Category: Société

  • Les Roumains et la lecture

    Les Roumains et la lecture

    Les livres remplacés par les écrans

    “La seule chose que tu dois savoir, c’est où se trouve la bibliothèque”, ces mots attribués à Albert Einstein résonnent comme un encouragement à la lecture. Pourtant à mesure que la technologie devenait de plus en plus accessible, les gens ont petit à petit cessé de lire. Les heures passées à scroller sur le téléphone nous ont volé un temps précieux, un temps à nous bel et bien perdu. Le téléphone vide nos vies de ce qui existe de plus précieux, le temps. Un temps de qualité, consacré aux proches, un temps que nous devrions utiliser à apprendre, à grandir en tant qu’être humain doté, n’est-ce pas, d’une intelligence supérieure…

    Il fut un temps où les livres, interdits par le régime communiste, réussissaient à se frayer un chemin clandestin vers les gens qui les lisaient alors avec avidité. Aujourd’hui, alors que tous les livres sont autorisés et faciles d’accès, nous préférons garder les yeux rivés sur nos téléphones au lieu de lire. Peut-être s’agit-il d’un des paradoxes de l’humain moderne : interdisez-lui quelque chose et il fera n’importe quoi pour l’obtenir, donnez-le-lui et il perd son intérêt.

    Dans un monde qui lit de moins en moins, les Roumains font partie de ceux qui lisent très peu. L’année dernière il s’est vendu en Roumanie pour 6 millions d’euros de livres, cela peut sembler beaucoup mais si on regarde à titre de comparaison chez nos voisins, nous constatons qu’en Allemagne, la vente de livres a généré 9 milliards d’euros. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’on achète un livre qu’on le lit, mais au moins peut-on y voir le signe d’un début d’intérêt pour la lecture.

    Comment se porte le marché du livre en Roumanie ?

    En Roumanie, les personnes qui lisent, lisent beaucoup et constamment, celles qui ne lisent pas, ne lisent pas du tout. Alina Ilioi Mureșan, responsable des relations publiques chez Bookzone, une librairie roumaine en ligne, considère que les Roumains achètent tout de même beaucoup de livres.

    “Le marché du livre en Roumanie est en expansion constante, et les Roumains lisent des livres de plus en plus divers. Bien sûr, je suis très heureuse de voir des Roumains qui commandent des livres, qui lisent en format papier et qui sont fascinés par le fait d’avoir une bibliothèque personnelle. Je trouve que l’année dernière a été une très bonne année, de tous les points de vue, tant en nombre de ventes que sur le plan éditorial. Les Roumains lisent beaucoup de développement personnel et de livres qui expliquent comment améliorer sa vie, sous tous les aspects. Ils sont intéressés par la santé mentale, l’alimentation saine, l’équilibre émotionnel et psychique. Les ouvrages traitant de géopolitique sont également très recherchés, probablement à cause du contexte actuel. Pour nous, les livres de fantasy sont les moins vendus même si un livre comme “Tant que fleuriront les citronniers” a rencontré un franc succès. En général, cependant, les Roumains lisent peu de fiction. C’est le cas, en tout cas, de nos lecteurs.”

    Que lisent les Roumains ?

    Il semble toutefois que les préférences varient d’une génération à l’autre. La génération silencieuse, les personnes nées entre 1928 et 1945, préfèrent la littérature classique. Les Baby-boomers, nés entre 1946 et 1964 aiment les romans policiers et d’horreur. La génération X, née entre 1965 et 1980, porte ses choix sur des classiques contemporains, des biographies et des ouvrages de science-fiction (il s’agit d’ailleurs de la génération qui lit le plus et des ouvrages divers). La génération Y, née entre 1981 et 1996, préfère la littérature contemporaine et la génération Z, née entre 1997 et 2012 a un penchant pour la fantasy, le développement personnel et l’entreprenariat.

    Pour Alina Ilioi Mureșan, si on se base sur les chiffres de vente, on peut parler d’une hausse de l’intérêt pour la lecture en générale. Alina Ilioi Mureșan.

    “Le marché du livre est en hausse constante cette année. Il est toutefois dur de se projeter. D’après mon expérience, on peut souvent être pris par surprise par certaines situations.”

    D’après les chiffres, les Roumains ne sont donc pas les derniers quand il s’agit d’ouvrir un livre. Ne serions-nous pas si à la traîne dans ce domaine ? Alina Ilioi Mureșan nous donne des raisons de rester optimistes.

    “Je n’y crois pas. Il m’est impossible de penser que les Roumains sont les plus mauvais lecteurs d’Europe, parce que je vois chaque jour le nombre de livres qu’ils commandent. Or les Roumains commandent des livres pour les lire, pas pour les laisser prendre la poussière dans un coin. Il s’agit d’un investissement financier et d’un effort qu’il font. Oui, les Roumains lisent et lisent beaucoup.” (Trad : Clémence Lheureux)

  • Le marché du travail roumain

    Le marché du travail roumain

    La plus importante plateforme de recrutement en ligne,
    e-jobs, a publié au début du mois de janvier de nouvelles données concernant le
    marché du travail. Selon e-jobs, sur les 370 000 offres d’emploi parues
    sur le site l’an passé, à peu près 40 % s’adressaient à des candidats juniors
    (entre 0 et 2 ans d’expérience), environ 28 % d’entre elles nécessitaient une
    expérience moyenne, seulement 8,4 % concernaient des seniors, c’est-à-dire des
    personnes avec plus de 5 ans d’expérience dans leur domaine, et 2,6 %
    relevaient de postes de direction.

     

    Les candidats avec peu ou pas d’expérience n’ont pas été
    seulement les plus recherchés, ils étaient également les plus nombreux à postuler.
    Ils représentent plus de la moitié des 12 millions de candidatures enregistrées
    sur le site. Pour la quatrième année consécutive, les 25-35 ans constituent le
    groupe d’âge le plus représenté parmi les candidats, suivi de près par les
    18-24 ans. Le nombre de candidatures des 18-24 ans a augmenté au cours du
    deuxième semestre 2023 alors que celles des 25-35 ans a connu une légère
    baisse. Les postes les plus demandés par les travailleurs sans expérience sont
    variés : vente, call center, services, informatique, télécoms, banques,
    tourisme, publicité et marketing et indutrie alimentaire. Voici comment Ana
    Călugăru, la directrice de la communication chez e-jobs définit le marché du
    travail de l’année dernière.

     

    « En 2023, le
    marché du travail a connu une accalmie en terme d’emplois. On a enregistré une
    baisse de l’ordre de 12 % par rapport à 2022, avec 370 000 offres d’emploi
    publiées qui ont donné lieu à 12 millions de candidatures. Les candidatures ont
    enregistré une hausse de plus de 10 % par rapport à 2022. J’ai observé que les
    domaines qui recrutaient le plus étaient la vente au détail, les services, les
    services externalisés, la construction et le tourisme. Vers la fin de l’année,
    la pression s’est accrue sur les employeurs dans les domaines des technologies
    de l’information, de l’industrie alimentaire, de l’agriculture et de la
    construction, parce que les avantages fiscaux dont bénéficiaient ces employeurs
    ont cessé et il est certain que ça va accroitre les charges qui pèsent sur les
    employeurs qui ne veulent pas tailler dans les salaires. Les salaires n’ont pas
    augmenté comme en 2022, à part sur certains postes clés pour lesquels les
    employeurs ont dû faire un effort en augmentant les salaires afin de garder
    leurs employés. »

     

    Dans le tumultueux contexte économique actuel, les pronostics
    pour 2024 sont à la prudence. Les personnes expérimentées sont peu promptes à
    chercher un nouveau poste et les employeurs réfléchissent à deux fois avant de
    publier une offre d’emploi. A cela s’ajoute la réticence des employeurs à
    offrir la possibilité du travail en distanciel :

     

    « Pour 2024, l’année commence à peu de choses près
    de la même façon que 2023. On observe une relative prudence de la part des
    employeurs sur le marché du travail et il est probable que les choses vont
    demeurer ainsi jusqu’à la moitié de l’année. Tout le monde regarde les signaux
    économiques pour voir exactement ce qu’il peut faire. Personne ne veut prendre
    de risque, malgré tout, les recrutements continuent. Début janvier nous avons
    publié 20 000 offres, donc il y a des opportunités sur le marché du
    travail. Concernant les offres de travail en distanciel, on est au niveau le
    plus bas des dernières années. Donc les employeurs ne sont plus aussi disposés
    qu’avant à engager quelqu’un en télétravail. Les candidats sont quant à eux plutôt
    à la recherche de ce type de travail, mais la tendance va vers un retour au
    bureau. »

     

    Les plus de 40 ans mettent plus de temps à décrocher un
    travail. Les offres qui leur sont ouvertes sont plus rares et les
    professionnels du secteur conseillent de bien réfléchir avant de songer à une
    reconversion professionnelle. De plus, une reconversion implique souvent de
    passer d’une situation d’employé avec expérience à celle de débutant. Ana Călugăru,
    directrice de la communication chez e-jobs.

     

    « Les personnes de plus de 40 ans qui sont en
    recherche d’emploi doivent savoir que cette année ils risquent de devoir
    patienter plus longtemps que l’année dernière avant d’être embauchés, parce qu’il
    n’y a plus autant d’offres qu’auparavant. On peut parler d’une période de
    recherche de six mois en moyenne. Dans le cas des reconversions
    professionnelles, il faudra aussi beaucoup de patience. Les candidats devront
    bien s’orienter vers le nouveau domaine et comprendre qu’il est possible qu’ils
    recommencent à un poste junior. Et bien sûr, ils doivent être toujours
    attentifs aux nouvelles offres qui paraissent. »

     

    Suite à ces ralentissements de
    début d’année, il nous reste à regarder avec confiance les évolutions en cours.

     

  • Le compostage en ville

    Le compostage en ville

    L’esprit civique de
    la ville ne se manifeste pas uniquement par l’expression du mécontentement ou
    la saisine des autorités quand les choses vont mal. Par exemple, le Groupe
    d’initiative civique Cismigiu a invité les habitants de l’immeuble Liric, situé
    à la bordure du célèbre parc bucarestois a formé ensemble une communauté, par
    le biais du compostage. Cette collaboration a mené à l’installation de trois
    bacs spéciaux dans la cour intérieure de l’immeuble où chacun peut venir
    déposer ses restes alimentaires afin d’en faire de l’engrais naturel. Alex
    Oprița, le coordonnateur de ce groupe d’initiative civique considère que cette
    action collective peut aider les gens à socialiser et peut-être même par la
    suite à passer du bon temps ensemble. Alex Oprița explique: Nous avons commencé à nous occuper du jardin de l’immeuble en 2017. Il y a une
    parcelle dans la cour intérieure et une parcelle devant l’immeuble. Nous avons
    amené des plantes et nous avons essayé de penser l’ensemble afin qu’il soit le
    plus résilient possible face au changement climatique, qu’il nécessite peu
    d’eau et un faible niveau d’intervention. Une partie du compost va surement
    être utilisée dans les espaces publics, les jardins du quartier, et l’autre
    partie sera utilisée par les habitants pour leurs plantes d’appartement parce
    que c’est un très bon engrais naturel.

     

    L’installation des
    bacs à compost a été suivi d’une leçon de compostage dispensée par Gabriela
    Iordan, la coordonnatrice des projets Académie du compost et Livada Comunitară
    Mărțișor. (le Verger communautaire martisor). Voici ce qu’elle nous a dit: Le compostage, c’est-à-dire le fait de collecter les
    déchets organiques séparément du reste des déchets que nous générons chaque
    jour, les déchets végétaux, fait que chaque type de déchet sera plus propre et
    arrivera plus rapidement dans la zone où il va pouvoir être transformé de
    nouveau en matériau utile pour le processus de production. Concernant la
    collecte séparée des déchets végétaux en zone urbaine où nous pratiquons le compostage
    communautaire, nous encourageons une recette très simple. Nous séparons les
    épluchures de légumes, de fruits, les pelures, le marc de café, les restes de
    thé ou les fleurs d’intérieur du reste et nous les broyons soigneusement au
    moins une fois par semaine. Il s’agit d’un processus respectueux de
    l’environnement, car nous réduisons la quantité de déchets envoyés dans les
    décharges qui ne sont pas conformes et qui devraient être fermées de toute
    façon. Deuxièmement, les déchets végétaux deviennent un engrais naturel que
    nous utilisons à la fois dans nos jardinières et dans nos jardins d’immeubles
    en tant qu’apport vitaminique et minéral pour les plantes et les arbres afin de
    les maintenir en vie.

     

    A l’heure actuelle,
    sept autres lieux de compostage existent dans les immeubles de Bucarest. Mais
    le phénomène s’est aussi étendu jusqu’aux quartiers résidentiels. Gabriela
    Iordan affirme que: Il y a beaucoup de bacs de compostage
    désormais, et bien sûr que les gens qui habitent dans des maisons ont commencé
    à réaliser leur propre compost, notamment les gens qui ont un petit bout de
    terrain où ils peuvent transformer ces restes végétaux en compost en quelques
    mois seulement. C’est sûr que c’est plus compliqué dans les immeubles, ainsi
    les stations de compostages situées dans les immeubles ne sont pas
    exclusivement réservées aux habitants de l’immeuble mais à tous les gens du
    quartier qui souhaitent participer et n’ont pas encore dans leur immeuble ce
    type de station. Nous souhaitons vraiment étendre le réseau. Dans le cadre du
    projet l’Académie de compost, nous allons créer un prix pour les communautés
    qui désirent ouvrir une station de compostage. Plus il y en a, mieux c’est. Les
    personnes qui compostent commencent à se poser certaines questions, à réduire
    leur gaspillage alimentaire. Il faut comprendre qu’on ne résout pas la question
    du gaspillage par le biais du compostage. C’est un problème qui vient avant le
    compostage, au moment où on fait sa liste de course, où on évalue quelle
    quantité cuisiner par rapport à sa consommation. Comme je l’ai déjà dit, le
    compostage communautaire n’intègre que les restes de légumes et de fruits, le
    marc de café et les coquilles d’œufs.

     

    A quel point est-il
    facile de mobiliser une communauté autour d’un projet de ce genre ? Alex
    Oprița du Groupe d’initiative civique de Cismigiu précise que: Ce
    n’est pas simple. J’aimerais pouvoir dire que c’est simple mais nous vivons de
    fait dans une société dans laquelle nous ne sommes pas encouragés à nous
    intéresser à nos voisins ou aux personnes de notre entourage. Tout se passe
    tellement vite que nous nous rendons compte que nous n’avons même pas le temps
    de voir nos amis proches ou notre famille. C’est pour cette raison qu’il n’est
    pas facile de réunir les gens. Chez nous, dans l’immeuble Liric, ça s’est fait
    petit à petit. Ça fait 5 ans que nous organisons des événements communautaires
    dans le quartier, du jardinage, de l’ornithologie ou d’autre. Je crois que le
    fait d’avoir un canal de communication au sein de l’immeuble a constitué un
    point clé pour nous, depuis le début nous avons un groupe Facebook et
    progressivement les voisins se sont joints à nous. Il a commencé à y avoir des
    interactions entre nous, les gens connaissaient leur voisin de palier, se
    saluaient et échangeaient quelques mots. Les ateliers organisés pour la
    communauté sont une excellente occasion de rassembler les gens en dehors du
    cadre professionnel.

     

    Il y a actuellement 10 ménages au sein de l’immeuble
    Liric qui utilisent les bacs de compostage et les voisins des autres immeubles,
    entendant parler de cette initiative, ont commencé à venir eux aussi composter
    leurs déchets organiques.

     

  • Chien abandonné cherche maître attentionné

    Chien abandonné cherche maître attentionné

    Bien qu’en Roumanie la stérilisation
    et l’installation d’une puce électronique soient obligatoires, la loi n’est pas
    respectée par tous et les refuges pour chiens, municipaux ou privés, ne se
    vident pas de leurs nombreux occupants abandonnés à leur sort. Dans les
    derniers temps, de plus en plus d’informations circulent sur l’abandon de
    chiens sur le domaine public, bien que cet acte soit puni par la loi. Les
    chiens ainsi abandonnés risquent de devenir agressifs. Or personne ne souhaite
    revivre le début des années 2000, quand la Roumanie faisait la une de la presse
    internationale à cause des actions violentes mises en place pour se débarrasser
    des hordes de chiens errants qui envahissaient les rues du pays. C’est à cette
    époque qu’a été fondé aux environs de Bucarest le Refuge Espérance, afin de
    venir en aide à ces animaux dont personne ne voulait. Anca Tomescu, vétérinaire
    et directrice de la communication du refuge se remémore cette époque.

     

    « Je me
    trouvais à la base Pallady où j’étais bénévole avec d’autres vétérinaires et d’autres
    personnes impliquées dans la cause animale quand nous avons reçu l’information
    que les chiens allaient être tués. A ce moment-là, il y avait 100 ou 150 chiens
    dans le refuge, que nous avions recueilli, que ma mère avait recueilli pour
    être plus exacte, Florina Tomescu. Nous n’avions nulle part où emmener autant
    de chiens, alors nous avons appelé tous nos amis, chacun en a pris 2, 3, 5, 7
    ou 8 dans sa voiture, chez lui etc. Jusqu’au moment où nous avons improvisé les
    bases du Refuge Espérance, quelque part à Berceni, dans une ferme désaffectée
    que nous avons aménagée pour recueillir les chiens sans maître. C’était une
    période dure, horrible, avec beaucoup de problèmes. A un moment donné, on nous
    a dit qu’il fallait libérer les lieux ! Il a tout simplement fallu qu’en une
    nuit nous prenions la décision de déplacer 500 chiens. Entretemps leur nombre
    avait atteint les 500. Nous avons hérité d’un terrain à Popești-Leordeni où il
    n’y avait rien, et entre le moment où nous avons dû quitter Berceni et le
    moment où le nouveau terrain a été prêt à accueillir les chiens, nous avons
    loué des halles quelque part à Jilava. Encore une période difficile ! Nous
    avons déménagé à Popești-Leordeni, sur notre terrain où nous ne payions plus de
    loyer, ce qui nous soulageait d’une grosse dépense, et là le refuge a
    finalement commencé à fonctionner. Il a aujourd’hui 22 ans. »

     

    Depuis le début des années 2000, la
    situation des chiens sans maître s’est grandement améliorée en Roumanie. Le
    refuge Espérance en est la preuve vivante. Anca Tomescu nous fait visiter les
    lieux.

     

    « J’aimerais
    commencer en disant qu’il existe une règle d’or au refuge Espérance, c’est que
    les chiens ont la priorité. N’importe qui qui entre ici peut constater que du
    premier paddock jusqu’au dernier, tous les chiens recueillis ici sont amicaux,
    ils présentent bien, on voit qu’ils sont soignés et qu’ils ne restent pas tout
    le temps enfermés dans les paddocks. Il est très important qu’ils puissent
    courir, jouer, sentir de la chaleur humaine et des voix bienveillantes, qu’ils
    reçoivent de la nourriture adaptée. A l’heure actuelle, le refuge dispose de
    105 paddocks dont seulement 6 sont chauffés pendant l’hiver. Nous en aurons
    bientôt un septième chauffé grâce à mon amie, l’actrice Carmen Tanase qui a
    fait une donation dans ce sens. Nous avons trois cliniques vétérinaires dont
    une bien équipée, parce que nous nous sommes aperçus qu’en ayant autant de
    chien, il fallait en permanence s’assurer qu’ils soient en bonne santé, faire
    des analyses, les vacciner. Ça n’avait pas de sens de payer des consultations
    privées. Toujours dans cette idée d’économie mais aussi pour nous faciliter la
    vie, à nous et aux chiens, nous avons créé un cabinet de physiothérapie où sont
    traités les chiens paraplégiques. Certains ont échappé au fauteuil roulant,
    d’autres non, mais ils font de la physiothérapie. Nous avons aussi créé trois
    nouvelles aires de jeu. Nous en avions déjà une grande, maintenant nous en
    avons trois petites en plus. Nous avons trois piscines pour chien, parce que
    nous voulons que tous les chiens du refuge Espérance, indépendamment du temps
    qu’ils passent ici, se sentent bien et soient des chiens normaux quand ils
    quittent le refuge, avec un caractère calme, qu’ils ne soient pas effrayés,
    qu’ils n’aient pas de problèmes de comportement. »

     

    Mais pour Anca Tomescu, les chiens
    ne devraient pas rester dans un refuge toute leur vie, ils devraient être
    adoptés. Au fil des années, des milliers de chiens ont quitté le refuge
    Espérance pour rejoindre une famille. Depuis deux ans, les chiens suivent même
    un programme de dressage intitulé les messagers de l’espérance, afin de
    pouvoir arriver fin près dans une éventuelle famille adoptive. Cependant en
    Roumanie, il y a très peu d’adoption de chien, il y a en revanche beaucoup
    d’abandon. Anca Tomescu nous explique pourquoi.

     

    « L’abandon
    vient d’un manque d’éducation, c’est clair. Il faut que les gens comprennent
    que s’ils adoptent un chien, ils vont connaître des situations extraordinairement
    belles mais aussi des moments où le chien va les énerver, exactement comme ça
    peut se produire avec un enfant. Mais la différence c’est qu’au bout d’un
    moment l’enfant va se mettre à parler et va pouvoir expliquer ses éventuels
    problèmes. Les chiens mastiquent les affaires, font pipi dans la maison,
    peuvent vous voler votre pantalon préféré, les chiens tombent malades et
    doivent aller chez le vétérinaire, et ils doivent être promenés. Je voudrais
    souligner autre chose aussi : un chien n’est pas un cadeau de Noël ! Il ne faut pas offrir un animal. Ce n’est pas
    normal d’offrir un chien à une famille qui n’est pas prête, qui ne le désire
    pas, qui va peut-être se réjouir sur l’instant mais qui dès le 5 janvier et la
    reprise du travail, ne saura pas avec qui laisser l’animal. Autre chose, le
    phénomène je veux un grand chien pour que les gens aient peur quand ils
    passent à côté de moi. Ok mais tu pèses 50 kg, tu ne peux pas gérer un grand
    chien, tu dois adopter un chien qui corresponde à tes besoins, tes attentes et
    tes contraintes ! Par exemple, une personne qui habite dans un studio ne peut
    pas adopter un chien de 60 kg, quelqu’un qui travaille 12 heures par jour non
    plus, par ailleurs on ne peut pas imposer la présence d’un chien à la maison à
    ses proches s’ils ne sont pas d’accord, il ne faut pas non plus le faire si on
    n’a pas suffisamment d’argent pour faire face aux dépenses. L’adoption est une
    chose fantastique, oui ! Je recommande à tout le monde d’adopter un chien. Ça
    change la vie, toute la famille devient plus heureuse, plus responsable, plus
    amicale. Mais si vous ne pouvez pas adopter et que toutefois vous aimez les
    animaux et voulez engager, vous pouvez devenir bénévole dans un refuge, faire
    des dons ou plein d’autres choses encore pour les animaux. »

     

    Afin d’éduquer l’opinion publique,
    le refuge Espérance a ouvert un musée du Chien sans maître que les enfants
    viennent visiter en sortie scolaire. Une action appelée « De la pâtée pour
    tous les toutous » (ʹTocăniță pentru toți Bobițăʹ) est organisée
    régulièrement avec la présence d’un VIP. Un centre est également en
    construction afin d’enseigner à tous ceux qui le souhaitent comment s’occuper
    d’un animal. « Nous sommes convaincus qu’en diffusant la bonne parole, la
    situation générale va s’améliorer », tel est l’espoir de notre
    interlocutrice Anca Tomescu. (Trad : Clémence Lheureux)

     

  • Race for cure

    Race for cure

    La fondation Renaissance a organisé le 8 juin ‘Race for the Cure’ România, la plus grande course de charité jamais organisée en Roumanie pour lutter contre le cancer du sein. Deux itinéraires, de 4 kilomètres et 700 mètres serpentaient dans Bucarest et les participants pouvaient choisir de courir ou de marcher. Plus de 5000 personnes ont répondu au rendez-vous de cette dixième édition dont les bénéfices serviront à couvrir les analyses médicales de femmes vulnérables et à acheter des perruques de cheveux naturels pour des personnes en chimiothérapie. La course a également attiré de nombreuses personnalités publiques, des diplomates étrangers, des écoles, des lycées et des entreprises ayant compris l’importance d’une manifestation dédiée à cette cause. Mihaela Geoană, présidente de la Fondation renaissance, revient pour nous sur les enjeux de cette course.

     

     

    C’est en premier lieu une bonne occasion pour s’informer,  découvrir comment vivre sainement, comment parvenir à dépister précocement et à prévenir les maladies qui touchent spécifiquement les femmes. Mais c’est aussi l’occasion de célébrer celles qui ont vaincu le cancer du sein. Elles sont nombreuses et elles vont très bien. En général il y a une centaine de femme et il y un temps qui leur est consacré. Il s’agit également d’une levée de fond puisque les taxes de participation, 50 lei par adulte et 30 lei par enfant, serviront à proposer des tests sanguins et des mammographies gratuites dans le cadre de notre brigade mobile qui va de village en village dans les zones rurales et à offrir des perruques à des femmes en chimiothérapie.

     

     

    Au-delà de la participation à la course, une plateforme a été mise en place cette année pour que chacun puisse faire un don afin de développer la prévention et le dépistage du cancer du sein et du col de l’utérus. La plateforme restera ouverte jusqu’à fin décembre.  Pendant la course, des surprises étaient prévues pour tous les âges. La manifestation s’est achevée sur un défilé de femmes ayant guéri d’un cancer, vêtues d’un tee-shirt rose et dansant sous l’applaudissement fournis de la foule. A la fin, un lancer de ballons roses est venu rendre hommage à celles qui sont mortes des suites de leur cancer. Car cet évènement joyeux et porteur d’espoir ne doit pas faire oublier la sinistre réalité. La Roumanie connait un nombre de décès liés au cancer de 48 % plus élevé que la moyenne européenne. On considère que chaque année 20 000 décès pourraient être évités. La Fédération des associations des malades du cancer a voulu marquer le coup en organisant une conférence dédiée à tous les survivants et aux malades, qui luttent tant contre la maladie que contre le système. Tous les participants à la conférence, officiels, médecins, représentants de l’industrie pharmaceutique ou de laboratoires médicaux mais aussi patients et proches de malades ont insisté sur le droit de tous à avoir accès aux investigations médicales, aux traitements innovateurs et à des soins adaptés. Ils considèrent qu’il faut également renforcer la prévention, c’est-à-dire des actions sur le long terme pouvant avoir un impact décisif. Mihaela Geoană, présidente de la Fondation Renaissance, nous livre ses impressions.

     

     

     

    On peut dire qu’il existe un genre de collaboration dans le sens où à chacun de nos évènements participent des représentants du Ministère de la santé, de l’Institut National de Santé publique, de divers hôpitaux… Je pense que c’est le rôle de l’Etat de mieux organiser et de mieux financer la prévention mais les ONG peuvent faire leur part, en s’adressant plus directement au public cible. Il faut mieux communiquer, dans l’intérêt du public.

     

     

    De son côté, le président de la Fédération des associations des malades du cancer, Cezar Irimia, affirme que les tergiversations autour de l’application de la loi issue du Plan national de prévention et de lutte contre le cancer fait des victimes chaque jour, les carences en termes d’investigation médicale et de traitements de dernière génération plaçant la Roumanie en première place au classement européen du taux de mortalité lié à des cancers. Pendant la conférence, les associations présentes ont affirmé rester fermes dans leurs revendications de développer les investigations génétiques et moléculaires et les nouveaux traitements afin de réduire le nombre de décès dans le pays et de rattraper le retard de 5 ou 6 ans face au reste de l’Europe.

     

    Nicoleta Pauliuc, sénatrice et initiatrice d’une proposition de loi dans le domaine de l’oncologie, a reconnu, je cite : „Nous n’avons pas fait assez, j’ai essayé d’être votre porte-parole au Parlement roumain mais malheureusement les ressources sont limitées. Elle a ajouté :

     

    On parle ici de médecine personnalisée, ça devrait selon moi être un projet national. Comment se fait-il que moi, roumaine, je doive attaquer l’Etat roumain en justice pour avoir le droit de vivre, parce qu’il y a trois ou quatre traitements possibles pour chaque type de cancer mais l’Etat me dit ‚’les procédures n’existent pas, je ne peux pas te donner ce médicaments-là’? Si des tests génétiques existent, pourquoi une roumaine doit-elle se rendre en Autriche pour se faire tester avant de revenir pour attaquer l’Etat roumain en justice? Pourquoi a-t-on aujourd’hui des délais de 385 ou 285 jours avant de pouvoir commencer un traitement? Pourquoi nous n’avons pas de cartes du parcours du patient? Ça ne coûte rien de réaliser ces cartes qui permettent de savoir, une fois le diagnostic établi ce qu’il faut faire, où il faut aller? Je vais sur le site de la Fédération des patients en oncologie et je suis un oncologue qui me dit ce que je dois faire, quelle analyses réaliser, quand aller chez mon médecin traitant… Non, nous n’avons pas de cadre pour une médecine personnalisée!

     

    En Roumanie, malgré une croissance économique régulière, le système de santé demeure sous-financé. Au niveau européen, la part de budget d’Etat allouée à la santé avoisine les 10 % alors qu’en Roumanie elle est de 6.5% soit le niveau européen d’il y a 20 ans. Concernant les malades du cancer, la Roumanie leur alloue moins de la moitié des sommes dépensées en moyenne par les autres pays européens. Le cancer est pourtant la deuxième cause de mortalité en Roumanie, juste derrière les maladies cardio-vasculaires : en effet, 1 décès sur 6 est causé par un cancer.

  • Recompenser les courageux

    Recompenser les courageux

    Ce printemps, Agent Green, une ONG qui se consacre aux problématiques environnementales, a fêté son 15e anniversaire. Depuis sa création, Agent Green a fait campagne pour la protection des espaces verts, a lutté contre l’exploitation forestière illégale et a mené des campagnes de lobbying en faveur des droits des animaux. Ses actions dérangent souvent divers intérêts politiques et économiques et les activistes doivent en payer le prix.

     

    Gabriel Paun, un activiste contre la mafia forestière

     

    Par exemple, le fondateur de l’association, Gabriel Păun a été blessé lors d’altercations avec des membres de la « mafia forestière » alors qu’il cherchait à documenter et entraver la coupe illégale d’arbres. Ainsi, en Roumanie, faire campagne contre certaines atteintes à l’environnement est devenu une question de courage extrême. Or le courage mérite d’être reconnu et, pourquoi pas, récompensé ! C’est ce qu’a pensé Gabriel Păun lorsque, pour célébrer le 15e anniversaire d’Agent Green, il a organisé le Gala du courage afin de décerner 10 prix à des activistes civiques, et pas seulement dans le domaine de l’environnement.

     

    Célèbrer le courrage dans divers domaines

     

    « Je voulais montrer que je ne suis pas seul, mais en même temps attirer l’attention sur le fait que l’activisme civique risque de rester une activité solitaire ». C’est ainsi que l’on pourrait résumer l’intention du Gala du courage, mais son objectif est plus large, comme l’explique Gabriel Păun lui-même : « Il devrait être naturel d’exercer le courage dont nous sommes tous dotés, mais je vois de moins en moins ce courage exprimé et mis en pratique. Cela me donne le sentiment que, au moins dans mon domaine, celui de la conservation de la nature, les choses deviennent, sinon impossibles, du moins difficiles. Une organisation non gouvernementale doit être le porte-parole de toute une société. Mais si la société est silencieuse, si elle est tombée dans le désespoir, le mépris et la non-implication, alors sa voix disparaît. Je l’ai constaté en discutant avec des personnes d’autres secteurs de la société, c’est-à-dire dans tous les secteurs de la société qui sont confrontés au même problème. C’est ainsi que j’ai eu l’idée du Gala du courage, où nous avons célébré le courage de personnes plus ou moins connues agissante dans divers domaines : l’éducation, la science, l’art, la culture, l’activisme, le journalisme. Cet événement a été couronné de succès, au-delà des espérances. »

     

    Les courageux de l’année

    La cérémonie s’est déroulée à l’Athénée roumain, au son de des violoncelles de l’ensemble Violoncelissimo dirigé par le président de la Philarmonie de Bucarest, Marin Cazacu et les diplômes ont été créés par l’artiste visuel Dan Perjovski. Qui étaient les lauréats ? Gabriel Păun nous en présente certains : « Nous avons tout d’abord fait monter sur scène une actrice rom, Alina Serban, qui a prononcé un discours absolument magnifique. Elle m’a rempli d’émotion et a été félicitée par le réalisateur Cristian Mungiu, qui a réalisé le célèbre film RMN, un film qui non seulement vaut la peine d’être vu, mais qui doit l’être parce qu’il met en évidence la discrimination ethnique en Roumanie. Nous avons également tendu la main à la communauté LGBTQ, car là aussi, nous sommes encore confrontés à des mentalités rétrogrades et il reste beaucoup à faire. Nous avons également encouragé le journalisme environnemental, afin de nous rapprocher de notre domaine, et nous avons récompensé Ramona Țintea, avec qui nous avons réalisé de nombreux reportages environnementaux sur les forêts, les aliments empoisonnés, les décharges illégales et bien d’autres sujets. Nous avons rendu hommage à Stefan Neagu, un héros des forêts. Nous avons l’habitude d’entendre mon nom ou celui d’autres activistes ou journalistes courageux qui dénoncent des actes répréhensibles, mais il y a aussi des scientifiques, des chercheurs de l’ombre qui sont en train de révolutionner les forêts. Stefan Neagu est à l’origine du célèbre inventaire forestier national qui nous dit combien de forêts poussent en un an, mais aussi combien nous en perdons en même temps sans laisser de traces. Mais ce n’est pas tout. Il a mis en cause un ancien secrétaire d’État aux forêts auprès du ministère de l’environnement. Deux heures après ses révélations, il était licencié sans autre forme de procès. C’est sans précédent et je ne pense pas qu’un activiste ou un journaliste ait réussi à le faire. »

     

    Une cuillère pour éteindre un grand feu

     

    Parmi les lauréats, le poète Radu Vancu a reçu le prix du courage pour la paix, la coopération et l’anti-fanatisme. Radu Vancu démontre ainsi que même les écrivains et les intellectuels soutiennent l’engagement civique, comme le regretté écrivain israélien Amos Oz, qui a mentionné pour la première fois l’”Ordre de la cuillère”, devenu le symbole du Gala du courage à Bucarest. Radu Vancu nous en dit plus sur Amos Oz : « Je ne pense pas qu’il imaginait que cela deviendrait un véritable ordre comme c’est le cas aujourd’hui, mais il l’a institué comme une proposition en 2004, dans un livre dont le titre pourrait très bien faire office de logo du Gala du Courage. « Comment guérir un fanatique » est un livre extraordinaire, dans lequel Oz dit notamment ceci : il y a fondamentalement trois types de réaction à une catastrophe, par exemple un incendie. La première réaction consiste à suivre son instinct de conservation, à s’enfuir et à laisser brûler ceux qui ne peuvent pas s’enfuir. La deuxième réaction est d’envoyer une lettre de protestation à son journal préféré. Et la troisième réaction, pour ceux qui n’ont pas accès aux plateformes médiatiques, journaux, télévision et autres, est de prendre un seau, une tasse, un verre, une cuillère à café, tout ce qui est à portée de main, de prendre de l’eau et de venir éteindre le feu. Nous sommes nombreux et beaucoup de cuillères peuvent éteindre de grands incendies. Et il a dit : « Je propose que nous instituions l’ordre de la cuillère, que nous portions éventuellement une cuillère à la boutonnière, ceux d’entre nous qui sont prêts à donner quelques grammes de leur altruisme pour d’autres êtres humains, en essayant de sauver ce qui peut l’être. » »

     

    L’ordre de la cuillère

     

    En 2006, une institution suédoise a même repris cette idée de la coalition de petits gestes pour créer une force puissante et a créé l’« Ordre de la cuillère » qui se porte au revers du manteau et que l’association Agent Green a importé à Bucarest. Radu Vancu poursuit : « J’ai parlé de cet ordre de la cuillère dans mon discours d’ouverture du festival de littérature d’Odessa, en exil à Bucarest. Gabriel Păun a entendu mes propos sur l’Ordre de la cuillère et a eu la merveilleuse idée de proposer la création d’un Ordre de la cuillère lors du Gala du courage. Il est également venu avec des cuillères en argent ornées d’edelweiss, le symbole d’Agent Green. Et nous avons proposé la création de l’Ordre de la Cuillère en Roumanie, parce que nous avons fait un peu d’arithmétique élémentaire. 20 millions de Roumains multipliés par une cuillère de 10 ml chacun, c’est deux cents tonnes d’eau, de quoi éteindre de grands incendies. Il y a suffisamment de courage et d’humanité en Roumanie pour éteindre de grands incendies. »
    …a déclaré le poète Radu Vancu, celui qui s’est vu décerner le prix du courage pour la paix, la coopération et l’anti-fanatisme décerné par l’ONG Agent Green dans le cadre d’un Gala du courage.

  • Pourquoi travaillons-nous ?

    Pourquoi travaillons-nous ?

    Le centre de Stratégie, management et développement intelligent du Département de sciences politiques, d’administration et de communication de l’Université Babeș-Bolyai de Cluj-Napoca a réalisé une étude nommée : Pourquoi travaillons-nous ? Les résultats montrent des changements clairs dans l’attitude des salariés envers leurs responsabilités, notamment en ce qui concerne les moins de 40 ans mais aussi des évolutions sur les attentes que les employeurs et les employés ont les uns envers les autres. Ainsi, aujourd’hui le salaire n’est plus le premier aspect pris en compte pour le choix d’un poste, les gens cherchant plutôt un équilibre entre leur vie professionnelles et personnelle. On note aussi un changement d’attitude des employeurs en termes d’autorité et une nouvelle interprétation des fonctions de cadre. Le chef autoritaire qui donne des ordres incontestés tend à disparaitre, face à une génération qui ne se laisse plus impressionnée par ce type de comportement.

     

    Tudor Țiclău, qui est conférencier au sein du département d’Administration et de management public de l’Université de Cluj, détaille pour nous les critères de choix mis en évidence par cette étude :

     

    « Concernant les critères de sélection pour trouver un emploi, nous avons testé 9 facteurs. En premier lieu apparaît la sécurité de l’emploi, en effet 87% des personnes interrogées estiment qu’il s’agit d’un critère important ou très important. En deuxième position vient le type d’emploi, en troisième – les opportunités d’évolution et en quatrième – l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle. Il est intéressant de noter que ces critères se retrouvent aussi chez les étudiants. Nous avons mené la même enquête auprès d’étudiants et la seule différence est que la sécurité de l’emploi arrive pour eux en quatrième position, tandis que l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle arrive en première position. Le type d’emploi et les opportunités d’évolution qu’il offre restent aux mêmes places. Un autre élément remarquable est que le salaire et les bénéfices se classent en cinquième et sixième position, ils ne sont donc pas des critères décisifs. Ils ne prennent de l’importance que s’ils sont très éloignés des attentes. En queue de classement on trouve le travail à domicile et les valeurs des entreprises et en tout dernier le fait de travailler avec des technologies de pointe. En fait, seule la moitié des personnes interrogées considère qu’il s’agit d’un critère pertinent. Ce même classement est valable aussi pour les étudiants ».

    L’étude montre également le souhait et la capacité des employeurs d’entretenir des relations plus ouvertes qu’auparavant avec leurs employés. Tudor Țiclău dresse le tableau des nouvelles relations de travail :

     

    « L’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée, mais aussi le bien être au travail sont des éléments de plus en plus importants. Et à partir de nos observations, nous pouvons dire que les directions des entreprises accueillent et accompagnent ces transformations souhaitées par les salariés. Ces critères d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et de bien-être au travail sont particulièrement importants pour la jeune génération, la génération Z. Et nous pensons qu’ils devraient mener à un nouveau paradigme de compréhension des relations entre les entreprises et les salariés, notamment lié au fait que pour ces jeunes travailleurs, l’identité professionnelle a beaucoup moins d’importance que pour les générations antérieures. En d’autres termes, les gens ne s’identifient plus à leur travail. Ça va même plus loin, dans le sens où les postes doivent être façonnés pour correspondre aux besoins des employés. On observe cette délimitation entre la vie professionnelle et la vie personnelle qui représente une revendication forte de la part des jeunes, une demande de respect des limites. Par exemple, ces salariés considèrent qu’une fois la journée de travail terminée, ils n’ont pas à prendre sur leur temps personnel pour régler une situation restée en suspens, ils le feront le lendemain ».

     

    Nous assistons donc à un changement sans précédent des relations entre employeur et employé et ce grâce à la jeune génération, comme nous le rappelle Tudor Țiclău.

     

    « On voit également un changement au niveau de l’encadrement. Il est clair que l’approche classique où un chef autoritaire donne des ordres et explique comment les choses doivent être faites ne fonctionne plus. Aujourd’hui, l’équation de l’encadrement est bien plus complexe. Déjà, pour qu’un cadre soit accepté, quelle que soit l’entreprise ou sa position, il doit posséder des qualités humaines, faire preuve d’empathie, être capable de discuter et de comprendre les besoins des salariés. C’est sur cette base qu’ensuite peuvent se développer les autres compétences attendues d’un cadre : des compétences techniques, une vision, la capacité à partager cette vision, bref des compétences spécifiques au travail de l’entreprise. Les salariés attendent avant tout d’un cadre qu’il soit capable de les comprendre en tant qu’individus, de comprendre leurs besoins et de les traiter comme des égaux. Il y a une réaction de résistance à toute forme d’autorité formelle, c’est caractéristique de la génération Z et ça ne se limite pas au domaine professionnel. C’est un rejet global des valeurs traditionnelles ».

     

    On se demande souvent pourquoi les entreprises préfèrent recruter des jeunes plutôt que des personnes plus âgées, avec plus d’expérience. Tudor Țiclău éclaire notre lanterne.

     

    « Il ne s’agit pas réellement d’une préférence pour des personnes plus jeunes, mais d’une préférence pour un certain type de salarié, qui se retrouve principalement parmi les jeunes. Pour commencer, les entreprises veulent des employés prêts à apprendre en permanence, afin de s’adapter à des marchés en évolution constante. Car un salarié disposé à se former en permanence sera performant dans un plus grand nombre de situations qu’un autre. Ensuite, les entreprises attendent également que leurs employés aient une attitude proactive et soient autonomes dans la résolution des problèmes. Plus précisément, il est attendu des employés qu’ils essaient de résoudre seuls les difficultés auxquelles ils sont confrontés et qu’ils n’aient recourt à leur autorité formelle que lorsque leurs ressources ou leur position ne leur permettent pas de résoudre le problème. Les responsables veulent également des employés qui souhaitent évoluer au sein de l’entreprise et beaucoup d’entreprises ont développé des instruments et des programmes qui cherchent à encourager ce type de comportement. En fin de compte, il relève de l’intérêt de tous que la relation de travail ne soit pas interrompue ».

     

    Respect de la vie privée et individualisation des responsabilités au sein de l’entreprise sont donc les deux faces de ce nouveau paradigme qui tend à s’imposer partout dans le secteur privé. (trad. Clémence Leheureux)

     

  • “La ronde du recyclage”

    “La ronde du recyclage”

    Comment ça marche

     

    Les Roumains sont les mauvais élèves du recyclage en Europe. L’Union européenne ayant demandé à tous les États membres d’atteindre un taux de 55 % d’ici à 2025, la Roumanie a lancé, à la fin de l’année dernière, le système de garantie-retour (SGR), le plus grand projet national d’économie circulaire à l’heure actuelle, dans l’espoir de redresser au moins partiellement la situation.

     

    Les « rouages » du système sont les 19 millions de Roumains : chaque citoyen paie une garantie de 50 bani (environ 10 centimes d’euro) lorsqu’il achète une boisson dans un emballage en verre, en plastique ou en métal d’une contenance maximale de 3 litres. Après avoir été vidé, l’emballage marqué SGR peut être rapporté à n’importe quel point de collecte mis à disposition chez les détaillants. En échange de l’emballage vide, le consommateur reçoit le montant de la garantie initialement payée, soit en espèces, soit sous la forme d’un bon d’achat. L’ambition des autorités est de retirer chaque année du marché environ 7 milliards de ces emballages qui, après comptage, tri et compactage, seront vendus à des recycleurs.

     

    Géré par RetuRo, le système de garantie-retour est donc considéré comme l’un des leviers importants afin d’atteindre les objectifs de collecte et de recyclage fixés par l’Union européenne. Sa mise en œuvre devrait également avoir un effet bénéfique significatif sur le comportement des Roumains en matière de recyclage.

     

    “La ronde du recyclage”

     

    Mihaela Frăsineanu, conseillère d’État auprès du Premier ministre, explique d’où vient le nom du projet « La ronde du recyclage » et évoque les autres avantages du SGR :

    « La ronde est une danse traditionnelle moldave, mais c’est aussi le symbole du cercle, un symbole que l’on retrouve également sur le logo de RetuRo et allons un peu plus loin ! C’est le symbole du plus grand projet d’économie circulaire en Roumanie ! C’est le symbole d’un projet qui implique plus de 19 millions de personnes et c’est avant tout le symbole de notre responsabilité envers l’environnement. Même en s’arrêtant au fait que nous rendons le pays plus propre, c’est quand même déjà un pas en avant extrêmement important ! Mais au-delà, il y a des choses que l’on ne voit pas du premier coup d’œil. Nous ne voyons pas que nous parlons d’optimisation des ressources, nous ne voyons pas que nous parlons de réduire notre empreinte carbone. Nous ne voyons pas que nous parlons également d’efficacité en termes de ressources humaines. Nous ne voyons pas que nous parlons également des ressources financières impliquées et de la responsabilité financière. Nous parlons enfin d’une responsabilité sociale et d’une responsabilité économique. » 

     

    Quatre grands centres régionaux de recyclage déjà inaugurés

     

    Le 13 mai, RetuRO a inauguré un nouveau centre régional de comptage et de tri des emballages garantis près de Bucarest, à Otopeni. Il s’agit du quatrième centre de ce type après ceux de Cluj, de Brasov et de Timis. D’une superficie de 10 000 mètres carrés et doté d’équipements de pointe, le nouveau centre a une capacité annuelle de comptage d’environ 900 millions d’emballages et une capacité de tri et de traitement par type de matériau (PET, métal, verre) deux fois plus importante, soit 1,8 milliard d’emballages.

     

    « Le système de garantie de retour est dans une dynamique permanente, les Roumains retournent de plus en plus d’emballages et l’évolution que nous enregistrons en permanence reflète de plus en plus l’implication des consommateurs. Au cours des trois prochains mois, nous prévoyons d’ouvrir d’autres centres de comptage et de tri dans les départements de Dolj, de Bacau et de Prahova » – précise Gemma Webb, PDG et présidente du conseil d’administration de RetuRO.

     

    Le coulisses du projet

     

    Alice Nichita, de l’Association des producteurs de boissons non alcoolisées pour le développement durable, ajoute :

    « Très peu de Systèmes de Garantie-Retour existants ont déjà inauguré leur quatrième centre, et nous l’avons inauguré moins de six mois après le lancement du système. Je ne pense pas qu’il y ait un autre programme qui dispose de 10 centres de collecte et de tri comme RetuRo devrait en avoir à l’issue de sa première année d’activité. Il s’agit d’un projet ambitieux qui a toutes les chances de réussir. Il y a eu beaucoup d’étapes, en effet, parce que de tels projets ne sont pas des sprints ou des tests, ce sont des choses qu’il faut construire efficacement dès le premier jour et ne pas renoncer aux principes, et ces principes, nous voulons les voir mis en œuvre et porter leurs fruits. Et je suis fier de vous dire que lorsque nous recevons des demandes de collègues d’autres pays, en particulier d’Europe occidentale, qui souhaitent apprendre de nous, venir ici en visite de travail, voir quelles sont les étapes et les leçons que nous avons apprises au cours de ce projet, cela nous rend très fiers et nous honore».

     

     

    La République de Moldova est l’un des pays intéressés par la reprise de cette bonne pratique roumaine.

     

    Sergiu Lazarenco, ministre de l’environnement à Chisinau affirme :

    « Nous souhaitons que le Système de Garantie-Retour soit opérationnel en République de Moldova d’ici 2027. Nous sommes conscients que la mise en œuvre de ce système implique des défis et des responsabilités considérables, mais il est certain qu’en mettant en œuvre ce système, les citoyens deviendront plus responsables, l’environnement deviendra plus propre, nous développerons l’économie circulaire, nous créerons de nouvelles opportunités de développement économique et, plus important encore, nous créerons également de nouveaux emplois. Je suis très heureux de constater que les citoyens des deux pays sont de plus en plus conscients et préoccupés par les questions environnementales. C’est ce qui nous pousse à être encore plus déterminés, à entreprendre des politiques et des actions environnementales compliquées mais nécessaires. Nous ne pouvons plus retarder la mise en œuvre des réformes environnementales. En investissant dans des projets environnementaux, nous investissons dans l’avenir !”

     

    Pour et contre ce système

     

    Pour l’instant, tous les commerçants roumains n’ont pas adhéré au Système de Garantie de Retour ou certains de ceux qui l’ont fait veulent déjà quitter la « ronde du recyclage », invoquant une transition difficile. Et pour cause. Parfois, les machines de recyclage sur place ne fonctionnent pas ou bien elles sont pleines ou elles ne lisent pas les codes-barres des emballages à retourner. Plus encore, les petits magasins de quartier ne disposent pas d’un espace de stockage adéquat pour les canettes ou bouteilles vides en attendant que les machines les ramassent. Quant aux clients, certains sont mécontents de ne pas pouvoir utiliser les tickets qu’ils reçoivent dans n’importe quel magasin, mais seulement dans celui où ils ont recyclé. Mais malgré les difficultés inhérentes à toute nouvelle initiative, le Système de Garantie-Retour n’a cessé de croître depuis ses débuts en novembre 2023. En voici un exemple. Pour le seul mois d’avril, 160 millions d’emballages ont été collectés et l’ambition des autorités est de franchir la barre des 200 millions en un seul mois. Cela signifie, avec l’aide de 19 millions de Roumains, on espère avoir bientôt autant de cartons de boissons en moins dans les décharges, les lits des rivières et les forêts. (trad. Clémence Lheureux)

  • La société civile soutient l’enseignement public

    La société civile soutient l’enseignement public

    Il y a des personnes en Roumanie qui refusent d’assister impuissantes au spectacle de l’incompétence de la puissance publique dans un domaine aussi important que l’éducation. Créant des ONG, ces personnes collectent de l’argent privé afin de mettre en place des projets d’ampleur, susceptibles de renverser une donne perdante. C’est le cas de l’association Bookland, qui a réussi à améliorer une situation que les Roumains déploraient depuis de nombreuses années : l’état des écoles de campagne, humides, mal peintes, dépourvues d’équipements modernes et situées dans des bâtiments inadaptés. En quatre ans, Bookland a rénové et équipé 80 écoles et maternelles.

     

    L’impulsion est venue des statistiques sur les abandons scolaires massifs dans les zones rurales.

     

    Et les raisons de la déscolarisation vont de pair avec la négligence des bâtiments scolaires, explique Mihaela Petrovan, présidente de Bookland : “En ce qui concerne l’éducation, la situation en milieu rural est grave. Par exemple, un élève sur deux ne dépasse pas le collège. Et en Roumanie, en milieu rural, un élève sur quatre ne passe déjà plus le bac. Donc c’est difficile, mais malgré tout nous n’abandonnons pas. Dans l’esprit de tout activiste comme nous il y a une lutte permanente, il faut continuer à avancer, à poursuivre son rêve, il se peut que nous soyons un peu naïfs, un peu fous, pour avoir le courage de croire que c’est possible, même si ce n’est pas facile. Et c’est pour ça que depuis quatre ans nous œuvrons à rénover des écoles dans tout le pays hormis dans le département d’Ilfov, avoisinant la capitale et dans lequel l’Inspection scolaire a encouragé toutes les écoles à solliciter des fonds européens. Bravo à eux ! Nous, à Bookland, nous fonctionnons avec des fonds privés. Et je pense que si nous avons réussi à faire ce que nous avons fait avec l’argent roumain offert par des entreprises locales et internationales ou multinationales, je pense que nous pouvons y arriver.
    Mais la plus grande réussite de Bookland a été de mobiliser les communautés locales, souvent touchées par la léthargie.

     

    Deux écoles par département

     

    Mihaela Petrovan, présidente de Bookland, explique comment a développé son activité sur le terrain : “Nous avons rénové entre 1 et 6 écoles dans chaque département. La moyenne est de deux écoles par département, mais il y a des départements comme Vrancea, avec six écoles et maternelles rénovées. Nous sommes heureux de constater que le changement s’y est perpétué. C’est-à-dire qu’au moment de notre arrivée, toute la communauté était peut-être dans un état de léthargie, lassée des mensonges et des promesses, résignée, mais nous avons réussi à impliquer absolument tout le monde. Les parents ont préparé un repas chaud pour les travailleurs, les élèves se sont impliqués et ont peint la clôture et les murs de leurs main, en réalisant divers motifs. Tout le monde s’est impliqué, du plus petit au plus grand, les prêtres, le médecin du village, le boulanger. Tout le monde a apporté sa contribution.”

     

    “…une Roumanie unie pour nos enfants”

     

    Et ces performances sont remarquées, tout d’abord, par les locaux, comme une mère du comté de Neamt, dont Mihaela Petrovan se souvient également : “Une maman a dit une chose très belle lorsqu’elle a vu la plaque avec les noms de tous les parrains qui ont directement contribué à la rénovation de l’école, soit environ 40 ou 50 noms: “Comme c’est beau ! De voir une Roumanie unie pour nos enfants”. C’était une mère de famille de Păstrăveni, dans le département de Neamț. Elle m’a impressionnée et je me suis rendue compte que oui, elle avait raison, car nous avons apporté à l’école 150 à 200 paquets de matériaux provenant non seulement de Neamt, mais aussi d’Arad et du Bihor. Les matériaux sont arrivés puis nous avons mobilisé des entreprises pour qu’elles redirigent des produits ou de l’argent afin que nous puissions payer la main-d’œuvre. Nous avons également mobilisé les municipalités locales pour qu’elles apportent leur patte à l’édifice. Et il faut savoir que la plupart d’entre elles ont contribué avec l’argent qu’elles percevaient des impôts locaux, donc même pas avec l’argent du budget de l’État ; ainsi les villageois ont quand même payé pour l’école, la partie de la mairie était la contribution des membres de la communauté. Nous sommes fiers que ce trio gagnant – entreprises, municipalités et communauté – travaille sans argent européen.”

     

    Des cours pour les artisans

    La prochaine étape que Bookland prépare est de soutenir l’apprentissage, c’est-à-dire des cursus qui forment des artisans dans différents domaines en lien avec les entreprises ou les agents économiques désireux d’investir dans la formation de ces étudiants. Selon Mihaela Petrovan, Bookland envisage de créer le premier campus pré-universitaire d’apprentissage dans le département d’Argeș, dans la commune de Vulturești. La Roumanie a besoin de tels espaces. Selon le dernier rapport de l’OCDE, l’enseignement professionnel et technique est plus populaire en Roumanie que dans d’autres pays : 32 % des étudiants roumains âgés de 15 à 19 ans sont inscrits dans ce type d’enseignement secondaire.

  • Art Battle Bucharest

    Art Battle Bucharest

    La galerie alternative „Cellule d’art” organise ce printemps, dans le Palais Bragadiru la compétition de peinture live „Art Battle Bucharest”. Les „art battles” sont conçues sur le modèle des „rap battles”, une forme d’art urbain qui consiste en une confrontation verbale entre deux ou plusieurs personnes face à un public et à un jury. Une „art battle” est donc un duel d’art en live. Plus de 2000 évènements de ce genre ont déjà été organisés dans le monde. Andreea Eliza Petrov de l’équipe de la galerie „Cellule d’art” nous en dit plus.

     „Art Battle Bucharest” est une compétition de peinture live dont le concept est inspiré des rap battles. La première compétition de ce type s’est déroulée à New-York en 2001, et après une vingtaine d’années et 2000 compétitions organisées dans 20 pays différents, le concept est finalement arrivé jusqu’à nous. L’évènement de ce printemps est le deuxième de ce type organisé cette année à Bucarest et le troisième depuis le lancement de ce concept en Roumanie. Il se déroulera au Palais Bragadiru, un lieu plein de faste dans lequel „Cellule d’art” organise souvent des expositions et que nous avons choisi spécialement pour cette occasion.

     

    Combien y aura-t-il d’artistes qui participeront à la compétition? Quel sera le prix? Andreea Eliza Petrov.

     “Douze artistes participent à l’Art Battle. Le vainqueur gagne un prix de 100 euros et la possibilité de participer à la tournée internationale de l’Art Battle. En outre, toutes les œuvres créées pendant la battle seront vendues aux enchères et les artistes recevront un pourcentage important du prix des œuvres. Lors de la dernière édition, toutes les œuvres ont été vendues.

    Andreea Eliza Petrov nous explique comment se déroulera le concours.

     

    “La compétition proprement dite consiste en deux rounds plus une finale avec des pauses entre les deux, chaque round dure 20 minutes. Comme la dernière fois, l’événement commencera à 17h00, et la compétition durera de 18h00 à 21h00 environ. Donc le public passe toute la soirée avec nous à regarder des artistes créer sous ses yeux. Ce qui rend l’événement vraiment spécial, c’est que chacun peut voter pour  son artiste préféré et le soutenir jusqu’à la finale, puis jusqu’au grand prix. Il n’y a rien à payer pour pouvoir voter, il suffit d’être là. Le public a ainsi la possibilité de participer au processus de création et d’exprimer son opinion, et les artistes peuvent partager sans barrière le processus de création d’une œuvre, libérant ainsi l’art visuel des idées préconçues et des modèles. La troisième édition de cet événement est organisée par l’École d’art en collaboration avec Ahab et Econsulting.

     

    Les organisateurs ont également préparé des surprises pour le public. Andreea Eliza Petrov.

     “La surprise de la soirée pour les participants est l’organisation, parallèlement au concours, d’une nouvelle édition de “Leaf”, organisée à d’autres occasions par la Cellule d’art. En tant qu’événement emblématique, “Leaf” est l’abréviation de “Limited Edition Art Fest”, et les participants à l’événement pourront voir et acheter des œuvres de petits formats d’artistes contemporains en édition limitée, à des prix très abordables. Tout le concept de “Leaf” repose sur l’idée de proposer des prix abordables pour des œuvres originales ou même des copies personnelles, inspirées d’œuvres célèbres dans des techniques telles que le collage, la gravure, le monotype, l’estampe, le graphisme. Un évènement pour les amateurs d’art et les collectionneurs de tous les goûts”.

     

    Comment s’est déroulée la dernière édition de “Art Battle Bucharest” ? Quelles ont été les réactions du public ? Andreea Eliza Petrov de la Cellule d’art nous en parle :

    “La dernière fois, la réaction du public a été extrêmement positive. Tout au long de la compétition, ils ont encouragé leurs favoris jusqu’à la fin. Des gens de tous âges, même des familles avec des enfants, sont venus et ont passé un bon moment, repartant avec le sourire. Et le fait que toutes les œuvres aient été vendues signifie qu’elles ont été très appréciées.

    a conclu  Andreea Eliza Petrov de l’équipe de la galerie „Cellule d’art”

  • L’obésité en Roumanie

    L’obésité en Roumanie

    Chaque année au début du printemps se déroule la Journée mondiale de l’obésité, destinée à attirer l’attention sur cette maladie de plus en plus fréquente. L’obésité qui est caractérisée par une accumulation anormale ou excessive de graisse, n’implique pas que des considérations d’ordre physique ou de contrôle du poids mais constitue une affection médicale qui peut engendrer de multiples répercussions sur la santé. Elle peut provoquer ou aggraver des problèmes cardio vasculaire, endocrinologiques, des problèmes articulaires et même certaines formes de cancers. L’obésité a par ailleurs un impact significatif sur la qualité de vie des personnes atteintes, pouvant provoquer une dégradation de la confiance en soi ou une stigmatisation sociale.

     

    Selon les données disponibles, en 2020, au niveau mondial, environ 1 milliard de personnes souffre d’obésité soit une personne sur 7. Selon certaines estimations, ce nombre pourrait croitre jusqu’à 1,9 milliard de personnes d’ici 2035. En ce qui concerne les enfants, celles et ceux qui grossissent de manière incontrôlée dès la maternelle présentent de fortes chances d’être obèses à la fin du collège, d’après les spécialistes. L’obésité infantile risque de doubler entre 2020 et 2035.  Qu’en est-il en Roumanie ? D’après l’Institut national de santé publique, 2 personnes sur 100 présentaient un diagnostic d’obésité en 2022. La maladie semble se répandre principalement chez les femmes et en milieu urbain.

     

    Les conseils sont connus de tous, limiter les apports en sucres et graisses, consommer d’avantage de fruits et légumes mais aussi de légumineuses, de céréales intégrales et de noix et bien sûr pratiquer une activité physique. Dans nos vies surchargées, il nous faut encore faire de la place pour tout ce programme. Heureusement, Lygia Alexandrescu, médecin et spécialiste en nutrition est là pour nous aider.

     

    « Le terme de diète est apparu dans la Grèce antique. Les grecs ont en effet formalisé un style de vie nommé daiata qui impliquait divers aspects comme le sommeil et le repos, l’hydratation, la nourriture, le mouvement, le bien être. Tous ces aspects formaient la diète. Nous quand on parle de diète, on se réfère à l’alimentation mais pas à ce qu’on mange mais à ce qu’on ne mange pas. On ne parle que restriction ce qui est une erreur majeure. Quand on parle de nourriture, on doit parler de ce dont on a besoin, de ce qui nous maintient en bonne santé. Et de ce point de vue, nous n’avons pas toutes et tous besoin des mêmes apports. Tout le monde ne peut pas suivre la même diète, le même régime. Donc tout ce qu’on voit sur internet, les régimes hyperprotéinés ou hyperglucidiques, les diètes à base de riz ou de pommes, toutes ces diètes à la mode en ce moment sont complètement déséquilibrées. Certaines diètes sont bonnes pour certaines personnes, d’autres pour d’autres. Quels sont les critères à prendre en compte? Ils sont très nombreux. Et je ne parlerai pas ici de diète ou de régime, qui porte cette idée de restriction, qui évoque le souhait de rentrer dans une robe ou de pouvoir fermer sa chemise. Quand on parle nourriture, on parle style de vie ! et donc on revient à l’approche personnalisée. L’âge, le sexe, le type d’effort qu’on fait, l’état émotionnel, la génétique, l’état actuel sont autant de critères à analyser avec le médecin, le nutritionniste, l’entraineur de sport afin de construire un programme alimentaire personnalisé. Deux régimes ne devraient jamais être identiques. C’est comme pour la prise de médicaments, c’est personnalisé. »

     

    Des conseils plus précis ? Manger des aliments non transformés, faire 100 pas après le repas, bien s’hydrater, préparer à manger… Pour Lygia Alexandrescu, mal se nourrir revient à vieillir plus vite.

     

    « Il n’y a pas besoin d’être spécialiste de nutrition ou de biochimie alimentaire. Il suffit de savoir que nous consumons de l’énergie et que notre corps a besoin d’un combustible de bonne qualité. Et c’est le cas des aliments les plus proches possible de la nature, c’est-à-dire le moins transformés possible. Les plats préparés font grossir parce qu’ils contiennent trop de sel et de mauvaises graisses, on n’y retrouve pas la qualité initiale des aliments. Il y a beaucoup de détails. Tout est lié à l’éducation. Comme disent les Chinois, si on veut une génération saine, on doit éduquer la population pendant 30 ou 40 ans et après on aura une génération saine. »

     

    L’éducation étant l’élément clé pour une population en bonne santé, l’université de médecine et de pharmacie « Carol Davila » de Bucarest a lancé une campagne intitulée « Contrôle l’obésité » afin d’inciter les gens à manger sain et à faire du sport. Dans les faits, ce sont 8 événements dans 8 villes roumaines qui vont avoir lieu cette année dans l’espoir de faire prendre conscience aux gens des enjeux. Chaque événement comportera deux temps, l’un dédié au public large, aux autorités et à la presse, l’autre réservé aux professionnels de la santé travaillant avec des personnes touchées par l’obésité. Cătălina Poiană, professeure et initiatrice de la campagne précise que le but de ces évènements est de mettre en évidence le fait que l’obésité constitue un problème de santé publique qui nécessité des actions immédiates et coordonnées.

     

    Sans cette prise de conscience générale, le taux d’obésité va continuer à augmenter et de plus en plus de personnes vont mourir prématurément des conséquences de cette maladie. De plus, les maladies chroniques non transmissibles associées à l’obésité qui touchaient auparavant principalement les adultes sont en train de s’étendre de manière dramatique aux plus jeunes. Or, pour le moment aucun pays du monde n’a mis en place les actions essentielles qui permettraient d’atteindre le but d’endiguer la croissance de l’obésité d’ici 2030 établi par l’OMS en 2013.

     

    En effet, de très nombreuses études à travers le monde ont établi un lien entre pauvreté et obésité. Les classes sociales les plus précaires, exerçant les métiers les plus pénibles pour les plus bas salaires sont les plus exposées au risque d’obésité. Au-delà d’une question d’éducation, c’est toute l’organisation de la société qu’interroge la croissance du taux d’obésité.  (Trad : Clémence Lheureux)

  • La jeunesse roumaine en période électorale

    La jeunesse roumaine en période électorale

    23 % des jeunes prêts à voter pour un parti autoritaire

     

    Dans le contexte électoral de cette année 2024 qui va voir se dérouler les élections locales, européennes, parlementaires et présidentielles, le groupe civique Tinerii voteaza, en français Les jeunes votent, a commandité un sondage afin d’appréhender l’état d’esprit des votants âgés de 18 à 35 ans. Menée entre le 9 et le 14 mars sur un échantillon représentatif de 800 personnes, cette étude n’est pas porteuse de très bonnes nouvelles : une grande majorité des jeunes considère que le pays s’oriente dans une mauvaise direction et n’a pas confiance en la démocratie roumaine. De plus, 23% d’entre eux pourrait voter pour un parti autoritaire. Razvan Petri, le coordonnateur du groupe civique « Les jeunes votent », nous offre son analyse sur l’attitude de sa génération face à la politique.

     

    «  Le plus important serait de tenir compte du fait que les jeunes trouvent que le pays va dans une mauvaise direction. 68 % l’ont déclaré, une grande majorité donc. Pire : 79 % considère qu’on ne peut pas avoir confiance dans la démocratie de notre pays. Il y a donc un grand problème de confiance envers les fondements démocratiques de la Roumanie, et surtout on constate une confiance très faible envers les institutions publiques et les partis politiques, c’est-à-dire envers le Parlement, le gouvernement et les partis. Nous n’avons pas confiance dans les instruments avec lesquels nous devrions travailler afin de prendre de bonnes décisions dans le futur. C’est très dangereux, parce que le risque de ce manque de confiance envers les instruments démocratiques est que nous nous orientions vers d’autres instruments qui ne relèvent pas du jeu démocratique. »

     

    Une perte de confiance dans les institutions démocratiques

     

    Cette préférence exprimée envers des instruments qui sortent du cadre démocratique peut s’expliquer par une déception face au fonctionnement des institutions démocratiques en Roumanie. En d’autres termes, comme les pratiques démocratiques sont déficientes en Roumanie, les jeunes en concluent que la démocratie en elle-même ne fonctionne pas.  Par ailleurs, l’Union européenne bénéficie de plus de crédit aux yeux des jeunes que les institutions nationales, et ce malgré leur méconnaissance abyssale du fonctionnement complexe des institutions européennes. Pour Razvan Petri tout découle de l’éducation.

     

    «  Malheureusement, les jeunes connaissent mal le fonctionnement des institutions et cette méconnaissance contribue à leur confusion quant au fonctionnement des mécanismes politiques en Roumanie. Malheureusement, il n’y a d’éducation civique qu’à l’école primaire et au collège et ça se ressent, précisément au moment où ils s’approchent de l’âge de voter, les jeunes ne bénéficient d’aucune préparation pour cet acte important. Quant au niveau européen, la confusion est encore plus grande parce que l’Union européenne a un fonctionnement très complexe, compliqué et confus. De plus, il y a des hommes politiques en Roumanie qui préfèrent entretenir un flou artistique en ce qui concerne le fonctionnement des institutions européennes afin de pouvoir accuser Bruxelles si les choses tournent mal ou s’ils ne peuvent pas honorer leurs promesses. »

     

    Des fractures socio-économiques trop profondes

     

    La déception, voire le désespoir généré par le mauvais fonctionnement des institutions roumaines qui génère de profonds problèmes socio-économiques explique également l’inclinaison de certains jeunes vers un pouvoir autoritaire, selon Razvan Petri :

     

    « Les jeunes ne veulent plus des partis roumains, ils ne veulent plus ce qui existe actuellement et c’est de là que naît cette préférence pour un pouvoir autoritaire qui résoudrait tout, car les jeunes sont aussi impatients. Ils désirent un changement plus rapide que les personnes expérimentées qui savent que les choses évoluent lentement, et donc ils appellent de leurs vœux une main de fer qui pourrait résoudre les problèmes, qui dirait : « C’est fini toute cette racaille politicarde qui vole notre temps, on va s’occuper de tout ça ! » Et donc face à ce désir, on trouve les partis antisystèmes, qui affirment que s’ils arrivent au pouvoir, ils vont résoudre tous les problèmes de la Roumanie. Beaucoup des jeunes qui votent pour des partis d’extrême droite ne le font pas en raison de leur message extrémiste ou anti-démocratique. Ils votent pour ces partis pace qu’ils leur promettent un changement. Et ils leur promettent de clouer au pilori les politiciens qui ont échoué à offrir un autre futur aux jeunes. »

     

    Cet échec se dessine en creux dans l’émigration des jeunes qui décident de quitter le pays à cause de difficultés socio-économiques endémiques.  Razvan Petri :

     

    « Quand les jeunes sont interrogés sur leurs problèmes, 2 des 4 premières réponses relèvent de questions économiques, à savoir le manque d’opportunités sur le marché du travail et la faible qualité de l’éducation. Les jeunes roumains sont parmi les plus pauvres d’Europe, les plus pauvres même si on se réfère aux statistiques Eurostat selon lesquelles environ 30 % des jeunes roumains sont confrontés à un risque de pauvreté et d’exclusion sociale, soit le taux le plus élevé de l’Union. Donc un jeune sur trois court le risque de la pauvreté et de l’exclusion sociale. Or ce sont des choses qui sont visibles, les jeunes les voient. Les problèmes n’ont pas été réglés à temps et ils se sont aggravés. La Roumanie est devenue un pays profondément inégalitaire, le 4e pays de l’Union le plus inégalitaire. Beaucoup de jeunes songent à émigrer, définitivement ou temporairement. C’est une tendance qui existe depuis longtemps parce que la Roumanie n’est toujours pas vue comme un pays qui offre des opportunités. Et même s’il y a eu des opportunités, ça n’a pas été suffisant pour qu’on puisse dire que les jeunes peuvent trouver ici un niveau de vie équivalent à celui des pays occidentaux. »

     

    Alors que des ONG tirent chaque année la sonnette d’alarme sur le recul des pratiques démocratiques en Roumanie et que les indices macroéconomiques cachent mal les fractures béantes de la société roumaine, une partie des jeunes générations cherchent ailleurs un peu d’espoir, certains en regardant vers l’étranger, d’autres en adhérant à une utopie autoritaire et xénophobe.  (Trad : Clémence Lheureux)

  • Les enfants et la guerre

    Les enfants et la guerre

    L’association Sauvez les enfants, Salvati copii en roumain, a réalisé une étude sur le ressenti des enfants ukrainiens réfugiés en Roumanie, deux ans après le début de la guerre. Le bilan est très mitigé, puisqu’un enfant sur trois se déclare moins heureux que ce qu’il n’était avant de fuir son pays d’origine. 57% sont soit très malheureux soit un peu moins heureux qu’avant. 23% ne fréquente pas d’établissement scolaire, une partie de ces 23% suivant probablement des cours en ligne. 87% des enfants interrogés ont dit préférer aller pour de vrai à l’école et 60% considèrent qu’ils peuvent se faire des amis roumains en fréquentant l’école. Enfin, trois quarts des enfants ont déclaré ne pas avoir accès aux services qu’ils aimeraient pour passer leur temps libre, que ce soit pour pratiquer un sport ou une activité, ou pour se retrouver avec des amis. C’est là que les organisations non gouvernementales, comme Sauvez les enfants en Roumanie, interviennent. Nous avons demandé à Gabriela Alexandrescu, présidente exécutive de l’organisation, quels services peuvent offrir ces associations dont l’importance est cruciale, surtout en temps de crise,:

     

    «  Les organisations non gouvernementales peuvent jouer un rôle crucial dans la protection des enfants réfugiés, en particulier dans le contexte d’un afflux important de personnes, comme ça a été le cas avec les réfugiés d’Ukraine. Tout d’abord, elles peuvent mobiliser rapidement des ressources et intervenir immédiatement pour fournir une assistance humanitaire. Les organisations peuvent également offrir une assistance et un soutien de différentes manières, notamment en fournissant un abri, de la nourriture, des soins médicaux, un accès aux services sociaux et à l’éducation. Elles peuvent également fournir des services de conseil psychologique pour aider les enfants à surmonter les traumatismes et les difficultés auxquels ils sont confrontés. Outre l’assistance immédiate en réponse à une situation de crise, les organisations non gouvernementales peuvent proposer des programmes d’intégration et créer des espaces sûrs et inclusifs pour les réfugiés au sein des communautés. Les réfugiés ont souvent besoin d’informations, d’orientations et de conseils pour faire valoir leurs droits et accéder aux services disponibles, tels que le système éducatif, les services de santé, l’emploi pour les parents et les services d’accompagnement psychologique.

    Parallèlement, grâce aux cours de formation et d’éducation proposés aux spécialistes, les organisations peuvent partager leur expérience, ce qui permet d’améliorer la qualité des services offerts et d’accroître leur efficacité, au profit des enfants, par exemple. Les organisations non gouvernementales peuvent faire du lobbying et du plaidoyer. Elles peuvent contribuer de manière significative à l’amélioration de la vie et de la protection des enfants réfugiés. Par exemple, à la suite de la guerre en Ukraine, Sauvez les enfants Roumanie a rapidement lancé une intervention humanitaire globale. Nous sommes déjà venus en soutien de 340 000 personnes, dont 170 000 enfants, en travaillant dans 10 points de passage frontaliers, 5 centres d’asile, 3 camps de réfugiés mobiles et 3 zones de transit. Dans ces lieux, nous avons mis en place des espaces sécurisés pour les enfants, pallié aux besoins immédiats, apporté un soutien émotionnel, fourni des informations vitales aux enfants et aux adultes, puis, pour soutenir le processus d’intégration à moyen et long terme, nous avons mis en place huit centres de conseil, où nous fournissons des conseils, des informations, un soutien psycho-social, des activités pour les enfants et les adolescents, ainsi qu’une aide matérielle et financière. Les associations peuvent donc faire beaucoup. »

     

    L’une des catégories d’enfants les plus vulnérables est celle des orphelins de père et de mère, que l’organisation Sauvez les enfants a rencontrée :

     

    « Bien sûr, nous nous sommes rencontrés, et il s’agit en effet de l’une des catégories les plus vulnérables d’enfants dans le besoin. Il est très difficile d’être un réfugié et de ne pas bénéficier de la présence et de la protection de ses parents. Mais il y a des procédures en place et la Roumanie a des procédures pour protéger ces enfants immédiatement. D’après notre expérience (nous travaillons dans ce domaine depuis 1994), le nombre d’enfants réfugiés sans leurs deux parents est faible, mais il y a un nombre considérable d’enfants réfugiés issus de familles monoparentales. Cette expérience est profondément bouleversante et inquiétante pour eux, car ces enfants se trouvent dans une situation extrêmement vulnérable et courent de grands risques. Dans cette situation d’enfants privés d’un parent ou des deux, la priorité de Sauvez les enfants a été de leur offrir soutien et protection, d’assurer leur sécurité et de leur fournir les ressources nécessaires pour faire face à leurs difficultés. Il est essentiel d’agir rapidement, efficacement, d’identifier les solutions les plus appropriées pour chaque enfant et de travailler avec les autorités locales pour s’assurer que ces enfants sont correctement pris en charge et protégés. Une attention particulière doit être portée à ces enfants et à la garantie de leurs droits et de leur sécurité ».

     

    De nombreuses voix s’élèvent dans la société pour s’indigner de la prise en charge, parfois excessive selon eux, des enfants réfugiés au détriment des enfants roumains. Voici ce que Gabriela Alexandrescu a à leur dire

     

    « “Nous comprenons et respectons les préoccupations exprimées, en particulier dans le contexte actuel de notre société. Il est important de souligner que notre mission est d’aider tous les enfants vulnérables, quel que soit leur milieu d’origine. Depuis notre création en 1990, nous nous sommes engagés à fournir une assistance et un soutien à tous les enfants, y compris les réfugiés, conformément à nos valeurs humanitaires et aux normes internationales. Il est essentiel que nous nous concentrions sur des solutions qui garantissent le bien-être de tous les enfants, quelle que soit leur situation, et que nous travaillions ensemble pour créer un environnement plus sûr et plus inclusif pour tous les membres de notre communauté. En même temps, nous pensons qu’il est important de communiquer constamment pour fournir des informations claires afin que la société dans son ensemble comprenne comment les programmes fonctionnent et que, en général, un programme ou un projet avec un groupe cible particulier ou un groupe défavorisé ne soit pas mis en œuvre au détriment d’autres groupes défavorisés. Par exemple, nous avons participé au soutien de la population et des enfants en Ukraine et quoi de plus vulnérable que des enfants fuyant les guerres, les bombes et la mort ! Nous nous sommes donc engagés à les aider et avons développé des programmes, mais sans interrompre ce que nous faisions en Roumanie pour réduire la mortalité infantile, fournir des services de santé mère-enfant, permettre aux enfants des communautés défavorisées d’accéder à l’éducation, protéger les jeunes et notamment ceux sans soutien parental contre la violence. Je pense que les gens devraient se rendre compte que la guerre est ce qu’il y a de plus terrible pour les enfants, ne plus avoir sa vie, sa maison, sa famille… et ils doivent donc comprendre que ces personnes ont besoin de notre soutien continu parce qu’elles se trouvent dans une situation vulnérable dans leur pays ».

     

    Encore une fois, le constat est sans appel, les ONG prennent le relai là où l’état faillit. Merci, Salvati copiii.

     

    (Trad : Clémence Lheureux)

  • La démocratie, en déclin

    La démocratie, en déclin

    Rapport sur l’état de la démocratie

     

    Trois ONGs – le centre de ressources pour la participation publique, ActiveWatch et l’Association pour la technologie et Internet – viennent de publier leur troisième Rapport sur l’état de la démocratie. Leur analyse porte sur l’année 2023 et la conclusion est tranchante.

     

    Le rapport conclut : « La démocratie meurt lentement. Même si on n’observe pas de régression spectaculaire par rapport aux années précédentes ou par rapport à d’autres pays voisins, les tendances au rétrécissement de l’espace public et les attaques contre les libertés des citoyens ont continué, lentement mais sûrement. » 

     

    Oana Preda, chargée de plaidoyer au Centre de ressources pour la participation publique détaille cette conclusion.

    “Nous sommes toujours sur un déclin qui a commencé il y a quelques années et auquel nous nous sommes déjà habitués. Le fait que nous avons fini par nous y habituer est un problème en soi, parce que notre vigilance en est affaiblie. C’est pourquoi nous nous obstinons à signaler tous les dérapages que nous observons et à les réunir dans notre rapport annuel qui nous permet de dresser une situation d’ensemble. Comme d’habitude, nous nous sommes concentrés sur certains thèmes qui nous semblent pertinents au regard de la qualité de l’espace civique et de la démocratie en général”.

     

    Atteintes à la liberté de réunion

     

    Parmi ces thèmes, le rapport pointe en premier lieu les atteintes à la liberté de réunion. De nombreuses manifestations ont agité l’Union européenne en 2023 et même si les choses ont été plus calmes en Roumanie, les autorités ont fait preuve d’un zèle excessif, comme l’explique Oana Preda.

     

    “L’année 2023 a commencé avec un projet de modification du Code pénal initié par le premier ministre de l’époque, Nicolae Ciuca qui proposait de punir de 7 ans de prison les troubles au calme et à l’ordre public. Nous considérons qu’il y a là un danger, un risque d’abus et d’intimidation des personnes qui voudraient par exemple participer à des manifestations, sans pour autant troubler l’ordre public. Heureusement, suite aux pressions de la société civile et des médias de masse, le projet de loi a été retiré et nous y avons échappé. Mais nous devons rester vigilants parce que ce genre d’attaques émergent dans l’agenda politique au moment où on s’y attend le moins. Au-delà du cadre législatif, 2023 a été une année pauvre en manifestations et pourtant on a observé un excès de zèle de la part des forces de l’ordre, sans commune mesure avec la réalité des manifestations. On peut parler de l’intimidation subie par de potentiels activistes, des personnes solidaires des victimes de la guerre à Gaza et qui n’ont pourtant pas fait énormément de bruit. La presse a rapporté comment nombre d’entre eux ont été interpelés et conduits au poste de police, ou alors ont reçu des visites de la police à leur domicile, afin de leur faire comprendre qu’ils feraient mieux de ne pas participer aux manifestations, de ne pas publier sur ce sujet sur facebook et qu’en fait ce serait mieux qu’ils ne s’expriment pas du tout à ce sujet”.

     

    La liberté de la presse

     

    Suivant une tendance en cours depuis plusieurs années, la liberté de la presse a été menacée en 2023 pour des raisons financières : soit l’argent manque pour soutenir une réelle démarche journalistique, soit les financeurs exercent des pressions sur les rédactions, les empêchant d’effectuer leur travail de journaliste. Par exemple, les publications La gazette des sports et Libertatea ont été contraintes de changer radicalement leurs équipes et leur ligne éditoriale à cause des ingérences de leurs actionnaires. Par ailleurs, la journaliste indépendante Emilia Șercan, connue pour avoir démontré que de nombreuses thèses d’hommes politiques en vue étaient plagiées, a continué à être harcelée.

     

    Oana Preda : “Sans faire de généralité, on peut néanmoins dire qu’en 2023 une bonne partie de la presse a été achetée, souvent avec des fonds publics. Par exemple, en 2023, les partis politiques ont dépensé pour la presse et la propagande environ 121 millions de lei, soit plus de 24 millions d’euros. C’est ce qui explique que des informations qui seraient susceptibles d’affecter l’image des partis au pouvoir restent entre nous, dans notre bulle. En 2023 on a vu comment l’indépendance éditoriale était sacrifiée au profit. Il y a les cas de La Gazette des sports et de Libertatea. Il y a l’exemple de la journaliste Emilia Șercan, avec son dossier qui devait faire la lumière sur les abus subis en 2023. Ce dossier a été classé brusquement, sans aucune explication. Comme je l’ai déjà dit, tout ceci explique un peu pourquoi les informations ne sortent pas d’un petit cercle d’initiés”.

     

    L’accès aux informations publiques

     

    L’accès aux informations publiques est régi par une loi qui a de nouveau été amendée en 2023.

     

    Oana Preda: “L’accès aux informations d’intérêt public est essentiel pour les journalistes et les activistes. Nos consœurs du Centre FILIA qui est une association féministe, ont sollicitées des informations sur les cas d’infractions sexuelles contre des mineurs, le Parquet leur a répondu que pour accéder à ces informations, la personne sollicitante devait apporter la preuve qu’elle faisait bien partie de l’association et présenter une procuration prouvant qu’elle a le droit de solliciter l’accès aux informations. Il y a aussi une réponse reçue par nos collègues du Centre pour l’innovation publique de la part du Secrétariat général du gouvernement. L’association demandait qu’on lui fournisse la liste des personnes occupant des postes de secrétaire d’Etat et de conseiller d’Etat. Cette liste n’a pas été fournie sous prétexte qu’elle contient des données à caractère personnel. Ce ne sont que deux exemples parmi d’autres mais qui montrent bien que les institutions rivalisent de créativité pour se prévaloir abusivement d’exception prévues par la loi. Ainsi, des collègues qui contrôlaient systématiquement certains types d’informations, ne reçoivent aujourd’hui plus les données qu’ils recevaient auparavant. Nous ne nous en rendons pas compte mais ce genre de chose s’installe lentement”.

     

    La situation se détériorant rapidement, il faudrait que la vigilance dépasse le cercle des associations civiques pour devenir l’affaire de toutes et tous. (Trad. Clémence Lheureux)

  • On en a marre que nos enfants respirent de l’air pollué

    On en a marre que nos enfants respirent de l’air pollué

    Des donénes inquiétante sur la pollutiojn de l’air

    Alors que la qualité de l’air ne cesse de se dégrader dans les grandes villes de Roumanie, de plus en plus de rapports médicaux établissent un lien entre pollution et dégradation de la santé. Par exemple, en 2021, plus de 2800 décès étaient directement liés à l’exposition aux particules en suspension à Bucarest. De même, 5.6% des décès de bébé sont causés par la pollution aux particules fines PM 10. Ces données ont été centralisées par l’ONG Ecopolis qui vient ainsi en support aux groupes civiques et aux communautés locales qui se mobilisent contre la pollution. L’association Les parents des cerisiers fait parti de ces groupes, elle réunit des parents et principalement des mères préoccupées par la santé de leurs enfants, les aires de jeu et la sécurité dans les rues. Elena Lucaci est la représentante de l’association, elle raconte comment tout a commencé.

    “Nous avons formé ce groupe civique autour d’un objectif commun, la base sportive des Cerisiers qui est restée fermée pendant 15 ans. C’était frustrant en tant que parents de se promener autour de ce parc avec les enfants sans pouvoir en profiter. Mais en fait, ça n’a pas commencé là, mais dans une aire de jeu située dans le parc Textila dans laquelle il a un bac à sable pour les enfants. Tous les parents disaient aux enfants de ne pas y aller parce qu’il était rempli d’excréments. Nous avons demandé à maintes reprises aux autorités de venir enlever le sable qui représentait un danger pour la santé publique. Rien n’a été fait alors j’ai acheté 22 gros sacs de chantier, j’ai pris ma pelle et j’ai nettoyé le bac à sable. J’ai laissé les sacs sur place, à côté de l’aire de jeu. J’ai appelé la mairie et je leur ai dit : « Venez prendre les sacs ! ». C’est de là que tout est parti. Au début nous étions peut-être une vingtaine de mères puis le groupe a grandit et maintenant nous sommes environ 350.”

    Des solutions accessibles pour inverser la tendances

    Avoir des aires de jeu et des espaces verts propres est une priorité pour ces mères. Mais elles souhaitent aussi que leur enfant respire un air sain. Elles se sont ainsi mobilisées contre l’élagage inutile qui abîme des arbres sains. Mais leur projet le plus efficace est probablement : « Arrête ton moteur ! », une initiative simple qui vise à ce que les parents éteignent leur moteur quand ils stationnent devant les écoles et les crèches. L’initiative a donné lieu à un projet de loi actuellement devant le parlement. Elena Lucaci.

    “Cette initiative est partie de notre quartier, toujours des mères. Ici, nous sommes entourés de rues très passantes, ce qui fait que la pollution est très importante dans notre quartier. Il y a beaucoup de gens qui se déplacent en voiture et qui stationnent avec le moteur allumé en face des écoles. Il pouvait y avoir jusqu’à 5 ou 6 voitures arrêtées en même temps devant l’école, moteur allumé, les parents descendaient et amenaient les enfants jusqu’à la porte, le moteur toujours allumé. C’était une situation vraiment frustrante mais j’ai été très heureuse quand je me suis rendue compte que nous n’étions pas les seules qui étaient affectées. Moi j’ai de l’asthme et il m’est arrivé d’avoir une crise d’asthme juste en face de la maternelle de mon enfant. Nous nous sommes mobilisées dans le groupe, nous avons fait une quête et imprimé 50 affichettes plastifiées que nous avons accrochées dans le quartier, à proximité des écoles. Puis nous avons pensé qu’il faudrait organiser un atelier sur l’environnement avec les enfants, parce qu’ils exercent une grande influence sur leurs parents. Nous le savons de nos expériences personnelles. Nous avons mis en place cet atelier puis Ecopolis a lancé un concours de projets. Nous avons présenté le projet « Arrête ton moteur » et nous avons été parmi les trois vainqueurs du concours. Nous avons étendu le projet à 23 écoles, soit plus de 1200 enfants et nous avons commencé à voir les résultats. Les enfants parlent de ce problème avec leurs parents. Ça arrive désormais plus souvent qu’un parent me dise : « Mon enfant m’a convaincu d’éteindre mon moteur et d’aller à l’école à vélo ». Donc ça fonctionne.”

    Une proposition de loi en cours de discussion

    Le Sénat devrait étudier prochainement la proposition de loi visant à modifier le code de la route afin d’interdire tout stationnement de plus de 5 minutes avec moteur allumé dans les villes et villages. Mais Les parents des cerisiers n’entendent pas s’arrêter là, elles souhaitent que la vitesse soit limitée à 30km/h autour des écoles. Elena Lucaci explique pourquoi.

    “Donc il y a ces grandes artères tout autour et les voitures inondent aussi les petites rues, dans ma rue par exemple, certaines roulent à 80km/h. C’est pourquoi nous voulons faire des études à petite échelle. Nous voudrions contrôler la qualité de l’air sur le chemin entre la maison et l’école puis entre l’école et la maison en équipant les enfants de capteurs mobiles. Ce serait intéressant pour eux aussi de s’impliquer dans cette démarche. C’est notre priorité. Et nous voulons aussi que les ados s’investissent. On veut qu’ils lâchent un peu Tiktok et qu’ils viennent aux réunions communautaires, pour se rencontrer les uns les autres. Il y a deux jours, il y a eu un évènement dans le quartier, en lien avec la sécurité routière. J’ai vu beaucoup de jeunes qui ne sont pas du tout conscient de se qui se passe autour d’eux. Ils marchent dans la rue avec leurs écouteurs. La police municipale du secteur 4 était présente à l’évènement mais aussi un professeur de kung-fu qui a donné des techniques d’autodéfense. C’était très intéressant mais ça reste difficile de faire venir des ados aux évènements de ce genre.”

    Tout comme il est parfois difficile de mobiliser les adultes, de ne pas se laisser gagner par le pessimisme et surtout de résister face aux détracteurs qui voient leur petit confort dérangé par ces initiatives. Malgré quelques moments de découragement et de fatigue, Elena Lucaci reprend toujours le combat grâce à la force du collectif des parents des Cerisiers. (Trad : Clémence Lheureux)