Elle n’avait encore jamais été une étrangère,
là où les terrasses des cafés auraient dû lui mettre du baume
au cœur, ces espaces bruyants et trop éclairés où des gens
célébraient l’amitié, lui renvoyaient en plein visage sa solitude
et son égarement. Soudain, la ville de Bucarest et ses blocs
tout déglingués lui manquaient, sa grand-mère l’attendant sur
le perron de sa maison de campagne, semblait à présent
relayée de l’autre côté du globe.
Tag: hors-piste
-
L’exil
-
Le gratar
Grégory Rateau revient avec un nouveau portrait radio dans le prolongement de son livre Hors-piste en Roumanie, il nous raconte un moment de convivialité cher à une famille roumaine autour du gratar, de la viande et d’un verre de vin local…
-
De la marche
Le rapprochement fut des plus simples car personne en dehors de nous trois ne dormait dans la cabane cette nuit-là, tant le vent dehors hurlait à s’en briser les cordes vocales et le verglas rendait les pentes impraticables. Michael et Bridget m’ont fait la confidence qu’ils venaient ici, en Roumanie depuis maintenant 15 ans. Chaque année, c’était comme un rituel bien huilé, ils commençaient leur trek très tôt en partant des petits villages en amont puis ils discutaient en longeant la route et en admirant les montagnes qui se dressaient à l’horizon, avec comme unique projet, de se retrouver tout là haut avant la tombée de la nuit.
-
Le jour du cochon
Le couteau est encore dans lanimal quand son dernier son est sectionné par le tranchant de la lame. Il y a un bain de sang sur le sol que la terre refuse bien évidement de boire. La sœur de Lucian, une femme forte de corps comme de caractère et habituée depuis lenfance à ce spectacle, arrive avec un seau rempli de terre et le jette sur la scène de crime pour faire disparaître toutes les preuves.
-
Le revenant
Son portable sonne, Arthur ne répond pas et pourtant il ne quitte jamais son téléphone. Au bout d’une heure d’angoisse Ana, sa fiancée, se demande terrifiée : mais a-t-il jamais existé?
-
Gilles
Il a quitté son Havre natal et est venu sinstaller ici à Bucarest il y a quelques mois seulement. Pour les gens qui ont droit au sommeil, la vie connaît une rupture, se coucher, oublier, pour ensuite tout recommencer. Pour lui, il ny avait jamais eu aucune discontinuité, chaque jour se prolongeait sans sarrêter. Il avait donc tout son temps pour contempler la profonde absurdité de tout ce qui lentourait. Son inconscient sétait fait la malle, il était donc conscient 24 h sur 24, une vraie torture pour ses nerfs.
-
Le feu du soba
Le plus difficile c’est de se confronter au silence, car en ville, même isolé, le bruit des autres est palpable, réconfortant pour la plupart des gens même s’il nous arrive de le condamner violemment. Lorsque ce bruit disparaît, nous nous en créons de nouveaux grâce à nos écrans, nos téléviseurs pour rester connecté et éviter le plus possible de se retrouver en tête à tête avec nous-même. Dans la campagne roumaine, quand le courant est coupé, que la neige paralyse les routes, nous vivons provisoirement coupé du monde. Les familles se retrouvent autour du soba pour les plus chanceux, quand d’autres se retrouvent irrémédiablement seuls car leurs proches sont partis loin d’ici.
-
Les Blocs
Sa voisine passait son temps collée à l’œil de son « Judas » pour surveiller ses allers et venus. Les premières fois qu’elle vit mon ami à la grosse barbe, elle ne s’en formalisa pas plus que ça, même si lui devinait la présence de ses yeux exorbités qui le lorgnaient à travers la porte. Mais un jour, comme ça, il eut l’idée de se raser la barbe, et de venir visiter sa copine, la vieille ouvrit sa porte, sortit sa tête furieuse et ne le reconnu pas. Le même jour, elle envoya la police chez le couple, en leur expliquant au préalable que la fille d’en face faisait des passes, que les hommes défilaient chez elle et qu’elle avait donc peur pour sa sécurité.
-
Call Center
Tout était fait pour nous rendre compétitifs et serviles, le nombre d’appels réalisés, leur qualité, le comportement exemplaire, les léchages de pompe recommandés et encouragés par la direction. En plus, à la pause-déjeuner, les gens se battaient pour être celui ou celle qui aurait l’insigne honneur de manger avec l’un de ses supérieurs. J’en avais des haut-le-coeur, chaque jour mon relationnel au sein de l’entreprise et à l’extérieur, se dégradait. Mon corps était en souffrance…
-
L’automne
« Les feuilles jaunissent et sont
très belles, il faut le reconnaître, mais ce n’est qu’une question de temps
avant qu’elles ne tombent à leur tour pour abriter toutes les merdes qui vont
jaillir des entrailles de la terre. Il n’y a plus aucun coin d’ombre pour venir
se planquer et regarder les autres sans être vu à son tour. Tout est noyé dans
une teinte uniforme, les objets et les êtres sont sur le même plan, comme peut
l’être un caméléon qui se fond dans le décor. » -
Barcelone-Bucarest
Pour lui, les Roumains se comportent souvent comme des enfants, se battant pour être les premiers dans lavion même si les places sont déjà réservées à lavance. Il sont aussi de grands superstitieux se signant sans cesse, ce qui, pour lui, nest pas une preuve de foi mais bien dégoïsme, lenvie dêtre toujours aidé par Dieu comme si ce dernier était un simple faiseur de miracle…
-
Réunion de famille
La plus âgée, Diana, est la seule à vraiment profiter de son repas, elle n’arrive pas à comprendre le comportement de sa famille, ne jamais être là, dans l’instant, préférer être dans la représentation pour des amis absents ou tout simplement, virtuels. Même sa mère en profite pour immortaliser sa nouvelle teinture d’un blond cendré avec quelques selfies parfaitement contrôlés, qu’elle n’hésite pas à reprendre à 4 ou 5 reprises, si la lumière est moins flatteuse et ces cernes un peu trop soulignées.
-
Codrin
Elle est de loin la plus belle fille de la région, avec un grand front qui trahit son intelligence hors-norme et un regard bleu gris qui ne laisse aucune émotion se mettre en travers des projets qu’elle s’est promise de réaliser. Mihaela est une ambitieuse, tout le contraire de Codrin, qui ne rêve que de la pêche et d’étudier la carte du monde à l’ombre d’une vieille carcasse d’un paquebot abandonné. Depuis le jour où il l’a aperçue sur le port, il y a de ça un an, il fut le premier surpris, car du jour au lendemain, il était incapable de penser à autre chose.
-
Malek
Malek vient pour la première fois en Roumanie, pour dire vrai, il sagit également de sa première hors de son pays, le Liban. Il se trouve ici dans une toute autre réalité, le pays quil découvre est pauvre mais un sentiment de sécurité lui rappelle langoisse permanente dans laquelle il vit au pays, entouré de ses frères et de ses sœurs qui attendent de lui quil soit le nouveau chef de famille.
-
Panait Istrati
Lorsque j’ai lu « Mes départs » de Panait Istrati, j’ai ressenti exactement cela. Une main amie m’était tendue, ses mots coulaient par perfusion, redonnant des couleurs à me joues. Savoir que bien avant moi, sur les terres que je traverse maintenant en étranger, un jeune homme a vécu dans le doute, la honte, la culpabilité, pour prendre le risque de dévorer la vie envers et contre tous, je me sens moins seul et plus confiant.