevreuil, renards, loups, lièvres, outardes et cailles.



    La communauté de Charlottenburg demeura relativement fermée jusqu’au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans laquelle bien des hommes avaient trouvé la mort. Pire encore, en 1945, 43 des hommes du village ont été condamnés aux travaux forcés et déportés en URSS. Charlottenburg a également subi la collectivisation. Les terres ont été nationalisées et les paysans – obligés de travailler dans les coopératives agricoles de production. Erhard Berwanger, un des villageois de Charlottenburg, a créé un site Internet qu’il a nommé sarlota.de . Il y évoque l’atmosphère des années 60: «Ruga, la prière, était la principale fête que l’on célébrait dans le village à la fin octobre. La famille se réunissait autour de la table. On mangeait du coq rôti avec de la sauce de céleri. Les légumes, on les cultivait, en général, dans notre propre potager. Il ne faut surtout pas croire que l’on menait une vie idyllique. C’était tout le contraire. Les paysans travaillaient dur dans la semaine. Leurs seuls moments de répit étaient les dimanches et les jours de fête. Je me souviens avec plaisir des tilleuls et des acacias fleuris qui embaumaient l’air et puis de l’odeur du foin fraîchement fauché. A la tombée de la nuit, on entendait les mugissements des cerfs du parc de chasse. Plus tard, en automne, les sangliers investissaient les potagers et faisaient de gros dégâts. Pour les tenir à l’écart des cultures, les villageois faisaient exploser avec un bruit infernal du carbure de calcium. Là, dans les champs, devant un taudis construit en paille on se réunissait autour du feu. Des fois, mon oncle Philipp nous racontait sa vie d’antan, sa déportation en Russie, son périple de près de deux ans en Allemagne et le voyage de retour à Charlottenburg ».



    Aujourd’hui il ne reste plus qu’un seul Souabe dans le village de Charlottenburg. Nous avons demandé à Mircea Sârbu, secrétaire de la commune de Bogda, ce qu’était devenue la communauté souabe du village rond : «Après 1990, on ne dénombrait que 5 ou 6 familles ethniques allemandes. De nos jours, il n’y a plus qu’un seul villageois de souche allemande à y vivre. S’il n’est pas parti lui aussi pour l’Allemagne, c’est qu’il se considérait trop âgé pour le faire. Des habitants de Timisoara, dont surtout des intellectuels et des artistes, ont acheté les maisons des Souabes et les ont aménagées en pied – à — terre. Des gîtes ruraux, il n’y en a qu’à Altringen, le village avoisinant, facile d’accès par les routes goudronnées ».



    Charlottenburg, unique village roumain ayant la forme d’un cercle, a été classé monument historique par le ministère de la Culture et des Cultes, a-t-on appris par Mircea Sârbu : «Aux termes de la loi, les localités ont un statut particulier. Cela suppose que toute activité économique, toute construction doit recevoir l’aval du ministère de la Culture. Puisqu’il est unique en Roumanie, les pouvoirs locaux ont essayé de le protéger tel quel, de lui épargner tout changement d’aspect. Voilà pourquoi nous avons attiré l’attention que le permis de construire sera accordé par les seuls spécialistes et que les nouvelles constructions devront respecter strictement l’architecture spécifique des lieux».



    Rond comme il est, le village ressemble à une pomme. Situées au centre, l’église et l’école sont les pépins symboliques d’une communauté dont le seul souvenir est le cercle presque parfait que décrivent les maisons. Les 199 habitats permanents de Charlottenburg essaient d’en garder l’âme vive. Si vous souhaitez vous y rendre, sachez qu’il y a une petite gare à 2 kilomètres de là et que la téléphonie mobile couvre la localité. Enfin, Charlottenburg n’est pas un village touristique, mais on estime à 20 mille euros les coûts de construction d’une maison, à condition, bien sûr, de recevoir l’approbation de la mairie. (trad. Mariana Tudose)

  • E-Theatrum

    E-Theatrum

    Catalina Biholar est une jeune journaliste de Suceava, qui a trouvé une alternative au fait d’aller au théâtre. C’est aux côtés d’une équipe de professionnels du son et de l’image que la jeune journaliste filme des pièces de théâtre inaccessibles pour différentes raisons aux passionnés de théâtre. Certes, les Roumains de la diaspora comptent parmi les principaux bénéficiaires. Catalina Biholar raconte l’histoire de e-theatrum : «L’idée m’est venue lorsque je me trouvais en voiture, avec mon ami, Cezar Paun. Je rentrais du théâtre de Botosani et je me dirigeais vers Suceava, une ville qui n’a pas de théâtre. On s’est dit d’amener la culture plus près des gens qui n’ont pas accès à l’infrastructure que présuppose une telle forme de culture. Et ce parce que la ville de Suceava ne dispose même pas d’une salle de théâtre, mais seulement d’un foyer culturel. Et on est arrivé à la conclusion qu’il serait plus facile d’avoir recours à Internet, grâce auquel les Roumains de l’étranger, soit une partie importante de notre public, pourraient en bénéficier aussi. On filme notamment les spectacles des théâtres nationaux du pays mais aussi ceux des troupes de comédiens débutants ou indépendantes. Dans la plupart des cas, on filme avec le public dans la salle. On utilise 5 caméras haute fidélité et puis on passe au montage ; on filme aussi dans les coulisses, où le public n’a pas accès, on fait des interviews avec les comédiens, les metteurs en scène ainsi qu’un teaser qui permette au public de choisir le spectacle. Enfin, on poste le film sur Internet. »



    Les pièces de théâtre peuvent être regardées aussi sur les Iphones ou smartphones avec connexion Internet, ainsi que sur les tablettes ou les ordinateurs portables. Toutefois, si on regarde les spectacles sur un ordinateur portable, il serait préférable de le brancher à la télé par HDMI, afin d’obtenir une image plus grande. Combien coûte un billet à une telle représentation? Catalina Biholar répond : «A présent, les abonnements ne sont pas fonctionnels ; ils le seront bientôt. Pour l’instant, si on veut regarder un spectacle sur le site e-theatrum.com, on utilise le système pay per view, ce qui veut dire que l’on paye pour une diffusion et le spectacle peut être regardé à chaque fois que l’on souhaite. Le prix d’un billet au e-theatrum équivaut à celui des billets meilleur marché des théâtres classiques, soit 3 dollars et 99 centimes, l’équivalent de 14 lei. Les théâtres reçoivent une partie des recettes, aux termes d’un contrat passé avec eux. Pratiquement, on est une sorte d’agence qui vend des billets à leurs spectacles. »



    4 spectacles sont actuellement disponibles sur le site e-theatrum.ro mais l’équipe s’est proposé de télécharger vers l’amont un par semaine : « Une demande en mariage de Tchékhov est le spectacle le plus prisé par le public — c’est une comédie filmée au théâtre de Botosani ; c’est d’ailleurs le premier spectacle enregistré par nous. S’y ajoute un autre, toujours de Tchékhov, « l’Ours », ainsi qu’une adaptation très intéressante d’après Schiller, « Marie Stuart » qui a un décor tout à fait inédit, avec des escaliers et des lumières, et très peu de personnages. C’est une très bonne adaptation qui dure deux heures. Une autre pièce à retrouver sur notre site est celle d’un groupe de jeunes acteurs débutants de Suceava, une petite comédie printanière. On l’a choisie afin de montrer à d’autres débutants que e-theatrum peut être un tremplin de lancement pour eux aussi ».



    Nous avons demandé à Cătălina Biholar comment les directeurs de théâtre les avaient accueillis, s’ils n’avaient pas craint de perdre leur public, séduit par la perspective de rester à la maison confortablement calé dans son fauteuil : « Certains n’ont pas compris combien grande est cette opportunité. Cette formule offre une très grande visibilité. Cela me rappelle qu’il y a quelques années, lorsqu’on a diffusé à la télé une pièce à l’affiche sur Broadway, les gens se sont rendus dans la salle de théâtre pour la voir de près. Les habitants de Bacau continuent d’aller au théâtre pour se régaler de la pièce Marie Stuart, mais pour ceux qui habitent ailleurs, dans le pays, comme à l’étranger, le fait d’avoir accès à ce spectacle sur Internet est vraiment une grande chance. »



    Le projet a démarré en province, mais il va bientôt investir les théâtres de la capitale et d’autres grandes villes du pays, réputées pour la qualité de leurs représentations : « Nous allons progressivement inclure des spectacles montés à Bucarest. Nous envisageons de mettre sur la toile deux spectacles du dramaturge Matei Vişniec, avec qui nous collaborons dans le cadre de ce projet. Ce sont deux pièces inédites, dont l’une s’appelle Uşa, la Porte. L’autre, ce sera quelque chose de vraiment unique pour la Roumanie. Nous entamons l’année 2014 avec deux nouveaux spectacles de Matei Vişniec, avec une approche tout à fait inédite. Nous avons également pensé aux enfants et aux parents. Voilà pourquoi le prochain spectacle que nous filmons est celui de Braşov. Un spectacle pour enfants, du théâtre de marionnettes, pour que les parents puissent aller ailleurs, éventuellement dans une salle de spectacle. Nous espérons que chacun des spectacles montés par les grands théâtres du pays arriveront sur e-theatrum, qu’il s’agisse de pièces mises en scène par Alexandru Dabija à Piatra Neamţ ou écrites par Matei Vişniec. Nous attendons aussi les suggestions du public roumain ou étranger relatives aux spectacles qu’il souhaiterait voir. Je ne sais pas si quelqu’un ose penser à la pièce Faust qui se joue à Sibiu, mais on va voir… »



    Si ça vous dit d’aller à la découverte de la dramaturgie roumaine, vous n’avez qu’à consulter le site e-theatrum.ro… (trad.: Mariana Tudose, Alexandra Pop)

  • Panic room en Roumanie

    Panic room en Roumanie

    Vous êtes donc attendus, par groupes de deux à cinq joueurs, pour mettre votre perspicacité à l’épreuve, en cherchant des indices pour résoudre un mystère : comment sortir d’une panic room – pièce de la peur. Bien que de tels jeux existent à l’étranger, en Roumanie, le concept n’a qu’un an. Balogh Tibor, administrateur de la salle de jeux Panic Room de Roumanie, nous a confié comment l’idée lui était venue : « L’idée a pris contour dans ma tête lorsque je suis allé jouer un jeu quasiment identique en Hongrie, mais qui avait un thème tout à fait différent et se jouait d’une autre manière, aussi, puisque c’était une maison de l’horreur. Il y avait des pièces dans lesquelles il fallait courir, dépasser certains acteurs, afin de pouvoir s’évader de cette maison qui comptait environ dix pièces. Et j’avais encore entendu une idée similaire à Singapour, où il y avait un entrepôt immense où des personnes étaient enfermées, par dizaines ou par centaines, et ces gens devaient s’évader de l’entrepôt, une très grande salle qui comportait beaucoup d’indices cachés. En me fondant sur ces deux idées, j’ai commencé à créer les jeux Panic Room, dont l’horreur n’est pas totalement exclue, et qui comporte aussi le thème de l’évasion, il faut chercher des indices secrets et tout mettre bout à bout. »



    Pour le moment, Panic Room, c’est une simple chambre, mais le jeu changera bientôt et il y aura plusieurs pièces par lesquelles les joueurs devront passer pour pouvoir s’évader. Il y aura trois ou quatre pièces, assure notre interlocuteur: « Ce sont des choses assez étranges, mais tout semble normal. Un tableau avec une Joconde assez étrange se cache dans la chambre, et du reste, il y a des choses qui peuvent sembler normales, mais qui pourraient avoir besoin d’une perception complètement différente par rapport à ce qu’elles expriment. Les pièces de mobilier font partie du jeu. Elles pourraient avoir certaines fonctionnalités ou des tiroirs cachés, qui pourraient jouer un rôle dans le jeu. 2 à 5 personnes peuvent participer à ces jeux, et disposent d’une heure pour chercher les indices, les secrets et s’évader. Au moins deux personnes doivent jouer à la fois. Il se pourrait qu’il y ait des situations où l’une fasse une chose et l’autre, quelque chose de différent, afin d’arriver à révéler le secret ou d’aboutir à un indice. »



    Pour la sécurité des joueurs, ces jeux sont surveillés à tout moment par des caméras à infrarouge, parce qu’il fait souvent sombre dans la pièce. Un autre cas de figure, c’est que les joueurs n’arrivent pas à s’évader, la plupart des fois à cause du manque de communication entre eux, les jeux Panic Room étant conçus pour travailler en équipe. Balogh Tibor explique : « Cela dépend un peu du nombre de joueurs. D’habitude, s’il y a deux personnes, ce qui arrive, c’est que nous appelons panic dating — la rencontre de la peur ; les joueurs arrivent même à être plus proches, une meilleure communication se fait jour entre eux, mais cela est parfois possible même à plusieurs joueurs. L’idée, c’est que l’ensemble du groupe doit fonctionner comme si c’était un duo. Nous avons remarqué une différence intéressante : les adolescents de 15-16 ans ne vont pas sur-analyser les choses, alors que les adultes réfléchissent trop. »



    Souvent, s’ils n’ont pas réussi à s’évader d’emblée ou si c’était trop difficile, les joueurs reviennent une deuxième fois, et alors ils y arrivent beaucoup plus vite. Mais à qui s’adressent ces jeux ? Balogh Tibor : « Nous nous ciblons sur les gens ouverts d’esprit et désireux d’essayer quelque chose de nouveau et d’exclusif, de vivre une expérience unique ; l’âge ne compte donc pas, mais les gens qui ont participé jusqu’ici sont intéressés par le développement personnel, parce que c’est de quoi il est question dans ce jeu, si on réussit à s’évader. Les gens devraient partir de l’idée qu’ils vont être complètement déconnectés de la réalité pendant une heure, qu’ils vont s’amuser, vivre quelque chose de nouveau, et peut-être même apprendre quelque chose de nouveau. Nous estimons que si quelqu’un arrive à faire quelque chose de manière non conventionnelle, de nouvelles synapses se développent qui vous aideront non seulement dans la chambre de la peur, mais aussi dans la vie. Ces jeux sont certainement une nouveauté, une expérience unique, à essayer à un moment donné, dans la vie ».



    Répondez à ce défi et essayez-vous à la Panic Room. Vous découvrirez des aspects insoupçonnés de votre personnalité et vous saurez si votre communication avec les proches est bonne ou pas. En plus, vous aurez une heure d’évasion garantie, ne serait-ce que de la réalité quotidienne. (trad. Ligia Mihaescu)

  • La Tribu

    La Tribu

    A ses 23 ans, Ariel Constantinof est peut-être le chef de tribu le plus jeune et certainement un des plus actifs quand il s’agit de se battre pour défendre les droits de sa communauté. Une communauté de plus en plus nombreuse, puissante et présente dans le paysage urbain de la Roumanie actuelle : celle des cyclistes. Connu dans un premier temps grâce à son blog et aux marches et événements organisés à l’intention des passionnés de vélo, Ariel Constantinof a décidé il y a deux ans d’ouvrir sa propre boîte de coursiers, selon une idée empruntée à l’Occident. C’est comme cela qu’a pris naissance sa Tribu: « Bien qu’on ne soit pas les seuls à pédaler, nos services diffèrent beaucoup des ceux existants déjà sur le marché, grâce à notre façon de travailler et de nous organiser. Nous, on ne fait que des livraisons directes. Au moment où un client nous appelle, on s’engage à récupérer le colis à domicile et à le livrer dans un délai de deux à trois heures tout au plus. Notre tarif est unique quelle que soit la distance, la météo ou le poids du colis. On perçoit donc un tarif unique de 18 lei (l’équivalent de près de 4 euros) soit la moitié du prix pratiqué sur le marché ».



    Pourtant, ce n’est pas seulement le tarif attractif qui pousse les Bucarestois à recourir aux coursiers de Tribul, mais aussi le fait que cette petite boîte se veut avant tout une affaire sociale. Placée sous l’ombrelle de l’ONG écologique MaiMultVerde, cette communauté dirige 10% de son profit vers des projets sociaux privilégiant, bien sûr, la réintégration du vélo au sein de la société roumaine. Du coup, on ne saurait être surpris de constater que la plupart des clients de Tribul sont eux-aussi des fans du vélo. Ariel Constantinof : « Je crois que la plupart de nos clients nous choisissent moins pour le service offert que pour la cause embrassée. On vit à une époque où le vélo est considéré très cool et si en plus, les clients apprennent que 10% de notre profit sera investi dans des projets sociaux, ils finissent alors par se faire une fierté de travailler avec nous. Je pense que c’est le mérite du vélo plutôt que notre mérite personnel ».



    Bien que les Bucarestois saluent leur optimisme et leur sourire qu’il pleuve ou qu’il vente, on ne saurait pourtant ignorer le fait que le succès de la Tribu découle aussi de la dynamique ascendante que connaît le vélo à l’heure actuelle. Rien qu’en 2012, les Roumains ont acheté 380.000 bicyclettes, un nombre cinq fois plus grand que celui des automobiles vendues, ce qui a déterminé le Daily Mail, cité par la presse locale, à s’exclamer « les Roumains sont devenus les plus grands amateurs de vélos d’Europe ». Une affirmation d’autant plus surprenante pour un pays qui dans les années ’90 voyait le vélo d’un mauvais œil, comme l’affirme Alex Dinu, surnommé le Jeune. Avec Mosul (le Vieux), il fait partie des anciens de la tribu, puisqu’ils dépassent déjà la quarantaine : « Dans ma jeunesse, le cycliste était complètement marginalisé. On le prenait pour un pauvre puisqu’il n’avait pas de voiture. Je suis content que de nos jours toutes ces choses aient finalement changé ».



    Loin de s’associer toujours à la précarité, le vélo peut facilement arrondir les fins du mois. Les membres de la Tribu touchent une commission de 40% pour chaque livraison dont le nombre dépend exclusivement de la volonté du coursier. Plus ils souhaitent pédaler, plus ils gagnent de l’argent. Mais surtout, pour ces forçats du bitume, c’est la liberté du mouvement qui compte avant tout. Alex Dinu : « Pour moi, c’est un rêve accompli de pouvoir faire dans la vie ce que j’aime faire le plus. J’aime bien être coursier, j’aime bien travailler au sein d’un groupe d’amis. Car, avouons-le, se rendre chaque jour au boulot par simple obligation de gagner sa vie ce n’est pas la même chose que s’y rendre par pur plaisir comme si l’on partait en vacances. C’est-à- dire, totalement relax ! »



    Qui sont donc ceux qui ont choisi de faire partie de cette Tribu qui livre chaque jour sa propre bataille pour réintégrer en toute sécurité le vélo dans les rues bondées de la capitale roumaine ? « Nous sommes une poignée d’individus passionnés de vélo et qui souhaitent faire des choses importantes pour la communauté » affirme Ariel Constantinof sur le site de son organisation et ajoute au micro : « Je compte beaucoup sur le fait que nous sommes parmi les coursiers les plus gentils et les plus souriants de Bucarest, parce que nous sommes carrément amoureux de ce qu’on fait, c’est-à-dire pédaler toute la journée, même sous la pluie. A ce moment – là, le client sera face à face avec un coursier mouillé, mais qui continuera à sourire. Je n’ai pas dispensé des cours spéciaux pour leur apprendre cette attitude. Mes coursiers sont tous comme ça, c’est justement ce type d’individu que j’aime bien avoir dans ma tribu ».



    Une attitude qui attire les clients comme un aimant et qui les encouragent à chercher leurs services parfois pour les livraisons des plus bizarres. Alex Dinu : « J’ai livré de tout : briques, luges, bouquets de fleurs. Un jour, un client m’a appelé pour me demander de lui apporter au boulot le sandwich oublié à la maison ».



    A force de pédaler, la Tribu d’Ariel Constantinof lutte chaque jour contre la pollution. La preuve ? Elle recense, chaque jour, sur son site, la quantité de CO2 évitée. En deux ans, près de 6000 tonnes. En plus, avec un nombre de livraisons et de clients à la hausse, la Tribu est justement une affaire dont on peut dire sans modestie : « ça roule à merveille ! ».

  • Plus Roumains que les Roumains?

    Plus Roumains que les Roumains?

    Un grand nombre d’étrangers vivent actuellement en Roumanie — des hommes d’affaires, pour la plupart, mais aussi des professeurs, des jeunes qui viennent y faire leurs études ou des représentants de différentes ONGs. Des fois, à la fin de leur mandat à la tête d’une multinationale ou leurs études terminées, ils décident de s’établir en Roumanie. Certains d’entre eux figurent dans le livre «Plus Roumains que les Roumains? Pourquoi les étrangers tombent amoureux de la Roumanie », publié cette année sous la coordination de Sandra Pralong — politologue et activiste civique très connue. Dans son livre, elle invite 45 étrangers – plus ou moins connus du public roumain — à raconter comment ils sont arrivés en Roumanie et pourquoi ils s’y sont établis.



    Le fondateur du SMUR roumain, Raed Arafat, Peter Hurley, un Irlandais amoureux du Maramureş et Leslie Hawke, arrivée comme bénévole de l’organisation américaine Peace Corps in Romania figurent, entre autres, parmi les héros de ce livre pas comme les autres.



    Comment l’idée d’un tel recueil de témoignages est-elle née ? Sandra Pralong affirme avoir souhaité continuer en quelque sorte son livre « Pourquoi je suis revenue en Roumanie » publié en 2010. 40 personnalités — ayant choisi l’exil pendant les années du communisme ou fait une carrière à l’étranger — y racontent pourquoi ils ont choisi de rentrer dans leur pays d’origine.



    De l’avis de l’auteure, de telles initiatives nous aideraient à voir ce que la Roumanie et les Roumains ont de meilleur : « Ce sont des gens qui ont choisi la Roumanie. Et puisqu’ils l’ont choisie, ça veut dire qu’ils l’aiment — pour le meilleur et pour le pire. L’idée m’a plu de mettre ainsi un miroir devant nous, pour nous y regarder et nous y voir plus beaux et plus véridiques que nous ne nous voyons tous les jours dans l’espace public. »



    La plupart de ceux qui racontent leur expérience dans ce livre proviennent d’Europe – Royaume Uni, Italie, France, Suisse, Pays-Bas, Allemagne, Belgique, Grèce ou Russie — mais aussi d’Amérique du Nord, d’Asie, d’Afrique ou d’Australie. Le choix des invités a été purement subjectif – explique Sandra Pralong: « J’ai commencé par ceux que je connaissais et je les ai priés de me recommander, chacun, 2 ou 3 autres personnes. A un moment donné, j’ai voulu voir s’il y avait un équilibre entre les nationalités. Eh bien, il est arrivé, tout naturellement, qu’ils soient assez différents les uns des autres pour constituer un échantillon représentatif : 18 nationalités de 5 continents, hommes et femmes. »



    Qu’est-ce qu’ils apprécient, chez les Roumains ? Leur générosité, leur hospitalité, le monde des villages ou les traditions… Evidemment, les critiques ne manquent pas, mais elles sont constructives. Ils parlent, par exemple, entre autres, de la crainte des Roumains d’assumer la responsabilité professionnelle à tous les niveaux.



    Un des 45 amoureux de la Roumanie est Roberto Musneci, vice-président de la Chambre de commerce italienne pour la Roumanie et vice-président fondateur de l’Institut Aspen de Bucarest. En 2002, il était transféré de Londres à Bucarest, à la tête d’une multinationale importante. Au bout de plusieurs années passées ici, on lui a proposé un poste dans un autre pays ; il l’a refusé, préférant rester à Bucarest et créer sa propre entreprise. Pourquoi est-il resté ? Roberto Musneci avoue ne pas avoir encore trouvé la réponse exacte. « Je pense que les éléments qui y ont contribué sont d’ordre plutôt instinctuel que rationnel. Un élément essentiel a été le fait qu’à l’époque — soit dans les années 2006, 2007, 2008 — en Roumanie les choses bougeaient: la vie sociale, le monde des affaires… Le sentiment que ça bouge a été pour moi comme un aimant — et je n’étais pas le seul à ressentir sa forte attraction. Ensuite il y a eu, bien sûr, des opportunités professionnelles très intéressantes. En tant qu’Italien, une certaine affinité avec la manière de penser des Roumains a également joué un rôle important. »



    Entre les expériences des personnages bien réels du livre « Plus Roumains que les Roumains? Pourquoi les étrangers tombent amoureux de la Roumanie » et son auteure, Sandra Pralong il existe de nombreuses similitudes. La vie de la coordinatrice de ce volume est une histoire à succès — l’exemple d’une Roumaine qui a réussi à faire une belle carrière à l’étranger et qui a décidé de revenir en Roumanie pour aider à reconstruire la société roumaine après le demi-siècle de communisme. Son nom est lié à toute une série d’initiatives civiques et éducatives très connues dans ce pays : « D’une part, je suis Roumaine à 110%, de l’autre, ayant vécu si longtemps à l’étranger, j’ai eu l’occasion d’acquérir d’autres réactions. Je me suis reconnue le mieux dans le « cri » de certains des protagonistes de ce livre quant au besoin de respecter le pays. Je pense que c’est la chose la plus douloureuse pour moi. Quand j’entends quelqu’un dénigrer la Roumanie, c’est comme si c’était moi-même que l’on dénigrait. »



    Et puisque beaucoup d’étrangers, dont l’architecte français Paul Gottereau ou le sculpteur allemand Martin Stöhr ont eu une précieuse contribution à la modernisation de la Roumanie sous le règne de Carol Ier, dans le livre dont nous avons parlé on découvre aussi de brefs portraits d’Européens ayant aidé le souverain à transformer le pays. Ces portraits sont esquissés par Sandra Gătejeanu-Gheorghe, chef du Protocole à la Maison royale roumaine. (Trad. : Dominique)

  • Le premier musée de Street Art de Roumanie

    Le premier musée de Street Art de Roumanie

    En novembre dernier, dans le vieux Bucarest, centre de la capitale roumaine, plus précisément à l’adresse 4, Rue Şelari, était inauguré le centre culturel Pop-Up Urban Lifestyle. C’est là que l’on a ouvert le premier musée de Street Art de Roumanie, sur l’initiative de Claudio Scorretti, attaché culturel à l’ambassade d’Italie à Bucarest et fervent admirateur de l’art roumain.



    Nous lui avons demandé comment était née l’idée d’organiser un musée pour abriter les oeuvres des artistes qui préfèrent exhiber leur art sur les murs de la ville plutôt que sur les cimaises des galeries spécialisées : « Cela fait une trentaine d’années que je suis l’évolution du phénomène street art. Je l’ai vu d’abord à New York, où j’ai habité, ensuite à Rome, ma ville natale, à Paris, Bruxelles et Londres. Je me trouve à Bucarest depuis quatre ans déjà et je m’occupe aussi de l’art. J’ai pensé que ces couleurs recouvrant les murs pouvaient changer le visage de la ville, qui, d’un point de vue architectural, garde encore les traces de la période communiste ».



    10 des artistes les plus connus du moment, graffeurs ou créateurs de street art, exposent leurs ouvrages dans le musée de la rue Selari. Alexandru Ciubotariu, mieux connu sous le pseudonyme Pisica Pătrată, Le Chat carré, affirme que l’endroit occupé désormais par ce musée est très provocateur : « Ce terrain était convoité par de nombreux artistes qui créent dans cette zone du graffiti. C’est un espace très large, aux longues surfaces grises et rugueuses. C’est vrai que la météo n’est pas toujours favorable. En plus, pour dessiner sur les murs on a besoin de charpentes et de sommes d’argent considérables pour s’acheter les peintures et autres matériels nécessaires. Voilà pourquoi on a eu recours à des panneaux qui ont servi de support aux ouvrages de plusieurs artistes. C’est du street art organisé. »



    Ceux qui ont choisi d’exprimer leurs émotions à travers le graffiti prennent des risques insoupçonnables, affirme Alex Ciubotariu. A l’époque communiste et même au lendemain des événements de 1990, personne n’aurait osé couvrir de dessins les murs extérieurs des immeubles. 16 années ont dû s’écouler jusqu’à ce que le premier mur de la capitale, celui de l’Institut français de Bucarest, puisse être utilisé comme support pour des graffiti. Cela se passait lors des manifestations consacrées au 70e anniversaire de cette institution. Même s’il était très beau, ce graffiti n’a pas plu à tout le monde, se souvient Alex Ciubotariu. On a donc vite fait de le couvrir : « Les réactions ont été très dures, mais ce tollé nous a profité. Il y a eu d’autres tentatives aussi de faire rentrer dans la légalité cet art et de faire connaître ces artistes dont les oeuvres sont à tort considérées comme des griffonnements. Or, la ville de Bucarest a besoin de ce genre d’artistes. La question qui se pose est de savoir si le street art évolue sous sa forme la plus sincère et la plus correcte. En fin de compte, c’est une intervention illégale. La motivation doit être incitante pour qu’elle vous pousse à sortir en plein nuit, histoire de réaliser ces dessins dans l’espace public qui vont susciter critiques et louanges. La sincérité de cet art consiste en la décision de l’artiste d’intervenir en laissant de côté l’idée du gain, de la célébrité ou de je ne sais quel autre bénéfice, car bien des fois il se cache derrière un pseudonyme. Je trouve nécessaire cet art. Avec mon personnage, le Chat Carré, je n’ai rien fait d’autre qu’intervenir dans certaines zones de la capitale afin de les mettre en valeur. Une tache de couleur et un peu de forme, cela fait du bien à certains endroits à l’air abandonné ».



    Revenons-en rue Selari. Claudio Scorretti se réjouit de l’accueil que le public réserve aux ouvrages qui s’étalent dans le vieux centre historique de Bucarest : « Les gens adorent se prendre en photo devant les panneaux du musée de Street art. C’est peut-être cet aspect précis qui attire le plus le public, car dans un musée ordinaire il est interdit de se faire photographier devant un tableau. Autant dire que c’est une manière très amusante d’entrer en contact avec l’art ».



    Selon Alex Ciubotariu, c’est à la Gare du Nord que l’on peut admirer le plus beau graffiti de Bucarest : « Il se trouve sur un mur du quai 14 de la gare . Ce graffiti réalisé pour le festival Train Delivery est très visible et très beau. Il me plaît beaucoup ».



    Si vous êtes de passage à Bucarest ou si vous y arrivez par le train ne manquez pas de vous rendre à la Gare du nord, quai numéro 14 et puis rue Selari, au musée de Street Art. Vous pourrez même acheter des ouvrages dans le mini-centre commercial aménagé dans plusieurs conteneurs. (trad. : Mariana Tudose)

  • Des monoplaces Formule 1 – réalisées à Cluj

    Des monoplaces Formule 1 – réalisées à Cluj

    Plusieurs dizaines de professeurs et d’étudiants, du département d’ingénierie de la fabrication de l’Université technique de Cluj-Napoca, ont travaillé 5 mois durant à la création d’une monoplace Formule 1, commandée par une compagnie allemande. C’est grâce au chercheur Paul Bere de l’Université susmentionnée que le projet est arrivé à Cluj. Docteur en matériaux composites, Paul Bere travaille depuis l’an 2000 dans le domaine des sports automobiles. Tout d’abord en Formule 3, puis en Formule 2 — les courses du Mans, et finalement en Formule 1. Il a aussi fait un stage en Allemagne, dans le cadre d’une bourse post-doctorale. Paul a commencé par réparer de petites pièces détachées et réaliser des éléments simples, nécessaires à la construction des monoplaces de Formule 1. Au bout d’un certain temps, il est parvenu à convaincre une compagnie allemande du domaine à commander une monoplace à l’Université technique de Cluj Napoca. Le véhicule, fabriqué en matériaux composites, a une puissance de 650 chevaux et coûte près de 5 millions d’euros. Comment la collaboration avec la compagnie allemande se déroule-t-elle ?



    Paul Bere répond : « A présent, il s’agit de beaucoup de travail et de passion pour résoudre les problèmes technologiques. J’y suis habitué. Dans une première étape, au moment où j’ai commencé le projet, j’étais très enthousiaste, je prenais tout le temps des photos. Maintenant c’est de la routine. L’effort est immense, on ne se permet pas de faire des erreurs ».



    14 monoplaces ont été réalisées à l’Université technique de Cluj, dont la dernière en date a été envoyé en Allemagne, en avril dernier. C’est là qu’elle fut équipée d’un moteur, d’une installation électrique et de freins. La raison pour laquelle on connaît peu de choses sur les monoplaces de Cluj, c’est la confidentialité du travail, explique Paul Bere : « Des idées issues de la voiture réalisée à Cluj ont déjà été reprises par d’autres équipes. Il suffit de voir une photo pour que quelqu’un prenne les devants. »


    Les Allemands ont choisi de fabriquer les monoplaces à Cluj, en raison des équipements de dernière génération qui s’y trouvent et qui permettent une fabrication rapide des pièces très compliquées. Paul Bere: « Tous ceux qui commandent des pièces en matériaux composites veulent obtenir les repères très vite. Il s’agit d’habitude de personnes très aisées et très impatientes, prêtes à payer quoi que ce soit pour un résultat rapide et concret. Bien que cela ne soit pas possible, nos recherches nous permettent pourtant d’avancer à grands pas vers des technologies modernes, de prototypage rapide censé diminuer le délai de fabrication des repères. On se sert d’un logiciel de dessein AutoCad ou Katia pour obtenir des esquisses à base desquelles les outillages fabriqueront rapidement des pièces solides. Le repère physique est obtenu par une procédure similaire à celle d’une imprimante 3d: les matériaux plastiques ou le métal sont appliqués par couches successives, jusqu’à l’obtention de la pièce solide. En fait plusieurs technologies sont à mettre en place avant de vérifier les repères en matériaux polycomposites, respectivement renforcés de fibres de carbone ou de kevlar ou d’autres fibres de dernière génération. »



    La réalisation des monoplaces de Formule 1 a été une occasion extraordinaire pour les chercheurs et étudiants roumains d’étudier l’utilisation des matériaux composites, voire de breveter quelques inventions. Paul Bere affirme que les matériaux composites peuvent être utilisés dans des domaines très importants : « Les matériaux composites, on peut les utiliser partout : dans le bâtiment par exemple, les objets sanitaires qui étaient en fonte jusqu’il y a quelques dizaines d’années ; à présent les matériaux métalliques se voient petit à petit remplacer par les composites dans tous les domaines : dans l’aérospatial ou dans la F1 ou la médecine. A l’heure actuelle, il m’est très facile de parler de la formule 1. J’ai vu très bien à quoi rime tout cela et le travail dans ce domaine est énorme. Pourtant, je pense qu’on devrait faire des progrès plus importants dans des domaines tels la médecine, puisque la souffrance humaine est prioritaire. C’est vers la médecine que seront ciblés tous nos efforts. On envisage de faire des pas importants dans cette direction, peut-être pas si spectaculaires que la réalisation d’une monoplace, mais une prothèse pour un enfant est toujours plus importante qu’un jouet offert à des gens aisés. »



    Ces dernier temps, de plus en plus de chercheurs roumains se trouvent sous le feu des projecteurs. Leur discours de révolte contre les conditions dures de travail est en train de changer. Très appréciés à l’étranger, ils réussissent à attirer du financement pour mettre en place des projets dans les Universités roumaines. Paul Bere : « Le principe qui me guide est le suivant : si l’on veut obtenir quelque chose, il faut faire des petits pas, chaque jour. Les résultats qui s’engrangent jettent les bases d’un développement harmonieux. Puisque bien des chercheurs roumains sont habitués à vivre et à évoluer dans des conditions d’austérité, ils parviennent à résoudre les problèmes tout seuls et avec un minimum de moyens. A mon avis, cette débrouillardise est une des raisons pour lesquelles ils sont fort appréciés à l’étranger.» (trad. : Alexandra Pop, Ioana Stancescu)



  • Le sang artificiel – la découverte du siècle

    Le sang artificiel – la découverte du siècle


    Qu’est-ce que le sang artificiel? Le chef de l’équipe de chercheurs, Radu Silaghi-Dumitrescu, qui travaille sur ce projet depuis 2007, l’explique pour RRI. « C’est un liquide qui peut être utilisé quand le patient a perdu brusquement une quantité importante de sang. Lors des accidents ou dans les salles d’opération, les médecins utilisent à présent soit du sang provenant de donneurs — dont on n’en dispose qu’en très petite quantité — soit des liquides dont l’unique rôle est de maintenir un volume constant dans les vaisseaux sanguins, afin que le cœur ait quoi pomper. Pourtant, dans ce dernier cas, il y a risque d’asphyxie. Ce que nous apportons, nous, c’est la possibilité de l’organisme de s’oxygéner. C’est un produit artificiel qui pourrait être utilisé, faute de sang, pendant un période allant de plusieurs heures à un jour ou deux, pour éviter l’asphyxie, quand on est confronté à une perte soudaine de sang. »



    D’autres équipes de chercheurs tâchent de trouver une solution à ce problème, en utilisant, en tant que matière première, le sang de différents animaux, comme les vaches, par exemple, dont l’organisme est plus proche de l’organisme humain. L’équipe de Cluj a pourtant trouvé, elle, une recette reposant sur une composante présente dans très peu d’organismes : une certaine espèce de vers marins et quelques bactéries. C’est d’ailleurs pourquoi elle n’a pas bénéficié de l’attention des chercheurs. Radu Silaghi-Dumitrescu estime qu’il a eu, en quelque sorte, de la chance d’avoir connu les potentialités de cette protéine. « Cette protéine est connue depuis très longtemps. On savait qu’elle était là, dans les vers marins, dans les bactéries, mais c’est pour la première fois qu’elle est prise en compte comme éventuel substitut du sang humain. La raison pour laquelle nous l’avons choisie, c’est qu’elle est très résistante aux agents chimiques auxquels l’hémoglobine du sang humain succombe facilement.



    Le fait que le sang artificiel pourra être un produit de laboratoire est un avantage important — estime Radu Silaghi-Dumitrescu : «C’est une substance comme toute autre, comme l’aspirine, si vous voulez, ou comme tout autre médicament. C’est pourquoi, en principe, elle peut être produite en quantités illimitées. A la différence du sang provenant de donneurs humains, le sang artificiel peut être aussi « séché », en éliminant l’eau de cette substance, pour obtenir une poudre susceptible d’être gardée à la température ambiante et non pas dans des réfrigérateurs spéciaux. Au besoin, on ajoute de l’eau dans des filtres stériles et, avec un peu d’attention, on aura tout simplement un substitut du sang humain, à tout moment et en toute circonstance. On peut l’utiliser où que l’on soit, on n’a pas besoin de conditions spéciales. »



    L’idée de trouver un substitut du sang humain hante le monde scientifique depuis plusieurs années. Les résultats obtenus par l’équipe de Cluj ont été publiés, pour la plupart, dans les revues spécialisées du domaine bio-médical, ce qui certifie leur validité. Les chercheurs roumains font preuve d’un optimisme prudent. Selon Radu Silaghi-Dumitrescu, il leur faut encore une année ou deux de travail avant de recevoir l’approbation nécessaire pour l’utilisation du sang artificiel chez des patients humains. « Toutes les autres équipes qui ont réussi à atteindre l’étape des essais cliniques effectués sur des sujets humains ont échoué. Plusieurs centaines de millions de dollars ont été investis dans ce genre de recherches. A présent, nous savons quels sont les problèmes à résoudre ; l’intérêt est très grand et la solution très proche. C’est pour nous un privilège de travailler à Cluj en collaboration avec 4 excellentes universités et avec le concours de mes jeunes collaborateurs, docteurs en chimie, doctorants, spécialistes préparant un mastère ou même étudiants. Nous collaborons également avec des groupes de recherche très divers — heureusement pour nous, ces groupes se trouvent à Cluj. Il s’agit de biologistes, de physiciens, d’oncologues, de médecins de spécialités différentes. Le point fort de la ville de Cluj est justement cette concentration de spécialisations très diverses et de bons équipements, ces dernières années. Les laboratoires où nous travaillons sont très compétitifs, ne cédant en rien aux laboratoires les plus modernes des pays développés. Depuis 2007, on a beaucoup investi dans la recherche roumaine, nous disposons des instruments nécessaires et de ressources humaines aussi. Nous devrions peut-être faire encore plus pour améliorer le milieu de la recherche en Roumanie ».



    Nous avons demandé à Radu Silaghi-Dumitrescu comment les médecins avaient accueilli l’idée de disposer, dans un avenir pas très lointain, de cette substance miraculeuse qu’ils pourront utiliser pour les situations d’urgence ou les opérations chirurgicales. « Le milieu médical international est certainement préparé pour cette solution, il a déjà accepté plusieurs séries d’essais cliniques effectués sur des sujets humains, il n’a aucune réticence vis-à-vis de ce concept, pourtant il nous faut des résultats positifs aux essais cliniques. Des recherches ayant coûté des millions de dollars ont échoué, ce qui nous incite à la prudence. Nous ne mettons pas allègrement nos patients entre les mains du premier savant fou qui a peut-être fait une découverte cruciale. Nous devons être prudents, nous ne pouvons pas nous permettre de jouer avec la vie des gens. Nous pensons que pendant encore une année ou deux, nous devons finaliser les essais cliniques sur des animaux et sur des cultures de cellules humaines. C’est seulement après, si les résultats restent bons, que nous pouvons passer à l’étape d’essais effectués sur des sujets humains. »



    L’équipe qui réussira à offrir au monde du sang artificiel pourrait aspirer au prix Nobel. Pourtant, ce ne sont pas les prix qui déterminent les chercheurs de Cluj à continuer assidûment leur travail, mais leur volonté de mener à bien leur projet. (Trad. : Dominique)