Category: Société

  • La ferme de l’Avenir

    La ferme de l’Avenir

    La Roumanie est un véritable paradis agricole, les investisseurs français ayant beaucoup d’opportunités dans l’agriculture roumaine, déclarait l’été dernier, l’ambassadeur de France à Bucarest, Philippe Gustin. En effet, selon les spécialistes, l’agriculture est, jusqu’à présent, le premier choix des investisseurs étrangers. En revanche, le nombre des jeunes roumains qui souhaitent suivre une formation agricole est en baisse, souligne Maria Drinovan, directrice du Collège pour l’Agriculture et l’Industrie Alimentaire « Le pays de Bârsa » de la commune de Prejmer, du département de Brasov: «Malheureusement, de nos jours, les écoles agricoles traversent une période assez difficile, vu que peu d’adolescents s’orientent actuellement vers l’agriculture. Il est important de changer la mentalité des gens, car je suis persuadée que l’agriculture jouera un rôle essentiel dans le développement de la Roumanie. Pour ce faire on a besoin de jeunes bien formés à ce métier, en l’absence desquels on n’aboutira pas à une agriculture performante. »



    La directrice du Collège pour l’Agriculture de la commune de Prejmer s’exprimait à l’occasion de l’anniversaire des 9 ans écoulés depuis le démarrage du projet « La ferme démonstrative et le Centre de formation et conseil agricole Agrovision ». Il s’agit d’une initiative de l’organisation World Vision Roumanie, un projet lancé en 2004 qui peut être considéré comme une solution concrète de formation des agriculteurs professionnels. Cette ferme laitière a été mise en place dans une communauté démunie – le village de Crit, du département de Brasov. Crenguta Barbosu, manager du programme Agriculture et Développement rural au sein de World Vision raconte que le projet a démarré exactement au moment où la Roumanie venaient de conclure ses négociations avec l’UE sur le dossier agriculture. « On a tout d’abord acheté une ferme, soit une ancienne coopérative agricole qu’on a par la suite modernisée. Hormis un financement des Etats-Unis, nous avons aussi déposé notre dossier pour un projet SAPARD, tout cela pour montrer aux gens que ces fonds sont réellement destinés aux agriculteurs de Roumanie, qui peuvent en bénéficier. C’est à l’aide de cet argent qu’on a modernisé la ferme, les étables, acheté des vaches ou encore aménagé une salle de traite. De même, on a fait bâtir un centre de formation pour les fermiers, élaboré un manuel de management de la ferme laitière, vu qu’à l’époque la littérature spécialisée s’adressait surtout aux experts. Il n’y avait pas de documentation pour les petits fermiers, de livres écrits dans un langage accessible. Après l’intégration de la Roumanie à l’UE et l’apparition du Programme National de Développement rural, nos programmes ont notamment visé la formation des fermiers en vue d’une meilleure utilisation des fonds européens ».



    Radu Todea est un jeune diplômé de la Faculté des Constructions. Il a décidé de travailler dans la zootechnie, suite aux connaissances accumulées à la ferme Agrovision. C’est lui qui a dressé les plans, d’après lesquels on a fait bâtir la ferme telle qu’on la retrouve aujourd’hui, a-t-on appris grâce à son film de présentation : « Cette affaire je l’ai héritée de mes parents. Nous avions 11 trayeuses automatiques. Ensuite j’ai suivi une formation de la Fondation World Vision. J’y ai appris à élever des animaux dans des conditions optimales, ou encore à aménager une salle de traite. A présent, j’utilise moi aussi la traite automatique et j’ai doublé le personnel. Mon affaire prospère et je ne regrette pas mon choix ».



    En 9 ans, la ferme démonstrative du village de Crit est devenue plus qu’un projet censé soutenir les petits fermiers qui souhaitent passer à l’étape supérieure, depuis la ferme de subsistance à la ferme commerciale. Elle a réussi à avoir un impact social important et même à contribuer au développement des communautés locales.



    Crenguta Barbosu : «J’ai découvert le potentiel touristique de la région, puisque le village de Crit se trouve dans une contrée riche en cités fortifiées saxonnes, qui attirent de plus en plus de touristes roumains et étrangers. Nous avons donc choisi de lancer des cours de tourisme rural auxquels ont participé notamment des femmes. A travers le temps, environ 300 personnes ont suivi ces cours et la majorité d’entre elles gèrent des gîtes ruraux ou travaillent dans un tel endroit. Afin de développer davantage les communautés locales, nous avons mis sur pied un atelier de tissage pour les femmes les plus démunies. A l’heure actuelle, certaines vendent leurs produits aux touristes qui sont de plus en plus nombreux à visiter la région. »



    Une des difficultés majeures de l’enseignement agricole en Roumanie est l’absence des endroits où les étudiants puissent faire des stages pratiques. En effet, en Roumanie, il n’y a pas beaucoup de fermes de haut niveau, affirme Maria Drinovan, directrice du collège agricole de la commune de Prejmer. «Je souhaite vraiment que les jeunes restent en milieu rural afin d’y développer des affaires, pas nécessairement dans l’agriculture. L’idée c’est que l’on peut réussir aussi à la campagne. Ma commune est assez riche et je peux vous dire que l’impact sur la communauté a été considérable. Rien qu’un exemple : en 2000, nous avons déroulé un projet Leonardo qui a permis à une dizaine de jeunes fermiers de la commune de Prejmer et des villages avoisinants de faire pendant quatre mois des stages d’agriculture eco au Danemark. Le résultat : sur les jeunes ayant participé, cinq possèdent des fermes merveilleuses dans la commune de Prejmer et dans les villages limitrophes et un d’entre eux a terminé aussi une faculté à profil agricole. Il est à l’heure actuelle le manager d’une ferme danoise qui s’étend sur six mille hectares en Roumanie. »



    Un revenu décent obtenu par le biais de l’agriculture, ce n’est plus une utopie, c’est le message positif qu’essaient de faire passer les initiateurs de tels projets. Et, bien qu’encore très faible, le nombre de jeunes roumains qui choisissent de démarrer des affaires dans le milieu rural, inspiré par des fermes telle que celle du village de Crit commence timidement à augmenter. (trad. : Alexandra Pop, Alex Diaconescu)


  • L’image des femmes dans les médias

    L’image des femmes dans les médias

    Le projet «ALTFEM» – une campagne pour changer l’image de la femme dans la société – a été lancé il y a deux ans par des ONGs et bénéficie de financement européen par le biais du Programme Opérationnel Sectoriel pour le développement des ressources humaines (POSDRH). Il comporte aussi une étude, plus précisément l’analyse de l’image des femmes et des hommes dans les médias.



    L’enquête, qui s’est étalée sur plusieurs mois, a pris en compte les émissions télévisées, les articles de presse et la publicité. Les conclusions des premières recherches à ce sujet, réalisées en 2011, n’étaient pas du tout favorables aux femmes. En 2013, on a repris cette étude pour voir si des changements avaient eu lieu dans ce laps de temps en ce qui concerne, par exemple, l’apparition des femmes à la télé.



    Voici la réponse de Ionuţ Codreanu, coordinateur de programmes à l’Agence de suivi de la presse ActiveWatch, une des organisations qui s’investissent dans le projet ALTFEM. « En 2011, nous avons constaté une très faible présence des femmes aux débats télévisés, respectivement 12% environ. En 2013 on peut remarquer une évolution significative de ce point de vue, les femmes qui participent à ces débats étant plus nombreuses. Il y a plusieurs explications à cela. Il faut noter tout d’abord que sur le plan politique, au niveau gouvernemental, les femmes sont sous-représentées. Difficile donc d’inviter beaucoup de femmes politiques du moment qu’elles sont plutôt rares. En 2011, le rapport hommes-femmes politiques était de 15 à 1. Depuis lors, la présence de la gent féminine sur la scène politique a légèrement augmenté. Dans un autre domaine, celui des médias, le rapport était équilibré en 2011. Entre temps, certains déséquilibres se sont fait jour, en ce sens que, même si les facultés de journalisme sont fortement féminisées, la réalité est toute autre sur le petit écran. »



    Quel discours ou bien quel agenda présentent-ils aujourd’hui ou présentaient-ils, il y a deux ans, les invités des débats télévisés? Ionuţ Codreanu: « En 2011, comme à présent, c’est la dimension personnelle qui prévaut. En clair, les femmes étaient présentes seulement pour exposer des aspects de leur vie personnelle. Encore que plus faible aujourd’hui, cette tendance existe toujours. »



    La recherche mentionnée a également visé la présence des stéréotypes de genre, des allusions sexuelles, des références à l’aspect physique dans les émissions diffusées à la télé. Ionuţ Codreanu. « Le nombre des énoncés potentiellement stéréotypés ont considérablement diminué. Il en va de même pour les renvois à l’approche traditionnelle de la relation homme-femme ou pour l’incidence des allusions sexistes. En 2011, ces allusions on les rencontrait jusque dans les débats sur les chaînes d’informations. Pourtant, ce qui préoccupe c’est le nombre croissant d’allusions à l’aspect physique. Cette année, on a pu observer, surtout dans les émissions de divertissement, un accent démesurément grand mis sur les qualités physiques des personnages de la vie mondaine. L’immixtion dans la vie privée va un peu trop loin, mais dans une égale mesure il y est tout aussi vrai que les personnes en question s’exposent elles-mêmes. Autrement dit, les invités de ces émissions s’y plaisent eux aussi. »



    Voici les conclusions que l’équipe ALTFEM a tirées de sa recherche sur la représentation des femmes dans la presse écrite: Sur l’ensemble des publications analysées, la présence des hommes était de 72%, contre seulement 28% pour les femmes. Dans les publications généralistes près de 33% de ces femmes étaient invitées en tant qu’experts. Par contre, le poids des experts femmes cités par les journalistes de la presse tabloïde a été beaucoup plus significatif, à savoir 65%. Le résultat final relève un pourcentage égal, de 50 %, de femmes et hommes présents dans la presse écrite en qualité d’experts.



    Tel n’est pas le cas pour la publicité, où les femmes sont plus présentes que les hommes. C’est que les pubs abondent en scénarios liés au foyer, au milieu familial, où, en règle générale, c’est la femme qui assume les tâches domestiques.



    Il semble que l’image des femmes dans les médias n’est pas trop loin de la réalité. C’est du moins ce que laisse entendre le premier index sur l’égalité des genres au niveau de l’UE. Cette étude, réalisée par l’Institut Européen pour l’égalité des genres, a pris en compte plusieurs domaines: le marché de l’emploi, l’éducation, les loisirs, l’accès au pouvoir et aux services de santé.



    Détails avec Irina Sorescu du Centre Partenariat pour l’Egalité. « La Roumanie est en queue du peloton à tous les chapitres analysés sur l’ensemble de l’UE, avec un score de 35 points sur 100. Sur cette échelle qui va de 1 à 100, 1 signifie l’absence totale d’égalité, et 100 c’est la parfaite égalité entre femmes et hommes. La situation la plus inquiétante est enregistrée aux chapitres loisirs et accès au pouvoir politique. En échange, la Roumanie a engrangé son meilleur score dans la zone des services de santé et de l’emploi. En effet, le nombre des femmes actives occupées va croissant.”



    La prochaine étude ALTFEM portant sur l’égalité des genres et la place de la femme dans les médias roumains est attendue dans deux ans. ( trad.: Mariana Tudose)

  • Les mineurs et la mendicité

    Les mineurs et la mendicité

    On les voit déambuler dans les rues de Bucarest, devant les gares ou les supermarchés. Malgré un âge assez tendre, leur expérience de vie rivalise souvent avec celle d’un adulte. On les appelle enfants de la rue et leur nombre est malheureusement plutôt grand en Roumanie. Comment s’explique ce phénomène? Pourquoi tous ces gamins font-ils la manche sous la neige ou sous le grand soleil au lieu de se faire cajoler par leur famille? Une question épineuse à laquelle l’Association Le téléphone de l’enfant”, en collaboration avec l’Agence Nationale contre le Trafic des Personnes et l’Institut pour la Recherche et la Prévention de la Criminalité, ont essayé de répondre à travers leur projet L’enfance finit là où la mendicité commence”.



    Un projet financé par l’Ambassade de France et qui s’est donné pour but d’identifier les causes de la mendicité juvénile et les mesures censées la combattre. Cette recherche n’a pas de velléité statistique et repose notamment sur les opinions des pouvoirs locaux. Et pourtant, elle en dit long sur l’ampleur du phénomène en Roumanie, selon le commissaire en chef Constantin Stroescu. « Selon les pouvoirs locaux, la pauvreté serait le principal facteur responsable dans 85,4% des cas de mendicité juvénile. S’y ajoutent une mauvaise influence familiale, l’absence de toute surveillance et de soutien aussi bien de la part de la famille que de l’école et des autorités locales. Dans la plupart des cas, la mendicité des enfants constituent un réservoir financier notamment pour la famille qui en tire profit. Les enfants, eux, ne bénéficient que très peu de l’argent reçu. Quant à la question de savoir d’où proviennent tous ces enfants de la rue, la plupart des sondés ont affirmé que 75% d’entre eux sont issus des familles démunies. Le reste d’entre eux proviennent d’environnements familiaux alcooliques, violents ou qui ne se préoccupent pas d’eux. »



    Quant au nombre d’enfants réduits à quémander dans la rue, il est presque impossible de le connaître. Pourtant, parlant des 200 mineurs roumains qui font la manche dans les rues de Paris, l’ambassadeur de la France à Bucarest, M. Philippe Gustin, affirme: « Pour moi, la question des chiffres, elle n’est pas intéressante. C’est le phénomène qui est intéressant. Un seul enfant c’est déjà trop. Donc 200 c’est énorme ! »



    Créée justement pour venir en aide aux enfants maltraités ou en danger, l’Association Le téléphone de l’enfant” met à leur disposition un numéro vert disponible 24 heures sur 24. D’ailleurs, ce sont notamment les nombreux appels reçus de la part des gamins qui ont poussé les membres de l’Association à mettre sur pieds le projet L’enfance finit là où commence la mendicité”’.



    Catalina Florea, directrice de l’ONG. « Un nombre très élevé de cas similaires est signalé au numéro vert de l’enfant. C’est pourquoi nous avons choisi de faire cette démarche, car c’est très frustrant pour nous, ceux de l’autre bout du fil, de prendre acte de ces situations et d’apprendre que la législation ne permet pas de faire plus qu’on ne le fait déjà, vu que les équipes mobiles les ramassent déjà de la rue. »



    Identifiés par les Directions de protection de l’enfance, les mineurs-mendiants sont pris en charge par les centres d’accueil en régime d’urgence. Toutefois, ils n’y restent pas très longtemps. Catalina Florea : « La loi est telle qu’ils se retrouvent dans la rue, le jour suivant. Les Directions d’assistance sociale affirment ne pas avoir le droit de priver de liberté un mineur. Il est libre de quitter le centre d’accueil d’urgence quand il le veut. Il est évident qu’il y a un problème quand un enfant se retrouve dans la rue plusieurs fois. Et le problème ne relève pas de l’enfant, qui ne retourne pas de son propre choix dans la rue. Il s’agit de sanctionner les parents et de ce point de vue la législation a des lacunes.»



    Que faire pour que le phénomène ne gagne encore plus en ampleur ? Une solution serait d’éduquer les enfants à l’école, de leur parler du phénomène et de ses causes. De même, on doit leur apprendre à défendre leurs droits et à dire non au moment où ils se voient obliger à quémander. Cătălina Florea, directrice exécutive de l’Association « Le téléphone de l’enfant ». « Il s’agit d’activités éducationnelles destinées aux enfants qu’on va multiplier cette année. Il faut que ces activités soient déroulées aussi par les enseignants. Il est important de mettre en place aussi des sanctions très claires pour les parents qui obligent leurs enfants à mendier. Selon moi, forcer un enfant à faire la manche dans la rue devrait conduire à des peines de prison. Si une famille se sert de l’enfant pour survivre, ses ressources financières étant limitées à ce que l’enfant gagne de cette manière, alors ces parents là devraient finir derrière les barreaux. »



    D’après le Ministère de l’Intérieur, le nouveau Code Pénal qui entrera en vigueur en février 2014, prévoit des sanctions dures pour le parent ou le tuteur d’un mineur qui mendie. Les autorités espèrent ainsi réduire le phénomène de la mendicité juvénile. (Trad : Ioana Stancescu, Alexandra Pop)


  • S’échapper de Bucarest…

    S’échapper de Bucarest…

    La capitale roumaine, Bucarest, agit comme un aimant auprès des Roumains en quête d’un niveau de vie meilleur et d’un job mieux rémunéré. Pourtant, au bout des dizaines d’années durant lesquelles les habitants de la Roumanie avaient tous les yeux rivés sur la capitale, voilà qu’un autre phénomène se fait sentir depuis 8 ans déjà: l’attraction de la campagne est devenue tellement forte que de plus en plus de Bucarestois choisissent d’y emménager. Voici comment s’explique l’apparition de plus en plus de quartiers de maisons et de villas dans les communes entourant la capitale.



    Qu’est ce qui pousse les Bucarestois à quitter la vie en ville et tous les avantages qui en découlent, ce sera à Ioana Mihai, journaliste de Ziarul Financiar, de nous le dire: « Une première catégorie de Bucarestois qui s’évadent est représentée par les retraités qui, à la fin de leur parcours professionnel, choisissent de regagner la province et le village natal. A cette catégorie s’ajoute celle des étudiants qui ont du mal à s’adapter au rythme de la capitale. Bien qu’une ville comme Bucarest offre de gros salaires, elle demande des sacrifices à commencer par le temps et les nerfs. Il suffit de penser au stress quotidien qu’un Bucarestois doit subir dans le trafic. Une fois arrivés au bureau, on a déjà les nerfs tendus. Or, cela n’arrive pas en province. Une troisième catégorie est celle des professionnels et je pense à tous ces managers de top qui se permettent le luxe de renoncer à un moment donné à faire carrière pour élever leurs enfants loin de la capitale. Je connais des managers qui ont tourné le dos à des postes importants dans de grandes compagnies bucarestoises pour s’installer en province et mettre sur pied leur propre affaire » .



    La plupart des Bucarestois qui souhaitent s’échapper au rythme alerte de la capitale préfèrent s’installer à ses portes, dans le département d’Ilfov, une région rurale et agricole. Pourtant, il y a d’autres qui choisissent les comtés aux taux d’investissements les plus élevés, comme celui de Timis. Quelque 11.000 Roumains s’y sont établis depuis 2011. Quant à la vie bucarestoise, il convient de mentionner que l’avantage des gros salaires que l’on peut y toucher est chassé par le coût de la vie qui ne cesse de grimper.



    Repassons le micro à Ioana Mihai: « Il suffit de comparer le niveau des loyers ou le prix au mètre carré pour conclure que la vie en dehors de Bucarest est moins chère. A cela s’ajoutent également les économies de carburant qu’on peut faire en province. Il y a des villes qu’il est possible de traverser en 5 minutes, tandis qu’à Bucarest, les 5 minutes nous suffisent à peine pour franchir un feu rouge. En plus, la vie bucarestoise implique toute sorte de frais. Et n’oublions pas qu’il y a des personnes qui au lieu de perdre chaque jour une heure et demie au volant préfèrent consacrer plus de temps à leur famille. Or, la province rend ce souhait possible » .



    Et c’est toujours à la famille — notamment aux enfants — qu’a pensé Sabina Dumitrescu lorsque, secondée par son mari et par un autre couple d’amis, la famille Barbu, elle s’est lancée dans la production et la vente de légumes, qu’elle cultive. Pour ce faire, elle a acheté des terrains dans le comté de Ialomiţa, à une soixantaine de kilomètres à l’est de la capitale. Elle voulait aussi pouvoir offrir à ses enfants une nourriture saine et un coin de nature où ils puissent jouer et respirer de l’air pur. C’est pourquoi Sabina et son mari ont quitté le quartier bucarestois qu’ils habitaient et se sont installés à la campagne, dans le département voisin, celui d’Ilfov. Par conséquent, ils font la navette, deux fois par semaine, dans le comté de Ialomiţa, où se trouvent leurs cultures. Sabina raconte: « Nous n’en voulions plus de la pollution. Et je peux dire que, le premier jour et la première nuit que nous avons passés là-bas, nous nous y sommes sentis chez nous. Les enfants étaient tellement heureux! Nous n’avions jamais habité une maison avec cour et jardin. Il est vrai que notre appartement se trouvait à proximité d’un grand parc. Pourtant, ce n’est pas pareil. Pour eux, c’est tout à fait autre chose de voir la forêt tout près, de voir le champ, d’avoir une cour pour jouer. Ca change tout » .



    L’adaptation fut facile. L’endroit où ils habitent se trouve plutôt dans la banlieue bucarestoise, donc ils bénéficient à la fois du confort de la ville et du calme de la campagne. Sabina Dumitrescu : «Puisqu’on doit se déplacer beaucoup, il faut très bien organiser ses voyages en voiture. Pourtant, à mon avis, ça vaut la peine. Au moment où l’on rentre chez soi, l’ambiance est tout à fait différente. Il y a la cour, il y de l’espace. Je n’ai pas été depuis toujours obsédée par la nature ou les fleurs. J’aimais la vie en ville, la vie citadine active, cela me faisait plaisir de sortir avec les amis. Au moment où les enfants sont venus au monde, cela a commencé à changer; d’autres choses ont commencé à prendre le dessus et cela m’a paru tout à fait naturel de changer de place» .



    Lorsqu’ils ont démarré leur affaire, les 4 amis, tous trentenaires, ne connaissaient rien à l’agriculture. Ils avaient chacun une autre formation — en psychologie, informatique, architecture et mathématiques. 4 ans se sont écoulés depuis et ils sont en train de se lancer dans la culture biologique. Matei Dumitrescu : « En général, nous cultivons des légumes et assez peu d’arbres fruitiers. Et parmi les légumes, nous nous contentons des plus habituels. Nous avons toute une équipe — surtout en été, quand la saison agricole bat son plein, nous avons de nombreux ouvriers saisonniers. C’est là un des secrets de l’affaire: savoir choisir les meilleurs ouvriers. J’espère que dans deux ou trois ans, nous obtiendrons le certificat et pourrons appliquer le sceau agriculture écologique (AE) sur nos produits. Toutes les sociétés qui souhaitent faire de l’agriculture écologique passent, au début, par une période de transition qui peut durer plusieurs années » .



    Par conséquent, pendant cette période de crise, les solutions pour mieux vivre semblent se diversifier. Qu’ils soient en quête d’une vie plus décente ou plus saine et plus proche de la nature, les Roumains commencent à se tourner vers la campagne, contrebalançant quelque peu la migration et le travail à l’étranger. (trad.: Ioana Stăncescu ; Dominique)

  • Grandissons ensemble

    Grandissons ensemble

    Le phénomène des enfants dont les parents ou seulement un d’entre eux sont partis travailler à l’étranger ne cesse de gagner en ampleur en Roumanie. Ainsi, selon des données fournies par la Direction chargée de la protection de l’enfance, 79 901 tels enfants étaient recensés dans les statistiques de l’assistance sociale. 41% d’entre eux étaient complètement privés de l’attention des parents : 22 993 avaient les deux parents loin d’eux et 9991 étaient issus de familles dont un seul parent était parti. Bien que ces chiffres soient déjà inquiétants, une série d’études montrent que les informations officielles ne rendent compte que partiellement de l’ampleur du phénomène.



    C’est dans ce contexte que l’Organisation « Sauvez les enfants » a décidé de venir en aide aux petits et de mettre en place le projet « Grandissons ensemble ». Gabriela Alexandrescu, présidente exécutive de l’Association « Sauvez les enfants » : « Le programme se propose d’identifier les meilleurs moyens de protéger les enfants dont les parents travaillent à l’étranger et de mettre en place des services complexes, censés soutenir ces enfants. On les aide à faire leurs devoirs, car sans une protection parentale adéquate, un enfant a du mal à faire face aux exigences de l’école. On les aide également à garder un contact permanent avec leurs parents qui vivent dans un autre pays, en leur fournissant l’équipement nécessaire, par exemple des ordinateurs connectés à Internet. On accompagne aussi ceux qui prennent soin de ces enfants, vu qu’il s’agit dans la plupart des cas de grands-parents ou d’autres membres de la famille qui ne savent pas toujours comment se conduire avec un adolescent, par exemple. Pour nous, il est très important de faire participer les autorités de sorte que ces exemples de bonnes pratiques ne demeurent pas isolés, car de tels enfants se retrouvent dans tout le pays » .





    Le projet « Grandissons ensemble » a déjà abouti au lancement de plusieurs programmes «Après l’école », dans 14 départements de Roumanie. 2080 enfants en ont bénéficié entre 2010 et 2012. Les enfants ont ainsi pu participer à des programmes censés leur fournir un surcroît d’aide et l’accès à bon nombre activités extrascolaires: promenades, visites aux musées et autres attractions touristiques. Les représentants des enfants ont eux aussi eu la possibilité de prendre part à différentes rencontres et séances d’accompagnement social et psychologique.

    Les autorités comprennent qu’il reste encore un long chemin à parcourir, estime Catalina Chendea, inspectrice au ministère roumain de l’Education : « On a mis l’accent sur les séminaires destinés à ceux qui restent à la maison avec ces enfants, qui les prennent en charge. Nous essayons d’établir des liens avec ces parents empruntés, pour ainsi dire, et d’encourager les enfants à garder eux aussi un contact aussi étroit que possible avec leurs parents, de leur faire comprendre que ces derniers ne les ont pas quittés, qu’ils les rejoindront à un moment donné. A cet effet, nous organisons toute sorte d’activités extra curricullaires susceptibles d’accroître la confiance des enfants en eux-mêmes et en la famille » .



    Parfois enviés par d’autres enfants parce que considérés comme privilégiés pour recevoir des cadeaux plus beaux qui leur viennent de l’étranger, bon nombre de ces jeunes manquent, en réalité, de la chaleur et la protection d’un foyer. Daniela Ganu est la grand-mère d’une fillette dont les parents sont partis travailler ailleurs. Elle nous parle de ce programme dont sa petite-fille bénéficie aussi : « Plus d’une fois il m’est arrivé de constater que même s’ils avaient des parents à l’étranger, certains de ces enfants étaient mal habillés ou nourris. J’ai constaté que par le biais de ce programme les enfants ont droit à un repas, ce qui est une très bonne chose. A mon avis, il y a beaucoup de cas sociaux, de familles nombreuses, à quatre ou cinq enfants, dont les parents sont partis et qui les ont laissés à la charge d’une grand-mère pauvre et malade, d’un oncle ou d’une tante qui se désintéressent d’eux à longueur de journée. Je pense que votre programme en régime d’internat essaie d’offrir à ces enfants une sorte de famille de substitution, puisque certains de ces petits n’ont même pas de toit. Ils vivent dans la rue, vêtus de fripes et pieds nus » .





    Personne ne doute plus de la nécessité de tels programmes. A preuve, un autre témoignage, celui de Vera Limbei, qui prend soin de plusieurs petits-enfants : « J’ai quatre petits-enfants à ma charge. Leurs parents sont partis travailler à l’étranger. Ils voudraient amasser de l’argent pour s’acheter un appartement, car ils vivent dans un studio loué. Les petits sont âgés de 5 à 7 ans. Les jumeaux ont 6 ans et vont en classe préparatoire. Le cadet va à l’école maternelle, tandis que l’aîné et en première année des cours élémentaires. Je n’aurais pas réussi à me débrouiller sans l’aide de la fondation! »



    On a constaté, dès les premiers mois, chez les enfants inscrits dans ces programmes, une amélioration des capacités de communication, un niveau accru de leur estime de soi et des résultats scolaires meilleurs dans certaines disciplines. Le programme « Grandissons ensemble » repose sur l’effort soutenu de 565 bénévoles. En 2013, plus d’un millier d’enfants seront concernés par les activités déployées dans les 16 centres. (trad. : Alexandra Pop, Mariana Tudose)

  • Les écoles confessionnelles

    Les écoles confessionnelles

    Il existe, en Roumanie des écoles qui font partie du réseau d’enseignement public, tout en étant placées sous l’autorité de certaines églises. Ces écoles confessionnelles, comme on les appelle, respectent le curriculum obligatoire, mais se distinguent des autres établissements scolaires par certaines particularités.



    Nous avons demandé tout d’abord aux élèves qui y apprennent ce qui les rend attractifs à leurs yeux et en quoi consiste la spécificité de telles écoles. Răzvan apprend au Collège catholique « Saint Joseph » de Bucarest en classe de maths — info. Il y va depuis l’école primaire. Si, au début, ce sont ses parents qui ont choisi pour lui, quand le moment est venu d’opter pour un lycée, ce fut lui-même qui décida d’y continuer ses études : « Ce que j’apprécie c’est qu’on y travaille sérieusement. On n’a pas besoin de prendre des cours à domicile, puisque les professeurs s’acquittent très bien de leur tâche. En plus, à la différence d’autres lycées, nous n’avons pas de problèmes avec la drogue, l’alcool ou la violence. Enfin, comme c’est un lycée de petite taille, chaque élève peut bénéficier d’accompagnement » .





    L’emploi du temps de Răzvan prévoit une seule heure de religion par semaine. Par contre, Francesca, étudie la religion plusieurs heures par semaine. Elle est chrétienne orthodoxe et aime bien le fait qu’à ce lycée catholique on est toujours en quête d’équilibre entre acquisition de connaissances et paix de l’âme : « Mes parents et moi, nous tenons beaucoup à mener une vie ordonnée. A la différence de mes collègues en classes de maths-info, j’ai plusieurs cours de religion par semaine » .



    Sœur Rodica Miron, directrice du Collège Catholique « Saint Joseph » de Bucarest, affirme que l’école qu’elle dirige vise non seulement à former les jeunes d’un point de vue intellectuel, mais aussi et surtout à leur inculquer les principes éthiques et spirituels de l’Evangile. Comment cet objectif est-il accompli? Nous écoutons sœur Rodica Miron : « Ce qui rend particulier notre lycée c’est l’approche des disciplines. Le climat qui règne dans notre école favorise le développement spirituel et culturel des élèves, les aide à grandir comme des gens de bien. Nous avons aussi un directeur spirituel et plusieurs nonnes et curés qui se tiennent prêts à répondre à toute question des jeunes » .



    Pourtant, c’est justement cette atmosphère spirituelle qui décourage certains parents et enfants, précise encore sœur Rodica Miron : « Certains enfants arrivent chez nous par hasard et choisissent d’y rester. Nous ne faisons pas de prosélytisme. Nous ne savons même pas si tel ou tel élève est catholique, orthodoxe ou néo-protestant. C’est vrai que tous nos élèves sont chrétiens, car notre approche est chrétienne elle aussi. Nous travaillons de la même manière avec tous. Si je ne me trompe pas, dans l’histoire de notre lycée, qui, l’an dernier, a fêté son vingtième anniversaire, nous n’avons eu qu’un seul élève à avoir choisi de devenir prêtre. C’est dire que nos anciens élèves ont embrassé des carrières laïques » .



    D’autres enfants apprennent au Lycée Greco-Catholique « Iuliu Maniu » d’Oradea, ville de l’ouest de la Roumanie. 60% d’entre eux sont orthodoxes, environ 30% catholiques et greco-catholiques, tandis que le reste appartient à d’autres confessions chrétiennes. Selon le directeur Aurelian Cristea, ce lycée vise à modeler la personnalité des élèves dans l’esprit des valeurs chrétiennes au sens large du terme, sans privilégier un certain dogme : « Parmi les disciplines de culture générale figure aussi une heure de religion par semaine. On en a prévu trois ou quatre de plus pour les classes spéciales de théologie. Tous les vendredi, de 8 à 9 heures, nous célébrons la liturgie des jeunes, qui réunit tous nos élèves. Nous avons aussi des activités hors temps scolaire, non-obligatoires, qui sont menées par des bénévoles — prêtres et professeurs de religion. Elles attirent et forment les jeunes dans l’esprit de la morale chrétienne, de l’altruisme, de l’amour, de la miséricorde, de la prière et de la confiance en l’autre comme attitude devant les problèmes de la vie » .



    Père Vasile Gavrilă a fondé l’école « Les Trois Saints Hiérarques » de Bucarest dans le but d’offrir aux enfants et à leurs parents orthodoxes une alternative à l’enseignement ordinaire. Le fait que ce soit une école confessionnelle privée, accréditée par le Ministère de l’Education et bénie par le patriarche de l’Eglise Orthodoxe Roumaine lui confère une certaine indépendance. Père Vasile Gavrilă : « Tout ce qui y est enseigné s’inscrit dans l’approche de la vérité divine, révélée. Il ne s’agit pas de mettre en opposition la science et la culture, mais d’infuser la culture avec la vérité révélée. Etant un établissement privé, nous avons le droit d’inscrire et de recevoir parmi nous seulement les élèves que nous souhaitons avoir. La sélection se fait donc par une convergence de vues – celle de l’école, d’une part, et celle des parents qui partagent notre perspective, de l’autre. A part l’éducation, notre priorité est de former la personnalité de l’enfant dans l’esprit chrétien orthodoxe » .



    Le père John Downey est lui aussi un religieux chrétien orthodoxe. Après s’être converti, cet Américain a pris l’habit de prêtre il y a cinq ans. A présent, il enseigne l’anglais dans cette école. Comment fait-il passer l’esprit chrétien orthodoxe à ses élèves ? « Lorsque j’enseigne l’anglais, je ne parle pas beaucoup des valeurs chrétiennes à mes élèves, mais j’essaie d’accorder ce processus à l’esprit chrétien. Prenons, en guise d’exemple, les moments où je veux rétablir le silence dans la classe, parce que les enfants sont des enfants et font du bruit. En tant qu’enseignant je dois être ferme et compatissant à la fois. On doit leur inculquer la discipline mais, dans le même temps, les enfants doivent comprendre que la personne qui est devant eux les aime. L’enseignant n’est pas forcément leur ami, mais il n’est pas non plus leur ennemi. En outre, j’essaie de nouer une relation personnelle avec chaque petit, parce que l’approche orthodoxe est très personnelle » .



    Deux des enfants de Iulian Capsali vont à l’école « Les Trois Saints Hiérarques ». En tant que chrétien orthodoxe pratiquant, il souhaite porter ses fils au plus près de sa foi. Dans le système d’éducation public, il y a des situations qui le mécontentent, avoue-t-il : « Si l’on adopte un comportement chrétien chez soi et si l’école suit le même chemin, l’âme de l’enfant peut bénéficier de la cohérence. Le petit entre dans l’esprit de l’Eglise. Si cet esprit est présent à l’école aussi, c’est d’autant mieux. Mes autres enfants, qui apprennent dans le système public, rentrent chaque jour à la maison troublés par ce qui se passe là-bas. Certains de leurs collègues de classe sont devenus des consommateurs de drogues ou même des dealers au lycée. Je ne pense pas qu’il y ait de lycée à Bucarest qui ne soit pas confronté à ce phénomène » .



    Les écoles confessionnelles représentent donc une alternative pour tous ceux qui souhaitent transmettre certaines valeurs hautes à leurs enfants, tout en restant vigilants à l’égard du résultat de ce processus qui devrait aboutir à une plus large ouverture d’esprit, à la tolérance et non pas à un repli sur soi-même. (trad.: Mariana Tudose, Andrei Popov)

  • Le programme SHE en Roumanie

    Le programme SHE en Roumanie

    Bien que la Roumanie ait fait des progrès importants dans la lutte contre l’infection par le VIH, le besoin d’information et d’éducation dans ce domaine n’est pas comblé.



    Un programme spécial destiné aux femmes séropositives a récemment été lancé. SHE — un sigle en anglais qui vient de Strong, HIV Positive, Empowered Women – est en fait un programme européen élaboré et appliqué, depuis 2010, par des médecins spécialistes du SIDA et qui s’occupent aussi des femmes infectées par ce virus. Le programme est censé soutenir les quelques 5.200 femmes séropositives de Roumanie, qui ont besoin d’informations, de conseils, de chances égales sur le marché de l’emploi, mais aussi de respect et de confiance.



    Selon le chef de l’Institut national des maladies infectieuses “Matei Balş” de Bucarest, le professeur Adrian Streinu Cercel, quelque 250 mille tests de séropositivité sont effectués annuellement en Roumanie, dont plus de 25% à l’initiative des patients. Toutes les personnes dépistées séropositives bénéficient d’un traitement gratuit par le programme national de lutte contre le SIDA, lancé en 1997.



    L’infection par le virus du SIDA est de nos jours une maladie chronique contrôlable sur le long terme, si les patients suivent le traitement à la lettre et ne l’abandonnent pas. C’est peut-être pourquoi la Roumanie enregistre le taux le plus élevé de survie des personnes séropositives au niveau européen depuis que cette maladie sévit sur le continent.



    Les médecins de Roumanie préconisent des tests pour toutes les femmes enceintes, pour que les futures mères dépistées séropositives puissent prendre à temps des mesures de protection de leur enfant. Selon les médecins, le risque qu’une femme séropositive mette au monde un enfant séropositif peut être complètement écarté.



    Le professeur Adrian Streinu Cercel explique: « Il y a des années déjà, en 1997-1998, la Roumanie a eu une position très claire en ce qui concerne ce programme et proposé que les femmes enceintes fassent des tests de dépistage du virus de l’immunodéficience humaine. Les données recueillies au fil du temps prouvent que les chances d’une femme séropositive de mettre au monde un bébé sain approchent les 100%. C’est bien notre responsabilité de faire ces tests qui sont gratuits, mais il faut aussi que la personne les accepte. 40% des femmes enceintes qui refusent ce test et qui ignorent qu’elle sont séropositives mettront au monde des enfants séropositifs. »



    Quelque 11.500 personnes séropositives sont recensées en Roumanie, dont plus de 5.200 femmes. La moitié d’entre elles sont âgées de 20 à 24 ans, âge auquel, la plupart envisagent d’avoir un enfant. C’est pourquoi le programme est tellement nécessaire et important: « Nous avons un grand nombre de femmes nées à la fin des années ’80 et au début des années ’90 qui sont séropositives et qui non seulement souhaitent, mais ont vraiment la chance de mener une vie normale, vu qu’actuellement l’espérance de vie des séropositifs est proche de celle des personnes qui ne le sont pas. Le traitement que nous appliquons, depuis 1995 déjà, a porté ses fruits. Après la déclaration de New York en 2001, lorsque les représentants de tous les Etats du monde se sont réunis pour discuter de l’accès universel à la thérapie, la Roumanie a été un des premiers pays au monde à le mettre en place, dès 2002. Des mesures que la Roumanie applique depuis 1998, les Etats-Unis se proposaient de les adopter en 2012-2013. »



    754 nouveaux cas d’infection par le virus du SIDA ont été dépistés l’année dernière en Roumanie, dont 213 femmes et 541 hommes. 19 étaient des enfants de moins de 14 ans. Pour 18 d’entre eux, l’infection s’est le plus probablement transmise de la mère au bébé.



    En Roumanie, la transmission de l’infection de la mère au fœtus pendant la grossesse a connu une baisse importante, descendant à 5% – taux qui compte parmi les plus bas d’Europe — affirment les médecins.



    Le docteur Mariana Mardarescu de l’Institut national des maladies infectieuses “Matei Balş” de Bucarest précise: « Fait important et intéressant à signaler, en Roumanie le nombre de nouveaux cas dépistés chez les adultes a enregistré une hausse très lente. Depuis une vingtaine d’années l’incidence et la prévalence sont faibles. La Roumanie compte actuellement un grand nombre de survivants séropositifs à long terme, des personnes nées entre 1988 et 1990. Plus de 8000 malades sur les 9.800 enregistrés bénéficient d’une thérapie antirétrovirale. Nous essayons de gérer la situation du point de vue non seulement du traitement, mais aussi de la prévention — notamment par des tests appliqués aux femmes enceintes, des discussions avec les couples et toute prophylaxie s’adressant à la femme en général, à la femme enceinte en particulier, ainsi qu’au bébé après sa naissance. Quant à la transmission de la maladie, dans la plupart des cas, la voie est hétérosexuelle, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Pourtant, il est important de souligner une augmentation du nombre de cas d’infections chez les consommateurs de drogues injectées par voie intraveineuse — augmentation plus importante chez les hommes que chez les femmes. »



    Des événements seront organisés ce printemps dans le cadre du programme SHE dans 3 grandes villes roumaines : Bucarest, Constanţa et Iaşi, afin d’informer les femmes séropositives et de faciliter la création de groupes de support psychologique. Des activités sont également prévues dans les principaux hôpitaux et cliniques de ces villes, destinées aux professionnels de la santé qui assurent le diagnostic, le traitement et la suivi des femmes séropositives.



    Plus de 34 millions de cas d’infection par le virus du SIDA sont actuellement recensés dans le monde – soit 30 millions d’adultes, dont 16 millions sont des femmes. (trad. : Dominique)

  • Bâtiments classés, en danger

    Bâtiments classés, en danger

    De nombreux bâtiments classés de la capitale roumaine sont fortement délabrés. Labsence dune stratégie de remise en valeur des zones historiques et de conservation des constructions architecturalement importantes, la pression dun secteur immobilier à évolution chaotique menacent la survie du Bucarest historique. Cest lavertissement lancé par le rapport sur le patrimoine de Bucarest réalisé par plusieurs ONG actives dans la protection de ce patrimoine et qui prend en compte les 4 dernières années.



    Roxana Wring est la vice-présidente de lAssociation pour la protection et la documentation du patrimoine de Roumanie. « Nous assistons à une destruction systématique du tissu historique et architectural de la ville de Bucarest, cest quelque chose que ses habitants remarquent quotidiennement et sy sont habitués, je crois. Nous nous sommes habitués à vivre dans une ville en pleine destruction. A mon avis, si ça continue comme ça, lidentité architecturale et culturelle de la capitale de la Roumanie sera définitivement compromise. On voit que les 20 dernières années ont été néfastes pour le patrimoine historique, déjà mis à rude épreuve par le régime communiste. »



    Selon les experts, les destructions daprès 1990 du patrimoine sont plus graves que celles du temps du communisme. Le rapport susmentionné montre que des centaines de joyaux darchitecture ont été abattus, dautres sont menacés de démolition. Le président de lAssociation “Sauvez Bucarest !”, Nicuşor Dan, affirme que tout cela nest que le résultat dun mécanisme purement économique : « Sur lensemble de Bucarest, Ceauşescu a démoli environ 15% de la vieille ville ; ce qui a été abattu après 1990 représente grosso modo 5% des constructions des zones historiques, mais cette destruction est aggravée par ces implantations inappropriées qui touchent toutes les zones historiques. Dans tout Etat civilisé, quand un investisseur arrive dans une ville, il a le choix suivant: il se rend au centre-ville où il achète un bâtiment classé, le fait restaurer pour y installer son siège, faisant ainsi la preuve de son prestige social ou bien il se rend à la périphérie où il construit en hauteur et fait du profit. Mais lorsque ladministration publique est faible, linvestisseur achète un bâtiment de patrimoine et le démolit pour mettre à sa place une construction haute, car tout bâtiment ou immeuble classé est 10 fois moins cher que le terrain au-dessous et la pression spéculative de démolir, de vendre ce terrain, est permanente. »





    Le moulin d’Assan est un exemple de dégradation. Construit en 1853, le bâtiment a été mis à feu, saccagé par les voleurs de ferraille ou de matériaux de la structure de résistance. Et la liste pourrait continuer, selon le rapport sur le patrimoine de Bucarest. Prenons l’exemple d’un bâtiment d’une rare beauté architecturale construit boulevard des Aviateurs, dans un quartier résidentiel de la capitale. Les murs de cette maison, de nos jours délabrée, continuent pourtant à attirer les regards des passants par les feuilles sculptées et les Cupidons en pierre. Des décorations néobaroques sont à découvrir à chaque coin du bâtiment et à chaque fenêtre. Ou plutôt des restes de décorations, car à l’heure où l’on parle, la maison est définitivement tombée en ruines : les ornements s’entrevoient à peine, la toiture est effondrée, bien que l’édifice, création d’un célèbre architecte roumain du début du XXème siècle, figure sur la liste des monuments historiques de Bucarest.





    A force d’avancer vers le cœur de la capitale, le nombre des bâtiments dégradés augmente, pour culminer avec ceux du centre-ville, un endroit qui attire par ses rues piétonnes et ses bistros et intrigue par les nombreuses constructions historiques délabrées. Les autorités n’ont rien fait pour elles, bien que des travaux de réhabilitation urbaine aient été faits dans la zone, ces 5 dernières années. Roxana Wring : « On n’a fait que quelques rénovations superficielles, pour la plupart inadéquates et en l’absence de toute expertise historique. Ou bien, on a démoli des maisons, comme par exemple une, de la rue Selari, ce qui contrevient à tout concept de développement urbain. Le centre historique est très important car il offre le potentiel d’un investissement à long terme. Mais pour cela, il faut que la Municipalité assume ses responsabilités et mette en pratique un projet cohérent qui, pour l’instant, n’existe pas. »





    Le rapport sur le patrimoine présente Bucarest comme une ville unique parmi les autres capitales européennes grâce aux nombreux éléments architecturaux modernistes datant de l’entre-deux-guerres. Lors de l’Union de 1918, toute une génération de jeunes architectes roumains diplômés des grandes universités européennes a regagné son pays natal pour y construire les premiers immeubles modernes. Des édifices qui figurent dans les manuels internationaux d’architecture, mais que les Roumains voient à présent agoniser, en attendant, vainement, que des programmes de rénovation commencent. Et lorsque de tels travaux commencent, ils sont parfois si mal réalisés qu’ils finissent par annuler l’importance architecturale de la construction. Roxana Wring: « Ce patrimoine est quasi méconnu. Soit il est en ruines, comme par exemple l’immeuble Aro qu’une secousse sismique plus forte pourrait complètement terrasser, soit il est enveloppé, comme c’est le cas de l’immeuble Turist, Place Romana. Or, au moment où l’on décide d’envelopper une construction moderniste, celle-ci aura par la suite l’air d’un bâtiment communiste, avec une façade peinte en jaune ou rose et les fenêtres modifiées. Il suffit de vous promener le long du boulevard Magheru pour voir à quoi ressemblent actuellement ces immeubles. »



    La dispute entre les autorités et les ONG au sujet des constructions historiques a été portée à plusieurs reprises devant les tribunaux. L’association « Sauvez la ville de Bucarest » a essayé à maintes reprises de sauver des édifices tombés entre les mains des agences immobilières. Les ONG qui militent en faveur du patrimoine architectural de la capitale roumaine appellent les institutions publiques à le protéger et conserver, et recommandent une série de mesures pour améliorer la situation. (trad.: Ileana Taroi, Ioana Stancescu)

  • La vie de corporatiste

    La vie de corporatiste

    42 des plus grandes corporations au monde ont ouvert ces 20 dernières années des filiales en Roumanie. Il s’agit notamment d’importateurs et distributeurs de biens et services. En règle générale, les filiales locales de ces compagnies ont à leur tête des directeurs issus des pays d’origine des actionnaires. N’empêche.




    Pour la plupart des diplômés d’enseignement supérieur, près de 100 mille par an sur l’ensemble du pays, la meilleure alternative à l’émigration reste celle de se faire embaucher dans une multinationale implantée dans le pays d’origine. Et cela parce que les salaires y sont un peu plus motivants; s’y ajoutent les autres bénéfices, tels la voiture de fonction, l’accès à l’éducation continue, les assurances maladie privées, les bonus pour les heures supplémentaires et les performances sur le lieu de travail. Les employés du secteur privé représentent 14% de la population, indiquent les statistiques d’une organisation qui promeut les intérêts des PME (CNIPMMR). Ce que les jeunes séduits par les avantages d’un emploi dans une multinationale ignorent c’est que les bénéfices ne sont qu’en théorie directement proportionnels à l’effort déposé.




    La réalité est beaucoup plus dure, avoue Ioana Popescu. Elle a 38 ans et travaille dans le domaine bancaire: « Pour moi, jeune diplômée de la faculté, le milieu des multinationales était une terre d’opportunités. Je rêvais de travailler dans une multinationale. Je ne savais pas exactement ce que cela voulait dire. Je n’ai pas réussi du premier coup, mais petit à petit, j’y suis arrivée. Le niveau professionnel y est très élevé. Nous voulions tous monter dans la hiérarchie et apprendre sans cesse. Les multinationales étaient comme une sorte de Saint Graal. Mais la réalité est un peu différente. En effet, on a accès à un logiciel performant, on peut apprendre beaucoup de choses, grâce aux différents stages destinés aux employés. En revanche, on n’a plus le temps de faire autre chose. On renonce à ses hobbies, à la vie de famille, au plaisir d’aller voir un spectacle etc. Autant d’aspects dont je n’avais pas connaissance au début. On les apprend au fur et à mesure. »




    Quand on entre dans le milieu corporatiste on se voit dire que c’est une grande famille qu’on vient d’intégrer, une famille où chacun a ses responsabilités et son devoir d’aider les autres à respecter les délais. Mais en réalité, les délais ne finissent jamais. Métaphoriquement parlant, les gens se transforment en une sorte d’abeilles qui travaillent pour le bien-être de la ruche. Personne ne parle dès le début du nombre d’heures supplémentaires qu’on devra faire, ajoute encore Ioana Popescu: « Ce n’est qu’avec le temps qu’on apprend qu’il n’y a pas de programme fixe de 8 heures et que par programme on entend le temps qu’il vous faut pour mener à bon terme un projet. Et pas mal de fois, on y arrive à au bout de beaucoup d’heures supplémentaires. Personne ne vous y oblige, c’est le libre arbitre qui entre en jeu. Ca dépend de ce à quoi on aspire. Si on veut avoir une carrière à tout prix et arriver très loin alors c’est ce que l’on doit faire. Si l’on veut être un des deux parents qui se sacrifie pour pouvoir tout offrir à son enfant alors on peut dire « Oui, je le fais pour mon enfant ». Le prix à payer est assez grand, dans le meilleur des cas on peut devenir une mère de fin de semaines. C’est très difficile de s’en détacher, car, ne soyons pas hypocrites, si on sait comment se vendre, si on travaille beaucoup, si on atteint un certain niveau professionnel dans une multinationale, on est bien rémunéré. S’y ajoute aussi le niveau des connaissances qui vous rend compétitif sur le marché. C’est aussi peut-être à cause de tout cela qu’il est difficile de prendre des décisions tranchantes ».




    Au bout de quelques années de travail acharné et sans répit, la fatigue s’accumule et la motivation disparaît en poussant souvent le salarié au bord de la dépression : / « Petit à petit, on finit par changer en tant que personne. On s’en rend compte quand, au bout de trois semaines de vacances, on reprend le boulot, mais on se sent mal à l’aise. En plus, le fait de voir d’autres personnes rentrer chez elles à 4 ou 5 heures de l’après-midi nous pousse à croire qu’elles ont des problèmes, qu’elles ne savent pas mettre leur vie à profit. Souvent, il suffit d’un seul moment pour changer, pour réaliser que le chemin emprunté n’est pas le bon. Pour ma part, j’ai eu quelques problèmes familiaux qui m’ont ouvert les yeux pour voir que des changements s’imposaient. »




    Parmi les avantages de travailler dans une multinationale, notons les opportunités de faire carrière et d’évoluer, les stages professionnels de perfectionnement, les services médicaux à prix réduits et la liste pourrait continuer. Et pourtant, nombre d’employés finissent sur le canapé du psy, comme l’avoue le psychiatre Gabriel Diaconu: Les gens qui franchissent le seuil de mon cabinet sont pour la plupart très malheureux. Ils n’arrêtent pas de se demander : qu’est- ce que j’ai fait pour arriver dans une situation pareille? La réalité est des plus tristes. Dans le cas des salariés des multinationales, le risque d’insomnie chronique est 3 à 4 fois plus grand que dans le cas des autres employés. Pareil pour les substances énergisantes dont la consommation est souvent 6 fois supérieure à la moyenne enregistrée au sein du reste de la population active. L’explication en est des plus simples: ces personnes doivent stimuler tout le temps leur corps qui est comme une usine de fatigue et pour cela, les cigarettes ou le café s’avèrent impuissants. Ils leur faut de véritables boissons énergisantes à base de taurine le matin et des cocktails alcoolisés le soir afin de garder leurs cerveaux en alerte. »




    Ceci dit, une question s’impose: comment pourrait-on accepter un mode de vie tellement exténuant et plein de sacrifices? Le psychologue Gabriel Diaconu nous répond: « Ces personnes s’achètent un standard de vie dont ils n’arrivent à tirer profit que pendant leurs vacances de deux ou trois semaines, en Grèce ou en Thaïlande. Pour le reste, ils conduisent généralement une auto de luxe qui les dépose dans leur quartier chic, devant leur belle maison un peu plus large que d’autres, mais où ils n’arrivent que tard dans la soirée, juste le temps de se mettre au lit et de se blottir dans des draps achetés pour un prix deux fois plus grand que la normale. Pourtant, ce sont justement tous ces détails qui les poussent à croire que ce mode de vie est légitime et ordonné. »




    Aux dires du docteur Diaconu, il est paradoxale de constater que sur l’ensemble des salariés des multinationales, de plus en plus rêvent d’économiser quelques centaines de milliers d’euros afin de quitter le système et de démarrer leur propre affaire. Un rêve partagé par pas mal d’employés du monde entier, comme l’affirme le psychologue: « La Roumanie ne recense qu’une vingtaine d’années d’expérience dans les multinationales. Mais, à regarder vers l’autre bout de l’océan, on remarque que ce mode de vie est plein de cynisme. »




    Ioana Popescu a présenté sa démission il y a un mois et demi. Tout ce qu’elle espère faire, une fois le préavis expiré, c’est de profiter de sa vie. A ses 38 ans, Ioana est toujours célibataire et sans enfants. ( trad. : Alexandra Pop, Ioana Stancescu)

  • L’enseignement secondaire sous la loupe

    L’enseignement secondaire sous la loupe

    L’enseignement secondaire de Roumanie a connu pas mal de changements ces 20 dernières années, mais, au regard des maigres résultats au bac 2012, leur efficacité est mise en doute de plus en plus. Dans plusieurs comtés du pays le taux de réussite ayant été nettement inférieur à celui des précédentes sessions du baccalauréat, soit moins de 50%, l’on a pu conclure au manque de maturité tant des élèves que du système éducatifen tant que tel.



    En Roumanie, les écoles privées représentent moins de 1% du total des établissements scolaires, les premières étant apparues en 1995. Ceci étant, elles ne sauraient faire une vraie concurrence à l’enseignement public. Les problèmes auxquels ce dernier se confronte relèvent de deux aspects. Il doit composer non seulement avec une base matérielle insuffisante ou défaillante, surtout en milieu rural, mais aussi avec des carences au chapitre ressources humaines. Les raisons financières poussent les professionnels à quitter le système. D’où le grand nombre de vacances et la sélection d’enseignants au niveau de formation plutôt faible.




    Une approche schématique révèle pourtant que l’offre scolaire répond aux besoins des élèves, du moins pour ce qui est de la communication en langue maternelle, y compris dans le cas des minorités ethniques, et de l’acquisition de certaines compétences nécessaires à l’intégration sociale, telle l’utilisation de l’ordinateur.




    La Roumanie chute dans le classement international, selon les résultats des tests PISA, mis en place en 1997 par l’Organisation de coopération et de développement économique en vue de l’analyse comparativedes évaluations sur les acquisdesélèvesde 15 ans dans plusieurs pays. Bien que contestés, les tests PISA soulèvent à nouveau le problème de la qualité de l’enseignement.



    Remus Pricopie, ministre roumain de l’Education, tire la sonnette d’alarme: « A mon sens, se poser la question de savoir ce que l’on fait et pourquoi, et puis combien vaut notre démarche éducative, cela n’est pas censé aboutir à des résultats. Certes, le classement reposant sur les tests PISA est tout différent de celui dit Top-Shanghaï, qui prend en compte les universités. PISA établit une hiérarchie à partir d’acquisitions élémentaires, tenues pour obligatoires à un certain âge, telles que l’intelligence d’un texte ou les calculs. On pourrait, bien sûr, contre-argumenter, dans le cas d’un élève qui peine à lire un texte et à l’interpréter, qu’il a, en échange, une bonne conduite ou qu’il s’y connaît à l’ordinateur ou à je ne sais quoi d’autre. Quelles que puissent être les réserves à l’égard des tests PISA, je pense qu’il faudrait les ranger parmi les indicateurs de qualité du processus éducatif dans tous les pays, Roumanie comprise. Or, si l’on tient compte de ces tests, nous savons que nous ne sommes pas bien placés. »




    Malgré l’élan que peut susciter une telle conclusion, Remus Pricopie semble enclin à procéder à une analyse plus poussée. « Je ne saurais opérer un changement du jour au lendemain. Quand il s’agit de la qualité il faut savoir ce qu’un professeur ou un enseignant comprend par qualité. C’est la réalité sur le terrain qui doit nous servir de point de départ. Il est inutile de promouvoir une politique si le terme en question ne se retrouve pas dans le langage de l’enseignant. Le système compte des centaines de milliers d’enseignants. Par conséquent, il faut veiller non seulement au caractère unitaire des cours, mais aussi à la création de certaines valeurs relevant de la qualité. Moi, je vous propose de parler des politiques intégrées, car en parlant de la qualité, on pense aussitôt au professeur. La qualité de l’acte d’enseignement dépend de la qualité de l’enseignant. Les laboratoires, les salles de classe, les mini-bus, qui sont eux aussi importants, arrivent ensuite. Mais la qualité de l’acte d’enseignement équivaut à la qualité de la formation, depuis la formation initiale jusqu’à celle continue. La qualité de l’enseignant, c’est le niveau de rémunération, et au delà de tout cela, ce que l’on investit dans l’enseignant ».




    Fin observateur depuis 6 ans du système roumain d’enseignement, l’académicien Solomon Marcus pointe du doigt d’autres défaillances de l’éducation. Hormis le besoin d’identifier les problèmes relevant de la structure des manuels et des curricula et la relation enseignant-élève, l’objet de l’éducation semble lui aussi difficile à comprendre. « Je trouve que « l’objet de l’éducation » est formulé de manière inadéquate. De tout ce que j’ai lu, j’ai compris que l’éducation est présentée comme une accumulation des connaissances et la formation de capacités cognitives. Des capacités de compréhension et de comportement aussi bien dans des situations typiques que dans des situations inédites. Le mot clé, c’est comprendre, et non pas connaître. Je pense qu’on doit prendre comme point de départ les besoins et les droits de l’enfant, de l’adolescent et du jeune. Car on n’en tient pas compte : un besoin fondamental de l’enfant, c’est qu’il comprenne. En même temps, il a besoin de mettre en corrélation l’effort et la récompense. C’est là qu’intervient le droit de l’enfant à faire des erreurs sans qu’il soit puni. S’y ajoute le droit au jeu. Le grand jeu d’apprendre et de créer, tout en gardant le droit de faire des erreurs et d’échouer, est raté. »



    Les écoles peuvent être réhabilitées, les salles de classes – rénovées, et les manuels – rééditées. Il reste toutefois le besoin d’accroître l’intérêt des élèves pour l’acte d’éducation et de mettre en exergue son utilité, de sorte que le désir de connaître devienne une option naturelle. ( trad. : Mariana Tudose, Alexandra Pop)

  • La reconversion professionnelle des enseignants

    La reconversion professionnelle des enseignants

    Ce n’est plus un secret, la situation financière des enseignants n’est pas du tout brillante. Pire encore. Les postes dans l’éducation ne sont pas recherchés, même ceux ayant exercé le métier de pédagogue choisissant de se réorienter, en raison du salaire trop bas et du stress toujours plus difficile à supporter.



    La situation s’est détériorée davantage en raison de la crise mondiale lorsqu’en Roumanie les salaires des enseignants se sont vu couper de 25% en raison de l’austérité budgétaire. Quels en ont été les effets? Eh bien, il paraît que ces 3 dernières années, 40 mille enseignants ont quitté le système d’enseignement. Et l’exode ne va pas s’arrêter là, relève le sondage intitulé « La vie du jeune enseignant », réalisé par la Fédération des Syndicats libres de l’Education — FSLI. Son président, Simion Hancescu, s’arrête sur les principaux résultats : « Une grande partie des sondés, soit plus de 41% envisagent de quitter le système d’enseignement dans les 5 prochaines années. Près de 30% ne sont pas décidés quand il s’agit de leur avenir professionnel. Les pourcentages sont inquiétants et les raisons sont multiples. Le revenu mensuel net d’un jeune enseignant se s’élève à environ 8 cent lei par mois, soir près de 180 euros. Avec un tel salaire, un enseignant peut à peine assurer sa subsistance. Dans pas mal de cas, ils continuent d’être soutenus financièrement par leurs familles. Il y a aussi ceux qui font la navette, c’est-à-dire qu’ils habitent en milieu urbain mais travaillent dans des localités rurales. Bien que selon la loi les dépenses pour faire la navette doivent être remboursées, peu de conseils locaux respectent cela. Par conséquent, il arrive qu’un enseignant dépense même la moitié de son salaire pour couvrir les frais de transport » .



    Dans l’enseignement secondaire, quitter son poste ne date pas d’hier. Et les raisons ne sont pas toujours financières. Ana a été institutrice 5 années durant ; elle avait embrassé ce métier juste après la fin de ses études au lycée pédagogique. Ce n’est pas l’argent qui l’a poussée à renoncer à son premier amour, car à l’époque elle était jeune et idéaliste. Elle n’a tout simplement pas agréé certains changements qui ont lieu au début des années 2000 : « On avait déjà commencé à nommer des directeurs et des adjoints aux directeurs selon des critères politiques. Les enseignants et le management ne se mettaient pas toujours d’accord. Quant aux changements, ils étaient formels, vu qu’en réalité, les salles de classe restaient les mêmes. C’était comme si on appliquait une nouvelle teinture à une clôture, sans tenir compte que la clôture en question était presque effondrée. En plus, je n’ai pas été d’accord avec cette décision d’alourdir, sans logique aucune, les cartables des élèves. Aujourd’hui, les élèves doivent porter des cartables très lourds, et ils perdent leur enfance quelque part entre 300 problèmes et 600 exercices, ce que je ne peux pas accepter » .



    De véritables conflits de mentalités ont opposé Ana d’un côté et les parents et enseignants de l’autre. Ecoutons à nouveau Ana : « Par exemple, moi je portais des pantalons et non pas de jupe et pour eux cela constituait un problème. Moi, pour ma classe, je faisais les cours d’éducation physique et je ne cédais pas en faveur de l’arithmétique et de la lecture. Aux cours d’éducation musicale, je faisais de l’éducation musicale et non pas de la géographie ni de l’histoire » .



    Après avoir jonglé entre deux emplois en même temps, Ana a choisi de quitter l’enseignement et de faire une carrière dans la télévision. Du point de vue financier, elle n’a plus de problèmes. Aucun regret non plus du point de vue professionnel : « Je regrette uniquement la magie qui se produit au moment où 26 paires d’yeux vous regardent comme la personne la plus importante au monde » .



    Avant la crise, Aura enseignait le français dans deux lycées bucarestois. Elle a quitté le système en raison notamment du salaire très bas. Et pourtant elle n’a pas changé de métier, puisqu’à commencer par l’année 2009, elle enseigne le français aux hommes d’affaires. Ecoutons-là : « Je fais toujours mon métier. J’aime énormément enseigner. Je n’ai pas quitté l’éducation nationale parce que je n’aimais pas enseigner, mais parce que je n’avais pas un revenu décent. Maintenant je travaille avec les adultes. C’est un peu plus facile qu’avec des adolescents. Je ne peux pas dire que je regrette d’avoir quitté l’enseignement parce que ma vie s’est considérablement améliorée. Il est vrai, je pense parfois aux satisfactions que j’ai eues en travaillant avec des enfants, qui s’attachent beaucoup aux enseignants. Si on les traite bien, si on s’occupe d’eux, les enfants sont également capables d’exprimer leur affection » .



    Malheureusement, le départ massif des enseignants aura des conséquences aussi sur la formation des nouvelles générations de professeurs, affirme Aura : « Un enseignant ne peut pas être performant en l’absence d’un salaire décent. D’après moi, ce n’est pas correct d’affirmer qu’il faut tout d’abord faire preuve de performance et puis exiger de l’argent. Il faut qu’il y ait un équilibre entre la rémunération et la prestation. L’absence d’un tel équilibre a des effets négatifs sur la qualité de l’enseignement. Je connais des élèves de lycée et je peux dire que la manière d’enseigner est désastreuse. Dans la compagnie où je travaille je m’occupe aussi du recrutement, ce qui m’a permis d’entrer en contact avec des jeunes diplômés d’universités. Il m’arrive de constater assez souvent que le niveau de connaissance d’une langue étrangère – anglais, français ou allemand – est bas pour quelqu’un qui vient de sortir d’une faculté spécialisée » .



    De même, beaucoup de ceux qui embrassent à présent le métier de pédagogue ne le font pas par vocation et n’y voient qu’une solution jusqu’à l’apparition de nouvelles opportunités plus attractives. (trad.: Alexandra Pop, Alex Diaconescu)

  • L’obésité infantile

    L’obésité infantile

    L’obésité, notamment l’obésité infantile, est désormais un problème majeur parmi la population de l’UE. Selon un communiqué de l’Eurostat rendu public en 2011, et ciblé sur la période 2008 — 2009, entre 8 et 25% des adultes européens étaient obèses. La plupart d’entre eux vivaient au Royaume Uni et à Malte.



    Pour sa part, la Roumanie elle possédait un des taux les plus réduits. 20% des enfants et adolescents d’Europe sont en surpoids et un tiers d’entre eux sont obèses, mettait en garde en 2007, l’Organisation mondiale de la santé. Entre temps, la situation a changé. Quelle est la réalité de l’obésité infantile aujourd’hui en Roumanie ? Selon une information véhiculée par la presse, la Roumanie occuperait actuellement la troisième place en Europe pour ce qui est de l’obésité infantile. Vu que la source des ces informations demeure inconnue, nous avons démarré notre propre enquête.



    Sachez d’abord que la Société roumaine d’endocrinologie et la clinique spécialisée de l’hôpital « Elias » de la capitale roumaine ont réalisé en mai 2011, une étude épidémiologique dans les établissements scolaires bucarestois. Le médecin endocrinologue Carmen Barbu explique les résultats de cette étude qui a inclus des élèves roumains âgés de 6 à 18 ans. Carmen Barbu : « J’ai appris que pour 32% de ces élèves le poids était un problème. En effet, 11,5% en étaient obèses, et le reste de 20,5% étaient en surpoids, une catégorie intermédiaire entre poids normal et obésité. Par rapport au reste du pays, Bucarest devrait occuper la première place au classement de l’obésité infantile. Une étude réalisée en 2009 dans la ville de Timisoara, dans le sud-ouest du pays sur une population urbaine composée d’élèves de collège et de lycée, révèle une prévalence de l’obésité inférieure à ce que nous avons trouvé à Bucarest. Elle se chiffrait à environ 1% alors que 10% des enfants étaient en surpoids. C’est une différence très importante par rapport à la capitale roumaine qui montre combien variées sont les conditions de vie et l’impacte différent que peut avoir l’environnement sur l’obésité des enfants ».



    En milieu rural, l’incidence de l’obésité pourrait également être beaucoup plus réduite. Par conséquent, l’obésité est provoquée par un style de vie typique aux grandes agglomérations urbaines. Il existe dans certains cas une prédisposition génétique, stimulée par les conditions de vie. Mais, à l’heure actuelle, de nombreux enfants sont obèses ou en surpoids alors que leurs parents ne se confrontent pas à de tels problèmes. Les habitudes malsaines sont les principales causes de cette situation, affirme le médecin Carmen Barbu : « Nous avons identifié un comportement malsain très répandu à Bucarest : le fait que le dernier repas de la journée est en fait pris très tard dans la soirée. Plus de 90% des enfants ont avoué dîner après 22 heures et disposer à la maison de réserves de sucreries qu’ils pouvaient consommer à tout moment. Et il s’agit de produits à base de sucres concentrés et non pas faits maison. Par ailleurs, le questionnaire alimentaire révèle que les repas qu’ils prennent n’assurent pas toujours un équilibre entre protéines, glucides et autres. De plus, même si les éléments nutritifs de base n’étaient pas assurés, la réserve de sucre était assurée pour tout le monde. Plus de 90% des enfants ont affirmé manger devant la télé ou l’ordinateur. Et le dernier aspect que nous avons signalé a été l’absence de tout exercice physique. La vaste majorité des enfants roumains ne fait du sport que pendant les classes d’éducation physique. Même dans le cas de ceux qui font du sport à l’extérieur de l’école, la moyenne est d’une heure et demi par semaine ».



    Hormis les sucreries, les ingrédients spécifiques de la restauration rapide sont eux aussi dangereux pour la santé. Leur teneur en sel et en lipides est trop élevée; s’y ajoutent les additifs et les substances qui créent de la dépendance. Les enfants les consomment parce que c’est ce qu’ils voient à la maison et à l’école ou encore parce que les parents ne s’en préoccupent pas, estime le spécialiste en nutrition, Gheorghe Mencinicopschi: « Les parents et les grands-parents devraient se rendre compte qu’à ces âges tendres, soit 10 ou 11 ans, le cerveau d’un enfant n’est pas suffisamment développé pour faire la distinction entre les aliments, pour savoir ce qui est sain ou non. C’est à cet âge là que l’enfant apprend par imitation et de ce fait ce qu’il voit dans son milieu familial quand il s’agit de mode de vie mettra son empreinte sur son cerveau pour le reste de sa vie. Si ce qu’il apprend est erroné alors l’adolescent et puis l’adulte mènera un combat avec soi même, un combat qu’il perd dans la plupart des cas ».



    Parmi les maladies provoquées par les additifs figurent: l’hypertension artérielle, les affections cardiovasculaires, vasculaires cérébrales, le diabète de type 2, certaines formes de cancer, la goutte. De même, les garçons peuvent subir un processus de féminisation et avec le temps, l’obésité peut entraîner la baisse de la fertilité masculine, avec des conséquences sur les futures générations. Que faire donc pour empêcher que le phénomène ne gagne encore plus en ampleur. Gheorghe Mencinicopschi : « Cuisiner chez soi – bien que certains puissent trouver cette pratique désuète, elle constitue la première source de santé vu qu’elle permet de contrôler ce qu’on met dans un plat. De nos jours, on ne fait point attention à ce qu’on mange. Beaucoup d’entre nous n’ont même pas la curiosité de lire les étiquettes et trouvent toutes sortes d’excuses. Si on ne lit pas les étiquettes, on ne peut pas apprendre des choses simples, telles combien de sucre ou de sel nous avons ingurgité en une seule journée. Il est bien évident qu’une option encore plus saine est celle de choisir nous même les matières premières et de préparer les plats à la maison. Ou encore acheter des aliments bio si on se le permet ».



    Malheureusement, les aliments sains à 100% sont difficiles à trouver de nos jours, quand la pollution aux pesticides est très fréquente et les animaux sont nourris aux fourrages industriels. Toutefois, ce que l’on peut éviter c’est de consommer des aliments trop artificiels. (trad.: Alexandra Pop, Alex Diaconescu)

  • La thérapie par le jeu

    La thérapie par le jeu

    En ce début des vacances d’été on vous propose de parler du jeu. Ce n’est plus un secret, le jeu détient un rôle important dans le développement social, émotionnel, physique et cognitif d’un enfant. L’enfant utilise dans le jeu tous ses sens, et de ce fait, le jeu est la première étape de l’apprentissage et de l’activité créatrice. Grâce au jeu, l’enfant acquiert de nombreuses compétences, vit de nouvelles expériences, cultive son esprit d’observation, développe sa mémoire, son attention, son imagination et son esprit artistique. Au fur et à mesure que l’enfant grandit, le jeu gagne en complexité, et devient un excellent moyen d’exercer ses talents et ses habiletés.




    Le projet « Redécouvrir l’école » qui en est déjà à sa troisième année, s’adresse aux enfants atteints de différentes déficiences et se donne pour objectif de prévenir le risque de l’abandon scolaire. Le tout par le biais du jeu. Toutefois, le projet apporte aussi une nouveauté, comme nous l’explique le manager du projet, Daniela Visoianu : «La nouveauté du projet relève du travail avec le couple enfant –parent. Toutes nos activités s’adressent aussi bien à l’enfant qu’au parent. Le projet comporte plusieurs étapes: tout d’abord on forme les adultes qui travaillent, en tant que médiateurs scolaires, avec les enfants et leurs parents ; parmi eux, on retrouve aussi des employés des services sociaux. Une fois achevé le premier module de notre stage, à savoir l’accréditation, ces médiateurs sont tenus d’entrer en contact, une semaine durant, avec un groupe d’enfants ».




    Des ateliers qui s’adressent aux enfants, on en organise assez souvent en Roumanie. Ils s’adressent à la fois aux enfants et aux parents — cela est une nouveauté, dont les avantages nous sont présentés par Daniela Visoianu: « Dans ce projet, les parents mettent au premier plan l’intérêt de l’enfant. C’est à dire, ils laissent les enfants diriger tous seuls le jeu; c’est donc l’enfant qui dit au parent ce qu’il doit colorier et quand, et s’il a besoin d’aide. Il s’agit pratiquement d’un changement dans le rapport des forces. L’enfant a toujours la sensation qu’il fait ce qu’il veut et ce qu’il aime ; ce qui est très important, surtout qu’il s’agit d’enfants à besoins spécifiques et de parents soumis à une pression importante. Le jeu représente une sorte de thérapie même pour les parents. Une autre composante importante de notre projet c’est l’accompagnement psychologique offert aux parents. Le projet nous permet d’amener ensemble enfants atteints de différentes déficiences et parents. Même les enfants, qui se connaissent et qui ont des déficiences différentes, ont ainsi la possibilité de découvrir que dans ce genre de situation il y a aussi des compensations, c’est à dire qu’ils possèdent une habileté qui les aident à se débrouiller mieux que ceux qui ont une autre déficience. C’est une excellente opportunité de découvrir les moyens qui leur restent pour se débrouiller. »




    Fin juin, les personnes impliquées dans le projet ont bénéficié de l’expérience de la psychothérapeute britannique Eunice Stragg, qui travaille depuis 26 ans dans le domaine de la santé mentale. Elle est spécialiste de la thérapie par le jeu et de la thérapie du jeu de sable. Dans une première étape, Eunice a travaillé avec 8 enfants atteints de différentes déficiences et avec leurs parents. Dans la seconde étape, la spécialiste britannique a expliqué les bénéfices de la thérapie du jeu pour les psychologues, médiateurs et autres participants au programme « Redécouvrir l’école ».




    Le principal objectif de cette forme de thérapie est de résoudre les problèmes émotionnels ou comportementaux des enfants, c’est-à-dire d’améliorer la communication et les relations entre parents et enfants. On vise également à améliorer chez l’enfant l’expression verbale, les compétences d’auto-observation, le contrôle des impulsions, à développer certaines modalités de gestion de l’anxiété et de la frustration, la capacité de faire confiance aux autres et d’entrer en relation avec eux. Pour atteindre ces objectifs, le thérapeute se rapporte au développement cognitif propre aux différents stades de développement émotionnel de l’enfant et aux conflits propres à chaque âge.




    Tenter de développer une certaine indépendance par rapport aux parents de l’enfant atteint par une déficience est une autre nouveauté pour ce type de projet. Nous repassons le micro à Daniela Vişoianu: « Nous nous sommes proposé, d’une part, de laisser à l’enfant un espace pour agir et, de l’autre, de faire comprendre aux parents qu’ils ne peuvent pas lier leur vie à cet enfant aux besoins spéciaux. Quand un parent est confronté à ce défi, d’avoir un enfant aux besoins spéciaux, il organise sa vie autour de cet enfant et de ses besoins. Il consacre ainsi 10 ou 20 ans de sa vie exclusivement aux besoins de son enfant. Le parent risque ainsi d’ajouter une infirmité psychologique à celles dont l’enfant souffre déjà, exercer une pression sur lui, en lui rappelant les sacrifices qu’il a faits. Et c’est là le plus grand danger. »



    Si, pour l’instant, 800 familles — soit 1600 personnes — du sud de la Roumanie ont été intégrées dans ce projet, ses manageurs envisagent de multiplier les projets de ce type et de les mettre en œuvre à une échelle nationale.


    (Trad.: Alexandra Pop, Dominique)

  • Solutions pour les enfants restés en dehors du système d’éducation

    Solutions pour les enfants restés en dehors du système d’éducation


    Sujet important pour les institutions européennes, l’abandon scolaire est devenu un thème de débat public en Roumanie. Le principal but n’est pas d’établir l’ampleur du phénomène mais de trouver des solutions pour l’endiguer. Or, pour cela il faut une collaboration entre les autorités habilités de plusieurs domaines: éducation, protection sociale et développement local. C’est pourquoi l’abandon scolaire a fait l’objet d’une ample recherche intitulée: « Tous les enfants à l’école jusqu’en 2015, initiative globale visant les enfants restés en dehors du système éducatif.» Cette étude réalisée sous l’égide de l’UNICEF est fondée sur une méthodologie commune aux 26 Etats participants — la Roumanie comprise.



    Le rapport concernant notre pays a été élaboré avec le concours des ministères de l’Education et du Travail, de l’Institut national de la statistique et de l’Institut des sciences de l’éducation.



    Les auteurs se proposaient d’étudier le contexte de l’abandon scolaire, de déterminer une prise de conscience quant aux conséquences du phénomène et d’avancer des solutions. Or, pour ce faire, il faut en connaître l’ampleur et les causes, qui ne sont pas intrinsèques à l’enseignement.



    Sandie Blanchet, représentante de l’UNICEF en Roumanie, met en exergue une partie de ces causes. « Les enfants se trouvant au seuil de l’abandon scolaire sont ceux provenant de familles très pauvres, d’habitude du milieu rural, ceux qui appartiennent à l’ethnie rom ou qui sont touchés par une déficience. Le système éducatif devrait se focaliser sur la prévention de l’abandon plutôt que sur les mesures d’intervention. Nous devons nous assurer que ces enfants sont inscrits à l’école et qu’ils y restent. »



    Les conséquences à long terme de l’abandon scolaire affectent l’ensemble de la société et l’économie d’un pays. Selon les données fournies par l’Institut national de la statistique, 52% des jeunes ayant abandonné très tôt leurs études se sont retrouvés plus vite au chômage.



    Les différences enregistrées entre les régions du pays sont une autre preuve du fait que l’abandon scolaire est un problème social. Le taux d’abandon scolaire varie en fonction de la situation économique et ethnique de la zone en question. Dans les localités où l’ethnie rom représente plus de 5% de la population, le taux est sensiblement plus grand. Sandie Blanchet nous propose d’autres chiffres. « Le taux d’abandon scolaire a atteint les 17,5% et il est en hausse. Selon l’agenda Europe 2020, la Roumanie se propose de le ramener à 15% jusqu’en 2014 et à 11% à l’horizon 2020. Vu que l’abandon scolaire est influencé par des facteurs sociaux, tels la pauvreté, l’état de santé, l’alimentation et l’environnement familial, des solutions transversales sont nécessaires au niveau sectoriel. Au niveau local, les écoles, les assistants sociaux, les mairies doivent collaborer pour le prévenir. La qualité de l’enseignement pose, lui aussi, des problèmes. En Roumanie, 40% des jeunes de 15 ans ont un faible niveau d’alphabétisation, contre 15% en Pologne et 18% en Hongrie. La solution ? Des professeurs qualifiés et motivés et un curriculum scolaire qui mette l’accent sur le développement des compétences et non pas sur la mémorisation d’informations. La Roumanie alloue à l’Enseignement 3,5% du PIB, contre 5% en Pologne et en Hongrie.»



    Pourtant, les statistiques concernant l’abandon scolaire peuvent être trompeuses si l’on ne connaît pas le contexte dans son ensemble, ainsi que les modalités de calcul du taux d’abandon. Ciprian Fartuşnic, chercheur à l’Institut des sciences de l’éducation, explique la manière dont ce taux est calculé en Roumanie. « Nous vérifions le nombre d’enfants inscrits dans une école en septembre et celui des enfants qui achèvent l’année scolaire en juin. Le taux d’abandon est donc calculé en comparant ces chiffres. Ce que cette étude apporte de nouveau, c’est le fait que l’on tâche de savoir combien d’enfants devaient être inscrits. Ce faisant, on constate que leur nombre est supérieur à celui des élèves inscrits. Avec le concours de l’Institut national de la statistique, nous avons appris combien d’enfants devraient entrer dans l’enseignement préscolaire ou primaire. Nous avons également dressé le bilan des enfants inscrits à l’école et nous avons comparé les chiffres. Conclusion : le nombre d’enfants inscrits dans la première classe du primaire est inférieur à celui résultant des données démographiques. Dans les classes supérieures, le phénomène s’accentue. Dans le primaire, plus de 55 mille enfants de 7 à 10 ans se trouvent en dehors du système éducatif. Même situation dans l’enseignement secondaire, où tous les jeunes figurant dans les statistiques démographiques ne se retrouvent pas dans celles du système d’enseignement. »



    En utilisant la méthode de calcul des institutions de l’UE, le phénomène acquiert de nouvelles dimensions et doit être compris différemment. Ciprian Fartuşnic : « Au niveau de l’UE, on ne compare pas les taux d’abandon entre Etats membres, parce qu’il y a d’importantes différences méthodologiques. Il existe, ainsi, une méthode qui fait un calcul par cohortes, suivies sur plusieurs années d’étude. L’indicateur utilisé, c’est ce taux d’abandon précoce de l’école. Cela se cible sur une certaine tranche d’âge, les 18 à 24 ans. Pourquoi ? Parce que c’est là que l’on s’attend à trouver des jeunes qui ont un niveau d’éducation de base. Si l’on calcule de cette manière, on peut constater qu’un jeune sur 5 n’a même pas réussi à achever les 10 classes de l’enseignement obligatoire ».



    Quelle que soit la méthode de calcul, les solutions pour l’abandon scolaire présupposent la coopération de plusieurs institutions et ne peuvent occulter des statistiques telles que celles incluses dans l’étude nationale « Tous les enfants à l’école jusqu’en 2015, initiative globale visant les enfants en dehors du système d’éducation ». (Trad. : Dominique)

  • Sois ton propre Chef

    Sois ton propre Chef

    En Roumanie, les anciens orphelinats s’appellent, de nos jours, « centres de placement », justement pour mettre en exergue leur caractère transitoire. Théoriquement, de là, les enfants sont soit adoptés, soit placés auprès de différents assistants maternels. Bien des fois, il arrive que ces enfants n’aient pas de chance, et là, le centre de placement devient leur foyer dès l’enfance et jusqu’à 18 ans. Dès lors, les orphelins sont censés se débrouiller tout seuls dans un monde inconnu et dépourvus de tout soutien matériel. Souvent, ils manquent de formation professionnelle spécifique, et ont besoin de se faire embaucher pour avoir un revenu. En l’absence de moyens, ils doivent trouver un logement. Considérés adultes, ils doivent se débrouiller pour vivre, même si le centre de placement ne les a pas formés pour cela.



    Afin de prévenir la déroute et les refus auxquels les orphelins peuvent se heurter sur le marché de l’emploi, l’Association pour l’activation des droits de l’homme, ADO Roumanie, a mis en place un projet. 12 jeunes du Centre de placement n° 5 de Periş, comté d’Ilfov, seront formés à titre gracieux pour devenir cuisiniers. A la fin des cours, les initiateurs du projet les mettront en rapport avec des employeurs potentiels.



    L’avocate Elena Corciu, fondatrice de l’association ADO Roumanie, décrit ainsi le projet « Sois ton propre chef »: « Nous souhaitons imprimer une direction à la vie de certains adolescents qui sont obligés de vivre dans un orphelinat jusqu’à leur majorité. En sortant de là, ils se heurtent à la vie réelle, brutale et injuste, où le drame, l’impuissance et l’échec sont les bornes naturelles de leur destin. « Sois ton propre chef » vise à conseiller du point de vue motivationnel et professionnel et à faire l’orientation professionnelle d’un premier groupe de 12 jeunes qui s’apprêtent à quitter le Centre de placement n° 5 de Periş, dans le comté d’Ilfov. Fournir des services de conseil et d’assistance juridique gratuite vise à établir des relations directes avec les employeurs de la communauté en vue de l’embauche des jeunes ».



    « Sois ton propre chef » est un projet lancé par un chef célèbre en Roumanie, Cezar Munteanu, qui n’est pas au premier programme humanitaire de sa carrière. Le chef Cezar a également cuisiné pour les enfants d’Afrique et a pris part à des actions charitables aux Etats Unis. En Roumanie, il a aidé les toxicomanes désireux de revenir à une vie normale et les enfants roms. Maintenant, il s’est investi dans le projet de Periş : « Nous sommes dans la phase où les 12 enfants vont bénéficier de toute notre maestria. Qu’il s’agisse de conseils psychologiques, de gastronomie, les enfants vont bénéficier plus tard d’un programme de suivi très attentif. Il ne faut pas croire qu’ils seront abandonnés après la fin de ce programme. La finalité de ce projet, c’est de créer le premier restaurant social de Roumanie, destiné aux enfants de milieux défavorisés ».



    Le projet « Sois ton propre chef » bénéficie du soutien des autorités locales. Bogdan Pantea, directeur exécutif de la Direction générale de Sécurité sociale et de Protection de l’enfance du département d’Ilfov espère que cette initiative serve d’exemple aux futurs partenariats: « Cette stratégie motivationnelle et professionnelle s’accompagne d’une procédure occupationnelle. Nous avons rencontrés des jeunes inadaptés puisqu’ils ont du mal à se débarrasser d’un style de vie propre au centre de placement, le seul qu’ils ont connu jusqu’à 18 ans. Or, la Direction générale de Sécurité sociale et de protection de l’enfance espère collaborer avec l’ADO ou avec d’autres associations, à la mise en place de projets à même d’offrir une intégration correcte de ces jeunes âgés de 18 ans ».



    Nicu a 16 ans et il est élève en troisième au Centre de placement de Peris. Il n’y a pas vécu depuis toujours, seulement après la mort de sa mère. Il sait jouer de la flûte, mais il est conscient que cela ne suffirait pas pour se débrouiller dans la vie. Qu’est-ce qu’il pense des cours de cuisine? « Ca me plaît. Dans la vie, on ne doit pas mettre tous les oeufs dans le même panier. On doit essayer de faire plusieurs choses. Pendant les classes de cuisine, j’ai appris à faire des frites et à choisir les légumes pour la soupe ».



    Pourtant, la première chose qu’il aimerait bien faire une fois sorti du Centre de placement serait de retrouver sa famille, notamment son frère aîné âgé de 21 ans : « J’aimerais bien renouer les relations avec eux. C’est dur pour moi de ne pas avoir de leurs nouvelles. Surtout de mon frère que j’aimerais bien revoir. Lui, il m’a rendu déjà visite trois ou quatre fois. Dès que le temps lui permet, il vient me voir au centre ».



    A la différence de Nicu, Nicoleta ne connaît pas sa famille. Agée de 18 ans, elle devra quitter bientôt le centre qu’elle habite depuis l’âge de « …8 ans. Avant, je fus dans un centre de Buftea où j’ai eu beaucoup de peine. Ma mère n’a pas voulu de moi. J’ai essayé de la retrouver, mais en vain. Deux ans, j’ai énormément souffert. Et puis, un beau jour, je me suis dit qu’il faudrait m’occuper de ma vie. J’ai fait un cours de serveuse avant de suivre ce cours de cuisine ».



    Nicoleta sait déjà préparer de la salade de bœuf, du caviar d’aubergines, des boulettes de viande hachée ou encore de la soupe. Mais le désir d’avoir un métier n’a pas été le seul qui l’a poussée à bien travailler au cours. Nicoleta: « Finalement, les femmes finissent par se marier et elles doivent savoir préparer une soupe quand leur mari souhaite en manger. Le mari ou l’enfant. Moi, je ne vais jamais renoncer à mon enfant, car j’ai tellement souffert que je ne supporterais pas qu’il souffre aussi. Je vais garder mon enfant près de moi et je vais bien le soigner et lui apprendre des choses pour la vie ».



    Le projet « Sois ton propre chef » a débuté par une session de conseil psychologique de 12 adolescents qui se verront offrir un cours de cuisine jusqu’en septembre. (trad.: Ligia Mihaiescu)