Tag: littérature

  • Livre français et francophone en Roumanie

    Livre français et francophone en Roumanie

    Pour ce numéro estival, “Le Son des Mots” à invité à la Librairie française Kyralina de Bucarest, partenaire de ce programme littéraire de RRI, des professionnels du livre de Roumanie pour faire le point sur la présence de la littérature française et francophone dans le pays.



    Combien lus sont les auteurs français et francophones ? Quelle demande y a-t-il pour ce type de littérature et comment les éditeurs roumains s’y prennent ? Comment ce secteur littéraire est-il soutenu en Roumanie et en Europe ? Valentine Gigaudaut et Andrei Popov proposent des pistes de réflexion grâce à leurs invitées : Denisa Comanescu, directrice de Humanitas Fiction, Adina Dinitoiu, traductrice du français et journaliste au magazine culturel “Observatorul cultural” et Cyrielle Diaz, responsable du Bureau du livre à lInstitut français de Bucarest.



    Ne ratez pas les recommandation de lecture pour les vacances, en fin de programme!




  • Le son des mots d’Irina Teodorescu

    Le son des mots d’Irina Teodorescu

    Pour sa deuxième édition “Le son des mots”, le magazine littéraire de RRI, sinstalle dans son QG de la librairie Kyralina, partenaire de ce programme. Dans cet environnement, la réflexion sur la littérature, lécriture, le choix des sujets, est plus que naturelle. Justement, comment devient-on écrivain, inventeur dhistoires et de vies dans une langue quon ne connaît pas avant lâge adulte ? Dans un tel cas, limagination puise-t-elle, sans le savoir, sans le vouloir, dans les sources dont on croît sêtre détaché ou bien dans celles que lon vient de découvrir ? Cette création parle davantage à quel public – celui qui découvre ou celui qui se rappelle les choses ? Valentine Gigaudaut et Ileana Taroi en parlent de tout cela, et de bien plus, avec les invités du “Son des mots” – lécrivaine franco-roumaine Irina Teodorescu et Evelyne Lagrange, de la maison dédition Gaïa, qui a publié les deux romans dIrina Teodorescu – “La malédiction du bandit moustachu” (2014, Prix André Dubreuil du premier roman et Prix Europe de l’Association des Écrivains de Langue Française) et “Les étrangères” (2015).



  • 02.06.2016

    02.06.2016

    Varsovie
    Le ministre roumain des AE, Lazar Comanescu, doit se rendre la semaine
    prochaine à Varsovie, où, aux côtés du chef de la diplomatie turque, Mevlut
    Cavusoglu, il doit participer à une analyse de la situation du flanc sud-est de
    l’Alliance Atlantique. A l’agenda de la réunion figure aussi l’état de la
    coopération entre les trois pays, a affirmé le chef de la diplomatie polonaise,
    Witold Waszczykowski. Il a déclaré que la Pologne visait une coopération
    directe avec la Roumanie, les deux Etats ayant des objectifs similaires dans le
    cadre de leur partenariat stratégique. Sur cette toile de fond, le chef de la
    diplomatie polonaise a également évoqué les récents propos du président
    Vladimir Poutine au sujet des installations militaires américaines en Roumanie
    et Pologne. Les pourparlers sont prévus jeudi prochain, un mois avant le sommet
    de l’OTAN accueilli par la capitale polonaise.

    Banque centrale – A la fin mai, les réserves en devises de la Roumanie ont dépassé les 32 milliards d’euros, en hausse de près de 1,2 milliards par rapport à la valeur enregistrée le 30 avril, selon un communiqué de la Banque centrale roumaine. Cette majoration est la conséquence d’une émission d’euro-obligations d’une valeur nominale d’un milliard d’euros, déroulée il y a près de deux semaines. Les réserves en or se sont maintenues à 103,7 tonnes. Leur valeur dépasse les 3,6 milliards d’euros, selon le communiqué de la Banque centrale.

    Littérature – Le romancier Dan Stanca, le poète Vasile Dan, le critique Mircea Anghelescu et l’essayiste Horia Roman Patapievici comptent parmi les lauréats des prix de l’Union des écrivains de Roumanie pour l’année 2015. La distinction la plus prestigieuse, le Prix national de littérature, a été accordé à l’écrivain Mircea Cartarescu.

    Handball – La sélection nationale féminine de handball de Roumanie s’est qualifiée à l’Euro 2016, suite à la victoire contre la Lituanie, à Kaunas, sur le score de 34 à 24. Dans l’autre match du groupe préliminaire, la Norvège a battu le Belarus et s’est qualifiée ainsi au tournoi final de décembre, qui sera accueilli par la Suède. La sélection nationale féminine de handball représentera la Roumanie aux JO de Rio de cet été.

    Meteo – Les hydrologues roumains ont émis des alertes jaune et orange aux inondations dans le bassin de plusieurs rivières du centre, du sud, de l’ouest et du nord-ouest du pays, valables à partir de cet après-midi et jusqu’à samedi en soirée. Dans ces régions, le temps sera instable et des pluies à verse, des orages et des chutes de grêle sont attendues. Les quantités d’eau pourraient arriver même à 50, voire 80 litres/mètre carré. Les températures à la baisse vont de 17 à 27 degrés. 21 degrés en ce moment à Bucarest.

  • Les lettres voyageuses du métro bucarestois

    Les lettres voyageuses du métro bucarestois

    Le livre “Lhistoire de la correspondance” de lItalien Mario-Ruggiero Lucci, reprend lidée de lhistorien grec Hellanicos, selon lequel la première lettre jamais écrite aurait été rédigée par la fille du roi perse Cyrus le Grand, au VI e siècle av. J.- Ch. Lart épistolaire serait donc né plus de deux millénaires après lapparition des premières formes décriture. Cet art allait connaître un véritable essor au XVIIIe siècle, étant même enseigné à lécole.



    Lépoque moderne nous a éloignés de ce savoir-faire, puisquil est désormais de coutume denvoyer des messages ultracourts, réduits à lessentiel et écrits à la va-vite, sous forme de-mail ou de texto. Doù le caractère insolite de linitiative de Metrorex, la compagnie qui gère le métro de Bucarest, daccueillir ses voyageurs au mois de mars avec des lettres calligraphiées, mises dans des enveloppes scellées.



    Voici les explications dEvelyne Croitoru, responsable du bureau de presse de lentreprise: « Nos voyageurs ont eu droit à une surprise très agréable. Sur les lignes du métropolitain bucarestois Berceni – Pipera et Preciziei – Anghel Saligny, nous avons offert 700 lettres voyageuses, avec des messages positifs, censés semer la joie dans lâme des gens. Une fois de plus, nous avons eu pour partenaire lAssociation “LArt ne mord pas”, ainsi quune poignée de bénévoles, qui ont rédigé les 700 lettres manuscrites. Ces missives, on les a introduites dans des enveloppes scellées par un cachet de cire rouge, avant de les offrir aux passagers avec linvitation de les remettre à quelquun dautre. Les destinataires, enchantés, nous ont remerciés. Certains ont avoué avoir reçu une lettre manuscrite pour la première fois de leur vie, dautres ont déclaré que leur journée a été plus belle grâce à notre geste. En fait, la vraie récompense pour notre effort a été la disponibilité au dialogue. »



    Les passagers sen sont donné à cœur joie dans les rames du métro, conclut notre interlocutrice: « Le métro est devenu beaucoup plus quun simple moyen de transport. Il sest transformé en un symbole de lharmonie, de lémotion, de la joie de vivre en beauté. Lévénement « Lettres voyageuses dans le métro » en est à sa deuxième édition. Nous avons été encouragés par laccueil très positif réservé à notre initiative par les voyageurs lannée dernière. Nous avons également apprécié lintérêt manifesté par les médias et nous sommes persuadés que le métro est un espace qui saccorde très bien avec ce genre dactions. » Metrorex prépare dautres surprises aussi aux usagers du métro bucarestois, a-t-on appris par Evelyne Croitoru: Track: « Pour le mois davril, nous avons en vue dautres surprises agréables. Il sagit de la quatrième édition du Festival de musique classique diffusée dans les stations de métro, événement que nous organisons conjointement avec lAssociation “LArt ne mord pas”. Il y aura cinq jours de concert live, dans quatre stations de métro importantes. Artistes lyriques, musiciens du Conservatoire de musique et de lOrchestre philharmonique, délecteront le public avec des œuvres immortelles de Verdi, Mozart, Enescu, Strauss. Cest à Cristina Dobrescu et à Loredana Munteanu que nous devons la mise en page de ces moments de joie tout au long du festival. Tous les détails de ce festival de musique classique sont à retrouver sur la page Facebook « metroul tânăr »(le métro jeune). »



    Dans les stations de métro on a donc lu, chanté et dansé le tango. Nous avons demandé à Evelyne Croitoru comment est née cette idée de transformer la station de métro en un espace culturel. Voici ce quelle nous répondu : Jai constaté que les gens étaient bien contents de ce voyage pas comme les autres. Nous nous sommes inspirés dévénements similaires, dont les FlashMob, accueillis par les métros dautres capitales européennes. Le principe est le suivant : les passagers se retrouvent tout à coup devant un orchestre qui se met à jouer lHymne à la joie ou un autre morceau tout aussi célèbre. La prestation finie, les musiciens se retirent discrètement, sous les applaudissements des gens qui continuent leur voyage, heureux davoir vécu ce moment inédit. Il mest arrivé aussi de croiser au métro beaucoup de personnes tristes, pensives, préoccupées par les soucis du quotidien. Nous avons tenté de ramener le sourire sur leurs visages, comme nous lavions fait par le passé. Et je rappellerais entre autres les précédentes éditions du Festival de musique classique au métro, de lévénement intitulé « Les livres voyageurs », les lectures dans les rames du métro, les pantomimes exécutées par les comédiens du théâtre Masca. Toutes ces actions visent à apporter la joie dans le cœur des gens, ne serait-ce que pour de brefs instants. »



    Nous avons prié Evelyne Croitoru de nous faire part de quelques – uns des messages contenus dans ces lettres voyageuses: Track: « Chère belle âme, la vie est parsemée de défis qui mettent à dure épreuve tes forces et tes rêves. Nempêche. Sois forte et ne cesse de rappeler aux autres combien ils comptent pour toi. Chère belle âme, garde cette lettre ou fais en sorte quelle parvienne à quelquun dautre. Noublie pas de sourire! Cest curieux, mais ça marche presque invariablement. Metrorex et léquipe « Livrez dragoste.ro » te souhaitent une excellente journée!”. Lévénement “Lettres voyageuses” sest donné pour but de transmettre aux voyageurs les bonnes pensées des salariés du métro et de rendre leur voyage aussi agréable que possible. (trad. Mariana Tudose)


  • “Se libérer, en regardant l’Histoire”

    “Se libérer, en regardant l’Histoire”

    Si la parole fait passer le temps, le mot, lécriture, le font rester et, plus que cela, le font travailler. Ecrire, cest huiler les rouages de la réflexion afin de ne pas céder à limmédiat sans la moindre résistance à son chant des sirènes. On ny pense peut-être pas tout de suite, mais le polar, le vrai, est lillustration parfaite de ce type de gymnastique de lesprit. Un des meilleurs écrivains de polar intellectuel se trouve actuellement en Roumanie. Le Belge Alain Berenboom est venu lancer les versions en roumain de deux de ses livres-phare: “Périls en ce Royaume” et “La fortune Gutmeyer”. Précisément, le polar actuel doit-il être comme une toile de lécole flamande — autrement dit, doit-on regarder laction ou plutôt le décor ? Pourquoi certaines sociétés consomment plus de polars que dautres? Quelles chances, en définitive, pour le polar face à la réalité de nos jours qui tient le lecteur en haleine au point de perdre définitivement son souffle? Clés de lecture de lévolution dun genre littéraire et social Alain Berenboom, écrivain et avocat, et Eric Poppe, Délégué Wallonie-Bruxelles à Bucarest.


  • Tout progrès implique des regrets…

    Tout progrès implique des regrets…

    En ce début du 21e siècle, l’humanité semble en train de s’égarer sur les chemins qu’elle-même a dessinés et balisés. Populations, cultures, pays et continents se montrent de plus en plus divisés par des fractures apparemment insurmontables. D’aucuns accusent des immobilismes politiques qui produisent et entretiennent des retards de développement dans une bonne partie du monde. D’autres déplore un appauvrissement intérieur d’une autre partie qui ne mise que sur la technique et le divertissement, qui choisit d’ignorer le savoir transmis par la littérature, la philosophie ou la création artistique. Où allons-nous ? Débat avec Antoine Compagnon, professeur au Collège de France, une des figures littéraires phare du moment.


  • La revue Fabulafia

    La revue Fabulafia

    Fabulafia, c’est le nom d’une revue pour enfants qui ose sortir sur le marché roumain spécialisé. Celui-ci est envahi depuis une bonne quinzaine d’années par les traductions et par les magazines publiés sous licence qui proposent des histoires et des personnages tirés des dessins animés à succès. L’alternative, ce sont les contes fondés sur le folklore roumain qui semblent être de plus en plus poussiéreux et périmés, dans une société contemporaine de plus en plus branchée. Sur ce marché difficile, Fabulafia se définit comme une revue-livre ou bien un livre-revue, qui publie des textes originaux, accompagnés d’illustrations inédites réalisées par des artistes autochtones contemporains.




  • Les écrivains des prisons roumaines

    Les écrivains des prisons roumaines

    Depuis à peu près un an, une véritable académie des malfaiteurs se développe dans les prisons roumaines. Responsables politiques — ministres, parlementaires et maires, richissimes hommes d’affaires, ex-magistrats et vedettes du sport, ils n’ont pas hésité à mettre à profit une opportunité prévue par la loi 254/2013. Celle-ci offre aux détenus la possibilité de réduire leur période de détention de 30 jours pour chaque ouvrage scientifique publié ou invention brevetée durant la période de détention.



    Cet acte normatif s’avère très permissif devant la persévérance des locataires de luxe des pénitentiaires roumains. La loi arrive même à encourager les abus puisque la réduction des peines de prison ferme s’applique pour chaque livre dont la valeur scientifique est confirmée uniquement par le tampon d’une maison d’éditions. Les soupçons concernant l’apparition d’une nouvelle branche professionnelle, celle des écrivains-fantôme, s’avèrent justifiés, puisque nombre de ces nouveaux auteurs avaient fait preuve par le passé d’un vocabulaire bien pauvre et de graves carences de grammaire de la langue roumaine.



    Cette véritable métamorphose, ainsi que l’œuvre pléthorique publiée dans un laps de temps plutôt court ont attiré l’attention des responsables de Bucarest. La ministre de la Justice, Raluca Pruna, met en question le caractère scientifique de ces tomes. « Je fais une analyse très sérieuse et je souhaite revoir, conjointement avec l’Administration nationale des pénitentiaires, comment cette procédure a été appliquée. Au cas où je constate qu’elle était appliquée d’une manière déficitaire, contraire à la loi, je ne serais pas du tout timide » a précisé Mme Pruna. Selon elle, entre 2007 et 2010, un seul ouvrage de ce genre a été écrit, une vingtaine de livres ont été publiés entre 2011 et 2013, alors qu’en 2015 leur nombre a dépassé les 330.



    La situation devrait pourtant changer prochainement. Une initiative législative de modification de la loi de l’exécution des peines – actuellement sous la loupe des sénateurs de Bucarest – prévoit l’abrogation de ce très controversé article législatif. Les initiateurs affirment que l’actuelle loi ne fait que stimuler l’imposture et permet aux détenus de raccourcir leurs peines. La simple activité de création littéraire en prison ne garantit pas un changement réel de l’attitude antisociale de son auteur. Au cas où cette loi est adoptée, il reste à voir quels seront les nouveaux subterfuges que les VIPs des prisons roumaines utiliseront pour réduire leurs peines. Sinon, l’inflation d’ouvrages soi-disant scientifiques dans une variété de domaines se poursuivra. (trad.: Alex Diaconescu)

  • Auteurs invités au Festival International de Littérature de Bucarest

    Auteurs invités au Festival International de Littérature de Bucarest

    Plusieurs romanciers prestigieux de Turquie, Suisse, Hongrie, Espagne et Etats-Unis se sont réunis, deux jours durant, à l’occasion de la VIIIème édition du Festival International de Littérature, qui s’est tenu du 2 au 4 décembre, à Bucarest. La première soirée a été consacrée à deux écrivains étrangers nés en Roumanie: le Magyar György Dragomán, l’un des romanciers d’Europe de l’Est les les plus primés et la romancière suisse Dana Grigorcea, en pleine ascension dans l’univers de la littérature allemande.

    Né à Targu Mures, en Roumanie, György Dragomán s’est établi en Hongrie, en 1988. Son premier roman traduit en roumain Le roi blanc, paru chez Polirom, en 2008, s’est vu récompenser de plusieurs prix, dont la distinction littéraire Jan Michalski accordée en 2011.Traduit en plus de trente langues, le livre fait actuellement l’objet d’un projet d’écranisation en Grande Bretagne. En 2014, son roman Le bûcher fut un des succès littéraires en Hongrie. La version roumaine, que nous devons à Ildikó Gábos-Foarţă, a été publiée en 2015 par la maison d’édition Polirom. Le roman est actuellement en cours de traduction aux Etats-Unis, aux Pays Bas et en Allemagne. György Dragoman affirmait à propos de son dernier roman, Le bûcher: je crois que les idées ne sont en fait que des souvenirs. Les idées et les souvenirs jaillissent du même endroit et oeuvrent à construire le passé. Le livre n’est qu’un exercice dans la construction de son propre passé et de son identité.

    György Dragoman: J’étais hanté par toute sorte de questions et finalement, toutes les réponses se sont concentrées dans ce livre. Je savais que le roman porterait sur la mémoire. Quand je me mets à écrire un nouveau livre, je preds pour point de départ une image concrète, figée dans ma tête et par la suite, je me mets à créer des axiomes. Cette fois-ci, l’axiome a été: comment se souvenir en essayant de ne pas le faire. Peut-on se rappeler quoi que ce soit en l’absence des souvenirs?

    Je ne me suis pas proposé d’écrire des livres inspirés des faits historiques, mais des livres sur les libertés possibles dans une société au sein de laquelle la liberté n’aurait pas dû exister. Les 15 premières années de ma vie, que j’ai passées à Targu Mures, sont très importantes pour moi, avoue György Dragoman qui s’attarde sur sa façon de construire ses romans : C’est comme dans la construction d’un bâtiment. Je commence par des débris, des images disparates qui, petit à petit, s’agencent pour former le canevas d’un scénario. Toutes ces images finissent par permettre d’élever une habitation. Je suis l’architecte de cette construction qui se dresse autour de moi. Ce n’est qu’à partir du moment où j’ai déjà fini un tiers du roman que je comprends enfin la structure de mon futur livre. En plus, j’ai l’habitude de faire paraître des fragments de mes romans futurs. Des petits extraits que je fais publier en tant que prose courte. Pour moi, il n’y a pas de différence notable entre le roman et la prose courte car cette dernière peut toujours servir de base à un futur roman. Et puis, je pense qu’il faut absolument qu’elle comporte des questions tout aussi nombreuses qu’un roman, qu’elle trace tout autant de directions possibles que le roman ».

    La romancière d’origine roumaine, Dana Grigorcea, figure parmi les jeunes espoirs de la littérature allemande. Son dernier roman Le sentiment primaire de l’innocence est entré cette année dans la compétition du meilleur livre en Suisse et il s’est classé troisième au concours littéraire Ingeborg Bachmann. Ce ne sont là que deux victoires par lesquelles s’ouvre le parcours à succès d’un roman excellent, selon la presse littéraire suisse de langue allemande. Un portrait captivant de la Roumanie, culminant par la révolte du peuple roumain, animé par ses aspirations à la liberté et au changement écrit Die Zeit. Dana Grigorcea a participé à la tournée de promotion de son dernier roman et partage avec nous les réactions du public dans l’espace allemand.

    Dana Grigorcea : « Dans l’espace allemand le public réagit aux lectures, qui les amusent, les tient en haleine, suscitent leurs peur ou curiosité, les poussent à poussent à poser des questions. En Roumanie, le public est plus calme. De temps en temps, je levais la tête en lisant pour m’assurer que le public était toujours là. J’ai fait des lectures publiques en Autriche, en Allemagne, en Suisse, j’ai participé à des soirées littéraires en France et dans tous ces pays, les gens se manifestent, ils souhaitent vraiment y participer. A Bucarest, les gens se rendent surtout pour voir ce qui se passe. »

    «La prose de Dana Grigorcea ressemble à une peinture aux touches épaisses, courageuses, attrayantes, opulentes et pleines d’humour », note Die Presse.

    Dana Grigorcea : « La manière dont je vois le nouveau roman dépend énormément du public. Celui-ci réagit d’une manière différente en Allemagne, par rapport à la Suisse, par exemple. Il existe un fragment que j’ai lu à plusieurs reprises, dans lequel je raconte la cérémonie durant laquelle j’ai été admise dans les rangs des pionniers, une organisation réunissant les écoliers à l’époque communiste. Je peux vous dire qu’à chaque lecture les réactions ont été différentes. Dans l’ex RDA, les gens ont réagi autrement que ceux de Dusseldorf et de Hambourg. Le public suisse a répondu, lui, d’une manière encore plus différente. Certaines blagues que je fais dans le roman ont plus de succès en Suisse qu’en Autriche. Par ailleurs, en Autriche le public perçoit certaines subtilités plus facilement qu’en Suisse. Grâce à mon livre, j’ai abouti à connaître mon public et à découvrir certaines mentalités locales ».

    « Le nouveau roman de l’écrivaine d’origine roumaine Dana Grigorcea évoque le changement politique en Roumanie vu à travers les souvenirs aussi bien de l’écrivaine, que de la femme rentrée à Bucarest » note ART – TV. (Trad. Ioana Stancescu)

  • Eric Emmanuel Schmitt à Bucarest

    Eric Emmanuel Schmitt à Bucarest

    Présent à Bucarest pour le lancement de son dernier roman paru en roumain « La femme au miroir », le très connu écrivain français Eric Emmanuel Schmitt a rencontré son public francophone de Roumanie, lors dune séance dautographes organisée par la librairie Kyralina, la seule librairie de livre en français du pays. Une occasion pour tous ceux présents sur place daccéder également au dernier ouvrage dEric Emmanuel Schmitt, « La nuit de feu » disponible pour linstant seulement en français. Considéré comme lun des écrivains de lHexagone les plus lus et les plus aimés au monde, Eric Emmanuel Schmitt a accepté daccorder un entretien à RRI que nous vous proposons découter.





  • La foire du livre Gaudeamus

    La foire du livre Gaudeamus

    Surnommée « la foire la plus lue», Gaudeamus s’est déroulée du 18 au 22 novembre et a eu pour invité d’honneur cette année le GADIF – le groupe des ambassades, délégations et institutions francophones de Roumanie, tandis que son président d’honneur a été Victor Ieronim Stoichiţă, chercheur et professeur d’histoire de l’art. A noter aussi que la Radiodiffusion Roumaine est la seule radio au monde à avoir initié et développé un programme aussi ample, censé promouvoir et soutenir la culture écrite. Passons maintenant en revue quelque-uns des moments les plus importants de la foire Gaudeamus. Sous le slogan «Je cherche ce qui dure», les Editions Casa Radio ont structuré cette foire en 3 thèmes fondamentaux : la littérature pour enfants, les grands auteurs de l’entre-deux-guerres et la littérature roumaine contemporaine.

    Daria Ghiu, représentante des Editions Casa Radio nous en dit davantage : «Côté littérature pour enfants, nos éditions développent chaque année la collection Radio Princhindel destinée aux enfants en bas âge. Cette fois-ci nous avons sorti «Alice au pays des merveilles » de Lewis Carroll : c’est un livre audio, c’est-à-dire un livre illustré accompagné de sa version sur un CD audio. A noter que cette année nous marquons les 150 ans écoulés depuis la première parution de ce fameux livre. Il y a même un site consacré à cet anniversaire. En outre, de nombreuses expositions ont été organisées, dont une est en déroulement à Londres et porte sur les premières éditions d’ «Alice au pays des merveilles » et sur la multitude d’illustrations imaginées au fil du temps. Par exemple, Dali a illustré lui aussi cette histoire. Tout le monde le sait, ce n’est pas du tout facile de travailler sur ce texte compliqué, ludique, spectaculaire. Il est difficile d’imaginer de nouvelles choses à ce sujet. Quant à notre maison d’éditions, nous proposons une variante fondée sur la pièce de théâtre radiophonique enregistrée en 1968, très connue de la plupart des générations d’auditeurs de théâtre radiophonique. Les chansons sont célèbres, tous les Roumains les fredonnent. Donc, d’une part il y a ce livre audio, de l’autre, nous avons invité la jeune artiste Ana Botezatu à réaliser les illustrations. J’avoue que j’ai été très surprise du résultat. Les illustrations comportent beaucoup de collages qui renvoient à l’avant-garde, au dadaïsme. Bref, le résultat est tout à fait innovant ».

    Passons maintenant à un autre thème de la foire Gaudeamus : les auteurs roumains contemporains. C’est justement ce que se proposent de mettre en lumière les Editions Humanitas, par le volume «Nos amis imaginaires», qui réunit des noms consacrés de la littérature roumaine : Şerban Foarţă, Elena Vlădăreanu, Emil Brumaru, Marin Mălaicu-Hondrari, Antoaneta Ralian. Que peut-on découvrir en parcourant ce livre écrit à plusieurs mains? Qu’un enfant peut non seulement passer quelques jours dans son propre univers, mais aussi y rester pour toujours. Que certains parents peuvent voir les amis imaginaires de leur enfant. Qu’il est possible d’avoir une querelle avec ton double imaginaire et qu’il est possible, à 91 ans, de ne pas trop savoir si l’on est soi-même ou son double imaginaire. La coordinatrice du volume, Nadine Vlădescu explique Magda : « J’ai été très heureuse que Mme Antoaneta Ralian ait accepté mon invitation. Elle a 91 ans. Je me permets de dévoiler son âge, car elle en parle elle-même dans son livre, se déclarant la nonagénaire de ce volume. C’était aussi sa joie d’écrire sur son ami imaginaire, un jeune appelé Marcel, qu’elle a créé, inventé et qui est pour elle une sorte d’alter ego masculin, inspiré de Marcel Proust. Elle parle de Marcel d’une très belle façon, son discours est très profond, elle fait en quelque sorte de la psychanalyse très personnelle. On retrouve dans ce livre d’autre amis imaginaires, à mon avis tout aussi intéressants que Marcel. C’est un mélange hétérogène, mais qui a l’air bien. Le critique littéraire Tania Radu écrit, sur la 4e de couverture du livre, que le hasard y a joué un rôle extraordinaire, car le contenu du volume est très naturel. Il y a 13 récits, 13 amis imaginaires très différents : un ballon imaginaire, un colimaçon prince, le jeune appelé Marcel, la femme déesse, la femme adulée, un cochon sympa qui joue du basson, un esprit qui peut prendre n’importe quelle forme, une poupée vénérée et très espiègle, un alter égo dans le miroir et, à la tête de cette table animée, autour de laquelle sont assis les amis imaginaires de l’auteur, se trouve Dieu lui-même. Je ne dirai pas de qui il est l’ami, je laisse au lecteur le plaisir de le découvrir. »

    Le groupe éditorial frACTalia a été créé cette année, à l’initiative de plusieurs écrivains et graphistes roumains. Les Maisons d’Edition frACTalia, qui font partie du Groupe éditorial du même nom, a proposé quelques titres à cette édition de la Foire internationale GAUDEAMUS. Iulia Militaru, une des initiatrices du Groupe éditorial frACTalia: « Il y a des maisons d’édition qui ferment leur portes et il y a aussi des maisons d’édition qui réalisent d’immenses profits. Finalement, tout dépend de la façon dont on gère l’affaire. Nous espérons que nous nous débrouillerons et que nous réussirons à maintenir un équilibre entre les coûts de ce que nous allons éditer et les gains, car c’est là l’éternel problème. Nous n’avons pas démarré avec l’idée d’obtenir un profit, de gagner de l’argent en publiant des livres, il s’agit d’une passion. A cette édition de la Foire Gaudeamus nous avons lancé la maison d’édition et présenté deux volumes de poésie, deux débuts et une réédition. » (Trad. Valentina Beleavski, Dominique)

  • Poésie distinguée

    Poésie distinguée

    L’écrivaine et traductrice Nora Iuga a été distinguée de la Croix de Chevalier de l’Ordre du Mérite de la République Fédérale d’Allemagne. Ce n’est pas la première fois qu’elle se voit récompenser d’une distinction allemande. En 2007, elle recevait le prix Friedrich-Gundolf, que la Deutsche Akademie fur Sprache und Dichtung attribue aux personnalités ayant contribué au rayonnement de la culture allemande à travers le monde.



    Voici ce que Nora Iuga déclarait dans son discours de remerciement prononcé lors de la remise des insignes de la Croix de Chevalier de l’Ordre du Mérite: « Toute ma famille a été composée d’artistes de la scène. Je n’ai jamais aimé chanter dans un chœur. Je veux être différente, mais cela comporte des risques. D’habitude, on n’aime pas les gens comme moi. J’ai pu constater qu’en règle générale, le discours de remerciement tenu lors des cérémonies de remise de prix, est tout à fait impersonnel, qu’il manque de fantaisie telle la tenue obligatoire ou le désert dépourvu de végétation ».



    Et à la poétesse Nora Iuga dajouter pour RRI : « Je ressens, à chaque fois, le besoin d’insister là dessus, afin que les gens comprennent pourquoi je suis comme ça. Je suis consciente du fait que ce trait de mon caractère est irritant. Les gens apprécient ceux qui se plient à un certain style, à une conception ou à une mentalité précise. Du coup, si vous ne faites pas de même, ils vous considèrent comme une exception à la règle générale. Autrement dit, c’est l’homme simple qui donne le ton. A mon avis, se cantonner dans cette tendance générale c’est stagner. Voilà pourquoi je pense qu’il faut briser ce fil uniforme, car l’uniformité appauvrit».



    Dans son discours de laudatio prononcé à l’occasion de la remise des insignes de l’Ordre national du mérite, l’ambassadeur allemand à Bucarest, Werner Hans Lauk, a évoqué la prestigieuse activité de l’écrivaine Nora Iuga, en soulignant que ses liens avec l’Allemagne remontent assez loin dans le temps.



    Grâce à ses parents, danseurs tous les deux, elle avait fréquenté une maternelle en Allemagne. Elle a par la suite suivi les cours d’une école de langue allemande à Sibiu, au centre de la Roumanie, où elle a également pratiqué la gymnastique. Plus tard, au bout d’une année d’activité en tant qu’enseignante, elle allait se voir écarter pour des raisons politiques. En 1968, paraît son premier recueil de poésies. Après avoir travaillé comme bibliographe à la Bibliothèque centrale d’Etat, on la retrouve dans la rédaction du journal « Neuer Weg », le futur « Allgemeine Deutsche Zeitung ».



    En 1970, alors que Nora Iuga est prête pour l’impression de son deuxième volume de vers, le régime communiste lui interdit de publier désormais quoi que ce soit. 7 ans plus tard, l’écrivaine est obligée de renoncer à ses fonctions de rédactrice aux Editions Encyclopédiques, mais elle reste fidèle à la langue allemande et continue d’envoyer des articles à la revue « Volk und Kultur ». A la fin des années ‘70, elle entame une belle carrière de traductrice et promotrice de la littérature allemande. « Les traductions de Nora Iuga des oeuvres de Ernst Theodor Amadeus Hoffmann, Oskar Pastior, Gunter Grass, Elfriede Jelinek ou Herta Muller ont contribué d’une manière essentielle à la propagation de la culture allemande en Roumanie. Nora Iuga a toujours visé l’interculturalité et elle y a merveilleusement réussi », a précisé l’ambassadeur d’Allemagne en Roumanie, Werner Hans Lauk.



    Nora Iuga est un des intellectuels qui soutiennent qu’on peut parler d’une « résistance par la culture’’ même dans les années noires du communisme. « Oui, c’est vrai. De nos jours, on voit d’un mauvais œil la résistance par la culture. Cette réserve presque brutale, je l’ai remarquée la première fois chez la romancière Herta Muller, Nobel de littérature. Selon elle, on ne saurait parler de résistance que si l’on s’expose aux plus grands risques et que, quitte à perdre la vie, on ose dire ses quatre vérités au tyran. Moi, je trouve que chacun entend lutter à sa façon, que l’on ne naît pas héros. Et je me demande de plus en plus souvent combien de vrais héros a eu ce pays. Paul Goma a pris des risques énormes, Gheorghe Ursu a beaucoup pâti, il a été victime, tout comme Doina Cornea d’ailleurs. D’où ma question de savoir pourquoi d’aucuns contestent la résistance par la culture et pensent que nous avons été des lâches. Moi, je crois à cette forme de résistance, car en relisant les recueils de poésies que j’ai publiés pendant le communisme, je me rends compte que l’on pouvait dire pas mal de choses en dépit de la censure. Autrement dit, l’artiste trouvait des formules pour faire passer son message sans pour autant faire de compromis. Donc, même en ces temps-là, les écrivains ont dit ce qu’ils avaient à dire. Et puis le public lisait de la poésie, car il y trouvait non seulement une attitude de fronde, mais aussi et surtout une résistance impossible à manifester dans les médias écrits ou audiovisuels ».



    Nora Iuga a également parlé de la dizaine d’années où ses écrits ont été interdits de publication: « Je n’aime pas trop faire état de cette interdiction. Toutefois, je dois avouer que j’ai été très fière d’apprendre à cette époque-là que figurais sur la liste des personnes indésirables pour le régime. Dans un premier temps, j’ai eu un sentiment d’immense orgueil. Je dois être quelqu’un de très fort et de très important du moment qu’ils ont peur de moi, ai-je pensé. Au fil du temps, j’ai sombré dans le doute, me disant que dans un pays comme la Roumanie, où les personnalités et les valeurs n’étaient pas tellement nombreuses, ils pouvaient très bien se passer de moi. J’avais 40 ans lorsque j’ai subi l’interdiction de publication, laquelle a duré huit ans. Comme je n’avais publié jusque là que deux recueils de poésies, j’associais cette interdiction à une sorte de suicide. Cela aurait pu me décourager à jamais.. »



    Plusieurs œuvres en prose ou en vers portant la signature de Nora Iuga ont été publiées à l’étranger: les romans « La sexagénaire et le jeune homme » (paru en Allemagne, Espagne, Italie, France, Slovénie, Bulgarie), « Le savon de Léopold Bloom » (publié en Bulgarie), « Allons voler des pastèques » (paru en Bulgarie) et les recueils de poésies « Caprices dangereux » (anthologie publiée en Allemagne et en Slovénie), « L’autobus aux bossus » (Allemagne), « Poème d’octobre » (Allemagne), « Le cœur comme un poing de boxeur » (France), « Un cœur hissé sur des échasses » (Suisse). Nora Iuga a également bénéficié de la plus importante bourse offerte par l’Etat allemand à un écrivain étranger, à savoir une bourse de lOffice allemand déchanges universitaires, mieux connu sous l’appellation DAAD. En 2014, était lancé le film documentaire « Ici, Nora Iuga », réalisé par Vlad Rotaru, d’après un scénario de Cristian Cosma.

  • Panait Istrati

    Panait Istrati

    Né en 1884 à Braila (est), Panait Istrati est considéré comme l’un des écrivains les plus complexes de l’entre-deux-guerres, surtout qu’il est à la fois romancier d’expression roumaine et française. Profondément marquées par des messages à caractère social, ses oeuvres se penchent sur les milieux prolétaires peuplés de personnages défavorisés. Sympathisant du communisme dans sa jeunesse, Panait Istrati découvre la réalité de la dictature stalinienne lors d’une visite en Union Soviétique et décide par la suite de la dénoncer dans son oeuvre.

    Davantage sur l’appartenance intellectuelle et politique de Panait Istrati avec le professeur Ioan Stanomir, invité au micro de RRI: « Panait Istrati adhère au communisme en suivant un trajet emprunté à l’époque par nombre d’intellectuels européens: celui du mécontentement et de la révolte sociale. On ne saurait oublier qu’Istrati était avant tout un socialiste, proche de Christian Rakovski, témoin des grèves naissantes en ce début du 20e siècle, issu d’un milieu défavorisé et d’une famille d’une condition plutôt précaire. Autant d’obstacles dans la vie du jeune Istrati. Et puis un autre aspect vient s’y ajouter: une fois intégré dans les milieux littéraires français, il devient un véritable Gorki des Balkans, la voix des démunis et des désenchantés. Ce n’est pas par hasard qu’il fut comparé à Gorki, car leurs destinées se ressemblent en quelque sorte. Istrati commence par adhérer au communisme, s’y éloigne par la suite et s’inscrit sur la voie de la lucidité. Gorki est un proche des bolcheviks et de Lénine. Il part en exil, il revient et se voit racoler par Staline. Mais les deux écrivains jouissent du même prestige européen et se laissent emporter par le même engagement idéologique. Ils sont tous les deux investis dune mission par le milieu d’où ils sont issus. »

    En octobre 1927, Panait Istrati se rend à Moscou et à Kiev. Deux ans plus tard, en 1929 donc, il refait son voyage dans la Russie soviétique et cette fois-ci il découvre la réalité du régime communiste dont il dénonce les abus dans son ouvrage « Vers l’autre flamme. Confession pour vaincus».

    La parution de ce livre entraînera l’isolement d’Istrati qui se verra accuser de fascisme, explique Ioan Stanomir: Il convient de mentionner qu’un voyage en Union soviétique n’était pas forcément une occasion d’ouvrir grands ses yeux. Par contre, une fois sur place, on courait le risque de tomber davantage sous le charme du communisme. Ce que je veux dire est qu’il y a eu très peu de voyageurs qui, une fois arrivés en URSS, aient eu la force de voir la situation réelle. Je vous rappelle le cas de Beatrice et de Sidney Webb qui décrivaient leur visite en URSS par des phrases dithyrambiques et délirantes. Ou prenons l’exemple de Herbert George Wells dont la visite en Russie soviétique n’avait rien changé sur sa vision du monde et de la vie. Il existe pourtant deux noms que l’on doit absolument mentionner si l’on parle de révélation. Celui de Panait Istrati et d’André Gide. Les deux ont voyagé en URSS et les deux ont écrit par la suite des ouvrages qui les ont marginalisés. N’oublions pas que la principale accusation portée contre Istrati au moment de la parution de son ouvrage Vers l’autre flamme fut de trahir l’antifascisme et la démocratie. Puisque dans l’imaginaire communiste, Moscou était l’unique bastion de lutte antifasciste et démocratique. »

    Il convient de mentionner que Panait Istrati s’est dressé contre la dictature stalinienne et non pas contre l’idéologie communiste. Grand admirateur de Trotsky, il s’est engagé à tourner le dos à la révolution jusqu’au jour où « elle sera faite à l’âme pure, d’enfant ».

    Aux dires de Ioan Stanomir, Panait Istrati s’est réveillé du léninisme: « Trotsky fut un prophète qui s’est armé contre son propre peuple. Il a créé l’Armée rouge pour en faire un instrument d’oppression d’abord contre son propre peuple. C’est elle qui avait détruit les fermiers durant la guerre civile. Trotsky était en fait une alternative anti-bureaucratique et anti-totalitaire de la perspective de la gauche radicale. Or Istrati se détourne du léninisme au moment où il remarque la faille fondamentale entre l’image que la gauche se faisait en général du léninisme et celle que la gauche anti-stalinienne se faisait du stalinisme. Istrati ne nie jamais ses convictions d’extrême gauche. Il ne fait que reculer d’un pas pour observer que la Russie de Staline risque de fouler aux pieds les principes défendus par Lénine. A l’instar d’autres intellectuels, Istrati est tombé à son tour victime de l’illusion que le léninisme n’avait rien en commun avec le stalinisme et qu’il ne renvoyait pas au totalitarisme. »

    Comment le régime communiste roumain s’est-il servi de Panait Istrati? Ioan Stanomir répond: « Ce ne fut qu’à compter de 1960 que Panait Istrati fut réédité. Le moment coïncide avec un renforcement de la coopération franco-roumaine. Il y a à l’époque un film français Codin inspiré d’un texte d’Istrati et un autre Les Chardons du Baragan. Il est évident que le régime communiste a pleinement profité de Panait Istrati au moment où il a repris ses rapports avec la France. Spirituellement parlant, Istrati est un enfant de la France, un Gorki des Balkans applaudi par les Français, dorloté par les milieux littéraires de France. Je vous signale que les communistes français viennent en Roumanie pour tourner des films et contribuer à la naissance d’une cinématographie roumaine démocratique et populaire. A jeter un coup d’œil sur la collection La bibliothèque pour tous, on découvrira que l’apostasie d’Istrati est décrite comme une grave erreur de parcours que l’écrivain compense par les services rendus à la classe ouvrière. »

    Malheureusement, comme les documents historiques l’indiquent, Panait Istrati fut après tout un perdant. Il est parti à la recherche du bonheur pour les défavorisés et a fini par succomber lui-même à la tristesse. (Trad. Ioana Stancescu)

  • 27.07.2015

    27.07.2015

    Finances – Le gouvernement roumain prépare le premier collectif budgétaire de cette année, qui serait positif, selon le premier ministre Victor Ponta. Le ministre des Finances doit présenter ce lundi devant la direction du PSD, au pouvoir, le projet du collectif budgétaire, avant de le soumettre mardi à l’Exécutif. Aux termes du document, des enveloppes conséquentes seraient allouées aux mairies et aux conseils départementaux, ainsi qu’au ministère de l’Intérieur, à l’Education et à l’Environnement. En échange, les ministères de la Santé et des Transports se verront octroyer moins d’argent. Par ailleurs, les fonds destinés à la sécurité sociale, plus précisément aux allocations familiales et aux pensions de retraite des pilotes seront majorées de 300 millions d’euros.

    Bruxelles – Les ambassadeurs des 28 Etats membres de l’OTAN se réuniront mardi à Bruxelles, à la demande de la Turquie, pour des consultations au sujet des tensions à Ankara liées aux rebelles kurdes et au mouvement jihadiste l’Etat islamique. Ankara souhaite informer ses alliés de la situation grave à la frontière avec la Syrie et des mesures qu’elle a mises en place. La Turquie a lancé vendredi une offensive contre l’Etat islamique, depuis le territoire de la Syrie, et contre les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en Irak. Cette offensive intervient quelques jours seulement après un attentat suicide attribué à l’Etat Islamique qui a frappé la ville de Suruc, près de la frontière avec la Syrie et qui a fait plusieurs dizaines de morts et de blessés. Le premier ministre Ahmet Davutoglu a précisé que les opérations allaient se poursuivre tant qu’il existe une menace contre la Turquie. En plus, Ankara a autorisé les Etats Unis à utiliser plusieurs bases aériennes près de la frontière avec la Syrie pour frapper les jihadistes du Daesh.

    Festival olympique – 66 sportifs roumains participent à Tbilissi en Géorgie à l’édition d’été du Festival olympique de la jeunesse européenne. Ils prennent part à six des neuf sports inscrits au programme de la compétition : athlétisme, judo, gymnastique, natation, handball et tennis. Pour la première fois dans l’histoire de cette compétition qui réunit 3800 sportifs d’une cinquantaine de pays, les épreuves se déroulent six jours durant. Jusqu’ici, le Festival olympique de la jeunesse européenne avait lieu pendant cinq jours.

    Littérature – Au Festival de Salzbourg, le prix d’Etat de l’Autriche pour la littérature européenne 2015 est décerné aujourd’hui à l’écrivain roumain Mircea Cărtărescu qui est récompensé ainsi pour l’ensemble de son œuvre littéraire. Il a été désigné pour recevoir cette prestigieuse distinction littéraire au mois d’avril. Après Eugène Ionesco, en 1970, Mircea Cartarescu est le premier auteur roumain à se voir conférer ce prix. Institué en 1965, le prix a été décerné à de nombreux écrivains célèbres parmi lesquels Harold Pinter, Vaclav Havel, Italo Calvino, Doris Lessing, Milan Kundera, Salman Rushdie et Umberto Eco.

    Météo – La canicule sévit ces jours ci sur le sud et le sud-est de la Roumanie, où les maxima vont jusqu’à 37 degrés. Pour cette région, les météorologues ont émis une alerte jaune et averti que les températures allaient grimper jusqu’à 38 – 39 degrés. Les maximales de la journée vont de 26 à 34 degrés sur le reste du territoire. Ciel variable et des pluies à verse sur le centre, l’est et sur le relief. Les quantités d’eau pourraient dépasser les 15 à 20 litres par mètre carré et la grêle est également possible. 29 degrés en ce moment à Bucarest.

  • La série d’auteur Gheorghe Craciun,

    La série d’auteur Gheorghe Craciun,

    Les Maisons d’Editions Cartea Romaneasca ont lancé un nouveau projet éditorial consacré à l’un des romanciers roumains les plus importants de l’époque contemporaine. Il s’agit d’une série d’auteur Gheorghe Craciun qui a débuté avec deux titres Documents originaux/ Copie certifiée conforme (des variations sur un thème en contre-jour) et La mécanique du fluide”. Les couvertures des deux recueils laissent au public la joie de découvrir des dessins originaux signés par l’auteur lui-même, décédé en 2007.



    La série d’auteur Gheorghe Craciun, parue grâce aux efforts conjugués du critique littéraire Carmen Musat et de la fille de l’écrivain, Oana Craciun, réunira aussi bien de la prose, que plusieurs essais, articles de presse, théorie et critique littéraire, déjà connus du grand public, que des recueils inédits retrouvés dans les archives personnelles de l’auteur.



    Véritable créateur d’univers et passionné d’idées, Gheorghe Craciun nous a légué une oeuvre unitaire où chaque volume représente une séquence en soi, un texte unique, constamment réinventé et révisé. Chaque lecture de son oeuvre nous laisse y découvrir une conscience vive qui frémit au rythme spécifique de son écriture” note le critique Carmen Musat, selon laquelle les deux volumes qui ouvrent la série d’auteur annoncent déjà le futur parcours d’écrivain de Gheorghe Craciun.



    Carmen Musat: « Gheorghe Craciun a fait ses débuts sur la scène littéraire en tant qu’auteur déjà accompli, un romancier qui laissait entrevoir tout son futur parcours d’écrivain dès le premier roman Documents originaux/ Copie certifiée conforme”. Ce roman, on ne l’a pas choisi par hasard pour ouvrir la série d’auteur. Avec Oana Craciun, la fille de l’auteur, j’ai essayé de mettre ensemble, sous les yeux du public, le roman qui avait reçu le droit de paraître en 1983 et celui par lequel l’auteur aurait bien voulu débuter, mais qui a passé sept ans au fond d’un tiroir avant d’être publié en 2003, aux Editions Cartier de Chisinau. Nous avons donc créé une sorte de pont à travers le temps qui rapproche les deux visages de l’auteur Gheorghe Craciun. »



    Aux dires de l’auteur même, le volume de début « Documents originaux/ Copie certifiée conforme » représente le livre le plus expérimental qu’il ait écrit et qui, du coup, s’avère le moins accessible au public. Pourtant, loin de se considérer comme appartenant à l’avant-garde ou au postmodernisme dans le véritable sens du mot, Gheorghe Craciun affirmait se sentir emporter par la fascination de la quête d’une force supérieure censée lui offrir la possibilité d’expliquer le monde par des termes mathématiques. Mon expérimentalisme ne se réduit pas au langage, comme on a déjà affirmé à tort, disait-il. Il tire sa source de la sensation que notre langage naturel et la rhétorique dont on dispose grâce à la littérature s’avèrent insuffisants face à la multitude, à la richesse et à la diversité de la réalité. Il existe une volonté de la quête que le langage entreprend afin de surprendre la complexité et la richesse du monde qui nous entoure”. C’est par ces mots que Gheorghe Craciun présentait sa littérature.



    Carmen Musat: « Dans l’espace littéraire roumain, Gheorghe Craciun figure parmi les auteurs dont l’approche auctoriale est doublée d’une forte conscience théorique. De ce point de vue, il rejoint la famille des écrivains ayant construit leur oeuvre pas à pas, tels Camil Petrescu, Mircea Eliade et George Calinescu. Et le roman Documents originaux/ Copie certifiée conforme ” prouve cette idée. L’un des défis que Craciun a tenté de relever fut de mettre ensemble sur la même page, différents types de langages pour faire de la littérature à partir de la peinture, de la photographie ou de la musique. D’ailleurs, le modèle d’écriture pratiquée par Craciun s’inspire de l’art photographique et de la musique. La façon dont il construit ses phrases, le rythme qu’il leur imprime, l’enchaînement des mots, la construction de la narration, tout cela renvoie à la technique photographique et musicale. Je voudrais ajouter encore un détail: cette nouvelle syntaxe narrative proposée par Craciun et utilisée dans son roman Documents originaux/ Copie certifiée conforme” apparaît aussi dans ses autres volumes de prose. Pourtant, au fur et à mesure que l’écriture avance, la dimension théorique-expérimentale s’efface, laissant la place au romancier tel quel, sans aucune armature théorique. Celle-ci continuera à apparaître dans les autres romans aussi, sans être aussi évidente que dans le volume de début. »



    « Une pensée, un sentiment, une certaine tristesse, mais aussi de la joie, peut-être malgré nous, ce monde existe, est une partie de nous-mêmes, nous demande de le sentir, de l’affirmer. Le monde, la partie dans laquelle nous nous trouvons, comme cette forêt quand j’y suis. Parce que moi je le vois d’un œil d’enfant, comme une sorte d’enfant qui n’a pas encore lu tout ce qu’on a écrit de bien et de bon sur son charme. Lui, mon œil, ne peut pas se le rappeler. Il n’est coloré par aucune intrusion étrangère. Dans mon cerveau il n’y pas de place pour des paroles, ni pour des couleurs connues. Aucun climat esthétique, aucun texte littéraire, aucune toile célèbre n’altèrent mon regard. Il n’y a rien en moi qui puisse arriver et rester dans mes pensées. Je regarde et j’aime regarder, et j’aime combien je regarde et j’aime lorsque je regarde », ce fut un fragment du volume qui ouvre la série d’auteur Gheorghe Crăciun.



    Le critique Carmen Musat, initiatrice de la série d’auteur Gheorghe Craciun, explique : « La prose de Gheorghe Craciun et la prose de la génération des années 1980 en général est connue comme une prose réaliste. Une prose réaliste qui est venue s’opposer au projet littéraire du réalisme socialiste ou du soi-disant roman « politique », en vogue dans les années 1980. Ce que font les auteurs de la génération des années ’80, c’est de saisir la réalité jusque dans ses moindres détails. C’est une tentative de ne pas laisser les filtres idéologiques altérer et même couvrir le regard posé sur le monde réel. Dans la prose de Gheorghe Craciun, les gens agissent tout naturellement. Ce sont des personnes lambda surprises dans des actions quotidiennes : professeurs, exilés quelque part à la campagne, dont l’horizon existentiel se ferme pour des raisons idéologiques. Et pourtant cette prose n’est pas à thèse, elle ne se propose pas de dévoiler des conspirations politiques ou des abus, comme ce fut le cas des créations des années 1950, soit la période la plus dure du stalinisme en Roumanie. Les personnages de la prose de Gheorghe Craciun sont très bien ancrés dans le réel puisqu’ils vivent dans un monde réel, se voient confronter aux problèmes quotidiens de tout un chacun. C’est pourquoi, lus aujourd’hui, ces fragments n’ont pas besoin de notes supplémentaires. Craciun ne parle pas entre les lignes. C’est très facile de comprendre cette prose, même en l’absence des notes de bas-de-page. »



    Une partie des écrits de Gheorghe Craciun a été publiée par des maisons d’édition étrangères. Il est l’auteur, entre autres, des volumes « Images et textes » (publié en 2000) et « Composition aux parallèles inégales » (sorti aux éditions Maurice Nadeau, Paris 2000, traduit en français par Odile Serre). (Trad.: Ioana Stancescu, Alexandru Diaconescu)