Category: Société

  • Les évaluations internationales et la situation de la Roumanie

    Fin 2013, grâce aux évaluations PISA, la société roumaine a eu l’occasion de comparer le niveau de formation des jeunes Roumains avec celui des élèves de 64 pays du monde. Le Programme d’évaluation internationale — PISA (Programme for International Student Assessement) est mis en œuvre depuis l’année 2000 tous les trois ans, afin de mesurer les compétences des élèves de 15 ans dans trois domaines — clé : mathématiques, lecture et sciences. L’édition 2012 de l’étude PISA a visé tous les 34 pays membres de Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et 31 pays partenaires, qui comptent pour 80% de l’économie mondiale. Dans le cas de la Roumanie, les résultats ont été plutôt décevants. 40% des élèves roumains ont eu de mauvais résultats et seulement 3,2% d’entre eux ont été classés excellents. Finalement la Roumanie est arrivée en 45e position sur 65 pays participants aux évaluations.



    Voici la réaction du ministre de l’éducation nationale Remus Pricopie: « Si vous souhaitez recevoir une réponse simple, je vous confirme que les résultats sont mauvais. Dans le cas d’une réponse plus élaborée, mentionnons que nous nous situons toujours au-dessous de la moyenne de l’UE et qu’un grand nombre d’enfants, au bout de 8 ans d’école, ne sont pas capables de résoudre des problèmes de mathématiques et de sciences, ni de lire un texte, soit des exercices d’un niveau moyen. En même temps, afin de garder son objectivité, il faut reconnaître qu’il existe un petit progrès : par rapport aux précédentes évaluations PISA, de 2009, la Roumanie a connu un progrès de 4% au classement général. Voici donc un aspect réjouissant. »



    Afin d’expliquer ces faibles résultats, le ministre de l’éducation a invoqué non seulement la manière d’évaluer les élèves dans le système roumain d’éducation, mais aussi le choix des matières enseignées. Ecoutons Remus Pricopie. « Il y a deux explications possibles. D’abord, dans les classes, les professeurs, n’enseignent pas ce qu’il doivent enseigner. La deuxième explication est relative à la méthodologie des examens. Et pourtant, il est très facile d’invoquer la méthodologie alors que dans les salles de classe, les enseignants ne font pas leur devoir. Ils ne vérifient pas les connaissances acquises et s’ils le font, c’est fait d’une manière superficielle. Il existe des établissements scolaires où les élèves reçoivent 9 points sur 10 même si, en réalité, leur note ne devrait pas dépasser 6. Par le biais des notes que nous donnons, nous disons aux élèves et aux parents qu’ils ont de bons résultats, puis, nous constatons aux examens que ces évaluations ne sont pas réelles. C’est pourquoi, à commencer par cette année, nous allons mettre en place plusieurs réglementations qui figuraient déjà dans la Loi de l’Education nationale. Des évaluations seront introduites dans les 2e, 4e et 6e année d’études, justement pour réaliser une série de radiographies et savoir à temps si dans une classe l’évolution est positive ou non. C’est uniquement de cette façon que l’on peut intervenir à temps pour corriger la situation. »



    A l’avenir, les responsables de l’enseignement roumain souhaitent soumettre les élèves à des évaluations similaires à celles PISA, c’est à dire transdisciplinaires, un modèle auquel les élèves roumains ne sont pas encore habitués. Ce qui plus est, le programme scolaire sera lui-aussi modifié – un processus déjà entamé. Ciprian Ciucu, expert en éducation au Centre roumain de politiques européennes, parle de l’actuel programme scolaire jugé responsable des faibles résultats des élèves roumains « Notre programme scolaire n’est pas mis à jour. Malgré les fonds européens investis, le programme est dépassé alors que le progrès scientifique se fait remarquer dans tous les domaines. Normalement, le programme scolaire change toutes les deux générations, soit tous les 8 ans. La plus récente modification du programme, qui n’a pas visé tant le contenu, mais les objectifs, a eu lieu à la fin des années 1990, début des années 2000. Ce fut un changement plutôt partiel puisqu’à l’époque les responsables de l’éducation nationale envisageait un changement radical ultérieur, mais finalement celui-ci n’a pas été opéré. »



    Les évaluations Pisa visent aussi le niveau de motivation des élèves, qui dans le cas de la Roumanie, est le plus bas parmi tous les pays ayant participé à l’étude. La question évidente est de savoir s’il faut chercher les raisons de ce manque de motivation en dehors du système d’enseignement. Voici ce que pense le ministre de l’Education nationale Remus Pricopie : « La motivation n’est pas à retrouver uniquement dans les cours, mais dans toutes nos activités quotidiennes. De nombreux enfants abandonnent l’école parce qu’il ne trouvent plus d’arguments ‘pour’. Côté enseignants, il est vrai qu’il existe un trait d’union entre la performance dans l’éducation et le niveau de respect accordé aux enseignants, ce qui inclut aussi la rémunération. Il ne suffit pas d’avoir un salaire motivant, à l’intérieur de l’école il faut créer une atmosphère positive. »



    Pour Ciprian Ciucu, le manque de motivation des élèves ne fait qu’illustrer le manque de motivation des enseignants qui ne peut pas être expliqué sans une analyse de l’ensemble du système d’éducation: « L’enseignement est étroitement lié à la motivation, qui, dans le cas des enfants, est stimulée depuis l’extérieur, par l’enseignant. Par ailleurs, les professeurs sont eux-aussi démotivés. Le statut du personnel enseignant n’est plus ce qu’il était. Les meilleurs étudiants ne choisissent pas la carrière enseignante à la fin des années de fac. Ils préfèrent émigrer ou travailler dans d’autres secteurs des systèmes public et privé. C’est pourquoi la plage de recrutement de l’éducation nationale est assez étroite et celle-ci n’arrive plus à attirer les meilleurs d’entre nous. Il s’agit d’un phénomène qui n’est pas seulement spécifique à la Roumanie, et qui est visible aussi dans d’autres pays européens. »



    Des changements radicaux s’imposent non seulement du côté des autorités mais aussi du côté de la société civile. Ces changements devraient modifier les fondements du système pour que l’acte d’enseignement — apprentissage regagne son prestige et son utilité. (trad. : Alex Diaconescu)

  • Les enfants les plus vulnérables de Roumanie

    Les enfants les plus vulnérables de Roumanie

    En Roumanie, 47,2% de la population vit à la campagne. A première vue, on pourrait penser que dans les zones rurales, les gens peuvent se procurer plus facilement de quoi vivre, en cultivant leur potager et en élevant des volailles et du bétail. Aussi, ne devraient-ils pas être très touchés par la pauvreté. Pourtant, les statistiques ne confirment pas cette idée. Le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté est 6 fois plus grand en milieu rural qu’en milieu urbain. Et, comme on pouvait s’y attendre, les enfants représentent la catégorie la plus vulnérable face à ce fléau — et pas uniquement en milieu rural — hélas : plus de la moitié des enfants roumains sont menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale — ils en étaient 52,2% en 2011 — soit le chiffre le plus élevé dans l’UE. Cette situation se traduit par un grand nombre d’enfants qui souffrent de malnutrition et qui, de ce fait, ont des problèmes de santé ou abandonnent l’école. La situation est évidemment plus dramatique dans les villages – affirme Daniela Buzducea, chargé des activités de promotion au sein de la fondation « World Vision » de Roumanie. « Les enfants de Roumanie souffrent de malnutrition. Un grand nombre d’études confirment le fait qu’un enfant sur 10 est mal nourri jusqu’à l’âge de 3 ans. Cette situation s’explique par le fait que la mère ne se nourrit pas bien et ne nourrit pas son enfant non plus — d’où d’importantes carences en fer chez les deux. Dans le cadre d’une étude que nous avons réalisée, nous avons voulu savoir si les enfants étaient bien nourris. Nous avons constaté qu’un enfant sur 10 se couchait sans avoir dîné. De telles carences alimentaires détermineront, des années après, des problèmes de santé, chez tous ces jeunes, même à l’âge adulte.



    L’abandon scolaire est un problème tout aussi sérieux, car il diminue les chances des ces enfants de trouver un emploi, plus tard dans la vie. Daniela Buzducea : « Nous assistons, ces dernières années, à une augmentation constante du nombre d’enfants qui ne sont pas scolarisés. Environ 40 mille enfants quittent l’école chaque année pendant la période de scolarité obligatoire. La situation est encore plus grave en milieu rural, où, selon une étude de « World Vision », la distance que les enfants doivent parcourir pour aller à l’école est une des principales causes de l’abandon scolaire. Aux examens nationaux, ces enfants obtiennent des résultats inférieurs à ceux des enfants du milieu urbain. Ce qui traduit également une différence de qualité entre l’éducation scolaire dispensée dans les deux milieux.



    Que faut-il faire pour améliorer la situation de ces jeunes ? Les organisations non-gouvernementales — dont la fondation « World Vision » – déroulent des programmes au bénéfice des enfants pauvres, en leur offrant de l’aide par le biais aussi bien des petites communautés où ils sont nés que de la grande communauté dont ils font également partie. « Donneur d’avenir » est un tel programme. Oana Şerban, attachée de presse de la fondation « World Vision » nous le présente: « Par le programme «Donneur d’avenir», nous essayons de déterminer un retour de l’esprit civique dans nos vies. Nous collaborons avec les autorités locales, avec d’autres ONGs et même avec des partenaires commerciaux. Il est très simple de rejoindre ce programme. La contribution mensuelle de chaque donneur s’élève à 68 lei — soit quelque 15 euros. Les enfants que le donneur choisit, ainsi que toute la communauté bénéficient de cette aide. Réunies dans un fonds commun, les sommes versées servent à financer des projets pour la communauté respective. Par exemple: doter les écoles de laboratoires ou d’ordinateurs, ou de fournitures scolaires ou les connecter au réseau d’eau potable ou d’électricité. Il existe nombre de choses que l’on peut faire pour ces jeunes. 600 enfants sont inscrits dans ce programme et nous avons déjà trouvé des donneurs pour 160 d’entre eux. Nous avons donc encore du travail devant nous. »



    Le programme « Donneur d’avenir » encourage la relation entre le donneur et l’enfant auquel son aide est destinée. Ils entretiennent une correspondance et, le plus souvent, le donneur se rend sur place pour voir de quelle façon la communauté vient en aide aux enfants, en utilisant les fonds qu’il lui offre. Cela encourage l’esprit d’entreprise dans les villages, autrement dit, on apprend aux gens à pêcher — estime le pianiste Nicolae Dumitru, qui compte parmi les donneurs. « Le programme «Donneur d’avenir» est censé tirer les gens de l’apathie, les secouer un peu. Cela se distingue des donations habituelles. On ne se contente pas d’envoyer une somme d’argent dont on va acheter des livres d’école ou des chaussures ou préparer des colis contenant de petits vêtements. Je pense qu’en voyant ce qui s’y passe, nous pouvons exercer un impact beaucoup plus grand sur les personnes avec lesquelles nous entrons en contact. Ces enfants ont besoin, de temps à autre, d’une impulsion, d’un flot d’énergie qui les pousse à agir pour changer leur destin. »



    Pour l’instant, le programme «Donneur d’avenir» est appliqué uniquement dans quelques communautés rurales du département de Dolj — zone du sud du pays où se trouve le plus grand nombre d’enfants vivant dans des conditions de pauvreté extrême. Si des donneurs intéressés sont dépistés, le programme sera élargi à d’autres zones du pays. (Trad. : Dominique)


  • La consommation d’alcool chez les Roumains

    La consommation d’alcool chez les Roumains

    La Roumanie fait partie des pays européens les plus grands consommateurs d’alcool. Il serait difficile d’observer un profil exact de l’alcoolique, mais les experts affirment que le facteur génétique y est pour beaucoup. Les personnes avec des parents du premier degré ayant eu une addiction risquent de développer elles-mêmes une telle dépendance. Selon les données de l’Alliance pour la lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (ALIAT), les Roumains consomment annuellement environ 9 litres d’alcool pur par habitant.




    Par ailleurs, l’OMS met en garde contre la tendance ascendante de la consommation d’alcool chez les adolescents et les jeunes du monde entier. N’empêche. Les autorités roumaines ne disposent pas d’un programme solide de prévention de la consommation d’alcool ou de récupération de dépendance à l’alcool, opine Dan Prelipceanu, psychiatre et président d’honneur de l’Alliance pour la lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (ALIAT): « C’est un gros problème irrésolu en Roumanie et en Europe. On constate depuis longtemps un manque d’intérêt, voire une sorte d’indifférence de la société et des responsables envers le problème de l’alcool qui du point de vue des coûts sociaux est extrêmement important. Il s’agit de dizaines de milliards d’euros représentant des dépenses liées à l’abus d’alcool. Il s’agit des coûts directs des complications médicales et des coûts indirects des décès prématurés, des retraites, des années perdues, des traumas subis par les mineurs des familles alcooliques, de la violence domestique. »



    Pour ce qui est du mythe selon lequel un verre de vin par jour est bénéfique pour la santé, les spécialistes affirment que cela est valable uniquement dans le cas des non-fumeurs. Les statistiques relèvent que la Roumanie compte près de 2 millions de consommateurs d’alcool en excès, 70% des cas de violence domestique et près de 50% des crimes étant provoqués par l’ivresse. En clair, 7 personnes subissent les conséquences de la dépendance à l’alcool d’une autre.



    Selon les données de l’OMS, l’usage nocif de l’alcool entraîne plus de décès que le SIDA et la tuberculose pris ensemble. En Roumanie, la consommation excessive de boissons alcoolisées tue une centaine de personnes par an. Dan Prelipceanu : « Cette situation est à retrouver dans tous les pays, mais chez nous elle est plus accentuée. L’alcool est une drogue légale et beaucoup de personnes en profitent pour développer des affaires prospères. C’est la culture dans laquelle nous vivons ».



    L’Alliance pour la lutte contre l’Alcoolisme et les Toxicomanies, est une association de professionnels fondée en 1993. C’est elle qui a ouvert, il y a trois ans, deux centres de soins intégrés, à Bucarest et à Târgoviste. C’est le premier projet de traitement gratuit de la dépendance à l’alcool de Roumanie, financé de fonds européens.



    Ces trois dernières années, les spécialistes ALIAT ont oeuvré bénévolement auprès de 1200 patients, la plupart entre 25 et 54 ans. Parmi ceux-ci, 66% étaient titulaires d’un certificat d’études moyennes ou supérieures, tandis que 42% avaient un emploi au moment où ils ont eu recours aux services mis à leur disposition par l’association. C’est depuis une vingtaine d’années qu’ALIAT donne un coup de main aux victimes de la consommation de drogues ou d’alcool. Passons le micro à Gabriela Bondoc, directrice médical de l’alliance: « Au bout de vingt ans d’activité, je peux affirmer qu’ALIAT a offert le traitement à plus de 18.300 personnes souffrant de différents troubles provoqués par l’alcool et la drogue. En tant que l’organisation de lutte contre l’addiction à l’alcool la plus grande de Roumanie, nous sommes intervenus dans tous les domaines d’action contre l’alcoolisme. On a déroulé des activités allant de programmes de prévention mis en place dans les écoles jusqu’aux programmes de prise de conscience des effets de la consommation d’alcool. Notre association a également formé plus de 800 spécialistes alcoologues et puis c’est toujours à nous que le marché roumain du livre doit les principaux titres de la littérature de spécialité, qui est d’importation ».



    A 40 ans, Adrian Mihai figure parmi les bénéficiaires des programmes menés par ALIAT. Cela fait déjà huit mois qu’il n’a plus touché à l’alcool, malgré un job qui implique justement le rangement des bouteilles dans un supermarché. Il s’est mis à boire à l’époque de son service militaire. Au début, par pur plaisir. Ensuite, par addiction. Exaspérée par ses longues absences de plus en plus répétées, son épouse lui a conseillé de voir un médecin. C’est à peine au moment où il s’est rendu compte qu’il buvait 7 litres de bière par jour qu’Adrian a compris que son problème était sérieux. « Je buvais jour et nuit. Mes capacités de travailler diminuaient petit à petit. Les scandales en famille se multipliaient. Je jetais l’argent par la fenêtre. Ma famille m’a poussé à renoncer à l’alcool. Au début, j’avais des tentatives de reboire après deux à trois mois. J’ai même été hospitalisé dans des centres privés où j’ai pas mal déboursé pour me faire soigner, mais en vain. La chance m’a finalement souri au moment où j’ai rencontré l’équipe ALIAT qui a su comment m’aider à ouvrir les yeux. J’ai réussi à renaître ».



    Adrian Mihai est l’un des 1200 patients ayant bénéficié des soins gratuits offerts par ALIAT. Malheureusement, depuis décembre dernier, l’alliance est restée dépourvue de financement européen, ce qui pousse les patients à couvrir entièrement la facture: presque 1500 euros pour trois mois de soins. Or, une étude récente nous apprend que rien qu’en 2013, les hôpitaux roumains ont déboursé plus de 550.000 euros pour soigner les alcooliques dans les services d’accueil des Urgences…(trad. : Ioana Stancescu, Alexandra Pop)



  • Plats sains à base de produits autochtones pour les repas festifs

    Plats sains à base de produits autochtones pour les repas festifs

    Les fêtes d’hiver riment avec détente, recueillement, plaisir d’offrir des cadeaux, mais aussi avec bonne chère. Les Roumains n’y font pas exception. Les plats traditionnels tels les sarmale, choucroute farcie de viande hachée, les saucisses, l’aspic, les cozonaci, ces brioches à la roumaine, sont déjà réputés pour leur saveur à part. Une question se pose pourtant: dans quelle mesure ces plats sont-ils encore véritablement roumains, dans un monde globalisé, qui fait que les mêmes produits circulent très vite d’un pays à l’autre. Sont-ils issus de l’agriculture ou de l’industrie alimentaire roumaines pour qu’ils méritent l’appellatif d’autochtones? Le fait de consommer des sarmale et des cozonaci contribue-t-il à l’essor de la production locale de viande ou de farine? Autant de questions que se sont sans doute posées les initiateurs du mouvement slow-food.



    A la différence de la nourriture semi-préparée, que l’on mange à la hâte et sans protocole aucun, les plats slow-food sont préparés et savourés lentement. Né en 1986, en Italie, le mouvement slow-food se veut une alternative à l’alimentation industrielle et ambitionne de soutenir la cuisine du terroir. Combien traditionnels sont-ils encore les sarmale et les cozonaci, ces plats incontournables du réveillon de Noël chez les Roumains? Réponse avec Tiberiu Cazacioc, représentant du mouvement slow-food en Roumanie : « La philosophie du slow-food consiste à remonter la chaîne alimentaire et à constater combien il est important que les œufs, par exemple, proviennent d’une poule élevée en liberté et nourrie aux grains. En fin de compte, la spécificité locale réside aussi dans les ingrédients qui nous viennent de l’économie autochtone. On parle de nourriture traditionnelle, mais pour farcir la choucroute des sarmale on utilise du porc d’importation, au lieu de privilégier la viande autochtone. Bref, le plat ne correspond plus à ce qu’on appelle le slow-food, car il ne respecte pas le principe selon lequel il faut cuisiner avec les seuls produits du terroir ».



    Pas facile de se procurer des produits locaux si l’on habite les villes désormais envahies par les hypermarchés. Toutefois, certains Roumains semblent donner la priorité à la nourriture fraîche et donc délaisser celle transformée à l’échelle industrielle. Tiberiu Cazacioc commente les données d’une étude de marché effectuée par un grand distributeur : «L’étude confirme le fait que les Roumains achètent plus de fruits et légumes au marché que dans les magasins, car c’est là qu’ils trouvent davantage de produits autochtones. Ils apprécient la pomme roumaine fraîche et juteuse. Ils la préfèrent à celle fade, qui leur vient d’ailleurs. Les auteurs de l’étude en question affirment également que dans le choix des charcuteries, le Roumain privilégie les critères de qualité, de fraîcheur et d’absence des additifs alimentaires. Autant dire que dans une certaine mesure les Roumains veulent des produits autochtones, frais et de saison. Malheureusement, l’orientation de l’industrie veut faire croire que le Roumain est plutôt enclin à acheter en grosse quantité et bon marché».



    Pour confirmer – sur des bases scientifiques cette fois-ci – le penchant des Roumains pour les pommes autochtones, l’Association des consommateurs de produits alimentaires de Roumanie (ACPAR) a comparé ces fruits avec ceux provenant d’autres pays. L’étude a été menée conjointement avec l’Institut National de recherche–développement de bio-ressources alimentaires (IBA). Détails avec Mihai Panait président de cette association : « Cette étude a été ciblée sur deux thèmes, à savoir l’analyse organoleptique et celle physico-chimique. En analysant et en comparant les pommes provenant d’Italie, de Pologne et de Turquie avec les variétés roumaines Golden de Voineşti et Ionatan de Voineşti, nous sommes arrivés à la conclusion très claire que nos pommes sont meilleures. Elles sont plus sucrées et ont une valeur nutritive supérieure, parce qu’elles recèlent davantage de minéraux ».



    L’analyse physico-chimique a mis en évidence le fait que la teneur en sucre de la variété roumaine de Ionatan est supérieure de 20 % à celle polonaise, par exemple. La variété locale de Golden est elle aussi plus sucrée que celles cultivées en Italie et en Turquie. En dépit de ces données, de la préférence des consommateurs pour les pommes autochtones et du potentiel agricole du pays, la Roumanie ne peut pas se vanter de productions significatives, affirme Mihai Panait : « Nos pommes sont bonnes, mais malheureusement le problème qui se pose est celui de l’entreposage et de la conservation de ces fruits pendant l’hiver. L’aspect laisse à désirer, car plus le temps passe, plus les pommes flétrissent, même si cela indique le fait qu’elles ont été cultivées dans des conditions naturelles. La Roumanie a un énorme potentiel dans ce domaine. Elle occupe actuellement la 15e place pour ce qui est de la superficie cultivée de pommiers, étant aussi le 21e producteur de pommes au monde. L’écart entre les positions qu’elle occupe suivant les deux critères mentionnés témoigne du fait que la productivité n’est pas fameuse ».



    Reste à voir combien bio sont les conditions dans lesquelles on cultive ces pommes, mais là aussi il semble que les consommateurs roumains font confiance aux pomiculteurs locaux. Quoi qu’il en soit, conformes ou pas conformes au concept du slow-food, les sarmale et les cozonaci n’on surtout pas manqué des repas festifs des réveillons de Noël ou du Jour de l’An en Roumanie. (trad.: Mariana Tudose)

  • Les Roumains et la consommation de médicaments

    Les Roumains et la consommation de médicaments

    L’Organisation mondiale de la santé a plusieurs fois tiré la sonnette d’alarme sur la résistance croissante développée par certaines bactéries au traitement à base d’antibiotiques. La Commission européenne, quant à elle, a récemment rendu publics les résultats d’un baromètre européen concernant la consommation de ces médicaments dans les Etats membres de l’UE, vu que cette résistance des bactéries est justement due à une surconsommation d’antibiotiques.



    En Roumanie, la situation n’est pas réjouissante: la population recourt aux antibiotiques plus souvent que d’autres Européens, tout en étant aussi moins informée sur l’utilisation. A la question sur la prise d’antibiotiques au cours des 12 derniers mois, par exemple, 47% des Roumains interrogés ont répondu affirmativement, contre 35% de réponses affirmatives chez les autres Européens. Plus inquiétantes que ces chiffres sont les réponses concernant l’achat de ces médicaments, car près d’un cinquième des Roumains les avaient achetés en pharmacie sans aucune ordonnance, par rapport à seulement 3% ailleurs en Europe.



    C’est le journaliste Vlad Mixich qui explique l’importance de la prescription médicale dans le cas des traitements à base d’antibiotiques : « Les Roumains sont les Européens qui ont recours le plus souvent à l’automédication. Ils sont aussi les plus ignorants citoyens de l’UE en matière d’utilisation des antibiotiques. Si un individu savait à quoi sert très exactement cette catégorie de médicaments, ce ne serait peut-être pas trop grave de les utiliser en l’absence d’une prescription médicale. Mais notre problème c’est que nous ignorons tout ça. Médicalement parlant, ça crée aussi bien un problème individuel et un autre, de la communauté entière. La résistance croissante des bactéries aux antibiotiques devient une priorité de santé publique mondiale. »



    Pendant la saison froide, comme c’est le cas actuellement, et notamment pendant des périodes de fluctuation des températures de l’air, les gens tombent plus facilement victimes des rhumes et des grippes ; or, 55% des Roumains, et 41% des autres Européens, considèrent que les antibiotiques traitent efficacement ce type de maladies et en avalent parfois même sans consulter un médecin et sans savoir que ces médicaments ne produisent pas d’effet en cas d’infection virale. C’est au médecin d’établir le type d’infection, virale ou bactérienne, et de décider d’un schéma de traitement.



    La docteur Sandra Alexiu, de la Société nationale des médecins traitants, donne plus détails là-dessus : « Chaque infection devrait faire l’objet d’investigations de laboratoire. Il existe des infections tellement évidentes que le médecin est en mesure de les traiter dès le premier rendez-vous pris par le patient. Mais dans la plupart des cas, des analyses supplémentaires sont nécessaires pour s’assurer que c’est bien une infection bactérienne et que les antibiotiques sont donc utiles ».



    Bien que la Roumanie ait une loi qui régit la vente des médicaments, les patients peuvent se les procurer sans ordonnance en pharmacie. La docteur Sandra Alexiu explique comment cela est possible : «Il y a une liste de tous les médicaments enregistrés en Roumanie où il est marqué si tel produit est en vente libre ou non. Malheureusement, il arrive que ces indications soient ignorées. Les parents d’un enfant malade, par exemple, préfèrent demander conseil au pharmacien au lieu d’aller chez un médecin, parce qu’il y a du monde dans la salle d’attente, parce que c’est le week-end, parce que c’est une impulsion. C’est vrai aussi que le pharmacien peut lui aussi indiquer un certain traitement en cas d’infection, sachant que pendant le week-end il a le droit de vendre des antibiotiques sans ordonnance pour une journée ou deux, pour qu’ensuite le médecin prenne la relève. »



    Est-il possible aussi que des médecins prescrivent des antibiotiques même quand la situation ne l’impose pas ? Docteur Sandra Alexiu : « Même les médecins se tournent excessivement vers les antibiotiques et ça c’est un problème mondial. Mais l’automédication est plus grave que l’administration excessive décidée par un médecin qui a examiné le patient. Une telle décision est assumée et peut être contestée. L’automédication est un risque assumé par un patient qui n’a pas de formation en médecine. »



    De l’avis du journaliste Vlad Mixich, en l’absence de données claires, il est impossible d’affirmer si oui ou non les médecins roumains font appel trop souvent aux antibiotiques. La responsabilité est, une fois de plus, individuelle et liée au niveau d’éducation des gens, éducation dont les autorités devraient se charger elles aussi. Vlad Mixich : «Il faudrait un programme national d’information et de sensibilisation, mis en place et financé par le ministère de la Santé, en tant qu’institution en charge de l’éducation et de la prévention, car il s’agit aussi de prévenir la dissémination des infections résistantes aux antibiotiques. »



    Un des microbes qui ne répondent plus aux traitements classiques est le bacille de la tuberculose. L’OMS a mis en garde contre l’apparition, dans plusieurs zones du monde, d’une nouvelle forme de cette maladie, rebelle aux médicaments traditionnels. (trad. : Ileana Taroi)

  • Le roumanglais et ses locuteurs

    Le roumanglais et ses locuteurs

    Si, depuis longtemps déjà, les Français parlent franglais, les Roumains commencent eux aussi, depuis une dizaine d’années à parler roumanglais.



    C’est dans les années ’90 que les linguistes se sont aperçus de l’influence grandissante de l’anglais sur le langage quotidien — en fait de l’anglais américain, pénétré notamment par l’intermédiaire de la musique et des films essentiellement dans la culture des jeunes. Les ordinateurs et les langages des différentes sciences y ont également beaucoup contribué.



    La linguiste Rodica Zafiu, professeur à la Faculté de lettres de l’Université de Bucarest nous donne quelques éléments de roumanglais. « Le langage des jeunes foisonne de termes argotiques et familiers empruntés à l’anglais. Certains d’entre eux y sont présents depuis un certain temps déjà — et c’est le cas de « funny» et « grogy » pour ne plus parler de « OK ». Ça c’est déjà vieux. Parmi les termes adoptés plus récemment, on peut mentionner « loser » — perdant. Aux termes argotiques — expressifs et le plus souvent péjoratifs — s’ajoutent de nombreux connecteurs : « by the way » vient ainsi se substituer partiellement au syntagme « à propos », emprunté au français et que les Roumains utilisent comme tel depuis très longtemps. Pour les jeunes, il est pourtant déjà un peu désuet. Un phénomène à part — et quelque peu indépendant du roumanglais — est celui qui a trait au monde des ordinateurs et d’Internet. Bien que le langage utilisé par ce domaine d’activité ne soit pas propre aux jeunes, ils sont les plus nombreux à l’utiliser. Ce nouveau langage, teinté d’anglais, est devenu une sorte de code quasiment inaccessible aux personnes un peu plus âgées. Les jeunes se régalent de « LOL » (mort de rire) et d’abréviations puisées à l’anglais. Souvent, ces abréviations sont reconstruites en roumain, selon le même modèle. »



    Etant donné la vitesse de communication sur le net, l’anglais ici utilisé n’a pas tardé à contaminer le roumain. C’est désormais monnaie courante que d’entendre les jeunes parler de download, sher, click ou like. C’est plus commode et bien sûr plus cool, pour ainsi dire. La sociologue Claudia Ghişoiu explique. Près de 85% de l’information que l’on retrouve sur la toile passe en anglais. Résultat de la mondialisation, environ 1 milliard et demi de personnes au monde maîtrisent l’anglais à différents niveaux. Savoir l’anglais c’est devenu une condition pour pouvoir être actif sur le net. Cette langue a l’avantage d’être synthétique, ce qui veut dire qu’elle est capable de rendre quantité d’information en peu de mots simples. D’où son usage répandu dans les milieux d’affaires et dans le langage informatique. On en fait usage aussi dans le domaine de l’éducation. Les étudiants, par exemple, ont à consulter de nombreux ouvrages rédigés en anglais ; ils lisent, parcourent beaucoup de documentation en cette langue. En plus, ils ont pris l’habitude de truffer leurs discours de termes anglais. Pour les traduire en roumain, il faudrait employer beaucoup plus de mots, voire même des syntagmes.”



    Seuls la mode et l’emploi excessif de l’ordinateur ne sauraient expliquer l’usage du roumanglais. En réalité, ce langage reflète aussi une attitude envers la culture de son pays, affirme le sociologue Claudia Ghisoiu. « C’est un peu plus qu’un langage de circonstance. En langage sociologique, on emploie le terme « xéno centrisme », soit l’appréciation et le désir d’adopter tout ce qui vient de l’étranger. Cela est de plus en plus visible chez les jeunes de Roumanie, où la fête autochtone de Dragobete est considérée comme inférieure à celle de Valentine’s Day. Cette dernière est importée et a un « drive » économique, pour utiliser un mot anglais, c’est à dire une raison économique. De la culture, on en exporte sous la forme des fêtes, des films et de la musique. La plupart des importations viennent des Etats-Unis: par conséquent, elles sont en anglais et sont considérées comme bonnes ».



    Bien qu’il n’y ait pas d’études qui quantifient le degré de propagation du xéno centrisme, une des caractéristiques des locuteurs de roumanglais est leur appétence pour ce qui vient de l’extérieur du pays. Elle s’explique aussi par un contexte où la culture roumaine n’est pas mise en valeur. Toutefois, le phénomène du roumanglais ne devrait pas nous préoccuper, explique la linguiste et professeur universitaire, Rodica Zafiu: «Il est peu probable que ces termes nuisent à la structure de la langue standard ou encore à celle d’un essai philosophique. Ce mélange gardera le caractère éphémère d’un langage familier argotique qui, de par sa nature, se renouvelle très rapidement, choque au début, emprunte à n’importe quelle langue, du romani comme de l’anglais. C’est ce qui est arrivé par le passé aussi, lorsqu’on empruntait des mots au turc, au grec et au français. Pour le reste, chat, facebook, link, hacker — autant de mots courants qui ont des chances d’adaptation ou qui peuvent disparaître. Toutes ces notions sont elles mêmes hautement éphémères. Elles n’existaient même pas il y a une vingtaine d’années: certaines se sont formées par métaphore en anglais ou suite à différentes dérivations sémantiques. Il se peut également que le progrès de la technologie entraîne leur disparition avant qu’elles n’intègrent plus en profondeur la langue roumaine ».



    La sociologue et professeur Claudia Ghisoiu ne partage pas cette opinion: «Les plus de 25 ans ne peuvent pas écrire un texte qui ait un certain niveau scientifique ou académique sans avoir recours à des mots anglais. C’est pareil pour leurs discours. C’est quelque chose qui saute aux yeux. Si on leur demande ce qu’ils ont voulu dire, ils ont du mal à communiquer leur message en roumain: il font un paragraphe pour expliquer un seul mot. Ils ont des difficultés à trouver les correspondants en roumain. »



    Phénomène inquiétant ou non, le roumanglais témoigne aussi du fait que la langue est vivante, que ses normes ne sont pas éternelles et qu’elles peuvent changer sous l’emprise du temps. (Trad.: Alexandra Pop, Mariana Tudose, Dominique)


  • L’UE porte son attention sur l’alimentation des bébés

    L’UE porte son attention sur l’alimentation des bébés

    Essentiel pour la vie des nouveaux-nés, l’allaitement n’est plus, depuis longtemps déjà, la modalité exclusive de nourrir les bébés pendant les premiers mois de vie. Sur les 137 millions d’enfants qui naissent annuellement dans le monde, 32,6% bénéficient d’une alimentation exclusive au sein. A part les problèmes de santé, qui peuvent empêcher certaines mères d’allaiter leurs enfants, s’ajoute une autres cause importante: l’abondance des formules de lait proposées sur le marché. Cette alternative est adoptée par les mères qui soit se sentent fatiguées, soit prêtent trop facilement l’oreille à ceux qui leur présentent le lait de vache ou en poudre comme étant meilleur pour la santé du bébé.



    Voici le témoignage d’une mère qui a nourri son enfant au sein pendant un an et demi. Elle parle des difficultés physiques et psychiques de l’allaitement : « Il se crée une forte dépendance entre la mère et l’enfant, ce qui retarde le moment où l’enfant acquiert son autonomie. Dans mon cas, suite à une période d’allaitement excessivement longue, l’enfant a eu des difficultés à assimiler les protéines et une carence en fer. Pourtant, je ne pense pas que l’introduction des formules de lait soit utile. Moi, je recommanderais le sevrage à un an. Je pense que l’allaitement pendant un an suffit, si l’enfant n’a pas de problèmes de santé. A partir du 4e ou du 5e mois, on doit diversifier son alimentation, en accordant beaucoup d’attention aux protéines. »



    Afin de contrecarrer plus vite l’anémie de son enfant, notre interlocutrice a essayé la nourriture pour bébé se trouvant, en petits pots, sur le marché : « Il en a mangé très peu, après quoi il les a refusés. Je ne sais pas si je dois faire confiance à ces produits, bien qu’apparemment ils soient bons et que les ingrédients proviennent de l’agriculture biologique. Pourtant, évidemment, nous ne pouvons rien contrôler, nous ne pouvons pas savoir ce qu’ils contiennent. »



    Notre deuxième interlocutrice a un petit garçon d’un an qu’elle allaite encore, bien qu’à la maternité personne ne l’y eût encouragée : « Là-bas, on lui donnait du lait en poudre et alors évidemment, l’enfant, n’ayant plus faim, ne tétait plus. Heureusement, ma famille m’a soutenue, car l’allaitement est un véritable défi du point de vue psychique. C’est quelque chose de nouveau, on a des symptômes nouveaux, des douleurs d’un autre genre… Pourtant, j’ai persévéré — bien qu’à un moment donné j’aie été sur le point de le sevrer. L’enfant a eu des problèmes de santé et alors j’ai décidé de continuer à l’allaiter ».



    Elle a commencé à diversifier son alimentation lorsque le bébé avait 6 mois, mais ce ne fut pas avec des produits prêts à l’emploi que l’on trouve dans les magasins, elle a préparé elle-même ses aliments : « C’est beaucoup plus sûr. Les purées en petits pots, j’en achète lorsque nous nous déplaçons en voiture et que nous faisons des trajets plus longs, car ce que je prépare à la maison risque de s’altérer. »



    Les mamans qui se sont exprimées au cours de ce reportage font partie d’une catégorie de plus en plus rare en Roumanie : celles qui allaitent exclusivement et qui n’utilisent pas les formules de lait en poudre. Selon une étude réalisée en 2011 par l’Institut de protection de la mère et de l’enfant en partenariat avec le ministère roumain de la Santé et l’UNICEF, en Roumanie, seules 12,6% des jeunes mamans choisissent l’allaitement exclusif, un des taux les plus bas d’Europe. Ce qui est surprenant, c’est qu’en milieu rural, ce taux est même inférieur que dans les villes, affirme Voica Popa, experte spécialisée dans la protection de l’enfance au sein d’UNICEF Roumanie : « Malheureusement, le niveau d’information dans la période prénatale, après la naissance, dans la maternité est à la maison est très bas au milieu rural. Il y a beaucoup de femmes qui ne consultent jamais un médecin spécialiste durant la période prénatale. Or, des conseils sur comment soigner un bébé, y compris comment l’allaiter, sur la nutrition de la mère pendant l’allaitement, tout ces informations donc devraient être fournies aux femmes dès le début de la grossesse. »



    Ce qui demeure difficilement explicable, c’est la perte des traditions liées à l’allaitement dans les villages roumains et notamment la raison pour laquelle les pratiques saines et naturelles ont été abandonnées : « Hormis le lait maternel et les formules, il faut aussi évoquer les différents produits qui se trouvent sur le marché et qui bénéficient d’une publicité agressive. Ces produits sont consommés dès un âge auquel les enfants devraient être nourris exclusivement de lait maternel, c’est-à-dire avant d’avoir 6 mois. La diversification par étapes commence après cet âge. Selon notre étude, il y a des enfants qui mangent des frites à 7 ou 8 mois. Or à cet âge-là ils devraient manger des fruits. La pomme qui, en milieu rural, est à portée de tous a été remplacée par la banane. Ce qui plus est, les légumes en bocaux sont préférés aux légumes frais, cultivés dans le potager derrière la maison. C’est un paradoxe qui tient du manque d’information et d’éducation. »



    Afin d’améliorer cette situation au niveau européen, les institutions de Bruxelles ont récemment adopté une directive qui réglemente l’étiquetage des produits alimentaires pour enfants, mais aussi le contenu du lait en poudre. L’eurodéputée roumaine Daciana Sârbu comte parmi les partisanes de cette directive censée clarifier le contenu de la nourriture pour enfants commercialisée sur le marché unique : « Les consommateurs sauront clairement ce que ces petits pots contiennent, quels sont leurs ingrédients. Par ailleurs, toute la publicité pour ces produits sera modifiée afin d’encourager l’allaitement. A mon avis, le public devrait comprendre l’importance de l’alimentation naturelle. Cet aspect devrait être mieux expliqué parce que dans ce cas nous luttons contre la publicité et contre la plus importante source d’information des citoyens — la télé. C’est une lutte difficile, puisque les gens, occupés et ayant une vie agitée, choisissent les sources d’informations les plus faciles d’accès. »



    Sur la toile de fond de la création de nombre de sites consacrées à l’allaitement et de la parution de campagnes telle « La semaine mondiale de l’allaitement », tenues début août, Daciana Sârbu est optimiste et table sur une amélioration du niveau d’information du public. (trad.: Dominique)

  • Plaidoirie pour la dignité

    Plaidoirie pour la dignité

    La question des personnes atteintes d’un handicap mental n’a jamais été abordée du point de vue des droits humains. Malgré l’inquiétude que certaines institutions internationales ont exprimée à l’égard de la manière dont ces personnes sont traitées dans les établissements de santé mentale de Roumanie (subordonnés au ministère de la Santé, à l’Autorité nationale pour la protection des personnes handicapées ou à l’Autorité nationale pour la protection des droits de l’homme), la législation n’offre pas encore les garanties nécessaires à leur protection. Ces personnes sont en réalité privées de certains droits et libertés.



    C’est dans ce contexte que le Centre de ressources juridiques (CRJ) a lancé le programme intitulé « Plaidoirie pour la dignité». Il se propose de contribuer à la création d’un mécanisme indépendant de suivi des institutions privatives de liberté (y compris des centres psycho-sociaux). Le programme vise aussi à améliorer le cadre légal et institutionnel en matière de protection des droits des personnes à handicap mental et à accroître la capacité de les intégrer et les accepter dans la communauté. En quoi consiste la violation de certains droits fondamentaux des personnes internées dans un tel centre?



    Explications avec Georgiana Marinescu, directrice exécutive du Centre de ressources juridiques: « La privation de liberté n’est pas synonyme à la seule incarcération. Dans ce cas précis, il s’agit du séjour dans un centre de placement que l’on ne peut pas quitter quand on le souhaite. C’est donc être interné dans un centre destiné aux personnes handicapées, dans un hospice ou un établissement de réhabilitation neuropsychiatrique. Une fois là, on n’est plus libre d’en sortir quand bon nous semble. Or, vu que ce cas de figure relève de la privation de liberté, ces personnes doivent jouir de toutes les garanties dont on bénéficie en milieu carcéral ou en état de détention provisoire, sinon de plus de garanties, puisque l’on a affaire à un groupe vulnérable qu’il faudrait protéger ».



    Dès son lancement, le programme «Plaidoirie pour la dignité» a examiné plusieurs situations de transgression des droits de l’homme dans les centres de placement. Plusieurs de ces cas ont été même jugés par la Cour européenne des droits de l’homme. En dehors de cette situation, le Centre de ressources juridiques lutte pour trouver des solutions aux problèmes du système. Un nouveau cas soumis à la Cour européenne des droits de l’homme est celui d’un jeune rom infecté par le VIH, atteint d’un retard mental et malade de tuberculose. Il est décédé à l’âge de 19 ans, après avoir été transféré d’un centre de placement des mineurs vers un autre, destiné aux personnes souffrant de troubles psychiques. Son nom est déjà symbolique: Valentin Câmpeanu.



    Les explications de l’avocat Constantin Cojocaru, représentant de l’ONG Interights: «Nous avons déploré la violation de plusieurs droits inscrits dans la Convention européenne des droits de l’homme : le droit à la vie, à la liberté, à la vie privée, à la non discrimination, le droit à un remède efficace. Valentin Câmpeanu s’est carrément retrouvé seul au bon gré des autorités qui ne l’ont pas protégé. Nous demandons à la Cour d’accorder protection aux personnes à handicap, vu leur situation spéciale. Ces gens, en quelque sorte invisibles, deviennent visibles grâce notamment à ce cas. Il faut trouver des solutions à ces problèmes structuraux ».



    Georgiana Pascu, chef du programme «Plaidoirie pour la dignité» en charge du dossier Câmpean, à l’époque — c’est-à-dire en 2004 –nous explique pourquoi ce cas est devenu symbolique et a laissé espérer une sortie de ce cercle vicieux. «Le dossier concerne un jeune qui, en 2004, avait 19 ans à peine. Le cas réunit tous les éléments, car il s’agissait d’une personne jeune sans parents et sans défense, ayant des problèmes de santé mentale. La façon d’agir, dans ce dossier, prouve que dans le système médical chaque personne a un rôle important à jouer. On ne doit pas minimiser le rôle de l’assistant social, qui a adressé des sollicitations, le rôle du président du Conseil départemental, qui aurait peut-être dû accompagner Valentin. Pourtant, il a été transféré comme un procès verbal. Le document autorisant le transfert de Valentin stipulait, je cite: «équipement et enfant transférés». La situation est dramatique. »



    En visitant de nombreux centres de placement, les rapporteurs du Centre de ressources juridiques non seulement ont pu constater de graves abus, mais ils ont également cherché l’origine des problèmes. Dans la plupart des cas, les recherches menées dans les centres de placement prouvent que les abus se perpétuent pour plusieurs raisons. La plus importante en est la structure des centres: celle-ci ne respecte pas les besoins de ces jeunes, qui ont des vulnérabilités différentes et nécessitent une attention différente.



    En outre, le personnel dont disposent ces centres est en nombre insuffisant et inadéquat du point de vue qualitatif et il n’est pas motivé, les salaires étant trop bas. S’y ajoute l’absence d’une formation professionnelle continue pour toutes les catégories professionnelles qui y travaillent. Un dernier inconvénient: les jeunes victimes des abus ne disposent pas d’instruments pour saisir les organismes habilités et aucun mécanisme ne permet l’accès de ces adolescents à la justice. C’est d’ailleurs ce qui a déterminé le Centre de ressources juridiques à lutter pour le droit de représenter ces jeunes devant l’Etat…(trad. : Mariana Tudose, Dominique, Alex Diaconescu)

  • Le Delta Vacaresti et ses habitants

    Le Delta Vacaresti et ses habitants

    Vers le milieu des années 1980, le régime communiste de Bucarest a abattu un monument emblématique de la capitale roumaine: le monastère de Văcăreşti, érigé à la fin de la première moitié du 18e siècle. Un lac artificiel aurait dû y faire son apparition.



    Le projet et les travaux qui avaient été démarrés ont été stoppés par la chute du régime, en 1989 ; le terrain de 190 hectares s’est transformé depuis en une zone humide d’une grande valeur scientifique, un véritable écosystème avec une faune et une flore deltaïques. Plus de 90 espèces d’oiseaux (éperviers, faisans, canards sauvages — dont nombreux protégés par des conventions internationales), des mammifères, des poissons, des amphibiens, y ont trouvé abri.



    Des témoins affirment avoir vu mêmes des loutres, ce qui confirmerait une abondance de poissons. L’association non gouvernementale « Salvaţi Dunărea şi Delta »/Sauvez le Danube et le Delta » est à l’origine d’un projet de transformation du marais de Văcăreşti en un parc naturel urbain. Seulement, en plus des difficultés bureaucratiques faciles à prévoir dans le cas d’un tel projet, la zone en question est aussi marquée par des problèmes sociaux divers.



    Dan Bărbulescu, directeur exécutif de l’association « Salvaţi Dunărea şi Delta » en mentionne une partie. «Il y a des braconniers dans cette zone, ce qui impose, à notre avis, une implication maximum des autorités. Nous avons une très bonne relation avec le ministère de l’Environnement où il existe un groupe de travail qui examine ce projet légalement simple à réaliser, mais bien compliqué, en pratique. Même en bénéficiant du soutien du ministère, nous nous heurtons souvent aux mentalités de certains fonctionnaires des mairies des arrondissements. Et puis, il faut aussi considérer les personnages ayant des intérêts immobiliers qui souhaitent transformer cette zone en un quartier d’immeubles à plusieurs étages avec un grand centre commercial au milieu. »



    Terrain sans propriétaire aux yeux des plus nombreux, le marais de Văcăreşti offre abri et moyens de vivre à des familles sans logement. Certains vivent de la pêche, d’autres du ramassage des ordures qui y abondent. Les plus nombreux attendent les dons faits par des fondations caritatives. C’est aussi le cas d’Aurelia qui habite dans des baraques improvisées. Mais elle n’est pas seule. « Nous sommes une famille — moi, mon mari, nos enfants et ma belle-mère, à côté il y a le frère de mon mari et puis 5 ou 6 familles dans cette même cour. Un peu plus loin vivent trois autres familles qui ont ensemble sept enfants. Dans une autre baraque, il y a une famille avec six enfants. Près du lac, vous en trouverez quatre autres avec 12 enfants au total. Notre situation est très difficile. Pour les enfants surtout, aller à l’école est un problème, parce qu’ici ils n’ont pas d’électricité pour faire leurs devoirs. On n’a pas de chauffage non plus. »



    Pourtant, les deux fils aînés et deux filles d’Aurelia suivent les cours assez régulièrement. L’absence d’un logement correct a longtemps empêché la troisième fille, Alina, d’aller à l’école ; aujourd’hui, elle a 12 ans et n’est qu’en CE2. A la question « pourquoi n’est-elle qu’en CE2 à l’âge qu’elle a ? », Alina répond : « C’est parce que maman m’a envoyée tard à l’école. Moi, j’aurais aimé y aller plus tôt et apprendre beaucoup de choses. Et je voudrais être une bonne élève à l’avenir. »



    Cette famille se retrouve dans cette situation depuis pas mal d’années, raconte Aurelia : «On habite dans des baraques depuis 15 ans. Pendant 13 ans nous avons habité dans une baraque sur un terrain qui a été mis en vente. C’est mon frère qui m’a fait venir ici. Il y habite lui aussi. Je ne connais pas le propriétaire de ce terrain. On ramasse des matériaux recyclables, emballages en plastique, papier, boîtes de conserve, fils de cuivre émaillé. On ne sait pas pêcher. On cherchera à se débrouiller comme on l’a fait jusqu’ici jusqu’à ce qu’on trouve un job ».



    Le Samusocial se charge depuis quelques années de l’amélioration des conditions de vie et de la situation professionnelle de ces personnes. Ce sont eux qui les ont aidées à obtenir des papiers d’identité, des fournitures scolaires, des vêtements et des chaussures et qui essaient de leur trouver un emploi. Ce qui n’est pas facile du tout. Et ce pour plus d’une raison, explique Monica Tautul. « Dans la plupart des cas, on leur trouve des jobs saisonniers, au noir. Il est évident que ces gens-là vont se retrouver dans peu de temps dans la situation précédente et qu’ils feront à nouveu appel à nous. En plus, en tant qu’association, on se propose de leur trouver une habitation. Autrement, un SDF, bien qu’il soit employé, ne peut pas remplir ses tâches, vu qu’il ne peut pas se reposer comme il faut. L’hygiène est un autre aspect très important. Les SDF n’ont pas où se laver, ce qui peut amener l’employeur à renoncer à leurs services ».



    Trouver des logements n’est pas facile. Voilà pourquoi l’idéal serait que les habitants du marais de Văcăreşti puissent continuer d’y vivre même après que la zone soit déclarée Parc naturel protégé. Les initiateurs du projet ne manquent pas d’idées en ce sens. Nous écoutons Dan Bărbulescu, directeur exécutif de l’Association « Sauvez le Danube et le Delta ». « Nous savons que plusieurs familles vivent ici et nous n’avons jamais pensé à les évacuer. Ces gens-là doivent continuer à y vivre, mais dans de meilleures conditions, bien évidemment. En plus, ce sont des cas sociaux qui nécessitent donc davantage d’attention de la part de l’Etat. Nous avons même des solutions à cela. Par exemple, les transformer en guides ou gardiens du parc. Nous sommes en contact permanent avec eux. Il y a deux jours, un habitant des parages nous a donné un coup de fil pour nous apprendre que des gens étaient venus abattre des arbres. Ca c’est un autre problème. Chaque automne, on coupe de arbres pour en faire du bois de chauffage. Il faudrait donc que la zone soit mieux surveillée. C’est ce en quoi les habitants des lieux pourraient se rendre utiles, en participant à la gestion du parc. »



    Bien que muni de l’avis scientifique de l’Académie roumaine et appuyé formellement par le ministère de l’Environnement, le projet visant à transformer le marais de Vacaresti en un parc naturel protégé est encore loin de devenir réalité, puisqu’il lui faut surmonter des obstacles tels la bureaucratie ou les rétrocessions et obtenir le feu vert du Parlement…(trad. : Ileana Taroi, Mariana Tudose, Alexandra Pop)

  • Carrières professionnelles en milieu rural rendues possibles par les fonds européens

    Carrières professionnelles en milieu rural rendues possibles par les fonds européens


    Une récente étude menée par la Commission Européenne fait état d’un nombre restreint de personnes travaillant dans l’agriculture et ce malgré l’importance cruciale que revêt ce secteur de l’économie communautaire. Sur l’ensemble de l’UE, seule une dizaine de millions de personnes travaillent à plein temps dans les exploitations agricoles, soit moins de 5% de la main d’œuvre recensée dans cet espace. En plus, 92% de ces ouvriers, sont membres des familles des exploitants agricoles. S’y ajoutent les personnes qui effectuent régulièrement d’autres travaux agricoles à l’extérieur des fermes. Au total, on dénombrait, en 2010, 25 millions de ressortissants européens travaillant constamment dans ce secteur. Un nombre assez réduit, compte tenu du poids que les produits agricoles détiennent dans notre vie quotidienne. Il convient d’ajouter à tous ces chiffres les 4,8 millions d’emplois qui ont disparu de l’agriculture de l’UE entre 2000 et 2012. 70% d’entre eux figuraient dans les nouveaux entrants dans l’Union, dont la Roumanie, pays où le poids du secteur agricole est considérable. Il existe plusieurs raisons qui expliquent cette situation.



    Parmi elles, le fait que la jeunesse se désintéresse de ces activités et que l’on pratique une agriculture de subsistance, laquelle non seulement n’est pas économiquement rentable, mais ne suppose pas non plus des contrats de travail ni des salaires proprement dits. C’est ce qui a poussé aussi bien les autorités que les ONG à tenter de remédier à cette situation. Dumitru Fornea, membre du Comité économique et social européen et responsable des relations internationales au sein de la Confédération syndicale Meridian, affirme qu’une partie des fonds versés par l’UE à l’agriculture sont en fait destinés à la main d’œuvre du domaine. « Un tiers du budget européen, c’est-à-dire une trentaine de milliards d’euros, est accordé annuellement par Bruxelles à la PAC. Comme quoi, il existe un intérêt au niveau aussi bien européen que national, puisque la Roumanie s’inscrit parmi les pays à recenser le plus grand nombre d’habitants occupés par des activités agricoles, à savoir presque 3 millions de personnes. En plus, la Roumanie figure parmi les pays européens à avoir alloué pas mal d’argent à la politique agricole. Dans l’exercice budgétaire 2007-2013, le montant des fonds structurels alloués à l’agriculture a avoisiné les 15 milliards d’euros. Or cela devrait être visible. Malheureusement, une partie importante de la population rurale se voit contrainte à émigrer en quête de nouvelles opportunités sur d’autres marchés européens ».



    Forcés à cultiver la terre uniquement à des fins de subsistance pour avoir de quoi vivre sans faire aucun profit, les fermiers roumains, surtout les plus jeunes, se voient contraints à émigrer. Du coup, les chances que leurs exploitations s’épanouissent diminuent considérablement. En plus, l’agriculture roumaine a du mal à surmonter un énorme obstacle à la prospérité des paysans : leur réticence à s’associer, à unir leurs terres et leurs efforts dans des coopératives. La cause ? Dumitru Fornea explique que cette peur viscérale découle de tout ce qui ressemble de près ou de loin aux anciennes coopératives agricoles de l’époque communiste. « Ce manque de confiance ne fait que provoquer de gros ennuis aux jeunes et aux personnes des régions rurales. Ils sont confrontés à des difficultés notamment liées à leur capacité d’entrer en compétition avec l’agriculture industrielle. Le fait qu’en Roumanie le secteur agricole compte pour 30% de l’économie nationale n’est pas une chose mauvaise. Le secteur industriel compte pour 28% alors que les services pour 42%. Tous ces domaines pourraient s’équilibrer d’une manière favorable. Malheureusement, ces travailleurs agricoles ne bénéficient ni de convention collective ni de contrat individuel. Seuls 8% des ces personnes sont syndiqués et 3% d’entre eux font partie d’une coopérative agricole conformément aux nouvelles lois. »




    Et pourtant, plusieurs initiatives privées tentent de trouver une solution à cette situation et d’offrir aux jeunes la chance d’une carrière dans le milieu rural. « Carrières dans le rural » c’est d’ailleurs le nom du programme par le biais duquel la société Global Commercium Development a organisé des formations gratuites pour ceux qui souhaitaient développer différentes compétences d’entrepreneurs. Financé par le biais du Fonds social européen, le projet a été mis en place par plusieurs communes, principalement du département de Cluj, affirme Tina Cozmanciuc de l’entreprise Global Commercium Development. «J’ai initié quelques projets locaux aux côtés de partenaires d’Espagne et d’Italie. Il s’agit de projets estimés à environ 500 mille euros, des initiatives locales déroulées non seulement dans le département de Cluj, mais aussi dans d’autres comptés : Constanta, Alba, Vâlcea et Ilfov. Nos projets sont ciblés sur les personnes inactives, sur les chômeurs, qui pratiquent l’agriculture de subsistance. Suite à nos initiatives, environ 62% des personnes travaillant au milieu rural touchent des revenus provenant exclusivement de l’agriculture. Malheureusement, ce n’est pas un taux réjouissant, étant donné que, sur ce pourcentage, les salariés ne comptent que pour 25%. Les autres ont des revenus provenant de l’agriculture sans bénéficier du statut de salarié. »




    Les jeunes ont été paraît-il très intéressés à suivre ces stages qui les encouragent à devenir entrepreneurs. Tina Cozmanciuc explique quelles sont les principales carrières qu’ils envisagent à la campagne : «Ils ne se dirigent pas vers l’agriculture. Hormis le fait qu’ils aident leurs parents à la maison, ils souhaitent avoir aussi d’autres activités. Leur orientation professionnelle dépend aussi du spécifique de la région. Par exemple, dans l’une des régions où nous sommes actifs, il existe une fabrique de pièces de rechange pour un grand constructeur automobile. Les gens aimeraient y travailler, mais pour cela ils doivent être qualifiés. Malheureusement après les 8 années obligatoires d’étude ils vont au lycée, mais ils n’obtiennent pas le BAC et n’apprennent pas un métier qui leur permette d’être embauchés dans cette usine. Le tourisme est également une autre direction, mais là aussi ils ont besoin d’une formation professionnelle. »




    Bref les stages de formation sont très attendus à la campagne mais il faut beaucoup d’argent pour les organiser. Cet argent pourrait provenir d’une bonne gestion des fonds alloués par l’UE à l’agriculture roumaine pour la période 2014 — 2020. (trad. : Ioana Stancescu, Alex Diaconescu)


  • Les greffes d’organes en Roumanie

    Les greffes d’organes en Roumanie

    En Roumanie, comme partout dans le monde, la greffe d’organes est possible grâce à ceux qui comprennent que la maladie n’épargne personne. Le don d’organes demeure un acte volontaire et anonyme, dont le seul bénéfice est la pensée que, quelque part dans le monde, une personne que l’on ne connaît pas reste en vie et reprend des forces.



    Voici ce que déclarait la mère d’un enfant donneur d’organes: « J’ai expliqué à l’infirmière de quels organes il s’agissait : la peau, les reins, le foie, le pancréas, le cœur. Pourtant je n’ai pas voulu donner les yeux. C’est le seul don que je n’ai pas voulu faire. J’ai pu voir deux des personnes qui ont bénéficié de ces organes. Il s’agissait d’un homme de 21 ans qui avait besoin d’une greffe du foie et d’une femme de 35 ans qui, grâce à ce don, a bénéficié d’une greffe des reins. Ils étaient jeunes et je ne voulais pas que leurs parents vivent le drame que j’ai vécu, moi. »



    Raluca a 27 ans. A 18 ans, les médecins ont découvert qu’elle souffrait d’une cirrhose du foie et qu’elle avait besoin d’une greffe: «A 18 ans, au début de la maladie, j’ai eu une très forte anémie, ce qui a fait que dans l’espace de deux semaines, la fonction hépatique s’est gravement détériorée. Pendant 6 ans, j’ai suivi un traitement que les médecins ont jugé correct. Entre temps j’ai terminé mes études universitaires. Finalement, les médecins m’ont dit que ma maladie hépatique était décompensée et que le traitement n’était plus suffisant, il fallait plus… J’ai été immédiatement inscrite sur la liste d’attente de greffes. J’y suis restée 6 mois seulement. J’ai eu de la chance, car à ce moment-là, justement, il y avait une pénurie d’organes à greffer. La récupération a été difficile, mais cela a valu la peine. Des complications sont survenues après la transplantation, mais les médecins m’ont soignée. Je dois dire que nous avons en Roumanie des médecins exceptionnels ! A présent je suis complètement rétablie, je suis une personne en bonne santé, je ne me classe plus parmi les malades. »



    En Roumanie, plus de 3600 personnes figurent sur les listes d’attente de greffe d’organes. Si, en Europe, 12 malades meurent chaque année en attendant la greffe dont ils ont besoin, en Roumanie un tiers des personnes figurant sur ces listes meurent en attendant un donneur compatible. L’année dernière on a enregistré 65 donneurs de foie pour 400 malades. Depuis 2006 — année de la création, en Roumanie, de l’Agence nationale de la transplantation d’organes — on est parvenu à réaliser une augmentation annuelle de 30% des greffes d’organes, ce qui a permis de sauver la vie de plus de 3000 personnes.



    C’est en 2013 qu’a été enregistré le plus grand nombre de greffes d’organes provenant d’un donneur en mort cérébrale — a fait savoir le médecin Victor Zota, coordinateur du programme national de transplantation d’organes. « Nous avons rejoint le groupe de pays bénéficiant de plus de 100 donneurs. Nous espérons que d’ici la fin de l’année ce nombre augmentera jusqu’à 150. Avec les organes dont nous avons bénéficié depuis le début de l’année, nous avons pu réaliser plus de 200 greffes rénales, une centaine de greffes hépatiques, une seule greffe du cœur — hélas — plus de 200 greffes médullaires et plusieurs centaines de greffes tissulaires. Nous avons plus de 35 coordinateurs en milieu hospitalier et plus de 35 anesthésistes travaillant dans les sections de soins intensifs dont la principale tâche est de dépister et surveiller les donneurs potentiels se trouvant en mort cérébrale.



    Le professeur Irinel Popescu de l’Institut Fundeni de Bucarest soulignait le rôle décisif qu’ont joué l’Agence nationale de la transplantation d’organes et le ministère de la Santé pour couvrir les coûts de ces interventions chirurgicales délicates. Il précisait, pourtant, que les besoins en greffes d’organes sont importants : «Il faut savoir qu’à l’étranger on tâche d’évaluer les besoins de transplantations et non pas le nombre de donneurs d’organes. Si nous faisions, nous aussi, une telle évaluation, pour le foie, par exemple, on constaterait que nous devrions effectuer, en Roumanie, 300-400 greffes par an. Le nombre de donneurs est insuffisant, nous espérons qu’il augmentera. Au fond, cette centaine de donneurs rapportée aux 20 millions d’habitants du pays, signifie 5 donneurs par million d’habitants, ce qui n’est pas du tout satisfaisant. »



    En Roumanie, le niveau des dons d’organes est relativement constant. Les fluctuations s’expliquent par la médiatisation des cas de greffe. Lorsque les nouvelles sont positives, le nombre des dons augmente un peu, lorsqu’elles sont négatives, il baisse un peu, mais les fluctuations ne sont pas importantes.



    La Roumanie dispose d’un seul centre de transplantation hépatique, à Fundeni-Bucarest, de 3 centres de transplantation rénale — à Bucarest, Cluj Napoca et Iaşi – et de 2 centres de transplantation cardiaque — à Bucurest et Târgu Mures. L’hôpital « Sf. Maria » (Sainte Marie) de Bucarest est en train de devenir le deuxième établissement de la capitale où l’on pourra bientôt effectuer des greffes du foie. Deux étages de ses locaux ont déjà été aménagés à cette fin.



    Des progrès ont également été enregistrés en ce qui concerne le don d’organes post-mortem. Les personnes qui souhaitent devenir de tels donneurs peuvent s’inscrire, de leur vivant, dans un registre national créé par le ministère de la Santé, suite à une déclaration devant le notaire. Ces déclarations pourraient être exemptées d’honoraire dans le cas des notaires publics, selon un projet de décision du ministre de la Justice…(trad. : Dominique)



  • Comment concilier vie professionnelle et vie privée?

    Comment concilier vie professionnelle et vie privée?

    Bien que privilégiées par un droit à un congé pour élever leur enfant qui peut aller jusqu’à deux ans, les mères de Roumanie ne le sont plus au moment où elles reprennent le travail. Hormis une offre insuffisante de crèches et de maternelles, elles sont aussi confrontées à une autre difficulté, celle de l’emploi proprement-dit. Selon une étude sociologique réalisée en 2012, 47% des parents ont repris leur travail alors que 17% ont choisi de rester au foyer. Ce qui plus est, les mères qui retournent travailler ont en moyenne deux enfants seulement. Si elles en ont plusieurs, elles préfèrent être mères au foyer. Les coûts pour plus de deux enfants en maternelles ou en after-school dépassent largement, pas mal de fois, les revenus de la famille.



    De leur côté, 80,3% des employeurs affirment que le salarié a regagné la position occupée avant d’entrer en congé parental. Toutefois, les experts des différents programmes de formation professionnelle soutiennent, eux, que certains travailleurs ayant repris leur emploi risquent le chômage au bout d’un certain temps. Et ce, soit en raison d’une redistribution des tâches opérée alors que la personne était en congé parental, soit parce que l’employeur le considère incapable de s’adapter aux nouvelles exigences de la compagnie. De même, bien que la plupart des employeurs et travailleurs sans enfants affirment que leurs collègues — parents – sont tout aussi ponctuels et performants que les autres, ce sont toujours eux qui constatent que les salariés avec enfants demandent plus souvent la permission de s’absenter ou prennent plus souvent des jours d’arrêt maladie.



    Ceci étant, quel choix font les mères, après le congé parental ? Le sociologue Florian Nitu, un des auteurs de l’étude sur la réinsertion professionnelle des parents, affirme qu’un nombre élevé d’enfants âgés d’un à trois ans est confié à la garde des grands-parents. Florian Nitu: « Certes, les parents accordent beaucoup plus de confiance aux grands-parents. Dans la plupart des cas, ces derniers assurent une garde meilleure que celle d’une puéricultrice dans une crèche. Toutefois, le côté éducationnel est plus développé dans les structures spécialisées et cet aspect a gagné du terrain ces derniers temps aux yeux des parents. »



    C’est pourquoi, ajoute encore Florian Nitu, les parents optent pour les maternelles, quand l’enfant a plus de 3 ans. «L’étude a relevé que les parents, dont notamment les mères, pensent que les maternelles sont utiles au développement des enfants. C’est là que l’enfant apprend une langue étrangère ou encore à bien tenir un crayon, réciter une poésie ou danser — ce qui est apprécié par les parents. La confiance dans les services de garde de l’enfant varie, compte tenu du type d’institution. Ainsi, près de 80% des parents font confiance aux maternelles d’Etat, contre 50% à celles privées. Le système public est apprécié. On remarque une différence considérable entre les maternelles et les crèches, les parents ne faisant pas confiance à ces dernières. C’est ce qui explique d’ailleurs pourquoi le nombre d’enfants dans les crèches est assez bas ».



    C’est dans ce contexte que le Ministère roumain du Travail, en partenariat avec la société Global Commercium, a mis en place le projet, « Equilibre. Famille et carrière », financé de fonds européens à travers le programme européen POSDRU. Son objectif : concilier la vie professionnelle et la vie privée. Le projet prévoit l’élaboration d’une étude sociologique, celle susmentionnée, la mise en place d’un réseau de formateurs qui devraient par la suite prendre part à la formation des baby sitters à travers le pays et des institutrices des deux centres d’excellence, créés dans le cadre du projet à Bucarest et à Brasov.



    Ces centres sont censés compléter le nombre insuffisant de crèches et de maternelles. Emanuela Manea, coordinatrice du projet de la part du Ministère du Travail : «Par les centres ouverts dans ce projet, on a voulu identifier les difficultés d’ordre financier et juridique auxquelles les autorités locales doivent faire face au moment où elles essaient de mettre en place de telles structures. On les a modernisés à l’aide de fonds structurels, de sorte que les enfants qui y seront accueillis bénéficient de conditions adéquates. »



    Ce qui plus est, aux centres d’excellences mis en place dans le cadre du projet « Equilibre. Famille et carrière », les enfants vivent au milieu d’une famille élargie, comme nous l’explique l’institutrice Marilena Balacciu : « Bien que je n’y travaille que depuis un mois, j’ai déjà accompli pas mal de choses, surtout sur le plan de l’aspect émotionnel. Les débuts sont difficiles pour tout le monde, enseignants, enfants et parents. Moi, j’ai réussi à gagner l’amitié aussi bien des parents que des enfants ».



    Les enfants y bénéficient aussi d’une éducation adéquate à leur âge, affirme Antoaneta, mère d’un garçon dans la grande section : « Ici l’enfant a la possibilité d’apprendre plus de choses qu’à la maison. Il ne veut pas apprendre avec moi. C’est beaucoup mieux ici. Le changements sont visibles. Avant il gribouillait, il ne prenait rien au sérieux. A présent, il rivalise avec sa sœur et dit qu’il fait mieux qu’elle. »


    Crina avait jusqu’ici confié à ses parents la garde de son garçon, maintenant âgé de 5 ans. Cette année, il a intégré la grande section. Pourquoi ? « Nous avons voulu inscrire le garçon en maternelle plus tôt, mais la grand-mère s’y est opposée. Finalement on l’a amenée à admettre que cela lui profitait aussi, et qu’elle pourrait se reposer davantage ainsi. Par exemple, il ne faisait pas la sieste l’après-midi, ce qui n’est plus le cas à la maternelle. En plus, il a appris pas mal de choses. Il est beaucoup plus attentif, et il a appris à colorer. Les activités qu’il fait à la maternelle, il les poursuit aussi à la maison. Il en est très enthousiasmé ».



    Confrontées au besoin tant de faire croître la natalité que de réinsérer professionnellement des mères, les autorités doivent promouvoir des politiques visant à trouver un équilibre entre les exigences de la vie de parent et celles de la vie professionnelle, affirment les auteurs du projet « Equilibre. Famille et carrière », qui prennent en compte les demandes aussi bien des parents que des employeurs. (trad. : Alexandra Pop)

  • Mener sa vie dans les maisons de retraite de Roumanie

    Mener sa vie dans les maisons de retraite de Roumanie

    « C’est une grande bêtise que d’avoir peur d’une maison de retraite comme celle-ci. Je me souviens du moment où j’en ai parlé à des amis et tous se sont exclamés : mon Dieu, tu vis dans un asile ? Mais non, voyons, ce n’est pas un asile, mais un établissement qui m’offre la chance de mener une vie tranquille. Vous voyez ? C’est pour cela qu’on voit toujours des vieux vagabonder dans les rues. Par peur et par honte ».



    Plus d’un an s’est écoulé depuis que Teodora Dragut a intégré la Maison de retraite ‘Nicolae Cajal’ gérée par la Municipalité de Bucarest. Cette chance, elle la doit à des gens de bien qui ont été impressionnés par le sort de cette retraitée retrouvée dans un foyer des sans-famille, avec pour seule fortune ses livres et une poupée blonde dont elle prend soin comme de l’enfant qu’elle n’a jamais eu.



    A ses 85 ans, Teodora Dragut n’a plus qu’un neveu qui, à la mort de sa propre mère, a décidé de la mettre à la porte. Titulaire d’une pension de retraite insuffisante pour se payer la taxe dans une maison de retraite et dépourvue de tout autre personne apparentée à même de lui accorder un soutien financier, Madame Dragut a rejoint la liste des cas sociaux assumés par la municipalité. Elle a eu de la chance, c’est vrai. Mais alors, à combien se monte le nombre de retraités roumains, en détresse financière, capables de se trouver une place dans un tel établissement ? Et surtout, combien d’entre eux accepteront, une fois devenus trop vieux pour prendre soin d’eux mêmes, de fermer de bon gré la porte de leur maison et emménager dans un endroit inconnu afin de partager leur solitude avec d’autres comme eux ?



    Selon les données offertes par la Direction des Services Sociaux du Ministère roumain du Travail et de la Famille, le nombre total de maisons de retraite dépasse à peine les 200, tandis que plus de 2600 seniors figurent toujours en liste d’attente. La plupart d’entre eux sont en situation de dépendance, malades et démunis, or, la maison de retraite n’est pas gratuite. Pour y accéder, le retraité doit payer la taxe soit entièrement si sa pension le lui permet, soit à hauteur de 60%, si la famille se charge du reste. Quant à l’Etat, il n’assume que les cas sociaux. Mais là aussi, les choses risquent de se compliquer dans un pays où le nombre de retraités est à la hausse tandis que le budget de la sécurité sociale se creuse de plus en plus.



    Carmen Manu, à la tête de la Direction des Services Sociaux du Ministère du Travail: « Généralement, dans tous les Etats ex-communistes, membres de l’UE, c’est le budget national qui supporte la sécurité sociale. C’est pourquoi il faudrait créer des fonds ou acheter des assurances, car tous les services publics à l’intention des retraités sont très chers. Et, si l’on pense au rythme accéléré du vieillissement de la population, l’on constate que, bientôt, il n’y aura plus de financement et cela non pas parce que les autorités ne veulent plus en offrir. Elles n’auront plus de ressources. En plus, la famille actuelle ressemble à un sandwich avec les adultes au milieu obligés d’assumer aussi bien la responsabilité de leurs enfants que de leurs parents ».



    Or, à partir du moment où les adultes ne peuvent plus soigner leurs vieux, la maison de retraite reste une solution. Mais puisque dans le public, les listes de candidats sont très longues et que la famille a parfois du mal à attendre, de plus en plus de Roumains privilégient l’alternative privée. Surtout qu’ici, ils espèrent échapper à la crise de personnel spécialisé qui caractérise le système public.



    Le jour où sa grand-mère nonagénaire a souffert un AVC, Alexandra s’est rendu compte qu’elle n’avait plus les moyens de la soigner à domicile, surtout qu’elle devait s’occuper également de sa gamine de six ans. Réticente envers l’accueil qu’une maison de retraite publique pourrait réserver aux seniors, Alexandra a opté pour un établissement privé et cela parce que: « Lors de ma première visite au Fief des Grand Parents, j’ai remarqué que le centre a l’air d’un hôtel. J’avais peur qu’il ne ressemble à un asile, d’ailleurs c’est ce qui effrayait le plus ma grand-mère. Mais, dès qu’elle y est arrivée et qu’elle a poussé la porte de sa chambre, elle a poussé un soupire de soulagement avant de me dire ouf, ça n’a pas du tout l’air d’un hôpital”. Car, c’est comme ça qu’elle s’imaginait le centre: une sorte d’asile doté de lits en fer blanc, couverts de matelas ordinaires et dégageant cette odeur propre aux hôpitaux. »



    Quant au tarif, Alexandra trouve correcte une facture mensuelle de quelque 450 euros pour avoir la certitude que sa grand-mère bénéficie de tout le confort nécessaire. Ce fut d’ailleurs le principal objectif de Mariana Melinger, une architecte née à Bucarest et établie en Israël au moment où elle a décidé de mettre sur pieds le centre Le Fief des Grand Parents: aider les seniors à mener une vie meilleure dans un établissement de quatre étoiles près de la capitale. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas le tarif qui pousse les Roumains à éviter un tel centre.



    Mariana Melinger: « La mentalité des Roumains reste assez primitive. Ils pensent abandonner leurs parents ou grand-parents au moment où ils décident de leur placement dans un centre comme celui-ci. Mais nous, on souhaite leur offrir des conditions de vie meilleures qu’à la maison. »



    Bien que la mentalité collective les associe souvent à la misère et à l’indifférence, les maisons de retraite publiques font pas mal d’efforts pour offrir à leurs résidents de bonnes conditions d’hébergement et de repas et surtout une panoplie d’activités censées les maintenir dans la vraie vie”. « On leur met à la disposition un club où ils viennent bavarder, regarder la télé et surtout apprendre à peindre des icônes sur verre. Nous avons aussi deux bichons, un perroquet et un aquarium. Parfois, on les emmène en visite aux monastères et on profite de ces sorties pour faire une barbecue et les aider à se sentir comme ils se sentaient jadis au sein de leur famille. En été, on les emmène en compagnie du personnel soignant à Moeciu, pour y passer deux semaines de vacances dans notre pension. »



    Bien que Catalin Maxim, le manager de la Maison de retraite Casa Max, dans le 3ème arrondissement de la capitale, soit très fier des activités proposées, pour madame Olga, elles ne semblent pas suffisantes pour combler le vide créé voilà sept ans par la mort de son mari et la perte de sa maison: « J’ai eu du mal à m’intégrer. Je ne trouvais pas ma place. A présent, ça va mieux, mais je ne peux pas parler de cet établissement comme d’une vraie maison à moi. Je suis comme au sein d’une famille et pourtant…n’en parlons plus! »




    Effectivement, pour ceux arrivés au bout de leur chemin, seuls et sans appui, les mots sont souvent superflus. Tout ce qu’il leur reste c’est de se voir exaucer un grand souhait, aux dires de Mme la psychologue Mirela Fita de la Maison de retraite Nicolae Cajal de Bucarest: « Ils souhaitent préserver leur santé pour ne pas être cloués au lit. Ils veulent rester actifs et en forme le plus longtemps possible. »



    Or, tant qu’on ne laisse pas nos seniors en proie à la solitude ou au sentiment d’inutilité, on peut les aider à se transformer comme par miracle de quelques pauvres vieux en détresse en des grands-parents extraordinaires… (trad. : Ioana Stancescu)

  • Les problèmes des adolescents roumains

    Les problèmes des adolescents roumains

    Selon les statistiques, la Roumanie dénombre près de 2 millions d’adolescents, dont le profil psychologique et les attentes sont plutôt méconnus. On a tendance à les assimiler tantôt aux enfants, tantôt aux jeunes; ils ne sont donc pas perçus par l’opinion publique comme une catégorie distincte. Ce n’est qu’une des conclusions de l’étude intitulée «La situation de l’adolescent de Roumanie», réalisée sous l’égide de l’UNICEF, par l’Institut de sondages CURS et l’Institut de sciences de l’éducation.



    Centrée sur la tranche d’âge de 10 à 18 ans, l’étude en question analyse les préférences culturelles des ados et notamment les problèmes auxquels ils sont confrontés et les zones de vulnérabilité. Sandie Blanchet, représentante de l’UNICEF en Roumanie, synthétise les résultats de ce sondage d’opinion. « Il existe trois catégories d’adolescents vulnérables: les ados handicapés, ceux issus des communautés rom et les accros à la drogue. Les problèmes les plus fréquents sont l’abandon scolaire (16% des enfants roms ne vont même pas à l’école primaire), les grossesses précoces non désirées (rien qu’en 2012, 17.000 adolescentes de moins de 18 ans sont tombées enceintes), la consommation d’alcool (42% des ados en ont consommé au moins une fois), le tabagisme (23% déclarent avoir expérimenté le tabac au mois une fois) et la consommation de drogue (5,4% des ados de plus de 14 ans se sont drogués au mois une fois). »



    Le pourcentage des adolescents à avoir consommé au moins une fois de l’alcool est en effet assez élevé, mais il existe des différences entre milieu rural et urbain, de même qu’entre les deux sexes. Ionela Şufaru, sociologue au Centre de sociologie urbaine et régionale, détaille ces écarts. « Le nombre de garçons est double par rapport à celui des filles et la quantité d’alcool déclarée est double en milieu rural par comparaison avec celle que l’on consomme en ville. Côté tabac, sur les 23% d’ados qui avouent avoir tenté cette expérience au moins une fois, les garçons sont deux fois plus nombreux que les filles. En plus, le tabagisme parmi les ados vivant en ville est supérieur de 10% à celui enregistré chez les jeunes des campagnes. Près de 4% des jeunes sondés ont répondu avoir fait l’expérience d’une drogue ou d’une autre à un moment donné. Ce pourcentage atteint même les 5,4% chez les ruraux de 14 à 18 ans et respectivement 7,4% chez les jeunes citadins. L’initiation à ce genre de comportements survient en général autour de 14 ans et demi, voire plus tôt pour les drogues auxquelles ils commencent à s’essayer entre 11 et 15 ans. »



    Ces comportements à risque sont favorisés notamment par le fait qu’après 14 ans, les jeunes s’éloignent de la famille, qu’ils sont exposés à la publicité agressive des compagnies de boissons alcoolisées et de cigarettes et que leur accès à ces produits est facile.



    Le comportement sexuel à risque est une autre catégorie prise en compte par les auteurs de l’étude « La situation des adolescents de Roumanie ». Ionela Şufaru. « 15% des adolescents interrogés ont déclaré avoir commencé leur vie sexuelle. Parmi ces 15% il y a deux fois plus de garçons que de filles et un plus grand nombre de jeunes du milieu urbain que du milieu rural. Les filles sont plus prudentes que les garçons, un plus grand nombre d’entre elles utilisant couramment le préservatif. 16% des adolescents interviewés ont déclaré ne jamais utiliser de préservatif. Selon leurs déclarations, l’âge auquel ils ont eu leur premier rapport sexuel se situe autour de 15 ans et demi. »



    L’étude se proposait non seulement d’identifier la vulnérabilité et les risques à l’adolescence en Roumanie, mais aussi de faire de recommandations de la part de l’UNICEF, pour que les droits des adolescents soient respectés et que la communauté offre à ses jeunes membres toute l’aide dont ils ont besoin.



    Sandie Blanchet, représentante de l’UNICEF en Roumanie: « Le système d’enseignement devrait transmettre aux adolescents les connaissances et le savoir-faire nécessaires par le biais de cours d’éducation sanitaire intégrés dans le programme scolaire. Les jeunes vulnérables devraient bénéficier d’une aide de la part de l’école et de la communauté pour pourvoir continuer leur études. Le système de santé devrait former des experts qui puissent aider les jeunes à s’adapter sans discrimination. Il faut souligner aussi que la pratique d’un sport diminue l’incidence des comportements à risque chez les jeunes. Toutes ces possibilités doivent être offertes aux jeunes au niveau local, pour qu’ils aient facilement accès aux services respectifs. Enfin, les parents doivent avoir un meilleur accès à l’information, pour offrir aux jeunes, à la maison, une ambiance accueillante et pleine d’affection.



    En reconnaissant la gravité de certains des problèmes auxquels les adolescents roumains sont confrontés, le ministre de la Jeunesse et du Sport, Nicolae Bănicioiu, souligne l’importance de l’information pour les prévenir. «Une grande partie de l’activité que nous consacrons dans ce domaine à la jeunesse est censée combattre la consommation d’alcool, de drogue et de substances interdites. A part notre collaboration avec les ONGs actives dans ce domaine, nous nous proposons de continuer notre partenariat avec l’Agence nationale anti-drogue (ANA). Toutes les activités déroulées cette année par notre ministère — camps d’été pour les étudiants et les élèves et manifestations scientifiques et artistiques — ont bénéficié de la présence des spécialistes de l’Agence, qui ont utilisé ces rencontres pour réaliser leur propre activité d’information et prévention. On connaît également nos efforts destinés à promouvoir un style de vie sain parmi les élèves, car c’est l’âge le plus propice pour apprendre ce genre de choses.»



    L’information est une bonne chose, pourtant un meilleur dialogue avec les adolescents serait également souhaitable. Malgré les difficultés inhérentes à cette période de la vie qu’ils traversent, les adolescents sont prêts à communiquer avec ceux qui sont, à leur tour, prêts à les écouter sans préjugés. (trad.: Mariana Tudose, Dominique)


  • Alternatives pour l’éducation de l’enfant

    Alternatives pour l’éducation de l’enfant

    Cela fait déjà plusieurs années que le système d’éducation traditionnel en Roumanie pâtit de certains dysfonctionnements. Parmi les retombées de ceux-ci, le faible taux de réussite au bac, qui, ces deux dernières années, a à peine dépassé les 50%. C’est ce qui rend encore plus intéressantes les alternatives éducatives.



    L’ Association C4C (Communication pour la communauté) a lancé en 2011 le projet Redécouvrons l’école”. Une étape de ce projet a été la réunion de cet automne qui a rassemblé les représentants des alternatives éducatives acceptées par le ministère de l’éducation de Roumanie dans le but d’identifier les modalités susceptibles d’améliorer l’efficacité de l’éducation de l’enfant normal ou déficient.



    Daniela Vişoianu, coordinatrice du projet Redécouvrons l’école”, . en détaille les objectifs relatifs à une meilleure efficacité de l’éducation des enfants porteurs d’une déficience. Dans le projet Redécouvrons l’école”, nous avons misé sur le travail avec le couple parent-enfant. Le parent d’enfant à besoins spéciaux subit un stress quotidien important et continu qu’il met sur le compte de l’enfant. Et ce parce qu’un tel enfant, dépendant de ses géniteurs, risque de développer aussi une dishabilité affective envers le parent qui le tient pour responsable de la situation à laquelle il se voit réduit. Nous avons donc tenté de briser ce mécanisme.”



    Les enseignements alternatifs autorisés par le ministère roumain de l’éducation sont Jena, Freinet, Montessori, Step by Step et Waldorf.



    Au cœur du système Jena on retrouve l’idée d’école libre, où il n’y a pas d’idéaux d’adultes, où l’enfant manifeste pleinement sa créativité et peut prendre tout seul des décisions, affirme Monica Cuciureanu, présidente de l’association Plan Jena: L’alternative connue sous le nom de Plan Jena est plutôt méconnue chez nous. Elle fonctionne à présent seulement dans des écoles de province et notamment en milieu rural. Le Plan Jena est l’aboutissement d’une expérimentation fort intéressante et dont le point de départ a été le constat que l’école ne garde plus la cadence avec la société. Le plus important c’est que l’école est conçue comme étant l’endroit où l’on dispense une instruction généraliste, libre, active, complexe et basée sur l’apprentissage naturel. Une autre spécificité de cette formule alternative à l’enseignement traditionnel c’est la structuration des classes par groupes hétérogènes d’âge, tout en gardant un écart maximum de trois ans. On part de l’idée qu’un enfant peut apprendre d’un autre enfant tout autant que d’un adulte. Par ailleurs, on privilégie la conversation, le jeu, le travail manuel et la fête. L’emploi du temps traditionnel est remplacé par un plan d’activité rythmique, reposant sur l’alternance de ces quatre activités fondamentales. Tout en gardant le curriculum traditionnel, on met un accent particulier sur le milieu environnemental.”



    Avec une tradition de 20 ans, Step by Step figure parmi les systèmes d’enseignement alternatifs les plus connus. Elena Mihai, directrice de programmes Step by Step : «Pourquoi le système Step by Step se porte-t-il si bien? Parce qu’il met en œuvre les programmes scolaires nationaux, il est adapté à la culture locale et intègre les meilleures pratiques dans le domaine de l’éducation préscolaire. Le modèle proposé par Step by Step se donnait pour but de faire participer les parents d’une façon différente. On souhaite former des citoyens qui contribuent au progrès de la société, qui fassent preuve d’initiative personnelle et de confiance en leurs propres forces. Nous avons un réseau professionnel très fort, ainsi que des centres de formation. On met en place périodiquement des rencontres avec des enseignants du réseau. En chiffres, nous sommes représentés dans 40 départements, à travers 280 maternelles, avec 690 groupes et 231 écoles. On travaille avec plus de 15 mille enfants».



    En prenant comme point de départ la question «L’école — un temple ou un chantier?» la méthode d’enseignement alternative «Celestin Freinet» propose une approche différente. La présidente de l’Association roumaine pour une société moderne, Mariana Bândea explique: «Les écoles Freinet ne sont pas nombreuses, ce qui n’est pas le cas quand il s’agit du nombre d’enseignants. Les cours Freinet sont apparus assez tard dans le réseau scolaire. Nous déroulons des activités hors programmes scolaires, nous avons des écoles d’été, telle celle de Reghin, ainsi qu’un calendrier des activités extrascolaires approuvé par le Ministère de l’Education. Ainsi, a-t-on introduit un projet appelé l’Univers Freinet, qui démarre lors de la rentrée et s’achève sur une école des vacances.».



    L’école Montessori propose des méthodes alternatives qui permettent une scolarité normale aux enfants atteints de déficiences. Dana Crainic, pédagogue à l’école Montessori de Timisoara nous en dit davantage: «L’enseignant est un maître restaurateur qui nourrit l’enfant lorsqu’il en a besoin. Les cours Montessori s’articulent autour de trois axes: langage, développement sensoriel, mathématiques, nature et culture. L’enfant est encouragé à choisir ce qu’il aime, le pédagogue présente la discipline en peu de mots. Ce qui nous différencie c’est le fait de travailler avec des groupes d’enfants mixtes, dont les âges vont de 3 à 6 ans. Ceux en bas âge travaillent aux côtés de ceux plus grands, ces derniers apprenant ainsi à aider les plus petits. Notre motto est «Aide-moi à me débrouiller tout seul».



    Fort d’une expérience de 23 ans en Roumanie, Waldorf est un système alternatif à l’enseignement de tous les niveaux. Zenovia Ungureanu enseigne au Lycée Waldorf de Bucarest : «L’enseignement Waldorf commence à la maternelle et s’étend jusqu’à la fin des études de lycée. Un nombre élevé de groupes Waldorf fonctionne dans le cadre des maternelles publiques. Nous avons aussi des lycées Waldorf, à Bucarest, Cluj, Timisoara et Iasi. En règle générale, les élèves qui finissent l’école élémentaire préfèrent intégrer un lycée Waldorf. Mais il y a aussi des situations où les élèves se dirigent vers d’autres établissements scolaires, vu que nous n’avons qu’une seule spécialisation, à savoir la philologie».



    Bien qu’elles soient encore en minorité, les systèmes d’enseignement alternatifs gagnent du terrain. Et ce parce qu’ils offrent des approches différentes en montrant que les méthodes proposées sont elles aussi à la portée de tout le monde…(trad. : Mariana Tudose, Alexandra Pop)