Category: L’invité du jour

  • Pascal Bruckner en Roumanie..

    Pascal Bruckner en Roumanie..

    A Timisoara, importante ville de l’ouest
    de la Roumanie, la rentrée universitaire a été marquée par une cérémonie
    spéciale, lors que laquelle l’écrivain, philosophe et essayiste français Pascal Bruckner s’est vu décerner
    le titre de docteur Honoris Causa de l’Université de l’Ouest de Timisoara, en
    reconnaissance pour son rôle proéminent dans la culture universelle. Après la
    conférence tenue Timisoara, Pascal Bruckner
    a répondu aux questions d’Eugen Cojocariu pour RRI.




    Toujours dans le cadre de l’événement
    consacré à la remise du titre de docteur Honoris Causa de l’Université de
    l’Ouest de Timisoara à Pascal Bruckner, le modérateur de la
    cérémonie, le professeur des universités Vasile Popovici a parlé avec Eugen Cojocariu de
    l’impact de Pascal Bruckner sur la culture universelle et aussi de la place du français en
    Roumanie à l’heure actuelle.

  • Nazanin Kaveh (Iran)

    Nazanin Kaveh (Iran)

    Nazanin Kaveh, née à Téhéran, diplômée de l’Université
    d’architecture et d’urbanisme Ion Mincu de Bucarest, et jouissant actuellement
    de la double nationalité, iranienne et roumaine, est architecte, designer et décoratrice.
    Une femme jeune, qui semble avoir vécu déjà plus que d’une dans une vie.

    Mais
    comment avait débuté son histoire roumaine ?


    « J’avais atterri en Roumanie en 1998. Mon
    père y travaillait depuis deux ans déjà, alors que ma mère, moi et mon frère
    qui venait de naître à l’époque étions encore en Iran. Et puis mes parents
    avaient pris la décision de réunir la famille à Bucarest. Ma mère était prof,
    et à l’époque il y avait encore une école iranienne à Bucarest. Elle avait
    trouvé un poste d’enseignante dans cette école iranienne de Bucarest, une école
    que j’avais d’ailleurs suivie pendant 8 ans. Forcément, la société roumaine
    était différente de ce que j’avais connu en Iran. Et durant ces 25 ans, ma mère
    avait caressé l’espoir de rentrer un jour en Iran. Forcément, cela ne s’était
    pas fait. Donc, ma mère avait trouvé un poste d’enseignante dans cette école
    iranienne de Bucarest, qui malheureusement a fermé ses portes voici 4 ans. Et moi
    et mon frère avions suivi les cours de cette école, justement dans l’idée qu’un
    jour on allait finir par rentrer au pays. Mais une fois que l’école iranienne
    avait fermé, on a dû changer d’école, passer dans une école roumaine, et ce ne
    fut pas facile. J’étais au lycée, mon frère un peu plus jeune, et il nous a
    bien fallu apprendre la langue et s’habituer à ce nouvel environnement. Il nous
    a été difficile, mais on a bien fini par nous y faire. »




    A quel âge étiez-vous arrivée en Roumanie ?
    Comment voyez-vous aujourd’hui ces années passées en Roumanie ?


    « Ecoutez, je n’avais que 5 ans lorsque nous y
    sommes arrivés. J’ai 30 ans aujourd’hui. C’est assez déstabilisant à vrai dire.
    J’avais ressenti cela comme cela, et c’est sans doute vrai pour d’autres
    enfants qui se trouvent dans mon cas. Parce que l’on a du mal à comprendre où
    se trouve son chez soi, dont l’on a tous besoin. L’on se sente assez dépaysé
    aussi bien là où l’on vit actuellement que dans le pays où l’on a vécu. Certes,
    on a de la famille, qui dans notre cas est ici, on a une maison, on y a grandi,
    on a suivi l’école en Roumanie, nous avons des amis, mais quelque chose nous
    manque toujours. Une fois tous les trois ou quatre ans on retourne en Iran. Là
    aussi on a de la famille, des souvenirs, une partie de moi s’y trouve toujours.
    Le rythme de la vie est différent, les coutumes sont différentes. C’est une
    réalité, et il faut s’y faire. »




    Justement, dans quelle mesure Nazanin et sa famille
    ont-ils pu conserver et suivre les traditions et les coutumes iraniennes dans
    leur nouvelle vie en Roumanie ?


    « Heureusement, nous avons un petit groupe d’amis
    iraniens et ensemble l’on parvient à suivre certaines de nos traditions et nos
    fêtes. L’on ne va pas commencer à acheter un sapin à Noël, à fêter la Pâque
    orthodoxe. Du moins, pas en famille. En famille, on fête le Nouvel An iranien,
    l’on suit nos fêtes traditionnelles. Et puis, j’ai aussi bien de très bons amis
    roumains que des amis iraniens.
    Mais le langage, les manières, la façon de communiquer, c’est particulier.
    Chaque être est particulier. L’on intègre une ou plusieurs cultures, l’on s’y
    sente et l’on navigue plus ou moins à l’aise dans chacun de ces
    contextes. »




    Qu’est-ce que vous regrettez le plus de votre ville,
    Téhéran, qu’est-ce que vous n’arrivez pas à trouver ici ? Et comment
    arrivez-vous à faire comprendre à vos amis iraniens votre vie en
    Roumanie ?


    « En Iran, on va en vacances. Je n’y ai pas vécu
    suffisamment longtemps pour saisir de manière très consciente, très assumée, ce
    qui pourrait me manquer. Il me manque une partie de ma famille, les sorties
    avec les amis qui vivent toujours en Iran, tout cela. Mais aussi, une fois en
    Iran, je commence à regretter la nature roumaine, les paysages, la sécurité, la
    tranquillité que l’on a ici, enfin plein de choses. »


    Quels changements aimerait voir Nazin se produire en
    Roumanie ?


    « Ce que j’aimerais voir se produire, mais
    pas qu’en Roumanie, c’est que les gens deviennent plus tolérants, plus gentils,
    plus patients envers les autres. Qu’ils se montrent plus compréhensifs, et que
    l’on arrête de nous fâcher pour un rien. Il ne s’agit pas d’un souhait pour la seule
    Roumanie, mais pour nous tous, pour le monde entier. »




    Mais quels sont les régions ou les endroits de
    Roumanie que Nazine affectionne tout particulièrement, ceux qu’elle aimerait
    faire voir à sa famille d’Iran ?


    « En Roumanie je me sens chez moi partout. Il
    m’est difficile de jeter mon dévolu sur un endroit particulier. J’y ai passé
    mon enfance, j’y ai eu mes moments de bonheur et de doute, mais c’est chez moi.
    Mais il est vrai que j’adore la nature. J’adore la montagne roumaine, le
    silence qui y règne, j’adore la vie paisible de la campagne, les animaux, le
    vent qu’on entend, la forêt. Quant aux endroits à visiter, sans doute Sinaïa, Zarnesti,
    Timisoara. La région du Maramures aussi, que je connais mal. Mais ce sont des
    endroits de Roumanie que j’aimerais faire connaître à ceux qui me sont chers,
    pour sûr. »



  • Patrick Vander Linden (Belgique)

    Patrick Vander Linden (Belgique)

    Patrick Vander Linden vient de Belgique. Il est agriculteur et
    propriétaire d’une ferme biologique en Roumanie située dans le département
    d’Arges (sud), au cœur de la nature, près de la forêt et de la montagne. Il
    nous raconte les circonstances de son arrivée dans notre pays :


    « Avant,
    j’avais une entreprise de construction en Belgique, mais au début des années
    90, j’ai décidé de mettre fin à mon activité. J’ai pris cette décision car je
    voulais travailler davantage dans le domaine de l’écologie, et à l’époque, il
    n’y avait pas beaucoup d’intérêt pour ce type de construction. J’ai alors
    déménagé en Suisse pour suivre une formation agricole, un cours de trois
    semaines sur la transformation du lait de vache. J’ai beaucoup travaillé en
    Suisse au début des années 90, puis j’ai suivi une formation de boulanger en
    Belgique, avant de retourner travailler en Suisse au début des années 2000.
    C’est à ce moment-là que j’ai pensé : pourquoi ne pas travailler pour moi-même
    ? C’est donc ainsi que je suis venu en Roumanie. La première fois que je suis
    arrivé ici, c’était en 2004, et j’ai fait le tour de tout le pays. J’ai
    beaucoup voyagé dans le département de Hunedoara et un an plus tard, je me suis
    installé dans le département d’Arges. J’ai commencé la construction de ma
    maison écologique en utilisant des ballots de paille. Elle est vraiment géniale
    ! J’ai commencé à la construire en 2009 et je l’ai terminée vers 2012. Quant à
    mes vaches, je les ai achetées en 2015 et c’est comme ça que j’ai commencé à
    fabriquer du fromage. »



    Patrick Vander
    Linden fait également la promotion du tourisme écologique. Il accueille ainsi
    des volontaires du monde entier dans sa maison. Ceux-ci apprennent à vivre dans
    la nature et à s’occuper des animaux.


    « Ils viennent de partout. Récemment, une
    jeune femme du Mexique est venue en tant que bénévole et une autre du Brésil
    lui suivra. Les volontaires viennent d’Europe, de partout en fait. J’ai eu même
    des visiteurs d’Asie et d’Australie lorsque j’ai construit la maison. La maison
    n’étant pas reliée à l’électricité ni à l’eau, les bénévoles doivent s’adapter
    en ce qui concerne l’utilisation de ces ressources et s’habituer à ne pas s’en servir
    en permanence. C’est donc très bien, car cela leurs apprend à utiliser moins
    d’énergie. La ferme est un espace restreint et certains sont très sensibles à
    l’odeur du fumier. Cela dépend aussi de la saison : en hiver, nous
    travaillons davantage avec le bois ; en été, nous travaillons
    principalement dans le jardin, avec toutes sortes de légumes et des fruits,
    dont nous faisons de la confiture et du jus. »



    Pourquoi Patrick
    Vander Linden a-t-il choisi de s’installer en Roumanie, le pays qui est
    maintenant devenu le nouveau chez-soi?


    « Pourquoi la Roumanie ? J’étais un peu
    fatigué de la Belgique, où je ne pouvais pas construire de manière écologique à
    la fin des années 80 et au début des années 90. C’est pourquoi j’ai décidé de
    partir pour la Suisse, où il a plus de nature. Ensuite, j’ai travaillé en
    France, j’ai voyagé en République tchèque, en Slovaquie et en Espagne à la
    recherche de terrains. En Belgique, un ami de Iași m’a demandé pourquoi je n’allais
    pas en Roumanie. Lorsque j’y suis venu, j’ai adoré la nature de ce pays.
    Maintenant j’habite à Brădet, et au-dessus de ma maison, il n’y a que des
    prairies pour les animaux jusqu’au sommet de Moldoveanu. C’est principalement
    pour cela que j’ai décidé de m’y installer. »



    Maintenant, la vie
    de Patrick a considérablement changé par rapport à celle qu’il avait en
    Belgique. Il raconte:


    « En
    Belgique j’avais une entreprise de construction que j’ai fermée depuis
    longtemps, en ’91. À l’époque, j’étais obligé de voyager beaucoup d’un client à
    l’autre. Maintenant, je travaille chez moi, je vais dans mon étable, je ramène
    du lait à la maison, je le transforme, je n’ai plus besoin de me déplacer
    beaucoup d’un endroit à l’autre, et cela me fait tellement plaisir. Je vais en
    ville une fois par semaine, j’apporte de la marchandise et je fais les
    courses. »



    Nous avons demandé à
    Patrick ce qu’il pense des Roumains et s’il s’est lié d’amitié avec les
    habitants de sa région.


    « Oui,
    je parle avec eux et j’ai quelques amis. Chaque pays est bien sûr différent,
    mais la bureaucratie et la corruption existent partout. Par exemple, j’ai eu
    beaucoup de problèmes avec l’administration locale. Sinon, on dirait que les
    habitants ont encore le temps de profiter de leur vie. En Belgique, il n’y a
    plus de temps, les gens courent dans tous les sens. En Roumanie, c’est comme si
    je voyageais à l’époque de la génération de mes parents. Bien sûr, maintenant
    avec l’Union Européenne, tout a changé très rapidement, et le niveau de vie est
    presque le même partout sur le continent. Mais je trouve qu’ici les gens savent
    encore cultiver la terre et élever des animaux. Dans d’autres pays européens,
    il n’y a plus de fermes, il n’y a que des usines laitières, que des usines de
    viande. Ici, tout est différent, c’est plus petit. Dans les montagnes, il y a
    beaucoup plus d’humanité, tout n’est pas qu’une grande entreprise. »



    La Belgique ne
    manque pas à Patrick. Il ne ressent aucun manque du confort d’une vie plus
    moderne.


    « Eh bien, pour moi, non, je ne suis pas
    du tout le genre de personne à avoir beaucoup d’appareils de cuisine. Je n’aime
    pas tout ce qui est nouveau en matière de cuisine. On peut avoir même dix
    appareils faits pour nous aider, je les trouverais quand même inutiles. Ce qui
    me manque, ce sont mes amis de Belgique. »



    Que changerait-il en
    Roumanie ? Patrick répond :


    « On le sait très bien,avoir de meilleures routes c’est efficace pour
    l’économie, car le transport se fait plus facilement, c’est le cas partout.
    Autrement, je pense qu’il est nécessaire que les gens travaillent davantage
    ensemble, qu’ils s’entraident, surtout maintenant que les temps changent si
    rapidement. Ici en Roumanie, beaucoup de gens ont encore un potager qui leur
    permet de manger plus sain. La nourriture dans les supermarchés abonde en
    additifs et on tombe plus souvent malade si on en consomme. Si les choses
    peuvent rester comme elles étaient auparavant, ce serait mieux pour la
    population. Quand je suis arrivé ici, j’ai pensé qu’avec le temps je pourrais
    vivre avec plus de personnes, que nous nous aiderions mutuellement, que nous
    construirions une communauté. Je pense que c’est une bonne vision des choses,
    on ne peut pas tout faire seul. »


    Que dirait Patrick
    Vander Linden à quelqu’un qui ne connaît pas du tout
    la Roumanie ? Comment
    présenterait-il sa nouvelle patrie ?


    « Bref, pour moi, la Roumanie est avant tout synonyme de la nature
    abondante, de montagnes majestueuses. C’est un pays d’une beauté
    extraordinaire. La Roumanie abrite de nombreuses espèces d’animaux sauvages, et
    leur présence signifie que la nature est encore intacte. Par exemple, dans ma
    région, je constate qu’il y a beaucoup plus d’insectes qu’en Belgique, où tant
    de pesticides ont été utilisés qu’ils les ont tous tués. Ici, c’est différent,
    c’est plus pur. »
    (Trad. Rada Stănică)







  • Amandine Dargaud (France)

    Amandine Dargaud (France)

    Amandine Dargaud,
    doctorante en géographie à l’université de Lyon, qui réalise une thèse en
    cotutelle entre son université et l’université d’Ouest de Timisoara, habituée
    de cette ville, capitale de Banat et berceau de la révolution roumaine de 1989
    qui aboutit à la chute du régime communiste, et qui est cette année l’une des
    capitales européennes de la culture, nous introduit aux débuts de son amour
    pour la ville de Timisoara. Ecoutons-la :

    « J’ai débarqué à Timisoara
    cette année, plus précisément le 5 mars passé, pour les besoins de mes
    recherches. Pourtant, Timisoara ne m’était pas inconnue. En effet, depuis 2017
    je passe tous les ans quelques jours, parfois davantage, à Timisoara. Car ma
    thèse de doctorat porte en effet sur l’héritage culturel des villes de Iasi et
    de Timisoara, sur la manière dont ces deux villes forgent leurs identités, sur
    la manière dont elles intègrent leur héritage historique et culturel dans leur
    nouveau contexte qu’est celui de l’intégration européenne. Lorsque j’étais en
    troisième année à l’université d’Angers il nous fallait organiser une recherche
    de terrain. Et comme notre professeur coordonnateur avait préparé sa thèse de
    licence à Timisoara, on a mis le cap sur cette ville. Aller faire du terrain en
    France ou à Timisoara revenait au même d’un point de vue budgétaire. Malgré
    tout, pour financer notre voyage, on a commencé à vendre des brioches et du jus
    de pomme. Ce fut mon premier contact avec cette ville, lors d’un voyage qui a
    duré dix jours. Avant cela, j’avais lu un article scientifique signé par le
    professeur Nicolae Popa, aujourd’hui l’un des coordinateurs de ma thèse de
    doctorat, un autre article, celui-la en français, signé par le professeur
    Vincent Veschambre, des articles qui traitaient la question du patrimoine de la
    ville de Timisoara. Et c’est à partir de ces articles qu’a débuté mon amour
    pour cette ville, pour son patrimoine, pour son héritage culturel. J’avais
    commencé à m’intéresser aux programmes de réhabilitation urbaine, à l’histoire
    de la ville durant la période communiste, comprendre ce qu’il en reste
    aujourd’hui de la mémoire de la révolution anticommuniste de 1989, car c’est bien
    de Timisoara qu’était partie l’étincelle qu’allait renverser le régime
    communiste de Nicolae Ceausescu. »


    La
    rencontre avec Amandine Dargaudse déroule d’ailleurs dans cette vieille maison
    typique de Timisoara qui abrite aujourd’hui le musée du Consommateur
    communiste. Initiative inédite et atypique s’il en est de l’homme de théâtre
    Ovidiu Mihaita, lui aussi originaire de Timisoara. C’est qu’Amandine se
    trouvait là pour les besoins de sa recherche, à essayer de faire compléter aux
    visiteurs son questionnaire portant sur la mémoire de la période communiste.
    Mais d’où vient son attachement pour cette ville, un attachement sans cesse
    réitéré, année après année, depuis 2017. Amandine Dargaud :


    « Mes
    projets de recherche ont certainement pesé dans ce choix, tout autant que les
    belles rencontres, les gens que j’avais pu rencontrer dans ce cadre. Car au fil
    du temps j’ai noué des contacts, des liens ont été tissés. Et puis, à vrai
    dire, Timisoara est une ville que j’adore. Une ville vivante, qui se
    transforme, qui évolue. Beaucoup de ses bâtiments historiques ont été
    réhabilités. Je suis persuadé que lorsque j’y reviendrai l’année prochaine, je
    verrai déjà une autre Timisoara. Et il est fascinant d’observer l’évolution, la
    métamorphose d’une ville, de documenter l’avant et l’après, de prendre des
    instantanés de ce qu’il y avait et ce qu’il serait. »


    Capitale
    européenne de la culture 2023, Timișoara se drape en habits de fête.
    L’atmosphère pétillante qui prévaut dans ses rues, ses musées, ses galeries
    d’art, ses espaces culturels qui entretiennent sans discontinuer le feu des
    événements et accueillent tous les jours des célébrités de tous horizons
    mettent la ville dans une effervescence toute particulière.Amandine Dargaudpense que la ville de Timisoara se
    trouve à un tournant de son existence. Ecoutons-la :


    « Mes
    recherches actuelles mettent en évidence l’impact que produit sur la ville sa
    qualité de capitale culturelle européenne. C’est ce type d’événement qui aide
    une ville à se donner une image de soi, une image dans un contexte européen. Et
    j’ai eu à cœur de suivre la manière dont les autorités locales avaient relevé
    le défi de cette consécration européenne. J’essaie aussi de comprendre de
    quelle manière les événements qui sont organisés dans ce cadre constitueront un
    levier, un moyen d’accroitre durablement l’attractivité de la ville. Certes,
    les programme de réhabilitation urbaine ont été boostés par le statut de
    capitale européenne de la culture de la ville. Je voudrais aussi comprendre ce
    que la ville désire mettre en avant face aux touristes qui viennent au sens
    propre du terme des quatre coins du monde. »


    Quelles
    conclusions, fussent-elles provisoires, quant à la manière dont la ville de
    Timisoara arrive à mettre à profit son statut de capitale européenne de la
    culture millésime 2023. Amandine Dargaud :


    « J’estime
    que les événements culturels organisés en cette qualité augment en effet
    l’attractivité touristique de la ville. Lorsque j’avais posé la question
    « Qu’est-ce qui vous amène à Timisoara ? » dans les
    questionnaires que j’avais appliqués aux visiteurs du musée du Consommateur
    communiste, beaucoup avaient invoqué pour raison la qualité de capitale
    culturelle européenne de la ville. Car cela constitue en effet un excellent
    prétexte pour venir découvrir cette ville et cette région d’Europe. Et les visiteurs
    ne cachent pas leur surprise de découvrir une ville souvent méconnue, mais au
    patrimoine tellement riche. Grâce à cela j’ai eu aussi la chance de faire de
    belles rencontres : des acteurs du milieu culturel, des architectes, des
    représentants des autorités locales, des gens qui ont pris la peine de
    m’expliquer leurs projets, leurs visions de la ville. Ce fut pour moi un séjour
    passionnant, extrêmement enrichissant. »


    Un
    dernier mot : Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour que les choses aillent mieux
    encore mieux à Timisoara ?



    « Je pense que l’on
    pourrait améliorer la communication à destination de touristes. Je sais qu’il
    existe un projet censé monter des panneaux d’information et promouvoir certains
    itinéraires touristiques. La ville de Iasi avait par exemple mis déjà sur pied
    un projet semblable, et cela produit des bels effets. Œuvre d’une association
    indépendante, ledesign contemporain de ces panneaux aide à améliorer l’image de
    la ville. Les panneaux de Timisoara seront eux réalisés par la municipalité. La
    ville a également besoin de se forger une identité visuelle, qu’elle puisse
    promouvoir dans ses brochures, à l’intention de son Office de tourisme. Le
    design des cartes touristiques disponibles laisse aussi à désirer. Mais je sais
    que ces éléments constituent des sujets auxquels les autorités locales
    entendent apporter des réponses. Pour tout vous dire, je suis plutôt optimiste
    sur les belles perspectives de cette ville, même s’il reste encore des choses à
    améliorer en termes de communication. »

  • Ingo Tegge (Allemagne)

    Ingo Tegge (Allemagne)

    Ingo Tegge, originaire de la ville
    allemande de Brême, diplômé de la Free University de Berlin, spécialisé en
    management culturel, avait été à la tête du Centre culturel allemand de la
    ville de Cluj pendant 6 années, après avoir dirigé l’Institut Goethe de
    Johannesburg en Afrique du Sud.

    Arrivé à la fin de son mandat en Roumanie, Ingo
    Tegge s’apprête à rejoindre la ville de Zurich. Mais qu’en est-il de son
    expérience roumaine ?


    « Merci déjà pour m’avoir invité perler sur vos
    ondes. La Roumanie, je l’avais pris un peu comme une aventure, un défi au
    départ. En fait, j’adore voyager, aller à la rencontre d’autres cultures, d’autres pays. J’étais
    précédemment allé en Afrique, en Afrique du Sud, au Nigéria et dans d’autres Etats
    africains, avant de m’établir dans le sud de l’Allemagne, à Stuttgart, pendant
    près de 6 années. Et pour moi cette partie de l’Allemagne est pour ainsi dire
    un peu ennuyeuse. J’étais donc impatient de repartir en mission à l’étranger. J’ai
    donc posé ma candidature pour la ville de Cluj, située en Transylvanie. Vous
    savez, pour nous autres Allemands, la Transylvanie a cette connotation de terre
    mystérieuse, romantique, attrayante. Et je me suis donc lancé à l’aventure. Mais
    une fois sur place, j’ai un peu déchanté, car la Transylvanie réelle est moins
    surprenante qu’on a tendance à le croire. C’est un endroit où les gens sont
    aimables, posés, l’infrastructure est au top, peut-être un peu moins en ce qui
    concerne la présence des autoroutes. Mais l’aventure a pris d’autres
    significations pour moi, plus personnelles, en épousant une Roumaine. On a deux
    enfants, et on est heureux ensemble. »




    Ingo Tegge a été fasciné par
    la langue roumaine, par certaines de ses expressions, par la tournure de ses
    phrases. Il a même lancé un blog intitulé Things I learned about Romania où il recense toutes les expressions
    saugrenues qu’il a pu rencontrer dans cette langue. Des
    exemples, Monsieur Tegge ?


    « Vous savez, pour moi le roumain est une langue
    difficile, car faisant partie de la famille des langues latines. Certes, il m’a
    été plus facile de l’apprivoiser que le français, par exemple. Et puis, une
    fois appris, j’ai commencé à mieux l’apprécier, et j’ai adoré me plonger dans
    ses subtilités, dans la manière dont l’on emploie cette langue au quotidien. Et
    puis aussi, j’avais relevé dans mon blog des éléments amusants, un peu
    ironiques. Voyez-vous, par exemple lorsqu’n plombier arrive chez soi, la
    première chose qu’il dira en faignant s’étonner, c’est : « Mais qui
    diable vous a fait ce travail ? ». On retrouve ce genre d’approche en
    Allemagne aussi, mais pas aussi souvent. Mais mon blog contient plus que des anecdotes
    dans ce genre. Je parle de la manière dont on dit les choses. Vous savez, en Allemagne,
    on dit les choses de manière très directe, il s’agit de ce que j’appellerais une
    communication de bas contexte. Si quelque chose ne va pas, les Allemands diront
    juste « non ». Ce n’est pas le cas en Roumanie, l’on n’emploie pas la
    langue de la même manière. On contextualise davantage, la communication est
    moins directe. »


    Mais quelles sont les choses
    qu’Ingo Tegge prendra avec lui, après 6 années passées en Roumanie ?


    « Je prendrai avec moi beaucoup, énormément de
    choses. Ce que j’avais surtout gagné de mon expérience roumaine relève de mon
    épanouissement personnel. Je pense être devenu plus flexible, plus spontané
    dans mon approche à l’égard des autres. Et je crois que cela me servira en
    Suisse. Les Suisses ont cette réputation, à l’instar des Allemands, d’être des
    gens inflexibles. Et je crois qu’une approche plus amène serve dans ce
    contexte. Et puis, j’emporterai avec moi la cuisine roumaine. Le caviar d’aubergines,
    par exemple, dont j’en raffole. Et je ne suis pas le seul, car je n’en connais
    pas un seul expat qui ne soit pas devenu tout bonnement dépendant de ce plat.
    Enfin, je ne suis pas sûr de pouvoir le reproduire à l’identique en Suisse, car
    le goût des aubergines n’est pas le même. Mais j’espère que les parents de mon
    épouse auront la gentillesse de nous remettre lors de notre départ un bon bocal
    de caviar d’aubergines pour pas que l’on se sente trop dépaysé en quittant la
    Roumanie. »


    (Trad.
    Ionut Jugureanu)



  • Janneke Klop (Pays-Bas)

    Janneke Klop (Pays-Bas)

    Depuis les Pays-Bas
    jusqu’aux Carpates pourrait être le titre d’un film qui ambitionnerait de
    peindre la vie de Janneke Klop, l’invitée de l’édition d’aujourd’hui de la
    rubrique Expat en Roumanie. Née aux Pays-Bas en 1986, où elle grandie, étudie
    et commence sa carrière, avant un bref passage professionnel par la Belgique, la
    vie de Janneke change radicalement après son premier voyage effectué en
    Roumanie, pays qu’elle découvre avec étonnement lors d’un voyage financé par
    l’Union européenne.


    De là jusqu’à quitter
    son monde et un travail qui la passionnait, alors qu’elle travaillait dans une
    librairie spécialisée dans les voyages, ne fut qu’un pas, que Janneke Klop
    franchit avec enthousiasme et sans trop de regrets.


    Quelques années plus
    tard, elle prend la décision radicale de s’établir définitivement en Roumanie, et
    pas n’importe où mais dans un village reculéde Transylvanie, dans le
    départementde Hunedoara, et plus précisément dans les monts Șureanu : le
    village Romoșel, situé près de la petite ville d’Orăștie, ce qui lui permet de
    donner libre cours à sa passion dévorante, de véritable montagnarde. En 2020, son
    premier livre paraît, « Munții din România » (Les montagnes de
    Roumanie), publié par la maison d’édition britannique Cicerone. Janneke Klop nous raconte d’abord comment s’était
    passé son coup de foudre avec la Roumanie et ce qui l’avait tellement fasciné pour
    qu’elle choisisse de s’y installer. Ecoutons-la :




    « Dès mon
    premier contact avec ce pays ce fut tout de suite le coup de foudre. J’avais
    passé ma première nuit à Săcele, près de Brasov, et le matin j’ouvre la fenêtre
    et vois le col Piatra Mare. C’était comme une invitation. Et j’avais senti que
    je ne pouvais tout simplement pas décliner cette invitation. En fait, et pour
    tout vous dire, dès que j’avais franchi la frontière roumaine, je me suis
    sentie si vous voulez mieux, plus libre, d’un coup,heureuse. Comme un poisson
    dans l’eau. Seulement, ce n’est pas l’eau mon élément de prédilection, mais
    bien les Carpates roumaines. Enfin, cela doit être un mix de plusieurs
    éléments. »




    Si Janneke pense s’être
    retrouvée dans les montagnes roumaines, ce qu’elle apprécie en égale mesure
    c’est le rythme tranquille de la campagne roumaine et le sentiment de liberté
    que la vie en pleine nature lui procure. Mais combien aisé lui a été de troquer
    le confort de la ville occidentale pour la tranquillité de la campagne roumaine ? Janneke Klop :




    « Ecoutez, même
    si je n’avais jamais habité une métropole, j’avais par exemple suivi mes études
    à Leiden, dans la vieille université de cette petite ville charmante, j’avais
    ensuite travaillé à Gand, en Belgique, qui déjà me semblait assez oppressante
    par ses dimensions même si dans l’absolu cette ville est loin de l’être,
    j’avais assez vite compris que ma vie sera meilleure, ici, dans ce petit
    village de Romoșel, en Roumanie, mon chez moi déjà depuis belle lurette. Le
    guide que j’avais conçu, « The Mountains of Romania » ce fut un
    hommage à ce que ces montagnes m’avaient apporté. Entre 2016 et 2019, je
    passais, avec ma tente et mon sac à dos, entre 4 et 6 mois dans les montagnes
    roumaines. Souvent seule. Vous savez, la solitude, on ne sait plus ce que
    c’est. Et pourtant c’est tellement important pour pouvoir s’y retrouver. Mais
    en même temps, ce fut une transition progressive. Et puis, j’ai pris ma
    décision, et me suis installée pour de bon en Roumanie. »



    Janneke Klop, installée aujourd’hui
    avec son époux dans une maison traditionnelle, vieille de plus de cent ans de
    la région,voudrait monter aujourd’hui un projet de slow travel, qu’elle a
    baptisé Welcome to my garden, Bienvenue dans mon jardin. Organiser des
    tours guidés, des randonnées pour les amoureux des Carpates c’est son rêve en
    passe de devenir réalité. Mais comment voit-elle aujourd’hui son pays
    d’adoption ? Que devrait savoir un étranger qui irait pour la première
    fois à la découverte des trésors cachés des montagnes roumaines ? Janneke Klop :




    « J’aime
    beaucoup ce terme : pays d’adoption. Car il est vrai que la Roumanie m’a
    adopté. Ce que tout le monde devrait savoir est que la Roumanie est un pays
    surprenant. A la fois partie de l’Europe, mais en même temps à mille lieues de
    cette Europe occidentale. Un pays à la nature sauvage, aux forêts vierges, aux
    montagnes escarpées. Vous savez, dans mon pays d’origine, en Pays-Bas, ou en
    Suisse, tout est réglé, organisé, légiféré. Chaque centimètre carré de terres
    jouit de son propre régime légal. La Roumanie est une terre de liberté. On peut
    partir en randonnée, on peut monter sa tente presque n’importe où à l’extérieur
    des parcs naturels. Mais pour goûter vraiment à ce que la Roumanie a à offrir,
    il faut prendre son temps, ne pas être pressé. Aimer l’aventure et savoir
    s’adapter. Mais les gens sont accueillants et bienveillants. Sans leur
    bienveillance, sans l’aide des habitants de ces montagnes, mon guide n’aurait
    pas vu le jour ».




    Janneke est devenue
    ce que l’on pourrait appeler une inconditionnelle de la Roumanie. Ses récits de
    voyage, ses rencontres, ses réflexions, elle les partage avec son public sur
    son blog Roamaniac.com.JannekeKlop :




    « En effet, je
    suis devenue une maniaque, une inconditionnelle de la Roumanie. Et j’avais
    voulu le faire savoir à travers le titre de mon blog, que j’emplois aussi pour
    mes pages Facebook et Instagram ».




    Questionnée sur la
    manière dont la Roumanie devrait s’y prendre pour mieux faire valoir son patrimoine
    naturel, Janneke Klop devient rêveuse :




    « La nature, il
    faut la protéger. Il faudrait mieux la respecter. L’on rencontre trop de déchets
    au bord des routes, des sentiers, et c’est vraiment dommage. C’est pour cela
    que j’encourage tous ceux qui aiment la nature à s’engager dans des projets
    d’assainissement, dans des projets de reboisement, dans des initiatives
    concrètes censées mieux protéger et améliorer l’état de la nature sauvage dans
    ce pays magnifique ».


    (Trad. Ionut
    Jugureanu)

  • Viktoria Zhovnovach (Ukraine)

    Viktoria Zhovnovach (Ukraine)

    On pourrait dire
    que Viktoria Zhovnovach n’est pas une expatriée comme les autres. Née à Dnipro,
    en Ukraine, où elle avait étudié la microbiologie et la virologie, mais
    également la psychologie et la gestion des affaires, Viktoria ne vit en
    Roumanie que depuis un an et demi, soit depuis le début de la guerre en
    Ukraine. Mais quels ont été ses premiers sentiments une fois la frontière
    franchie ?


    « Ecoutez, je me sens comme si j’avais vécu à ralenti depuis lors.
    Vous savez, en Ukraine j’avais tout ce que je pouvais désirer : une
    maison, un travail, vraiment tout. J’étais heureuse, et je vous dis cela en
    toute sincérité. Et puis, du jour au lendemain, tout a volé en éclats. La
    première chose, après avoir franchi la frontière, c’était de bien regarder les
    gens. Je ne connaissais rien de la Roumanie. Je connaissais son existence, car
    on nous l’avait appris au cours de géographie,mais rien de plus. Et puis, mes
    premières interactions avec des Roumains, cela s’est passé en train. Je voulais
    rejoindre Bucarest, essayant de retrouver des amis de mes amis.Mais j’étais
    épuisée, et me suis endormie. Au réveil, j’ai regardé mon petit garçon. Il
    était entouré de jouets et de tout sorte d’aliments que les gens avaient
    déposé. Des gens que je n’avais même pas entrevus. Ce geste m’a ému jusqu’aux
    larmes. Je ne m’attendais pas à cela. Ensuite, cette première impression m’a été
    confirmé maintes fois, alors que je n’imaginais pas que les gens pouvaient se
    montrer aussi généreux envers moi, qui n’était qu’une étrangère. Cela fait que
    si au départ je pensais rejoindre ma sœur, établie en Grèce, je me suis ensuite
    ravisé. Par ailleurs, j’avais compris que cette guerre allait durer, et je ne
    voulais pas tomber à la charge de ma sœur indéfiniment, rester chez elle à me
    tourner les pouces. Finalement, j’avais choisi de m’établir en Roumanie, et
    j’avais commencé à chercher du travail de bouche à l’oreille. Après trois jours
    de recherches, je l’avais déniché. Et ces jours-ci, je vais fêter un an depuis
    que je travaille dans cette boîte, où l’on m’a reçu à bras ouverts. Je me sens
    comme dans une famille. »


    En effet, dans les
    mois qui ont suivi l’invasion russe de l’Ukraine, des centaines de milliers de
    réfugiés ont franchi la frontière pour chercher refuge. Viktoria, et son petit
    garçon de 10 ans, Kolia, y sont parvenus après un voyage long et angoissant.
    Mais qu’est-ce qu’ils sont parvenus à prendre avec eux en partant de leur
    pays natal ?


    « Vous
    savez, je vous le disais, à l’époque, on ne pensait pas que cette situation
    allait perdurer. Au début de la guerre, je descendais avec Kolia, notre chat et
    notre chien dans les caves de notre immeuble. Ensuite, j’avais renoncé à
    prendre avec moi le chat, il devenait fou dans les conditions d’alors. J’avais
    ensuite renoncé à prendre le chien pour le mettre à l’abri. Et à ce moment-là
    j’avais compris qu’il fallait prendre une décision, qu’il est grand temps de
    quitter le pays avec mon enfant. Il était possible de prendre le train depuis
    Dnipro et Lvov, mais y parvenir n’était pas évident, tout le monde fuyait la guerre.
    J’ai pourtant promis à mon compagnon d’alors de tenter de monter dans un de ces
    trains. J’avais pris deux sacs, deux cartables, l’un pour mon fils, l’un pour
    moi, nos papiers d’identité, un manteau, une paire de jeans, mon ordi portable,
    des victuailles pour la route. C’est tout. Et l’on est parvenu à monter dans le
    train, mais il était bondé. Il y avait des gens partout, assis sur les
    couloirs, dans les toilettes, vraiment partout. Certains jetaient leurs valises
    par la fenêtre pour laisser la place à d’autres gens. C’était comme cela, on
    n’avait pas le choix. »


    Viktoria avait
    quitté alors sa famille, sa maison, son partenaire, son travail, sa vie tout
    simplement. Mais elle fut accueillie à bras ouverts à la frontière roumaine.
    Elle parvint à trouver un logement pour elle et son fils, arrive à reconstituer
    une garde-robe, à se procurer le nécessaire pour survivre au quotidien, et
    finalement elle arrive à trouver un travail. Sa mère, médecin, avait choisi de
    continuer sa vie en Ukraine, àDnipro. Son partenaire de vie, Serghei, avec sa
    fille, Maroussia, ont rejoint sa mère.


    « Petit à
    petit, nous essayons de reconstruire nos vies. Les enfants vont à l’école, font
    du sport, un peu comme s’ils étaient chez eux, en Ukraine. Depuis lors, mon
    partenaire de vie est parvenu à me rejoindre. Et c’est pour la première fois
    que l’on vit comme une famille depuis bien longtemps. Et nous nous sommes
    mariés entre temps. L’on avait déposé nos papiers auprès de l’ambassade, mais
    on désespérait d’attendre. Puis, deux mois après, on a reçu un coup de fil.
    Nous y sommes allés, et nous nous sommes mariés. J’étais un peu abasourdie.
    Pour moi, mariage rime avec fête, vous savez. Et nous étions à la fois heureux,
    mais tristes en même temps de ne pas pouvoir marquer le moment, d’être seuls,
    alors que nos familles, nos amis, tous nos proches étaient bien loin. »


    On demande à Viktoria
    de ses plans d’avenir, si elle désire s’établir pour de bon et faire sa vie en
    Roumanie, et on l’invite de transmettre aussi un message à nos auditeurs.


    « Ecoutez,
    je voulais remercier tous ceux qui se sont investis dans l’aide apportée aux
    réfugiés ukrainiens. Nous sommes bien ici, mais la plupart des ceux que je
    connaisse désirerait rentrer au pays une fois la guerre terminée. Et je sais
    que tout le monde se sent épuisé. Mais il est important à ce que les réfugiés
    qui continuent d’affluer soient aidés, ils en ont besoin. Et j’aimerais
    exprimer toute ma gratitude pour la manière dont nous avons été accueillis,
    pour toute cette générosité. Un grand merci ».


    (Trad. Ionut
    Jugureanu)









  • Wael Chebbi

    Wael Chebbi


    Wael Chebbi, Tunisien d’origine, avait suivi des cours d’ingénierie
    à l’Université polytechnique de Bucarest, avant d’avoir fondé le Comité des
    étudiants francophones Gaudeamus, dont il détient toujours la présidence
    honorifique. Après des études de maîtrise à la même université de Bucarest, il
    suit cette année un Master en Relations internationales et diplomatie à
    l’université Jean Moulin de Lyon. Francophone militant, ingénieur passionné,
    Wael Chebbi se distingue par-dessus tout pour son engagement civique. Homme de cœur
    et de conviction, on le retrouve impliqué dans l’organisation des dernières
    élections législatives et présidentielles dans son pays d’origine, mais aussi
    en Roumanie, à travers l’organisation estudiantine qu’il avait fondée, et
    l’aide apportée de diverses manières aux réfugiés ukrainiens depuis le début du
    conflit chez nos voisins. Mais pourquoi a-t-il jeté son dévolu sur la Roumanie
    et qu’a-t-il trouvé dans notre pays d’attrayant ? Wael Chebbi :


    « Bonjour,
    et merci déjà pour votre invitation. Ecoutez, je suis venu en Roumanie en 2014,
    pour suivre des études d’ingénieurie à la Faculté d’Ingénierie en langues
    étrangères de l’université Polytechnique de Bucarest. C’est là que j’avais
    décroché mon diplôme de licence en Electronique et télécommunications. Ce qui
    est certain, c’est que l’année 2014 représente un tournant dans ma vie
    personnelle, et professionnelle bien entendu. Il s’agit pour moi d’une aventure
    merveilleuse, dans l’un des plus beaux pays d’Europe, et du monde, si vous me
    le permettez ».


    Mais pourquoi la Roumanie, et pourquoi Bucarest ?


    « Il est
    vrai qu’au départ, je ne cherchais qu’une université européenne. C’était mon
    seul critère. Et la Roumanie venait de rejoindre l’Union européenne, c’était en
    2007. Je cherchais aussi de suivre des études d’ingénierie
    en français, car pour nous, Tunisiens, le français est une langue qui nous est
    proche. Et j’avais alors tout simplement cherché sur internet la meilleure
    université de Roumanie. Qu’elle n’a été ma joie de découvrir que l’université
    Polytechnique de Bucarest dispensait des cours en français, et qu’elle avait
    développé une filière qui m’intéressait tout particulièrement. Sachez
    d’ailleurs que la Roumanie accueille pas mal d’étudiants du Maghreb, tunisiens,
    marocains, algériens. Alors, bon, j’embarque, et me pose en Roumanie. Et là,
    patatras, je tombe de haut. Je suis d’emblée confronté à une autre langue, à
    une autre culture, et puis l’hiver, ça caille. Je n’y étais pas habitué, et je
    commence alors à douter. Mais c’est mon implication civique qui m’a aidé. Je
    commence à m’impliquer dans la vie estudiantine, à suivre ensuite aussi des
    stages en entreprise, et là je commence à me sentir chez moi, parmi les miens.
    Et la vie est plaisante en Roumanie, les gens, la nature, j’adore. Depuis lors,
    9 années sont passées, vous savez. En un coup de vent. »


    Vous vous sentez donc vraiment chez vous actuellement ici,
    en Roumanie, à Bucarest…


    « En effet, en effet. Pour moi la Roumanie c’est
    maintenant chez moi. Homesweet home. J’avais 20 ans à
    l’époque, j’en ai presque 30 actuellement. Un tiers de ma vie je l’ai passé
    ici. Alors, c’est un peu normal d’avoir ce sentiment. A la fin de mes études
    universitaires, mon prof m’avait dit : Maintenant vous n’êtes pas juste un
    ingénieur électronicien, vous êtes aussi l’ingénieur de votre destin. Et cela était
    vrai. La Roumanie peut sembler de premier abord difficile d’apprivoiser pour un
    étranger. Mais il s’agit aussi d’une terre d’opportunités. Certes, la France
    aussi présente plein d’opportunités, notamment pour les francophones, pour ceux
    qui parlent la langue, qui sont accoutumée à sa culture, et c’est un peu mon
    cas. D’ailleurs, lorsque j’avais jeté mon dévolu sur la Roumanie, j’aurais pu
    choisir d’aller étudier en Suisse. Mais j’avais désiré vivre une aventure,
    m’éloigner un peu de ce qui m’était familier. Et lorsque j’avais informé mes
    parents de mon choix, j’avais formulé les choses exactement ainsi : j’ai
    envie d’aller vivre dans un pays où aucun des miens n’y avait mis les pieds.
    C’est aussi simple que cela ».


    Et alors, aujourd’hui, en quels mots décrivez-vous à votre famille, à vos
    amis votre pays d’élection et d’adoption ?


    « A mes
    amis je leur dis que je suis Roumain de cœur. Je vous le disais, je me sens
    chez moi. J’ai des amis, j’ai ma famille ici. Après près de dix années passées
    ici, j’ai plus d’amis en Roumanie qu’en Tunisie. La Roumanie fait aujourd’hui
    partie de moi, et aussi de mes projets d’avenir. Vous savez, je me lance dans
    l’entrepreneuriat, et j’ai pas mal d’idées et de projets, et tous sont en lien
    avec la Roumanie. »


    Vous passez le plus clair de votre temps à Bucarest. Vous
    avez une fois écrit qu’il s’agit de la plus belle ville au monde. Qu’en est-il ?


    « En effet,
    Bucarest est une très belle ville. Et je dis cela pas juste pour la beauté
    architecturale de la vieille ville, mais en pensant aussi à ses habitants. Les
    Roumains sont peut-être le peuple le plus accueillant d’Europe. Il existe un
    sens de la famille, de l’amitié, toutes ces choses qui font sens ici. Lorsqu’on
    se trouve dans la rue et que l’on a besoin d’un coup de main, on fait appel à
    quelqu’un, et puis trois autres se pointent pour te proposer leur aide. Et
    c’est bien pour cela que je crois que la Roumanie soit probablement le plus
    beau pays au monde ».


    Malgré tout, est-ce qu’il y a des choses qui vous
    interpellent, qui ont le don de tempérer quelque peu votre enthousiasme ?


    « Certes,
    les choses peuvent toujours être améliorées, et cela où que ce soit. Et si je
    me permets de parler de certaines choses qui me dérangent, c’est parce que
    j’aime tant la Roumanie. Prenez, par exemple, le système de santé. J’avais pu
    suivre de près l’évolution des choses lors de la pandémie de Covid-19. Je crois
    que la Roumanie vaut un meilleur système public de santé, surtout que les
    médecins d’ici sont de véritables professionnels. Mais il y a des améliorations
    à apporter au sein du système. Ensuite, il manque toujours d’autoroutes. Un si
    beau pays mais tellement difficile d’accès. Je ne sais pas, si j’avais envie
    d’aller maintenant à Suceava par exemple, j’hésiterais de me lancer du coup. Or
    cette région de Suceava est d’une beauté à couper le souffle, c’est le paradis
    sur terre. Mais pour s’y rendre, ceci est une autre paire de manches. Ces
    quelques kilomètres d’autoroute en plus, cela ferait un grand changement. Pour
    le quotidien des Roumains, mais aussi pour tous les amoureux de la
    Roumanie. »(Trad Ionut Jugureanu)



  • Le groupe rock Ottis Coeur

    Le groupe rock Ottis Coeur

    Elles n’aiment
    pas les abus de pouvoir, les schémas ringards, les cons et leurs exs. Margaux,
    la blonde solaire et Camille, la brune mystérieuse, n’ont besoin de personne.
    Sinuant à travers des couplets doux et des refrains rugissants, les deux
    électrons, plus libres que jamais, gravitent autour du même noyau : le rock. Vous venez de lire
    un petit extrait de la présentation que l’Institut français de Bucarest a faite au duo de filles Ottis Cœur, invité en Roumanie à l’occasion de la Fête de la
    musique, l’édition 2023. Pour mieux connaitre ce jeune groupe de rock, on a invité sur RRI Camille Luca.

  • David Héraud, directeur de l’EFI Bucarest

    David Héraud, directeur de l’EFI Bucarest

    La qualité d’exception de
    l’enseignement français, les bénéfices du multilinguisme et l’ouverture sur les
    cultures du monde – c’est ce que veut offrir aux enfants de la capitale
    roumaine l’Ecole Française Internationale de Bucarest.


    En fait, derrière ces mots qui
    sonnent très bien à l’oreille, se cache une mission extrêmement
    ambitieuse : donner des cours en trois langues, avoir des enseignants
    locuteurs natifs, diplômés dans leurs pays d’origine, répondre aux besoins de
    chaque enfant, avoir une approche pédagogique active, inviter les parents à
    s’impliquer dans le processus de scolarisation pour garantir non seulement un
    diplôme de BAC français avec mention multilingue, mais aussi l’épanouissement
    de chaque enfant selon sa personnalité. Le tout dans un climat de confiance et
    joie. En septembre 2019, dans son bâtiment tout blanc en plein centre-ville de
    Bucarest, la toute jeune Ecole Française Internationale de Bucarest ouvrait ses
    portes pour accueilli ses premiers élèves.


    Quatre ans plus tard, nous avons
    voulu savoir comment a évolué cette nouvelle école française dans la capitale
    roumaine. Pour en parler, nous avons invité au micro de RRI, son directeur,
    David Héraud.


  • Juan-Carlos Negretti Briceño (Venezuela)

    Juan-Carlos Negretti Briceño (Venezuela)

    En 2011, il a remporté le prix de l’Annuel de l’Architecture Bucarest dans la catégorie « logement ». Pourtant il est actuellement musicien percussionniste et participe à plusieurs projets musicaux. Il nous a raconté le contexte de son arrivée à Bucarest : « Bonjour et bienvenue sur Radio Roumanie Internationale ! Je suis arrivé à Bucarest en tant que boursier de l’Etat Roumain, ayant passé par le bureau de Coopération Internationale, rattaché à un ministère de mon pays. Ce bureau gérait les bourses offertes par différents pays. A ce moment-là, il y avait deux bourses offertes par la Roumanie, dont une avait déjà été accordée à une étudiante. Une amie de mon père travaillant dans ce bureau nous avait informés qu’il leur restait une place disponible. C’est là que mon père a décidé de me proposer ce plan et c’est comme ça que j’ai envoyé mon CV, qui a été ultérieurement évalué par l’Etat roumain. C’était 1994 et à l’époque ce type de bourse me permettait de choisir la faculté que je voulais. Je savais très bien que je voulais étudier l’architecture. En 1994, Bucarest était une ville très différente de celle d’aujourd’hui. J’y suis arrivé en hiver et donc mes premières impressions étaient liées directement à l’aspect gris de l’une ville sans végétation. Moi, je venais d’un Venezuela exubérant et j’étais arrivé en décembre, lorsque tout semblait être l’extrême opposé. En plus, je suis arrivé le 31 décembre et la ville était quasi vide. C’était donc un grand choc pour moi de voir la ville ainsi, mais depuis Bucarest a beaucoup changé ».

    Heureusement, Juan Negretti a vite découvert un autre côté de la capitale roumaine et il se souvient avec plaisir de ses débuts à Bucarest, de la façon dont il a été accueilli et dont il s’est intégré dans ce nouveau pays qui allait devenir son nouveau chez soi. Ecoutons-le : « Durant les premiers jours après mon arrivée, les autres étudiants avaient commencé à retourner des vacances scolaires. J’étais logé à l’Université d’Agronomie, là où il y avait ce qu’on appelait un foyer de transit pour les étudiants étrangers. J’ai rencontré quelques Mexicains qui voyageaient en Roumanie et qui avaient réussi à y trouver un logement, même si techniquement ils n’étaient pas étudiants. Ils étaient accompagnés d’un guide, un Roumain, qui parlait espagnol et qui les aidait avec différents aspects administratifs. Je les ai vite rejoints et grâce à ce nouveau groupe, j’ai commencé à rencontrer beaucoup de gens et à sortir souvent. J’étais tout à fait fasciné. A un moment donné, un représentant du ministère est venu me rappeler que j’étais quand même obligé à participer aux cours, car l’Etat roumain ne m’avait pas offert la bourse pour faire la fête. Plus tard, j’ai rencontré un gars d’Ecuador qui faisait ses études à Galați (est) et qui avait plein d’amis à Bucarest. Il m’a présenté à ses amis roumains et m’a intégré au groupe. Même si je ne parlais pas encore la langue, on arrivait toutefois à s’entendre, et je reste toujours en contact avec beaucoup d’entre eux après tant d’années. »

    Aujourd’hui, Juan Negretti est un musicien professionnel Cela fait 7 ans déjà qu’il a renoncé à l’architecture, pour se consacrer entièrement à la musique. Il fait partie de plusieurs groupes musicaux, il a chanté aux côtés des groupes Abis, Einuiea et il fait actuellement partie d’un nouveau projet, le trio Torsan Juan Bălan. Comment trouve Juan Negretti la vie de musicien en Roumanie ? Voici sa réponse : « La vie de musicien en Roumanie est très dure, mais je me sens très bien dans cette position. J’ai de très bons amis avec qui j’ai eu l’occasion de chanter toute sorte de genres musicaux : de la pop, de la musique traditionnelle tsigane, de la musique expérimentale et même de la bande originale de film. Je n’ai vraiment pas à me plaindre, car ma carrière musicale assez intéressante. En plus, c’est justement le fait de m’être consacré entièrement à la musique qui m’a permis de voyager beaucoup, dans des conditions typiquement très bonnes.J’ai réussi à bien connaitre la Roumanie ; je suis allé dans les régions de Bucovina, de Maramureș et de Transylvanie et de visiter les villes de Calafat, Sulina et Timișoara. Je suis allé presque partout et j’ai tout aimé à chaque fois. Mais si je devais choisir un endroit préféré en Roumanie, cela serait sans doute le Delta du Danube. »

    En tant qu’architecte, Juan Negretti a pu connaître la capitale d’une autre manière, il a pu la regarder d’un oeil professionnel. Il apprécie beaucoup les endroits non conventionnels, mais il y ferait quand même quelques changements. Alors, s’il était maire de Bucarest, quels changements ferait-il en premier ? « Je ferais construire des logements sociaux et je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour décourager l’utilisation des voitures en ville, en améliorant les transports en commun, le métro et les pistes cyclables. Cela, parce que Bucarest me semble être un grand parking, il y a beaucoup trop de voitures qui polluent, qui font de bruit et qui déshumanisent la ville. »

    Notre invité a beaucoup voyagé en Roumanie et il apprécie beaucoup la nature. Il nous dit ce qu’il mettrait en avant de notre pays et de Bucarest : « Au fil du temps, je me suis rendu compte que les gens ont des intérêts différents et que pour bien connaitre un pays, il faut vraiment voyager partout. Il ne faut pas se limiter au Château de Bran ou à la Maison du Peuple (Palais du Parlement), comme le font la plupart des touristes étrangers. La Roumanie est bien plus que ces deux endroits. D’ailleurs, je ne les leur recommanderais pas du tout. Personnellement, quand je fais le guide à Bucarest pour mes amis, je les emmène voir juste l’extérieur du Palais du Parlement, et ensuite je les emmène plutôt dans des bars que je fréquente, ou dans des restaurants des quartiers, car j’essaye de leur montrer des endroits plus authentiques. En revanche, vaudrait mieux aller à Sighișoara, à Brașov, à Sulina… mais bon, après, ça dépend aussi de ce que chacun souhaite voir. Je ne dirais pas que j’ai un endroit préféré…si ! Savez-vous quel est mon endroit préféré ? C’est le Lac Morii (le Lac du Moulin) de Bucarest, car j’adore y admirer les couchers de soleils. J’ai aussi une relation spéciale avec le lieu, car c’est là que j’allais avec quelqu’un de très proche. On s’achetait une bière au supermarché, on s’asseyait sur un banc et on parlait jusqu’au coucher du soleil. C’est un endroit magnifique, rempli de bons souvenirs pour moi. »

    Voilà donc les éléments qui ont déterminé Juan Negretti de rester en Roumanie, sa nouvelle patrie. (Trad. Rada Stănică)

  • Tuan Nini de Malaisie

    Tuan Nini de Malaisie

    Tuan Nini est née en 1987 en Malaisie et elle vit
    en Roumanie depuis 2006, à Bucarest. Elle a fait ses études à l’Université
    Nationale des Beaux-Arts, section Peinture, après avoir appris la langue
    roumaine pendant un an à la Faculté de Lettres de l’Université de Bucarest. Grâce
    à sa grande passion pour l’illustration, elle est devenue un des noms
    importants du domaine. Elle a collaboré avec des agences de publicité, des
    maisons d’édition et de production et des associations culturelles. Ses
    illustrations et animations apparaissent également dans des campagnes
    publicitaires des différentes marques commerciales ou culturelles roumaines et
    internationales.


    Tuan Nini a exposé ses œuvres dans le cadre de
    nombreux événements importants, tels Romanian Design Week (La semaine du design
    roumain), le Festival Animest, le festival en plein air Street Delivery
    Bucarest, le Festival Amural de Brasov. Elle a aussi collaboré avec les plus
    grands noms du domaine, dont Dan Perjovschi. Nini est notamment illustratrice
    de livres et elle a été membre du jury du Festival Animest 2021, dans la catégorie
    Music Video (vidéos musicales). Récemment, elle a organisé une conférence sur
    l’illustration au sein de l’événement Bucharest Grafic Days, où elle également mis
    en place une exposition d’illustrations éditoriales, c’est-à-dire d’images
    dessinées qui accompagnent les articles de presse. Et pas en dernier lieu, Tuan
    Nini a son propre studio d’illustration et d’animation appelé Susumadu Studio.


    Comment a-t-elle choisi de venir en Roumanie et
    quel a été le contexte qui l’a amenée à Bucarest ? « Je suis venue en 2006 ; j’avais 19 ans et je venais tout juste d’être acceptée
    à l’Université Multimedia de Malaisie. Si j’étais restée, j’aurais choisi les
    cours offerts par les départements de film et d’animation qui m’attiraient
    beaucoup à l’époque. Mais peu après avoir été acceptée, je me suis rendue
    compte que j’aurais plutôt aimé étudier le film et l’animation en 3D. Par pure
    chance, un de mes collègues a voulu changer d’université. Sa mère travaillait à
    l’Ambassade de Malaisie et elle allait être nommée ambassadrice en Roumanie. Il
    est donc parti en Roumanie avec sa mère et, 6 mois plus tard, il m’a parlé de l’Université
    des Beaux-Arts. Le fait que cette université a plus de 200 ans m’a directement
    fait penser qu’elle devait être une très bonne université et j’ai fini par
    vouloir y aller. J’avais 19 ans et j’étais assez aventureuse et attirée par tout
    ce qui était un peu différent. Effectivement, j’ai bénéficié du soutien de
    l’Ambassade, mais je suis venue vraiment sans rien savoir sur l’histoire de la
    Roumanie et avec très peu de connaissances sur l’Europe. Pourtant, j’étais
    assez ouverte d’esprit. Voici le contexte de mon arrivée en Roumanie. »



    Nini s’est adaptée petit à petit à sa nouvelle vie
    d’étudiante à Bucarest. Au début, ce changement s’est avéré plutôt difficile,
    car elle ne parlait pas encore le roumain et elle n’avait non plus beaucoup
    d’amis dans la ville. En plus, étant la cadette de la famille, elle admet
    qu’elle a été une enfant gâtée, et ce changement avait représenté une première
    occasion de prendre des décisions toute seule, même si cela n’était pas
    toujours facile. Comment est-ce que l’on a accueillie en Roumanie et comment
    est-ce qu’elle a évolué dans le temps ? « J’ai
    beaucoup changé. Je pense avoir eu la chance de grandir dans un milieu très
    doux. Ayant eu besoin d’évoluer rapidement, je pense que la liberté a été le
    concept le plus nouveau auquel j’ai dû m’habituer, concept dont j’ai même un
    peu abusé. J’ai rencontré beaucoup d’étudiants étrangers et cela m’a beaucoup aidée.
    Mes premiers amis proches venaient de Norvège, du Danemark, de Corée et de Turquie.
    Après avoir fini les cours de roumain à la Faculté de Lettres, j’ai eu un choc lorsque
    j’ai commencé mes études à l’Université des Beaux-Arts, car je n’étais pas du
    tout habituée à leur façon de délivrer les informations. Je pense vraiment que
    ce moment-là a été le plus difficile pour moi. J’ai dû apprendre comment dépendre
    des gens et comment leur poser des questions, et la difficulté venait du fait
    que je ne suis pas une personne très sociable. J’ai dû donc apprendre comment
    demander de l’aide. »


    Après le choc d’une nouvelle vie en Roumanie,
    est-ce que Bucarest a fini par devenir un deuxième chez soi pour cette
    illustratrice de Malaisie ? Tuan Nini répond : « Oui et non. Je rigole parfois en disant que je suis tiers roumaine, car j’habite ici depuis
    longtemps déjà. De retour en Malaisie, avant la pandémie, il m’était arrivé
    plusieurs fois de vouloir répondre da (en roumain) aux questions de mes amis.
    Nous parlions en anglais et en malaisien, et des mots en roumain étaient
    naturellement sortis de ma bouche et je fus assez surprise, j’ai eu une petite
    crise identitaire, je l’avoue. Bien évidemment, la Roumanie ne m’est plus du
    tout étrangère, mais lequel de ces endroits je le sens le plus comme « chez
    moi », je ne saurais vraiment pas vous dire. »



    Enfin, nous avons demandé Nini ce qu’elle
    apporterait avec elle de Roumanie en Malaisie et vice versa ; quel aspect
    de la Malaisie elle souhaiterait voir davantage en Roumanie ? « Je pense que ce serait très agréable que le monde n’ait pas si peur de
    s’excuser en Roumanie. Par ailleurs, j’aime beaucoup le fait qu’en Roumanie les
    gens sont très ouverts, très directs et ils n’ont pas peur d’exprimer leurs
    opinions. Pour eux, être comme les autres n’est pas si important. J’ai
    l’impression même que les habitants de Bucarest, ou du moins ceux que je
    connais, pensent plutôt à ce que leur apporterait du bien à eux, et ils ne
    s’intéressent pas trop à faire les autres changer d’avis. C’est ce qui me plait
    le plus en Roumanie, le fait que chacun a sa place et que l’on peut être nous-mêmes. »





    Des éléments qui ont
    donc beaucoup impressionné Nini seraient l’unicité de la ville de Bucarest et
    l’ouverture d’esprit des gens y rencontrés. Tout cela a déterminé Tuan Nini de
    rester en Roumanie, sa nouvelle patrie. (Trad. Rada Stanica)

  • Grégory Rateau, écrivain et poète

    Grégory Rateau, écrivain et poète

    Le poète et écrivain Grégory Rateau, en dialogue avec Ileana Taroi, sur son plus récent volume de poésies, Imprécations nocturnes.

    Maximilien Friche, Mauvaise Nouvelle:

    Il faut lire Imprécations nocturnes de Grégory Rateau, dans une pénombre, à faible lueur, dans la conscience qu’une oreille aimée entend tout et que l’on n’en parlera jamais. Il faut lire Imprécations nocturnes pour se dépouiller de toute suffisance. Risquer l’incommunicabilité, et avoir recours à la contemplation des mots. Être Raturé jusqu’à se rendre illisible à soi-même. « A la fin, je me présenterai devant vous presque nu. » C’est dire si la poésie dépouille.

    Lecture de Chantal Bidet des extraits d’Imprécations nocturnes de Grégory Rateau publié par Conspiration Éditions

  • Makcim Fernandez Samodaiev

    Makcim Fernandez Samodaiev

    L’histoire de vie du violoniste Makcim Fernandez Samodaiev est tout à fait
    fascinante. Il habite en Roumanie, il a la nationalité belge et il est d’origine
    russo-cubaine. Il est né en Russie, à Stalingrad – actuellement Volgograd -
    d’une mère ukrainienne et d’un père cubain. Il a passé son enfance à Cuba et
    ses vacances en Russie. A 17 ans, il a déménagé avec sa famille à Odessa, et
    ensuite il a vécu pendant quelques années au Mexique. Il a suivi les cours du
    Conservatoire d’Anvers, en Belgique. Plus tard, Il a rencontré et fini par épouser
    la pianiste roumaine Monica Florescu, et c’est comme ça qu’il s’est installé en
    Roumanie. Après avoir vécu un an à Bucarest, il s’est installé à Sibiu, en
    2015, où il est à ce jour soliste de l’Orchestre Philharmonique National.


    Comment Makcim Fernandez Samodaiev trouve-t-il la Roumaine en tant
    qu’artiste, après une expérience de vie si riche et multiculturelle ?


    « Je suis un
    enfant de l’amitié entre les peuples, comme dirait une autre génération. Mes
    parents se sont rencontrés dans ce qui était à l’époque l’Union Soviétique. Je
    suis né en Russie, ma mère est ukrainienne, mais à l’époque on ne faisait pas
    trop la différence, car il s’agissait d’une seule nation, d’une union et donc
    d’un seul peuple. J’ai vécu dans plusieurs pays, parfois par la force des
    choses, car je devais choisir des nouveaux lieux de résidence, influencé bien
    évidemment par les phénomènes socio-politiques qui m’entouraient, comme la
    chute de l’Union Soviétique ou les conflits à Cuba. D’une certaine manière, la
    musique a toujours été mon guide. J’ai vécu à Cuba jusqu’à l’âge de 15 ans,
    avec quelques interruptions marquées par mes vacances en Russie. Après, j’ai passé
    7 ans environ au Mexique, 12 ans en Belgique et je vis actuellement en Roumanie
    depuis 7 ans. Qu’est-ce qui m’a attiré en Roumanie ? Ce fut ma décision de m’y installer,
    et non pas celle de ma femme, et la raison principale étaient nos enfants. Nous
    avons vécu en Belgique en tant que musiciens indépendants, mais au moment où
    les enfants ont commencé à grandir – à l’époque nous avions deux filles – nous
    avons commencé à prendre très au sérieux le sujet de la stabilité familiale,
    car en tant qu’artistes indépendants on voyageait tout le temps.


    La première option fut le
    Mexique, où nous sommes restés pendant deux ans. J’avais un poste à l’Université
    de Xalapa, au sein de leur Orchestre Symphonique, la plus ancienne du pays.
    Mais, malheureusement, l’insécurité était un vrai problème là-bas, et l’avenir
    de nos enfants étaiet assez incertain dans une telle société. Etant donné que
    ma femme est roumaine, j’ai senti que c’était impératif que nos filles aient un
    repère culturel, et ce fut ça la principale raison pour laquelle nous nous
    sommes installés en Roumanie. Bien sûr, il y a eu également d’autres raisons
    pratiques. Par exemple, même si la Roumanie est un pays avec beaucoup de problèmes
    et de défauts, ces mêmes problèmes peuvent devenir des opportunités, ça dépend
    du point de vue de chacun. En habitant pendant plusieurs années en Belgique,
    j’ai appris que ces sociétés solides, que l’on retrouve dans les pays développés
    où tout est très bien organisé, deviennent assez rigides avec le temps. C’est peut-être
    mon mélange russo-cubain qui fait que je suis toujours à la recherche des
    endroits un peu plus artistiques et inédits ».


    Aujourd’hui, Makcim Fernandez Samodaiev est soliste instrumentiste de
    l’Orchestre Philharmonique National de Sibiu, mais il a aussi fondé avec sa femme, la pianiste Monica Florescu, un
    projet artistique personnel : la Saison de Musique de Chambre
    Florescu-Fernandez and Friends. C’est un projet indépendant et unique à Sibiu,
    qui organise des concerts chaque mois, où les deux artistes invitent à la fois
    des musiciens de Roumanie et des musiciens étrangers.


    Tout en discutant du fait qu’il a déjà passé 7
    ans en Roumanie, nous avons demandé Makcim
    Fernandez Samodaiev s’il envisageait d’y rester et s’il en a déjà parlé à ses enfants
    :


    « Cela fait
    7 ans que nous habitons à Sibiu, nous sommes arrivés en Roumanie en 2014 et
    nous sommes restés un an à Bucarest. A l’époque, on avait l’habitude de jouer
    avec différents orchestres philharmoniques du pays une fois par an. C’est comme
    ça qu’en 2015 nous avons donné un concert à Sibiu. En passant par la Grand
    Place, nous avons senti que c’était un bon endroit pour une famille et la beauté
    intrinsèque de la ville nous a charmés. La ville de Sibiu est un endroit
    exceptionnel en Roumanie et nous avons eu beaucoup de chance d’avoir été embauchés
    – Monica et moi-même – en tant que solistes-instrumentistes au sein de
    l’Orchestre Philharmonique de Sibiu. J’ai un besoin au fond de moi qui fait que
    je dois apporter quelque chose à chaque endroit où je m’installe. C’est avec
    cette idée que l’on a commencé la mise en place de ces concerts de musique de
    chambre, par nos propres moyens. Monica et moi, nous avons la chance d’être
    capables d’organiser et aussi de mettre en place un produit artistique. Petit à
    petit, la salle s’est remplie. Nous avons eu une énorme chance avec les
    habitants de Sibiu, car ils aiment beaucoup leur ville et ils nous ont très
    bien accueillis. Ensuite, nous avons été soutenus par la mairie et par le Forum
    Allemand, qui a contribué aussi avec des fonds, ce qui nous a permis d’inviter
    des artistes de Roumanie et de l’étranger à venir donner des concerts de
    musique de chambre, un domaine qui n’est pas très développé à l’heure actuelle
    en Roumanie. Notre famille s’est très bien adaptée ici, tant dans la vie
    professionnelle que dans la vie personnelle. Nos filles grandissent, elles sont
    nées en Belgique et le garçon, Vladimir, il est le seul de la famille qui est né
    à Sibiu. Les filles ont aussi un parcours intéressant : Rafaela, la cadette,
    continuera ses cours professionnels de violon en Autriche. Carina, notre fille aînée,
    est actuellement apprentie d’orgue à l’Eglise Evangélique. Je l’ai récemment
    vue jouer durant la messe, et elle a aussi eu des vrais concerts d’orgue. On ne
    sait pas encore si elle va rester à Sibiu ou si elle partira à l’étranger pour
    ses études, car cette décision lui appartient. Vladimir est encore trop jeune,
    il aura bientôt 7 ans, et c’est trop tôt pour savoir le chemin qu’il prendra. En
    ce qui me concerne, je n’ai pas de sentiment d’appartenance pour un endroit
    spécifique et je sens que je peux aller partout dans le monde avec une grande capacité
    d’adaptation. Il ne me manque jamais rien, dans le sens où je trouve que chaque
    endroit a sa propre magie. Je suis chez moi partout, car, si je m’installe
    quelque part c’est par ce que j’ai pris la décision d’y rester. Maintenant
    j’habite à Sibiu depuis 7 ans et je ne pense pas encore partir. Il nous reste
    beaucoup de choses à faire, et nous avons toujours beaucoup à offrir à la
    ville, ainsi que la ville à nous ! »


    Autant d’amour pour Sibiu cette belle ville transylvaine, où notre invité
    d’aujourd’hui a trouvé sa place, pour l’instant. (Trad. Rada Stănică)

  • Kilian Bigogne, étudiant en journalisme

    Kilian Bigogne, étudiant en journalisme

    Kilian Bigogne parle de ses deux mois passés en Roumanie et dans la rédaction du Service Français de RRI.