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  • Entretien avec l’historienne Catherine Durandin, spécialiste de la Roumanie

    Entretien avec l’historienne Catherine Durandin, spécialiste de la Roumanie

    Depuis la Révolution de 1989, qui mit fin à la dictature communiste de Nicolae Ceaușescu, la Roumanie semble sans cesse osciller entre une volonté affirmée de s’ancrer dans l’Europe occidentale et une montée en puissance des courants nationalistes et souverainistes. L’annulation récente des élections et l’arrestation du candidat à la présidentielle Călin Georgescu soulève de nombreuses questions sur l’avenir politique de la Roumanie, et plus largement sur celui de l’UE.

    Dans le contexte actuel troublé, marqué par la montée des extrêmes droites partout en Europe, par la guerre en Ukraine et par le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, il semble plus qu’urgent de s’interroger sur « ce que nous avons fait, ou au contraire n’avons pas fait » pour en arriver-là, comme le souligne notre invitée au micro de RRI, Catherine Durandin, historienne spécialiste de la Roumanie.

     

  • Les grands-parents, guides au musée

    Les grands-parents, guides au musée

    En février, les élèves roumains profitent des « vacances au ski », une période durant laquelle le Musée du Pays de Criș – Complexe Muséal d’Oradea – organise, en partenariat avec le Conseil Départemental de Bihor et sa mairie, un événement intitulé « Au musée avec les grands-parents. Guides d’un jour ». Du 18 au 23 février 2025, grands-parents et petits-enfants sont conviés à explorer l’histoire de la ville, avec une particularité : les grands-parents auront l’opportunité de jouer le rôle de guides pour leurs petits-enfants.

     

    Cristina Liana Pușcaș, docteure en histoire et muséographe au sein de la section du Musée de la Ville d’Oradea, rattachée au Musée du Pays de Criș, nous a présenté ce projet :

     

    « C’est la deuxième édition de ce programme, initié en 2023. En 2024, nous n’avons pas pu le mettre en place en raison d’un vaste projet de rénovation du musée. Nous avons réfléchi à cette initiative pendant les vacances d’hiver, sachant que de nombreux enfants n’ont pas les moyens de partir en voyage. Beaucoup restent à Oradea avec leurs grands-parents, qui peuvent se permettre de passer une journée à redécouvrir l’histoire de la ville et à partager leurs souvenirs. L’an dernier, grâce à ce projet de rénovation, nous avons aménagé de nouveaux espaces et expositions, notamment sur la période communiste. Cette époque, que les grands-parents ont vécue, leur permet d’enrichir la visite par leurs récits personnels. »

     

    Cristina Liana Pușcaș a également donné quelques précisions :

     

    « Ils peuvent, par exemple, expliquer aux enfants ce que symbolise les bibelots de poisson posés sur les téléviseurs, l’usage des bouteilles de lait, les longues files d’attente, le siphon, ou encore la lampe à pétrole qui rappelle les coupures d’électricité en soirée. Il y a aussi le téléphone à cadran. Dans l’exposition « L’enseignement d’Oradea au XXe siècle », nous avons reconstitué une salle de classe de l’époque, avec les uniformes scolaires, l’uniforme de pionnier, l’encrier, l’abécédaire et l’outil en bois pour apprendre à compter (« socotitoare »). Ces éléments aident les grands-parents à illustrer leurs souvenirs de manière concrète. Une autre exposition qui devrait captiver les enfants est « La discothèque des années 70-80 », où les grands-parents pourront raconter leur jeunesse et la vie de cette époque. »

     

    Le musée a aussi préparé des supports pour les sections plus difficiles à raconter et expliquer, comme l’a précisé Cristina Liana Pușcaș :

     

    « Bien sûr, ils ne peuvent pas tout maîtriser. Pour la Première Guerre mondiale, nous avons élaboré une fiche sur l’entrée de l’Armée Roumaine à Oradea en 1919 et sur Traian Moșoiu, héros de la libération de la ville. Concernant le quotidien sous le communisme, un flyer avec des informations et des images a été conçu pour raviver les souvenirs des grands-parents et les aider à les partager. »

     

    Nous lui avons demandé quel avait été l’impact du projet en 2023 :

     

    « En revoyant les photos de cette première édition, j’ai remarqué que les grands-parents étaient véritablement impliqués avec leurs petits-enfants. On les voyait expliquer le fonctionnement du téléphone à cadran, de la radio, du pick-up, ou encore le rôle des vinyles. Ces moments d’échange étaient précieux. Aujourd’hui, nos expositions sont encore plus riches en objets de cette époque, offrant aux grands-parents davantage de matière pour transmettre leur savoir. »

     

    Le billet d’entrée pour ce programme est fixé à 10 lei par personne (environ 2 euros) pour l’accès aux expositions de la section du Musée de la Ville d’Oradea. Situé dans la Citadelle d’Oradea, le musée propose des expositions temporaires et permanentes, parmi lesquelles : « Des églises dans un palais – recherches archéologiques au Palais Princier », l’exposition « Dépersonnalisation » de Cătălin Bădărău, ainsi que des expositions consacrées aux évêchés gréco-catholique, réformé et romano-catholique d’Oradea.

     

  • La destruction du patrimoine religieux de Bucarest

    La destruction du patrimoine religieux de Bucarest

    Le régime communiste a détruit de nombreuses églises et monastères

     

    L’histoire du patrimoine religieux de Bucarest durant le 20e siècle, surtout celle de la seconde moitié du siècle, ne fut pas des plus reluisantes. Le régime communiste fut loin d’être un allié de la religion et n’hésita pas à s’en prendre aux églises et aux monastères qui essaimaient le Bucarest d’antan. Il en fut ainsi du monastère Văcărești, le plus grand monastère orthodoxe de l’Europe de Sud-Est.

     

    L’historienne Speranța Diaconescu ancienne fonctionnaire à l’Office culturel national de Bucarest raconte dans une interview de 1997, conservée par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, la manière que le régime communiste de l’époque a utilisé pour mettre à terre nombre de lieux de culte.

     

    Speranța Diaconescu : « Les choses évoluaient de mal en pis. Il y a eu des destructions d’églises dès l’installation du régime communiste en Roumanie. Il y a eu l’église Stejarului, l’église du chêne, sise place du palais royal, qui fut détruite pour laisser la place à l’ensemble Sala Palatului et aux buildings d’habitations avoisinants. Pourtant, dans ces années, et l’on parle des années 50-60, c’était l’exception. Le phénomène a pris pourtant de l’ampleur plus tard, dans les années 80, lorsque Nicolae Ceausescu s’est évertué de rebâtir à sa sauce le nouveau centre de Bucarest, en détruisant pour ce faire des quartiers historiques du vieux Bucarest. Des quartiers qui avaient du cachet et où les églises étaient présentes en nombre. Ce fut pour la capitale roumaine une perte inestimable en termes de patrimoine architectural, culturel et religieux. » 

     

    Des destructions massives dans les années 1980

     

    En effet, pour les Bucarestois les années 80 furent synonymes de destructions massives. Les nouveaux plans de systématisation de la capitale roumaine n’ont pas épargné les lieux de culte. Les églises, victimes de la folie destructrice du dictateur roumain, ont été, pour une minorité, translatées, pour la plupart détruites.

     

    Speranța Diaconescu rappelle le cas de l’église Pantelimon, située sur une ile du lac homonyme, église démolie en 1986 :

    « L’on a fait des fouilles, l’on est parvenue à sauver des choses. Ensuite seulement elle fut démolie. C’était la procédure. C’était une église voïvodale, où se trouvait la dépouille d’Alexandru Ghica. Elle recueillait des éléments décoratifs précieux, certaines pièces uniques que l’on est parvenu à sauvegarder ». 

     

    Un mépris généralisé pour le patrimoine religieux

     

    Mais le mépris pour le patrimoine religieux était généralisé, depuis les décideurs politiques et jusqu’aux simples ouvriers.

     

    Speranța Diaconescu :

    « Après avoir soulevé la pierre tombale, l’on a découvert le sarcofage du voïvode Alexandru Ghica. La dépouille était embaumée, bien conservée, enfermée dans un cercueil de plomb, ensuite seulement dans son cercueil de bois. Vu l’état de conservation, l’on décida alors d’étudier de près la dépouille. Mais vous savez quoi ? Ils ont pris le cercueil de plomb pour l’amener au musée, c’était une pièce qu’il fallait conserver. Ils ont ensuite soulevé la chemise du voïvode et ils se sont étonnés qu’il n’avait pas de médaillon d’or autour du cou. La dépouille n’avait qu’une bague et une chaîne avec une petite croix en or autour du cou. A la fin, la dépouille a été entassée dans un sac en plastique et jetée derrière un buisson. Il est vrai qu’elle commençait à sentir mauvais, mais était-ce cela une raison pour la jeter de la sorte ? C’était pire que du vandalisme. Avec l’aide d’une collègue et du prêtre, je suis finalement parvenue à lui creuser une tombe et à réinhumer sa dépouille dans la dignité. Mais ce fut lamentable, vraiment lamentable ».     

     

    Quoi qu’il en soit, durant la seconde moitié du 20e siècle, pendant les 45 années de régime communiste, le patrimoine religieux de Bucarest souffrit des pertes irréparables. Sa mémoire, tronquée, tant qu’elle a pu être épargnée par les bulldozers, demeure d’autant plus précieuse. (Trad Ionut Jugureanu)

  • Le Bucarest inachevé

    Le Bucarest inachevé

    La modernisation commence en 1830

     

    Dans l’espace roumain du début du 19e siècle, les villes démarrent leur processus de modernisation dès 1830. C’est à l’occasion de cette ébauche de constitution qu’a été le Règlement organique , que les premières règles d’urbanisme voient le jour. Et Bucarest, capitale de la Valachie, ne tarda pas à expérimenter la première les courants de l’urbanisme européen. Aussi, l’histoire de l’urbanisme bucarestois préfigure en grande partie l’histoire de l’urbanisme des autres villes roumaines, souvent traversées de visions contradictoires, tiraillées entre modernité et tradition.

     

    Une ville au carrefour entre l’Orient et l’Occident

     

    Les visiteurs étrangers de l’époque, racontent un Bucarest en perpétuel changement, au carrefour entre l’Orient et l’Occident, une ville au regard rivé vers les grandes métropoles européennes, décidée à suivre les tendances de son époque. Aussi, parmi les maires de cette ville l’on retrouve de grands noms de la politique roumaine : Dimitrie C. Brătianu, l’un des meneurs de la révolution de 1848, le journaliste et homme politique C. A. Rosetti, l’écrivain Barbu Ștefănescu Delavrancea, l’homme d’Etat Vintilă Brătianu. Deux noms se distinguent toutefois, deux personnalités qui ont marqué de leur esprit la pierre de la capitale roumaine : d’abord celui du juriste libéral Pache Protopopescu, maire de Bucarest entre 1888 et 1891, et le second, celui du juriste et homme politique Dem I. Dobrescu, membre du parti national-paysan, maire de Bucarest entre 1929 et 1934. Ces deux personnalités parviennent à mobiliser, à des époques différentes, les ressources nécessaires aux grands projets urbanistiques qui changèrent à jamais la face de la capitale roumaine.

     

    Des changements sous le régime communiste

     

    Après 1945, le régime communiste ambitionne de redessiner à son tour la capitale roumaine. La ville gagne en superficie et les barres d’immeubles commencent à faire leur apparition. La migration interne prend son essor à la faveur de la politique d’industrialisation forcenée du régime, surtout à partir des années 1970. Les deux leaders notables de la Roumanie socialiste, Gheorghe Gheorghiu-Dej, secrétaire-général du parti communiste entre 1945 et 1965, puis Nicolae Ceaușescu, secrétaire-général du parti entre 1965 et jusqu’en 1989, ambitionnent à leur tour de marquer de leur empreinte indélébile la capitale roumaine.

    C’est au muséographe et historien Cezar Buiumaci , féru de l’histoire de la ville de Bucarest, auquel l’on doit la dernière parution intitulée « La ville inachevée », où l’auteur analyse les transformations profondes qu’a subi la capitale roumaine entre 1945 et 1989.

    Cezar Buiumaci : « « La ville inachevée » est en elle-même un ouvrage inachevé dans le sens où il faut que le chercheur, l’historien, s’arrête à un certain moment, mette un terme à son travail alors même qu’il aurait pu le poursuivre indéfiniment, car il reste toujours des coins d’ombre. Je me suis attelé à ce travail par curiosité personnelle. J’ai voulu comprendre ce qu’il est advenu de cette ville et pourquoi elle a évolué de la sorte pendant ces 45 années de régime communiste. Je disposais d’une bibliographie extrêmement riche qui traitait de cette période. Des recherches, des articles de journaux, des ouvrages… Mais nul travail n’avait tenté jusqu’alors une approche à la fois holistique et synthétique, une approche objective, sans parti pris, de la période communiste ».     

     

    Une ville passée par des transformations

     

    De cette ville qui se trouvait aux confins de l’Empire ottoman, capitale de la principauté de Valachie, telle était le statut de Bucarest en 1800, à ce qu’elle était devenue aujourd’hui, 225 années plus tard, il y a un monde. Dévastée par les désastres naturels tels les tremblements de terre, les incendies ou les épidémies, la ville fut encore davantage touchée par ce que les hommes en ont fait. Les guerres, les révolutions, les occupations militaires, le programme de systématisation démarré par Nicolae Ceausescu au début des années 1980 ont laissé des traces indélébiles dans la chair de la ville.

     

    Cezar Buiumaci :« J’ai voulu comprendre cette ville. Comprendre sa périphérie, tous ces quartiers qui ont essaimé tout autour. Les quartiers de Militari, Drumul Taberei, Crângași qui se sont formés et agencés autour de la vieille ville. J’ai mis tout cela dans mon livre pour que chacun comprenne cette ville blessée, cette ville inachevée, et le pourquoi de son état. Vous savez, l’historien Răzvan Theodorescu prétendait que le Bucarest moderne avait eu trois fondateurs : les rois Carol 1er, Carol 2, puis le dernier dictateur communiste, Nicolae Ceaușescu. Pour ma part, je crois que le 3e c’est Gheorghe Cheorghiu-Dej plutôt que Ceausescu. Car c’est durant la première période du régime communiste, durant la période Dej, de 48 à 65, que cette deuxième ville, ces quartiers de périphérie ont été conçus et bâtis. Des quartiers plus peuplés que la vieille ville. Une nouvelle ville, qui engloutissait l’ancienne. Ceaușescu a quant à  lui déstructuré cette ville, détruisant la vieille ville. Il n’est pas un fondateur, mais un destructeur. Pourtant, il n’a pas eu le temps d’achever son projet de destruction. Même ce projet demeure inachevé. Et depuis lors, nulle vision d’ensemble n’est parvenue à s’imposer. Bucarest est demeurée une ville blessée, une ville inachevée ».

     

    Le Bucarest d’aujourd’hui est le fruit de son histoire mouvementée, une juxtaposition de volontés inachevées, souvent contradictoires. Aux vieux quartiers de  Cotroceni, Vatra luminoasă, Dudești, Ferentari, Bucureștii Noi se sont ajoutés les quartiers de la période communiste, tels Titan, Berceni, Drumul Taberei, enfin les quartiers de l’époque post communiste, érigés après 1989 : Brâncuși, Latin, Francez, Cosmopolis… (Trad Ionut Jugureanu)

  • 24.01.2025

    24.01.2025

    Elections présidentielles – Les libéraux se réuniront dimanche lors d’un conseil national extraordinaire afin de valider la candidature de l’ancien président du PNL, Crin Antonescu, proposé comme candidat commun de la coalition au pouvoir en Roumanie pour les élections présidentielles de mai prochain. Dans le même but, le PSD a fixé un congrès extraordinaire le 2 février, tandis que l’UDMR votera en début de semaine prochaine. Les premier et second tours des élections présidentielles sont prévus pour les 4 et 18 mai. Jusqu’à présent, le maire de Bucarest, Nicușor Dan, l’indépendant Călin Georgescu et la présidente de l’USR, Elena Lasconi, ont annoncé leur intention d’entrer dans la course. Ces deux derniers étaient les candidats plébiscités par les Roumains lors de l’élection présidentielle récemment annulée le 6 décembre dernier par la Cour constitutionnelle de Roumanie (CCR), alors même que le vote pour le second tour avait déjà débuté dans la diaspora. La CCR a pris cette décision suite à la publication par le Conseil suprême de la défense nationale d’un rapport faisant état d’une ingérence extérieure dans le processus électoral, non confirmée toutefois par des enquêtes judiciaires. Des dizaines de milliers de Roumains ont manifesté dans les rues pour demander la répétition du second tour, qu’ils considèrent comme annulé de manière injustifiée.

     

    Corruption – Le maire de la très prisée station roumaine de Sinaia, dans les Carpates méridionales, le libéral Vlad Oprea, a été placé jeudi sous contrôle judiciaire moyennant une caution de 600 000 lei (plus de 100 000 euros) dans une affaire où il est soupçonné de plusieurs délits de corruption. Il lui a également été interdit d’exercer son mandat de maire, poste à partir duquel il aurait commis le délit d’abus de pouvoir. Selon les procureurs de la Direction nationale anticorruption, Vlad Oprea aurait demandé et reçu des pots-de-vin d’un montant total de près de 240 000 euros de la part d’un homme d’affaires afin de faciliter l’obtention des documents nécessaires à la construction d’un hôtel dans la station.

     

    Petite Union – Des cérémonies militaires et religieuses, des spectacles ou des expositions ont lieu ce vendredi dans toutes les grandes villes de Roumanie pour marquer l’Union des Principautés roumaines de Valachie et de Moldavie. Il y a 166 ans, le 24 janvier 1859, Alexandru Ioan Cuza a été élu souverain de la Valachie, après avoir été élu souverain de la Moldavie le 5 janvier. Cet acte de volonté politique des principautés de s’unir a été la première étape de la création de l’État unitaire roumain moderne. Les principaux dirigeants politiques actuels ont envoyé des messages à cette occasion. « Le 24 janvier est l’occasion de faire le point et de réfléchir à l’héritage laissé par nos ancêtres et à notre responsabilité de le préserver et de le cultiver » a souligné le Président roumain Klaus Iohannis. Le Premier ministre Marcel Ciolacu a quant à lui souligné que la Petite Union était un exemple de la manière dont un projet politique important, entrepris conformément à la volonté du peuple, peut devenir une réalité. Les Roumains profitent donc d’un long week-end en l’honneur de la Journée de l’unification des principautés roumaines, qui a été déclarée jour férié. Beaucoup ont choisi de passer le pont dans des stations de ski du pays. Dans un contexte où, en plus des nombreux événements organisés à travers le pays, des manifestations sont également prévues, plus de 22 000 employés du ministère de l’intérieur sont mobilisés et déployés dans tout le pays pour assurer l’ordre public.

     

    Manifestations – Ce vendredi, les cheminots, les réservistes militaires, les policiers, les mineurs, les travailleurs forestiers, les sidérurgistes, les employés du métro de Bucarest et les retraités ont annoncé leur participation à un rassemblement de contestation devant le gouvernement, dans le centre de Bucarest. Des dizaines de milliers de personnes sont attendues. Ces derniers manifestent leur mécontentement suite à l’ordonnance gouvernementale adoptée en ce début d’année, qui entérine le gèle de toute indexation ou augmentation de salaire pour de nombreux fonctionnaires, mais aussi la non indexation des retraites sur l’inflation. Dans le même temps, la restructuration des institutions publiques centrales et des entreprises publiques a été annoncée ces derniers jours. Selon le Premier ministre Marcel Ciolacu, la réorganisation de l’appareil budgétaire est une priorité pour l’actuel gouvernement de coalition.

     

    Football – L’équipe du FCSB, championne de Roumanie, a battu le Qarabag FK d’Azerbaïdjan 3-2 jeudi soir à Bakou lors du septième tour de l’Europa League. Avec ce succès important, le FCSB a non seulement assuré sa place dans la prochaine phase de la compétition, mais a également de bonnes chances de se qualifier directement pour les 16èmes de finale. Le 30 janvier, les Roumains affronteront les Anglais de Manchester United à Bucarest.

     

    Météo – Les températures de ce vendredi en Roumanie seront largement supérieures aux normales saisonnières. Le ciel sera temporairement nuageux et de faibles précipitations sont attendues sur les reliefs et dans le nord-est du pays. Les maxima seront généralement compris entre 4 et 13 degrés. 12 degrés et du soleil aujourd’hui à Bucarest

  • L’établissement des relations diplomatiques entre la Roumanie et la RFA

    L’établissement des relations diplomatiques entre la Roumanie et la RFA

    L’apparition, après 1945, de deux Etats allemands sur la carte d’Europe, décidée par les grandes puissances après la défaite de l’Allemagne nazie, était censée prévenir la résurgence d’une puissance allemande menaçante. Mais la guerre froide qui s’en est suivie transforma ces deux Etats, l’un, l’Allemagne de l’Ouest ou la RFA, qui se trouvait sous le contrôle des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, l’autre, l’Allemagne de l’Est, sous le contrôle de l’URSS, en frères ennemis qui se regardaient en chiens de faïence. Walter Hallstein, premier président de la Communauté économique européenne, embryon de la future UE, avait légué son nom à la doctrine ouest-allemande selon laquelle la RFA ne pouvait nouer de relations diplomatiques avec les Etats qui avaient reconnu l’existence de la RDA. Une position que la RDA reprit à son compte en sens inverse. Aussi, les deux Allemagnes, de l’Est et de l’Ouest, n’allaient dorénavant nouer des relations diplomatiques qu’avec les Etats de leur propre bloc. 

     

    La Roumanie – des relations diplomatiques d’abord avec la RDA

     

    La Roumanie, membre du bloc communiste et du pacte de Varsovie, n’avait ainsi noué des relations diplomatiques qu’avec la RDA. A partir de la seconde moitié des années 60, la position de Bucarest en matière de politique étrangère qui semblait la distancer de plus en plus de Moscou, amena la RFA à établir des relations diplomatiques avec la Roumanie en 1967. Ce fut un tournant, la Roumanie devenant le premier Etat membre du bloc communiste ayant noué des relations diplomatiques avec l’Allemagne de l’Ouest. La visite à Bonn du ministre roumain des Affaires étrangères, Corneliu Manescu, suivie par la visite de son homologue ouest-allemand, Willy Brandt, à Bucarest, ont mis les bases du rapprochement entre les deux capitales.

     

    L’ancien diplomate Vasile Șandru, interviewé en 1994 par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, remémorait les coulisses de ce changement de paradigme dans la politique étrangère de deux Etats :   

    « La visite du vice-chancelier et ministre des Affaires étrangères ouest-allemand Willy Brand à Bucarest a eu lieu après l’établissement des relations diplomatiques entre les deux capitales. Mais les choses se sont déroulées de la manière suivante : à l’été 1966 a eu lieu à Bucarest la réunion du Conseil politique consultatif du Pacte de Varsovie. Le document adopté à la fin de la réunion lançait l’idée de convoquer une conférence pour la sécurité et la coopération européenne. Un autre passage faisait état d’une volonté de promouvoir une politique de détente avec les deux Etats allemands sans distinction. Or Bucarest s’est appuyé sur ce document dans sa tentative de rapprochement avec Bonn, mais sans pour autant se consulter avec ses alliés, ni même les en informer. Cela ne manqua pas de provoquer l’ire de l’Union Soviétique en premier lieu, mais aussi des autres Etats membres du Pacte de Varsovie, qui appréciaient que le rapprochement diplomatique avec l’Allemagne de l’Ouest aurait dû avoir lieu de concert ».      

     

    La nouvelle politique de l’Est – un écho o positif en Allemagne

     

    La nouvelle politique de détente promue par le bloc de l’Est et par Bucarest en premier lieu trouva un écho positif en Allemagne.

    Vasile Șandru :  

    « L’initiative roumaine fut accueillie à bras ouverts à Bonn. Aussi, au début de l’année 1967, des relations diplomatiques furent établies entre les deux Etats. Auparavant déjà, la Roumanie avait établi des relations consulaires et commerciales officielles avec la RFA. Une première représentance commerciale et consulaire a été établie à Cologne. Pour la RFA, l’établissement des relations diplomatiques avec la Roumanie signifiait l’abandon de facto de la doctrine Hallstein, ce qui constituait un grand pas en avant et un changement de paradigme dans le contexte qu’était celui de la guerre froide. Jusqu’alors, Bonn s’était refusé à tout prix de reconnaître l’existence de la RDA et s’était refusé de nouer des relations diplomatiques avec quelque Etat que ce soit qui avait reconnu l’Allemagne de l’Est et qui avait établi des relations diplomatiques avec cette dernière. »  

     

    Le rôle positif du rapprochement entre les deux capitales 

     

    Vasile Șandru apprécie le rôle positif joué dans ce rapprochement entre les deux capitales par leurs leaders respectifs :    

    « Willy Brandt a été accueillie avec sa famille par Nicolae Ceaușescu sur la côte roumaine de la mer Noire. L’entrevue entre les deux leaders a duré près de 5 heures. Ils ont abordé des questions de la politique de sécurité en Europe, mais aussi les relations entre les partis de gauche européens. Willy Brandt a été accompagné durant sa visite officielle par son épouse et par leur fils, Lars, un militant de gauche lui aussi. Madame Brandt et son fils ont eu le temps de visiter des objectifs culturels, de toucher au folklore roumain, de connaître d’autres aspects de la vie en Roumanie. Ils sont repartis avec une autre image que celui d’un pays hostile. »  

     

    Une autre vision des faits

     

    Ancien dignitaire communiste et fin connaisseur du régime, Paul Niculescu-Mizil donnait en 1997 sa version des faits au sujet de ce rapprochement inédit entre la Roumanie et la RFA : 

    « J’avais entendu Cornel Manescu, l’ancien ministre des Affaires étrangères, raconter à la télévision, après la chute du régime communiste, sa version des faits. En l’écoutant, cela avait l’air très simple. Il disait être allé en Allemagne, avoir rencontré Brandt, et que ce dernier lui eut proposé de nouer des liens diplomatiques. Qu’ils s’étaient ensuite serrés les mains et qu’ils s’étaient départis heureux. Ce sont des histoires à dormir debout. Moi j’étais à l’époque membre du Comité exécutif du Comité central du parti. J’ai pris part à tous les débats sur le sujet et à de nombreuses missions. Cette question a été longuement débattue au sein des instances dirigeantes du parti. L’on a analysé tous les scénarios. La réaction des Soviétiques, la réaction des Allemands, les répercussions potentielles. Lorsqu’il est parti négocier, Manescu avait un mandat précis. Celui d’établir des relations diplomatiques avec la RFA. Et il est resté en permanence en contact avec Bucarest. Ce fut loin d’être une initiative personnelle ou un geste irréfléchi. »   

     

    Ainsi la Roumanie devenait en 1967 le premier Etat satellite de Moscou à nouer des relations diplomatiques avec la RFA. Un geste fort posé par Nicolae Ceausescu dans sa volonté de s’affranchir de la tutelle soviétique et d’enclencher un rapprochement avec l’Occident. (Trad Ionut Jugureanu)

  • 08.12.2024 (mise à jour)

    08.12.2024 (mise à jour)

    Elections – Des dizaines de Roumains ont manifesté devant les ambassades roumaines et les bureaux de vote des capitales européennes, mécontents de l’annulation des élections présidentielles, dont le second tour aurait dû se tenir ce dimanche 8 décembre. Vendredi, la Cour constitutionnelle roumaine a décidé que les élections présidentielles devaient être reprises dans leur intégralité. Les juges constitutionnels ont estimé que le processus électoral était entaché d’irrégularités. Ils ont également critiqué le manque de transparence et d’équité de la campagne électorale et le manque de respect des règles juridiques relatives au financement de la campagne. Le candidat indépendant Călin Georgescu, qui est arrivé en tête du premier tour de scrutin mais qui est au centre d’un scandale concernant l’ingérence de la Russie dans les élections, est apparu dimanche avec plusieurs partisans devant le bureau de vote où il devait voter. Il a déclaré que la démocratie avait été « annulée » en même temps que l’élection. Elena Lasconi, qu’il devait affronter au second tour, a quant à elle exhorté ses partisans à ne pas répondre aux insultes, mais a déclaré que si la Cour Constitutionnelle de Roumanie annulait l’élection dix fois, elle continuerait de se représenter à chaque fois. Alors que Călin Georgescu et Elena Lasconi ont critiqué la décision d’annuler les élections présidentielles, d’autres représentants politiques ont qualifiée la décision de correcte.

     

    Journée de la Constitution roumaine – Le 8 décembre est le jour de la Constitution roumaine. La Loi fondamentale a été adoptée par l’Assemblée constitutionnelle le 21 novembre 1991 et approuvée par référendum le 8 décembre de la même année, avec une majorité de plus de 77%. La Constitution de la Roumanie, telle que révisée en 2003, comprend 156 articles répartis en 8 titres et régit, entre autres, les principes généraux de l’organisation de l’État, les droits fondamentaux, les libertés et les devoirs des citoyens et des autorités publiques. Dans un discours prononcé ce dimanche, le Président Klaus Iohannis a souligné que la loi fondamentale était un engagement en faveur de la démocratie, de la liberté et de la défense des droits des citoyens. « La constitution reste le garant de la stabilité de la vie politique et institutionnelle, de l’équilibre de la paix sociale de la nation et du maintien de notre trajectoire européenne et euro-atlantique », peut-on également lire dans le message du Premier ministre Marcel Ciolacu.

     

    Syrie – Le ministère des Affaires étrangères de Bucarest a annoncé qu’il suivait de près l’évolution de la situation en Syrie et qu’il se concertait avec ses partenaires européens et régionaux afin d’agir en fonction de l’évolution de la situation sur le terrain. Le ministère des Affaires étrangères estime que pour le moment la situation reste en constante évolution. Le personnel de l’ambassade de Roumanie à Damas est en sécurité et des mesures de protection accrues ont été prises. Dans le même temps, le ministère des Affaires étrangères a rappelé aux citoyens roumains de contacter l’ambassade et d’annoncer leur présence dans la région, en donnant leurs coordonnées afin qu’ils puissent être contactés en cas d’urgence. La Russie, l’un des principaux soutiens du régime du dictateur Bachar el-Assad, a annoncé dimanche que ce dernier avait démissionné et quitté la Syrie après une offensive éclair des rebelles syriens menés par des islamistes radicaux, qui a semé la confusion au sein de l’armée syrienne. La Turquie a également déclaré être en contact avec les rebelles syriens pour s’assurer que l’État islamique et le Parti des travailleurs du Kurdistan ne profitaient pas de la chute du régime de Damas pour étendre leur influence.

     

    Gaudeamus – Ce dimanche, lors du dernier jour du Salon du livre Gaudeamus, organisé par Radio Roumanie à Bucarest, les prix ont été décernés sur la base de l’évaluation de jurys spécialisés et des votes du public.  Pendant cinq jours, du 4 au 8 décembre, la 31e édition du Salon a proposé plus de 600 lancements de livres, conférences, débats et ateliers littéraires. Cette année, le président et invité d’honneur de Gaudeamus était l’écrivain roumain Mircea Cărtărescu, l’un des écrivains roumains contemporains les plus connus et les plus acclamés, lauréat de nombreux prix nationaux et internationaux.

     

    Météo – Ce dimanche, en Roumanie, les températures seront supérieures aux normales saisonnières dans la plupart des régions du pays, mais surtout dans les régions de l’ouest et du sud-est. Le ciel restera variable, avec des nuages et des averses attendues sur l’est et le sud-est. Les températures maximales seront comprises entre 3 et 15 degrés Celsius. 7 degrés et un ciel nuageux aujourd’hui à Bucarest

  • Documents iconiques de la Grande Union

    Documents iconiques de la Grande Union

    Le souvenir de l’union de la Transylvanie avec la Roumanie, le 1 décembre 1918, date de l’actuelle Fête nationale de l’Etat roumain, a été retenu par différents types de documents et de sources historiques. A travers les cent ans écoulés depuis, certains en sont devenus des références essentielles du grand moment de l’histoire.

     

    Les photos du rassemblement d’Alba Iulia

     

    Une des images les plus connues du rassemblement ayant proclamé l’union de la Transylvanie avec la Roumanie est nécessairement présente dans les manuels scolaires, dans les documentaires consacrés à cet événement centenaire, dans les musées et sur les lieux publics à travers le pays. C’est une photographie qui montre un grand nombre de gens rassemblés dans un champ appelé « Câmpul lui Horea/Le Champ de Horea » ; ils étaient des paysans pour la plupart, mais on y remarque aussi quelques uniformes militaires. Au centre de l’image, un homme âgé, en costume traditionnel, tient dans sa main gauche un drapeau tricolore bleu-jaune-rouge, tandis qu’il lève sa main droite à 45 degrés. Cinq ou six autres gens, qui entourent cet homme, brandissent eux-aussi des drapeaux tricolores dont les couleurs sont disposées horizontalement. L’omniprésence de cette photo s’explique par la volonté du régime communiste d’avant 1989 de mettre en évidence la classe paysanne comme principal facteur décisionnel de l’union. Cette photo du Champ de Horea poussait en arrière-plan une autre photo sur laquelle se détachait le visage de l’évêque gréco-catholique et prisonnier politique Iuliu Hossu, qui avait lu la proclamation de l’union devant les participants à cet événement historique.

    Une deuxième image, tout aussi largement présentée au public est celle d’une cinquantaine de femmes et d’hommes, paysans du village de Galtiu, de la commune de Sântimbru, dans le département d’Alba. En plan éloigné, on aperçoit quelques arbres, à gauche un homme, membre du groupe habillé en costumes traditionnels noir et blanc, brandit un drapeau tricolore. Au milieu, une bannière, qui domine l’ensemble, affiche le texte « Galtiu. Trăiască unirea și România Mare/Vive l’union et la Grande Roumanie   ».

     

    Samoilă Mârza, le photographe de l’Union

     

    L’auteur de ces deux photos iconiques est Samoilă Mârza, celui que l’on a appelé « le photographe de l’Union » et qui a donné aux Roumains non seulement ces deux photos archiconnues, mais aussi huit autres moins connues. Né en 1886 dans le village de Galtiu, Mârza étudie d’abord dans un lycée de la ville d’Alba Iulia et se rend ensuite à Sibiu pour se former au métier de photographe. Pendant la Grande Guerre, il sert dans le département de topographie et de photographie de l’armée austro-hongroise. A la fin de la première conflagration mondiale, Mârza réalise trois clichés photographiques au moment de la consécration du premier drapeau tricolore du Conseil National Roumain Militaire le 14 novembre 1918. Quatre jours avant la tenue du rassemblement d’Alba Iulia, Mârza se rend dans son village natal et prend trois photos de ses concitoyens avant leur départ pour Alba Iulia. Il transportait tout à vélo : la caméra pliable, le trépied et les clichés-verre. Le poids des appareils et la météo morose ont obligé Samoilă Mârza à prendre seulement cinq photos du rassemblement, dont trois montrent des participants et deux autres des tribunes officielles où l’acte de l’union avait été lu. Au début de l’année 1919, Samoilă Mârza a publié ses photos dans un album sous le titre « Marea adunare de la Alba Iulia în chipuri/Le grand rassemblement d’Alba Iulia à travers des visages ».

     

    Témoignages audio des préparatifs pour le voyage à Alba Iulia

     

    Bien que loin d’être iconique, les documents audio liés à la mémoire de cette journée capitale ne sont pas moins importants. En 1918, le prêtre gréco-catholique Gherasim Căpâlna avait 24 ans ; dans une interview datant des années 1970, que la Radiodiffusion roumaine garde dans les archives de son Centre d’Histoire Orale, il se souvenait de l’organisation de son départ de l’évêché d’Alba Iulia, son lieu de travail.

     

    « La préparation du départ s’est faite par le bouche à l’oreille, d’un village à l’autre, par les prêtres, les instituteurs. La date choisie pour le rassemblement a été le 8 novembre, jour de la fête de l’Archange. Mais cela a changé et c’est à Arad que l’on a arrêté le premier jour du mois de décembre pour nous rendre à Alba Iulia. Là-bas, il y avait tellement de monde qu’il était impossible de bouger. Les chefs ont été les premiers à s’organiser ; ils ont nommé un président de l’Assemblée en la personne de Gheorghe Pop de Băsești, qui était le plus âgé parmi eux. Ensuite, il a donné des ordres à chaque centre, à chaque « județ ». Dans notre cas, il y avait parmi nous Vaida-Voevod, le médecin député Theodor Mihali. Mais le moteur principal de la dynamique d’organisation du rassemblement ont été le prêtre et l’instituteur, sans lesquels rien n’aurait été possible. Ils ont agi au péril de leur vie. Nous avons dressé une liste de ceux qui voulaient y aller, pour pouvoir obtenir le permis de voyage ferroviaire. Les Chemins de fer nous ont réservé des wagons, nous sommes partis d’ici le jeudi et le rassemblement s’est tenu le dimanche d’après. Le voyage a occupé le vendredi, samedi, cent personnes ont débarqué à Alba Iulia. La plupart d’entre eux ont dormi dans la nature. Ils se sont baladés dans la ville et se sont endormis, appuyés aux murs de la forteresse d’Alba Iulia. »

     

    Les documents iconiques du rassemblement historique d’Alba Iulia, du 1er décembre 1918, ont eux-aussi leur propre petite histoire. Que nous insérons dans la grande histoire pour mieux la comprendre. (Trad. Ileana Ţăroi)

  • Le centenaire d’Eugen Lovinescu

    Le centenaire d’Eugen Lovinescu

    Cette année les lettres roumaines rendent hommage à l’un de ses représentants de marque, le critique littéraire Eugen Lovinescu. Né en 1881 à Fălticeni, dans le nord du pays, et décédé en 1943 à Bucarest, il sera notamment connu pour son livre monumental, en trois tomes, intitulé « L’histoire de la civilisation roumaine moderne », paru cent ans auparavant, entre 1924 et 1925. Lovinescu, un inconditionnel des valeurs occidentales, étaye tout au long de son ouvrage sa thèse principale sur le pouvoir d’attraction de grandes civilisations sur les sociétés situées en périphérie. Une tendance lourde qui ne pouvait pas épargner la société et la culture roumaine. Une thèse qui fait débat à l’époque et qui continue de susciter aujourd’hui l’intérêt des penseurs de tous bords. Le littéraire Ion Bogdan Lefter, professeur à l’Université de Bucarest, fait redécouvrir au public roumain le livre d’Eugen Lovinescu, cent ans après sa première parution :

    « La première question que je me suis posée c’est pourquoi parler de ce livre ? Tout d’abord pour faire revivre cette personnalité prodigieuse de la littérature roumaine. Il s’agit, selon moi, d’une figure phare de la littérature roumaine post 1900 et du plus important critique littéraire roumain de l’histoire. Le second argument réside dans l’actualité de sa thèse. Car cette thèse dépasse le champ littéraire ou culturel stricto sensu ».  

     

    Une thèse toujours d’actualité

    Ion Bogdan Lefter croit en effet toujours actuelle la thèse défendue par Eugen Lovinescu dans son ouvrage « L’histoire de la civilisation roumaine moderne » :

    « Inspiré par la théorie de l’imitation de Gabriel Tarde, la théorie de Lovinescu exprime une forme de mondialisation de la culture avant la lettre. L’influence qu’exercent les cultures majeures sur les cultures périphériques est indéniable. Ces dernières s’en inspirent, tentent de s’aligner aux grands courants de pensée, entrent dans la compétition. Et cette thèse de Lovinescu me semble toujours pertinente et d’actualité. Il n’est pas le prophète d’une quelconque mondialisation culturelle, mais la constate. »     

     

    Culture et civilisation sont indissociables

    La direction que suit la civilisation n’a jamais laissé personne indifférent. Mais l’évolution de la civilisation humaine est sans nul doute influencée par celle suivie par la culture. Car la culture et la civilisation sont indissociables. Partant de la thèse défendue par Eugen Lovinescu, le critique littéraire Ion Bogdan Lefter pense que la marche de l’humanité est davantage le fruit des accumulations successives plutôt que celui de grands bonds en avant. Ion Bogdan Lefter :

    « J’assume plutôt la thèse des accumulations progressives qui déterminent l’évolution, la thèse de la continuité plutôt que celle de la rupture. Certes, il y a des moments de rupture, parfois radicaux. Mais cela s’inscrit toujours dans des processus d’une évolution plus large, plus ample, au sein de laquelle la continuité demeure le fil conducteur. Quoi qu’il en soit, je suis extrêmement réticent lorsque l’on parle de ruptures radicales. »  

     

    La charge historique de toute littérature

    Des penseurs tel qu’Eugen Lovinescu, qui ont transcendé les frontières de leur discipline, sont plutôt rares, nous assure Ion Bogdan Lefter :

    « Lovinescu a compris que la littérature, la culture sont inscrites dans leur temps. Il n’existe pas de littérature dépourvue de sa charge historique. Il n’existe pas d’histoire de la littérature qui puisse ignorer l’histoire sociale plus large de son temps. Le débat public présuppose maîtriser tout d’abord le discours. Or qui sont ceux qui maîtrisent au plus haut point le discours public si ce n’est les écrivains. »

    Il y a cent ans, Eugen Lovinescu laissait en héritage à cette culture roumaine qu’il aimait tant ce grand livre qui parlait de l’ADN identitaire de la société roumaine de son époque et de son avenir. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Le sort des prisonniers soviétiques en Roumanie pendant la Seconde Guerre mondiale

    Le sort des prisonniers soviétiques en Roumanie pendant la Seconde Guerre mondiale

    La Bessarabie, un territoire roumain perdu

     

    Pour tenter de récupérer la Bessarabie occupée par l’Union soviétique à la suite d’un ultimatum au mois de juin 1940, la Roumanie prend part à l’invasion de l’URSS par l’Allemagne nazie, et cela dès le début de l’opération Barbarossa, le 22 juin 1941. Aussi, l’armée roumaine mènera la guerre contre l’URSS pendant plus de trois ans, jusqu’au 23 août 1944, et fera pendant ce laps de temps 91 060 prisonniers soviétiques. 82 057, soit près de 90% de ces prisonniers de guerre seront emprisonnés sur le sol roumain, au sein de 12 camps organisés pour l’occasion.

     

    Dans leur ouvrage intitulé « L’armée roumaine pendant la Seconde Guerre mondiale », les historiens Alesandru Duțu, Florica Dobre et Leonida Loghin notent que de ces plus de 90 000 prisonniers soviétiques, 13 682 avaient été libérés par décision du gouvernement roumain, s’agissant de prisonniers d’origine roumaine, originaires de ces deux provinces historiques, la Bessarabie et le Nord de la Bucovine, occupées par l’URSS un an auparavant. Des autres, 5 223 décèdent dans les camps de prisonniers, alors que 3 331 parviennent à s’évader. Le 23 août 1944, lorsque la Roumanie décide d’abandonner l’alliance avec l’Allemagne nazie pour rejoindre le camp allié, elle compte encore près de 60 000 prisonniers soviétiques sur son sol, dont 2 794 officiers. Selon l’origine ethnique des prisonniers soviétiques, l’on compte 25 533 ukrainiens, 17 833 russes, 2 497 kalmouks, 2 039 ouzbeks, 1 917 turcs, 1 588 kazakhs, 1 501 arméniens, 1 600 géorgiens, 601 tatares, 293 juifs, 252 polonais, 186 bulgares, puis encore des prisonniers moins nombreux d’autres ethnies présentes en URSS. Par ailleurs, si au début de la guerre les conditions de vie des prisonniers soviétiques étaient peu enviables, la grande majorité de décès ayant été enregistrés durant cette période, il semblerait qu’assez rapidement l’accueil des prisonniers soviétiques se soit amélioré, s’alignant sur la législation internationale en la matière.

     

    Témoignage d’un colonel roumain de l’époque 

     

    Le colonel Anton Dumitrescu qui a pris part au coup d’Etat du 23 août 1944, qui fit sortir la Roumanie de son alliance avec l’Allemagne nazie, se rappelait dans une interview de 1974, conservée par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, les conditions de vie en 1944 dans le camp des prisonniers soviétiques de Slobozia, où il avait été envoyé en mission. Ecoutons-le :

     

    « Il y a avait à Slobozia un important camp de prisonniers soviétiques géré par les Allemands. Des prisonniers qui s’étaient ralliés à la cause de Vlasov, un général russe fait prisonnier et qui s’était rallié aux Allemands. Selon nos informations, les Allemands tentaient d’organiser les prisonniers de ce camp en troupes qui leur soient fidèles même dans le cas où la Roumanie ferait défection, des troupes qui puissent épauler les troupes allemandes non seulement contre les Soviétiques mais aussi contre l’armée roumaine au besoin. J’avais déjà connu les hommes du général Vlasov dans le Caucase. C’étaient des fanatiques. Ils ne reculaient devant rien. Ils ne pouvaient pas se laisser prendre prisonniers. Pour les Russes, c’étaient des traîtres, et ils les auraient tout de suite tués. »  

     

    L’amélioration des conditions de travail des prisonniers de guerre

     

    L’ingénieur Miron Tașcă qui a travaillé pour l’entreprise franco-roumaine de Brăila, dont une partie de la production était destiné aux besoins de l’armée et qui pour cette raison faisait appel au travail des prisonniers de guerre, se rappelait dans une interview de 1995, du sort des prisonniers soviétiques après l’occupation de la Roumanie par les troupes de l’Armée rouge :

     

    « L’on faisait appel aux prisonniers de guerre dans notre entreprise, à Braila. Ils étaient bien traités, c’étaient des travailleurs manuels et ils étaient employés dans le nettoyage et dans les taches qui nécessitent un travail physique. Lorsque les troupes soviétiques sont arrivées chez nous, ils les ont libérés et les ont emmenés en Russie. Ces gens n’en menaient pas large. L’un d’entre eux, un Ouzbek, m’a supplié de le garder chez nous, à l’usine. Il ne voulait surtout pas rentrer en URSS. C’était un brave homme, travailleur, un gars tranquille. Mais naturellement il nous était impossible de les aider. Les prisonniers étaient interrogés, enregistrés, puis pris en charge par l’Armée rouge. Il a dû lui aussi partir. Il y en avait sans doute d’autres qui pensaient pareil. Ils ne savaient pas ce que l’avenir allait leur réserver dans leur pays, mais ils se doutaient bien. Ils connaissaient quand même Staline et son régime ».  

     

    La crainte de rentrer en URSS après la guerre

      

    Cristinel Dumitrescu, élève à l’Ecole militaire en 1944, avait lui aussi connu des prisonniers soviétiques et les conditions de vie qui étaient les leurs à l’époque :

     

    « Chez nous, à la campagne, nous employions dix ou vingt prisonniers russes. Ils travaillaient, allaient et venaient librement, ils n’étaient pas gardés. Ils étaient accueillis au poste local de gendarmerie, et travaillaient au maintien en état des routes et des voiries, mais se faisaient aussi quelques sous en travaillant chez des gens. Et vous savez, après le 23 août 1944, ils furent les premiers à déguerpir. Mais pas vers l’Est, pour rentrer chez eux, mais vers l’ouest. Car ils avaient une vague idée de ce qui les attendait une fois rentrés en URSS ».    

     

    Mais le quotidien de ces dizaines de milliers de prisonniers de guerre soviétiques demeure une page encore trop peu connue de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Comment préserver les traditions en Roumanie ?

    Comment préserver les traditions en Roumanie ?

    C’est en 2008 que la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO a officiellement vu le jour, aux termes de la « Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel », adoptée à Paris en 2003. Depuis, 9 coutumes roumaines ont été rajoutées à cette liste : le « Călușul » une danse rituelle masculine incluse en 2008, la « Doina » – une chanson traditionnelle mélancolique typiquement roumaine (2009), l’art de la céramique de Horezu (2012), le rituel d’hiver observé par des groupes d’hommes qui vont de maison en maison en chantant des cantiques en Roumanie et en République de Moldova (2013), une danse des jeunes hommes de Transylvanie (2015), les techniques traditionnelles de réalisation des tapis muraux en Roumanie en Moldavie voisine (2016), le Mărțișor – cette amulette porte-bonheur avec un fil tressé rouge et blanc offerte le 1er mars (2017, une tradition que la Roumanie partage avec la République de Moldova et l’ancienne république yougoslave de Macédoine), la blouse roumaine et les traditions liées à l’élevage des chevaux de la race « Lipizan » (2022), cette dernière coutume étant une inscription conjointe avec l’Autriche, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l’Italie, la Slovaquie, la Slovénie et la Hongrie.

     

    Et aussi rassurant que cela puisse paraître pour la sauvegarde des coutumes et traditions roumaines, les personnes qui peuvent encore les transmettre aux générations futures se font de plus en plus rares en Roumanie.

     

    Aujourd’hui nous donnons la parole à deux maîtres artisans qui font de leur mieux pour perpétuer les traditions. Leur art : le travail du bois et la poterie. C’est à l’Ecole populaire d’Arts «Constantin Brâncuşi » de Târgu Jiu que deux de ces maîtres artisans nous ont fait part de leur expérience.

    Pour commencer voici le témoignage de Marin Daniel Preduț, formateur au sein de cette Ecole, spécialiste de l’Art du travail du bois :

     

    « Cette passion, je l’ai découverte il y a 3 ans. J’ai vécu à l’étranger pendant 8 ans et lorsque je suis rentré au pays à cause de la pandémie, j’ai ouvert un petit atelier de menuiserie. Il n’a cessé de grandir et j’en suis très satisfait. A part les icônes sculptées en bois et les plateaux, je fabrique aussi des chalets, des kiosques et des balançoires en bois. La plupart de nos clients apprécient vraiment le bois. »

     

    Cela prend entre 20 et 60 minutes pour sculpter une icône. Puis il faut lui appliquer une teinture spéciale, traditionnelle, secrète. Pour ce qui est d’un petit chalet simple, sans étage, il faut environ 7 jours pour en construire un. Mais notre invité s’adonne aussi à des projets plus amples. Marin Daniel Preduț:

     

    « J’ai réalisé un parc entier financé de fonds européens pour une pension touristique réunissant 5 petites cabanes, un grand kiosque, un four, un sauna… Un travail qui a duré environ 6 mois. » 

     

    Le bois est donc toujours recherché par les Roumains, pour des raisons pratiques notamment. Mais qu’en est-il de la poterie ? Pour connaître la réponse à cette question, nous nous sommes adressés à Marian Măgureanu, lui aussi professeur à l’Ecole populaire d’Arts «Constantin Brâncuşi » de Târgu Jiu. Il est à l’origine d’un club de poterie pour les lycéens. Voici son histoire. Marian Măgureanu :

     

    « Nous avons commencé par la poterie manuelle, une technique qui date en fait du néolithique. Je tente aussi de leur raconter comment vivaient et travaillaient nos ancêtres. Les enfants d’aujourd’hui n’ont pas vu beaucoup d’objets issus de la poterie. Mais cet atelier leur fait plaisir et ils y participent tout le long de l’année. »

     

    Marian Măgureanu profite aussi de l’occasion pour raconter différentes histoires à ses élèves, par exemple où les gens se procuraient jadis la terre glaise :

     

    « Traditionnellement, les gens creusaient la terre à différents endroits qui n’étaient pas connus de tous et ils transformaient cette terre à plusieurs reprises au cours d’une année. Il fallait la laisser geler à l’extérieur, puis la ramener à l’intérieur, la couper avec un couteau, la ramollir avec ses pieds, lui rajouter de l’eau… Enfin, on en faisait des boules que l’on gardait recouvertes d’un tissu. De nos jours, on va chercher notre terre glaise dans des usines spécialisées, il y en a plusieurs. Une fois modelée, il faut la laisser sécher lentement à un endroit qui ne soit pas exposé à la lumière du soleil…  » 

     

    Et bien que l’atelier du lycée ne dispose pas encore d’un four pour faire cuire les céramiques réalisées par les jeunes et qu’il faille à chaque fois faire appel à d’autres artisans locaux, Marian Măgureanu est fier de pouvoir transmettre son art à la nouvelle génération. Un enthousiasme que peu de gens partagent encore et qui sera repris, espérons-le bien, par les jeunes, pour aider à conserver les arts et métiers qui témoignent de notre héritage culturel et de notre identité nationale. (trad. Valentina Beleavski)

  • La présence des statères dans la province de Dobroudja

    La présence des statères dans la province de Dobroudja

    Des monnaies de l’Antiquité

     

    Le statère est un terme générique qui désigne en numismatique diverses monnaies en or ou en argent frappées dans l’Antiquité, et qui ont été utilisées dans toute l’Europe à partir du 4e siècle avant J-C. Leur usage sera attesté dans la région du bas Danube et de la Dobroudja d’aujourd’hui, cette région de Roumanie située entre le Danube et la mer Noire. Les numismates distinguent généralement les statères classiques, frappés à l’époque de la Grèce antique et qui ont circulé dans l’Europe de sud-est, des statères frappés par Alexandre le Grand ou Lysimaque.

     

    Mais l’usage des statères s’est répandu dans la Dobroudja d’aujourd’hui grâce aux colonies grecques établies tout au long du pourtour de la mer Noire, partie prenante du monde grec. Le royaume du Pont, royaume antique situé sur la côte méridionale de la mer Noire, arrive au faîte de sa puissance au 2e siècle av J-C sous le règne de Mithridate VI du Pont, adversaire implacable de l’empire roman. Et ce sont bien les statères frappés par ce roi qui auront cours dans la région de Dobroudja.

     

    Des monnaies frappées par Alexandre le Grand 

     

    Emanuel Petac, numismate et chercheur à la Bibliothèque de l’Académie roumaine, explique :

    « Vers le milieu du 3e siècle avant J-C, la région de la mer Noire se voit carrément inondée par une quantité immense d’or. Il s’agit des statères frappés par Alexandre le Grand, que l’on retrouvera à Histria, à Callatis, à Odessos (la ville de Varna, dans la Bulgarie actuelle), à Mesembria. L’on retrouve aussi les statères frappés par Lysimaque à Istros, Tomis, Byzantion, Odessos, Mesembria, mais aussi à Tyras. Tout cela à cause d’un certain contexte géopolitique, qui est celui de la guerre déclenchée entre la cité de Byzantion d’une part et les cités d’Istros et de Callatis de l’autre. » 

     

    La circulation monétaire diminue fortement dans la région après la mort du roi Lysimaque, survenue en 281 av J-C. Emanuel Petac :

    « Autour de l’an 200 l’on constate la disparition des pièces d’or, des pièces d’argent. Ces statères frappés au milieu du 3e siècle avaient circulé de manière intensive jusqu’aux années 220-218, pendant cette époque où les colonies grecques payaient un lourd tribut au Royaume celtique de Tylis. Ce dernier s’écroule à la suite d’une attaque des Thraces, ce qui fait qu’après l’an 200 des nouvelles émissions de statères se font rares, très rares. »  

     

    Les statères de type Lysimaque

     

    Les statères de type Lysimaque frappés à la cour du roi Mithridates et découverts à Istros pèsent en moyenne 8,18 grammes et datent du temps de la première guerre déroulée entre le Royaume du Pont et l’empire roman, soit entre 88 et 86 av J-C. Mais les archéologues découvriront non seulement des statères, mais aussi des inscriptions qui nous renseignent sur le type de commerce dont les statères constituaient la monnaie d’échange.

     

    Emanuel Petac :   « La cité d’Histria avait contracté un prêt financier de 100 statères auprès d’un créditeur de Byzantion, un prêt qu’elle s’est avérée incapable de rembourser. Le créditeur meurt entre-temps et la créance tombe aux mains de son fils. A la veille des guerres de Mithridate, le royaume du Pont avait caressé l’espoir de nouer une alliance avec d’autres cités. La cité d’Histria envoie alors une délégation, à la tête de laquelle se trouvait un nommé Meniskos, et qui doit passer forcément par Byzantion. Cette délégation de négociateurs arrive à Byzantion, où elle se voit arrêter et emprisonner en vertu de la créance impayée, arrivée à échéance. La délégation entière, y compris Meniskos, sera emprisonnée, selon les sources, pendant une longue période à Byzantion. L’on peut supposer qu’il s’agit de plusieurs années. Finalement, Diogène, le stratège du roi Mithridates intervient et paye la dette de la cité d’Histria. Aussi, ce n’est qu’à la suite du remboursement par un tiers de la dette contractée que Byzantion libère la délégation retenue en otage. Cela prouve donc que la cité d’Histria était en cette période-là incapable de récolter une telle somme par ses propres moyens, alors que cent ans auparavant elle disposait de telles quantités d’or qu’elle pouvait frapper sans peine des milliers de statères. »   

     

    Les statères grecs découverts tout au long du pourtour de la mer Noire témoignent à n’en pas douter du dynamisme de l’espace économique des colonies grecques de la région pendant les deux derniers siècles avant J-C.  (Trad. Ionut Jugureanu)

  • Le photographe Franz Xaver Koroschetz

    Le photographe Franz Xaver Koroschetz

    Les villes de Roumanie ont toutes eu leurs photographes officiels et la ville de Focsani, chef-lieu du département de Vrancea, dans les Carpates de la Courbure, n’a pas fait exception. Le photographe, citoyen austro-hongrois, Franz Xaver Koroschetz s’établit en Roumanie, à Focsani en 1895. Il commence à photographier la ville en 1899 et le fera jusqu’en 1934, année de sa mort. Les peu nombreux documents le concernant ne mentionnent malheureusement pas l’année ni le lieu de naissance du photographe. Dans son atelier du centre-ville de Focsani, Koroschetz a photographié l’élite locale et la classe moyenne de la région de Vrancea.

     

    Une découverte personnelle

     

    Le journaliste et collectionneur Sorin Tudose, originaire de la ville de Focsani est l’auteur d’un album illustré dédié à  Franz Koroschetz à l’occasion de la 90ème commémoration de la mort de l’artiste photographe.

     

    Lors du lancement de cet album, Sorin Tudose a parlé d’une découverte personnelle : « J’ai fait une méga-découverte à l’Académie roumaine. J’ai retrouvé le produit photographique le plus luxueux des 35 années de carrière de Franz Koroschetz. L’histoire est la suivante: en 1904, la famille royale roumaine fait un voyage en train de Sinaia à lasi, avec des arrêts dans les principales gares, où l’événement est évidemment immortalisé. A Focsani, il y en a eu sept photos, prises à la gare. Sur l’une d’entre elles, à droite de l’image, on voit un individu qui repose une main sur ses genoux. C’est le préfet du département, Nicusor Sàveanu, qui, en tant qu’homme politique aguerri, au courant de la visite royale, avait commandé à Franz Koroschetz un album d’images du département de Putna, le nom que le département de Vrancea avait à l’époque. Le photographe a réalisé 14 photos dans le nord du département, des images rassemblées dans cet album, arrivé entre les mains du jeune homme au centre de la photo, qui n’est autre que Radu Saveanu, futur maire de Focsani et fils de Nicusor Săveanu. Radu Saveanu a offert le recueil à celui qui allait devenir le roi Carol Il. Cet album a été mentionné une seule fois dans la presse de l’époque et il a été introuvable de 1904 à 2024. Il a d’abord appartenu à la famille royale, et ensuite il a fini à la Bibliothèque de l’Académie. Mais personne n’en avait plus aucune information jusqu’en 2024, quand je l’ai découvert. »

     

    On dit qu’une photo parle par elle-même.

     

    Cependant, le travail et la passion de Sorin Tudose ont réussi à compléter les histoires cachées derrière certaines de ces photographies : « Nous avons là deux photos et il est question de ce que la recherche a découvert derrières les images. Il n’y avait rien d’écrit sur aucune des deux photos. Elles sont réalisées par Keroschetz, pour la famille Rainu-Negut, et j’aurais voulu y ajouter seulement « Photo Keroschetz », en légende. Selon moi, elles avaient été prises autour de l’année 1910. Mais, puisque j’en suis passionné, j’ai lu en détail la presse du temps où j’ai fini par trouver un article tout à fait par hasard. On y parlait des noces d’argent de la famille Negut un événement fêté à la résidence familiale. J’y ai découvert les personnalités présentes à cette célébration, y compris le maire de la ville, devant lequel les deux époux avaient renouvelé leurs serments. L’article datait de 1908. J’ai donc pu comprendre à quelle occasion ces photos avaient été prises et j’ai réussi à identifier tous les personnages présents. Les histoires en toiles de fond augmentent la valeur de ces images: elles nous disent qui sont ces personnages, à quelle occasion ils s’étaient rencontrés, elles gagnent en chaleur humaine. »

     

    La disparition de la vieille ville de Focsani

     

    La ville de Focsani du temps de Koroschetz n’existe presque plus aujourd’hui, mais elle vit toujours dans le livre de Sorin Tudose. qui nous raconte la disparition de la vieille ville : « A commencer des années 1970, les démolitions deviennent monnaie courante. C’est ce qui arrive, par exemple, à une église de Focsani. seule église de la ville démolie par les communistes. Koroschetz l’avait photographiée autour de 1930. Les camarades communistes ne l’avaient pas aimée et l’ont démolie. Tout comme ils n’ont pas aimé le bâtiment appelé « Banca Economia », qu’ils ont aussi abattu. J’ai donc voulu montrer par un dessin graphique ce qui est arrivé à ma ville natale, Focsani. J’en ai parlé à une amie architecte et elle avait voulu savoir ce que j’entendais par cela. Je lui ai montré deux bâtiments importants de Focsani, la Banca Economia et l’Eglise princière, et je lui ai demandé d’imaginer un dessin avec des bulldozers portant une faucille et un marteau. »

     

    L’album de Sorin Tudose contient plus de 250 photos réalisées par Franz Xaver Koroschetz durant 35 ans. Elles ont immortalisé le quotidien et les occasions spéciales de la vie de la ville et de ses habitants. (Trad. leana Tăroi)

  • Le phénomène« Anul Nou care n-a fost » ( La nouvelle année qui n’a pas eu lieu)

    Le phénomène« Anul Nou care n-a fost » ( La nouvelle année qui n’a pas eu lieu)

    Nous parlons film et cinéma aujourd’hui. Et nous avons fait ce choix car « Anul Nou care n-a fost » (en français, La nouvelle année qui n’a pas eu lieu), le premier long métrage du réalisateur et scénariste Bogdan Mureşanu, a enregistré des succès remarquables tout de suite après sa sortie. Ainsi, dès le premier week-end après sa sortie en salle, le film occupait la première place au box-office, et avait déjà enregistré 70 000 entrées après un mois seulement ! Sans oublier les récompenses internationales et nationales ! Place aux experts pour en discuter. Et on commence par Bogdan Mureşanu lui-même, à qui nous avons demandé s’il s’attendait à un tel succès ?

     

    « Non, personne ne peut rien produire s’il a en tête le succès. Je veux dire, je ne me suis même pas posé la question. Je pensais que le simple fait de réaliser le film selon mes désirs, cela constituerait déjà un immense succès, et le projeter seulement devant quelques amis, cela aurait été une victoire en soi, parce que quand j’ai écrit le scénario, cela semblait impossible à réaliser. En fait, j’ai passé environ six mois à me demander si je pouvais le faire et si cela avait du sens. J’ai aussi écrit une version “plus sûre”, comme on dit, quelque chose de plus facile à faire, mais j’ai finalement décidé de choisir la voie la plus complexe ! Et maintenant, je suis content de l’avoir fait ! »

     

    Adrian Cioroianu, professeur d’histoire à l’Université de Bucarest, a vu le film lors d’une des avant-premières organisées à Bucarest et nous a raconté ses impressions :

     

    « Pour quelqu’un comme moi qui a vu, je pense, tous, ou presque, les films sur la révolution roumaine, je dois reconnaitre que j’ai trouvé le film surprenant ! Et je n’avais pourtant pas d’attentes particulières, même les critiques étaient dithyrambiques ! Je n’avais pas d’attentes, mais j’ai trouvé cela surprenant, principalement à cause du scénario et du jeu des acteurs. Des acteurs, pour la plupart connus, mais qu’on ne s’attendrait pas à voir dans une comédie aussi noire. Je ne sais même pas comment l’exprimer ; même si cela se termine finalement relativement bien, on sait qu’après la fin du film, plus de 1000 victimes vont mourir. Mais dans l’ensemble, je pense qu’il manquait encore une nouvelle génération pour s’identifier à l’événement, et je pense que l’élément déterminant du film est ce changement de perspective. Des comédies ont déjà été réalisées sur ce sujet, tout comme des films à l’atmosphère pesante sur la Révolution de Décembre ‘89 en Roumanie, mais cet enchaînement de destins entremêlés au notre, je pense, créée un rapprochement avec la réalité, même si évidemment le réalisateur a pris des libertés artistiques pour raconter l’histoire. Certaines choses sont malheureusement présentées de manière plus agréable dans le film que dans la réalité, et l’on constate quelques petites inadvertances dans les décors, mais dans l’ensemble, je pense que c’est la fraîcheur du film qui a conquis le public.”

     

    Bogdan Mureşanu nous explique quels ont été les défis les plus importants à relever pendant la réalisation de son film :

     

    « Comme le film se déroule en une journée et une matinée, nous avons rencontré des problèmes avec la météo, qui ne correspondait pas à ce que l’on voyait sur les images d’archives. Il ne pouvait pas neiger par exemple. D’autre côté, nous étions aussi tributaires de la météo, nous ne pouvions pas filmer à n’importe quel moment. Les arbres devaient avoir un certain feuillage, qui ne devait pas être ni trop vert, ni trop plein de neige, comme je l’ai dit, car ce n’était pas le cas le 20 décembre 1989. Cela a posé beaucoup de problèmes. Ensuite, la reconstitution d’espaces qui n’existent plus, et je ne parle pas ici d’appartements, car cela peut encore se faire, mais plutôt d’un studio de télévision en activité des années 80, c’était pour nous un défi absolument gigantesque ! Parce le mot d’ordre était fonctionnel : il fallait que ça marche, les panneaux et tout ça devaient fonctionner, parce que nous n’avions pas les moyens d’attendre et tourner les scènes séparément. »

     

     

    Les Roumains qui n’ont pas connu directement ces moments et dont les parents n’ont pas partagé suffisamment avec eux ces récits, ont pu apprendre grâce au film à quoi ressemblait le quotidien à l’époque, comment fonctionnait un magnétophone, une télévision avec des lampes et un tube cathodique. Le film soulève aussi la question de savoir pourquoi ne pas s’être enfui, pourquoi avoir choisi de rester en Roumanie à l’époque communiste ? Comment l’expliquer ? Bogdan Muresanu :

     

    « Le film a connu un succès à l’international, mais aussi sur la scène nationale. Son circuit de festival en festival vient de démarrer et je pense qu’il va continuer ainsi pendant 2 ans ! Il va faire le tour du monde ! Mais sinon, comment l’expliquer ? Chaque jour, je reçois des dizaines de messages de spectateurs et j’y réponds ou du mois j’essaie, et mon équipe aussi. J’apprécie vraiment cela ! Les mots « thérapeutique » et « lumineux » reviennent toujours dans les messages que nous recevons, ce qui peut sembler surprenant, car le film aborde une époque difficile et sombre. Et j’ai été surpris par ce terme, « lumineux ». Même si la fin du film est libératrice et je me souviens que toute la Roumanie avait ressenti cela, elle résume probablement, dans le récit de ce film, ce sentiment de libération que nous avons tous ressenti ce jour-là. »

     

    Adrian Cioroianu, professeur d’histoire à l’Université de Bucarest partage avec nous ses explications :

     

    « Dans le film, on retrouve des choses caractéristiques de cette époque et d’une certaine manière, nous nous identifions tous aux personnages du film. Parce que forcément, si on était élève à cette époque-là, à l’école, on récitait des poèmes sur le parti communiste, parfois sur le secrétaire général du parti. Ceux qui rejoignaient l’armée devaient prêter serment avec la main posée sur le drapeau tricolore pour défendre la patrie sous les ordres du commandant suprême, etc. On retrouve dans le film beaucoup de ces personnages, mais étonnamment, ils sont joués par des jeunes, qui n’étaient pas nés à l’époque, et je trouve ça gratifiant, des jeunes qui ont encore aujourd’hui une image de ce à quoi aurait pu ressembler la vie en 1989, et c’est formidable. Même les étrangers, je pense, sont impressionnés par les destins de ces gens normaux, au sein d’un pays civilisé, toute proportion gardée bien sûr. Nous étions un pays où les gens essayaient de vivre normalement dans un système anormal, et je pense que le cinéphile étranger s’en rend immédiatement compte. Et puis, je le répète, c’est cet enchaînement et cet entrecroisement de destins, la façon dont des gens qui se connaissent, ou ne se connaissent pas, deviennent les protagonistes d’un même événement historique. »

     

    Avant de terminer, Adrian Cioroianu vous invite à ne pas rater ce nouveau  film roumain, si l’occasion de le voir se présente :

     

     « J’adresserais en fait une invitation à tous ceux qui ne l’ont pas vu, car ils seront aussi émerveillés que moi, émerveillés dans un sens absolument positif. C’est une sorte de souvenir de la fin du régime communiste et cela fait du bien ! »

     

    Le film « Anul Nou care n-a fost » ( La nouvelle année qui n’a pas eu lieu) est actuellement projeté dans 80 salles dans 42 villes à travers le pays. (trad. Charlotte Fromenteaud)

  • L’officiel du parti communiste roumain, le journal Scânteia /L’étincelle

    L’officiel du parti communiste roumain, le journal Scânteia /L’étincelle

    La presse à l’époque communiste

     

    Si la liberté de la presse était garantie depuis 1789 par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, force est de constater que les régimes totalitaires, qu’ils soient d’extrême droite ou d’extrême gauche, se sont évertués à n’en faire qu’une bouchée. Ainsi, la quasi-totalité de la presse des démocraties soi-disant populaires instaurées après 1945 par l’Armée rouge dans les Etats d’Europe centrale et de l’Est se soumettait aux ukases idéologiques du parti communiste. Mais ce dernier disposait souvent également de son propre quotidien, considéré comme la voix officielle du régime.

     

    Aussi, à l’instar du quotidien « Pravda », « La vérité », en URSS, l’on voit paraître « Rabotnichesko Delo », « Les Réussites ouvrières » en Bulgarie, « Rudé Právo » ou « La justice rouge » en Tchécoslovaquie, « Neues Deutschland » ou « La nouvelle Allemagne » en RDA, « Trybuna Ludu » ou la « Tribune du peuple » en Pologne, « Borba » ou « La lutte » en Yougoslavie. En Hongrie, la presse écrite sera dominée par le quotidien « Szabad Nép », les « Hommes libres » entre 1942 et 1956, puis par « Népszabadság » , « La liberté du peuple » entre 1956 et 2016. En Roumanie, la voix du Parti communiste roumain se faisait entendre grâce à son officiel Scânteia, « l’Eticelle ».

     

    La voix du Parti Communiste Roumain

     

    Fondé en 1931, alors que le Parti communiste roumain avait été mis hors la loi depuis un bon moment à cause de son programme résolument antinational, son officiel paraîtra de façon irrégulière jusqu’en 1940. Son nom s’inspirait du journal en exil de Lénine intitulé Iskra, l’Etincelle, paru entre 1900 et 1905. L’Etincelle des communistes roumains paraîtra pour la première fois au grand jour, officiellement, le 21 septembre 1944, après l’occupation le 30 août 1944 de Bucarest par l’Armée rouge. Le critique d’art Radu Bogdan, né en 1920, sympathisant communiste, fut l’un des membres de la première équipe de rédaction de L’étincelle roumaine lors de sa réapparition de 1944.

     

    Les débuts du journal Scânteia

     

    Dans son interview de 1995, conservée par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, Radu Bogdan se rappelait les premiers pas de cette nouvelle vie de l’officiel communiste roumain. :

     « Cinq personnes ont été chargées par le parti de la parution de ce premier numéro. Matei Socor a été nommé responsable de ce petit noyau de rédacteurs, dont faisaient encore partie Pavel Chirtoacă, l’ingénieur Solomon, Radu Mănescu et Iosif Ardelean. Ce dernier sera ultérieurement nommé responsable du département de censure. L’ingénieur Solomon avait pour sa part des responsabilités plutôt administratives. Quant à moi, j’avais certes à l’époque des velléités de journaliste. Mais j’avais du mal à trouver mes marques. Et c’est à ce moment que j’entends que Radu Mănescu allait lancer un journal. Je me présente et je postule. L’on m’invite sans peine à faire du bénévolat. C’était encore la période romantique, la période de grands idéaux. Mon premier travail a été celui de correcteur. Je travaillais avec Mirel Ilieşiu, metteur en scène. Et c’est ainsi que j’avais pris part à la parution du premier numéro de l’Etincelle. »

     

    Discréditer la démocratie et les partis historiques

     

    Mais l’officiel du parti communiste devient rapidement le fer de lance des pourfendeurs du régime démocratique roumain. Des intellectuels de gauche, idéalistes et opportunistes mélangés, faisaient de leur mieux pour discréditer la démocratie et les partis historiques. Parmi ces journalistes de la premières heure un personnage s’est démarqué entre tous par sa violence de langage. Il s’agit de Silviu Brucan, celui qui, après la chute du régime communiste fin 1989, s’érigera comme l’un des idéologues du régime postcommuniste de Ion Iliescu et de son Front du Salut national.

     

     

    Radu Bogdan se rappelait dans son interview de l’atmosphère d’effervescence qui était celle de la presse de l’après-guerre, une presse de plus en plus dominée par l’organe de presse du Parti communiste roumain, dirigé par le sociologue Miron Constantinescu :

     « Le compositeur Matei Socor n’est demeuré qu’un jour à la tête de l’Etincelle. Il prit ensuite ses fonctions à la tête de la Radio, devenant son directeur-général. Peu de jours après la parution du premier numéro de l’Etincelle, à sa tête fut nommé par le parti Miron Constantinescu, vieux communiste, récemment libéré. L’on travaillait dur au début, l’on passait nos nuits à la rédaction, l’on se reposait sur des matelas jetés à même le sol. Cette première rédaction du journal avait emménagé dans les locaux de l’ancien journal de Pamfil Seicaru, Curentul. Pendant tout un temps, j’ai aussi assuré la sécurité personnelle du nouveau rédacteur en chef, Miron Constantinescu. J’étais en quelque sorte sa garde de corps. Je n’avais pourtant pas d’arme sur moi, c’était plus pour faire semblant, pour se donner de l’importance. Mais comme il allait tous les jours au siège de la Confédération générale du travail et qu’il ne voulait pas circuler tout seul en rue en ces temps troubles, je l’accompagnais. J’avais une belle carrure, j’étais plutôt grand. Heureusement, on n’a jamais eu d’accroc avec qui que ce soit, mais j’ai été son ombre durant plusieurs mois. »   

     

    Durant les années qui ont suivi et jusqu’au mois de décembre 1989, l’Etincelle a été le porte-voix de la propagande communiste, le fer de lance de cette presse asservie, dont l’objectif principal était de cacher les malversations et les abus du régime et l’enfreinte régulière des droits fondamentaux. (Trad. Ionut Jugureanu)