Tag: communisme

  • Le coup de coeur du libraire- Oublier Bucarest, de Victor Ieronim Stoichita

    Le coup de coeur du libraire- Oublier Bucarest, de Victor Ieronim Stoichita

    Né en Roumanie et vivant en Suisse, le professeur d’histoire de l’art, Victor Ieronim Stoichita, est auteur, entre autres, du livre de mémoires “Oublier Bucarest” qui lui a valu en 2015, le Prix du Rayonnement de la langue et de la littérature française offert par l’Académie française. On ne saurait donc nous étonner que Mathieu Fabre, libraire à Kyralina, a choisi d’en faire son coup de cœur de cette semaine.

  • L’établissement des relations diplomatiques entre la Roumanie et la RFA

    L’établissement des relations diplomatiques entre la Roumanie et la RFA

    L’apparition, après 1945, de deux Etats allemands sur la carte d’Europe, décidée par les grandes puissances après la défaite de l’Allemagne nazie, était censée prévenir la résurgence d’une puissance allemande menaçante. Mais la guerre froide qui s’en est suivie transforma ces deux Etats, l’un, l’Allemagne de l’Ouest ou la RFA, qui se trouvait sous le contrôle des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, l’autre, l’Allemagne de l’Est, sous le contrôle de l’URSS, en frères ennemis qui se regardaient en chiens de faïence. Walter Hallstein, premier président de la Communauté économique européenne, embryon de la future UE, avait légué son nom à la doctrine ouest-allemande selon laquelle la RFA ne pouvait nouer de relations diplomatiques avec les Etats qui avaient reconnu l’existence de la RDA. Une position que la RDA reprit à son compte en sens inverse. Aussi, les deux Allemagnes, de l’Est et de l’Ouest, n’allaient dorénavant nouer des relations diplomatiques qu’avec les Etats de leur propre bloc. 

     

    La Roumanie – des relations diplomatiques d’abord avec la RDA

     

    La Roumanie, membre du bloc communiste et du pacte de Varsovie, n’avait ainsi noué des relations diplomatiques qu’avec la RDA. A partir de la seconde moitié des années 60, la position de Bucarest en matière de politique étrangère qui semblait la distancer de plus en plus de Moscou, amena la RFA à établir des relations diplomatiques avec la Roumanie en 1967. Ce fut un tournant, la Roumanie devenant le premier Etat membre du bloc communiste ayant noué des relations diplomatiques avec l’Allemagne de l’Ouest. La visite à Bonn du ministre roumain des Affaires étrangères, Corneliu Manescu, suivie par la visite de son homologue ouest-allemand, Willy Brandt, à Bucarest, ont mis les bases du rapprochement entre les deux capitales.

     

    L’ancien diplomate Vasile Șandru, interviewé en 1994 par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, remémorait les coulisses de ce changement de paradigme dans la politique étrangère de deux Etats :   

    « La visite du vice-chancelier et ministre des Affaires étrangères ouest-allemand Willy Brand à Bucarest a eu lieu après l’établissement des relations diplomatiques entre les deux capitales. Mais les choses se sont déroulées de la manière suivante : à l’été 1966 a eu lieu à Bucarest la réunion du Conseil politique consultatif du Pacte de Varsovie. Le document adopté à la fin de la réunion lançait l’idée de convoquer une conférence pour la sécurité et la coopération européenne. Un autre passage faisait état d’une volonté de promouvoir une politique de détente avec les deux Etats allemands sans distinction. Or Bucarest s’est appuyé sur ce document dans sa tentative de rapprochement avec Bonn, mais sans pour autant se consulter avec ses alliés, ni même les en informer. Cela ne manqua pas de provoquer l’ire de l’Union Soviétique en premier lieu, mais aussi des autres Etats membres du Pacte de Varsovie, qui appréciaient que le rapprochement diplomatique avec l’Allemagne de l’Ouest aurait dû avoir lieu de concert ».      

     

    La nouvelle politique de l’Est – un écho o positif en Allemagne

     

    La nouvelle politique de détente promue par le bloc de l’Est et par Bucarest en premier lieu trouva un écho positif en Allemagne.

    Vasile Șandru :  

    « L’initiative roumaine fut accueillie à bras ouverts à Bonn. Aussi, au début de l’année 1967, des relations diplomatiques furent établies entre les deux Etats. Auparavant déjà, la Roumanie avait établi des relations consulaires et commerciales officielles avec la RFA. Une première représentance commerciale et consulaire a été établie à Cologne. Pour la RFA, l’établissement des relations diplomatiques avec la Roumanie signifiait l’abandon de facto de la doctrine Hallstein, ce qui constituait un grand pas en avant et un changement de paradigme dans le contexte qu’était celui de la guerre froide. Jusqu’alors, Bonn s’était refusé à tout prix de reconnaître l’existence de la RDA et s’était refusé de nouer des relations diplomatiques avec quelque Etat que ce soit qui avait reconnu l’Allemagne de l’Est et qui avait établi des relations diplomatiques avec cette dernière. »  

     

    Le rôle positif du rapprochement entre les deux capitales 

     

    Vasile Șandru apprécie le rôle positif joué dans ce rapprochement entre les deux capitales par leurs leaders respectifs :    

    « Willy Brandt a été accueillie avec sa famille par Nicolae Ceaușescu sur la côte roumaine de la mer Noire. L’entrevue entre les deux leaders a duré près de 5 heures. Ils ont abordé des questions de la politique de sécurité en Europe, mais aussi les relations entre les partis de gauche européens. Willy Brandt a été accompagné durant sa visite officielle par son épouse et par leur fils, Lars, un militant de gauche lui aussi. Madame Brandt et son fils ont eu le temps de visiter des objectifs culturels, de toucher au folklore roumain, de connaître d’autres aspects de la vie en Roumanie. Ils sont repartis avec une autre image que celui d’un pays hostile. »  

     

    Une autre vision des faits

     

    Ancien dignitaire communiste et fin connaisseur du régime, Paul Niculescu-Mizil donnait en 1997 sa version des faits au sujet de ce rapprochement inédit entre la Roumanie et la RFA : 

    « J’avais entendu Cornel Manescu, l’ancien ministre des Affaires étrangères, raconter à la télévision, après la chute du régime communiste, sa version des faits. En l’écoutant, cela avait l’air très simple. Il disait être allé en Allemagne, avoir rencontré Brandt, et que ce dernier lui eut proposé de nouer des liens diplomatiques. Qu’ils s’étaient ensuite serrés les mains et qu’ils s’étaient départis heureux. Ce sont des histoires à dormir debout. Moi j’étais à l’époque membre du Comité exécutif du Comité central du parti. J’ai pris part à tous les débats sur le sujet et à de nombreuses missions. Cette question a été longuement débattue au sein des instances dirigeantes du parti. L’on a analysé tous les scénarios. La réaction des Soviétiques, la réaction des Allemands, les répercussions potentielles. Lorsqu’il est parti négocier, Manescu avait un mandat précis. Celui d’établir des relations diplomatiques avec la RFA. Et il est resté en permanence en contact avec Bucarest. Ce fut loin d’être une initiative personnelle ou un geste irréfléchi. »   

     

    Ainsi la Roumanie devenait en 1967 le premier Etat satellite de Moscou à nouer des relations diplomatiques avec la RFA. Un geste fort posé par Nicolae Ceausescu dans sa volonté de s’affranchir de la tutelle soviétique et d’enclencher un rapprochement avec l’Occident. (Trad Ionut Jugureanu)

  • L’officiel du parti communiste roumain, le journal Scânteia /L’étincelle

    L’officiel du parti communiste roumain, le journal Scânteia /L’étincelle

    La presse à l’époque communiste

     

    Si la liberté de la presse était garantie depuis 1789 par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, force est de constater que les régimes totalitaires, qu’ils soient d’extrême droite ou d’extrême gauche, se sont évertués à n’en faire qu’une bouchée. Ainsi, la quasi-totalité de la presse des démocraties soi-disant populaires instaurées après 1945 par l’Armée rouge dans les Etats d’Europe centrale et de l’Est se soumettait aux ukases idéologiques du parti communiste. Mais ce dernier disposait souvent également de son propre quotidien, considéré comme la voix officielle du régime.

     

    Aussi, à l’instar du quotidien « Pravda », « La vérité », en URSS, l’on voit paraître « Rabotnichesko Delo », « Les Réussites ouvrières » en Bulgarie, « Rudé Právo » ou « La justice rouge » en Tchécoslovaquie, « Neues Deutschland » ou « La nouvelle Allemagne » en RDA, « Trybuna Ludu » ou la « Tribune du peuple » en Pologne, « Borba » ou « La lutte » en Yougoslavie. En Hongrie, la presse écrite sera dominée par le quotidien « Szabad Nép », les « Hommes libres » entre 1942 et 1956, puis par « Népszabadság » , « La liberté du peuple » entre 1956 et 2016. En Roumanie, la voix du Parti communiste roumain se faisait entendre grâce à son officiel Scânteia, « l’Eticelle ».

     

    La voix du Parti Communiste Roumain

     

    Fondé en 1931, alors que le Parti communiste roumain avait été mis hors la loi depuis un bon moment à cause de son programme résolument antinational, son officiel paraîtra de façon irrégulière jusqu’en 1940. Son nom s’inspirait du journal en exil de Lénine intitulé Iskra, l’Etincelle, paru entre 1900 et 1905. L’Etincelle des communistes roumains paraîtra pour la première fois au grand jour, officiellement, le 21 septembre 1944, après l’occupation le 30 août 1944 de Bucarest par l’Armée rouge. Le critique d’art Radu Bogdan, né en 1920, sympathisant communiste, fut l’un des membres de la première équipe de rédaction de L’étincelle roumaine lors de sa réapparition de 1944.

     

    Les débuts du journal Scânteia

     

    Dans son interview de 1995, conservée par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, Radu Bogdan se rappelait les premiers pas de cette nouvelle vie de l’officiel communiste roumain. :

     « Cinq personnes ont été chargées par le parti de la parution de ce premier numéro. Matei Socor a été nommé responsable de ce petit noyau de rédacteurs, dont faisaient encore partie Pavel Chirtoacă, l’ingénieur Solomon, Radu Mănescu et Iosif Ardelean. Ce dernier sera ultérieurement nommé responsable du département de censure. L’ingénieur Solomon avait pour sa part des responsabilités plutôt administratives. Quant à moi, j’avais certes à l’époque des velléités de journaliste. Mais j’avais du mal à trouver mes marques. Et c’est à ce moment que j’entends que Radu Mănescu allait lancer un journal. Je me présente et je postule. L’on m’invite sans peine à faire du bénévolat. C’était encore la période romantique, la période de grands idéaux. Mon premier travail a été celui de correcteur. Je travaillais avec Mirel Ilieşiu, metteur en scène. Et c’est ainsi que j’avais pris part à la parution du premier numéro de l’Etincelle. »

     

    Discréditer la démocratie et les partis historiques

     

    Mais l’officiel du parti communiste devient rapidement le fer de lance des pourfendeurs du régime démocratique roumain. Des intellectuels de gauche, idéalistes et opportunistes mélangés, faisaient de leur mieux pour discréditer la démocratie et les partis historiques. Parmi ces journalistes de la premières heure un personnage s’est démarqué entre tous par sa violence de langage. Il s’agit de Silviu Brucan, celui qui, après la chute du régime communiste fin 1989, s’érigera comme l’un des idéologues du régime postcommuniste de Ion Iliescu et de son Front du Salut national.

     

     

    Radu Bogdan se rappelait dans son interview de l’atmosphère d’effervescence qui était celle de la presse de l’après-guerre, une presse de plus en plus dominée par l’organe de presse du Parti communiste roumain, dirigé par le sociologue Miron Constantinescu :

     « Le compositeur Matei Socor n’est demeuré qu’un jour à la tête de l’Etincelle. Il prit ensuite ses fonctions à la tête de la Radio, devenant son directeur-général. Peu de jours après la parution du premier numéro de l’Etincelle, à sa tête fut nommé par le parti Miron Constantinescu, vieux communiste, récemment libéré. L’on travaillait dur au début, l’on passait nos nuits à la rédaction, l’on se reposait sur des matelas jetés à même le sol. Cette première rédaction du journal avait emménagé dans les locaux de l’ancien journal de Pamfil Seicaru, Curentul. Pendant tout un temps, j’ai aussi assuré la sécurité personnelle du nouveau rédacteur en chef, Miron Constantinescu. J’étais en quelque sorte sa garde de corps. Je n’avais pourtant pas d’arme sur moi, c’était plus pour faire semblant, pour se donner de l’importance. Mais comme il allait tous les jours au siège de la Confédération générale du travail et qu’il ne voulait pas circuler tout seul en rue en ces temps troubles, je l’accompagnais. J’avais une belle carrure, j’étais plutôt grand. Heureusement, on n’a jamais eu d’accroc avec qui que ce soit, mais j’ai été son ombre durant plusieurs mois. »   

     

    Durant les années qui ont suivi et jusqu’au mois de décembre 1989, l’Etincelle a été le porte-voix de la propagande communiste, le fer de lance de cette presse asservie, dont l’objectif principal était de cacher les malversations et les abus du régime et l’enfreinte régulière des droits fondamentaux. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • « Le Cas de l’ingénieur Ursu » – un documentaire sur la quête de la justice

    « Le Cas de l’ingénieur Ursu » – un documentaire sur la quête de la justice

    Gheorghe Ursu a été tué dans les cellules de la Securitate (l’ancienne police politique communiste) après avoir contesté la décision de Nicolae Ceaușescu d’arrêter les travaux de consolidation des bâtiments structurellement abîmés par le tremblement de terre de 1977. Réalisé par Liviu Tofan et Șerban Georgescu et récemment sorti dans les salles obscures, le film documentaire « La Cas de l’ingénieur Ursu » parle de la quête de la justice dans un système qui s’y oppose farouchement.

     

    Deux histoires de deux ingénieurs

    Liviu Tofan, coréalisateur du documentaire, cinéaste et journaliste de la rédaction roumaine de Radio Free Europe Europa Liberă durant deux décennies, a présenté les deux histoires racontées par le film : « Derrière ce titre, « Le Cas de l’ingénieur Ursu », il y a deux histoires de deux ingénieurs Ursu, le père et le fils. Elles sont emblématiques l’une – de la Roumanie du régime communiste dans les années 1980 (celle de Gheorghe Ursu), et l’autre – de la Roumanie actuelle (celle d’Andrei Ursu), à travers son combat long de plus de trente ans, pour que justice soit rendue à son père. Les deux histoires commencent avec le tremblement de terre de 1977 et je dirais que les deux sont marquées d’un disque rouge (ndlr. Un disque rouge est appliqué sur les bâtiments dont la structure de résistance est très abîmée): un tel disque est collé à la Roumanie communiste et l’autre à la justice dans la Roumanie démocratique. Malheureusement, la seconde histoire, celle d’Andrei Ursu, n’est pas plus encourageante que celle de Gheorghe Ursu. Trente-cinq ans après la Révolution, nous continuons d’attendre un jugement juste dans l’affaire de la mort du dissident politique Gheorghe Ursu, juste d’un point de vue juridique, mais aussi historique. Gheorghe et Andrei Ursu sont deux personnalités extrêmement fortes, qui fonctionnent en tant que véritables modèles à suivre dans une société tellement ébranlée comme celle dans laquelle nous vivons. Ce sont deux modèles rares, qui portent ce film. Gheorghe Ursu a été tué par la Miliție (la police de l’époque communiste) et par la Securitate (l’ancienne police politique) parce qu’il avait refusé tout compromis au cours de l’enquête, c’est ce que nous apprennent les documents de la Securitate. Il avait nettement refusé d’impliquer ses amis dans les enquêtes, un refus à ce point sans appel que l’ingénieur a effectivement été écrasé. Gheorghe Ursu est un modèle d’honneur et de verticalité, qui n’a jamais abandonné ses principes. Son fils, quant à lui, est un homme qui sacrifie réellement sa vie pour un idéal. Andrei Ursu a mis sa vie en balance deux fois, en faisant une grève de la faim pour ses idées, qu’il considère être plus importantes que sa vie. C’est d’ailleurs là que réside la valeur du film: dans la force de ces modèles. »

     

    Les accusés ont été définitivement acquittés

     

    Le documentaire a été projeté pour la première fois l’été dernier, quelques jours seulement avant le prononcé du jugement définitif de la Haute Cour de Cassation et de Justice. Malgré un cas minutieusement construit par la défense, les accusés ont été définitivement acquittés, ce qui fait que le film soit la seule forme de justice et de reconnaissance du dissident politique Gheorghe Ursu. Liviu Tofan, coréalisateur du documentaire « Le Cas de l’ingénieur Ursu », nous fournit davantage de détails.  « Une bonne partie du film est consacrée à la lutte en justice d’Andrei Ursu. L’on y montre toute la succession chronologique des difficultés et des obstacles auxquels il s’est heurté après 1990: délais, reports, rejets, arguments tels que la prescription des faits, bref un tas d’obstacles. Souvenons-nous qu’après 1990, Vasile Hodiș, l’un des deux accusés et aussi un des enquêteurs responsables de la mort de Gheorghe Ursu, n’était plus officier de la Securitate. En revanche, il a été officier du Service roumain de renseignement (SRI) pendant des années, il est donc resté dans le système qui s’est constamment opposé à Andrei Ursu. En 2000, Andrei Ursu, en désespoir de cause, fait une première grève de la faim. Il en a fait deux et il a eu gain de cause à chaque fois, justement parce que les autorités se sont rendu compte qu’il était prêt à mourir pour ses convictions. Cette année-là, l’affaire a été confiée au procureur Dan Voinea, qui a continué à enquêter. La seconde fois qu’Andrei Ursu a fait une grève de la faim c’était en octobre 2014, lorsqu’il s’est à nouveau trouvé dans une impasse. Le contexte pré-électoral de cet automne-là avait poussé les autorités à céder. Ce fut en fait un grand moment, puisqu’Andrei Ursu s’est vu accepter tous les arguments rejetés par le passé, y compris l’enquête concernant les deux anciens officiers de la Securitate, Marin Pârvulescu et Vasile Hodiș. Jusqu’en 2014, le système avait tout simplement refusé de les interroger. »

    Produit par Kolectiv Film et coproduit par la Fondation « Gheorghe Ursu », Victoria Film, l’Association Follow Art et la Société roumaine de télévision, le documentaire a déjà été présenté lors de séances de projection spéciales en 2023, dans les salles de cinéma bucarestoises Union, Eforie, celle du Musée du paysan roumain et le Jardin aux films (Grădina cu Filme). Il a aussi pu être vu dans le cadre de plusieurs festivals du film (TIFF Sibiu et Oradea, Râșnov, Fălticeni – le Centenaire Monica Lovinescu) ainsi que dans des villes parcourues par la Caravane TIFF. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • L’Institut de documentation technique de Roumanie

    L’Institut de documentation technique de Roumanie

    Les institutions, généralement mal perçues mais importantes pour comprendre le passé

      

    L’histoire des institutions n’est pas toujours aussi fascinante que la grande histoire ou la petite histoire, voire même que l’histoire d’une découverte qui a changé le visage du monde. Les institutions sont généralement perçues comme des espaces froids et dépersonnalisés, où une autorité impose l’ordre et sa volonté aux citoyens. Il n’en reste pas moins que l’histoire des institutions est d’une grande importance pour connaître le passé, car autant la créativité humaine que la routine quotidienne se reflètent dans leur existence et dans leur fonctionnement. Les gens nouent des liens particuliers avec les institutions, et ces dernières sont liées dans leur esprit et par leurs fonctions à une époque particulière.

     

    1945 : le régime soviétique impose de nouvelles institutions en Roumanie

     

    En Roumanie, le régime communiste met son pied à l’étrier à partir de 1945, avec le soutien direct de l’armée d’occupation soviétique. Aussi, la Roumanie entrait dans une nouvelle ère, marquée par la destruction des institutions considérées par le nouveau régime comme bourgeoises, obsolètes, servant les intérêts des classes aisées, pour les remplacer par des institutions calquées sur le modèle soviétique. Mais le nouveau régime ne pouvait pas se passer aussi facilement de tous les professionnels compétents qui avaient travaillé pour l’ancien régime, et notamment des ingénieurs, indispensables pour la mise sur pied de la nouvelle économie centralisée dirigée par le parti communiste. Alors qu’une partie de l’ancienne élite technique roumaine avait été jetée en prison pour des raisons idéologiques, les survivants tentaient tant bien que mal de faire face aux exigences idéologiques du nouveau régime.

     

    Les débuts de l’Institut de documentation technique de Roumanie

     

    L’Institut de documentation technique de Roumanie, fondé en 1949, avait pour tâche de collecter les informations et d’élaborer des synthèses liées à l’état du développement technologique du pays.

     

    A la tête de l’institution à ses débuts, l’ingénieur Gheorghe Anghel se rappelait dans une interview de 2003 et conservée par le Centre d’Histoire Orale de la Radiodiffusion Roumaine, de cette première période.

     

    Gheorghe Anghel : « L’Institut de documentation technique de Roumanie est devenu l’un des meilleurs instituts de documentation et d’information des pays socialistes. Des spécialistes de l’étranger nous rendaient régulièrement visite pour prendre de la graine, pour voir comment l’on organisait notre activité en Roumanie. L’Institut comptait à l’époque 24 bureaux d’information-documentation, répartis par branche et par domaine, et spécialisés dans la promotion des innovations techniques dans leur domaine de compétence. »

     

    La principale source d’information technique à destination des ingénieurs

     

     Situé au centre de Bucarest, sur la célèbre artère Calea Victoriei, l’Institut de documentation technique de Roumanie était la principale source d’information technique à destination des ingénieurs notamment. Sa création avait été inspirée par un institut soviétique aux objectifs similaires. Doté d’un impressionnant fonds de livres techniques et d’importantes collections de revues spécialisées, d’une salle de lecture généreuse, l’institut accueillait tous ceux qui souhaitaient rester connectés aux dernières nouveautés de leur domaine. Sa mission était de recueillir et de centraliser l’ensemble des connaissances techniques au niveau de chaque branche et domaine d’activité, s’appuyant dans sa mission sur les 24 bureaux d’information-documentation.

     

    Gheorghe Anghel : « La mission de l’Institut et de ses bureaux était plutôt complexe. Elle ne se limitait pas seulement à la réception de livres et de revues spécialisés, il fallait encore classer et promouvoir l’information contenue dans ces sources d’information. Au sein de l’Institut, des services spécialisés s’employaient de rendre accessible l’information recueillie, en signalant l’existence du contenu des revues existantes, en photocopiant leurs résumés, en les organisant en plusieurs collections, qui étaient distribuées sur base d’abonnement aux principaux intéressés. L’on traitait l’information contenue, on la classait, on la rendait disponible. »  

      

    Une institution qui n’a pas échappé à la censure

     

              L’institut constituait donc une véritable mine d’information destinée aux ingénieurs et aux autres spécialistes travaillant dans les différents domaines de l’industrie. Mais la censure du régime n’était pas moins présente qu’ailleurs.

     

    Gheorghe Anghel : « Certaines publications bénéficiaient d’un régime spécial. Elles n’étaient pas accessibles en salle de lecture. Il s’agissait des publications qui pouvaient contenir divers articles moins conformes à la politique du parti. Il fallait donc disposer d’un droit d’accès spécifique et accéder à une salle de lecture fermée aux autres où ce type de publications était conservé. Je me souviens ainsi d’un livre en anglais qui traitait de ce mystérieux phénomène survenu dans l’Oural. Pour étayer la thèse d’une catastrophe atomique masquée par le régime soviétique, l’auteur s’appuyait sur des documents publiés en l’URSS, dans des revues spécialisées. À cette époque, l’accès libre à ce type d’information était totalement impensable. »

      

    La fin de l’Institut de documentation technique

     

    Au fil des ans l’institut se bâtit une solide réputation, comptant dans ses rangs plusieurs centaines de documentaristes spécialisés en langues étrangères et organisant des colloques et des conférences internationales. En 1974 pourtant, Elena Ceaușescu, épouse de Nicolae Ceaușescu et présidente du Conseil national des sciences et de la technologie, décide de rationaliser l’activité de l’institut et réduit le nombre d’employés à 160. Dans les années 1980, à cause de la crise généralisée que traversait la société roumaine et des coupes sombres opérées par le pouvoir dans les acquisitions des publications payées en devises étrangères, l’activité de l’institut dégringole. Une descente aux enfers qui ne finira qu’avec le renversement du pouvoir communiste, fin 1989. (Trad. Ionut Jugureanu)

     

     

  • Un documentaire sur le passé communiste des Roumains

    Un documentaire sur le passé communiste des Roumains

    A 24 ans, Manon Orsi visite pour la
    deuxième fois la Roumanie, un pays qui fera l’objet d’un documentaire qu’elle
    prépare dans le cadre d’un Master spécialisé dans la vidéo. Après trois ans d’études
    à la Faculté de Beaux-arts de Valence, avec une mention Arts, Manon décide de s’aventurer
    sur le chemin des arts visuels pour le journalisme. Elle change donc de région
    et elle opte pour un master à Lorient dans le cadre duquel elle veut réaliser
    un film documentaire sur le passé communiste des Roumains. Pour apprendre davantage
    sur son projet, j’ai invité Manon dans le studio de RRI.

  • Il y a 34 ans, les Roumains luttaient pour la liberté

    Il y a 34 ans, les Roumains luttaient pour la liberté

    Cela fait 34 ans déjà, que chaque décembre, en Roumanie, les préparatifs pour Noël coïncident avec la commémoration des héros de la Révolution anticommuniste roumaine de décembre 1989.

    Rappelons-le, la Roumanie a été le seul pays du bloc communiste où le changement de régime s’est réalisé par la violence. C’est également le seul pays ex-communiste où, le dernier dictateur communiste, Nicolae Ceausescu, a été exécuté. Somme toute, lors des évènements de décembre 1989, un millier de personnes ont été tuées et 3000 ont été blessées, durant les combats de rue qui ont eu lieu avant mais aussi et surtout après la fuite de l’ex-dictateur communiste depuis toit du Comité Central de Bucarest, un moment considéré par le grand public comme la fin de son régime. Depuis, chaque année, les responsables de l’Etat et les participants à ces événements font un véritable pèlerinage aux endroits emblématiques de la Révolution anticommuniste roumaine. Cette année, les commémorations ont été plus discrètes que celles des années précédentes.

    Néanmoins, les débats entre historiens, experts militaires, spécialistes en droit et participants aux événements de 1989 ont repris avec presque les mêmes questions : ce fut une Révolution ou un coup d’Etat ? Qui a renversé effectivement le régime ? Qui a eu le rôle déterminant : l’armée et les forces de répression qui ont décidé de ne plus défendre Ceausescu ou l’héroïsme des révolutionnaires ? Ce furent les Roumains à renverser le régime ou bien celui-ci fut l’œuvre des services secrets étrangers ? Qui a tué les Roumains descendus dans la rue pour crier « Liberté ! » ? Autant de questions qui refont surface presque chaque année en décembre en Roumanie.

    16 décembre 1989 – Une révolte populaire éclate à Timisoara


    Normalement, les cérémonies démarrent le 16 décembre à Timisoara. De nombreux événements en lien avec la Révolution se sont déroulés cette année à dans cette ville martyre de l’ouest de la Roumanie : expositions, projections de films, débats, marches le long de l’itinéraire des révolutionnaires et la liste n’est pas terminée. Et pour cause.

    C‘était le 16 décembre 1989, à Timisoara qu’une manifestation de solidarité avec le pasteur réformé Lazslo Tökes, qui allait être évacué de sa maison, s’est transformée en une révolte populaire.

    Le prêtre était ainsi puni par les autorités pour ses commentaires critiques à l’adresse du régime dans les médias internationaux. Aux quelques fidèles rassemblés devant sa maison sont venus s’ajouter des dizaines, puis des centaines d’habitants de la ville qui ont crié pour la première fois « A bas Ceausescu ! ». Les manifs s’amplifièrent dans les jours à venir, tout comme les heurts entre les forces de l’ordre – milice, troupes anti-émeute, Securitate et armée – et les protestataires. Une présence militaire massive fut mise en place à Timisoara et des centaines de personnes furent blessées et même tuées par balles les 17, 18 et 19 décembre.

    Le 20 décembre 1989 – Timisoara devient première ville roumaine libérée du communisme


    Puis, le 20 décembre, une centaine de milliers de protestataires se sont installés Place de l’Opéra, toujours à Timisoara, pour proclamer des slogans anticommunistes. Face à une telle présence massive des protestataires et vu l’incapacité du régime de rallier à ses côtés les ouvriers des usines de la ville, les forces de l’ordre se retirent et Timisoara devient première ville roumaine libérée du communisme.

    Face à cette défaite évidente, Nicolae Ceausescu demanda l’organisation d’un grand rassemblement populaire à Bucarest sur la place devant le siège du Comité central du Parti communiste roumain pour montrer justement la popularité de son régime, qui fut diffusé en direct par la télévision.

    Normalement ces rassemblements étaient préparés plusieurs mois d’avance. Après quelques minutes le discours du dictateur fut interrompu par un événement très controversé, un moment qui a suscité d’amples débats entre historiens de nos jours encore. Des pétards se firent entendre et les hauts parleurs commencèrent à diffuser un enregistrement étrange, des hurlements. La foule effrayée commença à courir vers les sorties de la place alors que Ceausescu fut obligé d’interrompre son discours, le tout en direct, à la télévision d’Etat et à la radio publique. C’est à ce moment-là que les Roumains ont eu la possibilité de voir une première faille dans le régime communiste, en voyant le visage pétrifié du dictateur Nicolae Ceausescu.

    Le bilan sanglant de la nuit du 21 au 22 décembre 1989


    De nos jours encore, les avis sont partagés au sujet de cet épisode : on a évoqué la présence de quelques révolutionnaires de Timisoara ainsi qu’une erreur de la part des organisateurs, tout comme d’autres théories plus ou moins prouvées. Jusqu’au soir les Bucarestois ont investi le centre-ville et notamment la place de l’Université et des combats avec les forces de l’ordre commencèrent. Le bilan de la répression massive déroulée dans la nuit du 21 au 22 décembre est lourd : 50 morts, 462 blessés et 1 245 personnes arrêtées. A l’aube les services de salubrité nettoyaient le centre-ville et notamment le sang coulé sur le pavé. Ce sont ces martyrs qui ont été commémorés le 21 décembre 2023 au monument érigé sur la place de l’Université.

    « Les jeunes doivent savoir que la liberté dont ils jouissent aujourd’hui a été payée par la vie de milliers de héros », a déclaré le Premier ministre Marcel Ciolacu.

    Dans un message, il a souligné que la Révolution roumaine de décembre 1989 a été le moment où l’idéal de liberté a vaincu la terreur fortement implantée au sein de la population.

    Le 22 décembre 1989 – Ceausescu perd son pouvoir de commandant suprême

    Retour en 1989 et plus précisément le 22 décembre lorsque les ouvriers de toutes les grandes usines bucarestoises descendent dans la rue et obligent les chefs de l’armée d’ordonner aux troupes de se retirer dans les casernes et Nicolae Ceausescu de quitter le Comité central à bord d’un hélicoptère. C’est à ce moment-la que Ceausescu perd son pouvoir de commandant suprême. Le vide de pouvoir est remplacé par le chef de l’armée et puis par les révolutionnaires du Conseil du Front du Salut National, organisés autour d’Ion Iliescu, qui aura plusieurs mandats présidentiels après la chute du régime. Pourtant ce n’est pas la fin des violences, puisque les combats se poursuivent et s’amplifient le 23 décembre. Certains chercheurs affirment que ces combats s’étaient déroulés entre les révolutionnaires et l’armée, d’un côté, et les fidèles de l’ancien régime, agents de la Securitate appelés génériquement « terroristes » de l’autre. Mais selon les procureurs qui s’occupent encore du dossier de la Révolution, tous les événements qui se sont enchainés après la fuite du couple dictatorial auraient fait partie d’un plan concerté visant à faire des victimes afin de conférer davantage de légitimité au nouveau pouvoir.

    Le 24 décembre 1989 – La révolution se répand dans tout le pays


    Le 24 décembre, Bucarest et presque toutes les autres grandes villes roumaines sont en guerre. D’ailleurs la plupart des décès ont été enregistrés après la fuite de Nicolae Ceausescu le 22 décembre. Le couple dictatorial Elena et Nicolae Ceausescu est capturé, jugé dans le cadre d’un procès sommaire et exécuté le jour de Noël à Târgoviste. Les combats s’apaisent, même si les tirs sporadiques se poursuivent jusqu’au 27 décembre. De nombreux épisodes ensanglantés ont eu lieu ces jours-là, avec plusieurs cas de tirs fratricides entre différentes forces de l’armée.

    Décembre 2023 – Le dossier de la Révolution n’est toujours pas finalisé

    Toutes les victimes de la Révolution roumaine ont fait l’objet d’un immense dossier qui a fait des aller-retours ces dernières années entre le Parquet militaire et la Haute cour de cassation et de Justice. Après 33 ans de formalités, l’instance suprême a décidé en janvier dernier qu’elle n’était pas en mesure de juger le dossier, puisque Ion Iliescu, le principal accusé n’était pas chef de l’Etat au moment des faits. Le dossier fut renvoyé à la Cour d’appel qui a décidé que les personnes inculpées peuvent être poursuivis en Justice. Selon les procureurs, « le groupe autour d’Ion Iliescu, ex-membre de la nomenklatura communiste, avait agi avec habileté et efficacité dans ses efforts d’accaparer le pouvoir politique et militaire en décembre 1989 ». Conformément aux procureurs, tout le territoire de la Roumanie a été la scène d’une ample, systémique et complexe action militaire de désinformation et de manipulation, unique dans l’histoire nationale. Ces faits ont eu comme conséquence la psychose du terrorisme qui a été semée et amplifiée au point de causer la mort d’un nombre important de personnesLa théorie des procureurs suscite toujours des débats parmi les historiens et les chercheurs. Certains la soutiennent, d’autres la contestent. D’autres encore arrivent à changer d’avis en parcourant de nouvelles preuves et témoignages qui apparaissent toujours plus de 30 après les faits.

    Le début de la transition démocratique

    Somme toute, les événements de 1989 ont mené à un changement radical de la Roumanie, qui s’est engagée à partir de ce moment sur le long chemin de la transition démocratique. « Défendre la démocratie quotidiennement est la meilleure manière d’honorer la mémoire de ceux qui ont rêvé d’une Roumanie européenne, de par ses valeurs et sa prospérité, et ont souffert pour cet idéal. N’oublions jamais le sang versé à la Révolutions en honorons toujours le sacrifice fait au nom de la liberté ! » a posté sur Facebook ce 22 décembre le président roumain, Klaus Iohannis. Des paroles particulièrement importantes alors que selon les sondages, près de la moitié de Roumains ont actuellement une bonne opinion sur le régime communiste et que l’année prochaine la Roumanie organisera toutes les élections possibles.

  • 22.12.2023 (mise à jour)

    22.12.2023 (mise à jour)

    Révolution –
    Le 22 décembre c’est la Journée de la Victoire de la Révolution Roumaine. C’est
    le 22 décembre 1989 que les manifestations déclenchées quelques jours
    auparavant, à Timisoara, dans l’ouest, et continuées dans plusieurs autres
    villes à travers le pays, dont la capitale, Bucarest, ont porté leurs fruit,
    causant la fuite du couple dictatorial des Ceausescu. Somme toute 1 166
    personnes ont perdu la vie lors des événements sanglants de décembre 1989 et
    plusieurs milliers ont été blessées. A la mémoire des héros de la révolution,
    de nombreuses cérémonies sont organisées ces jours-ci partout en Roumanie.

    Banque centrale moldave – L’économiste roumaine Anca Dragu a été désignée gouverneur de la Banque centrale de la République de Moldova pour les 7 prochaines années, conformément à un projet adopté vendredi par le Parlement de Chisinau, avec 58 voix. Les députés ont remarqué qu’Anca Dragu avait une expérience importante dans le secteur financier-bancaire et dans les politiques publiques et d’adhésion à l’UE. Elle a travaillé pour plus de 15 ans dans le cadre de la Banque centrale de Roumanie et au sein du Fonds monétaire international, avant d’être ministre des finances du gouvernement de Bucarest de novembre 2015 à janvier 2017. En 2020 elle a été présidente du Sénat de Roumanie et actuellement elle est élue nationale de l’USR.

    Avion – A partir de juin prochain et après une pause de 20 ans, les Roumains pourront voyager à nouveau en avion vers les Etats Unis sans escale, depuis Bucarest. Les billets d’avion ont déjà été mis en vente, après que la compagnie qui opérera les vols a reçu l’autorisation de la part du Département des Transports des Etats Unis. Les vols reliant l’aéroport « Henri Coanda » de Bucarest au principal aéroport newyorkais « John F. Kennedy » se réaliseront avec un avion Airbus 330/200 quatre fois par semaine, les lundis, mercredis, vendredis et samedis. Pour arriver sans escale aux Etats-Unis, les voyageurs compteront un peu plus de 10 heures de voyage. Le premier vol est prévu pour le 7 juin 2024.

    Corruption – Le général à la retraité Florin Mihalache, ex-adjoint au directeur du Service de télécommunications spéciales de Roumanie de 2001 à 2005 a été condamné par le Tribunal de Bucarest à 3 ans et 8 mois de prison ferme pour trafic d’influence, blanchiment d’argent et faux dans des écrits sous seing privé. La décision n’est pas définitive et pourrait être attaquée par un appel. Mihalache a été déféré à la Justice en mai 2022, accusé d’avoir demandé à l’administrateur d’une société d’abord un véhicule de luxe, puis sa valeur, soit 75 000 euros, afin d’exercer l’influence qu’il a laissé entendre avoir sur un autre homme d’affaires, avec lequel l’administrateur avait plusieurs litiges commerciaux, afin de pouvoir les éteindre. Afin de dissimuler la source de l’argent qu’il aurait du recevoir pour ses services, l’inculpé aurait conclu avec l’administrateur un contrat fictif de prêt. Et pourtant, le tout a été dévoilé à la Direction nationale antiterroriste et lorsque l’ex-adjoint du chef du Service de télécommunications spéciales a reçu le pot de vin, les procureurs ont constaté qu’un fait de corruption avait eu lieu.

    Ukraine – L’armée ukrainienne a abattu 24 sur les 28 drones d’attaque Shahed lancés dans la nuit de jeudi à vendredi par les troupes russes d’invasion ont annoncé vendredi des responsables militaires de Kiev. Les drones de fabrication iranienne ont été abattus dans le centre, le sud et l’ouest de l’Ukraine. Au moins deux personnes ont été blessées à Kiev. Ce fut la sixième attaque de ce genre en décembre contre la capitale ukrainienne. Un drone a frappé un immeuble du quartier Solomianski, dans le sud de la ville et a déclenché un incendie aux étages supérieurs. Le commandement militaire du sud de l’Ukraine a déclaré qu’une installation d’infrastructure de la région de Mikholaiv a été frappée et que des fragments de drone abattu ont endommagé un dépôt de céréales de la région d’Odessa. Egalement aujourd’hui les Forces armées ukrainiennes ont annoncé avoir abattu trois avions de combat russes Su 34 dans le sud de l’Ukraine, près de la Crimée.

    Météo – Le vent est plus fort en cette fin de semaine en Roumanie, avec des rafales qui pourraient atteindre les 60 km/h, voire les 100 km/h en montagne, voire plus à plus de 1500 m d’altitude. Le ciel est plutôt couvert et des précipitations sont signalées sur de nombreuses régions. Il neige à la montagne et les tempêtes de neige sont signalées en altitude. Le mercure des thermomètres ne devrait pas dépasser les 8 degrés à Bucarest samedi. Pourtant la météo devrait s’adoucir dimanche et les températures dépasseront largement les moyennes pluriannuelles.

  • Timișoara, 34 ans après

    Timișoara, 34 ans après

    Les années ’80 du siècle dernier ont été parmi les plus sombres de l’histoire de la Roumanie. Au pouvoir depuis un quart de siècle, déjà septuagénaire, le dictateur communiste Nicolae Ceaușescu était l’objet d’un infatigable culte de la personnalité. Ses poètes de cour l’appelaient génie alors que pour les propagandistes de l’appareil du parti unique il était le grand timonier d’un pays heureux et riche, qu’il mène vers le rêve d’or de l’Humanité, soit le communisme. Les quelques heures d’émission de la télévision d’Etat lui étaient presque entièrement réservées, et la radio et les journaux, strictement contrôlés par le régime, rivalisaient, à leur tour, dans des dithyrambes adressés au secrétaire général du parti.

    Un contexte difficile

    Parallèlement à ce théâtre délirant au sommet du régime, le pays traversait une crise économique grave et souffrait du froid, de la faim et de la peur. Les Rouamins grelottaient dans leurs immeubles, dans les écoles et les théâtres qui n’étaient pas chauffés pendant tout l’hiver. Il n’y avait presque rien à trouver dans les épiceries. D’ailleurs, presque personne ne protestait, car la police politique du régime, la Securitate, avait créé un terrifiant mythe d’omniprésence, d’omniscience et d’omnipotence. Dans ce contexte, au milieu des changements promus à Moscou par le dernier dirigeant soviétique, le réformateur Mikhaïl Gorbatchev, le reste des dictatures communistes s’effondraient une après l’autre, du nord, à commencer par la République démocratique allemande, et jusqu’au sud, en Bulgarie voisine de la Roumanie.

    Le déclenchement de la Révolution

    Ce ne fut qu’en décembre 1989 que la vague du changement a atteint la Roumanie aussi, à Timişoara (dans l’ouest de la Roumanie). C’était une ville multiethnique, située à proximité tant de la Hongrie, le pays qui avait selon l’opinion générale une des meilleures situations du bloc communiste, que de la Yougoslavie, pays qui ne se trouvait plus – depuis des décennies déjà – dans le collimateur de l’Union Soviétique. Le soutien au pasteur réformé hongrois Laszlo Tokes, qui était surveille par la Securitate et qui devait être expulsé de la ville, s’est transformé, le 15 décembre, en une véritable révolte contre la dictature communiste. Quelle que soit leur ethnie ou leur confession, de plus en plus de personnes se sont ralliées au mouvement de protestation.

    L’appareil de répression a brutalement réagi par des tirs contre les manifestants

    Pendant plusieurs jours, les autorités ont tué plus d’une centaine de personnes et ont grièvement blessé plusieurs centaines d’autres. Enfin le 20 décembre, l’armée a refusé de tuer les Roumains est elle s’est retirée dans les casernes. Timisoara est devenue la première ville du pays libre du communisme.La révolte s’est étendue rapidement vers d’autres grandes villes pour culminer, le 22 décembre, à Bucarest, par la fuite de Nicolae Ceaușescu à bord d’un hélicoptère qui décollait du siège du comité central du parti. Capturés et jugés brièvement, Nicolae Ceaușescu et son épouse Elena ont été exécutés le 25 décembre. Même après leur fuite, au milieu de la confusion délibérément entretenue par le nouveau pouvoir – un mélange de révolutionnaires authentiques et d’apparatchiks communistes de second ordre – un millier de personnes ont été tuées pendant la Révolution en Roumanie. La Roumanie est le seul pays d’Europe de l’Est où le changement de régime s’est produit par la violence.

  • La soviétisation de l’Académie roumaine

    La soviétisation de l’Académie roumaine


    L’instauration du régime communiste en Roumanie

    A la fin de la
    Seconde guerre mondiale, l’URSS n’a eu de cesse avant d’installer au pouvoir
    des partis frères dans tous les pays occupés ou, selon la propagande soviétique,
    libérés par l’Armée rouge. Ce processus de soviétisation du système politique,
    judiciaire et administratif d’abord, économique ensuite, ne s’était pas fait
    sans heurts et sans l’action répressive de la police politique et des organes du
    parti communiste.


    L’une
    des premières institutions culturelles roumaines visées par la soviétisation a
    été la prestigieuse institution de l’Académie roumaine, fondée en 1866.

    Pendant
    ses plus de 80 années d’existence, l’Académie avait compté dans ses rangs les
    plus prestigieux scientifiques roumains et étrangers. Mais le régime installé
    le 6 mars 1945 n’hésitera pas à mettre brutalement un terme à cette belle histoire,
    l’Académie roumaine étant supprimée le 9 juin 1948 par décret du Conseil des
    ministres, laissant la place à une nouvelle institution asservie au pouvoir :
    l’Académie de la République populaire de Roumaine, devenue plus tard l’Académie
    de la République socialiste de Roumanie. Les anciens académiciens déchus souffriront
    les affres des persécutions politiques. De la vieille garde, 33 membres, qui
    avaient occupé la dignité de ministre avant 1945, seront jetés en prison. La
    plupart, une vingtaine, se verront embastillés dans le pénitentiaire de Sighetu
    Marmației, dans le nord de la Transylvanie, surnommé la « prison des
    ministres ». Six y laisseront leur vie.

    L’académicien Alexandru Lapedatu se donne la mort



    Andrea
    Dobeș, chercheur au Mémorial des victimes du communisme et de la résistance,
    érigé après 1989 dans le pénitentiaire de Sighet s’est penchée sur le sort de l’académicien
    Alexandru Lapedatu qui, rongé par sa maladie gastrique et en l’absence des
    soins, se donne la mort le 30 août 1950, à l’âge de 73 ans.

    Andrea Dobes : « Alexandru
    Lapedatu avait été retenu dans la nuit de 5 à 6 mai 1950,
    lors d’une perquisition domiciliaire. Les enquêteurs lui avaient confisqué 3 calepins,
    un traité sur l’histoire des Etats-Unis, un certain montant en espèces, une
    montre, deux paires de lunettes, d’autres affaires personnelles. Parmi les
    objets confisqués par les enquêteurs, aucun ne pourrait présenter un quelconque
    intérêt réel pour la Securitate ou les enquêteurs du régime. Mais le régime
    avait dressé la liste des personnes qu’il comptait arrêter, dont tous les
    anciens dignitaires, les anciens ministres qui avaient exercé leurs fonctions
    entre 1918 et 1945. A l’endroit du nom de l’historien il y avait cette mention :
    bien qu’il n’ait constitué pas une menace et qu’il n’ait déployé aucune activité
    d’opposition, il était connu pour être un adversaire résolu du régime
    communiste. Voilà une tête d’accusation pas si inédite que cela dans l’époque. »



    Le sort tragique de l’économiste Gheorghe Tașcă



    Gheorghe Tașcă, économiste
    et professeur des universités, ministre du Commerce en 1932 et membre de l’Académie
    roumaine, avait subi le même sort.

    Andrea Dobes : « Lorsqu’il
    a été arrêté, dans la même nuit du 5/6 mai 1950, Gheorghe Tașcă était âgé de 75
    ans. Il est déposé à Sighet le lendemain. Il meurt dix mois plus tard, le 12
    mars 1951, à cause de terribles conditions de détention subies. L’historien Constantin
    Giurescu, incarcéré à Sighet pendant un peu plus de 5 années et qui est parvenu
    à rédiger ses mémoires, pense qu’il est achevé par une pneumonie, au bout d’une
    souffrance interminable. L’ancien juriste Alexandru Popescu-Necșești, lui aussi
    emprisonné à Sighet pendant cette période, parle lui aussi des râles qui lui
    parvenaient la nuit depuis la cellule de Gheorghe Tasca ».



    La mort mystérieuse de Gheorghe Brătianu



    Gheorghe
    Brătianu, célèbre byzantiniste et ancien ministre, membre de l’Académie
    roumaine, meurt lui aussi dans des conditions non élucidées jusqu’à ce jour, à
    55 ans, en 1953, dans la même prison politique de Sighet.

    Andrea Dobeș nous
    rappelle la mémoire du célèbre historien : « Gheorghe
    Brătianu avait été violemment attaqué par la presse communiste dès 1944. Aussi,
    le 15 août 1947, prétextant de la nécessité d’assurer sa sécurité, le régime
    lui impose un régime d’arrêt à domicile dans sa résidence bucarestoise, où il
    est surveillé nuit et jour. Il sera finalement arrêté le 6 mai 1950, et convoyé
    au pénitentiaire de Sighet le lendemain. Le même Constantin Giurescu rappelle
    dans ses mémoires les derniers jours de la vie de Bratianu, ainsi qu’un
    événement qui aurait pu constituer la cause de sa mort. En effet, pendant que
    Gheorghe Bratianu était dans la cour de promenade, Giurescu entend le bruit
    sourd d’un coup de poing. Un bruit qui se répète, suivi d’une suite de jurons, alors
    que Gheorghe Bratianu était accompagné dans sa cellule. L’évêque Ioan Ploscaru raconte
    pour sa part la manière dont les bourreaux avaient forcé le byzantiniste de ramasser
    le fumier des cochons, les mains nues, la veille de sa mort. »


    Le leader politique Iuliu Maniu, condamné à mort



    Mais
    le seul membre de l’Académie roumaine qui fut formellement condamné, fut-ce à l’issue
    d’un simulacre de procès, a été le leader national-paysan, Iuliu Maniu. Le
    futur cardinal Alexandru Todea lui donna dans la prison, sur son lit de mort, l’extrême-onction.

    Andrea Dobeș : « Iuliu
    Maniu fut condamné à la prison à vie le 11 novembre 1947 prétendument pour haute
    trahison. Son procès eut lieu devant un jury populaire à Bucarest, à l’Ecole de
    guerre. Une fois condamné, il fut transféré à Galati puis, le 16 août 1951, à
    Sighet. A 80 ans, affaibli, le grand homme d’Etat n’était plus que l’ombre de
    lui-même. L’homme de presse et secrétaire général du parti national-paysan, Nicolae
    Carandino, avec lequel Iuliu Maniu partagea sa cellule, pris soin de lui
    pendant les derniers moments de sa vie. »



    Même
    parmi ceux qui ne finirent pas leur vie en prison des membres déchus de l’Académie
    roumaine, la plupart ont mené une vie de misère et de déchéance. Surveillés par
    la police politique, harcelés par le régime communiste, arrêtés et enquêtés,
    interdits des bibliothèques et éloignés de l’enseignement, ils bénéficièrent d’une
    réhabilitation tardive, après la chute du régime communiste, lorsqu’ils réintégreront,
    à titre posthume, l’Académie roumaine. (Trad.
    Ionut Jugureanu)



  • Les Exportés, de Sonia Devillers

    Les Exportés, de Sonia Devillers

    Journaliste sur France Inter, Sonia Devillers était
    présente à Bucarest du 8 au 10 décembre dernier, pour lancer dans le cadre du
    Salon du livre Gaudeamus, son premier ouvrage, « Les Exportés », paru
    en août 2022, chez Flammarion. Une histoire vraie et d’autant plus fascinante, sur
    la vente par l’Etat roumain communiste des Juifs de Roumanie, parmi lesquels plusieurs
    membres de sa famille. Tels des marchandises, sa mère, sa tante, ses
    grands-parents et son arrière-grand-mère ont été « exportés ». A
    partir d’une liste sur laquelle elle a retrouvé les noms de ses grands-parents,
    Sonia Devillers a reconstitué entre les pages d’un livre un parcours qui a
    fasciné Charlotte Fromenteaud, journaliste RRI et libraire chez Kyralina.

  • Le club de football Rapid de Bucarest

    Le club de football Rapid de Bucarest

    Rapid Bucarest est sans doute le
    club de football de première division qui peut se targuer d’une existence aussi longue
    que riche. Fondé il y a cent ans, en 1923, le club a longtemps joui d’une notoriété
    sans pareil, due autant à ses origines populaires, ouvrières, qu’au fait d’avoir
    survécu à l’arrivée des communistes au pouvoir, en 1945, lorsque bon nombre de
    clubs de tradition sont passés à la trappe. Mieux encore,
    cette équipe populaire a peu bénéficié des faveurs du régime honni, la famille
    Ceausescu et les caciques du régime privilégiant plus volontiers les clubs de Steaua
    ou de Dinamo de Bucarest, les deux fondés après 1945, et qui se trouvaient dans
    le giron du ministère de la Défense, respectivement de l’Intérieur. Pourtant,
    dans ses cent années d’existence, le Club de foot Rapid de Bucarest est malgré
    tout, parvenu à remporter à 3 reprises le championnat, 13 fois la Coupe de
    Roumanie, et 4 fois le Trophée des champions. Au plan international, il est arrivé dans les quarts de finale de la coupe UEFA de la saison 2005-2006,
    remportant à 2 reprises la Coupe des Balkans des clubs.


    L’histoire
    du club démarre en 1923, lorsque les cheminots bucarestois des Ateliers Grivita
    parviennent à convaincre le patronat de subventionner la création d’une équipe
    de foot. L’historien Pompiliu Constantin, auteur de l’ouvrage « Rapid și
    rapidismul », soit « Le club de foot Rapid et ses supporters » en traduction
    française, parle de cette double naissance du club : le 11 et le 25 juin 1923,
    selon les sources. Quoi qu’il en soit, le mois de juin de l’année 1923 allait
    voir la naissance de CFR Bucarest, un club de foot qui sera aimé, adoré, porté
    aux nues par des générations d’habitants du quartier populaire de Giulești, par
    des générations de cheminots, avec leurs gosses. Au milieu des années 1930, le CFR
    Bucarest change de titulature pour devenir le club de foot Rapid, qui adopte
    du coup sa bannière blanc-bordeaux. Le club établit d’abord ses quartiers en
    louant le stade d’ONEF, avant d’avoir, à partir de 1936 son propre stade, érigé
    dans son quartier d’élection, le quartier Giulesti, de Bucarest. Sous la
    pression des communistes, le club change à nouveau de nom en 1944, pour
    redevenir « le CFR club », ensuite « La Locomotive », avant
    de recouvrir la titulature qui l’avait consacrée, FC Rapid, en 1958.

    Un
    club de tradition certes, mais aussi un club extrêmement populaire. Sur les
    raisons de cet amour qui a défié le temps se penche l’historien Pompiliu
    Constantin :


    « La
    fin des années 30 marque la fin de certains club nés dans la période de l’entre deux guerres
    : Carmen, Macabi, Venus. Dans
    ce contexte, bon nombre de leurs supporters deviennent des inconditionnels du
    FC Rapid. Et la popularité du club ne fait que monter. Des articles sportifs des
    années 50 estimaient à près d’un million le nombre de ses supporters. Pourtant,
    dans la période de l’entre-deux-guerres, d’autres équipes, telles Venus et
    Ripensia étaient plébiscitées par les amateurs du ballon rond. Mais les choses
    changent avec la guerre et avec l’arrivée des communistes au pouvoi
    r ».


    Aussi,
    après 1945 le FC Rapid devient la coqueluche des classes populaires amatrice du
    jeu au ballon rond. Pompiliu Constantin :


    « A
    ce moment, le FC Rapid devient le chouchou incontesté du public, sans aucun
    doute. Le régime communiste avait besoin de cette vitrine du sport de masses, issue
    du monde ouvrier, de cet ouvrier vaillant, sportif, optimiste et efficace.
    Certains caciques du régime communiste des années 50 soutiennent ouvertement le
    club. Bien que cheminot à l’origine, le secrétaire-général du parti, Gheorghe
    Gheorghiu-Dej, s’était tenu à l’écart des passions du stade. Mais d’autres
    pontes du régime, tel Gheorghe Apostol, deviennent des inconditionnels de l’équipe
    de Giulesti, jusqu’à essayer de contourner le règlement, et tenter de maintenir
    l’équipe lorsqu’elle rétrograde en seconde division parce que… trop populaire.
    Le piston politique ne suffira pas pour lui faire éviter la déchéance, une
    déchéance brève pourtant, car elle revient la saison suivante en Ligue 1. »


    Les rivaux
    d’autrefois, tels les clubs de foot le Venus et le Progrès de Bucarest, le Ripensia
    de Timișoara, ou encore le FC Petrolul de Ploiești se débattaient dans l’anonymat.
    Les nouvelles étoiles montantes du régime, la Steaua de Bucarest et le Dinamo
    de la même ville, finissent pourtant par avoir raison de la vieille dame du
    quartier Giulesti. Ces nouvelles venues, fer de lance de l’identité répressive
    du régime, car porte-drapeaux sportifs des ministères communistes de la Défense
    et de l’Intérieur, peinent à faire l’unanimité au sein des amoureux du ballon
    rond. Les tribunes du stade de Giulesti tonnent parfois, au grand dam de la
    Securitate, la police politique du régime, des slogans anti-communistes. Pompiliu
    Constantin croit pourtant qu’il ne s’agissait pas tant d’un anti-communisme viscéral
    des supporters rapidistes, mais plutôt des manifestations de joie ou de dépit
    conjoncturelles, au gré des victoires et des défaites de FC Rapid contre les
    équipes de Steaua ou de Dinamo. Pompiliu Constantin :


    « Cette
    période est marquée par l’apparition d’un esprit de corps des tifosis de Rapid,
    agencés autour du rejet du système. Les performances de l’équipe n’étaient plus
    au rendez-vous, elle était souvent reléguée dans les bas-fonds du classement en
    Ligue 1, parfois en National 2. Les tifosis mettent la mauvaise performance de
    leurs préférés sur le compte des magouilles dirigées dans les sphères raréfiées
    du pouvoir communiste. Et en réalité, ce n’est pas tout à fait faux. Beaucoup
    de matchs sont décidés par les caciques du régime, par la famille Ceausescu,
    derrière les portes fermées. Cela, les supporters l’apprennent d’une manière ou
    d’une autre. Et de là jusqu’aux slogans anticommunistes que l’on pouvait
    entendre de manière récurrente dans les tribunes du stade dans les années 80, notamment
    lors des matchs contre les équipes de Steaua ou de Dinamo, il n’y avait qu’un
    pas
    . »


    A
    cent ans depuis sa création, le football club Rapid de Bucarest caracole encore
    vers le podium de la première division et semble regarder l’avenir avec sérénité. (Trad
    Ionut Jugureanu)

  • “Si je dois trahir”, de Ruta Sepetysse

    “Si je dois trahir”, de Ruta Sepetysse

    Née d’un père réfugié lituanien
    et emprisonné huit ans dans un goulag, l’autrice americano-lituanienne Ruta Sepetysse fait
    un point d’honneur à faire revivre des épisodes dramatiques de l’histoire dans
    des livres écrits pour des adolescents, mais que tout le monde devrait lire.
    C’est la raison qui a poussé Mathieu Fabre, libraire chez Kyralina, à faire du roman
    « Si je dois trahir » son coup de cœur en cette semaine. Restez avec
    nous pour plus de détails.

  • Opération villages roumains

    Opération villages roumains


    Vers la fin des années 80, le régime communiste roumain dirigé par Nicolae
    Ceaușescu s’était donné pour mission de transformer de fond en comble le plan d’aménagement
    du territoire du pays, selon un plan dit de « systématisation des villages
    roumains ». Cette politique visait notamment une mise en coupe réglée du monde
    rural par la destruction de l’habitat traditionnel. De 7 à 8.000 villages
    étaient voués à disparaître à terme, sur les 13.000 que la Roumanie comptait à l’époque,
    et tout cela pour un motif des plus fallacieux : augmenter la superficie
    cultivable du pays, et accroître de la sorte la production agricole. Quant aux
    villes, elles étaient loin d’échapper à la folie destructrice du « Grand leader
    », qui semblait être devenu fou. En effet, des quartiers entiers étaient voués
    à la destruction, pour laisser place nette à la mise en place de la vision
    urbanistique d’inspiration nord-coréenne de Nicolae Ceausescu. La capitale,
    Bucarest, n’était pas en reste, devenant la première victime du projet
    pharaonique. Et ce projet fou prenait corps dans un pays paralysé par l’hyper
    centralisme économique, et gangréné par la pénurie devenue chronique des produits
    de base et des biens de consommation.


    Dans ce contexte délétère, si les opposants internes
    potentiels, paralysés par la crainte de l’appareil répressif du régime, avaient
    du mal à faire entendre leur voix, la diaspora roumaine et l’Europe tout
    entière se sont mobilisées. C’est ainsi que fin 1988 est fondée en Belgique l’association
    Opération villages roumains, qui s’était donné pour mission la sauvegarde de quelques 13.000 villages voués à disparaître selon les plans du pouvoir en place.Le mouvement s’étend rapidement, et des filiales de l’association
    essaiment en France, aux Pays-Bas, en Suisse, en Suède, au Royaume-Uni, en Italie,
    en Espagne, en Norvège et au Danemark. La société civile européenne se lève
    comme un seul homme pour faire barrage face aux visées destructrices du régime
    Ceausescu. Trois personnalités de la diaspora roumaine, le dissident Dinu
    Zamfirescu, avocat et ancien détenu politique, l’activiste et journaliste Ariadna
    Combes, fille de la dissidente Doina Cornea, et l’historien Mihnea Berindei
    deviennent les chevilles ouvrières du mouvement. Un mouvement toutefois qui
    dépasse largement les frontières de la diaspora roumaine, car il bénéficie de l’appui
    de nombreux journalistes, photographes, avocats et architectes, notamment
    belges et français, et qui jetterons les bases de l’Opération villages roumains.


    Le dissident Dinu Zamfirescu a été interviewé en 2003
    par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine. Ancien membre du
    parti national libéral d’avant l’arrivéeau
    pouvoir des communistes, réfugié en France depuis 1975, journaliste à la
    section roumaine de la BBC, il raconte les débuts de l’Opération villages
    roumains. Ecoutons-le :


    « Cela faisait déjà deux années que
    nous alertions l’opinion publique au sujet du danger que guettait le sort des
    villages roumains. L’on rédigeait des pétitions, on en parlait, mais cela ne
    faisait pas bouger les lignes. On était trois, tous roumains d’origine : Mihnea
    Berindei, Ariadna Combes et moi. On allait de ville en ville,
    en France, puis de pays en pays, à travers l’Europe, pour parler de cette
    question ardue. Tout cela pendant deux années. Et puis, nous sommes débarqués
    en Hongrie au mois de juin 1989, à l’occasion des obsèques populaires et
    nationales organisées lors de la réinhumation de la dépouille d’Imre Nogy, et
    de celles de ses amis, assassinés par les Soviétiques après la répression de la
    révolte magyare de 1956. Ce fut un tournant. Et puis, en France, l’on
    tenait parfois jusqu’à 6 conférences en une journée. On allait dans les écoles,
    dans les forums, un peu partout. On faisait de même au Royaume-Uni, en Belgique,
    en Italie. Ariadna était allée parler en Norvège. Moi, j’avais pris mon bâton
    de pèlerin, et suis allé au Danemark. Et puis, tout doucement, l’on constate
    que la sauce commence à prendre. Nous étions de plus en plus sollicités.
    Surtout à Paris, où il y avait un centre de l’association Médecins du monde, un
    centre qui bénéficiait de l’appui du gouvernement socialiste français d’alors, et
    qui nous a beaucoup aidé. C’est grâce à leur aide que nous avions les moyens
    pour nous déplacer, pour organiser ces conférences. Nous représentions à l’époque
    la Ligue roumaine des droits de l’homme. »


    Dinu Zamfirescu avait milité pour l’arrêt des
    destructions entamées par le régime communiste roumain dirigé par Nicolae
    Ceausescu jusqu’à la fin sanglante de ce dernier, fin décembre 89. Mais les actions
    de solidarité menées par l’Opération villages roumains se poursuivront bien
    au-delà de cette date. Le village roumain, exsangue et maltraité pendant les décennies
    de communisme, avait besoin de cette bouffée d’air frais et de cet élan de
    solidarité venus d’Occident. Dinu Zamfirescu :


    « Après la chute du régime Ceausescu,
    nous avons tout de suite commencé à organiser des convois humanitaires. Le
    premier convoi, accompagné par Ariadna Combes et Mihnea Berindei a été embarqué
    au bord d’un avion militaire français, qui a atterri en Bulgarie le 26, ou le
    27 décembre. Moi, j’avais atterri à Bucarest, le 28, ou le 29 décembre 89, au
    bord du premier avion Air France qui avait pu se poser sur place. Parce que l’aéroport
    a été zone de combat durant des jours. J’étais accompagné par une journaliste
    française, membre de la Ligue roumaine des droits de l’homme, et spécialiste des
    questions roumaines. Mon père vivait encore. Je l’appelle pour l’avertir de mon
    arrivée, je ne voulais pas qu’il subisse une crise cardiaque. Ensuite,
    accompagné de cette journaliste, je vais directement chez lui. Cela faisait des
    années que je n’avais plus mis les pieds dans mon pays natal. Il y avait partout
    des points de contrôle, des barrages. Mais avec nos passeports français, on
    nous laissait passer. Les gens étaient gais, enthousiastes, euphoriques. Les
    gens, dès qu’ils apercevaient le passeport français, nous lançaient des « Vive
    l’amitiés franco-roumaine ! Vive la France ! ». C’était enivrant. »


    L’Opération villages roumains s’est érigé en un exemple
    de solidarité européenne face aux abus d’un régime totalitaire. Les villages
    roumains furent finalement préservés, s’avérant bien plus durables que le
    régime politique qui avait un moment envisagé leur destruction. L’entêtement d’une
    poignée de femmes et d’hommes a fait mouche, montrant du coup la puissance de
    la société civile confrontée à la barbarie des régimes totalitaires. (Trad. Ionut
    Jugureanu)



  • La présence américaine en Roumanie durant la seconde moitié des années 1940

    La présence américaine en Roumanie durant la seconde moitié des années 1940

    Avec l’entrée de la Roumanie dans le giron de l’Allemagne nazie fin 1940, les relations entre la Roumanie et les Etats-Unis ont connu une détérioration constante, surtout après l’entrée de la Roumanie dans la guerre contre l’URSS. Alors que les relations entre les deux pays, les Etats-Unis et la Roumanie, étaient dépourvues de points d’achoppement particuliers, le fait de se retrouver dans des camps opposés durant cette guerre ne pouvait pas ne pas les affecter.

    Pourtant, et en dépit de ces événements, les deux Etats essayent de conserver un minimum de contacts bilatéraux durant toute la guerre. Un tel exemple a constitué le camp des prisonniers américains, notamment aviateurs, établi près de la localité Geamana dans le département Arges, et dont parlait en 2004 Gheorghe M. Ionescu, américanophile et ancien membre du parti National-Paysan, au Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine :« Vous savez, il y a eu une bataille aérienne juste dans le ciel au-dessus de la commune. Des avions américains ont été abattus par les Allemands. 8 militaires américains sont malgré tout parvenus à s’échapper en parachute d’un B-26. C’était un bombardier qui comptait un équipage de 8 personnes. Sur ces huit-là, 4 étaient déjà morts lorsqu’ils avaient touché le sol, les quatre autres étaient juste blessés. Le vent les avait porté dans une forêt, près du village de Cireşu. L’alarme avait été donnée, et l’on nous a demandé d’aller les chercher. L’on prétendait que c’étaient des méchants. Je n’y suis pas allé. Les gars de sécurité civile y sont finalement allés, les militaires, les gars de la mairie. Mais les Américains sont sortis d’eux-mêmes des bois, et se sont rendus sans faire d’histoires. On les a embarqués dans deux équipages, et on les a emmenés à l’hôpital de Pitesti. C’est là qu’on les a soignés, guéris, ils en sont sortis complètement rétablis. »

    Avec un fair-play certain, ces ennemis de conjoncture que furent les anglo-américains n’ont pas hésité à reconnaître le bon traitement dont bénéficiaient les prisonniers de guerre en Roumanie. Gheorghe M. Ionescu :« Sur ses ondes, Radio Londres avait remercié nommément le docteur Nelecu, le chirurgien en chef de l’hôpital où avaient été soignés les prisonniers américains « pour les soins qu’il leur avait prodigué ». Après s’être rétablis, ces prisonniers ont rejoint le camp de prisonniers de guerre de Predeal, où là encore ils furent extrêmement bien traités. Ils tenaient des conférences, jouaient au tennis, ils étaient plutôt comme en vacances dans une station de montagne que dans un camp de prisonniers en temps de guerre. Les quatre victimes de la bataille aérienne ont été enterrées dans le cimetière de Lăceni, leurs funérailles ont été organisés dans l’église de Badea Cârstei. Ils étaient munis de leurs médaillons où il était mentionné le nom, le régiment auquel ils avaient appartenu, l’âge, enfin toutes ces données qui auraient facilité l’identification d’une personne. »

    Une semaine après le changement de régime du 23 août 1944, lorsque Bucarest avait rejoint le camp des Alliés, les Américains sont venus et ont récupéré les dépouilles, pour les amener à Oklahoma, d’où ils étaient originaires.

    Gheorghe Barbul, le secrétaire personnel du maréchal Ion Antonescu, le Duce roumain, mentionnait lors d’une interview de 1984 sur les ondes de Radio Free Europe les négociations déroulées en catimini durant la guerre entre les Roumains et les Américains, dans le dos des Allemands : « Le premier contact direct avec les Américains avait été réalisé à Stockholm par Rădulescu, le chef de cabinet de Mihai Antonescu, ministre des Affaires étrangères de l’époque. Son interlocuteur était un envoyé personnel du président Roosevelt en Europe. Ce dernier n’avait pas de qualité officielle. Le président américain n’utilisait pas les canaux diplomatiques officiels pour négocier séparément avec les alliés des Allemands, pour ne pas s’attirer les foudres des alliés. Le résultat de ces contacts avait été synthétisé par Mihai Antonescu de la manière suivante : les Américains s’inquiétaient de savoir où exactement les deux armées, soviétique et anglo-américaine, allaient faire jonction sur le sol européen. Et de fait, ce genre de raisonnement confortait le maréchal Antonescu dans son analyse qui faisait qu’en résistant le plus longtemps aux Soviétiques, la Roumanie servait les intérêts des Anglo-Américains. »

    Après la défaite de l’Allemagne nazie, la Roumanie s’est tournée vers la diplomatie américaine, seule en mesure selon elle de préserver le pays du rouleau compresseur des communistes, propulsés au pouvoir par les armées soviétiques d’occupation. Des espoirs fous se faisaient alors jour, certains nourrissant l’espoir d’un débarquement des anglo-américains dans les Balkans. Il s’agissait évidemment d’une illusion.

    Radu Campeanu, un des leaders du parti libéral, mentionnait dans une interview donnée en 2000 le peu d’influence de la diplomatie américaine dans les affaires intérieures de la Roumanie d’après-guerre : « Nicolae Penescu, secrétaire-général du parti national-paysan, m’avait raconté un épisode qui s’était déroulé fin 1944. Le parti national-paysan, par peur de la répression des communistes qui venaient de prendre le pouvoir, conservait une partie de ses archives sensibles chez un certain monsieur Melbourne, officier de liaison de la mission américaine en Roumanie. Et une fois, au café, ce Melbourne leur avait avoué : les officiels américains disposaient d’une marge de manœuvre réduite pour intervenir en Roumanie. Il fallait s’entendre avec les Soviétiques, il fallait se tourner vers eux et trouver un terrain d’entente. Et Penescu se rend ensuite chez Maniu, le président de son parti, pour rapporter les propos de Melbourne. Et vous savez quelle a été la réaction de Maniu ? Il prit sa main et lui dit : nous, on va poursuivre comme avant. C’est-à-dire sans conclure le pacte avec le diable, avec les communistes ».

    Et même si les aléas de l’histoire ont fait que la Roumanie et les Etats-Unis se soient à nouveau retrouvés dans des camps politiques opposés de 1945 à 1989, leurs relations bilatérales ont redémarré sur de meilleurs auspices une fois que la Roumanie est parvenue à se libérer de la dictature communiste et de l’influence soviétique. (Trad Ionut Jugureanu)