Category: L’Encyclopédie de RRI

  • L’histoire de la ville de Bistrita

    L’histoire de la ville de Bistrita

    En effet, le nord de la Transylvanie, où se trouve aussi la ville de Bistrita, a été semble-t-il colonisé par des Allemands venus de la région du Luxembourg d’aujourd’hui, à compter du 13e siècle. C’est ce que témoignent les premiers documents attestant l’existence de la ville, nous fait savoir l’historien de l’art Vasile Duda. « Ce fut le 2 avril 1241, durant la grande invasion tartare qui avait détruit une grande partie de la Transylvanie et de toute l’Europe de l’Est, que cette localité est mentionnée avec le nom de Nosa. Et ce nom semble être lié à d’autres localités de la région du Luxembourg, renforçant ainsi l’hypothèse que les premiers colons avaient donné à leur agglomération un nom de leur région d’origine. Plus tard, le 16 juillet 1264, un autre document atteste le nom actuel de Bistrita, un nom emprunté probablement à la rivière qui traverse la région. L’origine de ce mot est slave, provenant de « bâstro » c’est-à-dire rapide. Le statut de ville, Bistrita l’obtient en 1330 lorsque le roi Charles Robert d’Anjou accorde aux habitants de la localité le droit d’élire librement leur juge et leurs jurés. Il s’agit de droits réservés aux villes. Sous la maison d’Anjou, en 1353, la ville reçoit aussi d’autres privilèges, parmi lesquels le droit d’organiser une grande foire qui commençait à la Saint Barthélemy, le 24 août, pour s’étendre le long de deux ou trois semaines. C’était la foire la plus importante de la région et c’est d’ailleurs elle qui assurait une grande partie de ses revenus jusqu’au début de l’époque moderne. »

    A compter de 1465, d’amples travaux de fortification commencent à Bistrita, qui est entourée d’une muraille, de tours et de trois portes dotées de pont-levis et défendues par des fossés. Bistrita est devenue ainsi une des puissantes citadelles fortifiées de Transylvanie, mais aussi une des villes les plus belles, fait savoir le même Vasile Duda. « Vers 1564, un voyageur italien en Transylvanie a essayé de présenter brièvement les villes et les fortifications qu’il avait visitées. Et il disait « Sibiu est la plus forte, Cluj est la plus populaire et Bistrita, la plus belle ». La ville a connu son apogée au XVIe siècle et cela signifie qu’il existe de nombreux monuments construits à la fin du XVe siècle et au début du XVIe. Parmi eux, mentionnons l’église de la place centrale, un ancien lieu de culte catholique de rite grec, devenue évangélique en 1543, ayant la tour la plus haute de Transylvanie. Je mentionnerais aussi l’ancienne église de l’abbaye franciscaine, une construction du XIIIe siècle, devenue au XIXe siècle église catholique de rite grec et qui est orthodoxe de nos jours. Il s’agit d’une des constructions les plus anciennes de la ville, érigée en 1290. J’ajouterais aussi le complexe Sugălete, la série la plus longue de maisons médiévales avec des arches au rez-de-chaussée, érigé en 1480. Il y a aussi la maison Ion Zidaru qui date de 1480 – 1520 et qui a une histoire particulièrement intéressante. »

    Et c’est également de cette période fleurissante pour Bistrita, à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance que datent les armoiries de la ville : une autruche avec un fer à cheval dans son bec. Ce symbole a été offert à la ville par le roi Louis d’Anjou en 1366, et d’ailleurs il se retrouvait sur les armoiries privées de la famille d’Anjou. Détails avec l’historien de l’art Vasile Duda. « Quelle est l’histoire de ce symbole ? Eh bien, il parait qu’au Moyen Âge, soit aux XIIIe et XIVe siècles en Europe Occidentale, l’autruche était présentée comme l’oiseau le plus puissant, capable de digérer même le fer et d’avaler n’importe quoi. Cet oiseau a été utilisé par la famille d’Anjou lorsqu’elle a revendiqué le trône de la Hongrie pour entrer ainsi en conflit avec les nobles hongrois au sujet du contrôle du pays. C’est pourquoi l’autruche est devenue un symbole de la royauté en Transylvanie et en Hongrie, figurant sur les armoiries des villes. Grâce à cette capacité présumée de l’oiseau de digérer le fer, l’autruche a également été associée aux artisans qui transformaient le métal. »

    La présence de l’autruche sur les armoiries de la ville de Bistrita est donc étroitement liée à la guilde des forgerons, une des plus importantes associations de ce genre de toute la Transylvanie.

  • L’histoire de la périphérie bucarestoise

    L’histoire de la périphérie bucarestoise

    Développé en tant que ville marchande autour de l’actuel centre historique symbolisé par la rue Lipscani, Bucarest s’étendait initialement vers le sud, sur les rives de la Dâmboviţa, au-delà de la colline de l’église métropolitaine. L’extension de la future capitale roumaine a ensuite continué à travers les siècles, vers tous les points cardinaux. L’administration ne s’est pas préoccupée de la réglementation du régime des constructions qui se multipliaient à la périphérie pour accueillir des membres des couches sociales moins aisées. Et pourtant, vers la fin du 19 siècle, quelques actes normatifs, qui cherchaient à y mettre de l’ordre, sont adoptés notamment pour imposer une série de normes d’hygiène publique.

    L’application de normes d’urbanisme dans ces endroits a été longtemps ignorée, affirme l’architecte Irina Calotă, auteure du livre « Au-delà du centre. Politiques du logement à Bucarest (1910 – 1944) » « Tout au long du 19e siècle, la ville s’est confrontée au problème de l’élargissement au-delà de ses confins. Malgré une certaine limite administrative, la ville ne faisait que s’étendre. Il y avait une différence très claire entre les confins administratives et les celles d’un tissu qui se construisait constamment. En l’absence des fortifications que possédaient d’autres villes européennes, Bucarest tentait d’imposer un autre genre de borne physique : un boulevard périphérique. Il fut suivi par un boulevard périphérique doublé d’une esplanade dont le but était le même : empêcher que la ville se développe au-delà de ses limites. Mais pourquoi ces initiatives étaient-elles nécessaires ? Eh bien, l’administration voulait se concentrer sur le développement et sur la modernisation du centre-ville alors que la périphérie devait attendre des interventions ultérieures, lorsque le budget de la ville aurait pu couvrir un tel investissement. Bref, les autorités ne faisaient qu’ignorer la situation. »

    Après 1890, cette mentalité commence à changer, tandis que la ville s’étend massivement vers le nord et puis vers l’est. En fait, 1895 marque le début de la réglementation d’une périphérie bucarestoise durant le mandat du maire Nicolae Filipescu. Ce fut lui qui décida d’inclure dans la ville les villages avoisinants, collés de toute façon à la capitale, pour qu’ils respectent également les réglementations d’urbanisme en vigueur à l’époque. D’ailleurs, les normes ne font plus aucune différence entre le centre et la périphérie et les règles concernant l’alignement des immeubles et la délimitation des propriétés s’appliquent désormais à la ville entière.

    La réglementation et l’administration de la périphérie s’intensifient après la Première Guerre Mondiale et le premier plan d’aménagement de la ville, précurseur du Plan d’urbanisme général d’aujourd’hui, est adopté en 1921. Il concernait notamment la périphérie, soit tous les quartiers qui se développaient au-delà du centre-ville. L’architecte Irina Calotă explique : « De larges superficies de terrain existaient aux confins de la ville et jusqu’en 1928 les règlements ne visaient point l’emplacement des maisons sur la propriété. Cet aspect a toujours été lié à des pratiques vernaculaires. Autrement dit, c’était une tradition issue du monde rural. Ces propriétés de grandes dimensions étaient souvent partagées en lots plus petits pour aboutir à des propriétés longues et étroites. C’est pourquoi, les immeubles étaient, eux aussi, longs et étroits. Les maisons avaient une seule pièce avec vue sur la rue et une entrée sur un côté. Selon les besoins du propriétaire, la maison subissait des modifications et des élargissements successifs vers l’intérieur de la propriété, pour générer ce que l’on appelle de nos jours « maisons wagon », spécifiques pour la ville de Bucarest. »

    Hormis Nicolae Filipescu, un autre maire très important a été Vintilă Brătianu, explique Irina Calotă. « Durant la première décennie du 20e siècle, Vintilă Brătianu démarre et mène à bien des travaux publics et met sur pied des services communaux à la périphérie bucarestoise. Ce fut toujours durant son mandat de maire qu’a été fondée la maison communale, celle qui à partir de 1910 allait s’appeler la Société communale des habitations à loyer modéré, la première société publique destinée à la construction d’immeubles sociaux. L’administration de la ville avait compris un autre aspect : les simples mesures interdisant certaines habitudes dans le domaine du bâtiment ne suffisaient pas. Afin de résoudre les problèmes de logement, la mairie devait s’impliquer activement dans la construction d’habitations. »

    La société communale d’habitations à loyer modéré a fonctionné notamment en tant que société qui accordait des crédits immobiliers aux personnes aux revenus modestes, des ouvriers et des fonctionnaires publics. Entre temps, ladite société est arrivée à construire des quartiers entiers, conçus selon des règles d’urbanisme claires et conformément à une architecture unitaire. Ces maisons existent toujours à Bucarest dans les quartiers Drumul Sării, Vatra Luminoasă, Lacul Tei, soit des zones qui se trouvaient jadis dans la banlieue et qui sont actuellement des quartiers chic, très appréciés pour leur beauté.

  • Le parc Romanescu de Craiova

    Le parc Romanescu de Craiova

    Son histoire est intimement liée à la famille de boyards Bibescu-Ştirbey, dont deux représentants sont montés sur le trône de la Valachie. Au XIXe siècle, le terrain de l’actuel parc, situé à la sortie de la ville, appartenait à Iancu Ioan Bibescu, grand dignitaire à la chancellerie valaque. Il y avait fait aménager un jardin, parsemé de bancs et de pavillons. Puisque les habitants de Craiova pouvaient s’y promener à leur gré, cet espace servit donc de jardin public aussi.L’idée d’y aménager un parc est donc apparue tout naturellement au début du 20e siècle, lorsque le maire de la ville de Craiova, Nicolae Romanescu, décida de fonder un parc conçu selon un projet primé de la médaille d’or de l’Exposition internationale de Paris en 1900.

    Le projet appartenait au grand architecte paysagiste Edouard Redont, auteur du projet du parc Carol Ier de Bucarest en 1906. Edouard Redont a également gardé quelques traces que la famille Bibescu avait laissées sur les lieux, explique le paysagiste Alexandru Mexi : « La maison Bibescu se trouve toujours dans le parc, à proximité du Jardin Zoologique, qui avait été créé à la même époque. Il ne s’agit pas d’une intervention ultérieure, puisqu’il existe des documents d’époque et des plans relatifs à un enclos des loups, ainsi que sur la manière dont celui-ci devait être construit. Le terrain sur lequel le parc s’étend aujourd’hui était à l’époque une propriété privée, mais certains lopins de terre n’appartenaient à personne. En fait, des caravanes de roms nomades s’installaient le long du ruisseau Valea Fetei, la Vallée de la fille, rendant ce terrain insalubre. Edouard Redont a publié en 1904 un livre appelé « Parc Bibesco », dans lequel il présente en détail toutes les interventions que le parc avait subies. Tout un chapitre est dédié au jardin qui y existait avant l’aménagement de l’actuel parc Romanescu, expliquant le contexte qui avait mené à son apparition. La principale raison a de la création de ce parc était été celle de nettoyer la zone. »

    Au cours des travaux d’aménagement du jardin, qui a porté initialement le nom de Bibescu, Edouard Redont a collaboré avec un autre paysagiste étranger, Jean Ernest, et leur vision transposée sur les lieux resta inchangée jusqu’à nos jours, raconte Alexandru Mexi : « Le parc Romanescu est probablement l’unique jardin public du sud de la Roumanie, sinon de Roumanie, aménagé dans un style purement romantique. Ce style apparut d’abord en Angleterre, vers la fin du 18e siècle et il est répandu uniquement à travers les jardins privés. Vers le début du 19e siècle, il fut adopté aussi par les jardins publics, lorsqu’un véritable phénomène de la création de parcs publics est né. Puis, il est adopté par les Français aussi, qui modifient ce style qui atteint ainsi son apogée. A son tour, Edouard Redont, paysagiste formé en France, élève d’un autre grand paysagiste – Edouard André – est devenu lui aussi adepte du style romantique français qu’il allait utiliser pour le parc Romanescu. Dans le cas des jardins et des parcs, le style romantique présente quelques caractéristiques spécifiques, dont la plus connue est « la nostalgie des ruines ».

    Et le parc Romanescu n’y fait pas exception, puisqu’il possède quelques fausses ruines. L’exemple le plus éloquent est le château d’eau, appelé actuellement le château magique. S’y ajoute le pont aux chaines qui relie les deux rives du ruisseau Valea Fetei. Hormis ces constructions en fausse ruine, il existe aussi de constructions à architecture roumaine traditionnelle, à savoir : la maison du jardinier, l’ancien restaurant et plusieurs pavillons et kiosques ». La végétation du parc a également été alignée aux exigences du même style, explique Alexandru Mexi : « La végétation, typique du style romantique français, est exotique. Rien qu’un exemple : le cyprès chauve, arbre planté au début du 20e siècle, est très beau de nos jours encore. Il n’est pas spécifique pour le sud de la Roumanie, mais à l’époque, il s’inscrivait dans une mode apparue en France et en Espagne et c’est pourquoi il fut acclimaté en Roumanie aussi, y compris dans le parc Cismigiu de Bucarest. Le parc préserve aussi quelques exemples de la végétation d’origine avec quelques vieux tilleuls, mais aussi des frênes et des hêtres qui bordent les étangs longeant le cours du ruisseau Valea Fetei… Malheureusement ces arbres ont commencé à disparaître à cause de l’intervention humaine. Les tranchées creusées près de leurs racines pour installer des câbles, ainsi que d’autres chantiers ont tassé la terre autour d’eux et même endommagé leurs racines. »

    De nos jours encore, les visiteurs peuvent toujours admirer le projet d’origine d’Edouard Redont, tout comme l’ont fait les habitants de Craiova en 1903, lors de l’inauguration officielle du parc, qui s’est déroulée en présence du Roi Carol Ier et de la reine Elisabeth. (Trad. Alex Diaconescu)

  • Le quartier Uranus de Bucarest

    Le quartier Uranus de Bucarest

    Le plus regretté par les habitants de la capitale, le quartier Uranus a été démoli pour faire de la place à l’actuel Palais du Parlement et aux bâtiments adjacents. Ce périmètre comprenait plusieurs quartiers de petites dimensions qui faisaient partie de la vieille ville de Bucarest, situé au sud de la rivière Dâmboviţa. C’est ici, soit vers les collines du sud-ouest de la Capitale, que la ville s’est étendue depuis la zone du palais princier et du Centre historique d’aujourd’hui. Ce fut une zone propice à la construction de bâtiments officiels, vu qu’au 18e siècle, le sommet d’une des collines a été choisi pour y ériger une nouvelle Cour princière. Celle-ci a été malheureusement détruite par un incendie et des bâtiments militaires ont été construits à sa place. La plus importante construction de ce genre a été l’Arsenal de l’armée, érigé après 1863. C’est pourquoi cette colline, appelée Dealul Spirii (la Colline de Spirea), fut rebaptisée la Colline de l’arsenal. C’est ici qu’est né le quartier Uranus, déjà esquissé sur un plan détaillé de la ville de Bucarest datant de 1847.



    A l’époque, les constructions occupaient la moitié Est du périmètre, alors que l’autre moitié était toujours couverte de vignes. Passionné par les reconstructions digitales, mais aussi par l’histoire de la capitale, l’architecte Costin Gheorghe évoque l’histoire du quartier Uranus. « Les maisons sont apparues, pour la première fois, éparpillées au milieu des vignes, souvent les rues étaient sans issue. L’architecture était celle de la région de Valachie, avec des fondations en pierre, un rez-de-chaussée surélevé et un étage. Les maisons étaient construites soit en torchis soit en briques et leur aspect extérieur était similaire, étant presque toutes munies d’une véranda. Le quartier s’est fortement développé après 1900 et des bâtiments de style néo-roumain sont apparus pendant l’entre-deux guerres, sur des terrains encore non construit. Plusieurs véritables joyaux de l’architecture néo-roumaine n’ont fait que compléter le quartier. »



    Voici donc une association simple, mais caractéristique pour une ville tellement riche en contrastes que Bucarest : des maisons respectueuses de l’architecture rurale cohabitaient avec des villas plus ou moins somptueuses, dans des faubourgs qui, avec leurs propres magasins, troquets et cinémas, étaient de véritables villes dans la ville. Le quartier a préservé son aspect jusqu’à la fin des années 1970, lorsque les premières rumeurs relatives à d’éventuelles démolitions se font entendre. Costin Gheorghe : « Vers la fin des années 1970 et notamment après le tremblement de terre de 1977, la réorganisation de la ville a été amplement évoquée. Le premier concours de projets a été lancé vers 1979. Des dizaines de projets visant à systématiser le quartier furent imaginés et les premières démolitions ont démarré au début des années 1980. Tout ce qui était construit sur la Colline de l’Arsenal a été démoli et nivelé, pour faire de la place au sous-sol de la Maison du people. Les communiqués officiels parlaient d’une initiative qui visait à nettoyer la zone, à la rendre plus salubre et plus unitaire. En fait, les autorités de l’époque ont essayé d’effacer carrément l’histoire et la spécificité des lieux, qui étaient le noyau de la ville. Une nouvelle ville devrait être érigée sur les ruines de la Capitale. »



    La systématisation du vieux quartier était centrée sur l’actuel palais du Parlement, mais aussi sur d’autres bâtiments officiels et immeubles à plusieurs étages qui entouraient cette construction monumentale, formant un ensemble unitaire. S’y ajoute le prolongement de plusieurs boulevards avoisinants, les chantiers allant continuer après 1989 aussi. La systématisation a impliqué la démolition totale de toutes les constructions existantes sur un rayon de plusieurs kilomètres et le déménagement des habitants dans d’autres quartiers. Ces gens perdaient ainsi non seulement leurs maisons familiales, mais aussi leurs racines. Détails avec Costin Gheorghe :« L’ancien Arsenal de l’Armée se trouvait sur l’emplacement actuel de l’aile du Palais du Parlement qui accueille le siège du Musée d’art contemporain de Roumanie. Un autre monument remarquable a été l’église Spirea Veche, qui se trouvait là où l’on a aménagé le parking du Sénat. Quatre autres églises ont été démolies et une autre a été déplacée. Du monastère Mihai Voda, situé sur le terrain occupé actuellement par le parc Izvor, seule l’église et le clocher ont survécu, étant déplacés derrière les ministères de la place Constitutiei. Plusieurs établissements scolaires à l’architecture néo-roumaine ont également été démolis, comme ce fut le cas de l’école Romanescu. La Maison du Peuple proprement-dite, l’actuel Palais du Parlement, n’a pas nécessité la démolition de trop d’immeubles particuliers, parce qu’elle a été érigée sur l’emplacement de l’ancien Arsenal, où il n’y avait pas beaucoup de constructions. Très peu de rues de l’ancien quartier Uranus se trouvent sous le Palais. Par exemple, la fabrique de pain Steagul Rosu (le Drapeau rouge) se trouvait au coin nord-ouest. Le vieux visage du quartier Uranus a récemment été refait par un projet initié par Costin Gheorghe et appelé « Bonnes salutations depuis Uranus ».



    Il s’agit d’une exposition virtuelle de photographies d’époque et de dessins réalisées par un ancien habitant du quartier – Traian Badulescu Senior. C’est grâce à lui et à cette reconstruction numérique que le quartier Uranus peut être découvert par les jeunes générations. (Trad.Alex Diaconescu)

  • Les petites boutiques de Bucarest

    Les petites boutiques de Bucarest

    Au cours de l’histoire, une architecture commerciale spécifique a apparu dans la zone, toujours visible dans le cas de certains bâtiments qui ont perduré. L’historienne de l’art Oana Marinache présente quelques-unes des particularités de ces petites boutiques. Ecoutons-la : « Il y a des caves très profondes dont certaines datent des XVIIème et XVIIIème siècles, au dessus desquelles des constructions successives se sont superposées au fil du temps. Pas une d’entre-elles n’existe comme telle depuis le XIXeme siècle ou depuis la seconde moitié du XVIIIeme siècle. Les bâtiments gardent dans leurs profondeurs les traces de plusieurs étapes de construction qui datent, peut-être, de différentes époques. Au début, ils n’avaient probablement qu’une cave et un rez-de-chaussée où l’on commercialisait des produits divers. Toutefois, les générations suivantes, des familles entières de commerçants qui y ont vécu depuis le XIXème siècle jusqu’au XXème siècle, ont considéré qu’il fallait s’étendre à la verticale et ont ajouté un étage ou deux. Les espaces situés à l’étage étaient destinés plutôt à l’habitation, servant soit à la famille du marchand, soit aux éventuels locataires. Cela était le cas aussi lorsque des bureaux ou des comptoirs étaient aménagés à l’étage ou étaient loués par des personnes qui y déroulaient leurs activités commerciales. »



    Avec le temps, surtout grâce à l’accélération du processus de modernisation qui a débuté pendant la seconde moitié du XIXème siècle, l’activité commerciale de la ville s’est intensifiée elle aussi. Plusieurs magasins ont apparu et soit car l’espace était très étroit, soit à cause du fait que le terrain était divisé en parcelles pour chacun des héritiers, les bâtiments ont commencé à être très étroits et à se développer surtout à l’horizontale. C’était la situation au centre de la ville, car à la périphérie, où l’on vivait plus près de l’espace rural, les petites boutiques avaient le même aspect de l’architecture vernaculaire spécifique au village. Elles ne différaient pas du tout des maisons de type cabane, des maisons souterraines ou des celles qui avaient une cave.



    Dans les faubourgs, les maisons des marchands avaient parfois, comme dans les villages, un porche et une entrée étroite à l’extérieur de la maison appelée « gârlici », menant à la cave. Pourtant, dans le centre de la ville, il y avait d’autres influences. Oana Marinache nous explique.: « Pratiquement, tout ce que l’on voit aujourd’hui dans la zone date des années d’après le Grand Incendie de 1847. Entre temps, beaucoup d’interventions ont eu lieu, surtout pendant la seconde moitié du XIXème siècle. Le contact avec l’extérieur et notamment avec les centres commerciaux où l’on parlait l’allemand (les foires de Braşov, de Sibiu et même de Vienne), va changer radicalement l’aspect esthétique des bâtiments. Progressivement, certains commerçants, surtout ceux appartenant à la classe moyenne ou à celle aisée, dont beaucoup d’origine juive, ont pu se permettre de se faire construire des magasins universels. Ces derniers étaient, en quelque sorte, les correspondants des magasins de Vienne ou de Paris, avec une grande variété de produits. Un des magasins de luxe, fréquenté plutôt par les femmes de Bucarest, s’appelait « Au bon goût ». La plupart des magasins portaient des noms empruntés à l’espace français, des noms de marques très appréciées à l’étranger. Ce magasin, « Au bon goût », appartenait à des commerçants juifs. Parmi les actes de propriétés de l’époque, on en a trouvé un, portant le nom d’un certain monsieur Ascher. En tenant le pas avec l’architecture des édifices à destination commerciale de l’époque, celui-ci a employé l’architecte Filip Xenopol pour la construction d’un des immeubles les plus grands du Vieux Centre, situé entre les rues de Lipscani et de Stavropoleos. C’est là que se trouvait autrefois le siège de la banque de la famille Chrisovelloni, et qui abrite de nos jours la Banque Nationale. Pratiquement, l’immeuble a perduré jusqu’aux années 1924-1925, et le magasin est resté un des plus grands de l’époque. »



    Les quelques auberges bucarestoises d’antan, aussi célèbres que les magasins, qui ont survécu jusqu’à nos jours, ont une architecture assez différente de celle originelle, affirme l’historienne de l’art Oana Marinache: « Sans doute, beaucoup de personnes ont visité le Centre Culturel ARCUB, où se trouvait autrefois l’auberge de Hagi Tudorache, ou bien ont pu boire des rafraîchissements à Hanul cu Tei, « L’auberge aux tilleuls ». Autant d’exemples d’architecture commerciale remontant au début du XIXeme siècle, même si à travers le temps ces auberges ont subi plusieurs interventions, surtout au XXème siècle. Et on ne saurait oublier de mentionner Hanul lui Manuc, « L’auberge de Manuc », peut-être le lieu le plus visité du Vieux Centre, dont la restauration a gardé l’esprit de l’architecture du début du XIXème siècle. » (trad. Nadine Vladescu)

  • Le jardin de Cismigiu

    Le jardin de Cismigiu

    Situé à proximité des rives de la Dâmboviţa, du bâtiment de la Mairie générale, de la Faculté de Droit, carrément collé au Lycée Gheorghe Lazăr, le jardin de Cişmigiu n’était pas à l’origine l’oasis d’élégance et de détente qu’il est aujourd’hui. D’ailleurs, l’endroit précis où se trouve ce parc était un marais insalubre plus étendu et connu sous l’appellation de « Jardin ou marais de Dura le Commerçant». A chaque fois que la rivière Dâmboviţa débordait, cet endroit était entièrement inondé.

    Le 10 octobre 1779, Alexandru Ipsilanti, prince régnant de Valachie a ordonné la construction de deux grandes fontaines à Bucarest, pour que la ville puisse s’alimenter en eau potable. La première fontaine a été construite sur l’emplacement actuel du parc de Cişmigiu. Derrière la fontaine, appelée « cişmea », du turc « cesme », le responsable des travaux a fait bâtir une maison où il s’est installé. Il était appelé le grand « Cişmigiu », soit le grand bâtisseur de fontaines. Voilà pourquoi ce jardin s’appelle Cişmigiu. Mais le marais allait être asséché bien plus tard, dans la seconde moitié du 19e siècle, affirme le paysagiste Alexandru Mexi :« Plusieurs plans pour assécher le marais de Cismigiu existaient dès le début du 19e siècle, mais ils n’ont été réalisés que vers 1843. Entre 1843 – 1845, la date exacte n’est pas sûre, et 1852, le jardin est aménagé par un paysagiste étranger : Carl Friedrich Wilhelm Meyer. Ce fut lui qui a aussi aménagé le jardin de Kiseleff. Après Meyer, le parc de Cişmigiu fut réaménagé à plusieurs reprises, avec des modifications radicales vers le début du 20e siècle. C’est de cette époque que datent les principaux repères d’aujourd’hui : le rond romain transformé par la suite en rond des écrivains puisqu’il est formé des bustes de 12 écrivains et personnalités culturelles de Roumanie, la cité en ruine, l’allée aux pergolas et le Jardin japonais.

    Carl Friedrich Wilhelm Meyer meurt prématurément en 1852 et l’aménagement du parc est continué par d’autres architectes et paysagistes, étrangers pour la plupart, qui en ont modifié l’aspect en fonction de la mode de l’époque. Les dimensions du jardin ont également été modifiées, explique Alexandru Mexi : « A l’époque où Meyer avait commencé à aménager le jardin, celui-ci était beaucoup plus large, arrivant jusqu’aux bords de la rivière Dâmboviţa. Vers la fin du 19e siècle, au moment de la construction de l’actuel boulevard Elisabeta (Reine Elisabeth), le jardin a perdu une partie de sa surface. Puis, à la fin du 19e et au début du 20e siècle, le jardin a été élargi vers l’ouest, là où se trouve actuellement la rue Schitu Măgureanu. Puis, vers la moitié du 20e siècle, Cişmigiu a été élargi vers le nord aussi, pour inclure le jardin du palais Kretzulescu. Tous ces élargissements ont supposé la modification du plan original de Meyer. Tout ce qui en reste de nos jours, ce sont les éléments végétaux, tels les sycomores énormes, plantés au centre du jardin. S’y ajoute un frêne qui date de la même époque et qui avoisine le bâtiment de la Mairie de Bucarest. »

    Au fil du temps, le jardin de Cismigiu est devenu un véritable monument d’architecture paysagiste et même un musée en plein air. Il abrite non seulement de très beaux arbres et plantes, mais aussi des œuvres d’art. Parmi elles : deux ponts qui traversent le lac artificiel construit au centre du parc, à savoir le Grand Pont et le Pont aux fausses branches en béton. Et ce ne sont pas les seules constructions artistiques de ce merveilleux endroit de la capitale roumaine, nous assure Alexandru Mexi : « Je mentionnerais entre autres la source d’eau Sissi Stefanidi, le kiosque à musique ou encore le Monument du héros français. Il y a aussi de nombreuses statues à Cişmigiu et, si je me souviens bien, elles sont toutes inscrites au Patrimoine national et sur la liste des monuments classés. Il y en a une vingtaine, notamment des statues érigées dans le parc à différentes époques. Sur la liste des monuments historiques, le parc est classé dans le groupe A, étant lui-même un monument d’importance nationale, voire internationale. Côté plantes, on y retrouve plusieurs arbres séculaires, tels les sycomores déjà mentionnés, ainsi que différents arbres exotiques, alors que d’autres, dont plusieurs châtaignes, figurent parmi les arbres protégés de Bucarest. »

    Notons, pour terminer, que toute intervention sur ce monument historique doit être avalisée par une commission spécialisée. La valeur patrimoniale du jardin de Cişmigiu doit rester intacte, au bénéfice des visiteurs qui parcourent tous les jours les allées de ce joyau d’architecture paysagiste, véritable oasis de verdure au cœur de la capitale roumaine. (Trad. Alex Diaconescu, Valentina Beleavski)

  • Le Musée de l’horloge de Ploiesti

    Le Musée de l’horloge de Ploiesti

    La collection dhorloges, de montres et de dispositifs utilisés pour mesurer le temps, qui remontent, quelques-uns, même au XVIème siècle, a fasciné des générations entières denfants et dadultes. Fondé en 1963 par le professeur dhistoire et habitant de la ville Nicolae Simache, le Musée de lHorloge est une des sections du Musée départemental dhistoire et darchéologie de Prahova et a un patrimoine de plus de 2000 objets. Une présentation de ces horloges, cest aussi, un voyage dans le passé de la Roumanie, daprès les informations que nous a fournies notre interlocutrice Elisabeta Savu, muséographe.



    « Initialement, le patrimoine du musée contenait environ 300 pièces extrêmement importantes. Il contient toujours des pièces du XVIème siècle, des pièces avec un caractère astronomique, une multitude dhorloges de poche et de pendules de cheminée. Ce qui est particulier, cest lexistence des horloges ayant appartenu aux personnalités importantes de lépoque. Par exemple, le musée détient une horloge de table qui date de la moitié du XIXème siècle, travaillée par la marque française Pierre Bally, et qui a appartenu à Alexandru Ioan Cuza, prince régnant de Moldavie et de Valachie. Il sagit dune horloge astronomique qui fonctionnait un mois entier sans devoir être remontée, et qui fonctionne toujours. Nous avons aussi deux horloges qui ont appartenu au roi Carol Ier de Roumanie, deux splendides horloges de poche en or. Parmi les objets exposés dans le musée on retrouve aussi la montre du poète Vasile Alecsandri, celle du diplomate Nicolae Titulescu et celle de lhomme politique et général de la Première Guerre mondiale Alexandru Averescu. Il y a aussi des horloges ayant appartenu aux personnalités étrangères, comme par exemple Alexandre II, le tsar de Russie, qui a visité la ville de Ploieşti en 1877, et le Grand-duc Nicolas, son contemporain. »



    Aujourdhui, lexposition permanente du musée comporte 500 pièces, environ 100 dentre elles étant toujours fonctionnelles. La plupart des horloges datent du XIXème siècle. Beaucoup dentre elles ont des formes et des mécanismes inédits, comme par exemple lhorloge à eau, la plus ancienne horloge exposée, fabriquée à Londres, en 1654, par le célèbre horloger Charles Rayner. Parmi dautres curiosités présentes ici, il y a « lhorloge invisible », qui a un cadran transparent et un mécanisme caché dans la monture, lhorloge « centrale thermique à vapeurs », encadrée dans un parapluie, lhorloge tableau avec des figurines mobiles ou lhorloge cachet. On peut retrouver là-bas aussi des horloges avec des mécanismes musicaux qui jouent lair de « La Marseillaise », « Réveille-toi, Roumain! », lhymne national de la Roumanie, ou des valses de Strauss.



    Le bâtiment qui abrite le Musée de lHorloge a, au-delà de son architecture extrêmement précieuse et attrayante, une histoire digne dêtre mentionnée, selon lhistorien Lucian Vasile.



    « Le Musée de lHorloge a une histoire très intéressante, car il a été construit à peu près à la fin du XIXème siècle par un homme politique conservateur Luca Elefterescu, qui était aussi le préfet du département. Dans les salons du musée avaient lieu les soirées littéraires patronnées par son fondateur. Au début des années 1920, le bâtiment a été vendu à un citoyen britannique, Thomas Masterson, qui était le directeur dune raffinerie de la zone. En 1939, le début de la Deuxième Guerre mondiale a mis Masterson dans une situation assez dangereuse. En tant quofficier en réserve de larmée royale britannique, il a reçu lordre despionner dans la région de la Vallée de la Prahova et sa maison est devenue le lieu de rencontre des espions. Après 1940, une fois que le général Antonescu a pris le pouvoir, Masterson et ses amis ont été arrêtés et avant que les officiers allemands naient le temps dintervenir, ils ont été envoyés en Grande Bretagne par voie diplomatique. La maison reste inoccupée pour très peu de temps, car Alfred Gerstenberg, le colonel allemand chargé de la défense de toute la Vallée de la Prahova, sy installe. Il ne vit pas pour longtemps dans cette maison, car après le 23 août 1944, cest-à-dire après le changement radical dalliances, il a été capturé par larmée roumaine et rendu aux Soviétiques qui lont envoyé en Sibérie jusquen 1955. Il est mort peu après son retour en Allemagne.»



    Après linstauration du régime communiste en Roumanie, limmeuble bâti par lancien préfet Luca Elefterescu a abrité plusieurs institutions. En 1963, le professeur Nicolae Simache a inauguré lexposition « Lhorloge au fil du temps » dans un espace emménagé dans le Palais de la Culture de Ploieşti. Plus tard, le Musée de lHorloge a été créé, qui fonctionne depuis 1972 dans lancienne maison de Luca Elefterescu. (Trad.: Nadine Vlàdescu)

  • L’exploitation de l’or dans l’espace roumain

    L’exploitation de l’or dans l’espace roumain

    Aux côtés d’autres ressources dont la valeur a été comparée à celle du métal précieux, l’or blanc, soit le sel, et l’or noir, soit le pétrole, l’or proprement dit a non seulement constitué une source de richesse pour la population autochtone, mais il a également attiré l’attention des conquérants.

    Les premiers ont été les Romains, qui après avoir conquis la Dacie en 106 av. J.C., ont commencé à organiser plus rigoureusement l’exploitation de l’or dans la région qu’est aujourd’hui la Transylvanie. Cette exploitation se faisait jusque-là d’une manière rudimentaire, car les Daces récoltaient uniquement les sables aurifères et l’or se trouvant dans les alluvions des rivières de montagne des Carpates.

    Radu Lungu, auteur du livre « L’or chez les Roumains », paru à la maison d’édition Paideia, explique ce qui a changé après la conquête romaine : « L’empereur a ordonné la réorganisation de la province Dacia Felix et notamment de la région des Monts Apuseni, là où se trouvaient les richesses aurifères. La XIIe Légion Gemina a été déployée à Apulum, soit la ville d’Alba Iulia d’aujourd’hui, pour assurer le contrôle militaire de la région. Un procurateur spécialisé a été nommé à Ampelum, la ville de Zlatna d’aujourd’hui. Ce procurateur des artisans qui transformaient l’or s’occupait de la surveillance des mines d’or. Les Romains ont commencé à extraire non seulement l’or se trouvant à la surface du sol, mais aussi celui des profondeurs de la terre et procédé à des forages allant jusqu’à 300 mètres de profondeur. Dans le cas des exploitations de surface, ils ont creusé des puits ronds de quelques mètres de diamètre. »

    Les mines aurifères les plus importantes que les Romains ont ouvertes étaient situées dans le soi-disant quadrilatère des Monts Apuseni, bordé par les rivières Aries, Cris Blanc et Mures. Les mines les plus importantes de l’époque romaine se trouvaient à Rosia Montana, Zlatna et Bucium. Par la suite, le centre d’intérêt des Romains s’est déplacé vers le sud-ouest, notamment vers l’actuel comté de Caras-Severin, dans les régions de Banat et d’Olténie. La plupart de l’or et de l’argent extraits des Monts Apuseni était envoyé à Rome.

    Après le retrait de l’administration romaine décidée en 271, les mines d’or ouvertes par les Romains tombent à l’oubli et commencent à se dégrader, explique Radu Lungu : « Au cours des grandes migrations, soit le long d’un millénaire, l’unique moyen d’extraire l’or était le traitement des alluvions portées par les rapides vers les vallées. Sous le Royaume hongrois, les exploitations de l’or connaissent un certain développement, mais leur véritable essor commence après 1700, suite à l’intégration de la Transylvanie au nouvel Empire des Habsbourg. De nouvelles mines sont ouvertes, alors que certaines de celles qui existaient déjà sont ressuscitées. Mais l’intérêt est déplacé de la région d’Abrud et des localités d’Abrud, Zlatna, Roşia Montană, vers une région qui englobait plusieurs vallées : la vallée de l’Ampoi, la Vallée du Cris et la Vallée du Mures. »

    Au cours de la période durant laquelle la Transylvanie a fait partie de l’Empire d’Autriche-Hongrie, une sorte d’industrialisation a également eu lieu puisque les technologies d’extraction et d’exploitation de l’or ont été mises à jour. La main d’œuvre était aussi assez abondante.

    Radu Lungu : « Un grand nombre de mineurs étaient allemands, originaires de Silésie, mais aussi de Slovaquie. Mais les gens des parages étaient aussi assez nombreux. Des mines fiscales, c’est-à-dire des exploitations privées de taille petite et moyenne existaient à l’époque des Habsbourg ainsi que des petites entreprises, dont certaines étaient détenues par des paysans libres et serfs. Ces derniers pouvaient seulement exploiter ces mines, ils bénéficiaient uniquement de l’usufruit des exploitations. »

    Quelle est la quantité d’or que ces mineurs ont extraite au cours des siècles jusqu’à nos jours, durant les grandes périodes d’extraction de l’or : romaine, autrichienne et communiste ? Radu Lungu : « On estime que depuis le début de l’extraction de l’or, la quantité totale d’or s’élèverait à 2200 tonnes, dont 700 kilos durant l’époque romaine. Du IVe siècle au XVIe siècle, la quantité est estimée à 500 mille kilos, et au cours de l’époque du règne des Habsbourg elle a augmenté à 750 mille kilos. Enfin, à l’époque communiste, quelque 200 mille kilos d’or y ont été extraits. Donc la quantité d’or extraite durant la dernière période a considérablement baissé par rapport à l’époque des Habsbourg. Et pourtant elle a toujours été assez importante. »

    A présent, la localité de Rosia Montana, là où l’ancienne mine de l’époque romaine Alburnus Maior fonctionnait toujours, a été déclarée site historique d’importance nationale par le ministère de la Culture. Par conséquent, l’extraction de l’or est à l’heure actuelle complètement interdite. Cette décision a été adoptée pour protéger cette région contre une éventuelle exploitation intensive de l’or par le biais d’une immense mine à ciel ouvert, conformément à un projet qui avait reçu dans un premier temps l’autorisation des autorités. Les controverses reposant sur des arguments d’ordre environnemental, culturels et économiques se poursuivent. (Trad. Alex Diaconescu)

  • Le Ploiesti d’autrefois

    Le Ploiesti d’autrefois

    À 60 km de Bucarest, sur la route vers la Vallée de Prahova, la région montagneuse la plus populaire de Roumanie, se trouve la ville de Ploieşti, la capitale de l’or noir, la ville de Moş Ploaie, le Vieux-Père Pluie, le siège de la première république roumaine, mais aussi… « la plus belle ville moche de Roumanie ». Cette dernière caractérisation se retrouve dans le titre d’un livre qui réunit les mémoires de plusieurs habitants de Ploieşti, ressuscitant le charme d’une ville qui a connu beaucoup de vicissitudes à travers le temps.

    À présent, « Ploieşti peut sembler une ville sans histoire. En fait, elle a eu la malchance d’être en même temps redevable au pétrole et condamnée par l’industrie du pétrole. L’or noir lui a apporté le développement fascinant du début du XXème siècle, mais c’est toujours à cause du pétrole qu’elle a trouvé son anéantissement », affirme l’historien Lucian Vasile, un des initiateurs du volume « Combien une ville moche peut être belle». En fait, l’histoire de Ploieşti n’a pas nécessairement commencé avec les riches gisements de pétrole brut qui se trouvaient à proximité. Comment était la ville de Ploieşti avant l’expansion de l’industrie pétrolière?

    Lucian Vasile répond: « Elle se trouvait au croisement de plusieurs routes commerciales et, par la suite, au XIXème siècle, le commerce a été la principale occupation des habitants de la ville. Et après, avec le développement des voies de communication entre Bucarest et la Transylvanie, Ploiesti est devenu un important nœud ferroviaire et de poste. La Gare du Sud était importante ; tous les chemins de fer qui partaient de Bucarest bifurquaient là et changeaient de route soit vers la Transylvanie, à l’ouest, soit vers la Moldavie, à l’est. Ploiesti, c’était plusieurs villes en une seule. Chacun de ses quartiers périphériques – les « mahalale » – avait sa propre identité.

    De nos jours, ce terme a une connotation péjorative, mais je ne suis pas d’accord avec cela. Les « mahalale » avaient une église dans leur centre et le nom de chacune provenait de cette église-là: la « mahala » de Sainte Vendredi, de Saint Démètre, celle de Saint Elie etc. »Dès la moitié du XIXème siècle, plus précisément après 1857 quand la première distillerie pétrolière y a été créée, une époque de prospérité a commencé pour Ploieşti. À peu près à la même époque, un mouvement antimonarchique a proclamé, en août 1870, la première république roumaine qui a eu la durée de vie de juste… une journée.

    Cela n’a pas empêché la ville de Ploieşti de connaître, au début du XXème siècle, la période la plus florissante de son histoire, visible aussi dans son architecture, selon Lucian Vasile: « Il y a cette compétition assez paisible entre le style néo-roumain et l’architecture moderniste, avec des accents Art déco. Toutefois, les deux tendances ont coexisté et Ploieşti, tout comme Bucarest, s’est fait remarquer par le contraste et la diversité de l’architecture. À coté d’un bâtiment avec des forts accents néo-roumains se trouvait un immeuble plus petit, moderniste, puis il y avait une villa datant du XIXème siècle et près d’elle, un autre bâtiment du style néo-roumain. Ce n’était pas une ville unitaire, mais c’était justement à cause de cela qu’elle avait un charme particulier. C’était une ville avec des ruelles tortueuses, étroites, ce qui était désagréable pour les habitants de cette époque-là. Mais pour nous, aujourd’hui, cela est plutôt pittoresque, fascinant et provoque beaucoup de nostalgie… »

    Tout naturellement, la prospérité a engendré la croissance et la diversification démographique de la ville. Lucian Vasile précise que : « Cette compétition architecturale était aussi un fruit de l’éclectisme démographique. La communauté ethnique la plus grande de la ville était représenté par les Juifs, une communauté dont le nombre a beaucoup diminué aujourd’hui, par comparaison avec la période de l’entre-deux-guerres. À l’époque, les Juifs représentaient environ 5% des habitants de la ville. De même, il y avait des communautés consolidées d’Allemands, d’Italiens, de Hollandais, de Britanniques ou de Français. Au XIXème siècle, surtout, il n’y avait pas beaucoup de spécialistes en Roumanie, dans des domaines tels que les produits pharmaceutiques, l’architecture ou le bâtiment. C’est pour cette raison que beaucoup de Magyars de Transylvanie et beaucoup de Saxons et d’Italiens sont venus ici et ont construit toute une série d’immeubles dans le département de Prahova et dans la ville de Ploieşti. »

    Fortement avariés pendant les bombardements de 1944, beaucoup de bâtiments historiques de Ploieşti n’ont pas été restaurés et les communistes ont préféré les démolir pour moderniser la ville. Cela a fait que Ploieşti soit la première localité systématisée de la Roumanie communiste, son aspect diversifié d’avant ayant été remplacé par l’uniformité stylistique des bâtiments et des immeubles avec des nouvelles habitations. La ville a été ainsi enlaidie, d’après certains. Pourtant, l’esprit d’autrefois des « mahalale » a perduré: les quartiers-dortoirs ont cohabité avec les maisons anciennes, qui ont survécu en même temps que certaines traditions typiques à la périphérie, où le rural rencontrait l’urbain. (trad. Nadine Vladescu)

  • L’exploitation du pétrole en Roumanie

    L’exploitation du pétrole en Roumanie

    Aux côtés de « l’or blanc » (le sel) et de « l’or rouge » (le métal proprement-dit), « l’or noir » (le brut ou le pétrole) a été une ressource particulièrement importante du sous-sol de l’espace roumain, source de progrès, mais aussi d’ennuis au fil de l’histoire. Sur le territoire de la Dacie, les gisements de brut qui se trouvaient au nord du Danube ont été exploités dès l’antiquité. En ces temps-là et plusieurs siècles durant, le principal produit obtenu du brut était le mazout, utilisé surtout pour graisser la flèche des chariots, mais aussi pour le traitement médical de certaines affections ou pour fabriquer les torches à éclairer.

    Les premiers documents qui le mentionnent ont commencé à apparaître depuis le Moyen Age. Les zones où le pétrole est exploité de nos jours en Roumanie y figurent : la Moldavie, dans la région de Bacău, la Valachie, dans le comté de Prahova, aux environs de la ville de Ploieşti. Pour la Valachie, la première mention documentaire du mazout est faite sous le règne du prince Neagoe Basarab en 1517, au sujet d’un village où se trouvait la zone « La Păcuri » (Au Mazout). Quant à la Moldavie, les sources sont encore plus anciennes, affirme Radu Lungu, auteur du livre L’or noir chez les Roumains, publié aux Editions Paideia.

    Radu Lungu : « Des preuves documentaires, pas nécessairement d’exploitation, mais qui mentionnent le mazout, apparaissent en Moldavie en 1440. C’est alors qu’un certain village est mentionné, près de la ville de Moineşti, au département de Bacău, où le pétrole continue d’être exploité. Un autre aspect intéressant concernant la Moldavie, c’est que le prince Dimitrie Cantemir, auteur de la Description de la Moldavie de 1716, fait état des sources de mazout de Moineşti, sur la rivière Trotuşul Sărat. Et c’est toujours sur cette rivière que se trouvent les mines de sel de Târgu Ocna. Il se réfère à ces sources de pétrole mélangé à de l’eau, mentionnant qu’il faudrait séparer l’eau du pétrole ; ainsi, le mazout aurait été plus efficace pour l’éclairage, par exemple. »

    Ces exploitations, appartenant d’habitude aux boyards, aux monastères, au prince régnant, mais aussi aux paysans francs, étaient assez rudimentaires au Moyen Age, précise Radu Lungu : « L’exploitation se faisait avec des moyens rudimentaires. Là où il n’y avait pas de sources ou de gisements en surface, les gens creusaient des puits. A la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle, les paysans, mais aussi ceux des cours des boyards, ont commencé à utiliser le pétrole pour l’éclairage avec des torches ou avec des fûts. A l’intérieur des maisons, il était moins utilisé. C’était surtout un éclairage extérieur, dans les cours ou dans les rues. »

    L’exploitation rudimentaire et l’utilisation limitée du pétrole allaient se terminer dans la seconde moitié du XIXe, l’année 1857 étant considérée celle de naissance de l’industrie pétrolière roumaine.

    Pourquoi cela ? Radu Lungu en sait davantage : «Le fait qu’un des dérivés du pétrole, obtenu par distillation, le pétrole lampant, était approprié pour l’éclairage des villes et des habitations a constitué une découverte. Et dans ce contexte, 1857 est une année intéressante, celle de la création de la première raffinerie ou fabrique de distillation du mazout, dans un quartier de Ploieşti appelé Sf. Dumitru. Un certain M Mehedinţeanu s’est fait cette raffinerie pour distiller le pétrole brut et obtenir du pétrole lampant. Une année auparavant, il avait obtenu l’exclusivité pour approvisionner la capitale en pétrole lampant. En 1857, la ville a commencé à être éclairée au pétrole lampant, et c’était la première ville du monde à être éclairée ainsi. C’est toujours en 1857 que la Roumanie figure dans la première statistique mondiale relative aux exploitations de pétrole, en première position du monde, avec 275 tonnes par an… Ce n’était pas beaucoup, mais la date était importante. »

    Après Bucarest, c’est Iaşi qui allait être la ville suivante éclairée au pétrole lampant, en 1858, puis Vienne, en 1859. En Roumanie, l’exploitation industrielle du pétrole s’est développée, en fait, après 1900. Mais il faut savoir que le brut roumain n’a pas été qu’un élément du développement du pays, il a également constitué un enjeu militaire et stratégique pendant les deux guerres mondiales.

    Radu Lungu explique : « Au moment où la Roumanie entrait en guerre du côté de l’Entente, en 1916, au mois d’août, les Allemands perdaient toutes les ressources européennes de céréales et de pétrole. Une des priorités du grand Commandement stratégique allemand, c’était de conquérir la Roumanie pour récupérer ces ressources. Et ils l’ont fait. Le 6 décembre, ils étaient en Roumanie et ont exploité ces ressources de décembre 1916 jusqu’en 1918. »

    L’Allemagne a manifesté le même intérêt 20 années plus tard, pendant la Deuxième Guerre mondiale. Alliée de l’Allemagne nazie à partir de juin 1941, la Roumanie a subi des pressions pour que toute sa production de brut aille en Allemagne, ce qui est d’ailleurs arrivé à hauteur de 80% pour toute la durée de l’alliance. (Trad. Ligia Mihaiescu)

  • Les résidences transylvaines de la famille des nobles Banffy

    Les résidences transylvaines de la famille des nobles Banffy

    De nombreux châteaux, manoirs et villas, répandus dans toute la Transylvanie et bâtis par les membres des diverses branches de la famille Banffy dès les XVe et XVIe siècles, ont survécu jusqu’à nos jours et font partie à présent du patrimoine culturel roumain.

    Les architectes Dan-Ionuţ Julean et Dana Julean ont récemment fait un inventaire et une description de ces propriétés dans leur ouvrage « L’Héritage de la famille Banffy en Transylvanie ». À présent, la résidence Banffy la plus célèbre est peut-être celle de Bonţida, à environ 30 km de la ville de Cluj-Napoca (centre-ouest). Le château de Bonţida était autrefois considéré le « Versailles de la Transylvanie », grâce à ses éléments artistiques décoratifs et de mobilier, mais aussi aux objets d’art collectionnés par la famille Banffy pendant les plus de 500 années d’habitation continue sur ces terres, explique Ionuţ Julean.

    Ionuţ Julean : « La famille Banffy s’est établie là dès le XVe siècle. À l’époque, le château n’existait pas sous sa forme actuelle. L’étape la plus importante dans son développement a été celle de l’époque baroque, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Il a également subi des transformations sous l’influence du romantisme au XIXe siècle. Une aile entière du château a été rebâtie et transformée, sous l’influence romantique anglaise du parc paysager et du culte des ruines. Par la suite, la nouvelle aile ressemble à un parc anglais qui a remplacé l’ancien parc baroque qui existait sur place. Malheureusement, presque tout a été perdu pendant la Seconde Guerre mondiale, lors de la retraite des armées fascistes. »

    Le village de Răscruci de la commune de Bonţida accueille une autre résidence de la famille Banffy. Dans cette localité, qui appartenait à cette famille depuis le XVe siècle, se trouvait au XVIIe siècle un château de style Renaissance qui a été remplacé au XVIe siècle par un château baroque.

    Le bâtiment baroque a survécu jusqu’en 1870, quand il est devenu la propriété du baron Adam Banffy, selon les propos de notre interlocuteur, Ionuţ Julean : « Le château de Răscruci est un des bijoux néoclassiques éclectiques de la Transylvanie et il est presque entièrement l’œuvre du jeune baron Adam Banffy qui, pendant sa vie assez courte, a réussi à créer là-bas un lieu qui exprime aussi une vive émulation artistique du style de l’aristocratie transylvaine de la deuxième moitié du XIXe siècle. En héritant de ce domaine, il a commencé à y mettre en œuvre ses visions artistiques d’une résidence moderne qui ait tous les éléments décoratifs en vogue à l’époque. Il a eu aussi une contribution personnelle dans la construction du bâtiment, car il a imaginé et travaillé personnellement, à la main, tous les éléments décoratifs, en étant aidé seulement par deux artisans qu’il avait formés lui-même, spécialement pour ce travail. Les menuisiers les plus importants qui ont travaillé ici ont été un Hongrois et un Roumain. Ainsi, à travers une série d’agrandissements, un château unique en Transylvanie a pris naissance. Le chantier du château de Răscruci a commencé en 1875 et son architecture combine le style de la néo-Renaissance allemande avec des éléments légèrement fantastiques, dérivés de thèmes héraldiques, surtout le blason de la famille Banffy, qui étale un griffon couronné, du style spécifique aux familles du Moyen-Age, emprunté aussi par l’aristocratie du Royaume de Hongrie. »

    À présent, ce château se trouve dans un état de conservation assez bon, mais il se dégrade avec chaque année qui passe. L’édifice, propriété du Conseil départemental de Cluj, est entouré par un parc impressionnant où l’on peut admirer encore quelques arbres séculaires. La famille Banffy a eu des propriétés non seulement dans le département de Cluj, mais aussi dans celui d’Alba. C’est le cas du petit château (ou de la petite curie) de Ciuguzel, rétrocédé récemment à un des jeunes héritiers de la famille.

    Ionuţ Julean continue son récit : « Ce château a un aspect baroque, occidental, et combine des éléments artistiques de facture autrichienne avec l’influence française. Je pourrais même dire que ce bâtiment est un petit bijou. Il présente toute sorte d’éléments concentrés sur une petite superficie et le résultat est une belle composition, très agréable du point de vue esthétique, doublée par un historique sur mesure. »

    Malheureusement, à présent, beaucoup de ces résidences nobiliaires se trouvent dans un état de détérioration avancé et le volume « L’Héritage de la famille Banffy en Transylvanie » se propose d’attirer l’attention sur ce fait et sur l’importance de mettre en valeur ces bâtiments qui font partie du patrimoine national. (Trad. Nadine Vladescu)

  • L’or blanc des Carpates

    L’or blanc des Carpates

    Ses utilisations multiples l’ont transformé en une marchandise extrêmement convoitée, sa valeur étant reflétée aussi par l’appellation « d’or blanc » sous laquelle elle fut connue. Les régions les plus riches en réserves de sel ont également acquis une importance spécifique proportionnelle à la valeur du sel. C’est également le cas de l’espace roumain, considéré depuis toujours comme ayant les gisements de sel les plus riches d’Europe. C’est pourquoi ces gisements ont été exploités dès l’antiquité, non seulement comme condiment dans l’alimentation, mais aussi comme médicament et conservateur naturel.

    Radu Lungu, auteur du livre « L’histoire du sel des Carpates » publié par la maison d’éditions Paideia, en sait davantage sur les utilisations du sel par le passé. Radu Lungu :« Le sel rendait possible le transport de la viande, du poisson, des fruits et légumes, des fromages. C’est de là que dérive aussi l’intérêt extraordinaire pour le sel de l’Humanité. C’est un des éléments constitutifs de la civilisation. Utilisé comme condiment pour amplifier l’arôme de la nourriture, le sel a également servi chez les Egyptiens dans le processus de momification. Pour ce qui est de l’espace délimité par les Carpates, le Danube et la mer Noire, là, le sel a été exploité même avant l’époque des Daces. Mais ce furent les Daces qui l’ont fait par des excavations à Harghita et sur la Valée de l’Olt. La véritable exploitation soi-disant industrielle a démarré avec la conquête de la Dacie par les Romains. Les exploitations les plus importantes de l’époque de l’occupation romaine de la Dacie étaient celles de Potaissa (la ville de Turda d’aujourd’hui), Salinae (Ocna Mures d’aujourd’hui) ainsi que celles des localités actuelles de Praid et d’Ocnele Mari.

    Durant les époques médiévale et moderne, toutes les exploitations de sel des trois provinces roumaines étaient des monopoles princiers, c’est-à-dire que l’extraction et la vente étaient organisées par le pouvoir central. En Transylvanie, l’intérêt pour l’« or blanc » a augmenté avec l’installation de l’administration autrichienne à la fin du 18e siècle. Là, à l’intérieur de l’arc des Carpates, il y a encore des mines de sel à Ocna Dej, dans le comté de Cluj, à Ocna Mures, au comté d’Alba et à Praid, dans le département de Harghita. A l’extérieur de l’arc des Carpates, par exemple, en Valachie, dès le 17e siècle on peut recenser sept mines de sel parmi lesquelles Ocnele Mari, Slănic Prahova et Teişani. En Moldavie, les mines de sel les plus connues étaient celles de Cacica, du côté de Suceava, et Tg Ocna, sur la rivière Trotus, dans le département de Bacau. Le sel qui y était exploité était transporté à travers de véritables « routes du sel », des voies qui s’étendaient tant sur l’eau que sur la terre ferme.

    Radu Lungu revient au micro. « Les voies terrestres étaient généralement associées aux voies pastorales, c’est-à-dire aux sentiers battus par les bergers durant la transhumance. Les bergers emmenaient avec leurs troupeaux des ânes chargés de sacs de sel. Certains descendaient les vallées des rivières Olt, Ialomita, Arges pour s’arrêter dans la région de la grande île de Braila et continuer ensuite vers la mer Noire. En route vers la Dobroudja, les bergers s’arrêtaient aux foires de laine, pour tondre les moutons et transformer la laine. Par exemple, une voie du sel partait de Telega dans le comté de Prahova vers le sud jusqu’aux villes de Giurgiu, Oltenita, Calarasi et Braila pour arriver au Danube, d’où le sel continuait son chemin vers l’Empire ottoman, notamment au Moyen Age.

    L’itinéraire fluvial le plus important commençait à Ocna Mures, dans le département d’Alba, pour descendre sur la rivière Mures traversant Alba Iulia, Deva, Lipova, Arad et de là le sel empruntait la rivière Tisa. C’était le chemin le plus important car il alimentait en sel la Plaine pannonienne et le Royaume de Hongrie. De nos jours, les mines de sel où la production a été arrêtée, mais aussi celles qui fonctionnent toujours ont été transformées en lieux de cure pour différentes maladies dont asthme, rhumatismes, affections gynécologiques, neurologiques et de l’appareil locomoteur.

  • L’histoire de la tsuica

    L’histoire de la tsuica

    Même si la consommation et la production de cette boisson se perd dans la nuit des temps, les historiens ont toutefois réussi à identifier plusieurs repères de l’histoire de cet alcool apprécié par les paysans et les boyards en égale mesure. Radu Lungu, auteur du livre « L’histoire de la tsuica », publié aux maisons d’éditions Paideia, explique : « Les premières informations sur la distillation, puisque la tsuica est un alcool obtenu par la distillation des fruits fermentés, proviennent de Transylvanie et notamment des villes saxonnes. Là, c’étaient les pharmacies qui distillaient l’alcool pour faire des médicaments. Les premiers témoignages remontent au 14e siècle et proviennent des villes telles que Sibiu, Cluj et notamment Brasov. Généralement en Transylvanie, le produit final était le résultat de deux et même de trois distillations et c’est pourquoi leur tsuica est plus forte alors qu’en Valachie, l’alcool était distillé à une seule reprise et la teneur maximale en alcool était de 37 degrés tout au plus. Tous les fruits étaient utilisés, à commencer par les prunes, très importantes dans l’histoire de la tsuica, les pommes, les poires, les cerises, les griottes, les abricots, les pêches, les coings mais aussi les céréales, telles l’avoine, « secara » en Roumain, d’où le nom de secarica pour l’alcool. Le premier document mentionnant la l’eau-de-vie de prunes de Salaj, dans l’ouest de la Roumanie actuelle, date de 1450 et la première mention sur le territoire de la Roumanie de la distillation de la tsuica date de 1570 et vise la Tsuica de Turţ, une localité de la contrée d’Oas, où l’on produit un distillé d’une teneur en alcool de 50 degrés, donc un double distillé. »

    L’utilisation de la tsuica à des fins médicinales a continué pendant longtemps, notamment à la campagne, où les paysans l’utilisaient comme désinfectant. D’ailleurs, une anecdote provenant de Moldavie et devenue une véritable légende qui confirme les multiples utilisations de l’eau-de-vie. A l’époque du prince régnant Etienne le Grand, les peintres d’églises recevaient des tonneaux entiers de tsuica qu’ils utilisaient pour préparer les vernis et pour mélanger les peintures. Parfois, les peintres en consommaient pour rendre l’atmosphère de travail un peu plus joyeuse, avec des résultats assez rigolos sur les fresques des églises.

    Mais la consommation excessive d’eau-de-vie avait aussi des conséquences sérieuses. Radu Lungu raconte un épisode de l’époque lorsque la Transylvanie faisait partie de l’Empire des Habsbourg et la Russie et l’Autriche menaient d’innombrables guerres contre l’Empire ottoman. Un de ces conflits a été marqué aussi par un épisode inédit qui a eu lieu à Caransebes, dans la contrée de Banat, dans le sud-ouest de la Roumanie actuelle. Ce fut la bataille de la tsuica du 17 septembre 1788. Radu Lungu : « Une armée autrichienne comptant 100 mille soldats a établi son camp dans la région de Caransebes. L’avant-garde, constituée d’un régiment de hussards, a traversé la rivière Timis pour vérifier la présence de l’armée ottomane. Vu qu’aucune trace des Turcs n’a été trouvée, les hussards sont tombés sur un groupe de Tsiganes qui ont proposé aux soldats de boire un petit verre de « schnaps ». Les soldats ont acheté leur eau-de-vie et se son mis à boire. Mais juste après, un groupe de fantassins a également traversé la rivière pour participer aussi à la kermesse des hussards. Ceux-ci refusèrent de partager avec eux l’alcool si chèrement acquis. Une bagarre est apparue entre les deux côtés, bagarre qui s’est transformée en mêlée. Au milieu du combat, certains fantassins se sont mis à crier en Roumain « Les Turcs ! », faisant les hussards se retirer, convaincus de l’imminence d’une attaque de l’armée ottomane. Cette situation est due notamment au fait que l’armée de l’empire des Habsbourg était formée de toute sorte d’ethnies qui ne maitrisaient pas tellement bien l’allemand. »

    En effet, des officiers qui désiraient arrêter les heurts criaient « Halte ! Halte ! » Certains l’interprétèrent comme des Turcs chargeant au nom d’Allah. Voilà comment le mélange des langues et l’influence de la tsuica ont contribué à une véritable débâcle de l’armée autrichienne et deux jours plus tard, les Turcs sont arrivés sur les lieux pour découvrir qu’il n’y avait plus d’armée autrichienne à combattre.

    Enfin, la variété des types de tsuica témoigne non seulement de l’étendue géographique de la boisson, mais aussi des liaisons culturelles et ethniques qu’elle illustre. Par exemple, le mot « horinca » un autre nom de la tsuica, proviendrait du mot ukrainien « horilka », qui veut dire une eau-de-vie de faible qualité. « Rachiu » vient du turc « rakî », dérivé à son tour d’« araq », mot arabe qui signifie le processus de condensation des dattes. « Palinca », soit l’eau-de-vie typique de la Transylvanie, est un dérivé du mot hongrois « palinka », à son tour dérivé du Slovaque « paliti », qui signifie « brûler ». Ce qui est vrai, c’est que la « palinca » de prunes brûle la gorge quant on la boit, notamment celle que l’on prépare dans le nord-ouest de la Transylvanie, c’est-à-dire au Maramures et à Satu Mare.

  • L’Orchestre Philharmonique «Georges Enesco» fête ses 150 ans

    L’Orchestre Philharmonique «Georges Enesco» fête ses 150 ans

    Le concert d’ouverture a été marqué par deux présences roumaines de la diaspora. Il a été donné par l’Orchestre Symphonique et le Chœur de l’Orchestre Philharmonique « Georges Enesco », sous la baguette du célèbre chef d’orchestre roumain Christian Badea, établi aux Etats-Unis, mais qui collabore fréquemment avec l’Orchestre Philharmonique de Bucarest. Le programme a inclus des chefs d’œuvres de la musique roumaine et universelle: « Isis » par Georges Enesco, « Le concert en la mineur pour le piano et l’orchestre, op. 54 » par Robert Schumann et la « Symphonie no. 7, en ré mineur, op. 70 » par Antonin Dvorak.

    La soliste était la pianiste Dana Ciocârlie, établie en France, dont l’album « L’intégrale en direct des œuvres pour le piano solo de Robert Schumann » a eu des échos extraordinaires en France.Toujours dans le cadre de l’année anniversaire, pendant le premier semestre de l’an 2018, des noms sonores seront à l’affiche des concerts symphoniques et des récitals de l’Orchestre Philharmonique « Georges Enesco ». Andrei Dimitriu, le directeur général de l’Orchestre Philharmonique, a mentionné quelques-uns d’entre eux track: « Christian Zacharias est un nom que vous devriez retenir. Elisabeth Leonskaja. Andrei Ioniţă, laurée du Concours International Ceaikovski – il n’y a pas beaucoup de roumains qui réussissent à arriver à Moscou et à gagner un concours de cette envergure.

    La pianiste Elizabeth Sombart, qui est liée à la Roumanie par sa grand-mère, la fille du biologiste roumain Nicolae Leon. Les chefs d’orchestre Camil Marinescu et Cristian Măcelaru. Parmi les concerts et les récitals, Elizabeth Sombart va avoir un premier concert à la fin du mois de janvier et un autre en mai, quand elle va lancer aussi un livre sur la vie de son aïeul, le docteur Nicolae Leon ».Les 150 ans de l’Orchestre Philharmonique « Georges Enesco » sont célébrés non seulement à travers des concerts, mais aussi avec une série de conférences avec des invités de grande valeur. Ainsi, on va reprendre les conférences de l’Athénée, qui auront comme invités, dans le deuxième trimestre de cette année, deux lauréats du prix Nobel: le chimiste français Jean-Marie Lehn, le Prix Nobel pour la Chimie en 1987, et le chercheur Stefan Hell, citoyen allemand d’origine roumaine, le Prix Nobel pour la Chimie en 2014.

    Une autre série de conférences va se dérouler à la fin du mois de mars. Andrei Dimitriu revient au micro : « Quelque chose de très intéressant pour cette année et une nouvelle absolue pour la Roumanie est un festival de conférences de culture générale, créé en partenariat avec la Fondation Humanitas Aqua Forte, qui rassemble des noms consacrés d’intellectuels roumains qui vivent en Roumanie ou à l’étranger: Gabriel Liiceanu, Horia-Roman Patapievici, Andrei Pleşu, Victor Stoichiţă, Mircea Cărtărescu, le docteur Martin S. Martin, Valentin Naumescu – docteur ès sciences politiques. Les thèmes sont liés aux questions d’intérêt commun et débattus dans l’idée de proposer à la société roumaine, un peu bouleversée et inondée par des faux thèmes, les problèmes réels auxquels se confronte une société qui désire être européenne et civilisée ».

    Fondée en avril 1868, « La Société Philarmonique Roumaine », dirigée par Eduard Wachmann, avait comme but l’organisation d’un orchestre symphonique permanent, en vue de la propagation culturelle musicale et de la popularisation des chefs-d’œuvre de la musique classique. Le premier concert a eu lieu le 15 décembre du même an, sous la baguette de son initiateur. Apres l’inauguration du palais de l’Athénée Roumain, le 5 mars 1889, les concerts ont commencé à avoir lieu dans cette salle, comme c’est toujours le cas, l’Athénée Roumain devenant l’emblème de la culture roumaine et le siège de l’Orchestre Philharmonique.

    Voila ce que nous a déclaré Andrei Dimitriu, sur le lieu que la Philharmonie devrait occuper à présent: « Un pays doit avoir une place honorable dans la grande culture. Je me souviens de ce que disait Eugeniu Sperantia, un sociologue roumain d’entre les deux-guerres, que seulement l’élite intellectuelle bâtit quelque chose, les autres peuvent seulement être des consommateurs. En suivant cette idée, je pense que l’Orchestre Philharmonique est, sans doute, une institution fanion. C’est le meilleur orchestre symphonique de Roumanie. Bien sur qu’on voudrait qu’il compte aussi dans l’espace musical européen et international. Voila notre responsabilité. Je suis tout à fait contre le début sur la scène de l’Athénée des « promesses » qui ne vont jamais être honorées. La scène de l’Athénée doit consacrer. J’attends des homologations de l’étranger et puis une consécration ici à l’Orchestre Philharmonique, si on veut vraiment que cette institution compte ». (Trad. Nadine Vladescu)

  • Le Musée des collections d’art de Bucarest fête son 40e anniversaire

    Le Musée des collections d’art de Bucarest fête son 40e anniversaire

    Le Musée des collections dart a été créé il y a 40 ans, en 1978, en tant que filiale du Musée national dart de Bucarest. Le palais Romanit qui laccueille est, lui-même un édifice imposant, situé sur lun des principaux boulevards bucarestois : lAvenue Victoria. Les trois corps de ce bâtiment abritent des œuvres dart roumain moderne, des créations dart traditionnel, ainsi que des toiles, des sculptures, des œuvres dart graphique et décoratif provenant dOccident et dOrient. Après damples travaux de restauration, le Musée des collections a rouvert ses portes en juin 2013. Ce fut là une véritable seconde naissance pour cette institution. Bien que semblable aux autres musées de ce genre, celui-ci a quand même quelque chose de spécial.



    Liliana Chiriac, coordinatrice du musée : « Parmi tous les musées que jai vus dans le monde, celui-ci est unique, étant organisé de manière à mettre en évidence la personnalité de chaque collectionneur qui a offert ses œuvres dart au musée. Le nombre dobjets ne cesse daugmenter chaque année. En 1978, au moment de sa création, le musée comptait 13 collections, dont 11 seulement lui appartenaient, les deux autres avaient été confiées à la garde du musée. A présent il possède 47 collections et deux autres vont sajouter avant la fin de lannée. Actuellement, on ne peut pas dire que cest un acte forcé, comme ce fut le cas pendant la période communiste, lorsque les collectionneurs se sont vu ravir leurs collections. 16 collections ont été offertes au musée depuis 1990, donc après la chute du communisme, et le musée senrichit constamment de nouvelles donations. Deux collections très importantes et dune grande valeur vont arriver cette année. Ces collections ne sont pas toutes monographiques, elles ne réunissent pas toutes des œuvres et des objets provenant dun seul artiste. Certaines dentre elles sont hétérogènes, ayant été constituées en fonction du goût du collectionneur et des moyens dont il a disposé pour acheter les objets dart quil convoitait. »





    Comme sexplique cet esprit philanthropique des collectionneurs ? Liliana Chiriac : « En faisant une statistique, on constate que la plupart des collectionneurs nont pas eu de descendants. Ou bien, les descendants savaient que cétait là le désir de leurs parents. Cest le cas du collectionneur Hurmuz Aznavorian, dont la fille a offert la collection au musée il y a 10 ans, en souvenir de son père. Celui-ci a réuni sa collection pendant lentre-deux-guerres. Juriste de profession, il a été envoyé par les communistes au camp de concentration du Canal Danube-mer Noire. Sa famille a pu survivre grâce aux œuvres dart quil avait rassemblées. Cest une collection très importante pour lhistoire de la culture roumaine. Dans notre musée, le nom du collectionneur figure sur une plaque. Cest dailleurs là une des clauses des donations. »



    Comment le musée réussit-il à se faire connaître et quelle est limpression de ses visiteurs ? Liliana Chiriac : « En lisant et en écoutant les impressions des visiteurs, jai constaté quils sont fascinés. Ils ne connaissaient pas le musée. Nous sommes une institution publique et nous ne disposons pas de sommes pour promouvoir le musée. Nous le faisons, nous, à titre personnel, autant que nous le pouvons, sur les réseaux sociaux. Pourtant, les personnes plus âgées nentrent pas sur Facebook, et ne visitent même pas le site du musée, mais nous ne disposons pas dautres moyens. Les musées appartenant à la municipalité ont dautres possibilités de se faire connaître, il y a des espaces réservés à la publicité, des bannières sont placées en ville. Nous navons pas cette possibilité, car pour cela il faut de largent et le Ministère de la Culture nalloue pas de fonds à cette fin. Le visiteur qui arrive, enfin, au Musée des collections se déclare stupéfait. Jai souvent rencontré des touristes dans les salles du musée et ils mont dit que ce musée était plus beau que tout autre musée quils avaient vu. Et je ne parle pas uniquement des Roumains, mais aussi des touristes étrangers. Je pense que le palais qui labrite, avec sa belle architecture, y est pour quelque chose. » (Trad. : Dominique)