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  • Libre pensée et anticléricalisme en Roumanie

    Libre pensée et anticléricalisme en Roumanie

    Même s’ils ne sont pas synonymes et ne se sont jamais superposés à 100%, la libre pensée et l’anticléricalisme ont bien des fois cheminé main dans la main. Dans le courant de l’histoire, la contestation de l’autorité des prêtres s’est accompagnée de mouvements de réforme des religions et même de contestation de l’existence de la divinité, du sentiment religieux. Le radicalisme des libres penseurs et anticlérical a souvent eu aussi une forte composante révolutionnaire qui avait pour ambition de changer le monde, d’instaurer le bonheur et l’égalité. La libre pensée et l’anticléricalisme moderne tirent leurs origines de la pensée du XVIIIe siècle, lorsque les Lumières plaçaient la raison au centre de la vie de l’homme et tentaient de le libérer du sacré irrationnel. Ainsi, la réduction du pouvoir et de l’influence de l’Eglise au sein de l’Etat et dans la société a été un des points les plus importants du projet rationaliste.

    En Roumanie, la libre pensée et l’anticléricalisme moderne sont apparus dans la seconde moitié du XIXe siècle, étant répandus dans les milieux libéraux radicaux et socialistes. Le darwinisme et le matérialisme ont été les fondements théoriques de certains réformateurs sociaux tels que les médecins Constantin Thiron et Victor Babeş et le philosophe Vasile Conta. Marius Rotar, chercheur à l’Université 1 Decembrie 1918 d’Alba Iulia, considère que les libres penseurs ont constitué le noyau dur de l’anticléricalisme et du laïcisme en Roumanie : « Les personnalités les plus importantes de l’anticléricalisme ici, mais aussi en Europe et aux Etats-Unis, ont été les libres penseurs, un mouvement culturel, politique et philosophique athée dans la pensée, qui cherchaient à libérer les individus des préjugés et des erreurs religieuses ou scientifiques. L’objectif principal était la séparation de l’Eglise d’avec l’Etat, qui est d’ailleurs arrivée en France en 1905 et au Portugal en 1911. Il existe quelques personnalités importantes telles Robert G. Ingersoll aux Etats Unis et Charles Bradlaugh au Royaume Uni. En 1880, la Fondation internationale de libre pensée est créée. Comment l’anticléricalisme se manifeste-t-il ? Au niveau individuel, il s’agit d’assumer une identité non religieuse et dans le cas des libres penseurs, des socialistes, des libéraux radicaux et des francs maçons, on peut constater que cela se développe dans trois directions. L’une, c’est le serment laïc, un problème que nous avons solutionné à peine en 1936. La deuxième direction, c’est celle des mariages civils. La troisième, et la plus importante, selon moi, c’est celle des funérailles laïques, des enterrements sans prêtres. »

    La libre pensée et l’anticléricalisme se sont fait jour plus tard en Roumanie, à la fin du XIXe siècle, par rapport à l’Occident. Marius Rotar: « Il y a quelques représentants importants de l’anticléricalisme, le plus important à la fin du XIXe siècle étant Gheorghe Panu. Dans son journal « Lupta » (Le Combat), il développe un discours tout à fait véhément à l’adresse de l’Eglise orthodoxe roumaine. Dans la célèbre Anthologie de l’athéisme en Roumanie, il est considéré le premier promoteur de l’athéisme roumain. En dépit de cela, en 1910, au moment de son décès, il sera enterré en présence d’un prêtre. Et Nicolae Leon aussi. De ce point de vue, Thiron est allé jusqu’au bout et il a exprimé, en 1905, son souhait d’avoir un enterrement laïc, ce qui est arrivé en 1924. »

    Les libres penseurs roumains ont exprimé leurs convictions dans la presse en employant un langage qui se situait souvent dans le registre de l’insulte et ont été contraints de soutenir leurs opinions contraires à celles de la majorité par la force. La séparation des citoyens d’avec la religion et la séparation de la morale de la religion était un principe fondamental de leur programme. Des conduites telles que celles des socialistes Ştefan Gheorghiu, I. C. Frimu, Constantin Dobrogeanu-Gherea, Panait Istrati, qui ont demandé à avoir un enterrement laïc, étaient censées être des exemples aussi pour les autres.

    Marius Rotar : « En 1913, Thiron publiait dans le journal « Dimineaţa » (Le Matin) la lettre suivante : « Félicitations aux deux jeunes qui ont préféré célébrer uniquement le mariage civil. Mes félicitations sincères d’avoir eu le courage de vous débarrasser des idioties des religions chrétienne et mosaïque, de la biblio-évangile, du livre de prières et du Talmud et de l’exploitation du clergé chrétien et mosaïque ». Dans la réaction de l’Eglise orthodoxe roumaine, on peut lire : ‘il ne se trouve personne pour l’appréhender et le secouer parce qu’il se permet d’insulter la majeure partie du peuple roumain qui ne pense ni ne croit comme lui ?’ »

    Le nom le plus radical à retrouver sur la liste des libres penseurs et des penseurs anticlérical est celui du médecin Constantin Thiron (1853 – 1924), professeur à l’Université de Iasi (nord-est). Médecin militaire, il a participé à la guerre balkanique de 1913 et à la Première Guerre mondiale. Marius Rotar présente quelques détails de la vie de Constantin Thiron qui ont fait de celui-ci le « champion » de la libre pensée de Roumanie : «Sur la montre de Thiron il était écrit « que meurent tous les dieux et vive la libre pensée ! », une formule anti-clergé que Thiron a assumée en totalité. En 1913, il inaugurait sa tombe laïque à Iasi. C’était la première tombe laïque de Roumanie et elle est pleine de symboles. La même année, au cimetière Eternitatea, on inaugurait un monument athéiste pour Vasile Conta (philosophe, écrivain et ministre de l’Instruction publique et des Cultes à la fin du 19e siècle). Thiron a rédigé par 3 fois son testament : en 1905, en 1913 et en 1921. D’habitude ce sont les jeunes qui ont tendance à être rebelles. Thiron a 52 ans, lorsqu’il fait son premier testament laïc, il avait dépassé sa jeunesse. »

    La libre pensée et le courant anticlérical ont eu un écho social limité en Roumanie. Ce furent des tentatives de connecter l’espace roumain aux idées qui circulaient sur le continent à l’époque. (trad. : Ligia Mihaiescu)

  • Solutions pour l’intégration des jeunes sans diplôme, sans formation et sans emploi.

    Solutions pour l’intégration des jeunes sans diplôme, sans formation et sans emploi.

    Bucarest a accueilli au mois de mars une série d’événements consacrés à la situation des NEET, ces jeunes âgés de 15 à 24 ans, sans diplôme, sans formation et sans emploi. Mal insérée et avec un avenir professionnel hypothétique, cette catégorie recense un taux inquiétant par rapport à la population active de Roumanie. Contrairement au reste des pays européens où la moyenne des jeunes sans emploi et hors du système scolaire est à 12%, en Roumanie ce taux se situe à un 18% inquiétant, selon des statistiques datant de 2011. Concrètement, ils seraient entre 400 et 500 milles, un chiffre qui ne prend pourtant pas en compte les jeunes non recensés par les institutions compétentes. Dans ce contexte, le groupe de réflexion Social DOers a organisé une conférence nationale, l’occasion pour lancer la plateforme

    La coalition européenne de défense des droits des jeunes NEET. Financée par le programme européen Erasmus+ et lancée à Bruxelles en janvier dernier, cette idée met en lumière le caractère européen de la question des jeunes sans emploi et sans formation. Car tous les pays membres s’y confrontent plus ou moins, lance Veronica Stefan, présidente du groupe Social Doers : «Par cette initiative-pilote, nous nous penchons sur la situation des NEET dans six Etats dont la Roumanie. Le projet prend aussi en compte le cas de pays tels la Grande Bretagne ou l’Autriche où le taux des NEET est bien faible. S’y ajoutent le Portugal, l’Italie et la Belgique. Cela nous a permis de constater qu’il faut déployer des efforts communs pour solutionner le problème. Une plateforme nous permettrait de réunir autour d’une même table les ONG qui se battent pour ces jeunes, les partenaires sociaux et les décideurs politiques. C’est donc une initiative qui concerne aussi bien les ONG, que les syndicats, les patronats et les députés européens, puisque ce sont eux qui assurent la participation des citoyens aux décisions européennes.»

    Victor Negrescu figure parmi les députés européens préoccupés par l’avenir des jeunes, surtout des ceux inactifs. Bien que l’UE ait lancé plusieurs programmes à leur intention, le député roumain reste pourtant réservé : «Il faut préciser que la plupart de ces programmes ont un caractère global et général. Or, nous avons besoins d’un plus grand nombre d’approches ciblées sur les jeunes NEET, afin que cette catégorie de la population européenne, forte de quelque 21 millions de personnes, ressente vraiment les bénéfices qui en découlent. Lors des débats menés à Bucarest, j’ai essayé de plaider en faveur de programmes reposant sur les besoins personnalisés de ces jeunes, besoins que nous devrions mieux identifier au niveau local.»

    A l’heure où l’on parle, le nombre des jeunes roumains inactifs avoisine les 500.000. Un chiffre qui, rapporté au pourcentage des actifs, ne semble pas trop inquiétant. En fait, la situation est beaucoup plus grave. Au fur et à mesure que ces jeunes prennent de l’âge, ils restent inactifs et deviennent de plus en plus nombreux. Si le taux est de 18% dans le cas des moins de 25 ans, ce pourcentage monte à 25% pour les moins de 30 ans et se maintient autour de 20% dans le cas des personnes inactives âgées de moins de 35 ans. Nous voilà donc confrontés à toute une génération de jeunes vivant en marge de la société. Une réalité qui nous coûte cher, s’inquiète Veronica Stefan : «Une agence européenne estime qu’en 2011, la Roumanie dépensait, ou plutôt perdait environ 2 milliards d’euros, soit 1,54% de son PIB. Cela signifie que près d’un demi-million de jeunes roumains recevaient une aide sociale minimale, sans produire la moindre contribution à la richesse nationale. Autrement dit, chaque année, les jeunes de moins de 25 ans produisent une perte économique d’environ 2 milliards d’euros. »

    Si nous ajoutons à ce tableau le phénomène du vieillissement de la population, visible en Roumanie, mais aussi à travers l’Europe, phénomène qui s’accompagne du besoin d’avoir le plus grand nombre d’individus actifs, nous comprenons mieux à quel point la recherche de solution est importante, y compris par le biais de la plateforme La coalition européenne de défense des droits des jeunes NEET. Veronica Stefan, présidente du groupe Social Doers, explique : «Ce que nous espérons obtenir par la mise en dialogue de tous ces partenaires c’est d’abord une implication plus grande des ONG qui devraient profiter de leur rôle pour essayer de rapprocher les NEET des institutions publiques. Car, une fois arrivés en marge de la société, ces jeunes ne réussissent pas à s’en sortir tous seuls et, parfois, ils renoncent à le faire. Ensuite, on essaie de convaincre les institutions d’adopter une politique beaucoup plus flexible. Jusqu’à présent, on a surtout privilégié des projets à durée plutôt fixe et financés par des fonds structurels, et du coup, on a oublié ce qui se passe effectivement avec tous ces jeunes. Il serait important de mettre en place des programmes continus, qui proposent une approche plus personnalisée.»

    Il est donc nécessaire de commencer par identifier tous ces jeunes sans emploi et hors système scolaire pour leur offrir par la suite des solutions en fonction de leurs problèmes individuels. Parallèlement, il nous faut lancer des programmes nationaux soutenus par des politiques publiques.

  • Les ados, une catégorie d’élèves spéciale

    Les ados, une catégorie d’élèves spéciale

    Plus récemment encore, on parle aussi de son rôle dans le développement de l’intelligence émotionnelle, qui se manifeste par des compétences non cognitives. Très importantes, elles méritent bien que l’école leur accorde autant d’attention qu’aux compétences cognitives. C’est la conclusion d’une étude réalisée par l’Université Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca, en collaboration avec l’Association ROI et l’Institut des sciences de l’éducation et avec le concours de l’UNICEF. Comment peut-on définir les compétences non-cognitives ? Eduard Petrescu, du bureau de l’UNICEF en Roumanie : « Ce sont, en bref, les compétences que l’on ne peut mesurer par aucun test habituel d’intelligence ou de connaissances. Elles sont liées à une dimension personnelle de l’être humain : la façon dont il réussit à se rapporter à soi-même, à maîtriser ou à changer son comportement, à trouver des motivations, à utiliser sa créativité. Les compétences non cognitives ont également une dimension sociale et communautaire, car elles supposent un savoir-faire dans le domaine relationnel, de l’appartenance à un certain groupe. S’y ajoutent des compétences civiques, dont la capacité de participer à un projet ou à la prise des décisions. »

    En raison de leur dimension aussi bien individuelle que sociale, les compétences non cognitives sont essentielles pour le développement harmonieux de l’individu ; elles doivent être encouragées, notamment à l’adolescence, période durant laquelle se forme le caractère. C’est pourquoi l’étude consacrée à ces compétences a été focalisée sur les ados. Simona David-Crisbăşan, représentante de l’association ROI, explique : « A l’adolescence, on assiste à un phénomène particulier: les capacités physiques et intellectuelles des jeunes se développent autant que celles des adultes, alors que le côté émotionnel enregistre un certain retard. C’est d’ailleurs pourquoi les adolescents peuvent prendre des décisions risquées. Les compétences socio-émotionnelles ont plusieurs dimensions et dépendent du développement personnel, de la motivation, de la discipline, de la persévérance, de la confiance en soi, de l’initiative de la personne. Les relations interpersonnelles, la résilience, la résilience au stress, la façon dont nous comprenons et exprimons nos émotions relèvent toujours de ces compétences. S’y ajoute enfin l’implication civique : l’engagement dans différents projet communautaires et l’appartenance à la communauté. »

    Les chercheurs ont constaté qu’en Roumanie, les capacités non – cognitives sont développées uniquement par des activités extra-scolaires ou par des activités organisées par établissements scolaires pendant la semaine appelée « L’école autrement ». Les ados se sentent même plus à l’aise en tant que participants à des projets de bénévolat, que pendant les classes proprement-dites. De l’avis des spécialistes, l’explication est dans le fait que le système éducationnel roumain se limite toujours à la seule transmission de connaissances. Comment l’école pourrait-elle développer les compétences non – cognitives des jeunes ? Comment ces compétences peuvent – elles stimuler les performances scolaires ? Simona David-Crisbăşan répond: « L’école devrait mettre l’accent sur ces capacités aussi, non seulement sur les compétences cognitives ou les performances scolaires, comme c’est le cas aujourd’hui … On insiste très peu sur la communication, sur les relations personnelles ou sur la motivation. Et pourtant, tout le monde remarque que les ados sont plutôt démotivés en ce qui concerne l’école… Cela, parce qu’ils ne sont pas invités à faire partie du processus. Il est très important pour les ados de se sentir impliqués dans le processus éducationnel. A l’école primaire, on met l’accent sur les relations interpersonnelles, vu qu’il y a un seul instituteur qui s’occupe des enfants pendant 4 ans. Une récente modification du programme scolaire, qui concerne aussi les classes primaires, vise à stimuler aussi le développement personnel. Mais à commencer par la première année de collège et, plus tard, au lycée, l’enfant se sent exclu. Il n’y a pas suffisamment de temps, ni d’espace pour les faire s’impliquer, ce qui donne naissance au manque d’intérêt et à la démotivation. »

    Il est important de stimuler les compétences non-cognitives, non seulement pour augmenter la motivation pour les études, mais aussi et surtout pour le développement ultérieur des jeunes. C’est justement sur ce développement ultérieur que l’école devrait se cibler, estime le représentant de l’UNICEF, Eduard Petrescu : « Le système classique d’enseignement, qui fonctionne en Roumanie, a été imaginé pour une autre époque. Alors qu’il devrait tenir compte du fait que la société dans son ensemble se développe d’une manière accélérée, au niveau de l’information, de la communication, des relations. Tous ces aspects ont un impact sur le marché du travail. En fin de compte, l’objectif final de la formation scolaire d’un jeune doit être sa capacité de s’intégrer dans la vie sociale et professionnelle. Il faut apprendre à aider les jeunes à mieux s’adapter pour répondre aux défis actuels, en stimulant leurs compétences non – cognitives. »

    Mais avant toute chose, il faut former les enseignants pour qu’ils soient capables d’éveiller ces aptitudes chez leurs élèves. Ensuite, il faut repenser le programme scolaire, de sorte qu’il intègre cet aspect. Vu qu’un nouveau programme scolaire est actuellement en débat pour le collège, les experts estiment que les compétences non – cognitives y trouveront une place et qu’elles pourront se développer, notamment à l’aide de nouvelles méthodes d’enseignement et du travail en équipe. (Trad. Dominique, Valentina Beleavski)

  • La Roumanie #REZISTE

    La Roumanie #REZISTE

    Depuis plusieurs semaines déjà, des dizaines de milliers de personnes occupent chaque dimanche Piaţa Victoriei (la Place de la Victoire) de Bucarest, juste en face du gouvernement, pour réclamer la démission du Cabinet Grindeanu. Moins d’un mois après de son investiture, celui-ci a pris des décisions qui ont provoqué les plus amples protestations de la Roumanie post communiste, note AFP. «Environ 50.000 personnes se sont munies de feuilles de papier rouges, jaunes ou bleues, qu’elles ont éclairées à l’aide de leurs portables, transformant la place en un tricolore humain géant, pour réclamer la démission du gouvernement qu’ils accusent de miner la lutte anticorruption», écrit France Presse, qui a d’ailleurs réalisé un reportage sur la Place de la Victoire, de Bucarest.

    Les protestations de Roumanie ont fait aussi écho au Parlement européen. D’ailleurs, de l’avis de plusieurs députés européens, la mobilisation et la solidarité exemplaires des Roumains sont un véritable message pro-européen. «La Roumanie mérite une classe politique, qui s’active contre la corruption» a lancé le premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans. Dans un message au Parlement de Strasbourg, celui-ci a appelé les leaders roumains à « ne pas faire marche-arrière dans la lutte contre la corruption; sinon, la Roumanie pourrait se voir bloquer les fonds structurels». A Bucarest, le politologue Cristian Parvulescu opine que le peuple roumain a atteint un niveau supérieur d’indignation: «Eclatée après la tragédie de Colectif et apaisée ensuite, l’indignation des Roumains s’est vite rallumée à cause des erreurs faites dernièrement par le cabinet Grindeanu et par la plupart des membres de la coalition PSD-ALDE, au pouvoir. On assiste à l’entrée en scène d’un nouvel acteur, dont les partis politiques doivent tenir compte. Car, on ne peut pas gouverner sereinement avec 600 milles protestataires dans la rue. Et puis, prétendre, de nos jours encore, que le Parlement peut faire tout ce que bon lui semble est très dangereux. Il est vrai que le Parlement est une institution importante, mais il n’est pas la seule institution de pouvoir dans une démocratie. Tant que le gouvernement roumain rejette la pluralité des opinions au sein de la société, les Roumains continueront à descendre dans la rue pour réclamer leurs droits.»

    La romancière Nora Iuga a rejoint dès le début les protestataires rassemblés Place de la Victoire : «Dès le moment où le patron du PSD, Liviu Dragnea, a déclenché, par ses décisions, la situation politique actuelle, je me suis rendu compte que la Roumanie était au fond du gouffre. Or, dans ce contexte, il est absolument magnifique de voir comment nous, les Roumains, jeunes et moins jeunes, nous sommes parvenus à prouver, au monde entier, notre esprit de liberté, de justice et de civilisation. On ne pensait plus avoir de telles qualités. C’est un vrai bonheur de découvrir une société roumaine à laquelle je puisse faire confiance, une société civile dont on rêve depuis la chute du communisme. Une société que l’on la croyait morte, sous Ceausescu, mais qui, voilà, a su renaître! Les Roumains des quatre coins du pays forment déjà un noyau de plus en plus important de la société civile et tout cela est extraordinaire!»

    De l’avis de l’écrivain Radu Vancu, à part quelques gains de causes palpables, tels l’abrogation du décret n° 13 et la démission du ministre de la Justice, Florin Iordache, la rue a enregistré aussi une autre victoire: elle a commencé à développer une culture de la protestation, issue aussi bien du nombre impressionnant de participants que des valeurs communes qu’ils ont su partager, quelle que soit leur couleur politique : « Dans la rue, on trouve des électeurs de gauche aux côtés d’autres de droite ou, tout simplement, de manifestants sans étiquette politique aucune, mais qui militent tous pour les même valeurs démocratiques. C’est pour la première fois depuis la chute du communisme que les mêmes principes font descendre dans la rue une foule qui, au-delà des failles idéologiques, fonctionne dans la solidarité pour clamer ses droits. Les Roumains avaient perdu leur solidarité et du coup, ils l’ont retrouvée. Et puis, il y a un autre gain. Celui d’image de la Roumanie à l’étranger. Et je ne pense pas forcément aux nombreux articles parus dans la presse française, britannique, américaine, allemande ou italienne et qui font tous l’éloge des Roumains, mais surtout aux commentaires des lecteurs qui parlent de la Roumanie comme d’un véritable modèle de démocratie.»

    Razvan Martin de l’Association Active Watch opine, pour sa part, que les amples protestations des dernières semaines inscrivent la lutte anti-corruption à l’agenda des préoccupations des Roumains. D’ailleurs, ceux-ci s’avèrent prêts à se mobiliser en cas de risque de régression, surtout après les progrès notables faits dans ce domaine, ces dernières années: «Personnellement, je pense que la victoire la plus importante est de voir la société réagir. De voir les citoyens découvrir leur force, de les voir s’organiser pour dire «non» à l’unisson. Je crois que tous ces mouvements de protestation ont commencé vers 2011, 2012. Pourtant, à l’époque, ils n’ont pas eu la même force car les revendications n’avaient pas autant de visibilité. Mais, au fur et à mesure que le temps passe, on a fait travailler notre muscle civique et là, il est prêt à se contracter pour montrer sa force.»

    Selon la critique littéraire Luminita Corneanu, parmi les principaux gains apportés à la société roumaine par les protestations se trouve le fait que la rue a su faire entendre sa voix, que le gouvernement n’a pas pu ignorer par la suite: «Plus importants que les succès enregistrés à court terme, c’est d’assister à une redécouverte de la Roumanie, une redécouverte de la confiance en nous-mêmes, faite aux mécanismes de la démocratie, au rapport entre les électeurs et les élus, entre les citoyens et les dirigeants. Les images des protestataires de Bucarest ont fait le tour du monde et nous ont redonné la fierté de nous voir servir d’exemple de démocratie aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne. Pour nous, c’est du jamais vu et donc c’est pour cela que je pense que le plus important pour notre société est d’être devenue consciente de sa force.»

    Le comédien Tudor Aaron Istodor a été l’un des centaines de milliers de Roumains à être descendus dans la rue : «On assiste à la cristallisation d’une nouvelle voix, celle de la rue. Personnellement, je ne me sens pas manipulé, je ne suis ni pour la droite, ni pour la gauche, mais à chaque fois que je constate une injustice, un abus quelconque, je ressens le besoin de protester. Voilà, c’est pour cela que j’ai rejoint la foule des manifestants. C’est important qu’on ait été si nombreux à remarquer les mêmes injustices. Et du coup, certains aspects ont été réglés, comme quoi notre démarche a été couronnée de succès.»

  • A la Une de la presse roumaine 13.02.2017

    A la Une de la presse roumaine 13.02.2017

    Au bout de plus de deux semaines de
    couverture des manifestations dans les grandes villes roumaines, les journaux
    cherchent à comprendre qui sont les protestataires, mais s’intéressent aussi
    l’actualité économique reflétée dans la croissance de l’industrie roumaine en
    2016 et l’évolution du salaire moyen en Roumanie depuis 1990 à nos jours.



  • Mitica

    Mitica

    Il parcourt chaque jour 4 kms de route pour aller chez des propriétaires bucarestois venus s’installer à la campagne. Mitica entretient leurs potagers, taille leur pelouse, arrose leurs plantes. Parfois, sous le coup de l’inspiration, il rajoute des petites fleurs, ici et là, malgré les indications précises des maîtresses de maison. Son jardin à lui n’a pourtant rien à envier à ceux de ses employeurs, c’est une véritable explosion de couleurs. On y trouve des pétunias blanches ou roses, des géraniums rouges, des rosiers, des marguerites, des tulipes, le tout jalousement gardé par de petits nains de tailles et de couleurs différentes.






  • La vie dans la rue en hiver

    La vie dans la rue en hiver

    Ils sont en première ligne face au froid, contraints de subir les rigueurs de l’hiver. Alors que le gel sévit de nouveau en Roumanie, les sans-abris deviennent encore plus vulnérables que d’habitude. Une réalité des plus cruelles face à laquelle des ONGs telles le Samusocial s’activent. Sabina Nicolae, directrice exécutive de l’association, témoigne: « Par ce temps, on prend soin de distribuer aux gens de la rue des sacs de couchage, des chaussures, des gants, des bonnets et de leur offrir une boisson chaude, que ça soit une tisane ou de la soupe. A part ça, on met à leur disposition du soutien spécialisé : psychologique, médical et social, tout au long de l’année, afin d’accroître leurs chances à la réinsertion professionnelle. Sinon, le Samusocial s’efforce à leur trouver un abri aussi bien en été qu’en hiver, quand la plupart de ceux passant la nuit dehors souffrent d’engelures très graves. Pour les aider à mieux traverser la saison froide, on leur donne aussi des suppléments de nourriture. Et puis, en hiver, ceux qui sont prêts à offrir un repas chaud aux mal logés sont nombreux.»

    Souvent sans papiers qu’ils ont perdus ou se sont fait voler, les gens de la rue s’en remettent aux assistants du Samu pour se voir délivrer de nouvelles cartes d’identité, premier pas vers une possible réinsertion sociale. A 24 ans, Cristian en a déjà passé 3 dans la rue. Originaire de la ville de Tulcea, il a gagné la capitale, Bucarest, à sa majorité, dans l’espoir d’une vie meilleure. Hélas! Sans parents ni amis prêts à lui donner un coup de main, le jeune homme s’est retrouvé très vite au bout de ses moyens et de ses forces: « Cela fait six ans que je vis à Bucarest et la moitié, je les ai passés dans la rue. L’hiver surtout, c’est l’enfer. J’arrête pas de penser à tous ceux qui passent leurs nuits dehors parce qu’ils n’ont pas d’alternative. Comment font-ils pour résister? Je sais très bien de quoi je parle, car moi aussi, j’ai fait l’expérience des nuits d’hiver passées en plein air. Les soirées, ça va encore. Mais après minuit, quand il se met à geler, c’est très dur. Pour la nourriture, ça allait encore. Je faisais des petits boulots et en échange, on me donnait à manger».

    Ce fut vers la fin 2015 et le début 2016 que le soleil s’est remis à briller timidement dans le ciel de Cristian. C’est grâce au Samu que le jeune homme, muni enfin d’une nouvelle carte d’identité après avoir perdu tous ses papiers dans la rue, trouve du travail : «Je travaille pour une association chargée de la protection de l’environnement et je m’occupe du recyclage du papier. J’aime bien cette façon à eux de faire la collecte du papier en vélo cargo. Au début, l’idée de pédaler toute la journée ne m’attirait pas trop, mais au bout de deux mois de travail, j’ai changé d’avis et je m’y plais. J’habite un petit appart fourni par une ONG à laquelle je verse un loyer modeste qui progressera au fur et à mesure que mes moyens augmenteront eux aussi. Il faut faire comprendre aux gens que le travail est essentiel pour mener une existence normale.»

    Malheureusement, toutes les histoires n’ont pas de fin heureuse. Catalin Niculaie Niculescu a 59 ans et les 13 dernières, il les a vécues dans la rue. C’est suite à son divorce qu’il a perdu sa maison et s’est retrouvé dans cette situation. Après une tentative échouée d’immigrer en Allemagne, il rentre en Roumanie les mains vides et souffrant d’une tuberculose. Pour cet ancien ingénieur métallurgiste, l’âge représente le principal obstacle à l’embauche. Comment a-t-il fait pour résister toutes ces années dans la rue? : «J’ai fait de mon mieux pour tenir bon. Jeune, j’ai fait de l’escalade et j’ai participé à toute sorte de stages de survie en pleine nature. J’ai passé mes nuits un peu partout: dans les parcs, dans une chapelle désaffectée, dans le train régional reliant la capitale à la localité de Videle. J’ai fais la manche à l’entrée des cimetières. Et puis, depuis novembre 2015, j’ai trouvé une place dans un centre d’accueil pour les mal logés. On m’y offre trois repas par jour, une pièce chauffée et de l’eau chaude. J’en suis content».

    Et puis cet hiver, surprise: Monsieur Niculescu s’est vu enfin offrir un petit boulot compatible avec sa taille massive et sa barbe grisâtre : « Je n’espérais pas une telle offre! A vrai dire, il y en a eu plusieurs, donc j’ai même fait mon choix! Cela m’a fait une belle expérience puisque j’ai fait le Père Noël pour Coca Cola. On m’a laissé garder le costume offert par le Samu. Moi, je n’ai pas de connexion à Internet, donc c’est toujours à eux de chercher du boulot pour moi».

    Malades, abattus, accablés par les conditions austères d’une vie très rude, les gens de la rue finissent souvent par déposer les armes, en proie à la solitude et au désespoir. Du coup, ils ont du mal à changer de vie, même quand le destin leur tend la main. Un mécanisme psychologique qui n’a rien de surprenant, nous explique Alina Mirea, assistante sociale au Samu: «La plupart des SDF sont des personnes traumatisées depuis leur jeune âge. Issus dans des familles abusives, ils ont mené une vie de privations avant de se retrouver dans la rue. Du coup, ils sont persuadés qu’ils ne pourront jamais échapper à leur condition. Il faut donc beaucoup de patience et de l’aide spécialisée pour les faire changer de perspective. Certes, on ne saurait pas changer complètement leur destin, mais on pourrait quand même améliorer un peu leur quotidien. Parfois, on arrive à leur offrir un abri, ne serait-ce que temporaire, pour les aider à voir la vie d’un œil différent et les ambitionner à se reconstruire. Mais, il y en a qui préfèrent vivre du jour au lendemain, contents de se restaurer ou de se laver. Ca dépend de chacun quel combat il veut mener».

    Il arrive souvent que les gens de la rue refusent de se voir installer dans des centres, préférant la rue à une place remboursée par du travail. Pourtant, les assistants sociaux ne baissent pas les bras et continuent d’encourager ces déshérités du sort jusqu’à ce qu’ils arrivent à franchir le cap.

  • Etude et détente au troisième âge

    Etude et détente au troisième âge

    Le vieillissement de la population mondiale, secondé par le déclin démographique est de nos jours une réalité que les spécialistes ne sont pas les seuls à constater. L’espérance de vie augmente, pouvant atteindre 81 ans avant la fin du siècle, selon l’ONU. Actuellement plus de 700 millions de personnes ont dépassé la soixantaine et on estime qu’en 2050, elles représenteront plus de 20% de la population mondiale. Dans l’UE, le nombre des personnes âgées de plus de 65 ans progressera rapidement, pouvant atteindre 150 millions de personnes en 2050. Toujours en 2050, le taux de dépendance économique des personnes âgées, soit le rapport entre la population inactive et la population en âge de travailler passera à 50%.

    Raison d’inquiétude qui devrait nous pousser à trouver rapidement des solutions. L’une d’entre elle serait de maintenir les seniors aussi longtemps que possible sur le marché du travail. Le Conseil économique et social européen (CESE) avance déjà des projets pour prévenir une crise démographique. Ionuţ Sibian, directeur exécutif de la Fondation pour le développement de la société nous en parle: « Selon une récente étude menée par l’OCDE, des pays comme le Royaume Uni pourraient augmenter de 5% leur PIB en 2017 s’ils adoptaient à présent des politiques visant à maintenir les seniors sur le marché de l’emploi. Dans le cadre du Conseil économique et social européen nous avons émis un avis sur l’accès à la numérisation des personnes âgées de plus de 50 ans. Plus de 150 millions de citoyens de l’UE rentreront dans cette catégorie d’ici 2050. Pour eux, l’accès au marché du travail offert par Internet est important pour qu’ils puissent rester en activité. Jusqu’ici, les Etats de l’Union avaient envisagé cette question uniquement du point de vue de l’accès de ces personnes aux services sociaux et médicaux. On doit pourtant élargir cet accès à d’autres domaines et offrir aux personnes âgées des opportunités de s’informer et de se former, ainsi que d’obtenir un complément de revenu au moment de la retraite.

    Demeurer actif – physiquement et mentalement – est essentiel pour une personne âgée, tout comme se détendre et s’épanouir. Retourner à l’école, sans avoir à subir le stress des examens ou celui provoqué par la nécessité d’obtenir un diplôme pourrait être un bon moyen de combler ces besoins. L’«Université du Bas Danube » de Galaţi leur a offert cette opportunité pour l’année académique 2016-2017. Le projet de cette « Université du troisième âge » a été conçu justement pour répondre aux défis du vieillissement démographique. La vice-doyenne de cette université, Violeta Puşcaşu explique: « Parmi les grandes villes roumaines, Galaţi est la plus vieillie. Pour des raisons économiques, politiques et démographiques, les personnes âgées de plus de 60 ans représentent près d’un tiers de la population de notre ville. J’enseigne la démographie depuis une vingtaine d’années et j’ai pu constater l’évolution des indicateurs démographiques en Roumanie et en Europe. La proportion de personnes âgées progresse visiblement et la société doit se mobiliser et ne pas toujours adopter les solutions classiques : la maison de retraite ou l’isolement de la personne dans sa propre maison, devant la télé, avec un animal pour toute compagnie.

    L’Université du troisième âge de Galaţi ne perçoit pas de taxe. A la fin de leur période d’étude, les séniors qui ont fréquenté ses cours se voient accorder un certificat qui, bien que sans valeur sur le marché de l’emploi, a une valeur sentimentale et scientifique: ils ont maintenu leur intellect actif et l’ont même enrichi, évitant les éventuelles dépressions causées par la solitude et le manque d’occupation. Qu’est-ce que les personnes âgées de Galaţi peuvent y étudier? Violeta Puşcaşu : « Nous leur offrons 10 modules choisis dans une liste plus ample d’options exprimées par des éventuels étudiants-seniors lors d’une enquête menée au printemps et en été. La liste initiale comptait une vingtaine de sujets. Nous en avons choisi 10, compte tenu aussi de la disponibilité de mes collègues de l’université à s’impliquer sans être payés dans une telle activité. Aussi, nos étudiants-séniors peuvent-ils suivre des cours de: droit, économie et les relations internationales, kinésithérapie, médecine, art, culture et civilisation, nutrition, histoire, philosophie, théologie, tourisme, science et ingénierie. »

    160 étudiants-séniors âgés de plus de 55 ans fréquentent ces cours, étant inscrits à l’Université du Bas Danube de Galaţi. L’étudiant le plus âgé a 85 ans. Une fois les nouvelles connaissances acquises grâce à ces cours, elles peuvent fournir à ces « diplômés» âgés la chance de trouver un emploi. Ionuţ Sibian, membre du Conseil économique et social européen, considère l’embauche des séniors comme une priorité : « Une fois sortie de la crise économique, l’UE doit trouver une solution aux problèmes démographiques. Une partie de la solution suppose le maintien, le plus longtemps possible des seniors sur le marché du travail et l’octroi d’opportunités aux employeurs qui embauchent des séniors. L’économie sociale peut s’avérer un bon employeur pour cette tranche d’âge. »

    (Trad.: Dominique)

  • Outils numériques et réalité virtuelle dans l’enseignement.

    Outils numériques et réalité virtuelle dans l’enseignement.

    On estime à 25 milliards le nombre d’objets connectés à l’horizon 2020, donc ils vont devenir présents dans tous les secteurs de la société, partout et à n’importe quel moment, y compris dans l’éducation. Plusieurs entreprises qui proposent des outils numériques d’apprentissage par la pratique ont été présents au Salon du numérique dans l’éducation de Bucarest. Jeux sérieux, simulateurs en tout genre et autres applications numériques arrivent à être utilisés dans des écoles techniques d’aujourd’hui.



  • Transports altérnatifs à Bucarest

    Transports altérnatifs à Bucarest

    Le nombre des cyclistes roumains est à la hausse depuis quelques années déjà, tout comme le nombre des magasins consacrés au cyclisme. Pourquoi préférer la bicyclette à d’autres moyens de transport, ce sera à Radu Mititean, président de la Fédération des cyclistes de Roumanie de nous le dire: « Il est tout à fait normal que le nombre de cyclistes augmente puisqu’ils sont de plus en plus nombreux ceux qui se rendent compte que l’auto ne peut pas rester une solution durable pour assurer le déplacement dans les grandes villes. En dehors d’être rapide, le vélo présente l’atout d’ allier santé et écologie. On vit en plein siècle de la vitesse. Et puis, faute de temps, pas mal de citadins renoncent au jogging ou à la natation et finissent par faire du cyclisme leur unique activité physique quotidienne. C’est mon cas d’ailleurs. J’habite à Cluj et le trafic est si dense qu’en voiture il me faudrait une bonne demie heure pour me rendre au boulot, tandis que le vélo me permet d’économiser un petit quart d’heure».

    Une question s’impose pourtant: est-ce que grandes agglomérations urbaines sont prêtes à intégrer ce moyen de transport devenu de plus en plus tendance? Corneliu Belciug, directeur de programmes au sein de l’Association Green Revolution nous en parle: «Pour que le vélo ait une chance de s’ériger en moyen de transport alternatif à Bucarest, il faudrait, en parallèle, décourager la circulation en voiture. On ne pourra jamais parler d’une capitale roumaine aérée, calme, non polluée et au trafic léger si les autorités n’adoptent pas ces deux mesures à la fois. Il faudrait donc limiter le trafic automobile par des taxes et des frais de parking partout dans la ville parallèlement à l’aménagement des pistes cyclables. Or pour l’instant, on est bien loin de tous ces projets».

    Malgré des politiques européennes censées encourager la pratique du vélo et en dépit de la disponibilité de Bruxelles d’allouer des fonds à la mise en pratique d’une infrastructure cycliste, les choses traînent, déplore Radu Mititean, président de la Fédération des cyclistes de Roumanie : «Ces dernières années, dans la majorité des grandes et moyennes villes on a entamé des travaux pour y mettre en place une infrastructure adaptée à la pratique du vélo. Malheureusement, les résultats ont été de faible qualité. Les travaux manquent de cohérence, on n’a que des morceaux isolés de piste, trop étroits pour la plupart, dépourvus de continuité et de toute condition de sécurité. On a juste fait mine de respecter les recommandations de Bruxelles. Les pistes n’ont pas l’utilité qu’elles devraient avoir et n’encouragent guère la pratique du vélo. Tout au contraire, elles mettent souvent en danger les cyclistes. Et tout ce dérapage est possible parce que la législation n’impose pas de normes correctes».

    Les associations pour la promotion du déplacement à vélo de Roumanie ont vainement essayé ces dernières années à négocier avec les autorités locales les conditions de mise en place d’une infrastructure adaptée et d’une législation adéquate, raconte Radu Mititeanu: «Cela fait plus de 20 ans que l’on s’efforce d’actualiser la législation routière, mais, pour l’instant, on n’a que des promesses de la part des autorités. Plus de deux décennies de démarches n’ont pas encore porté leurs fruits. Pour nos décideurs, le vélo n’est qu’un caprice. Sans auto, le Roumain a le sentiment d’être un citoyen de condition inférieure».

    En attendant une réaction de la part des autorités, la société civile a décidé de se mettre en action pour soutenir les cyclistes et les aider à se trouver une place au sein des agglomérations urbaines. Cela fait déjà six ans que l’association «Green Revolution» s’ investit dans la promotion des bénéfices du vélo à travers un système de vélo partage mis en place à Bucarest en collaboration avec la Mairie du 1er arrondissement. Mais ce projet n’est pas singulier, affirme Corneliu Belciug : Nous avons le projet Ivelo avec nos déjà célèbres vélos jaunes en partage, démarré d’abord dans les grands parcs de Bucarest et ensuite dans d’autres villes. On a également instauré un projet de vélo en libre service à l’intention des étudiants. Ceux-ci se sont vu mettre à leur disposition, gratuitement, des vélos censés permettre le déplacement entre les foyers étudiants et les universités. On ne saurait oublier le projet «Le vélo à cravate» par lequel on a encouragé les salariés des multinationales à pédaler en leur apportant des vélos directement sur les lieux de travail. L’année dernière, on a également démarré un projet européen intitulé Bike2Work et puis on a mis en place le premier système automatisé de vélo partage de Bucarest. Il y a des vélos à louer dans les principales stations de métro et près des abribus des principaux quartiers de la ville. C’est un projet qu’on espère prolonger en 2017 aussi et qui s’adresse à tous ceux qui souhaitent se rendre d’un endroit à l’autre en 30 minutes tout au plus. C’est un service pour le déplacement rapide et trente minutes s’avèrent suffisantes».

    A l’heure actuelle, les associations pour la promotion du vélo espèrent collaborer avec les autorités locales afin de faciliter la vie des cyclistes en ville.

  • A la Une de la presse roumaine – 25.11.2016

    A la Une de la presse roumaine – 25.11.2016

    Plusieurs chiffres préoccupants ressortent de trois études sociales dûment analysées par les principaux quotidiens bucarestois. Tout d’abord, il y a la sympathie que 82% des Roumains vouent aux courants populistes et autoritaires. Dans le même temps, les Roumains mènent également le classement des Etats membres de l’UE en matière de maladies. Enfin, les retraites obligés à rester actifs se retrouvent également sous la loupe de la presse roumaine.



  • Du salariat au précariat

    Du salariat au précariat

    L’Europe s’est contruite sur l’idée de travail comme réalisation de soi. Il s’agit d’une idée partagée mais en réalité partielle. Or, les multiples réformes dans le domaine de l’emploi rendent le travail bien souvent insupportable. Dans cette optique, l’éthique du travail a de mois en moins sa place dans nos sociétés. C’est cette question que nous allons aborder avec Julien Brygo dans ce troisième volet d’entretiens sur l’utilité et la nuisance sociale des métiers.

  • La Roumanie vue par un anthropologue congolais

    La Roumanie vue par un anthropologue congolais

    Il est anthropologue. Il est Congolais. Et il vit à Bucarest. Aujourdhui le café des francophones reçoit un personnage que lon rencontre assez rarement en Roumanie. Il sagit de Placide Mumbembele. Il nous donnera ses impressions sur la vie en Roumanie et notamment à Bucarest.



  • A la une de la presse roumaine – 18.05.2016

    A la une de la presse roumaine – 18.05.2016

    1 sur 7 demandeurs d’asile distribués selon le système établi par la Commission européenne refusent d’être transférés, notamment dans des Etats plus pauvres de l’Union. Par ailleurs, des centaines de milliers d’enfants roumains sont en souffrance, lorsqu’un des parents ou les deux quittent le pays pour travailler à l’étranger. Davantage sur ces deux sujets et bien d’autres dans la revue de presse de RRI.



  • A la Une de la presse roumaine 17.03.2016

    A la Une de la presse roumaine 17.03.2016

    Plein de sujets intéressants dans la presse roumaine ce jeudi. «17 mars. Le premier jour sans fumée de cigarette». L’occasion pour la presse de se pencher sur un sondage de l’OMS qui place la Roumanie en tête du classement de la consommation d’alcool et de tabac parmi les jeunes. On parle aussi d’un projet censé réduire l’abandon scolaire : de l’argent pour les lycéens à condition de ne pas sécher les cours. Par ailleurs, la nouvelle loi des adoptions vient d’être votée, elle simplifie le processus des adoptions, dans un pays où seulement 562 enfants sur 60.000 ont été adoptés en 2015. Enfin, la presse décrit une journée de la vie en Roumanie : la population diminue de 100 personnes, l’économie augmente de 2 milliards de lei, la construction d’autoroutes avance de 66m, on coupe 14 hectares de forêt, et la liste se poursuit.