Category: La Roumanie chez elle

  • La blouse roumaine

    La blouse roumaine

    Du temps de nos grands et arrière-grands-parents, très peu de gens avaient des passeports. On reconnaissait pourtant facilement leur lieu d’origine à la façon dont ils étaient habillés. Leurs vêtements racontaient pas mal de choses sur eux, sur l’endroit d’où ils arrivaient et sur ce qu’ils étaient, par la coupe et les ornements de leurs blouses ou chemises, par la forme de leur chapeau, de leur fichu ou de leur bonnet.



    Pourtant, qui porte encore des blouses roumaines au 21e siècle? Où retrouver encore les broderies en blanc et noir ou en rouge, les ceintures aux motifs décoratifs géométriques, les étoiles à 5 branches et tous les autres symboles qui ornaient les chemises traditionnelles en lin ou en soie grège?



    On serait peut-être tenté de croire qu’elles ont été oubliées, les belles blouses traditionnelles que les reines et les princesses de Roumanie ou les femmes illustres nées dans ce pays n’ont pas hésité à porter. Eh bien, non. Pas du tout! La blouse roumaine est présente de nos jours sur les podiums des grands défilés de mode d’Yves Saint Laurent ou de Tom Ford et fait le tour du monde, s’étalant sur les beaux corps des top modèles qui se font prendre en photo Avenue de la Victoire à Bucarest. Elle est portée avec nostalgie par les Roumaines qui, en émigrant, n’ont pas oublié de ranger dans leur valise la blouse traditionnelle héritée de leur grand-mère.


    Si la blouse roumaine est de nouveau à la mode, ce n’est pas par hasard — affirme Andreea Tănăsescu, fondatrice d’une communauté virtuelle qui s’appelle justement « La blouse roumaine ».



    Les photos, les documents et les détails postés par Andreea enchantent quotidiennement le regard des près de 17 mille personnes à travers le monde. Comment tout cela a-t-il commencé? Andeea Tănăsescu raconte : «J’avais créé, depuis deux ans déjà, un album sur Facebook réunissant des photos de blouses roumaines imaginées par de grands designers tels Yves Saint Laurent ou Tom Ford. J’avais pensé que peut-être quelqu’un allait les remarquer en Roumanie et créer de telles blouses. La blouse roumaine pouvait regagner ainsi la place qu’elle mérite. Cet album a attiré tellement de monde que j’ai fini par créer une communauté. En toute sincérité, je ne m’attendais pas à un tel succès. J’ai commencé à recevoir des messages, notamment de Roumains vivant à l’étranger, qui ont tout d’un coup retrouvé la joie d’être Roumains, leurs souvenirs d’enfance et tout ce qui est le plus précieux pour quelqu’un qui a quitté le pays.»



    Ensuite, les images ont commencé à arriver d’autres sources aussi. La boîte mail de la communauté accueille quotidiennement des fragments de textes sur le costume traditionnel roumain, des photos de membres de la famille royale portant des costumes traditionnels prises pour des cartes postales, des affiches de différentes expositions et des explications concernant les symboles brodés sur les blouses roumaines.



    Ces images ont touché non seulement des personnes éparpillées à travers le monde, mais aussi des institutions concernées par le sujet, contentes de cette aide qui leur venait de l’extérieur — affirme Andreea : «Nous avons réussi à influencer d’autres communautés et même des musées, car ce que nous postons sur Internet est repris et diffusé par le Musée du village roumain, par le Musée d’histoire, par le Musée d’Art. Nous avons réussi à déterminer des jeunes filles à porter des blouses roumaines. Et, avec le concours d’une jeune équipe ambitieuse, nous avons réalisé un projet dont nous rêvions depuis longtemps: une promenade le long de l’avenue Victoria, à Bucarest, en blouse roumaine.»



    Le 6 avril 2013, Instagram lançait un défi à ses utilisateurs du monde – celui de sortir faire des randonnées et de poster des photos de différentes villes du monde. Andreea Tănăsescu y a immédiatement identifié une opportunité fantastique de mettre la blouse roumaine sur des centaines de milliers d’écrans d’ordinateur. Aux côtés de la Fondation Calea Victoriei – l’Avenue de la Victoire – artère principale de la capitale roumaine, elle a organisé une sorte de défilé de blouses traditionnelles roumaines. Des dizaines de photographes, venus exclusivement pour cet évènement, ont rempli les réseaux de partage avec des photos de super modèles qui portaient cette pièce de vêtement traditionnelle roumaine.



    Andreea Tănăsescu affirme que ce fut une journée extraordinaire : « Nous nous sommes organisés en 4 ou 5 jours et nous nous sommes réunis pour la première fois avec ceux qui aiment faire des sorties photographiques. Ce fut fantastique puisque le temps a été parfait. De nombreux gens qui ont tout simplement passé deux heures comme à l’entre-deux-guerres, quand les Bucarestois sortaient Avenue Victoriei habillés de leurs meilleurs vêtements, y compris en chemises traditionnelles. Et c’est ça le message que nous souhaitions transmettre, modifier l’avenue de la Victoire pour qu’elle ressemble aux photos d’époque. Nous voulons en fait conduire à la Victoire tous les symboles et les histoires de la Roumanie. »



    Une nouvelle randonnée a eu lieu quelques jours plus tard. Et ce n’est pas tout, puisque Andreea Tănăsescu a eu des plans pour le 24 juin et la fête des Sânziene : « Nous avons lancé les démarches pour l’inauguration d’une association censée protéger, mettre en valeur et promouvoir la blouse roumaine. Elle devra promouvoir la fête des Sânziene en tant que journée universelle de la blouse, quand toutes les femmes qui possèdent ce vêtement, qui souhaitent s’en acheter ou qui s’en confectionnent, peuvent le porter, tout comme nos ancêtres. Elles disaient que ce jour-là, les cieux s’ouvrent et nous pouvons communiquer avec l’univers, transmettre nos meilleurs pensées. Cette année, le 24 juin a été marqué d’une manière assez simple. Nous avons porter des blouses roumaines et construire sur Internet une carte du monde sur laquelle nous avons poster des photos avec des Roumaines habillées de cette pièce vestimentaire. Vous allez voir que toute la planète porte la blouse roumaine, parce que je suis sûre qu’il y a des femmes roumaines qui possèdent cet article vestimentaire partout dans le monde. »



    Et c’est pourquoi RRI vous invite à porter une blouse roumaine. Nous attendons avec impatience vos photos. (trad. : Alex Diaconescu, Dominique)

  • Caprices gastronomiques français à Cluj et à Bucarest

    Caprices gastronomiques français à Cluj et à Bucarest

    Anda Calinici est psychologue de formation et, pendant un certain temps, a fait le métier de testeur de logiciels. Depuis 6 ans elle y a renoncé pour se consacrer exclusivement à une grande passion qui remonte à son enfance : la pâtisserie. Dans un petit laboratoire de Cluj, qui ressemble plutôt à une apothèque des temps jadis, Anda Calinici garde dans des sachets et dans de petites bouteilles toute sorte de merveilles qui se métamorphosent sous ses mains en d’exquises douceurs : graines de pavot, chocolat Valrhona, guanaja et fruit de la passion, violettes, lavande, pétales de rose, truffes blanches, framboise, thé vert matcha, Earl Grey, café, gelées au pamplemousse rose et à d’autres fruits se mêlent pour former des tâches de couleur indescriptibles.



    Le résultat porte un nom français : macarons. Non, Anda Calinici ne fabrique pas que des macarons, pourtant c’est avec ces petits gâteaux à base de pâte d’amande qu’elle a conquis les papilles gustatives de ses clients de tout le pays. Peu importe déjà que le transport de ces délicatesses par courrier coûte très cher, Anda Calinici ne s’ennuie pas. Nous lui avons demandé comment elle s’est décidée à troquer un emploi stable contre un rêve difficile à accomplir. « J’adore les sucreries dès mon enfance et cela a suffi de me rendre compte que je peux en préparer pour faire le grand pas. A un moment donné je me suis dit que c’était le temps de tenter ma chance, pour voir si ça marche — au lieu de me poser éternellement la question : Et si… J’ai eu la chance d’être entourée de personnes qui m’ont soutenue — depuis mon mari jusqu’à mon chef de l’époque, qui m’a promis de m’accepter de nouveau si ça n’allait pas. Lorsque nous avons emménagé dans notre propre maison, j’ai pu m’atteler plus sérieusement à la besogne, car je disposais enfin d’un espace à moi, je pouvais acheter des ustensiles et c’est alors que tout a commencé, pour de vrai. »



    Les macarons sont les jouets des pâtissiers — estime Anda Calinici. « On peut tout faire avec, ils offrent des possibilités illimitées comme arômes et couleurs. Ils ne sont pas difficiles à préparer, pourtant il faut faire attention à bien mélanger les ingrédients choisis, à la façon dont on les dispose sur le plat pour les mettre au four, à l’humidité et à la température de la chambre où on travaille. Si l’on a tout pris en compte, normalement cela ne devrait pas poser de problèmes. »



    Les ingrédients, Anda Calinici les importe de France et de Belgique — bien que, dit-elle, il y ait également des fournisseurs en Roumanie. « Les ingrédients que j’utilise se trouvent en Roumanie aussi, seulement ils sont beaucoup plus chers, alors je préfère les faire venir directement de l’étranger, pour pouvoir offrir à mes clients des prix aussi bas que possible. Mais il y a, en effet, des fournisseurs, en Roumanie aussi et j’ai toujours recommandé à ceux qui souhaitent préparer les produits de pâtisserie respectifs d’acheter chez eux. Quand on prépare une chose une seule fois, ça coûte moins cher que si on les importait. »



    Il y a 2 ans, Anda Calinici a participé au Championnat du monde des chocolatiers où elle s’est classée 4e. «J’ai participé au demi-finales d’Europe du Sud-Est et j’ai eu pour concurrents les chocolatiers de Pologne, de Slovaquie et de Turquie. J’ai occupé la 4e place parmi des compétiteurs qui sont des professionnels et qui font ce métier depuis 10 ou 20 ans, qui ont une formation et une tradition dans le domaine. Chez nous, le métier de chocolatier ne figure même pas dans le répertoire des métiers. Je n’ai suivi aucune formation. J’ai collaboré avec un atelier de Cisnădie, qui est, je pense, le seul en Roumanie à faire du chocolat artisanal. J’y ai passé 3 mois, J’apprenais toute seule, mais j’avais à ma disposition l’équipement pour faire fondre le chocolat, du chocolat en abondance et je pouvais demander un conseil à quelqu’un si je ne réussissais pas à me débrouiller. »



    Même sans formation professionnelle, la 4e place au Championnat du monde des chocolatiers a valu a Anda Calinici l’attention des médias.



    Et pourtant, à chaque fois qu’elle a un nouveau client, elle a des émotions. « A chaque fois, je tâche d’apprendre ce qu’ils ont aimé et ce qu’ils ont aimé moins, pour pouvoir améliorer mes recettes. Je demande toujours un feed-back des personnes qui goûtent mes produits. Les commentaires diffèrent d’un client à l’autre, allant de « divin », « je n’aurais pas pensé que cela puisse exister », jusqu’à «c’est exactement comme en France ». Et cela me fait beaucoup de plaisir. »



    Anda nourrit aussi un autre rêve : ouvrir une petite boutique où elle puisse accueillir elle-même les clients. Nous lui avons demandé à quoi cette boutique ressemblerait : « Elle est toute petite et ça sent les croissants au beurre et le bon café. Dans la devanture, il y aurait des macarons, des gâteaux frais et de nouvelles douceurs chaque semaine. Elle n’est pas grande, ça c’est sûr. Juste ce qu’il faut pour placer quelques tables couvertes de nappes à carreaux. En fait, un coin de France,un tout petit. »



    Si vous aviez l’occasion de goûter les délicatesses faites maison que Anda propose à ses clients, vous sauriez avec précision que son rêve ne tardera pas à s’accomplir. C’est que Anda Calinici fait partie des personnes qui, lorsqu’elles entreprennent quelque chose, vont jusqu’au bout. (trad. : Dominique)

  • L’initiative pour le bonheur

    L’initiative pour le bonheur

    En septembre 2012, 20 jeunes ont fondé une ONG dont le but est de disséminer le bonheur. A quoi pensez-vous quand vous lisez cette phrase ? Eh bien, non, ils ne pratiquent pas le yoga ni ne prêchent le bonheur éternel ; ce ne sont que des gens qui veulent aider leurs semblables à découvrir au fond d’eux mêmes des raisons d’être vraiment heureux. Comment le font-ils ? Sur le site de cette ONG, il est écrit ainsi : Selon le premier rapport mondial sur le bonheur, délivré par les Nations Unies en 2012, la Roumanie est le pays européen le plus malheureux. La mission que s’est donnée l’Association de l’initiative pour le bonheur est de faire augmenter le degré de bonheur des Roumains, en mettant à profit des conclusions et des études de psychologie positive et de psychologie appliquée.



    Mălina Chirea, un des fondateurs de cette ONG, commente les conclusions du rapport de l’ONU. « L’impatience, la pauvreté, le malheur sont des conséquences, non pas des causes. Ce sont les conséquences de notre mentalité, du regard que nous posons sur la vie. Dans une discussion avec des gens lambda, qui sont pauvres et tristes, on peut leur donner au moins une ou deux suggestions pour qu’ils changent leur vie en bien. Moi, je crois fermement que chacun d’entre nous crée sa propre vie ; beaucoup d’entre nous sont encore les victimes de la mentalité d’impuissants qui nous a été inoculée pendant de nombreuses années avant 1989. Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin de bonheur. Avant 1989, les gens étaient formés à se taire et à obéir. Et puis, tout d’un coup, apparaît un milieu privé, où il faut être entrepreneur, où il faut avoir un esprit d’initiative. Il est extrêmement difficile de s’adapter à un milieu privé de ce genre. Tout ce que nous faisons c’est de faciliter l’introspection, nous ne fournissons pas de solutions cuites au four et prêtes à consommer par tous. Ça, ça n’existe pas. »




    L’Initiative pour le bonheur a des ambassadeurs dans la plupart des grandes villes de Roumanie. Ils se rendent dans des lycées et des universités où ils parlent aux élèves et aux étudiants de ce qu’est le bonheur, de comment parvenir à être heureux et surtout de comment arriver à le garder. De l’avis de Mălina Chirea , le bonheur peut être un but ou un moyen, en fonction de la situation de chacun d’entre nous, mais pour chacun de nous le bonheur devrait être aussi quotidien que le pain. « Je crois que tout le monde est en quête du bonheur, plus ou moins sciemment. Chacun endosse les habits de son choix. Pour certains, il s’agit d’une carrière exceptionnelle, pour d’autres — une maison impressionnante ou une famille, d’autres enfin veulent tout avoir. Le bonheur est un état personnel. Si tout notre monde mental était une maison, le bonheur en serait la fondation. »




    Un des gros problèmes de la société roumaine actuelle est le fait que ses jeunes vivent dans un monde que leurs parents et grands-parents n’ont même pas pu imaginer, c’est pourquoi ils ont du mal à être heureux ; il n’y a pas de repères valides à l’appui, explique Mălina Chirea. « Le monde pour lequel nos parents nous ont préparés n’existe plus. Les jeunes se réveillent dans une société qui ne respecte plus les idées formatrices de leur enfance et ils ressentent une cassure profonde entre eux-mêmes et ceux qui les ont élevés. Ils ressentent aussi le besoin d’un repère propre qu’ils cherchent dans une direction différente. Les gens essayent de trouver des solutions que les parents et les grands-parents ne sont plus en mesure de fournir. La Roumanie pourra se considérer comme entièrement changée le jour où tous les Roumains parleront du communisme uniquement après avoir lu un livre d’histoire. Nous avons encore beaucoup de travail à faire, c’est d’autant plus évident lorsque nous voyageons en province. Si nous voulons que les choses changent, nous ne pouvons pas attendre les bras croisés. Il nous faut accélérer ce processus, à travers des initiatives de la société civile. Or, parler du bonheur des gens, des choses qui les rendent heureux, est une telle initiative. »




    En moins d’un an, plus de 3.000 personnes ont eu l’occasion de réfléchir à ce qui les rend heureux. L’Initiative pour le bonheur ouvrira prochainement un Institut du bonheur, espace destiné à ceux en quête de réponses à des questions sur ce sujet. « Nous nous sommes rendu compte que la communauté et les gens dont on s’entoure sont une composante très importante du bonheur, tout comme le fait de bénéficier d’un espace où l’on se sente bien, où l’on puisse lire des ouvrages sur le bonheur, sur le développement personnel ou quel qu’en soit le nom. Nous avons besoin d’un lieu où les gens puissent venir, se sentir comme chez eux, recevoir le soutien d’autres qui traversent les mêmes changements et se posent les mêmes questions. »




    A Bucarest, il existe donc une adresse où habite le bonheur. C’est au 29 rue Avrig que, depuis le 1er juillet 2013, des questions trouvent des réponses et que le Bonheur, qui sait ?, reçoit tous ceux qui frappent à la porte.


    (trad.: Ileana Taroi)

  • YARD SALE – une nouvelle vie pour les vieilles choses

    YARD SALE – une nouvelle vie pour les vieilles choses


    Dans toutes les grandes capitales européennes il y a des endroits particuliers où les gens peuvent vendre à très bas prix les petites choses qui ne leur sont plus utiles. Les Français ont leur « Marché au Puces », les allemands le « Fleemarkt ». Des ventes similaires sont faites depuis les porte-bagages des voitures ou dans la cour des maisons — les Anglais appellent cela « carboot sale » ou « Yard Sale ».



    Ces petites foires aux puces donnent une nouvelle vie aux choses qui gisent, inutiles, dans les placards et pour lesquelles leurs propriétaires ont peut-être dépensé des sommes importantes. Eh bien, ces foires commencent à faire fortune à Bucarest. Elles sont plutôt une façon de recycler des choses dans une société qui se dirige à grands pas vers le consumérisme. Gabriela Andreea Urdă compte parmi les organisateurs de tels événements, qu’elle a baptisés « Yard Sale ». Pourquoi a-t-elle choisi ce syntagme anglais au lieu de son équivalent roumain ? « Il s’agit d’une foire aux puces, mais cette notion, comme beaucoup d’autres, a perdu son sens initial et acquis une connotation péjorative. Alors nous avons préféré l’appeler « Yard sale ». La première édition a été organisée en février dernier. Tout a commencé lorsque, en déménageant, j’ai constaté que je possédais beaucoup de vêtements et toute sorte d’objets dont je n’avais plus besoin, mais qui pouvaient encore être utiles à d’autres personnes. Je pouvais les vendre à bas prix ou les échanger contre d’autres choses. J’ai donc pensé que je pouvais organiser un « Yard Sale » – et pas uniquement pour moi, car il y a tellement de gens dans cette situation. Et voilà, nous en sommes déjà à la 5e édition. »



    Les vendeurs d’objets à bas prix s’inscrivent d’une édition à l’autre car cela commence à leur plaire et ils emmènent de nouveaux vendeurs. D’autres personnes intéressées les rejoignent, qui en ont entendu parler, soit grâce aux différents médias, sur Internet ou en consultant le site de Gabriela. Comment cela se passe-t-il d’habitude ?« Ils s’inscrivent, ils paient une taxe modique, couvrant uniquement les coûts d’organisation et le prix de location de l’espace respectif. Jusqu’ici nous nous sommes réunis dans un café, pourtant à présent nous allons chercher un espace plus grand. Nous nous rencontrons le dimanche matin et jusqu’au soir nous attendons les clients, qui viennent nombreux, fouillent et achètent des choses presque pour rien — c’est-à-dire pour des prix allant de 5 à 50 lei (soit entre un euro et 10 euros environ). Il y a une centaine de personnes qui viennent à chaque édition. »



    Qu’est-ce qui attire toutes ces centaines d’acheteurs, c’est Gabriela Urda qui nous explique :« Nombre de ceux qui y viennent, aiment plutôt fouiller et découvrir des choses que d’acheter dans des magasins des objets que tout le monde possède. Dans une vie comme la nôtre, dirigée par les différentes normes et assez limitée, les gens ont toujours besoin d’être surpris. C’est tout simplement une découverte et la joie de faire une bonne affaire. Puis, la plupart de ceux qui viennent pour acheter différents objets pensent aussi à vendre leurs propre bric-à-brac. Tous ces objets doivent être réintégrés dans ce circuit parce que notre société de consommation nous pousse à accumuler beaucoup d’objets qui arrivent ensuite à la poubelle. Mais finalement il ne s’agit pas d’ordures. Tout devrait être réutilisé, recyclé. C’est ainsi que nous réussissons à réintroduire dans ce circuit, en fait à mettre dans l’armoire de quelquun d’autre des vêtements qui ne sont pas du tout à mettre à la poubelle. Nous arrivons à mieux utiliser certaines ressources. J’ai organisé un salon vintage il y a quelque temps. Le vintage c’est tout ce qui daté entre 1920 et 1980. D’habitude, ils ont une importante valeur esthétique ou tout simplement une valeur sentimentale. Les robes de grand-mère par exemple. Ils s’agit d’objets créés il y a de nombreuses années, des bibelots et des bijoux qui n’ont pas une trop grande valeur, sont faits pour être consommés. On achète une blouse, on la porte une année et puis qu’est qu’on fait avec ? Elle reste dans l’armoire, elle occupe de la place, accumule de la poussière et c’est tout. En l’apportant chez nous à Yard Sale, on peut l’échanger avec quelques chose d’autres sinon on peut la vendre à quelquun d’autre. »



    Quelle a été la plus grande surprise de ces réunions de dimanche ? Réponse avec Gabriela Urda : « Les gens ont été la plus grande surprise, comme toujours. Leur large ouverture. Nous avons rencontré un grand nombre d’amis que n’avons pas revu depuis longtemps, des gens de l’industrie de la mode, des stylistes, des journalistes, des gens qui ont appris de cet événements depuis une multitude de sources. L’information s’est répandue d’une manière organique, ce qui signifie qu’il s’agissait d’un besoin important. Ce genre de socialisation qui se passe chaque dimanche, attire les gens, qui viennent et passent plus de temps que dans un magasin. Il me semble qu’ils soient plus joyaux quand ils quittent l’endroit. C’est un événement social que je voulais transformer en un événement de la communauté de jeunes passionnés de la mode qui souhaitent aussi quelque chose de différent. Enfin, de tels événements se passent aussi chez nous. Je veux le transformer en un événement mensuel, en une foire de bric-à-brac une bonne occasion d’apprendre que les objets peuvent avoir plusieurs vies. »



    Selon Gabriela Urda, c’est un de nos principaux défauts : nous sommes des acheteurs compulsifs. C’est pourquoi nous arrivons à garder tous ces vêtements dans les armoires. Au moment où nous découvrirons qu’ils occupent inutilement de la place dans nos armoires, Yard Sale peut s’avérer une solution. (Trad.: Dominique, Alex Diaconescu)



  • Storiette

    Storiette


    Une équipe de professionnels de la télé, spécialistes du film documentaire, considère que tout être humain a une histoire à raconter aux gens qu’il ou elle aime, que ce soit l’histoire d’une famille ou celle d’une vie de famille avant l’arrivée d’un nouveau membre. Les personnes filmées se transforment ainsi en vedettes ou en chroniqueur, dans un film présenté par la suite à un public raffiné.«Ton père et moi nous nous sommes rencontrés il y a dix ans. Nous nous sommes mariés trois ans plus tard et en 2012 notre famille est devenue complète grâce à ta naissance, le plus beau cadeau jamais rêvé. Depuis ta venue, ton père et moi, nous vivons des émotions intenses et uniques, mais que nous voulons garder sur cette vidéo, pour que toi aussi tu puisses les connaître, quand tu seras grand. »



    Marilena Raţă, l’auteure de ce projet appelé « Storiette », raconte d’où cette idée lui est venue: «Dans un premier temps, j’ai voulu faire ça uniquement pour les personnes âgées, mais nous sommes allés vers d’autres publics aussi. Moi, je suis originaire de la ville de Iaşi, je ne vis à Bucureşti que depuis 5 ou 6 ans ; je ne retourne à Iasi qu’une ou deux fois par an et il ne me reste qu’une seule grand-mère qui aura bientôt 93 ans. Grand-maman me racontait souvent comment elle avait rencontré grand-papa, qui n’est plus de ce monde, et puis la naissance des enfants de la famille, la vie pendant la guerre, la vie de mon papi dans le goulag. Je me suis rendu compte que nous avons tous des grands-parents, des oncles, des parents qui vieillissent, inévitablement, et qui n’ont pas raconté tout ce qu’ils ont encore à dire. Qui n’ont peut-être pas raconté à leurs proches tout ce qu’ils avaient vécu. C’est comme ça que l’idée m’est venue d’enregistrer grand-maman et de regarder cette petite vidéo à chaque fois qu’elle nous manque. Donc, nous offrons aux gens notre aide pour qu’ils racontent leur histoire telle qu’elle est. Plus encore, nous les aidons à ouvrir leur cœur devant la famille et les amis. »



    Ceux qui décident de raconter leurs histoires, prennent contact avec l’équipe et, lors d’un premier rendez-vous, font une ébauche du futur film. Marilena Raţă considère que raconter une histoire comme le fait son équipe n’est pas à la portée de tout un chacun. «Les gens nous contactent, nous les enregistrons dans un produit de très bonne qualité: je pense à l’image, au montage, proche de la qualité d’un documentaire comme ceux diffusés sur Discovery ou sur d’autres chaînes de télévision. Les gens enregistrent leur histoire, nous assurons l’édition du film et ils pourront regarder le résultat final avec la famille et les amis lors d’un événement spécial, par exemple une fête d’anniversaire. »



    Parfois, ceux qui veulent créer une telle histoire souhaitent faire une surprise à quelqu’un ou laisser un message pour l’avenir. « C’est une preuve de reconnaissance, d’amour, d’appréciation de la famille envers un proche. La famille peut faire une surprise à quelqu’un qui fête son anniversaire. Nous pouvons enregistrer 5, 6, 7 personnes qui racontent des anecdotes sur le héros de la fête. Ce jour-là, il ou elle découvre ce petit film dans lequel ses proches parlent de lui ou d’elle avec affection, en lui rendant hommage. Ce que nous offrons c’est donc ce sentiment partagé. »



    La durée de ces vidéos varie de 15 minutes à une heure. Deux documentaires ont déjà été filmés, quatre autres sont en cours d’édition. Marilena Raţă parle des réactions surprenantes de ceux qui apprennent l’existence de ce projet. «Jusqu’à présent, les réactions ont été bonnes, nous recevons des e-mails, des messages sur nos compte Facebook. Les gens nous remercient mais nous ne comprenons pas très bien pourquoi, beaucoup d’entre eux ne veulent pas faire un film, ils nous disent tout simplement que nous faisons quelque chose d’extraordinaire. Ceux qui ont collaboré avec nous se disent très contents du résultat. J’ai rencontré des gens d’une grande beauté intérieure, qui ont prouvé que les Roumains restent très attachés aux valeurs de la famille, malgré tout ce que nous aurions pu pensé. Nous nous proposons d’apporter aux gens le sentiment de l’appréciation de chacun, le besoin de dire et de montrer par tous les moyens aux gens que nous les apprécions. »



    Storiette veut dire « petite histoire ». Chaque personne a sa propre histoire qu’il est important de raconter. Car, lorsque nous racontons notre vie, quelqu’un d’autre apprend quelque chose de nouveau ou de ce qu’il ou elle a besoin de savoir.( trad.:Ileana Taroi)

  • Autographes numériques et lecture interactive

    Autographes numériques et lecture interactive


    Une compagnie de téléphonie mobile et une importante maison d’édition de Bucarest ont récemment organisé la première session d’autographes virtuels accordés par Mircea Cărtărescu, un des auteurs roumains les mieux vendus. Il a fait des dédicaces holographiques sur l’édition électronique de son volume « L’œil noisette de notre amour », qui recueille ses textes les plus représentatifs publiés dans la presse ces dernières années. Iustina Croitoru, coordonnatrice du département en charge des livres numériques publiés chez Humanitas, nous a parlé aussi bien de cet événement que de l’appétit des Roumains pour la lecture sur les tablettes et sur l’ordinateur.


    Voyons tout d’abord comment s’est passée la session d’autographes numériques : « Monsieur Cărtărescu a été très content de participer à cet événement, car il est un lecteur passionné de livres numériques. Ses œuvres se vendent en version numérique aussi. Il nous a démontré avec quelle maîtrise il manie et la plume et la tablette. L’événement a été très intéressant de par son caractère inédit. D’habitude, les écrivains donnent des autographes sur le livre imprimé, ce qui rajoute à leur valeur. On sait qu’il n’est pas rare qu’ils arrivent à être vendus à des prix considérables. Cette fois-ci, les e-books ont été ennoblis par la signature d’un auteur renommé. Cartarescu a mis sur une tablette numérique un autographe personnalisé pour chaque lecteur. Ce dernier a par la suite reçu sur son mail la variante numérique du livre, avec autographe et dédicace. L’événement a fait salle comble. »


    La maison d’édition à laquelle travaille Iustina Croitoru ne détient pas le monopole des livres numériques en langue roumaine. A Iasi par exemple, la filiale locale des éditions Polirom, cet autre géant du livre en Roumanie, offre plusieurs centaines de titres signés par des écrivains roumains et étrangers et ce à des prix moindres que ceux de leurs variantes imprimées. Iustina Croitoru détaille l’offre de sa maison d’édition : « Nos livres électroniques se présentent en format PDF. Ce format peut fournir la variante imprimée du livre en un autre, susceptible d’être modifié à volonté par le lecteur et donc téléchargé sur tablette, sur téléphone portable, ordinateur ou ordinateur portable. Le lecteur a ainsi la possibilité d’intervenir tant sur le contenu que sur la forme du texte. Les formats que nous proposons étant téléchargeables sur la majorité des gadgets, tout lecteur peut y accéder. Pas besoin donc d’avoir un téléphone ou une tablette haut de gamme, puisqu’on peut les lire sur l’ordinateur portable aussi. »


    Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les éditeurs n’ont pas à appréhender le marché émergeant du livre numérique. Explications avec Iustina Croitoru : « D’un mois à l’autre, nous gagnons toujours plus de lecteurs. Le e-book ne fait pas concurrence au livre imprimé, bien au contraire. Il s’avère être une manière lucrative, pour ainsi dire, de le promouvoir autrement. Nous avons publié en format numérique tous les grands auteurs de la littérature roumaine et je peux vous dire que les oeuvres les mieux vendues le sont aussi bien en version imprimée qu’en variante numérique. C’et là la meilleure preuve que les deux types de livres ne se font pas concurrence. »


    En plus, la diaspora roumaine est un énorme marché pour ces livres électroniques : « C’est plus difficile de recevoir par la poste un livre imprimé, alors que par un simple clic vous pouvez acheter la variante électronique, n’importe où à l’étranger. Ils sont accessibles sur plusieurs plates-formes et peuvent être payés en différentes monnaies. Ce qui plus est, le prix de la version numérique représente 60 à 70% de celui du livre imprimé et ce à juste titre, car les coûts éditoriaux sont déjà absorbés par la variante imprimée, qui sort la première. Autant dire que le lecteur ne supporte pas une deuxième fois les frais de traduction, d’édition etc. Voilà ce qui les rend donc meilleur marché et plus accessibles. »


    A quoi d’autre faudrait-il s’attendre? Les livres numériques comportent désormais du méta texte aussi, des informations supplémentaires auxquelles on peut accéder grâce au lecteur ou e-reader. De l’avis de Iustina Croitoru, il n’y a pas de limites dans ce domaine, où l’imagination est reine : « Les nouveautés en matière de e-books nous viennent moins des éditeurs, lesquels ne manquent pas d’idées intéressantes, et plutôt des progrès de la technique et de ce que peut offrir de neuf tout fabricant de lecteur numérique. Plus ces lecteurs sont performants, plus on est obligé d’être inventif. Le livre devient interactif. Une multitude d’applications existent déjà sur le marché. Par exemple, en parcourant un e-book, le clic sur un mot vous renvoie à un dictionnaire, tandis qu’en cliquant sur le nom d’une localité vous obtiendrez des photos. Les livres pour enfants sont vraiment fascinants, surtout s’il s’agit de livres d’images. Cette technique nous amènera à la lecture interactive. »


    On dit que les livres sont des fenêtres ouvertes sur le monde. Cette assertion a toutes leschances de devenir, d’ici peu, plus qu’une simple métaphore. (trad. : Mariana Tudose)

  • INCUBATEUR 107

    INCUBATEUR 107


    Dans le comble d’une maison bucarestoise, tout un chacun peut devenir à la fois enseignant et apprenti. Lors d’une réunion nocturne, il ou elle doit tout simplement convaincre le public consommateur de cours et d’ateliers que ses propositions sont intéressantes et valent la peine d’être partagées.






    Ce comble s’appelle « Incubator 107 » (Incubateur 107) et le mois dernier, ceux qui souhaitaient profiter de leur temps, esprits et cerveaux pouvaient choisir entre différents ateliers. Au programme : lundi – cafédomancie, ou lire l’avenir dans le marc du café, mardi — introduction dans la méditation bouddhiste, mercredi — recréation d’une idée, jeudi — théorie de l’amour, vendredi — atelier sur la manière de se présenter dans le milieu virtuel et de soigner son image, samedi — atelier sur le déclin du consumérisme et la nouvelle abondance, c’est à dire comment les ressources limitées nous influencent la vie. A tout cela viennent s’ajouter un atelier de produits de beauté faits maison, un atelier de cuisine, consacré aux plats de fêtes et un autre au langage des signes… bref il y en a pour tout le monde.



    Lavinia Cârcu est chargée de l’organisation des ateliers et coordonne les formateurs qui y participent. « L’incubateur a été ouvert en avril 2011, dans le comble d’une maison de Bucarest près des Halles Traian. Tout a commencé avec un groupe de six amis à la recherche de personnes à même d’organiser des ateliers. En une année et demie, presque deux, nous avons imaginé chaque mois une nouvelle série d’ateliers. Toute personne qui a une passion peut venir et montrer aux autres ce qu’elle sait faire. La définition de cet incubateur est l’espace ou tout le monde peut enseigner à tout le monde toute sorte de choses. »



    L’incubateur 107, dont le nom est inspiré du fait qu’il est situé au 107 rue Calea Calarasilor, a réussi à réunir une véritable communauté d’enthousiastes. Ses fondateurs sont allés chercher ensuite aussi dans d’autres villes roumaines des équipes prêtes à continuer l’idée.



    Des incubateurs sont apparus à Iasi, Cluj, Timisoara et Brasov. Lavinia explique comment sont choisies les animateurs des ateliers: « A l’heure actuelle, il y a des gens qui nous disent vouloir ouvrir des incubateurs dans d’autres villes. Nous encourageons tous ceux qui ont l’énergie et l’enthousiasme de continuer l’idée chez eux. Nous souhaitons aussi que les auditeurs de votre radio à l’extérieur du pays qui s’intéressent à ce que nous faisons, nous appellent pour parler un peu de ce projet, afin de le peaufiner. Nous avons beaucoup d’ateliers dans différents domaines. Il s’agit en fait de six « guildes créatives » si vous voulez : nous avons les moniteurs de danse et de différents autres sports, puis il y a les créateurs qui fabriquent toute sorte d’accessoires et nous expliquent comment transformer les espaces, comment les rénover, et puis, il y a les hédonistes, c’est à dire ceux qui enseignent le massage et l’art culinaire… Les ateliers que nous abritons portent sur de nombreux domaines, à commencer par les techniques de développement personnel et d’improvisation… Ce sont eux qui frappent à notre porte ou nous écrivent des mails disant : voilà, je voudrais organiser un atelier sur la masculinité dans la danse, j’aimerais proposer un atelier sur la cafédomancie ou sur la théorie de l’amour. C’est à nous de les programmer. Chaque mois il y a une toute nouvelle série d’ateliers et chaque mois commence avec une présentation nocturne. »



    Alina Ciotârnel compte parmi les personnes venues à l’Incubateur pour apprendre des choses nouvelles. Après avoir participé à plusieurs ateliers, Alina a rejoint l’équipe et à l’heure actuelle elle fait partie des « porteurs » – c’est à dire qu’elle explique ce qu’est l’incubateur dans le cadre d’événements importants tels des festivals et des foires, et dans le monde des entreprises.



    Alina Ciotârnel explique aussi comment se déroulent les présentations nocturnes. « Il s’agit d’un événement culturel alternatif auquel participent environ 200 invités. Ces événements s’étendent sur 10 et même 13 heures, c’est à dire une nuit entière pendant laquelle nous avons un véritable marathon d’ateliers. Nous présentons le programme du mois suivant, les formateurs et les apprentis parlent de leurs ateliers. S’y ajoutent deux concerts par soirée ainsi que d’autres démarches consacrées à cette communauté. Rien qu’un exemple : un matin nous avons lancé des pigeons voyageurs, nous avons fait des bulles de savons géantes et nous avons pris le petit déjeuner dans la cour de l’incubateur. C’est l’événement où la communauté qui se trouve derrière ce projet est la plus visible. Même dans le cas d’un débutant, il est impossible de ne pas se sentir comme chez soi et d’y revenir. »



    Lavinia Cârcu explique quel est le but de cet incubateur ou tout le monde peut enseigner différentes choses à tout un chacun. « Nous souhaitons que les gens expérimentent, qu’ils soient généreux. Nous fonctionnons grâce à des dons et nous encourageons les participants à estimer eux mêmes la valeur de ce qu’ils reçoivent dans l’atelier. »



    Créer un monde meilleur, c’est ce que souhaitent faire les participants à ce projet, affirme aussi Alina Ciotârnel. Ecoutons-là : « Nous souhaitons que les parents, les adolescents et tous les autres se découvrent une passion et un nouveau mode de vie. Si, après avoir participé à une dizaine d’ateliers, une personne n’a pas encore trouvé sa passion, mais elle s’est bien amusée, notre objectif est déjà atteint. Découvrir que cette personne voulait danser depuis plusieurs années, mais qu’elle ne l’avait pas fait jusqu’ici et qu’elle prendra des cours de danse suite à notre atelier est aussi un gain immense. Nous souhaitons voir des gens sérieux et préoccupés par leurs problèmes quotidiens s’amuser, et je pense notamment à ceux qui travaillent dans des multinationales et qui sont arrivés à oublier une partie de leurs esprits. »



    L’incubateur est en train d’occuper des espaces dans d’autres capitales européennes. Pour plus de détails sur l’organisation d’un tel espace interactif, n’hésitez pas à consulter le site www.incubator107.ro.

    (trad. : Alex Diaconescu)

  • La ville de Bucarest vue par les yeux de ceux qui l’aiment

    La ville de Bucarest vue par les yeux de ceux qui l’aiment


    Dans la vie de tous les jours Andrei Bîrsan fait du marketing pour l’une des banques les plus importantes de Roumanie. C’est le genre de personne matinale qui profite de tout moment de libre pour lire quelques pages — même sur une tablette facile à transporter dans sa serviette. En 2007 il a créé l’association «Bucarest, mon amour», qui réunit tous ceux qui souhaitent mieux connaître la capitale roumaine, en la parcourant à pied et en réalisant une sorte de chroniques visuelles du temps présent.


    Comment cette idée lui est-elle venue? Andrei Bîrsan : «J’aime Bucarest. Je suis Bucarestois. Quand j’étais petit, je le parcourais sans cesse, surtout que mon père n’étant pas né à Bucarest, il voulait le connaître et je l’accompagnais à travers la ville. Après la révolution de ’89, j’ai commencé à prendre beaucoup de photos, car la ville connaissait une nouvelle dynamique. D’ailleurs, dans les années ’90-2000, la capitale a complètement changé ; de nombreux bâtiments, des magasins, des enseignes et des pubs ont fait leur apparition. J’aime Bucarest, car c’est ma ville. C’est ma maison, c’est ma famille. Il est sale et pollué, ça c’est vrai, mais c’est en même temps une ville d’espoirs. Un très, très grand nombre des membres de l’Association « Bucarest, mon amour » ne sont pas nés à Bucarest. Ils sont Bucarestois de première génération. Ils y ont suivi les cours d’une faculté et y sont restés. Pour eux, c’était une ville des espoirs, une sorte d’eldorado, d’Amérique de la Roumanie. Pour certains, évidemment, Bucarest est resté une étape seulement et, les études finies, ils sont allés ailleurs, mais il y en a beaucoup qui sont restés. Si, pour nous, Bucarest est une ville sale et bruyante, pour d’autres c’est la ville de leurs rêves et c’est une grande réalisation que d’y être restés. »


    Nous avons demandé à Andrei Bîrsan où il emmènerait quelqu’un s’il devait tout d’un coup être guide à Bucarest : «Malheureusement, pour Bucarest on n’a pas de circuits touristiques de la ville. Il y a quelques boulevards à longer. Et puis, ça dépend beaucoup de ce que le visiteur souhaite voir. Moi, j’aimerais lui montrer la vieille ville, qui est très intéressante, avec des bâtiments construits pendant l’entre-deux-guerres. Ou pourquoi pas, la Maison du Peuple. Qu’elle nous plaise ou pas, c’est la construction roumaine la mieux connue dans le monde. C’est un kitsch que d’autres ne possèdent pas. C’est le plus kitsch des kitschs. J’ai un livre paru en 1984 qui présente la ville de Bucarest et qui contient aussi une carte. Eh bien, sur cette carte il y a une tache blanche marquant la zone où l’on construisait déjà la Maison du Peuple. Cette tache blanche sur la carte de Bucarest est devenue une tache noire dans son histoire. »


    De quoi s’occupe, concrètement, l’Association « Bucarest, mon amour » ? Andrei Bîrsan : «Nous tâchons, tout d’abord, de connaître la ville et nous sommes heureux de le faire à pied. Nous faisons des excursions en ville toutes les deux semaines. Nous avons établi des circuits, mais nous nous adaptons également aux événements du moment. Nous organisons des expositions pour montrer la ville telle que nous la voyons. Les excursions visent tous les quartiers de la capitale — les bons et les mauvais, le centre-ville et la banlieue. Pourtant, nous gardons le beau visage de la ville pour les expositions. Nous sommes conscients du fait que Bucarest a son côté obscur, mais nous voulons montrer son côté lumineux. Nous publions également une revue en ligne, qui s’appelle toujours « Bucarest, mon amour ». Et une fois par an, nous éditons un almanach. Eh bien, dans notre revue figure aussi ce côté obscur de la ville. Nous le prenons en photo, nous le montrons, nous en gardons le souvenir visuel et nous participons aux actions censées le rendre plus propre. Même si nous ne les lançons pas, nous y participons avec joie. La dernière, c’était l’automne dernier, dans ce qu’on appelle « le delta de Bucarest », qui s’est formé autour du lac Văcăreşti. Nous sommes, en fait, une sorte de chroniqueurs visuels de la ville. »


    En quoi consistent les excursions organisées par l’Association d’Andrei Bîrsan? « Ces excusions ne sont pas de simples balades. Nous prenons nos appareils photo et nous nous mettons en route. Nous nous arrêtons à certains endroits, il y a des gens qui nous accompagnent, qui connaissent l’histoire du lieu et qui nous expliquent, nous entrons dans les cours des gens, il nous est arrivé de tomber sur une noce et d’être invités à danser avec la mariée… Ces excursions ne sont pas les randonnées d’un étranger de passage, qui veut voir à quoi ressemble la capitale roumaine, elles sont un véritable dialogue avec la ville, une « socialisation », si vous voulez. Nous découvrons, bien souvent, que les gens sont différents de ce que nous imaginions à leur égard, notamment dans les quartiers moins riches de la ville. Ils sont beaucoup plus amicaux. Dans le quartier de Ferentari, par exemple, qui est un quartier pauvre et mal famé, nous avons été très bien accueillis, alors qu’on a été chassés du quartier huppé de Primăverii.»


    L’Association « Bucarest, mon amour » a ouvert une exposition permanente dans la station de métro Unirii, sur la passerelle qui relie les deux lignes. Ça s’appelle « La galerie de la galerie ». Les images réalisées par les membres de l’association couvrent toute une paroi de 40 à 50 mètres de long. Nous y présentons actuellement les plus belles photos de la ville, les plus intéressantes. C’est la ville que l’on pourrait voir tous les jours si, en route vers le bureau ou de retour chez nous, on levait plus souvent les yeux sur ce qui nous entoure. Nous avons demandé à Andrei Bîrsan si Bucarest a changé depuis 6 ans qu’il parcourt la ville avec ce but précis : « Je pense que oui. Et ce qui a changé, c’est le fait que les gens sont plus conscients d’y vivre, ils ne se contentent plus de le traverser. Ceux qui nous accompagnent dans nos excursions apprennent à le regarder différemment, à faire attention aux détails — qu’ils aient ou non un appareil photo. Car il n’est pas obligatoire d’en avoir un. Ils jettent sur la ville un regard différent et j’espère qu’ils pourront après aussi s’impliquer pour la changer.»


    Les photos réalisées par les membres de l’Association « Bucarest, mon amour » se trouvent sur le site orasul.ro”. La dernière question adressée à cet amoureux de la ville de Bucarest a été moins habituelle : si cette ville était une belle femme, qu’est-ce que Andrei Bîrsan lui dirait? La réponse a été meilleure que la question : « Je suis heureux de me réveiller avec toi chaque matin. » (trad. : Dominique)

  • En boîte de nuit avec les pleureuses

    En boîte de nuit avec les pleureuses


    L’UE s’est donné pour objectif de réduire à moitié le nombre de victimes des accidents de la route d’ici 2020 dans tous les 27 Etats membres. Une première étape serait d’identifier les différents facteurs qui influent sur le nombre total de morts sur les routes. Il s’agit, notamment, de l’excès de vitesse, de la consommation dalcool ou de drogues ou du manquement à une règle de priorité. La Roumanie a démarré récemment une série de campagnes de sensibilisation de l’opinion publique afin de réduire le plus possibles le nombre de morts sur les routes.


    Réunies sous le slogan « Va pour la vie !», les campagnes initiées par l’Inspection générale des services de police de Roumanie, en partenariat avec l’agence Publicis, se proposent d’éduquer chauffeurs et piétons à la fois, en faisant recours aux figures des trois des grands dictateurs de l’humanité. Avec des détails, Silviu Nedelschi, directeur de création chez Publicis: « Nous avons pris trois des personnages les plus odieux de l’histoire mondiale – Staline, Hitler et Saddam – et les avons collés sur un pare-brise comme s’ils avaient été percutés de plein fouet par une voiture. En fait, l’idée est qu’un tel accident ne serait jamais possible puisque la victime s’avère toujours un innocent et jamais le plus affreux personnage historique. C’est, si vous voulez, un autre moyen censé attirer l’attention des chauffeurs qui, faute de vigilance, risquent de heurter un innocent. »


    Il a suffi de deux jours pour que les images des dictateurs collées sur le pare-brise fassent le tour du monde. Ensuite, la campagne de prévention des accidents de la route s’est poursuivie avec quelque chose d’encore plus dur: une vidéo tournée un samedi soir, devant une boîte de nuit de Bucarest. Un groupe de pleureuses planté devant l’entrée accompagnait les clients plus ou moins beurrés jusqu’à leurs voitures, avec des cris et des vers spécifiques des rituels funéraires: « Tu as bu et tu vas prendre le volant? Pourquoi veux-tu nous quitter? Pourquoi gis-tu dans la rue, mon Dieu? Vas t’en, diable maudit/ C’est bien toi qui a laissé couler le venin de l’alcool dans ses veines/ Tu l’as emporté loin de la lumière et tu l’as forcé à entrer dans la voiture/ Oh, mon Dieu, serre-le dans tes bras et pardonne-lui le fait d’avoir bu et d’avoir pris le volant/ Pourquoi nous as-tu quittés ?/ Mon Bon Dieu, ait pitié de lui. »






    Si les lamentations des pleureuses s’avèrent insuffisantes pour vous faire renoncer à la voiture après avoir consommé de l’alcool, les initiateurs de la campagne publicitaire ont imaginé quelque chose d’encore plus frappant: une serviette brodée, nouée autour du rétroviseur extérieur de l’auto selon la tradition dicté par le rituel funéraire chez les Roumains. Aux dires du sous-commissaire de police Cristian Andries, la campagne, lancée sur la Toile avant la saison estivale 2012, a profondément marqué les internautes: « Nous essayons de convaincre tous les participants au trafic routier d’avoir un comportement responsable et de circuler de manière préventive. Beaucoup d’accidents de la route se produisent sur fond de consommation d’alcool et nous avons pensé à mettre sur pied cette campagne pour faire baisser le nombre de ces événements. Nous l’avons lancée exactement au moment où la plupart des jeunes se rendaient au bord de la mer Noire pour le 1er mai, justement pour les faire réfléchir un peu et saisir l’essentiel : ne conduisez pas l’automobile après avoir bu de l’alcool. Par ailleurs, cette campagne ne s’adressait pas uniquement aux jeunes, mais à tous les automobilistes. Certains ont aimé cette idée et ceux qui ont vu la vidéo ont retenu notre message. »


    Andrei Daniluc, rédacteur publicitaire principal, souligne que ce moyen de communiquer le message « ne prends pas le volant si tu as bu » a été une bonne occasion de dire les choses d’une manière différente des campagnes habituelles de la Police : « Les gens connaissent les campagnes de sensibilisation classiques de la police : ne boit pas, ne conduis pas, ne frappe pas ta conjointe, ne fait pas ça. C’est comme un parent qui dit « ne fait pas ça parce que tu auras des ennuis. » Nous avons pensé qu’en modifiant un peu l’angle, la Police ne fait qu’améliorer son image. Le monde dira « eh bien, voilà qu’ils commencent à se moderniser, ils ne se résument pas aux interdictions. » Je crois que la campagne a eu tant de succès en raison de la manière dont les choses ont été dites. Ce qui plus est, c’est une pratique typiquement roumaine, parce que je n’ai pas entendu qu’il existe ailleurs cette tradition des pleureuses professionnelles. Chez nous c’est une pratique qui remonte à la nuit des temps et je crois que c’est ainsi que s’explique pourquoi elle fonctionne toujours. Nous les approchions à la sortie de la boîte, quand ils devaient faire le choix entre prendre le volant, partir en covoiturage avec un ami ou appeler un taxi. Nous avons utilisé deux moyens de communiquer le message : le premier, les pleureuses. Si cela ne fonctionnait pas, les gens trouvaient des serviettes accrochées à leurs rétroviseurs extérieurs. Et là, ils tombaient sur un autre avertissement. Mais ce furent les pleureuses qui ont eu l’impact le plus fort. »


    Une autre vidéo qui a fait fureurs sur Internet présente une série d’images de chiens communautaires qui utilisent les passages piétons pour traverser la route. Le message est simple : s’ils peuvent faire ça, tu peux le faire aussi. C’est ainsi qu’a été analysée une autre cause majeure des accidents de la route : « Les piétons indisciplinés qui traversent la rue partout constituent une des principales causes génératrices d’accidents graves de la route en Roumanie. Depuis quelques années, la vitesse et les piétons indisciplinés occupent les deux premières places au classement des causes des accidents. Nous parlons d’une campagne inédite, mais nous espérons que la réaction du public soit positive, qu’il comprenne exactement le message : il faut traverser la rue sur un passage piétons. »


    L’année dernière, ont été enregistrés environ 9300 accidents de la route qui ont fait aussi des victimes. Aux dires du commissaire adjoint Andries, par le biais de campagnes mémorables, l’Inspection générale de la police roumaine espère que le nombre des accidents baisse de plus en plus, tout comme celui des familles vivant des drames. (trad.: Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)

  • Même les travailleurs des multinationales sourient

    Même les travailleurs des multinationales sourient


    Fin janvier 2013 à Bucarest. Passé 17h, la station de métro Pipera commence à se remplir de monde. Plusieurs milliers de gens passent par là tous les jours en chemin vers les sièges des multinationales. Pourtant, ceux qui se rassemblent maintenant sur la passerelle menant au quai ne semblent pas être des corporatistes. Ils sont jeunes, souriants, ils ont emmené des porte-voix et des pancartes portant des messages optimistes.






    Certains déroulent un tapis rouge au bout des marches du métro. Ils ont un plan, c’est bien clair, car aucun des travailleurs du métro ne semble surpris. Nous sommes en train d’assister à quelque chose de moins habituel.






    Les préparatifs ont lieu sous la coordination d’Andrei Tudose de l’ONG Delivering Life, qui se propose de rappeler aux gens qu’il faut aussi sourire. « Comme d’habitude, nous interrompons les moments de routine des gens, depuis leur sortie du bureau jusqu’à l’entrée du métro, pour leur donner des raisons de se sentir bien dans leur peau, pour leur faire prendre conscience qu’ils sont aussi des personnes et qu’ils peuvent être aimés et appréciés pour la simple bonne raison qu’ils existent ».






    Pour m’assurer d’avoir bien compris le but de l’agitation avant l’heure de pointe, je m’adresse à une jeune bénévole et je lui demande qu’est-ce qu’elle fait là. « Je suis venue partager de la joie. Moi, je suis quelqu’un de gai. Quand je prends le métro et que je vois des gens fatigués, qui après une journée de travail ne souhaitent plus que de rentrer chez eux, je n’aime pas. Avec mes camarades, nous resterons sur les marches et applaudirons les gens qui sortent, nous essaierons de les divertir, de leur montrer qu’il y a aussi des gens heureux, de les contaminer avec notre joie. La joie, c’est contagieux, tout le monde va sourire ».






    Les caméras de télévision apparaissent, les photographes aussi ; on dirait le Gala des Oscars bien que le contexte n’ait rien à voir avec le film. Comme par magie, la station de métro se transforme en un endroit pour accueillir les célébrités. « On t’aime ! », « Tu es notre héros », « On t’aime bien ! », « Allez, souris, quoi ! », peut-on lire sur les pancartes. Nous sommes prêts… à attendre les corporatistes. Lorsqu’ils commencent enfin à descendre les escaliers, des applaudissements et des hourrahs ! se font entendre des hauts-parleurs. Au début, ils sont étonnés, ils se gardent de marcher sur le tapis rouge, ils sautent par-dessus ou le contournent ; certains autres semblent ne pas le voir et marchent dessus sans le regarder. D’aucuns sont pressés, d’autres froncent les sourcils, quelques-uns sourient, s’arrêtent et parlent avec les reporters de télévision, se laissent prendre en photo. Quelques autres lancent des jurons…






    Un micro en carton à la main, Andrei Tudose joue les reporters :




    « Comment allez-vous ? »

    « Un peu fatigué après le travail, mais j’aime cette atmosphère dégagée».

    « Vous vous sentez mieux qu’au moment où vous êtes entré ? »

    « Oui ».

    « Parfait, c’est ça l’idée ».






    Florentina Ciobanu ne s’arrête pas. Elle ne veut pas entrer dans ce jeu et décide d’avancer au bras d’une autre amie. Cette action ne l’a pas enchantée et elle affirme que c’est trop de bruit pour rien : «Probablement dans leur tête c’était une idée originale, mais moi je crois qu’elle est copiée de l’étranger. Je ne fais pas trop confiance dans ces choses-là. Ce sont des événements inventés pour que des ONGs puissent dérouler certaines activités et demander ensuite l’argent de l’UE pour d’autres activités … Mois je suis suspicieuse. »






    Mais qui a été le sponsor de l’événement ? Qui a supporté ses coûts ? Andrei Tudose : « Les coûts n’existent pas ou s’ils existent, ils sont tout à fait infimes, et nous avons tous supporté : batteries, 2 mètres carrés de tapis rouge, pancartes… Les gens nous rejoignent parce que ce que nous faisons les inspire, parce qu’ils se sentent bien et choisissent eux aussi d’offrir quelque chose à d’autres personnes.»






    Malgré les suspicions, l’action fait des échos, les gens parlent de la soirée quand au métro les cadres de multinationales ont donné des autographes et ont remercié leurs parents et enseignants de les avoir aidé à arriver là où ils se trouvent à l’heure actuelle. Puis ils partent à la maison, un peu plus heureux qu’au moment de leur entrée au métro, trois minutes auparavant.




    De tels petits événements, censés interrompre la routine des personnes qui jouent le rôle de rouages de l’économie de marché, constituent d’excellents prétextes pour ceux qui y sont impliqués mais aussi pour le public de penser à ce qui se trouve derrière le moment qui passe.






    Aux dires d’Andrei Tudose, ce fut une expérience réussie : « Les gens ont participé à notre jeu. Les cols blancs ont signé, se sont amusés, puis ont levé leurs mains vers nous. A mon avis, la vie est un cadeau et je la traite en tant que tel. Je cherche les choses qui puissent me faire sentir mieux et à l’aide desquelles je peux influencer la vie de ceux qui m’entourent. J’ai moi-même remarqué que je suis le prisonnier d’une série de choses à faire et que les journées, les semaines, les mois et les années ne font que passer… J’ai reçu un jour une invitation qui marquait les 20 ans depuis la fin du lycée et je me suis dit : Mon Dieu, que le temps passe ! A mon avis il est essentiel de vivre l’instant présent. C’est ainsi que cette idée est apparue. »




    Prochaine rencontre avec Delivering Life : le 26 février à l’aéroport… ou dans un centre commercial plein de monde. Ou peut-être dans un autre endroit, inattendu. Ils vont apparaître avec des pancartes et des mégaphones à la main pour faire tout ce qu’ils peuvent pour vous arracher un sourire. Allez, souriez un peu, quoi ! (trad. : Ligia Mihaiescu)

  • Le cerveau, la plus forte des télécommandes

    Le cerveau, la plus forte des télécommandes


    A la fin 2012, devant une salle archi-pleine, un groupe de jeunes a démontré que le cerveau humain pouvait être la télécommande la plus puissante du monde. A l’aide d’un casque EEG, un bénévole a réussi à faire marcher une voiture radiocommandée uniquement avec la force du cerveau. Ce fut une excellente occasion de parler de Modulab, le laboratoire qui a réalisé cette expérimentation et d’Arduino, la plate-forme interactive qui a rendue possible le déplacement de la voiture.






    Mais qu’est ce que Modulab? Eh bien, c’est une plate-forme interdisciplinaire de promotion de la recherche et de développement des nouvelles méthodes et technologies d’expression dans l’art et les industries créatives. Cette plate forme est ouverte à tous ceux qui ne se contentent pas uniquement d’appuyer sur un bouton, mais à ceux qui veulent créer leurs propres boutons, les modifier afin de détourner leurs fonctions initiales. Y sont invités ceux qui aiment démonter les gadgets pour voir ce qui s’y cache, ceux qui préfèrent plutôt les problèmes que les solutions. Modulab est un espace dans lequel un simple fil électrique peut se transformer en un gadget. C’est ici que les artistes, les programmeurs informatiques et les théoriciens sont encouragés à regarder les choses sous un autre angle, à se libérer des contraintes des conventions et à créer. Ioana Calen compte parmi les initiateurs de Modulab.






    Elle explique en quelques mots ce qu’est Arduino : « Arduino est une plate-forme d’interactivité, qui crée une communication entre l’ordinateur et l’environnement et son invention est souvent comparée à l’apparition de l’ordinateur personnel. Suivant le modèle du passage très brusque d’un paradigme mécanique à un paradigme numérique, suite à l’utilisation de l’ordinateur par des personnes qui n’ont pas étudié la mécanique, maintenant on passe à un paradigme interactif par l’utilisation de cette plate-forme Arduino. Il n’est pas nécessaire d’être ingénieur, ni d’avoir fait des études technologiques, il faut savoir un peu de programmation, que l’on peut acquérir en un seul jour, vu que la plaque – ? proprement dite est très accessible et que tout étudiant peut acheter en-ligne avec peu d’effort. Pensez à l’impact de l’ordinateur sur les industries créatives : films, arts, et ainsi de suite. Un impact similaire aura aussi le concept de plaque microcontrôleur avec une interface que tout le monde peut utiliser. C’est à l’aide d’un casque Emotiv que les ondes cérébrales sont traduites en mouvement d’objets du monde réel, comme des draps ou d’autres installations. »






    Le casque EEG Emotiv est en fait un accessoire développé par l’industrie des jeux vidéo. Il mesure les fluctuations électriques au niveau du cuir chevelu. Au moment où celui qui porte le casque fait un effort cognitif, les impulses électriques de cette zone du cerveau sont communiqués aux capteurs du casque. Ces dernier les communiquent par le biais d’Arduino et c’est ainsi que les objets du milieu réel sont contrôlés. Un tel casque a été utilisé dans la démonstration que nous venons d’évoquer.






    Ioana Calen. « Lorsque son utilisateur se concentrait, la voiture allait en avant ou en arrière. Elle tournait à gauche si la personne clignait des yeux et à droite si elle souriait. Nous avons choisi une personne du public que nous avons entraînée un peu avant de participer à l’expérimentation. Nous l’avons priée de faire le même exercice avec un cube virtuel qu’il fallait déplacer vers l’avant ou vers l’arrière. Nous avons capté ainsi le niveau de son activité cérébrale, une sorte d’échantillon que nous avons utilisé comme référence. Et lorsqu’il s’est concentré pour faire avancer la voiture, elle s’est déplacée. Nous avons eu la chance de trouver un volontaire qui jouait des jeux vidéo et qui était habitué à utiliser son imagination dans le milieu virtuel. Il n’a pas été crispé du tout et a réussi à contrôler la voiture dès le début. »






    Paul Popescu, le partenaire de Ioana Calen à la tête d Modulab, affirme que le casque s’adresse à n’importe quel utilisateur, joueur de jeux vidéo ou non, à condition qu’il s’entraîne avant: « C’est comme si on se voyait obliger d’apprendre à se servir d’un membre nouveau ou de jouer d’un instrument. Il faut de l’entraînement. Au début, il était très difficile, il nous a fallu trois jours d’exercices intensifs avec le casque pour maîtriser 4 ou 5 commandes. Mais, au fur et à mesure que le temps passe, on arrive à bien utiliser le casque, c’est comme avec un instrument musical, ou du moins, ce fut mon impression à moi ! »




    Ces démonstrations se proposent justement de mettre en lumière le potentiel des nouvelles technologies, affirme Ioana Calen : « Il serait vraiment intéressant que cette technologie arrive à donner un coup de main aux personnes handicapées qui souhaitent s’orienter plus facilement dans leur propre maison. Vous avez un casque EEG et toutes les lumières de chez vous, y compris celle naturelle, sont contrôlées par votre état d’esprit, votre pouls, votre niveau de détente ou d’agitation. Autant de paramètres qui dicteront aux rideaux de baisser ou bien aux ampoules de s’allumer. Techniquement, cela est bien possible. Reste à voir pratiquement comment pourrait-on faire marcher les choses, mais on peut toujours commencer par des applications plus simples. Par exemple, on peut réaliser une interaction à l’aide de différents capteurs. Il est vrai que ces nouvelles technologies sont pour l’instant utilisées dans le domaine des arts contemporains, des installations artistiques par exemple, mais je suis certaine qu’elles finiront par trouver leur place dans la vie pratique. Dans les hôpitaux, par exemple, j’aimerais bien voir des installations interactives dans les espaces réservés aux enfants afin de leurs faire oublier une opération qui approche, par exemple, ou encore dans les foyers pour les personnes âgées, on pourrait apporter un animal de compagnie robotisé. Je crois que les technologies finiront par entrer dans notre vie de tous les jours, qu’elles ne seront plus une composante strictement fonctionnelle. La plupart d’entre nous ont du mal à réaliser à quel point il est facile de faire tout ce que l’on veut à condition de savoir où chercher, à qui poser des questions, où acheter ».






    Quant à Paul Popescu, celui-ci se dit adepte d’un travail collectif, d’équipe: « Personnellement, je crois que ce type d’affaire aura de plus en plus de succès. Et je pense à un business où l’on se dit prêt à partager le travail de recherche, les expériences et les solutions trouvées. On les offre gratuitement afin de les disséminer plus rapidement. Et c’est de cette manière que l’humanité finira par avancer plus rapidement. »




    Modulab s’est donné pour but de créer une plate-forme para-universitaire s’adressant à tous les étudiants des domaines artistiques et pas seulement. Une plate-forme qui contribue à la démocratisation de la science et de la technologie, affirme Ioana Calen:« Les étudiants se plaignent souvent du fait que ce qu’ils apprennent à l’école n’a rien à voir avec ce qu’ils trouvent sur Internet. Une simple installation interactive leur semble du domaine de la Science Fiction, ils pensent qu’il faut un million d’euros pour ouvrir un labo technologique, ils croient qu’on doit travailler dans les TI pour faire bouger une installation en fonction de certains capteurs, ils disent que seulement les ingénieurs sont capables de résoudre les problèmes d’électricité. Or tout cela c’est du passé ! Actuellement, nous avons des solutions à même de faciliter les choses. Donc, tout ce qu’il leur faut c’est le courage de poser des questions, de faire des recherches et de se mettre au travail ». (trad.: Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)

  • Les inédits des enchères d’art, en Roumanie

    Les inédits des enchères d’art, en Roumanie


    L’année 2012 a vu toute une série de premières dans les enchères d’art organisées en Roumanie, dont la vente aux enchères de travaux signés par Constantin Brâncuşi, d’un mono poste de Formule 1, de la première maison solaire roumaine et d’objets ayant appartenu à des comédiens roumains. Cette année, lors des premières enchères sur le marché roumain de l’art, deux œuvres réalisées par Constantin Brâncuşi — un des artistes roumains les plus connus au monde – ont été emportées. « La Huppe » et « Les Peaux rouges » ont été adjugées en janvier, pour 10.000, respectivement 2.000 euros.


    « La Huppe », un dessin à la plume, a été mis en vente par un collectionneur privé de Bucarest, qui l’avait acquis auparavant à Christie’s. Cette œuvre, achetée 10.000 euros, est un projet d’illustration pour le volume de poèmes « Plantes et animaux », publié à Paris en 1929, par Ilarie Voronca, un écrivain faisant partie du cercle d’amis de l’artiste. « Les Peaux rouges » est une photo – carte postale d’objet d’art, de 1906. L’image de cette carte postale, l’œuvre « Les Peaux rouges », est une des sculptures détruites par l’artiste en 1907, dans un accès de révolte par rapport à ce qu’il avait créé dans sa période impressionniste, un courant auquel Brâncuşi avait adhéré en tant qu’élève d’Auguste Rodin. La carte postale envoyée à un ami est l’unique document présentant une des œuvres disparues. Ella a été reproduite à l’occasion du centenaire Brâncuşi de 1976 dans une revue littéraire roumaine, et provient d’une collection privée bucarestoise. La présence de Brâncuşi sur le marché de ventes aux enchères publiques est un événement unique.


    Constantin Dumitru, journaliste et commissaire d’expositions, affirme pour sa part que 2012 s’est avérée une année bénéfique pour lemarché de l’art. « Il a enregistré une évolution positive, meilleure qu’en 2011 quand il a connu les performances les plus spectaculaires depuis 1990. Je fus particulièrement impressionné de voir pénétrer sur le marché roumain de l’art de plus en plus d’objets, précieux pour le simple fait d’avoir appartenu à des célébrités, chose courante sur les marchés de l’art étrangers. Pourtant, je ne saurais ignorer l’existence sur le marché d’un segment qui n’a rien à voir avec l’art, il ne fait que mimer la valeur. Espérons que cela ne va pas tourner au kitsch ».


    Nous avons voulu apprendre auprès de Constantin Dumitru si la crise a touché le marché roumain de l’art. La réponse fut des plus catégoriques : « Oui, elle l’a influencé sans pourtant le détériorer. Le manque de confiance en l’immobilier, la chute des prix des terrains a entraîné une majoration des prix des objets d’art. Pourtant, le marché de l’art ne reflète pas la situation économique. 2013 s’annonce difficile notamment pour les petits collectionneurs. Le marché de l’art est plein de dizaines de millions d’euros mais pour des œuvres dont les auteurs sont notamment des célébrités décédées. Or, l’artiste roumain, le créateur contemporain a du mal à voir autant d’argent. On se réjouit de vendre pour 300 mille euros un objet ayant appartenu à une personnalité défunte, mais un étudiant ou un professeur aux Beaux Arts se contente de gagner 500 ou mille euros. Je voudrais qu’on exporte davantage, qu’on arrive à vendre plus d’objets sur les marchés internationaux. »


    Le journaliste Marius Tita, rédacteur en chef de Radio Roumanie Internationale et passionné d’art, affirme que le marché roumain connaît une évolution ascendante : « En Roumanie, nous assistons aussi à une diversification de l’offre. Et dans ce cas il s’agit non seulement des objets mis en vente, mais aussi des actions organisées par les maisons de ventes aux enchères. Et dans ce cas, je pense à quelques événements tels ceux organisés par ArtMark, qui hormis les enchères traditionnelles a introduit quelques idées inédites : enchères thématiques, vente d’objets ayant appartenu à la famille royale, d’objets militaires, très appréciés en Europe Occidentale et qui se vendent chez nous aussi lors d’événements spéciaux et de nombreux autres objets, non seulement d’art traditionnel. On assiste donc à une ouverture, mais aussi à une révision des prix et des opinions qui circulent sur le marché de l’art. Bref, cette évolution vers un marché de l’art mature se traduit par la réduction des prix et de la valeur des ventes. On ne peut pas parler d’un enthousiasme du marché de l’art. Il est clair, nous apprenons beaucoup de nouvelles choses, mais on ne peut pas parler d’affaires exubérants ni de revenus incroyables. »


    Une vente aux enchères inédite a proposé aux collectionneurs des objets personnels de grands comédiens roumains, ainsi qu’une série d’accessoires de films et de pièces de théâtre à succès. Le lot le mieux vendu a inclus un bracelet en or et argent à diamants, rubis et émeraudes que la comédienne roumaine Maia Morgenstern a porté dans un film. Au mois d’août, le mono poste de F1 Ferrari F399 piloté par Michael Schumacher en 1999 a été adjugé pour 177 mille euros. Trois Mercedes millésimées 1953, 1959 et 1966, une Ferrari 599 GTB Fiorano édition spéciale Carbon Kit de 2009, une Lincoln Continental 1947 et une Jeep Willys 1948 avec comme accessoires une remorque et une mitrailleuse se sont également retrouvées sous le maillet au mois d’août de l’année dernière. L’ancienne voiture officielle du roi Michel — une BMW 760 Li – a également trouvé preneur au prix de 20 mille euros.


    Le permis de conduire de la princesse Marie, datant de 1904, a été vendu à 5000 euros. Une autre session de ventes aux enchères a eu comme sujet la première maison solaire à 100% roumaine, estimée à 50 mille euros. Malheureusement elle n’a pas suscité l’intérêt du public. La toile la mieux vendue en 2012 a été « Le berger et son troupeau » par Nicolae Grigorescu, adjugée à 195 mille euros. Trois autres toiles signées Nicolae Tonitza ont trouvé preneur à pas moins de 400 mille euros.


    Selon les spécialistes, les transactions qui ont eu lieu l’année dernière se sont chiffrées à environ 40 millions d’euros. Une bonne année, donc, pour le marché de l’art en Roumanie. (trad. : Ligia Mihaiescu, Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)

  • Iv le naïf – le poète invisible

    Iv le naïf – le poète invisible


    Il existe un poète contemporain qui publie même ses brouillons sur un site visité par pas moins de 20 mille personnes chaque mois. Il se présente : «Iv le naïf », parce que c’est la naïveté qui le caractérise le plus. Sa poésie a commencé par des petits billets mis sur le frigo ou par des textes d’amour envoyés à sa chérie de l’époque. C’est elle qui a conseillé à Iv de faire connaître ses poèmes à un public plus large, et cela même si au début, il ne le souhaitait pas : « Elle m’a dit que ces choses-là étaient très belles et qu’elles méritaient d’êtres connues par d’autres personnes aussi. J’étais assez sceptique, j’ai dit que cela relevait de l’intimité d’un couple et je n’étais pas très sûr que les choses que je lui disais auraient pu intéresser quelqu’un d’autre. Finalement, suite à ses demandes insistantes, j’ai ouvert un blog. »


    Au début, celui-ci n’avait qu’une dizaine de visiteurs, mais par la suite, ils sont devenus de plus en plus nombreux à lire les textos de la personne qui portait avec soi un brin de naïveté.


    Les pensées que l’auteur portait avec lui depuis des années ou peut-être depuis quelques minutes, mais aussi les petits flirts et les vérités cachées derrière ses blagues ont eu du succès parmi ses lecteurs. Ecoutons Iv réciter une de ses poésies : « J’ai grand besoin de ne pas te connaître / Je ne veux pas savoir quelle musique tu écoutes / je ne veux pas connaître le nom de ton lycée / Je ne veux pas que tu me dises comment tu t’appelles / Je ne veux pas t’entendre remplir ma couverture piquée de ton souffle / ni comprendre les divergences entre tes deux seins, / ni les volutes de tes sourcils inégalement arqués. / Ne me fais pas de clins d’œil, s’il te plaît / je pourrais brusquement tout comprendre sur toi / n’enlève pas ton maquillage, ne défais pas tes cheveux / ne me montre pas les taches de rousseur sur tes épaules / ne te chatouille pas, ne rougis pas, ne sois pas molle et tiède / ne t’endors pas sur mes genoux / je ne veux pas savoir comment tu dors / je veux pouvoir m’éprendre de toi à nouveau demain ».


    Il dit qu’il ne sait même pas s’il est poète ou non, il a éludé, d’une certaine façon, la critique littéraire, bien qu’il sache que c’est aux critiques de valider la valeur d’une oeuvre. Il a brûlé cette étape et s’est jeté directement dans la mer, dans les griffes des lecteurs. « Je ne suis pas un technicien de la poésie, en fait je ne sais pas si je suis ou non poète. Je suis quelqu’un qui observe certaines choses chez les autres, pour leur appliquer ensuite sa propre grille et les faire passer par sa propre sensibilité, afin de les redonner aux gens. C’est pourquoi ils se réjouissent et s’y reconnaissent et font réverbérer les mots. Ils vibrent, parce que tout ce que je fais vient en fait d’eux. Des fois, les gens trouvent mes vers surprenants; la fin de mes poèmes ou ce qui se passe dans la ligne suivante les étonne. »


    Oana Velant est l’éditeur qui a parié sur Iv. Elle a sorti deux livres magnifiquement illustrés par Valentin Petridean, ami et « coéquipier » d’Iv. Les deux mille exemplaires de recueil « Versez » (Je rime), le premier livre du poète invisible, se sont vendus beaucoup plus vite que l’on ne s’y attendait. Le tirage du deuxième livre, « Uibesc » (J’iame) — récemment sorti dans les librairies est en train de s’épuiser. Le choix de Oana Velant est surprenant. D’où lui est venu le courage de publier les vers d’un personnage fictif? Oana dit que cela a été plutôt une décision émotionnelle. « Nous l’avons rencontré sur Facebook, tout simplement; sa façon d’écrire, son style optimiste et son ton badin nous ont beaucoup plu. Il nous a semblé être une voix à part dans la poésie roumaine contemporaine. Moi, du moins, je ne connais personne qui écrive de la sorte et qui réussisse à attirer autour de lui toute une communauté, gagner un si grand nombre de fans et se réjouir en écrivant. C’est une qualité incroyable: il réussit à réunir tous ce gens et les rendre heureux chaque jour. Pour la critique roumaine, Iv le Naïf est une voix bizarre. Nous sommes habitués à la poésie tirant son origine des tragédies, des problèmes, des tristesses, de la mélancolie. Chez Iv, elle prend sa source dans une zone beaucoup plus lumineuse. Et ils sont nombreux, les critiques ne savent pas où le classer. »


    Il est vrai que tout le monde connaît Iv. Les femmes disent qu’il est leur dose quotidienne de naïveté. « J’ai entendu pour la première fois parler d’Iv le Naïf l’année dernière chez une amie, qui était heureuse d’avoir enfin découvert un poète contemporain à son goût. A présent j’ai même un poème préféré: Avant d’aller au lit”. Son nouveau livre, je n’ai pas encore pu l’acheter, mais il est sur la liste. »


    Pour les hommes, Iv est quelqu’un dont ils ne peuvent pas se défaire. « Iv le Naïf… Oui, ma femme me montre chaque jour des poèmes de lui. Son site est très bon comme source d’inspiration pour les ingénieries en expression verbale. »


    On dirait que, 3 ans après le lancement de son premier livre, Iv peut se réjouir des fruits de sa notoriété. Pourtant, il ne se montre même pas à ses lancements de livre fabuleux. « Ces soirées-là ne sont pas pour moi — dit le poète invisible — elles sont pour le public. J’y envoie Vali ». Vali Petridean dit que, lors du lancement du premier livre de son ami, il ne s’est pas rendu compte de l’ampleur du phénomène « Iv le Naïf », mais il s’est senti comme le détenteur d’un grand secret. « Je me suis rendu compte que je connaissais Zorro. J’étais le seul à le connaître, le seul qui pouvait savoir combien les gens se trompaient et combien ils avaient raison quand ils parlaient d’Iv. Ils parlent de la personnalité d’ Iv en ligne et je pense qu’ils la perçoivent à leur gré, ils se l’imaginent exactement comme il la souhaitent et ils ont raison. »


    Pourquoi Iv ne vient-il jamais au lancement de ses propres volumes, pourquoi choisit-il de rester anonyme et de ne pas avoir l’occasion de donner des autographes à ses fans, hommes et surtout femmes ? « Une des raisons pour lesquelles je ne veux pas publier sous mon nom réel et pour laquelle j’aimerais rester un personnage fictif, c’est exactement mon désir de fuir la célébrité. A mon sens, la célébrité implique de bonnes choses, mais aussi certains aspects moins beaux, qui déforment les gens. Et moi, je ne veux pas qu’elle me déforme, je veux rester le même. J’incite les gens à lire ce que je fais, à ne se demander que très peu qui je suis et à se réjouir de ce que je fais. « C’est l’œuvre qui compte et non pas l’auteur », disait le grand critique littéraire roumain Titu Maiorescu et je crois fortement en ce raisonnement. »


    Ivcelnaiv.ro, c’est le site où vous vous pouvez abonner à une dose quotidienne de poésie très sympa. Connectez-vous donc au blog d’Iv et vous allez recevoir un message dont le titre est « Heureux que tu te sois abonné » et dans lequel Iv le naïf écrit : « Tu verras, tout ira bien / parce que tu t’es abonné ».


    (Trad. : Alex Diaconescu, Dominique)

  • Le Musée roumain de la BD

    Le Musée roumain de la BD

    Le Musée de la BD est un projet d’auteur portant la signature de l’artiste Alexandru Ciubotariu. C’est le 16 juin 2011 que ce projet mis en place par l’Institut culturel roumain de Bucarest et le Musée d’art contemporain a vu le jour grâce au soutien du réseau européen des Instituts culturels nationaux, EUNIC, du Centre belge de la BD, en partenariat avec l’Association des bédéphiles de Roumanie.



    Ouvert dans un premier temps au IVe étage du Musée d’Art Contemporain de la capitale, le musée a proposé au public deux espaces d’expositions simultanées, une médiathèque, une salle de débats et une autre consacrée aux ateliers. Il a accueilli plusieurs conférences sur les différentes représentations visuelles de nature graphique (caricatures, animations, illustrations), des débats en présence de plusieurs auteurs et éditeurs, ateliers de création, lancements de livre, projections de film et concerts.



    Invité au micro de RRI, Alexandru Ciubotariu nous parle de sa passion pour la BD, d’où le souhait de doter la Roumanie d’un musée permanent consacré à cet art : « J’ai suivi les cours d’un lycée d’art où l’on m’a dissuadé de lire ou de réaliser de la bande dessinée, considérée comme quelque chose de puéril et qui s’adresse exclusivement aux enfants. Pourtant, je me suis rendu compte qu’il n’en est pas ainsi. La BD s’adresse à tous les âges et à tous les goûts, dans une forme accessible à tout le monde. C’est un art qui mérite bien d’être découvert. Je tâche d’organiser des expositions, des rencontres avec les auteurs ou des ateliers, de faire des albums. Et j’espère que dans 15 ou 20 ans, elle aura sa propre place : un musée de la BD. Pour moi, c’est une période d’accumulation, car il y a encore tellement de choses à découvrir. »



    Ouvert en été 2011 pour offrir aux Bucarestois et aux touristes l’occasion d’une sortie estivale mettant ensemble loisirs et culture, le musée proprement – dit a fermé ses portes le 16 octobre. Toutefois, il continue à fonctionner comme un musée itinérant, en organisant toute sorte d’événements, annoncés sur son site muzeulbd.ro . Ainsi, pour ceux d’entre vous épris de BD, la Bibliothèque Nationale de la capitale accueille-t-elle jusqu’en mars 2014 l’exposition « l’Art de la Bande dessinée ».



    Un projet qui se propose de présenter au public les cent ans d’histoire de la BD roumaine à travers un documentaire qui incorpore les créations de quelque 70 dessinateurs roumains : « Notre projet fait halte aujourd’hui dans un endroit des plus propices à une métamorphose spatiale : la Bibliothèque nationale de la Roumanie. […] L’exposition que nous proposons d’étaler devant un public spécialisé mais aussi non-avisé, les facettes du 9e art, comme l’appellent les spécialiste : la bande dessinée. » – écrit Alexandru Ciubotariu sur le site du musée. « J’ai tenté d’enrichir cette exposition en présentant un peu le travail d’un auteur de bandes dessinées. Car la BD est loin d’être un art puéril — comme on me disait quand j’étais au lycée. Au contraire, c’est un travail extrêmement laborieux, depuis le scénario ou l’adaptation d’une histoire jusqu’aux connaissances d’anatomie, aux notions de narration visuelle et peut-être même de quelques éléments d’imprimerie, qui influencent l’art de l’illustration. L’exposition vous fait découvrir tous ces aspects et ce laboratoire réalisé par une seule personne pour créer un livre de bandes dessinées, qui peut constituer une surprise pour le public avisé ou moins avisé. »



    Au fil des années, la BD roumaine a traversé différentes étapes. Au début, elle a fait rire, ensuite, elle a embrassé le militantisme éducatif et culturel pour finir par servir au militantisme idéologique et doctrinaire communiste avant de regagner son indépendance et la liberté d’expression dans les années ’90. A l’heure où l’on parle, en Roumanie, il n’y a qu’une seule publication professionnelle consacrée à la bande dessinée, à savoir la revue « Harap Alb continue ».



    « Nous souhaitons retracer l’évolution de notre super-héros de conte de fées dans l’imagination des artistes pendant plus d’un siècle d’histoire » — écrivent les initiateurs dans la présentation de la revue. « Harap Alb ne cède en rien aux super-héros américains. Seulement, il est resté trop longtemps endormi. Il faut qu’il se réveille. « Harap Alb » continue, il se réinvente, il vit dans le présent, illustré dans le style des BD Marvel/DC Comics. Une tentative d’éveiller au sein des générations actuelles le sens de l’aventure présent dans les contes roumains. »



    La revue en est arrivée à son 8ème numéro et recense déjà 70 milles fans. Elle paraît tous les deux mois et comporte 40 pages en couleurs. En plus, grâce à une application androïde, les possesseurs de smart-phones peuvent télécharger gratuitement le premier numéro de la revue. Les réalisateurs de cette publication souhaiteront lancer d’autres titres aussi bien sur le marché roumain qu’à l’étranger. (trad.: Ioana Stăncescu, Dominique)