Category: Société

  • La santé mentale des travailleurs roumains

    La santé mentale des travailleurs roumains

     

    Plus récemment, en février 2025, une entreprise roumaine a été condamnée en justice pour l’épuisement professionnel d’une employée. C’est la première fois qu’une telle condamnation est prononcée. L’entreprise est désormais obligée de verser des dommages et intérêts à son ancienne employée. Les données confirment que le stress lié au travail n’est pas un phénomène isolé. Une étude récente analysant les réponses de 3 500 employés en Roumanie montre que 48 % d’entre eux ressentent souvent ou très souvent des symptômes d’anxiété au travail et que 43 % ne consacrent pas plus de trois heures par semaine à la détente.

    Corina Neagu a plus de 20 ans d’expérience dans les ressources humaines et est la fondatrice d’un cabinet de conseil qui aide les organisations à cultiver le potentiel de leurs employés et à les aider à découvrir leurs talents. Elle estime que le faible niveau d’éducation en Roumanie au cours des 35 dernières années et le manque d’éducation émotionnelle sont des facteurs déterminants pour les problèmes de santé mentale liés au travail. Corina Neagu estime que les écoles roumaines ont encore beaucoup de chemin à faire pour former les futurs travailleurs.

     « L’école en Roumanie n’apporte pas aux enfants les compétences dont ils auront besoin, nous ne nous occupons pas de l’émotivité de nos enfants. Les parents travaillent à l’étranger ou ne sont pas disponibles émotionnellement, les relations familiales sont dysfonctionnelles, il y a aussi de la pauvreté – dans les zones rurales – ou toutes sortes d’abus. Les parents ne savent même pas comment être bien avec eux-mêmes alors ça leur est difficile de gérer la relation avec leurs enfants. Tout cela a fait que notre état émotionnel et mental n’est pas ce qu’il devrait être. Oui, dans un pays civilisé, sain et normal, il existe des politiques de prévention, des stratégies au niveau national, des programmes au niveau organisationnel, des programmes de prévention et de bien-être – pour encourager le bien-être et la sécurité psychologique sur le lieu de travail ».

     

    Le poids du passé

    L’experte estime que le passé de nos concitoyens a donné naissance à des modèles de comportement qu’il nous faut désormais abandonner. À cet égard, la peur, principal instrument de contrôle sous le communisme, est toujours présente dans nos relations hiérarchiques. L’absence d’une culture du travail en équipe, un individualisme mal compris et la honte dans nos rapports avec les autres sont d’autres héritages culturels. L’experte poursuit :

     « Un autre modèle culturel est que nous n’avions pas le droit d’avoir une opinion. Nous ne savions pas ce que signifiait un retour d’information. Si nous ouvrions la bouche, on nous disait « va dans ta chambre, les adultes parlent maintenant ». Sans parler des instruments de coercition qui existaient à la maison et à l’école. Là encore, il s’agit d’un modèle qui s’est perpétué ».

    De nombreuses voix éminentes dans le domaine des ressources humaines affirment de plus en plus que les organisations jouent un rôle clé dans le bien-être des employés et, par conséquent, de la société en général. Corina Neagu le confirme :

    « Les entreprises ne sont pas des tiers, elles sont dirigées par des personnes qui doivent prendre des décisions. La décision de prendre soin de ses employés doit être une priorité pour tout type d’organisation et pour tout type de dirigeant. Pourquoi s’occuper de son personnel ? Votre personnel s’occupe-t-il de vos clients ? C’est très simple. Oui, aussi bien les clients internes que les clients externes. Richard Branson l’a dit, je ne l’ai pas dit, mais il l’a très bien dit. Je veux dire que c’est extrêmement important – et vous ne vous occupez pas seulement de leur donner un salaire à la fin du mois, vous vous occupez de créer l’espace, le climat, la culture, l’environnement où ils se sentent authentiques et où ils peuvent venir et s’exprimer d’une manière authentique. Une authenticité consciente. Je ne veux pas dire que nous devons laver notre linge sale en public, mais que nous devrions pouvoir donner un feed-back sans en craindre les conséquences.

    Une enquête menée par la plateforme BestJobs l’année dernière a révélé que la satisfaction professionnelle des employés roumains était à son niveau le plus bas depuis trois ans, avec seulement trois personnes interrogées sur dix qui se disent satisfaites de leur travail. Dans la même enquête, six employés sur dix ont déclaré que leur travail entraînait également des répercussions négatives sur leur vie personnelle. En même temps, de plus en plus d’ONG et de personnes formées aident les entreprises et les employés à développer des environnements de travail plus sains, où une communication saine et empathique anime les relations interpersonnelles.

  • L’église orthodoxe roumaine, à l’heure de son Centenaire

    L’église orthodoxe roumaine, à l’heure de son Centenaire

    2025 : année du Centenaire du Patriarcat Roumain

     

    Le Saint-Synode de l’Église orthodoxe roumaine a déclaré 2025 – année du centenaire du Patriarcat roumain. Une loi à cet effet a également été adoptée par le Parlement de Bucarest. En fait, l’anniversaire est double ! En effet, il y a 100 ans, le 4 février 1925, l’Eglise orthodoxe roumaine devenait un Patriarcat, alors que 40 ans plus tôt elle avait déjà fait un pas dans ce sens en devenant autocéphale, le 25 avril 1885. Un moment du bilan, donc, pour l’Eglise ! Outre ses activités liturgiques actuelles et l’assistance religieuse qu’elle apporte dans les hôpitaux, les orphelinats, les prisons et les maisons de retraite, l’Église orthodoxe, qui est majoritaire en Roumanie, déploie également une vaste activité sociale et philanthropique en faveur des personnes défavorisées et des personnes confrontées aux problèmes les plus divers.

    Et cela ne date pas d’hier !

     

    Des centres pour aider les personnes vulnérables

     

    Le conseiller social du patriarche Daniel de Roumanie, le prêtre Ciprian Ioniță, évoque brièvement le passé de cette activité :

    “C’est le commandement de notre Sauveur Jésus-Christ d’aimer notre prochain et ceux qui ont besoin d’aide, et nous, en tant qu’Église, nous avons toujours eu des centres socio-médicaux dans les monastères, et dernièrement certains d’entre eux ont été accrédités, autorisés et offrent des services de qualité aux personnes vulnérables. Immédiatement après 1990, des fondations ont été créées aux côtés de l’Église : par exemple, l’association Diaconia, la fondation St Macrina de Solidarité et Espérance – une autre fondation à Iasi, qui possède également le plus grand hôpital de l’Église orthodoxe… Il y en a tellement ! Nous disposons d’une carte actualisée de tous les services sociaux sur social-fililantantropic.patriarhia.ro. Vous y trouverez tous les services que l’Église développe actuellement. Chaque diocèse a au moins un secteur socio-philanthropique où il y a un conseiller et des inspecteurs diocésains, ainsi que des ONG. Et le prêtre qui veut développer une activité dans sa paroisse peut s’adresser au diocèse pour être guidé ou bien à nous, au Patriarcat. Nous avons également une Fédération qui rassemble les ONG les plus importantes de l’Eglise et il y en a actuellement 27”.

     

    La zone rurale, le plus en besoin

     

    L’action de la Fédération de Philanthropie, à travers les associations et fondations qui la composent, n’exclut ni les zones urbaines, ni les zones rurales. Mais, étant donné que les besoins sont plus importants dans les villages, les actions qui leur sont destinées représentent 60 % de l’ensemble des actions menées par les associations religieuses.

     

     

    Le père Ciprian Ioniță nous en dit plus.

    “Puis-je vous donner un exemple actuel ? La Fédération de philanthropie mène une campagne intitulée ‘Rend le sourire à une personne âgée’ destinée aux personnes âgées vulnérables. Nous avons reçu une demande d’une paroisse située quelque part à la frontière entre le comté de Bacău et le comté de Harghita… qui souhaitait participer à notre campagne de consultations ophtalmologiques et de lunettes gratuites. Comment ça se passe concrètement ? Nous allons sur place avec nos volontaires, nous faisons la consultation pour les personnes âgées, et ensuite nous retournons à Bucarest, nous commandons le type de lunettes dont chaque personne a besoin et nous les lui faisons parvenir. Aujourd’hui même, nous avons reçu une demande pour 70 personnes. Nous avons des activités que nous organisons et qui sont sur notre page Facebook… Un prêtre m’a appelé, je lui ai dit de contacter d’abord le conseiller social de l’archidiocèse de Roman et Bacău, avec lui nous avons fait une demande, nous l’avons présentée au Patriarche et évidemment il donne son feu vert”.

     

    Aide aux toxicomanes

     

    L’Église aide les personnes âgées, qui sont les bénéficiaires les plus nombreux. Mais elle aide aussi quelque 130 000 enfants dont le destin est difficile, des mères célibataires, des femmes victimes de violences domestiques, des malades qui n’ont pas les moyens de payer les services médicaux, qui n’ont rien à mettre sur la table ou qui ont besoin d’être conseillés – par exemple, les chômeurs ou les toxicomanes.

     

    Le père Ciprian Ioniță apporte des détails.

    “La Fédération de philanthropie est un organisme de formation et nous avons un cours de spécialisation dans le domaine de l’aide aux toxicomanes. Au départ, nous avons pensé qu’il serait utile pour nos confrères prêtres de connaître ce problème. Mais entre-temps, nous avons reçu de très nombreuses demandes de la part d’enseignants ou de personnes qui travaillent dans certains centres de traitement des dépendances et nous abordons, dans ce cours, toute la partie relative aux dépendances – alcool, dépendances numériques, toxicomanie… Et vous devez savoir que c’est un cours qui, ces derniers temps, est très apprécié. Les cours sont suivis par ceux qui veulent aider les personnes en situation d’addiction, mais nous avons également organisé un cours à Târgu Mureș, il y a quelques années, où des personnes qui avaient dépassé leur addiction voulaient suivre ce cours, afin d’être en mesure d’aider les personnes dans des situations similaires”.

     

    Le cours de lutte contre la toxicomanie existe depuis 2022 et a permis de former environ 500 personnes à ce jour. Les cours de spécialisation ou de formation professionnelle présentent également un grand intérêt. À l’avenir, l’Église orthodoxe souhaite par exemple développer son propre réseau d’aides à domicile.

     

    Aides à domicile

     

    Ciprian Ionita poursuit sur ce projet et d’autres encore.

    “Nous considérons que les personnes âgées sont très vulnérables et ont besoin d’aide et c’est pourquoi nous voulons former un réseau de soins à domicile pour l’ensemble du Patriarcat, d’autant plus que les statistiques montrent que la Roumanie devient un pays plutôt vieillissant et, d’une manière ou d’une autre, il faut soutenir ces personnes. C’est l’un de nos projets pour l’avenir proche. En ce qui concerne les enfants, différents projets ont été soumis. Nous avons eu des projets et nous allons en avoir d’autres dans le domaine de l’écologie. Nous avons pris des initiatives au sein de l’Église orthodoxe roumaine, en collaboration avec la République de Moldavie. Hier encore, je suis revenu d’un cours sur la violence domestique, auquel j’ai participé en tant que formateur pour des prêtres”.

     

    Des difficultés, aussi

    Le siècle d’existence et de riche activité du Patriarcat roumain a été marqué, selon le Patriarche Daniel, par de nombreuses bénédictions, mais aussi par des épreuves difficiles. Quelles sont les difficultés en termes d’activité socio-philanthropique ? Le conseiller patriarcal Ciprian Ionita répond :

    “Le plus difficile, parfois, c’est quand, par manque de fonds, parce que nous sommes limités, un centre ferme et que nous réfléchissons à la manière de transférer les personnes qui sont dans ce centre ou qui dépendent de nos services vers un autre centre. Mais, Dieu merci, même si un centre a fermé, deux ont probablement ouvert. Si, par exemple, en 2022, nous avions 767 services, cette année nous en avons 100 de plus, soit 867”.

     

    Le conseiller social du patriarche roumain, le père Ciprian Ioniță, est coauteur d’un livre sur le travail socio-philanthropique de l’Église orthodoxe depuis un siècle. Il sera publié en octobre, lorsque l’année du centenaire du patriarcat roumain culminera avec la grande consécration de la cathédrale nationale de Bucarest. Construite à côté du Palais Parlement, son immense dôme le dominant, la cathédrale semble le juste symbole de la place centrale occupée par l’Eglise orthodoxe roumaine dans les affaires du pays. (trad. Clémence Lheureux)

  • Qui travaille après la retraite ?

    Qui travaille après la retraite ?

    Une étude récemment publiée par Eurostat montre que seuls 13 % des citoyens de l’Union européenne restent actifs sur le marché du travail après l’âge de la retraite. Pour 36 % d’entre eux, le désir de rester productif et la passion pour leur métier constituent les principales motivations, tandis que plus de 28 % sont motivés par des besoins financiers. Les autres raisons citées par les personnes interrogées sont le désir de rester socialement intégré (11 %) et l’attrait financier du travail (9 %).

    La même enquête montre que les États baltes affichent les proportions les plus élevées de personnes âgées continuant à travailler après la retraite : près de 55 % en Estonie, et environ 44 % en Lettonie et en Lituanie, tandis que la Grèce et l’Espagne (respectivement 4,2 % et 4,9 %) se situent à l’autre extrémité de l’échelle. La Roumanie se trouve au bas de l’échelle, avec seulement 1,7 % de retraités actifs sur le marché de l’emploi.

    Toutefois, une enquête réalisée par BestJobs vient contredire ces statistiques. En 2021, huit employés roumains sur dix ont déclaré qu’ils prévoyaient de continuer à travailler après leur retraite. Pour mieux comprendre cette réalité roumaine, nous nous sommes entretenus avec Sorina Faier, spécialiste des ressources humaines, qui compte plus de 17 ans d’expérience dans ce domaine.

     « Je pense que la vérité se situe quelque part au milieu. Je ne pense pas qu’Eurostat ait tout à fait raison, parce que les sondeurs ne disposent pas de toutes les données, et dans l’autre enquête les gens disent seulement qu’ils ont l’intention de travailler, mais pas qu’ils travaillent. En effet, de nombreux retraités ne disposent pas d’une pension suffisante sous quelque forme que ce soit – nous savons tous à quel point nos retraites sont faibles en Roumanie – et ils travaillent donc. Mais de nombreux employeurs embauchent de façons illégales et il est clair que ces employés n’apparaissent pas dans les comptes et qu’Eurostat ne peut pas les prendre en considération. »

     

    Des motivations diverses et variées

    Interrogée sur les raisons pour lesquelles les retraités roumains choisissent de rester sur le marché du travail, Sorina Faier estime que les besoins financiers prévalent, mais aussi que le désir de ne pas s’isoler est important.

    « En tant qu’être social, les personnes encore dynamiques, en bonne santé physique et mentale sont très désireuses de continuer à travailler pour conserver leur énergie. »

     

    De l’expertise des seniors

    Mais il existe des différences significatives entre les cadres supérieurs et les cadres moyens, ainsi qu’entre les travailleurs qualifiés et les travailleurs non qualifiés. Dans le cas des premiers, la plupart souhaitent rester dans le même domaine. Selon Sorina Faier, l’état d’esprit des employeurs a changé au cours des dix dernières années et ils sont plus enclins à conserver ou à embaucher des personnes ayant dépassé l’âge de la retraite, car ils ont pris conscience des avantages de l’expertise des professionnels seniors occupant des postes d’encadrement supérieur. Sorina Faier :

     

     « Je constate, d’après tous les entretiens que nous avons et toutes les réunions que je fais avec des cadres supérieurs, qu’ils sont beaucoup plus ouverts à l’embauche de personnes plus âgées, l’atout étant leur ancienneté et les connaissances qu’elles peuvent apporter. Mais si nous parlons de travailleurs qualifiés et non qualifiés, il est certain que la plupart d’entre eux se dirigent vers d’autres secteurs, notamment les services de sécurité, où l’on voit partout des agents de sécurité assez âgés et manifestement à la retraite. En général, lorsqu’ils prennent leur retraite, les travailleurs peu ou pas qualifiés se dirigent vers les services, par exemple de nettoyage, de sécurité, parfois vers la restauration et les services de taxi ».

    Certains seniors choisissent, une fois à la retraite, de se lancer dans l’entrepreneuriat, souvent dans le domaine dans lequel ils ont acquis de l’expérience, suffisamment confiants pour créer une entreprise à partir de zéro.

     « Bien sûr, la plupart d’entre eux créent une entreprise juste suffisante pour leur assurer un certain confort et compléter leur retraite et, oui, ils se concentrent sur les domaines qu’ils connaissent et dans lesquels ils ont construit un réseau suffisamment solide pour que cette entreprise réussisse également. »

     

    Des situations contrastées

    Sorina Faier affirme que les mentalités ont changé par rapport à il y a dix ans, lorsque les gens envisageaient rarement de travailler au-delà de l’âge de la retraite. Aujourd’hui, les Roumains prennent conscience qu’il y a de nombreux avantages à rester actif, à la fois en termes de santé et d’équilibre mental, mais aussi sur le plan financier. Une autre option consiste à travailler en free-lance sur des projets d’enseignement, de traduction, de tutorat ou même d’informatique. Ces derniers, même s’ils ne représentent pas un pourcentage énorme, sont généralement des personnes qui ont constamment perfectionné leurs compétences et se sont tenues au courant des dernières technologies.

    Les données de l’Institut national des statistiques montrent que 4,9 millions de Roumains sont à la retraite, dont un million n’a pas encore atteint l’âge légal de la retraite. L’âge de la retraite en Roumanie est l’un des plus bas de l’UE : 59,5 ans, avec l’Autriche, et son âge de départ à la retraite de 59,6 ans. En revanche, l’Islande, le Danemark, les Pays-Bas et la Suède ont l’âge le plus élevé pour le versement de la première pension – entre 64 et 66,2 ans.

    Les experts roumains estiment que, s’agissant d’une moyenne, il existe de très grandes différences entre les personnes qui partent en retraite anticipée et celles qui continuent à travailler jusqu’à un âge avancé. Parmi les professions qui offrent une retraite anticipée en Roumanie figurent la police, la gendarmerie, les services secrets, le service militaire, la magistrature et l’armée de l’air. (Trad : Clémence P. Lheureux)

  • « Travail de femme », des solutions pour lutter contre l’inégalité de genre dans les domaines scientifiques

    « Travail de femme », des solutions pour lutter contre l’inégalité de genre dans les domaines scientifiques

    Le plafond de verre roumain

    Au niveau mondial, les statistiques de l’UNESCO montrent que les femmes ne représentent qu’un tiers des chercheurs scientifiques et que cette proportion est restée stable au cours des dix dernières années. Aux niveaux supérieurs, c’est-à-dire aux postes de direction et en tant que membres des académies nationales des sciences, les femmes ne sont que 12 %.

    Selon les données de 2023, en Roumanie, les femmes représentent 41 % des diplômés dans les domaines des STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques), ce qui est supérieur à la moyenne européenne de 32,8 %. Dans le classement européen, les deux pays suivants avec les pourcentages les plus élevés sont la Pologne et la Grèce. Toutefois, les femmes roumaines titulaires d’un doctorat en sciences et technologies ne représentent que 0,24 % de la population totale du pays, ce qui place la Roumanie au dernier rang de l’UE. En outre, seule une personne sur cinq employée dans les domaines des STIM en Roumanie est une femme.

    Les experts scientifiques estiment que nous devrions moins nous intéresser aux chiffres qui placent la Roumanie en tête des pays où les femmes sont diplômées ou travaillent dans le domaine scientifique qu’à la faible représentation des femmes dans les postes de recherche de haut niveau. Une explication possible de l’implication apparente des femmes roumaines dans les domaines des STIM, c’est-à-dire le fait que nous ayons le pourcentage le plus élevé de femmes diplômées en Roumanie, peut être attribuée au passé communiste. Or les efforts d’alphabétisation de masse et de professionnalisation des femmes dans le but de moderniser la société n’étaient pas fondés sur des politiques d’égalité des sexes ou des mouvements féministes.

     

    Une initiative ciblée

    Toutefois, certaines solutions viennent de l’intérieur des écoles, des filles directement touchées par cette inégalité. Le projet « Girls in STIM » a été lancé en mai-juin 2024 par l’organisation Girl Up Neuroscience, financée par les Nations unies, sous la houlette de dix jeunes lycéennes.

    Marina Suvac, élève de terminale au lycée national «Vasile Alecsandri» de Galati et présidente de Girl Up Neuroscience, déclare :

     J’ai remarqué ce manque de représentation en termes de féminisme et de femmes réelles pour ainsi dire dans ce domaine. Moi je suis passionnée par les neurosciences. C’est une passion personnelle – il y a beaucoup de projets du type Girl in STIM, qui concernent les femmes dans les sciences en général et qui sont généralement centrés sur les lycéennes, mais j’ai pensé faire quelque chose de plus spécifique dans les neurosciences parce que les STIM sont un domaine vaste, qui englobe beaucoup de choses C’est ainsi que Girl Up Neuroscience a vu le jour. C’est aussi parce que j’ai découvert cette initiative internationale, Girl Up – ils ont un site web très, très détaillé, et à partir de là, j’en ai appris un peu plus sur eux et j’ai voulu participer à un changement d’une manière ou d’une autre.

    Bien qu’il existe des projets visant à encourager les filles à s’engager dans ces domaines, Marina précise qu’ils s’adressent principalement aux lycéennes. Selon elle, il est déjà trop tard : le profil des lycéens a déjà été choisi et l’idée que la science est davantage un domaine masculin est déjà ancrée. Alors l’association cible un public plus jeune.  Marina Suvac :

     « Nous avons organisé neuf webinaires, si je me souviens bien, en ligne, qui étaient des événements nationaux, où nous invitions des intervenantes de différents domaines. Il y a eu beaucoup d’intervenantes dans de nombreux domaines : des femmes dans les STIM, mais aussi du côté du féminisme ou du côté des neurosciences. Cette année, nous avons également abordé le thème de la santé mentale. Girls in STIM, notre projet d’été, s’est déroulé en juin-août et a consisté en une conférence et trois ateliers – qui étaient des ateliers pratiques, c’est-à-dire des activités où les filles âgées de 10 à 14 ans étaient invitées à mettre la main à la pâte et à faire des expériences pour de vrai.

     

    Des stéréotypes de genre toujours ancrés

    En ce qui concerne les effets tangibles du manque de représentation des femmes dans les sciences, Marina Suvac dit les avoir ressentis directement :

     « En troisième, je suis allée dans un lycée où les performances étaient basées sur les olympiades et principalement sur les sciences, et dans ma classe, à l’époque, il y avait cinq filles sur 21 personnes. Il s’agissait d’un cours d’informatique et de chimie. »

    Les événements organisés par Girl Up Neuroscience ont été soutenus par des femmes roumaines diplômées de facultés de sciences ou travaillant dans les domaines des STIM en Roumanie et à l’étranger. Outre les conférences, les webinaires et les ateliers comportant des dizaines d’expériences, l’équipe de Girl Up Neuroscience, composée de plus de deux cents lycéennes bénévoles, a publié de nombreux articles explicatifs sur le site web. Parmi les sujets abordés figurent l’intelligence émotionnelle, les effets des traumatismes, le circuit de la dopamine, la neurodiversité et l’égalité des sexes.

    Une étude menée en 2021 dans sept pays a montré que l’inclusion des stéréotypes de genre des parents pouvait jouer un rôle décisif dans la perpétuation de l’inégalité entre les sexes dans les domaines des STIM. Ainsi, selon les réponses, les parents participant à l’enquête avaient six fois plus de chances d’imaginer un homme lorsqu’on leur demandait de penser à un scientifique (85 %) et huit fois plus de chances d’imaginer un homme ingénieur plutôt qu’une femme (89 %).

  • La tournée du « Chemin de la liberté » entre dans le Guiness des records

    La tournée du « Chemin de la liberté » entre dans le Guiness des records

    Un long chemin vers la gloire

     

    Célébrant les 35 ans de la Révolution anticommuniste roumaine de décembre 1989, la violoniste Diana Jipa et le pianiste Ştefan Doniga ont réalisé une tournée appelée « Le chemin de la liberté ». Considérée déjà comme l’une des plus amples promotions de la culture roumaine dans le monde, leur initiative a décroché le Record mondial de la tournée la plus rapide sur tous les continents. Les deux musiciens ont été, en effet, les premiers à chanter en moins de 100 jours sur tous les continents de la Planète et notamment en Antarctique, où les concerts de musique classique se font rares.

     

    Ştefan Doniga revient pour Radio Roumanie sur cette incroyable expérience.

    « Cette tournée est née de notre amour de la musique roumaine. Nous avons voulu montrer aux plus de gens possibles, même à des personnes qui habitent à l’autre bout du monde, la richesse et la diversité et, finalement, tout ce que nous avons de beau dans la musique roumaine. C’est quelque chose qui a muri au fil du temps, au cours de mes 7 années de collaboration avec Diana Jipa. On a commencé avec des projets locaux, adressés à des Roumains et surtout aux jeunes et aux enfants, ce que nous avons à cœur de continuer à faire. Sur la base de cette expérience accumulée, nous avons élargi notre aire d’expression. Et finalement, en 2023, nous avons été les premiers Roumains à faire le tour du monde en une seule tournée de concerts. Nous nous sommes aperçus que nous en étions capables, que nous pouvions supporter de longs déplacements, une logistique complexe etc. C’est comme ça que nous en sommes arrivés à la conclusion que nous pouvions réaliser un record mondial pour le livre des record Guiness qui est très connu et donc représente un bon vecteur de publicité. A notre avis, c’était un bon moyen d’attirer l’attention sur la musique roumaine, autrement qu’en montant sur scène ».

     

     Chanter autour du monde en 98 jours et 22h

     

     Diana Jipa qui a monté cette tournée avec Ştefan Doniga nous raconte son expérience :

     « Nous avons voulu faire quelque chose de marquant pour célébrer les 35 ans de la Révolution, c’est pourquoi la tournée s’appelle « Le chemin de la liberté ». Nous avions déjà l’expérience de notre tournée antérieure autour du monde, que nous avons été les premiers musiciens de Roumanie, à réaliser. Nous étions donc préparés à quelque chose de plus grand, de plus important, de plus exigeant, comme cette tournée au cours de laquelle nous avons parcouru tous les continents, les six premiers en 21 jours. Il nous restait l’Antarctique, de sorte que nous avons totalisé 98 jours et 22 heures, comme le précise le Guinness. Imaginez toutes ces années où nous avons travaillé si dur pour devenir de vrais artistes ! Ce n’est qu’à des moments comme celui-ci que nous réalisons que nous pouvons dire que nous laissons quelque chose derrière nous, quelque chose qui inspire les autres, en particulier les jeunes, à réaliser que si l’on travaille, si l’on se soucie de ses rêves, ils peuvent devenir réalité ».

     

    Le public a accueilli cette tournée avec énormément d’enthousiasme

     

    Et le public a accueilli cette tournée avec énormément d’enthousiasme, comme le raconte Diana Jipa :

     « Le fait d’avoir exclusivement de la musique roumaine dans notre répertoire, a constitué plutôt un risque. Mais la musique roumaine est très variée, et c’est exactement ce sur quoi nous nous concentrions. Chaque compositeur était d’une ethnie différente, de sorte que la variété, pour incarner l’idée de liberté, a très bien servi cette approche et le public l’a appréciée. Ils ont été fascinés par quelque chose d’aussi exotique, surtout sur les continents plus éloignés. »

     

    Inspirés par Metallica

     

    En 2013, c’était le groupe Metallica qui obtenait le premier record Guiness pour une tournée sur tous les continents. Ce précédent a-t-il inspiré nos deux artistes ?

     

    Ştefan Doniga nous répond.

     « Je suis un grand fan de Metallica, j’ai grandi avec leur musique, je suis un consommateur de musique classique et de heavy metal, il était donc impossible de se soustraire à l’influence, à la magie de Metallica et je savais qu’ils avaient joué en Antarctique en 2013. J’ai été vraiment inspiré par leur courage. Lorsque nous nous sommes envolés pour l’Antarctique, avec Diana Jipa, nous avons évidemment volé avec la seule compagnie de vols antarctiques qui relie Puntarenas, la ville où nous étions basés, aux stations scientifiques de l’Antarctique. Et dans l’équipage de l’avion, il y avait des gens qui avaient travaillé avec Metallica  il y a 11 ans.  Nous nous sommes même fait photographier avec des T-shirts de Metallica et je ne vous cache pas que nous avons l’intention de communiquer cela aux musiciens américains, parce qu’ils nous ont vraiment inspirés. En fait, ils ont inspiré des générations de différentes manières et dans différentes directions ».

     

    Au-delà des défis relevés, comme celui de transporter le piano et le violon à travers le monde entier ou de trouver le bon moment pour atterrir en Antarctique, la tournée a aussi apporté des surprises excitantes. Ainsi nos deux musiciens ont-ils été accueillis en Antarctique par des gens portant des habits aux couleurs de la Roumanie.

     

    Autant dire que tout rêve peut devenir réalité. Les Roumains l’ont prouvé encore une fois. (trad. Clémence Lheureux)

  • Cancer et style de vie

    Cancer et style de vie

    Des chiffres alarmants, notamment en Roumanie

     

    On parle souvent de décès dus à des cancers, et désormais l’on constate que le nombre de jeunes touchés en est de plus en plus important. Une étude analysant des statistiques du monde entier et portant sur 29 types de cancer montre qu’entre 1990 et 2019, l’incidence de cette maladie a augmenté d’environ 79 % chez les personnes âgées de 14 à 49 ans.

     

    Cette tendance à la hausse se vérifie également en Roumanie. En fait, la réalité nationale est brutale – le cancer est la deuxième cause de décès après les maladies cardiovasculaires : un décès sur six étant causé par un cancer. Dans l’Union européenne, la Roumanie occupe la première place en termes de mortalité liée au cancer, avec 48 % de décès en plus que la moyenne européenne et plus de 20 000 décès évitables chaque année.

     

    Comment expliquer cette hausse de cas de maladie chez les personnes en général et les jeunes en particulier ? Les causes sont multiples. L’une d’entre elles est le mode de vie, notamment la nutrition.

     

    Sédentarité, junkfood et écrans…

     

    C’est le champ de recherche du professeur Mircea Beuran, docteur en en chirurgie oncologique à l’hôpital de Floreasca de Bucarest :

    « La modification du mode de vie ! Nous l’observons aujourd’hui comme la partie émergée de l’iceberg, mais des études oncologiques ont montré que les changements sont apparus lentement après les années 1950, avec l’industrialisation, avec les changements du mode de vie dans les pays capitalistes, avec l’augmentation des pollutions, les changements de régime alimentaire, d’habitudes, etc. Tout cela, au fil du temps, sur fond de changements génétiques dont nous sommes tous porteurs, a créé un terrain fertile pour le développement de la maladie. Ce phénomène est analysé au niveau international – en Amérique, au Japon, en Europe… ce pic de cancers chez les jeunes est en augmentation. Je peux vous donner une ligne directrice, pas en m’appuyant sur des statistiques nationales mais sur notre expérience avec nos jeunes patients à l’hôpital Floreasca (de Bucarest). Nous avons constaté que le nombre de cancers du tube digestif, de l’œsophage, de l’estomac, du côlon, du rectum, de l’intestin grêle, des glandes annexes – foie et pancréas…. sont en augmentation. Chaque jour, la section de chirurgie de Floreasca a deux, trois, quatre cancers compliqués du côlon, du rectum…. Ils sont liés à de nombreux facteurs : la consommation de boissons gazeuses, de boissons énergisantes, d’alcool, le tabagisme, la sédentarité, le travail sous pression. Et puis il y a beaucoup de gens qui sont accros à l’activité sous rayonnement bleu, comme l’écran d’ordinateur, la tablette, le téléphone. Je peux vous dire que certains manquent de sommeil. Et ce n’est pas un aspect que nous voyons seulement chez les jeunes adultes, mais aussi chez les enfants, d’après les conversations que nous avons avec eux ».

     

    Selon le professeur Dr Mircea Beuran, le type de cancer le plus courant est le cancer colorectal, qu’il attribue à une mauvaise alimentation :

    « Je fais référence au fait qu’une grande partie de la nourriture que nous mangeons provient de produits ultra-transformés. Cette ultra-transformation ne fait rien d’autre que de charger ces aliments d’une multitude de choses nocives, qui ont trait à la coloration, à la conservation, à la particularité de l’odeur, etc… Tout cela constitue un surplus qui rend plus difficile l’activité de digestion et de neutralisation des toxines, et qui, jour après jour, ne peut que produire des changements au niveau cellulaire. Ces changements cellulaires, avec le temps, développent toutes sortes de tumeurs. Il faut manger des légumes et des fruits, le plus possible ! Et préparer soi-même à en manger ».

     

    Pour le docteur Beuran, le dernier repas de la journée devrait être pris vers 19h00. Et à la fin des repas, nous ne devrions pas nous lever de table immédiatement, afin de donner à l’organisme le repos dont il a besoin pour assimiler le bol alimentaire. Quant aux repas de nuit, ils sont à proscrire absolument.

     

    Sans oublier la consommation d’alcool !

     

    Et puis, le monde médical international est d’avis que les boissons alcoolisées devraient être étiquetées, comme le tabac, avec un avertissement sur le risque de cancer. Le professeur Mircea Beuran partage cet avis :

    « La consommation d’alcool, même en petites quantités, est associée à sept cancers. La consommation chronique d’alcool, même en petites quantités, modifie le comportement de l’organisme vis-à-vis de l’obésité. Et si l’alcool est associé au tabagisme et à un mode de vie sédentaire, il en résulte des changements très importants, à commencer par la cavité buccale. Ainsi, ces consommateurs chroniques d’alcool développent des cancers de la bouche, de l’œsophage, du pharynx, du larynx, des cancers du foie, des cancers colorectaux, des cancers du sein chez les femmes. L’alcool augmente le taux d’hormones, en particulier les œstrogènes et l’insuline. L’augmentation de l’hormone œstrogène est une cause du cancer du sein, et l’œstrogène et l’insuline, en tant qu’hormones, ne font rien d’autre que d’amener les cellules à se diviser, à se multiplier plus fréquemment, ce qui fait qu’à un moment donné, le corps ne peut plus contrôler cette division et elles peuvent se transformer en tumeurs cancéreuses ».

     

    En d’autres termes, faites attention à la quantité et à la qualité de ce que vous mangez ! Un mode de vie dangereux sur une longue période peut détruire notre santé et même notre vie. (trad. Clémence Lheureux)

  • Le droit au logement : un droit fondamental

    Le droit au logement : un droit fondamental

    Le coût du logement, un problème public majeur

     

    Le coût du logement est la principale dépense des ménages dans l’Union européenne. L’augmentation des prix de l’immobilier et des loyers, les coûts élevés de la construction et la hausse des taux d’intérêt hypothécaires, ce ne sont que quelques difficultés qu’éprouvent les européens en matière de logement. Quelle est la place de la Roumanie dans ce contexte ? « Le logement doit être considéré comme un droit fondamental permettant à tous les Européens, y compris les jeunes et les groupes vulnérables, de bénéficier d’un logement décent et durable ». Tel était le sentiment exprimé à l’unisson lors du premier forum sur le logement organisé à Bruxelles à la fin de l’année dernière.

     

    Un rapport publié en 2023 a montré que près de la moitié des Européens payant un loyer estimaient qu’ils risquaient de devoir quitter leur logement dans les trois mois à venir parce qu’ils n’avaient plus les moyens de le payer. Parallèlement, près d’un million de personnes vivent sans abris en Europe, ce qui constitue un défi majeur pour l’UE.

     

    Selon Sorcha Edwards, secrétaire générale de Housing Europe, la crise actuelle du logement a plusieurs visages. Outre les zones et les logements surpeuplés, qui contrastent avec les régions sous-occupées, nous sommes également confrontés à la pauvreté énergétique, c’est-à-dire à des logements non modernisés et non isolés qui plongent les gens dans des conditions précaires – trop chauds en été et trop froids en hiver. Il y a aussi le problème du logement des personnes âgées et handicapées, qui n’est pas adapté à leurs besoins.

     

    Sorcha Edwards : “Il y a aussi les victimes de violence domestique qui n’ont nulle part où aller. Et puis, bien sûr, il y a le visage le plus visible de la crise du logement : les sans-abris. Mais le problème et la cause de ces problèmes dans certaines régions sont complexes. Dans certains cas, précisément parce qu’il s’agit d’un problème très complexe, les autorités locales et les gouvernements ne disposent pas des ressources nécessaires. Ils n’ont souvent pas l’expertise nécessaire pour gérer ce secteur complexe. Certains espéraient que le marché s’occuperait de ce problème mais lorsqu’on laisse un secteur comme le logement au seul marché, l’opportunisme, la recherche du profit, prévalent”.

     

    Être logé ou être bien logé ?

     

    Bien que, selon les statistiques d’Eurostat, en 2023, la Roumanie soit le pays où le pourcentage de propriétaires est le plus élevé (93 % des Roumains sont propriétaires de la maison dans laquelle ils vivent et 7 % seulement sont locataires), les maisons des Roumains étaient parmi les plus surpeuplées (à hauteur de 40 %), dépassées seulement par celles de Lettonie (40,9 %). C’est en Roumanie et en Slovaquie que le nombre de pièces par personne est le plus faible : 1,1 pièce, contre une moyenne européenne de 1,6. À l’opposé, on trouve Malte et le Luxembourg, avec respectivement 2,3 et 2,2 pièces par personne. En 2023, seulement 1,5 % de l’ensemble de la population de l’UE vivait dans des ménages sans toilettes, douche ou baignoire à l’intérieur, mais c’est en Roumanie que ce pourcentage est le plus élevé et de loin, avec plus de 20 % (suivie de la Bulgarie et de la Lettonie, 7 % chacune).

     

    Interrogée sur les solutions que la Roumanie pourrait adopter en s’inspirant des projets menés avec succès dans d’autres États membres, Sorcha Edwards répond :

    « Il est évident qu’en matière de logement, un simple copier-coller de solutions n’est pas possible. Il faut tenir compte, entre autres, des besoins locaux, des scénarios spécifiques, des tendances, du revenu moyen de la population. Quelles sont les prévisions en termes de tendances démographiques, d’opportunités d’emploi ; y a-t-il des zones où l’on prévoit davantage d’opportunités d’emploi ? Il y a donc un large éventail de facteurs à prendre en considération, mais une solution très efficace consiste à augmenter le nombre de logements publics, sociaux ou à profit limité, en fonction du modèle qui convient le mieux à la culture et aux besoins locaux. Les avantages d’une telle approche sont de réduire le risque d’exclusion du logement, de réduire le taux de surpeuplement des logements et de donner le choix aux gens ».

     

     Ne faudrait-il pas réguler le marché ?

     

    Bien que le paysage diffère d’un Etat membre à l’autre, voire d’une région à l’autre, les principales difficultés pour réduire la crise du logement au niveau européen ne sont pas très différentes de celles rencontrées par la Roumanie.

     

    Sorcha Edwards : « Nous assistons actuellement à une augmentation significative du prix des matériaux de construction, ce qui ralentit le processus de livraison et le fait que nous n’avons pas suffisamment accès aux surfaces de terrain nécessaires. Ensuite, si nous parlons du potentiel que représente la rénovation durable des bâtiments existants, qui est une excellente solution pour réduire l’empreinte carbone (déjà intégrée dans les nouveaux logements), l’une des principales pierres d’achoppement est l’obtention des permissions de la part des propriétaires. Tous ces problèmes peuvent être surmontés si nous avons une vision claire, une volonté politique forte et des objectifs bien définis.

     

    Bien que la Roumanie ait un certain retard à rattraper par rapport aux autres États membres, et bien que les loyers et les prix des logements aient également augmenté en Roumanie, les hausses ont été moins spectaculaires que dans la plupart des autres pays. Si de 2010 au dernier trimestre 2024, les prix ont augmenté de 230 % en Hongrie et en Estonie, de 181 % en Lituanie, de 113 % au Portugal et de 110 % en Bulgarie, en Roumanie, l’augmentation a été inférieure à 30 %.

     

    Mais pour l’experte Sorcha Edwards, « le secteur du logement joue le jeu des investisseurs », et à moins que ceux-ci ne sortent d’une quête de profit à court terme, l’accès au logement pour tous les citoyens européens continuera de poser problème. (trad. Clémence Lheureux)

  • Paradoxe : un pays riche avec une population toujours plus pauvre

    Paradoxe : un pays riche avec une population toujours plus pauvre

    Une pauvreté sans issue

     

    Le risque de pauvreté ou d’exclusion sociale désigne la situation d’un ménage confronté à au moins l’un des trois risques suivants : un revenu inférieur au seuil de pauvreté (qui, en 2023, était de 1619 lei par mois – soit environ 325 euros par personne), la privation matérielle et sociale, et une faible participation au marché du travail (lorsque les adultes travaillent moins de 20 % de leur potentiel annuel). Selon les statistiques d’Eurostat pour 2023, c’est en Roumanie que se trouvent le plus d’Européens exposés à ce risque (32 % de la population), suivie de la Bulgarie (30 %), de l’Espagne (26,5 %) et de la Grèce (26,1 %).

     

    En outre, selon une étude de l’organisation « Sauvez les enfants », près d’un enfant roumain sur deux (41,5 %) est touché par la pauvreté et menacé d’exclusion sociale, soit près du double de la moyenne européenne. D’autres données Eurostat montrent également qu’en Roumanie, plus que dans tout autre pays de l’UE, la pauvreté est héréditaire. Seuls 4 % des Roumains qui grandissent dans des familles à faible niveau d’éducation poursuivent leurs études à l’université. Il n’y a qu’en Bulgarie que ce taux est inférieur (3,9 %), tandis que les Espagnols, les Portugais et les Grecs sont les plus susceptibles de progresser d’une génération à l’autre et d’obtenir un diplôme universitaire à partir de familles sans enseignement supérieur : avec des taux de 49,8 %, 37,6 % et respectivement 34,5 %.

     

    Tout pour la croissance

     

    Dans ce contexte, la question qui se pose est : pourquoi un tiers des Roumains vivent-ils sous le seuil de pauvreté si, en 2023, le Produit Intérieur Brut du pays a augmenté de 2,4 % par rapport à 2022 et si les Roumains comptent parmi les Européens qui passent le plus grand nombre d’heures par semaine au travail, à savoir 39,7 heures, par rapport à une moyenne européenne de 36,4 heures?

    Andrei Țăranu, politologue et enseignant à l’École nationale d’études politiques et administratives (SNSPA) de Bucarest, explique ce décalage : « Dans notre pays, la croissance économique a été atteinte malgré et contre toutes les politiques sociales. D’ailleurs, c’est cette génération qui, en 2017, était contre l’aide sociale, contre les « sans-dents », voulant une sorte de génération qui serait complètement purgée des zones rurales, des petites villes, de tout ce que le passé communiste de la Roumanie signifiait – et surtout des retraités. À Iași (nord-est de la Roumanie), d’où je suis originaire, j’ai assisté à une séance terrifiante avec des jeunes qui jettaient des billets d’un leu sur un vieil homme pour qu’il ramasse l’argent. Je pense que c’est ce que j’ai vu de pire ».

     

    Des millenials honteux de leur passé

     

    Andrei Țăranu explique que la génération problématique à laquelle il fait référence est celle des Roumains nés après 1990, voire après 1985, les premiers Millenials. Une génération qui, selon l’expert, vit dans une bulle économique et sociale dans les grandes villes, tout en oubliant qu’il existe une autre partie de la Roumanie et veut rompre tout lien avec le passé, sans en comprendre quoi que ce soit. Le politologue définit cette génération comme celle du nouveau capitalisme, « troublée » par l’existence de l’autre génération, issue de la période de transition qui a suivi la fin du communisme et dont le comportement de consommation et l’attitude face à existence sont différents.

     

    Andrei Țăranu : « Toutes les politiques publiques mises en place en Roumanie après 2004 l’ont été exclusivement dans une optique de développement économique. De l’argent a été donné aux micro-entreprises, aux PME, aux start-ups. Aujourd’hui, d’énormes sommes sont investies dans les autoroutes, alors que l’assistance sociale et une bonne partie des catégories sociales vulnérables sont tout simplement oubliées. Et celles que l’on fait remonter à la surface, comme les personnes âgées dans les différents villages, le sont plutôt pour des raisons électorales, contre les gouvernants qui, il est vrai, oublient nos ancêtres, derniers gardiens de la tradition ».

     

    Une société de plus en plus fracturée

     

    Lorsqu’on lui demande quelles seraient les solutions envisageables pour remédier à ces déséquilibres sociaux et économiques, l’expert Andrei Țăranu n’est pas très optimiste.

    « Il est évident que les solutions sont politiques, elles ne peuvent être que politiques. Et pour cela, il faudrait une masse critique, comprendre les groupes sociaux et générationnels. Je ne pense pas que cela soit possible. Une bonne partie de ces « laissés pour compte », qui font du travail précaire, sans éducation ou avec une éducation moyenne, qui travaillent dans la construction ou dans d’autres domaines précaires, y compris pour l’Etat – certains d’entre eux sont balayeurs, par exemple (ils sont également considérés comme des fonctionnaires, dont nous devons nous débarrasser) … tous ces gens sont aujourd’hui sur le marché et soutiennent tous ces mouvements radicaux-fascistes. Évidemment, les autres catégories socio-générationnelles ne leur tendront pas la main, justement parce qu’elles les considèrent comme des ennemis, « ceux qui veulent nous faire sortir de l’UE, de l’OTAN, ceux qui veulent faire sauter la Roumanie… ». Ces gens ne veulent pas faire exploser la Roumanie, mais ils ne peuvent tout simplement pas y vivre ».

     

    Le politologue estime que l’année 2004 a marqué un tournant décisif, qui a divisé encore plus les différents groupes sociaux et que les médias en sont en grande partie responsables. Il affirme que, dans leur course au sensationnalisme, les médias omettent de présenter le contexte plus large dans lequel se produisent les tragédies, les cas de déviance comportementale et les situations criminelles, le plus souvent associés à des zones à haut risque de pauvreté et d’exclusion sociale. Ces « poches de pauvreté », exploitées par la presse, sont ces régions oubliées du pays et ces catégories de population pour lesquelles aucune mesure n’est prise pour réduire l’écart avec la population privilégiée des grandes villes. (trad. Clémence Lheureux)

  • Un danger qui ne peut plus être ignoré : les jeunes et la consommation de drogues

    Un danger qui ne peut plus être ignoré : les jeunes et la consommation de drogues

    Le 31 mai sera désormais la journée nationale dédiée à la prise de conscience des risques liés à la drogue. C’est le sens d’une loi tout juste adoptée par le Parlement de Bucarest. Selon le député Brian Cristian, du parti d’opposition pro-européen l’Union Sauvez la Roumanie, une journée symbolique comme celle-ci ne résout en rien ce problème important de la société roumaine. Le député a précisé qu’un jeune sur dix et un quart des lycéens ont consommé au moins une fois de la drogue, selon les chiffres avancés par les autorités et les médias. Pour Brian Cristian, il s’agit de l’effet de dizaines d’années de politiques publiques antidrogue iniques et de l’incapacité de l’Etat à lutter contre les grands trafiquants de drogue. Selon lui, « les jeunes sont traités comme des délinquants alors que les grands trafiquants s’en tirent impunis ». Il ajoute que : « sans programmes de prévention efficaces, sans ressources pour les programmes visant la jeunesse, sans ressources suffisantes pour subventionner le sport, qui constitue une très bonne alternative pour les jeunes pour passer leur temps libre, la Roumanie continuera à perdre la lutte contre la drogue », toujours selon Brian Cristian.

    En effet, la réalité du terrain s’avère parfois stupéfiante. Des enfants de 12 ans ont déjà essayé des drogues, auxquelles ils ont eu accès auprès de dealers de 14 ans, sans se rendre compte des traces dévastatrices que ces substances laissent dans leur cerveau. Radu Țincu, médecin en toxicologie, a expliqué lors d’une conférence spécialisée que davantage de programmes de prévention et de sensibilisation étaient nécessaires, étant donné que la plupart des jeunes ne sont pas conscients des effets dévastateurs que peuvent causer l’utilisation de certaines substances. Radu Țincu avance quelques détails.

     

     « La consommation de substances psychoactives à un si jeune âge, alors que le système nerveux central n’a pas encore achevé son développement, peut entraîner des séquelles dans le domaine neurocognitif, avec des troubles du comportement, des troubles de la pensée, des troubles de l’attention, dont certains peuvent être irrémédiables. Par ailleurs, la consommation de drogues pendant l’adolescence augmente le risque de développer une maladie mentale à l’âge adulte, ce qui soulève à nouveau de grandes questions d’un point de vue social. À quoi ressemblera une société dans laquelle ces jeunes souffriront de troubles mentaux ou de troubles du comportement ? Si nous parlons d’overdoses et de soins intensifs, jusqu’à 20-30 000 euros peuvent être dépensés pour chaque cas individuel, puis jusqu’à 10 000 euros pendant la période de désintoxication dans un centre psychiatrique.

     

    Se tenir aux cotés des jeunes

     

    L’un des programmes antidrogue menés en 2024 en Roumanie était « Choisir de choisir – Une caravane artistique pour prévenir la consommation de drogues », mis en œuvre par l’association « E Ceva Bine » (Quelque chose de bien) et financé par le ministère de l’Intérieur, via l’Agence nationale antidrogue. Réalisé dans 9 villes du nord-est de la Roumanie, dans les départements de Botoșani, Neamț et Vaslui, le projet visait à sensibiliser et à éduquer les jeunes âgés de 12 à 25 ans, ainsi que leurs parents, sur les risques liés à la consommation de drogues. Le projet visait à renforcer la confiance et la résilience des enfants et des jeunes présentant un risque de consommation de drogue, ainsi que celles de leurs parents, par le biais d’activités de loisirs comme alternative à la consommation de drogue, sous la bannière du choix et de l’expression par l’art et d’autres formes d’éducation non formelle. 8 000 jeunes ont bénéficié du programme.

    Quel est le meilleur plan d’action pour un jeune ou un enfant qui commence à avoir des problèmes avec la drogue ? Iulian Văcărean, président de l’association « E Ceva Bine », leur répond directement.

     

     « Je pense que la chose la plus importante est d’en parler aux gens qui sont proches de vous, parce que les parents, les enseignants et ceux qui se soucient vraiment de vous, vous aideront toujours à vivre et à choisir le meilleur chemin ».

     

    De l’espoir du côté des institutions ?

     

    Les spécialistes se sont également rendus dans le département de Suceava, dans le nord de la Roumanie, où ils se sont entretenus avec des élèves, des parents et des enseignants des écoles de la municipalité de Fălticeni. Cătălin Țone, expert antidrogue et collaborateur régulier de la radio publique sur cette question nous raconte ces expériences.

     

     « Radio Romania Actualités, en collaboration avec d’autres partenaires, poursuit une campagne antidrogue lancée il y a environ deux ans. Nous parcourons le pays, nous organisons des activités préventives avec les élèves, les parents et les enseignants. Elles sont toutes interactives, nous distribuons des prix, nous encourageons le dialogue. Nous essayons de ne pas tomber dans les travers des activités classiques de prévention, qui n’ont souvent pas l’effet escompté. Nous constatons des changements conceptuels. Les responsables de la prévention, du contrôle et du traitement ont commencé à parler, à discuter. Ici, le nouveau le paquet législatif vient avec de bonnes nouvelles, en particulier dans le domaine de la lutte contre la drogue, à savoir : l’augmentation des peines, la création du registre des trafiquants de drogue, suppression des peines avec sursis. Une autre bonne nouvelle est qu’un projet de loi sur la création de huit centres de traitement de la toxicomanie a été promulgué il y a quatre mois. On parle aussi beaucoup de la réorganisation de l’Agence nationale anti-drogue pour l’adapter aux nouvelles exigences, ce qui me semble une bonne chose étant donné que l’Agence est le stratège national dans ce domaine ».

     

    La stratégie de lutte contre la drogue se construit peu à peu en partant du corps social. (Trad : Clémence Lheureux)

  • Le sapin de Noël, entre tradition et modernité

    Le sapin de Noël, entre tradition et modernité

    Le premier sapin de Roumanie est décoré en 1866 à la cour du roi Carol I

     

    Cela pourrait surprendre beaucoup de monde, mais le premier sapin décoré à Noël n’apparait en Roumanie qu’en 1866, une des années le plus importantes dans l’histoire des Roumains, puisqu’elle marque le début d’une nouvelle ère – celle du premier roi de la Roumanie – Carol Ier. Moins de huit mois après l’arrivée en Roumanie du prince prussien de Hohenzollern-Sigmaringen, le palais royal de Bucarest accueillait en décembre 1866 le premier sapin de Roumanie décoré pour Noël avec des ornements spectaculaires provenant du pays natal du souverain roumain.

     

    La tradition de la décoration du sapin à l’occasion de la fête de la naissance de Jésus-Christ, apanage des peuples germaniques, importé donc en Roumanie par le biais de la Maison royale, a été favorablement reçue pour se répandre ensuite à travers le pays, au début uniquement au sein des élites urbaines et plus tard dans les villages.

     

    Pourquoi un sapin?

    Mais pourquoi un sapin et pas un autre arbre ? Parce que les Roumains lui conféraient déjà des significations beaucoup plus anciennes que passe en revue un des chercheur ethnologues les plus importants de Roumanie, la professeur des universités Doina Ișfănoni:

    « Pour nous, les Roumains, le sapin est un arbre sacré. C’est, si vous voulez l’arbre de la vie, qui fait le lien entre le ciel et la Terre. C’est l’arbre qui depuis la naissance et jusqu’à l’enterrement, accompagne la vie des humains, étant décoré en fonction des différentes étapes et de différentes manières. A la naissance, on choisit on jeune sapin, que soit on laisse grandir dans la forêt, soit on fait replanter près de la maison. Le sapin est en quelque sorte un baromètre de l’évolution de l’enfant. On dit que l’enfant se développera conformément au développent du sapin, pour devenir grand et imposant. Et comme le sapin ne perd jamais sa parure verte, l’avenir du futur jeune et adolescent, le destinataire ou bien le tuteur du sapin sera également vert. Puis, à l’occasion des fêtes de mariage, le sapin est décoré de papiers colorés, de rubans, et de petites cloches au sommet. Lors de l’enterrement aussi, on fait décorer un sapin de pompons noirs dans le cas des jeunes célibataires, ou bien d’une écharpe noire et d’une petite cloche qui sonnera sous le vent pour annoncer qu’il s’agit du mari du défunt. Voilà comment pour nous, les Roumains, le sapin a une connotation très complexe ».

     

    Les nombreux symboles des décorations du sapin

     

    Et c’est à toutes des significations conférées au sapin que s’ajoutent aussi celles chrétiennes, suite à l’adoption de cet arbre par les Roumains aussi en tant qu’élément central de la naissance de Jésus. Ses connotations chrétiennes sont renforcées par le choix de décorations spécifiques.

     

    C’est Doina Ișfănoni qui les passe en revue :

    « Rien qu’un exemple : les lumières que l’on posait initialement dans le sapin pour lui donner un aspect féérique, renvoient au symbole de la cierge, le substitut de Jésus. La cire est le corps, la flamme est l’esprit. Ensuite, les pommes ajoutées dans le sapin de Noël ne sont pas que de simples décorations. Certes on préférait les pommes rouges, qui étaient plus visibles, mais elles renvoient toutes au péché originel d’Eve et à l’expulsion d’Adam et Eve du Paradis. C’est également dans le sapin que l’on met des noix recouvertes d’un film en aluminium, puisqu’elles représentent à leur tour une petite lumière qui se reflète dans l’espace intérieur et qui donne ainsi davantage d’éclat au sapin. La noix est un autre symbole, puisqu’elle est liée au solstice d’hiver et au christianisme. C’est le fruit qui résiste à travers le temps et qui symbolise la prospérité, la richesse. Du point de vue chrétien, vu qu’elle présente le signe de la croix à l’intérieur, elle complète le symbolisme du sapin de Noël en tant que célébration de la naissance du Sauveur. Lors des fêtes d’hiver et surtout à Noël nous savons que par la naissance du Sauveur, chacun d’entre nous a la promesse d’une renaissance, je pourrais dire. C’est le moment lorsque les trois sœurs – l’espoir, l’amour et la foi – se réunissent pour donner à l’homme une force supplémentaire, pour lui donner, si vous voulez, plus d’énergie et l’espoir que tout sera bien à l’avenir. Enfin, on met dans ange au sommet du sapin un ou bien l’étoile qui a dirigé les rois mages jusqu’à Bethléem, la où est né le Seigneur. C’est un symbole supplémentaire qui vient compléter le sapin de Noël ».

     

    L’arbre en plastique

     

    Malheureusement, de nos jours, nous ignorons souvent la multitude de significations que possède le sapin, devenu d’un symbole très complexe – une simple décoration, affirme encore  Doina Ișfănoni :

    «  Si on demande les Roumains ce que le sapin de Noël signifie, ils vous donneront des réponses très, très différentes et vous constateriez que personne ne dira que ses décorations sont un mélange syncrétique entre le Christianisme et le pré-christianisme. C’est donc notre mission en tant que spécialistes que de remettre à l’attention du grand public cette richesse sémantique et de l’habituer au fait que tout geste a une signification, une valeur, une motivation, que rien n’est le résultat du hasard. »

     

    Au sujet de l’arbre en plastique que de plus en plus de Roumains adoptent en remplacement de l’arbre naturel, Doina Ișfănoni est d’avis que :

    « Nous avons remplacé un sapin vivant avec un sapin en plastique. C’est un blasphème à mon avis, parce que la tradition veut que l’on ne fasse pas entrer la mort dans nos foyers. Bien au contraire : il faut intégrer la vie et la vitalité dans nos maisons. L’arbre en plastique n’a aucune valeur. Ce sont, certes, mes propres opinions. D’autres spécialistes pourraient avoir d’autres opinions sur la tradition, mais nous nous ambitionnons de remettre dans la conscience des gens la valeur et l’importance de la tradition, en leur expliquant pourquoi ils font de manière automatique certains gestes. Et l’explication les étonne. »

     

    Un tableau complet

     

    Le sapin est l’élément qui réunit autour de lui la famille et les proches qui à Noël offrent et reçoivent des cadeaux, puis s’assoient autour d’une table remplie de plats exquis, dont certains spécialement préparés durant cette période de l’année. Le tableau est complété par les chanteurs de cantiques qui annoncent la naissance de Jésus.

     

    Du moins en milieu rural, la fête de la Naissance du Seigneur est parsemée de traditions ancestrales, soigneusement respectées. C’est pourquoi la Roumanie compte encore parmi les pays où, selon la professeure des universités, Doina  Işfănoni, Noël est un portail vers le sacré qui s’ouvre la veille du 25 décembre et se ferme le 6 janvier, à l’occasion de l’Epiphanie.   (trad. Alex Diaconescu)

  • Le très critiqué Pacte sur la migration et l’asile

    Le très critiqué Pacte sur la migration et l’asile

    Un pacte bafouant les droits des migrants ?

     

    En novembre, la neuvième édition du Forum européen sur les migrations s’est tenue à Bruxelles. Le rôle de la société civile dans la mise en œuvre du nouveau Pacte sur les migrations et l’asile y a été discuté. Lancé en avril 2024, ce document remplace l’ancien règlement Dublin III et vise à soutenir l’Union européenne dans l’impasse migratoire actuelle, en renforçant la sécurité aux frontières du continent, en facilitant les procédures d’asile et de rapatriement et en renforçant la solidarité avec les États membres situés aux frontières extérieures de l’Union. Loin d’être unanimement applaudi, le Pacte a été largement critiqué par les ONG, les publications et les spécialistes à travers tout le continent – tant par les partis anti-migration et d’extrême droite (pour lesquels le nouveau règlement ne propose pas de mesures suffisantes pour arrêter la migration) que par les partis et les activistes de gauche (selon lesquels le document représente une menace pour les droits de l’homme).

     

    Fin 2023, par exemple, 50 associations ont adressé une lettre ouverte à la Commission européenne afin d’exprimer leurs craintes quant à un futur système comportant des failles potentielles. Ce système favoriserait la normalisation de la détention arbitraire des migrants, le profilage racial, et utiliserait des procédures de « crise » pour rejeter l’entrée à la frontière et rediriger les personnes vers des pays tiers dits sûrs, les exposant à des risques de violence, de torture et de détention discrétionnaire.

     

    Le professeur Cristian Pîrvulescu, doyen de la faculté de sciences politiques du L’Ecole nationale des Sciences politiques et administratives (SNSPA) et président du groupe « Intégration et immigration » du Comité économique et social européen, a expliqué pour RRI certaines réticences à l’égard de ce nouveau règlement :

     

    « Nous avions des doutes sur le pacte, avant tout sur la définition des pays tiers, car la liste des pays tiers vers lesquels les personnes qui n’ont pas obtenu l’asile dans l’Union européenne peuvent être expulsées est loin d’être certaine. Nous estimons que la manière dont la Commission a établi cette liste présente de très nombreuses lacunes et qu’il existe des pays apparemment sûrs, mais que la situation géopolitique peut transformer en pays très dangereux. De même, l’un de nos problèmes est le droit, essentiel pour tous ceux qui arrivent aux frontières de l’UE, qu’il s’agisse des frontières de l’espace Schengen ou des frontières de l’espace non Schengen, de demander à entrer sur le territoire de l’Union européenne et d’y déposer une demande d’asile. En outre, les procédures d’asile, telles qu’elles sont définies dans le nouveau Pacte, sont considérablement raccourcies ».

     

    Un pacte empêchant l’action de la société civile

     

    En 2023, plus de 117 millions de personnes ont été déplacées de force, et le Haut-Commissariat aux Réfugiés estime que d’ici à la fin de 2024, ce nombre atteindra 130 millions. Cependant, la plupart d’entre elles restent dans leur région d’origine et seule une petite partie cherche une protection en Europe.

     

    À l’occasion du Forum euro péen sur les migrations, RRI s’est entretenue avec Flavius Ilioni Loga, directeur de l’association LOGS, active à Timisoara depuis 2019, et qui promeut l’intégration des groupes de migrants vulnérables par le biais de l’éducation. L’association est également engagée dans la lutte contre la traite des êtres humains.

     

    D’ailleurs, Flavius Ilioni a été désigné 2021 « Héros urbain » à Timisoara. Son équipe est composée de travailleurs sociaux, de psychologues et de médiateurs culturels. Nous lui avons demandé quelles étaient, selon lui, les faiblesses du nouveau pacte sur les migrations et l’asile :

    « Nous ne sommes pas les mieux placés pour faire une analyse juridique du Pacte. Mais il y a des critiques au niveau des associations sur les positions liées aux refoulements, sur ce qui se passe aux frontières extérieures, y compris à la frontière de la Roumanie avec la Serbie, sur la présence de FRONTEX – comment vérifie-t-on que les membres de FRONTEX protègent effectivement les droits des personnes qui sont des réfugiés et qui ont le droit de demander l’asile. Il y a également des critiques concernant la mise en œuvre du Pacte exclusivement avec le soutien des autorités par rapport à la société civile. Nous parlons de cette responsabilité exclusive des gouvernements nationaux de déterminer qui sera impliqué dans la réinstallation ou l’intégration des personnes venant d’autres pays. Le traitement des demandes d’asile relève évidemment des autorités nationales, mais lorsqu’il s’agit d’assistance juridique, de conseils, comment cela se fera-t-il ? Cela pourrait être considéré comme un obstacle à l’accès direct des organisations comme la nôtre aux autorités de Bucarest, par exemple, qui se trouvent à 600 kilomètres de nous, à Timișoara, et cela pourrait être un problème pour aider et soutenir l’approche solidaire au niveau local et communautaire »

     

    À la question de savoir si les autorités nationales ont consulté les ONG lors de l’élaboration du Pacte sur les migrations et l’asile, Flavius Ilioni Loga répond :

    « Non, d’après ce que j’ai compris, et c’est une autre observation que j’ai faite non seulement moi-même, mais aussi d’autres organisations – ou plusieurs organisations au niveau européen : les organisations de la société civile, en particulier les petites, n’ont pas été consultées lors de la création de ce Pacte. D’un autre côté, nous pouvons d’une certaine manière comprendre la nature politique de cet accord et le mécanisme au niveau juridique et au niveau des dirigeants des pays. Une fois de plus, nous sommes d’accord avec ce que le pacte représente, car il s’articule autour de cette solidarité européenne à laquelle nous croyons également, et pour la première fois, à quelques exceptions près, tous les pays ont manifesté leur soutien à ce pacte dans des déclarations ».

     

    La Roumanie peine à accepter les nouveaux venus

     

    Selon les données fournies par l’Inspection générale de l’immigration à des fins de publication et d’interprétation par le Conseil européen pour les réfugiés et les exilés, la Roumanie a reçu en 2023 un total de 10 346 demandes de protection internationale, dont seulement 5 561 avaient été traitées à la fin de l’année 2023. Sur ce nombre, seuls 491 demandeurs d’asile ont obtenu le statut de réfugié et 438 – la protection subsidiaire. Les données montrent un taux de rejet écrasant de 83,3 % pour les demandes de protection. La plupart des demandeurs étaient originaires du Bangladesh (pour lequel aucune demande n’a été acceptée), de Syrie, du Pakistan et du Népal.

     

    Flavius Ilioni pense que la Roumanie ne peut se développer que si elle apprend à embrasser la diversité, à être plus inclusive envers les minorités, et pas seulement les minorités locales ou traditionnelles, mais aussi envers ces nouvelles personnes qui viennent d’autres continents pour se construire une vie meilleure. L’activiste affirme que les Roumains comprendre que le nombre croissant de migrants arrivant dans leur pays apporte non seulement de la valeur et des contributions au budget de l’État, mais aussi de nombreux talents qui peuvent enrichir leur communauté. (trad. Clémence Lheureux)

  • Les jeunes européens victimes du harcèlement en ligne

    Les jeunes européens victimes du harcèlement en ligne

    Environ la moitié des jeunes de l’Union européenne sont exposés aux abus en ligne.

     

    Le harcèlement en ligne. On en parle quand une personne ou un groupe de personnes reçoivent des messages tendancieux de la part d’autres personnes. Environ la moitié des jeunes de l’Union européenne sont exposés aux abus en ligne. C’est ce qui ressort d’un rapport Eurostat en 2023, qui montre que 49 % des jeunes européens entre 16 et 29 ans ont déjà été confrontés à des messages en ligne considérés comme hostiles envers certaines personnes ou certains groupes. Ces jeunes sont à une période de leur vie marquée par la formation de leur identité, la consolidation de leur estime de soi et le développement de leurs relations sociales, c’est pourquoi ces expériences négatives en ligne peuvent avoir un impact psychologique intense.

     

    Les jeunes estoniens et les jeunes danois sont les plus exposés à cette menace puisque 69 % d’entre eux ont déjà reçu des messages de cet ordre. Viennent ensuite les Finlandais, 68 %, les Français, 65 % et les Slovaques 65 %. Au total, 12 des 23 pays concernés par l’étude présentent des résultats supérieurs à 50 %. Les pays les moins touchés sont la Croatie avec 24 % des jeunes, la Roumanie avec 27 % et la Bulgarie avec 31 %.

     

    Un déversement de haine destructeur

     

    Dans la plupart des cas, les discours d’incitation à la haine sont liés à des opinions politiques ou sociales, soit 35 % des discours problématiques. Cette catégorie est la plus haute en Estonie, 60 %, en Finlande, 56 %, et au Danemark, 49 %. Les messages ayant un contenu hostile envers la communauté LGBTQ+ représentent 32 % de l’ensemble avec les taux les plus hauts en Estonie, 46 %, Slovaquie, et Portugal, 44 % chacun. Enfin 30 % des jeunes adultes vivant en UE ont reçu des messages relevant de la haine raciale. Les Pays Bas et le Portugal sont les pays les plus affectés par cette dernière catégorie, avec 45% des jeunes touchés dans les deux cas.

     

    Nora Enache est psychologue. Elle a travaillé au fil du temps avec des groupes de jeunes de différents âges sur le thème des abus émotionnels, liés ou non au milieu en ligne. Il en ressort que le harcèlement en ligne engendre une large gamme de problèmes émotionnels. Nora Enache nous explique la manière dont les abus en ligne affectent l’estime de soi et la santé mentale chez les jeunes.

     

    Nora Enache : « L’estime de soi correspond à l’évaluation globale que chacun a de sa propre valeur. Notre estime de nous influence notre attitude envers nous-même. Concernant le milieu en ligne, nos « amis » virtuels constituent comme un miroir social par lequel nous nous faisons une idée sur la manière dont les autres nous voient. Le risque provient du fait que les personnes avec lesquelles nous sommes en contact en ligne ne nous connaissent pas toutes, ne nous veulent pas toutes du bien, ne comprennent pas toutes correctement qui nous sommes. Il y a tant de variables qui interviennent dans les interactions en ligne qu’il est difficile d’estimer précisément ce qui fait que ce milieu n’est pas propice au développement ».

     

    Le suivi psychologique pour répondre à une situation hors contrôle

     

    Nous parlons donc d’un miroir composé de nombreux éclats, chacun d’eux représentant une personne différente, avec une personnalité unique et tous se reflétant en nous. Il s’agit d’un monde imaginaire qui s’incruste obstinément dans les réalités des jeunes gens confus, en quête d’eux-mêmes.

     

    C’est un jeu extrêmement dangereux que nous propose le monde online, une guerre invisible mais qui se traduit de différentes manières, comme nous l’explique Nora Enache.

     « Une victime du milieu en ligne se remarque parce qu’elle s’isole et n’arrive plus à se concentrer sur ce qu’elle doit faire. Le plus souvent, une fois ces signes apparus, c’est la famille et non la victime elle-même qui cherche de l’aide ».

     

    Comme il est de plus en plus dur de limiter le temps passé par les jeunes devant les écrans, peut-être que le mal qui s’y produit ne peut pas être évité, mais il peut être traité. Souvent un seul commentaire négatif suffit pour que tout l’univers intérieur d’un jeune s’effondre.

     

    Nora Enache : « Les traumas provoqués par les expériences négatives en ligne peuvent déclencher par exemple des phobies sociales. Dans le cadre des séances psychologiques, on vise la restructuration cognitive, par des entraînements de relaxation mentale, de contrôle de soi, le développement des capacités sociales ou l’analyse comportementale ».

     

    Et surtout ne pas oublier d’entretenir des relations dans le monde réel! (trad. Clémence Lheureux)

  • Quand le destin vous tombe dessus

    Quand le destin vous tombe dessus

    Un destin inattendu

     

    À l’université, on la surnommait ʺla fille aux chiensʺ. Étudiante à l’École nationale d’études politiques et administratives de Bucarest en 2010, Laura Fincu a rencontré Sache dans des circonstances tragiques : jeté du haut d’un étage de la résidence universitaire où elle vivait, Sache, qui n’était alors qu’un chiot, a été gravement blessé et a dû passer des mois dans le plâtre, sous la garde de Laura et de ses amis.

    Aujourd’hui, près de 15 ans plus tard, elle s’en souvient :

     « Nous l’avons emmené dans le foyer et Sache est devenu notre mascotte. Tout le monde s’occupait de lui, il a eu beaucoup d’amis. Nous avons essayé de changer la réalité du foyer universitaire, de le laisser différent de ce que nous avions trouvé. Et nous avons réussi ! Je n’avais pas beaucoup de connaissances dans ce domaine, j’étudiais la communication et les relations publiques, j’étais sur un chemin différent dans la vie et je ne savais pas exactement ce qu’il fallait faire avec les animaux errants. Et finalement, quand j’ai quitté le foyer, j’ai trouvé des adoptions pour 15 chiots et j’ai laissé le foyer complètement vide de chiots errants ».

     

    La force du rêve

     

    Et ce n’est pas tout ! Sachez que Sache a totalement changé la vie de Laura Fincu. Après avoir terminé ses études, Laura et une de ses collègues ont décidé d’ouvrir un petit cabinet vétérinaire, croyant, à l’aube de la vingtaine, qu’elles allaient résoudre le problème des animaux errants en Roumanie. La suite a dépassé leurs espérances : en 2016, l’association qui porte encore aujourd’hui le nom de Sache est née et s’est développée… C’est l’association Sache Vet.

     

    Laura Fincu poursuit:

     « Il a toujours été bien plus qu’un simple chiot. Nous sommes des gens très rationnels, nous sommes une équipe médicale ancrée dans la réalité, mais Sache a créé beaucoup de magie autour de lui. Je pense que le plus beau moment de ma vie a été quand j’ai réalisé que grâce à Sache, une énorme équipe de personnes ont mis leur vie et leurs compétences au service du bien. Et ce n’est pas tout ! Il a sauvé des dizaines de milliers d’animaux. Il est un souvenir ou un symbole qui nous fait nous réveiller le matin, pleins de motivation. D’un vétérinaire, nous sommes passés à six médecins, une équipe médicale de 16 personnes, 100 000 animaux stérilisés en 8 ans, des milliers d’animaux soignés chaque année et maintenant la construction d’une clinique sociale ».

     

    Un projet pour venir au secours du plus grand nombre

     

    En Roumanie, 80 % des familles ayant des animaux de compagnie n’ont pas les moyens de leur offrir des soins vétérinaires adéquats et les coûts restent élevés même pour les personnes ayant des revenus moyens. Quant aux animaux des rues, trop peu sont ceux qui ont la chance de rencontrer des sauveteurs et la plupart des drames quotidiens ne sont pas racontés. Mais l’association Sache Vet soigne gratuitement tout animal, même s’il est à la rue ou si ses maîtres n’ont pas les moyens de payer. Et elle s’efforce d’accroître sa capacité à aider les animaux dans le besoin en construisant – comme vous venez de l’entendre – la première clinique vétérinaire sociale de Roumanie.

     

    Située dans la commune de Tărtășești, dans le département de Dâmbovița, l’hôpital vétérinaire Sache pour les urgences majeures prodiguera des soins gratuits aux animaux errants et à ceux issus de familles défavorisées. Pour le reste des clients, il offrira des services à des prix sociaux afin de soutenir le programme de gratuité : plus de 90 % des bénéfices seront réinvestis dans la cause, et le reste dans des améliorations.

    Laura Fincu :

    « Il y a aussi une catégorie de personnes qui sont capables de beaucoup de violence envers les animaux et nous existons pour ces animaux, pour les plus vulnérables, pour ceux qui ont besoin de nous pour vivre un jour de plus. Après trois ans de lutte, il est presque prêt : l’hôpital est achevé à 90 %. Il reste encore du travail à l’intérieur, mais on sent que le plus dur est derrière nous et c’est effectivement un rêve qui devient réalité. Nous sommes tout près à présent de ce nouveau départ. Notre travail est basé à 90% sur la chirurgie, nous faisons des stérilisations gratuites depuis 8 ans. En effet, pour nous la prévention est essentielle, nous considérons qu’il est extrêmement important de réduire le nombre d’animaux errants. L’hôpital comprendra, outre la chirurgie, le laboratoire, la radiologie, etc., un centre de formation pour les vétérinaires et les étudiants, car il est très important pour nous de partager ce que nous savons ».

     

    La médecine vétérinaire sociale, plus que nécessaire

     

    La demande étant très forte, le concept de médecine vétérinaire sociale semble plus que nécessaire. Laura Fincu :

    « Nous sommes également une entreprise sociale, une ONG, et il était très important pour nous d’introduire ce concept dans la médecine vétérinaire. C’est une nécessité, la demande est énorme. Nous encourageons de plus en plus de vétérinaires à essayer d’opérer de cette manière, parce que c’est incroyablement gratifiant et nous leur assurons qu’il y a beaucoup plus de gens qui les rejoindront qu’ils ne peuvent l’imaginer ».

     

    En effet, Laura Fincu nous parle avant tout des sentiments qui nous lient tous et nous incitent à venir en aide à celles et ceux qui en ont besoin, fussent-ils des compagnons à quatre pattes…  (Trad. Clémence Lheureux)

     

  • Les mariages forcés ne sont pas une tradition !

    Les mariages forcés ne sont pas une tradition !

    Les filles de la communauté rom, une des catégorie les plus vulnérables de la société roumaine

     

    Les femmes et les filles rom constituent l’un des groupes les plus vulnérables et négligés de Roumanie. Trop souvent, les préjugés des autorités et la non-reconnaissance des abus perpétrés par leur famille les laissent sans protection. Bien que la Roumanie reste le pays européen avec le nombre le plus élevé de mères mineures, l’Etat ne collecte pas de données sur les mariages forcés. « Comme il n’y a pas de données, le problème n’est pas à l’agenda politique, et comme il n’y a pas de données, les causes et les priorités demeurent inconnues. » a déclaré Măriuca-Oana Constantin, maitresse de conférence à l’Ecole nationale de sciences politiques et administratives dans le cadre de la campagne de conscientisation réalisée par E-Romnja, la seule association roumaine dédiée aux filles et aux femmes rom.

     

    Des violences contre les filles considérées comme des pratiques culturelles 

     

    Carmina, 10 ans, venait de terminer le primaire quand elle a été mariée avec un garçon de 14 ans, le mariage ayant été arrangé par leurs parents. Deux ans plus tard, Carmina accouche d’un enfant et les autorités s’autosaisissent du cas. Le dossier est cependant rapidement classé au motif que la victime a « entretenu des relations sexuelles consenties, et approuvées par les parents » ou encore que « la tradition rom encourage ce type de relation », sans qu’aucune recherche sur les parents soit effectuée.

     

    Démonter le mythe des mariages forcés

     

    L’histoire de Carmina est l’une des cinq présentées par E-Romnja dans le cadre de la campagne « Au nom de la tradition ? » qui vise à démonter le mythe selon lequel les mariages entre enfants sont uniquement un phénomène de la communauté rom, préjugé qui vient justifier la violence contre les personnes vulnérables. Comment sait-on que les mariages forcés ne sont pas le fait des seuls roms ? Parce que les données démographiques sur les naissances précoces le prouvent, affirme Cerasela Bănică, secrétaire d’Etat au sein du Conseil national pour la lutte contre les discriminations.

     

    Reste à savoir pourquoi le problème des mariages forcés n’intéresse pas l’Etat. Roxana Oprea, experte en égalité des chances chez E-Romnja nous explique cette situation.

     « C’est très simple et évident, c’est parce qu’il y a beaucoup de racisme au sein des institutions. Elles considèrent ce phénomène comme une pratique culturelle spécifique à la communauté rom, mais la réalité est différente. Ce n’est pas quelque chose que nous sommes les seuls à dire, nous l’association E-Romnja, d’autres institutions et organismes internationaux le disent aussi. C’est pour cette raison que ce problème n’est jamais devenu une priorité pour les institutions et les décideurs. A partir du moment où ce n’est pas quelque chose qui affecte la population générale, les autorités voient ça comme une pratique culturelle, et à cause de leurs préjugés, ils n’interviennent pas ».

     

    Mettre en avant les droits des enfants

     

    L’histoire de Carmina que nous venons de raconter n’est malheureusement qu’une histoire parmi des centaines qui resteront à jamais inconnues. Des histoires rendues possibles parce qu’encore trop souvent, nous considérons les enfants comme la propriété de leurs parents, que nous leur nions leur qualité d’individu ayant des droits et de besoins. Or, dans le cas des mariages forcés, l’erreur principale commise par les personnes qui veulent et doivent aider les enfants – comme les assistantes sociales, les enseignants etc. – est celle d’aller discuter avec les parents, en pensant que le problème peut et doit être résolu par la famille ou par la communauté, alors que ce sont le plus souvent les parents qui sont les abuseurs.

     

    Roxana Oprea : « C’est un problème de norme. A partir du moment où les institutions, les écoles, les services sociaux voient ce qui se passe et n’interviennent pas, quel message envoient-elles aux parents ? Que ce qu’ils font est normal. Donc, elles viennent valider les abus des adultes sur leurs propres enfants. C’est un cercle vicieux en fait. Si nous ne consolidons pas cette manière de mettre les droits des enfants au premier plan, au lieu de montrer du doigt la communauté rom, alors nous n’arriverons pas à nous aligner sur les normes internationales. Nous resterons sur la liste honteuse des pays qui permettent les mariages entre enfants ».

     

    Un vide juridique

     

    Il existe en Roumanie un vide juridique dans le Code pénal concernant les mariages forcés, qui n’y sont pas vus comme un acte criminel en soi. Dans les rares occasions où un cas parvient jusqu’au tribunal, le mariage forcé est jugé en tant qu’infraction sexuelle. Pour E-Romnja, il y a un autre problème : l’utilisation par les autorités des termes « union consensuelle » pour désigner un mariage entre deux personnes dont au moins l’une d’entre elles a moins de 16 ans. Dans son « Guide d’intervention pour les mariages forcés et mariages entre enfants » publié début 2024, l’association explique que l’on ne peut pas demander à un mineur de moins de 16 ans de donner son consentement pour un mariage.

     

    Cerasela Bănică, du Conseil national pour la lutte contre les discriminations, explique que les poursuites pénales ne prennent jamais en considération cette absence de consentement, mais mettent en avant des justifications comme « les parents sont d’accord », « ils habitent ensemble depuis longtemps », « ils ont déjà eu des relations sexuelles » ou encore « c’est une habitude dans la communauté rom ». Ces justifications laissent la victime sans défense.

     

    L’Union européenne met la pression sur la Roumanie

     

    Roxana Oprea revient pour RRI sur la réception de cette campagne de conscientisation par les autorités.

    « La campagne suscite un certain intérêt, mais pourquoi ? Parce que la Roumanie est plus ou moins obligée d’évoluer juridiquement dans le sens d’une élimination de cette pratique, étant signataire de nombreuses conventions internationales pour la prévention et la lutte contre les violences de genre. La directive européenne 1358 contre la violence faite aux femmes et la violence domestique du 15 mai 2024 dispose que les Etats-membres ont trois ans pour transcrire ces dispositions en droit interne. Donc, il y a une pression au niveau européen pour que la Roumanie s’aligne sur les normes internationales. Il y a aussi le rapport Grevio, approuvé par le gouvernement roumain qui pousse l’Etat à prendre des mesures et à criminaliser cette pratique ».

     

    La violence, pas toujours un problème

     

    Pourtant pour Roxana Oprea un obstacle demeure. A son avis, ce problème n’est pas vu comme relevant des violences de genre et même dans les quelques cas où il est considéré comme tel, quand cette violence cible une femme rom, alors on ne considère pas qu’il s’agit d’un problème engageant toute la société :

     

    « Je pense que la violence est vraiment normalisée, si on parle de violence en général, elle est normalisée dans toutes les communautés. Il y a des rapports qui montrent que les Roumains ne considèrent pas comme problématiques les agressions verbales et sexuelles et que le viol est justifié si la femme a eu un comportement dit « provocant ». C’est cette tolérance que l’on retrouve chez les juges roumains quand ils disent qu’une fillette de 11 ou 12 ans a séduit un homme ou qu’elle a consenti à son viol ».

     

    La Roumanie a donc trois ans devant elle pour se mettre en conformité avec le droit européen en prenant des mesures contre les violences de genre en général et les mariages forcés en particulier. (trad. Clémence Lhuereux)

     

  • La vie privée des travailleurs étrangers de Roumanie

    La vie privée des travailleurs étrangers de Roumanie

    Plus de 200 000 étrangers résident en Roumanie

     

    D’après l’enquête réalisée fin octobre 2023 par le Centre pour l’étude comparative des migrations, il y a en Roumanie un peu plus de 200 mille citoyens étrangers dont 87 % détiennent un permis de séjour temporaire. Le taux de refus des demandes d’asile étant de 83%, cette catégorie d’étranger est numériquement très faible.

     

    Bucarest réunit 26% des étrangers installés dans le pays en raison des opportunités d’emploi, de l’offre éducative et des possibilités offertes par une grande ville. 10% sont dans le département limitrophe d’Ilfov et pour le reste du pays, 7% sont à l’ouest dans le département de Timisul, 6% dans la région de Cluj et 6% également à Constanta. Les népalais sont le groupe le plus important, 9% du total des étrangers, suivi des turcs, 8%, puis des italiens, des Sri Lankais et des moldaves, 7% chacun. Si les migrations de travail des italiens, des moldaves et des turcs relèvent de liens anciens et de similitudes culturelles et économiques, les arrivées de travailleurs du sud-est asiatique s’expliquent quant à elles par des accords élaborés récemment au niveau étatique et restent peu connues.

     

    Une recherche sur la vie  des travailleurs asiatiques en Roumanie

     

    La recherche « Bridging communities : une étude exploratoire sur l’immigration de travail en Roumanie », s’est penchée sur les droits des travailleurs asiatiques, leurs conditions de travail et de vie et la mesure dans laquelle ces droits sont effectivement respectés. Le Code du travail roumain dispose en effet que les travailleurs immigrés bénéficient des mêmes droits que les citoyens roumains, des mêmes conditions de travail, des périodes de repos, des bénéfices sociaux, des salaires et de la protection contre les discriminations.

     

    Pourtant les chercheurs ont découvert que l’exploitation au travail était le problème le plus fréquemment signalisé par les travailleurs étrangers, un problème pouvant avoir un impact décisif sur la décision de remigrer vers un autre pays. Le travail de livreur de nourriture et le travail en cuisine sont les deux types d’emploi les plus susceptibles d’exposer le travailleur à des formes d’exploitation et de négation de ses droits. Ce risque croit encore dans le cas des personnes sans papiers ou en attente de régularisation.

     

    Le cadre législatif n’est pas toujours respecté

     

    Anatolie Coșciug est le coordonnateur de la recherche menée par le Centre pour l’étude comparative des migrations. Il considère que l’Etat devrait contrôler les conditions de travail et s’assurer du respect des droits des travailleurs. Mais il insiste également sur le non-respect du cadre législatif encadrant l’immigration de travail, à savoir le manque de contrôle de la qualification et des compétences des immigrants.

     

    ” Si on regarde la liste de l’Inspection générale de l’immigration, on constate qu’il y a quelques preuves à apporter, soit un diplôme, soit un test pratique. Or il y a des choses qui ne marchent pas et notamment au niveau de la langue. Il faut que les personnes qui arrivent parlent roumain ou au moins une langue de circulation internationale. Or on ne leur demande qu’une déclaration sur l’honneur qui ne prouve rien. Très souvent des personnes arrivent et ne sont pas compétentes dans le domaine dans lequel elles sont embauchées ou n’ont pas de qualification. C’est quelque chose d’inconcevable dans un pays comme l’Allemagne où c’est l’Etat qui gère cet aspect-là des choses et c’est super contrôlé. On n’a pas le droit de faire venir quelqu’un qui ne sait pas faire de soudure pour faire des soudures. Il y a d’autres problèmes, avec la santé par exemple. Certaines mesures sont mises en place juste pour permettre aux autorités de se laver les mains. Ainsi ce sont les entreprises qui font venir les travailleurs qui sont responsables de l’accès aux soins. Or ces entreprises doivent être contrôlées par les institutions de l’Etat. Par exemple, on contrôle si les travailleurs ont leurs papiers en ordre et si ce n’est pas le cas, l’entreprise perd son droit à faire venir de la main d’œuvre de l’étranger. On ne peut pas se contenter de légiférer et de dire : si c’est respecté c’est bien sinon tant pis”.

       

    A quoi occupent-ils leur temps libre ? 

     

    Un autre aspect demeure mystérieux concernant ces nouveaux-venus en Roumanie : à quoi occupent-ils leur temps libre ? En octobre, les Arènes romaines de Bucarest ont accueilli le temps d’un concert le groupe de musique le plus populaire du Sri Lanka. Des centaines de personnes sont venues les acclamer, venant parfois de l’autre bout du pays pour cette occasion. L’un des participants l’a assuré à Radio Roumanie, lui aussi serait allé jusque là-bas pour ce concert.

     

    Un restaurant bucarestois, le lieu de rencontre de nombreux Sri-lankais 

     

    Par ailleurs, un restaurant a ouvert récemment à Pantelimon, dans le nord-est de Bucarest. Il est rapidement devenu le lieu de rencontre de nombreux sri-lankais de la capitale. C’est un jeune couple arrivé avec des visas de travail qui a anticipé le besoin de ses compatriotes d’avoir un lieu où se retrouver, un lieu empreint de leur culture. En plus de la nourriture traditionnelle, le lieu propose des évènements musicaux, invitant des DJ sri-lankais installés en Roumanie ou des artistes européens. Les participants racontent que dans leur pays de nombreuses fêtes de ce genre sont organisées sur la plage. On oublie souvent que les nouveaux venus n’apportent pas qu’une force de travail. Ils arrivent avec leur musique, leur cuisine, leurs business et un mode de vie différent qui petit à petit vient se mêler à la société et enrichir la culture du pays d’accueil. (trad. Clémence Lheureux)