Category: Fêtes et traditions

  • Dragobete

    Dragobete

    Le patron de l’amour est généralement connu sous le nom d’Eros ou de Cupidon. Mais pour les Roumains il porte un tout autre nom: Dragobete. Dans les légendes populaires, Dragobete est le fils de Dochia, une vieille femme qui symbolise l’hiver. Il est beau, jeune et immortel, protecteur des oiseaux, annonceur du printemps et donc symbole de l’amour. Son rôle est de réinstaurer l’équilibre dans la nature après le départ de l’hiver. Le 24 février est une journée consacrée à ce personnage mythologique, une fête liée à la fertilité et à la renaissance de la nature.

    Pour nous en parler, nous avons invité au micro Delia Suigan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare: «Dragobete est une fête très ancienne et très intéressante. Malheureusement, elle a été jetée à l’oubli, notamment au moment où nous avons voulu nous rapprocher d’une autre fête, celle de la Saint Valentin. La fête de Dragobete est fondée sur des rituels anciens liés au printemps. On croyait que le printemps arrivait juste après le 15 février. Par conséquent, cette fête comporte des rituels liés à la fertilité et à la régénération de la nature et de l’homme. Et comme cette régénération doit se produire sous le signe de l’amour, on comprend pourquoi la fête du Dragobete réunit tous ces éléments qui marquent le transfert du pouvoir à la nouvelle saison qui annoncent la renaissance de la nature. »

    Importée tout de suite après la chute du communisme, la Saint Valentin a longtemps éclipsé la fête de Dragobete. Toutefois, au fil des décennies, l’aspect commercial de la Saint Valentin est devenu de plus en plus accentué et les nouvelles générations ont décidé de raviver la fête autochtone oubliée. L’occasion de redécouvrir de nombreuses légendes. Par exemple, le jour du Dragobete, les jeunes filles avaient l’habitude de se laver le visage avec de l’eau provenant de la neige. On disait que cette neige fondue appartenait aux fées qui transmettaient ainsi leurs pouvoirs miraculeux. Par conséquent, les jeunes filles qui se lavaient le visage avec de la neige fondue allaient conserver leur beauté tout le long de l’année. Il y a plein d’autres légendes liées au Dragobete, que les spécialistes du folklore tentent de ramener dans l’attention publique.

    Notre invitée, Delia Suiogan ajoute: «Dragobete est connu sur l’ensemble du pays, bien que sous d’autres noms. Au Maramures (nord) on l’appelle souvent Dragomir ou Cap de Primavara (Début de Printemps). Ce sont des personnages qui ont les mêmes qualités, sauf sa double nature. Et pour cause. A l’extérieur des Carpates, le Dragobete a deux parties : zoomorphe et anthropomorphe. Il a une tête humaine et des jambes de bélier. Nous avons à faire donc à une représentation très ancienne, d’origine trace, qui se retrouve également dans d’autres mythologies du monde ».

    Dragobete impose des règles strictes à respecter par tous ceux qui souhaitent avoir une année tranquille. Dans les communautés traditionnelles, le 24 février, on ne sacrifiait pas d’animaux, on ne cousait pas et on évitait des disputes. Les filles cueillaient les premières fleurs du printemps – des perce-neiges et de violettes – qu’elles mettaient aux icônes jusqu’au mois de juin, lorsqu’elles les jetaient dans les rivières. Et la liste des traditions se poursuit. (Trad. Valentina Beleavski)

  • Les chants de Noël dans la tradition roumaine

    Les chants de Noël dans la tradition roumaine

    Chaque année, dans les villages de Roumanie et de République de Moldova, quelques jours avant la fête de la Nativité du Jésus Christ (le 25 décembre dans la plupart des pays de culture chrétienne, mais le 6 janvier en Arménie et le 7 janvier en Russie, Serbie, Géorgie et sur le Mont Athos), des groupes de jeunes se rassemblent. Ils se sont déjà préparés pour un rituel qui remonte à la nuit du temps. Parfois, des enfants les accompagnent aussi, portant une étoile en papier. Le groupe se rend de maison à maison pour chanter des chansons traditionnelles. Après avoir chanté, les hôtes offrent à chacun de la nourriture ou de l’argent. En roumain, cette coutume s’appelle « colindat » et les chants « colinde ». Mais que chante-t-on à cette période des fêtes ? En plus de « réveiller » les hôtes pour les annoncer la bonne nouvelle de la Nativité du Christ, les chanteurs font de vœux de bon augure : que les hôtes aient une nouvelle année pleine de riches récoltes, ou que leurs jeunes filles se marient l’année à venir. Mais comment cette tradition est-elle née et comment est-elle arrivée sur le territoire de la Roumanie actuelle et de la République de Moldova ? Aujourd’hui nous vous invitons à découvrir l’histoire des chants de Noël. Dans les minutes suivantes, nous vous proposons de suivre leurs racines préchrétiennes, leur développement dans l’Antiquité tardive et au Moyen-Âge, dans l’espace du christianisme occidental ou de Byzance, ainsi que leurs premières attestations en Roumanie et République de Moldova.

     

    Des racines depuis l’Antiquité

     

    Le nom des chants de Noël, « colinde » en roumain, est d’origine latine et provient du mot latin « calendae », lui-même dérivé du verbe « calare », qui veut dire « annoncer, donner des nouvelles ».

     

    L’histoire des chants de Noël plonge ses racines dans l’Empire romain, dans sa période préchrétienne. Les Romains appelaient « calendae » les premiers jours de chaque mois. A cette occasion, ils organisaient des festivités en l’honneur de certains dieux, allant de maison en maison et chantant une sorte de chants rituels à caractère sacré. Cette coutume était également pratiquée au début ou à la fin de l’année agricole, et même en automne, pendant la période des récoltes. En particulier, les festivités des « calendae » de janvier étaient très connues et dédiées à l’ancien dieu latin, Ianus Geminus, celui aux deux visages.

     

    Il faut préciser que la célébration de la Nativité n’avait pas toujours lieu le 25 décembre. En fait, jusqu’au milieu du quatrième siècle, les chrétiens fêtaient la Nativité le même jour que la Théophanie, c’est-à-dire le 6 janvier. Ce n’est qu’au milieu du IVe siècle que l’Eglise a établi la date du 25 décembre comme jour de célébration de la fête de la Nativité, afin d’effacer le souvenir d’une grande fête païenne dédiée au culte solaire. L’histoire racontée par les Evangile est chantée dans les chants de Noël. L’ange Gabriel a annoncé à Marie qu’elle donnerait naissance à un garçon et qu’elle l’appellerait Jésus, car il serait le fils de Dieu et régnerait sur Israël pour toujours.

     

    C’est ainsi que les vieux chants païens ont été christianisés, leurs textes étant liés à l’histoire biblique, notamment à l’incarnation et à la naissance de Jésus Christ, adoré comme Fils de Dieu incarné et Sauveur du monde. Le chemin des « calendae » aux chants de Noël a donc été parcouru en plusieurs siècles.

     

    Des « calendae » aux cha nts de Noël

     

    Signifiant « Jésus, brille sur tous » en latin, « Jesus refulsit omnium » est l’un des chants de Noël les plus anciens. Il a été attribué à saint Hilaire de Poitiers (ca. 315-368). L’hymne décrit les mages porteurs de cadeaux arrivant de l’est pour trouver le nouveau-né Jésus. Un autre chant également provenant du quatrième siècle est « Du cœur du Père engendré », en latin « Corde natus ex parentis », du poète romain Aurelius Prudentius (348-405/413).

    Des sources datant du 9e et 10e siècles font référence aux chants de Noël dans des monastères d’Europe du Nord. Bernard de Clairvaux (ca. 1090-1153) a composé une séquence de strophes rimées. Toujours au 12e siècle, le moine parisien Adam de Saint-Victor a utilisé la musique des chansons populaires, introduisant quelques séquences pour des chants de Noël.

     

    « Orientis Partibus », également connu sous le nom de « La fête de l’âne », est un chant français de la fin du 12e siècle. Il est attesté dans le manuscrit Edgerton 2615, qui a été produit à Beauvais, en France, vers le deuxième quart du 13e siècle, très probablement entre c. 1227 et c. 1234. Ce chant a été écrit pour être joué dans le cadre de la « Fête de l’âne », qui avait lieu chaque année le 14 janvier pour célébrer la fuite de Joseph, Marie et de leur enfant Jésus en Egypte. Un détail intéressant est sa composition en deux langues différentes. Les strophes du chant sont en latin, mais le refrain est en français.

     

    Des sources écrites vers le 13e siècle font référence aux chants de Noël sur les territoires d’Italie, d’Allemagne ou bien de la France d’aujourd’hui. Ils peuvent être apparus sous l’influence de François d’Assise (1181-1226), qui les a également introduits dans les services religieux. Ils ont également été utilisés dans des pièces de théâtre. En Angleterre, au 15e siècle, 25 chants de Noël étaient publiés pour Noël et chantés de maison à maison, une coutume préservée jusqu’à aujourd’hui.

     

    Dans le monde byzantin, les sources les plus anciennes et accessibles avec des références aux chants de Noël datent du 11e siècle. Le chant « Le Dieu éternel est descendu », « Άναρχος Θεός καταβέβηκε », est le chant de Noël byzantin le plus ancien dont les vers comme la musique sont connus. Il est associé à la ville de Kotyora sur la mer Noire (aujourd’hui Ordu, en Turquie). Presque tous les chants de Noël sont écrits en utilisant le vers commun appelé « dekapentasyllabos » (soit un iamb de 15 syllabes avec une césure après la 8ème syllabe), ce qui signifie que leur formulation et leurs airs sont facilement interchangeables. Cela a donné naissance à un grand nombre de variantes locales dans les régions de la Grèce d’aujourd’hui, mais aussi des pays des Balkans actuels, dont certaines parties se chevauchent ou se ressemblent souvent dans les vers, la mélodie ou les deux. Néanmoins, leur diversité musicale reste très large : par exemple, les chants de Noël de la région d’Epire sont strictement pentatoniques, à la manière des polyphonies pratiquées dans les Balkans, et accompagnés de clarinettes et de violons. De l’autre côté, sur l’île de Corfou, par exemple, le style est une polyphonie harmonique tempérée, accompagnée de mandolines et de guitares. D’une manière générale, le style musical de chaque chant suit de près la tradition musicale séculaire de chaque région.

     

    Les chants de Noël sur le territoire actuel de la Roumanie

     

    Sur le territoire de la Roumanie, il n’y a pas de données exactes connues pour attester de l’âge des chants de Noël. Les références les plus anciennes remontent au 17e siècle. Un document datant de 1647 fait mention du pasteur Andreas Mathesius, provenant du village de Cergăul Mic, dans le département d’Alba d’aujourd’hui, en Transylvanie, qui se plaint d’une coutume courante parmi les Roumains orthodoxes : il s’agissait d’aller chanter de maison en maison la nuit de Noël. Un autre témoignage sur les chants de Noël de Munténie apparaît au même siècle : dans ses notes de voyage, l’archidiacre Paul d’Alep précise que la coutume des chants de Noël était pratiquée aussi bien la veille de Noël que le jour de Noël, lors des foires en Munténie. Des chanteurs, accompagnés de violoneux, annonçaient la naissance de Jésus. En ce qui concerne la région de la Moldavie, le souverain moldave Dimitrie Cantemir (1673-1723), dans son œuvre Descriptio Moldaviae (en latin « La description de la Moldavie »), fait référence à la tradition des chants de Noël. Dans un autre ouvrage, appelé La Chronique de la vieillesse romano-moldo-valaque, le même auteur émet une hypothèse intéressante sur l’origine du refrain « Leru-i Ler », présent dans beaucoup de chants même aujourd’hui, le reliant au nom de l’empereur romain Aurélien (215-275). Alors, depuis le 17e siècle, dans les trois principautés roumaines, les sources attestent que les chants de Noël étaient une tradition déjà bien enracinée.

     

    Un premier recueil de chants de Noël a été réalisé au 17e siècle, à la fin d’un livre appelé « Catavasier » (soit un livre de culte du rite byzantin utilisé dans l’Eglise orthodoxe, qui contient les hymnes de la Résurrection et d’autres chants des vêpres des samedi soir et des matines du dimanche, en suivant les 8 voix utilisés dans le chant byzantin) imprimé à Râmnic, en 1747. Les chants de Noël insérés étaient précédés d’une brève note explicative : « Là, à la fin du livre, on met aussi les vers que les enfants chantent lorsqu’ils marchent avec l’étoile, le soir de la Nativité du Christ. Et, cher lecteur, sache que ce que tu liras et tu compteras concernant la poétique nous avons imprimé comme nous les avons trouvés, comme les gens les chantaient ».

     

    A part l’annonce de la Nativité du Seigneur, les chants de Noël ont aussi le rôle de formuler des vœux de santé, d’abondance et de paix pour la nouvelle année.

     

    Présents dans toute la tradition chrétienne, les chants de Noël illustrent certains aspects de la vie du Jésus Christ sur terre. Certains parlent de la joie de Sa Nativité, tandis que d’autres rappellent aussi des événements tristes qui, selon la Bible, ont eu lieu après la naissance de Jésus. Parmi eux, la mise à mort des 14 000 bébés par le roi Hérode.

     

    Sur le territoire de la Roumanie, les chants de Noël sont très variés.

     

    Beaucoup commencent avec la prière des chanteurs souhaitant être accueillis dans la maison des hôtes ou récompensés pour leur effort de voyager de maison en maison par mauvais temps et de chanter. D’autre chants rappellent aussi l’hôte parti à la chasse, racontent les aventures des chasseurs, du berger et de la bergère, des filles, des garçons, des familles, du Nouvel An, et de l’agriculture.

     

    Dans les dernières décennies, le travail minutieux de folkloristes, théologiens et musicologues s’est achevé par la composition de nombreux recueils de chants de Noël. Reconnaissant la valeur inestimable des chants de Noël roumains, ainsi que la tradition des chants de Noël en groupe, en 2013 l’UNESCO a inclus cette ancienne coutume dans le patrimoine immatériel de l’humanité.

     

  • La Pâque des Débonnaires

    La Pâque des Débonnaires

    Plusieurs autre coutumes et rituels sont associés à la fête orthodoxe de Pâques

     

    Parmi les nations de l’Europe du Sud-est, majoritairement orthodoxes, la plus grande fête du christianisme, Pâques, qui marque la Résurrection de Jésus Christ, est associée aux rituels et coutumes d’origines diverses. « La Pâque des Débonnaires » en est une. Il s’agit d’une fête considérée par certains comme chrétienne, et par d’autres comme une fête aux racines païennes. Elle est ciblée sur la commémoration des défunts, notamment des parents et des amis proches. A l’occasion de « La Pâque des Débonnaires », les fidèles visitent les tombes de leurs proches, les mettent en ordre et les prêtres officient un service de commémoration.

     

    La Pâque des Débonnaires, marquée le weekend suivant la Résurrection

     

    Traditionnellement, cette fête est célébrée le lundi qui suit le dimanche de Thomas, c’est à dire une semaine après la Résurrection du Christ. Dans les grands villages, où il y a plusieurs cimetières, la célébration s’étale sur plusieurs jours, à commencer par le samedi avant le dimanche de Thomas.

     

    C’est en République de Moldova (voisine de la Roumanie) que cette célébration connaît la plus grande ampleur,  le lundi suivant le dimanche de Thomas ayant été officiellement déclaré jour férié.

     

    Des traditions moldaves

     

    Traditionnellement, dans la capitale moldave de Chisinau, à l’occasion de la « La Pâque des Débonnaires », la municipalité met à la disposition de la population des lignes de bus gratuites vers le plus grand cimetière du pays qui est aussi l’un des plus grands d’Europe – le cimetière de Saint-Lazare (Doina).

     

    Il faut préciser que les Slaves orthodoxes orientaux célèbrent une fête similaire, appelée Radoniţa (Радоница) par les Russes, Radavnița (Радавница) par les Biélorusses et Provodî (Проводи) par les Ukrainiens, marquée cette fois-ci le mardi d’après le dimanche de Thomas.

     

    Qui sont « Les Débonnaires » ?

     

    Selon la croyance populaire de la plupart des régions, les « Débonnaires », appelés aussi « Rohmani », étaient les premiers êtres vivant sur la Terre, dont l’existence excédait le plan physique. Ils vivaient presque toute l’année sans leurs femmes, avec lesquelles ils ne passaient que 30 jours par an, pour procréer. On croit que les « Débonnaires » vivent maintenant au-delà du monde visible, dans le delta de la rivière appelée « Le Samedi ». Cette rivière marque en fait la frontière entre les deux mondes – celui des vivants et celui des morts. Les « Débonnaires » jeûnent et ils prient toujours pour les vivants, mais ils ne savent pas calculer la date de Pâques. Alors, les gens leur annoncent que la fête de Pâques est arrivée à travers l’eau, où ils jettent des coquilles d’œufs rouges. Dans d’autres régions, on croit que les Débonnaires sont les âmes des enfants non baptisé, décédés immédiatement après leur naissance. Selon d’autres croyances, les Débonnaires sont ceux qui soutiennent la terre ou les descendants de ceux qui n’ont pas réussi à traverser la mer Rouge lorsque Moïse a libéré le peuple juif de la captivité égyptienne, en divisant les eaux. Ils seraient restés sur une île très proche des Cieux, par où passe la rivière appelée « Le Samedi ».

     

    Des traditions roumaines

     

    En Roumanie, à Botosani, les vieux offrent aux autres des œufs rouges pour commémorer les Débonnaires. En Bucovine, les gens font des pique-niques sur l’herbe verte et laissent volontairement tomber sur le sol de nombreuses miettes, à la mémoire des défunts. D’ailleurs, dans toutes les régions du pays, les gens se rendent aux cimetières où ils offrent aux passants des œufs rouges, du gâteau traditionnel au fromage appelé « pasca » ainsi que des brioches du type « cozonac » et déposent des fleurs sur les tombes. Ils commémorent aussi les membres disparus de leurs familles, connus et inconnus.

     

    Autant de traditions autour de la Pâque des Débonnaires, une sorte de continuation de fête orthodoxe de Pâques, la plus importante du monde chrétien.

  • Pourquoi célèbre-t-on Pâques à des dates différentes?

    Pourquoi célèbre-t-on Pâques à des dates différentes?

    Pâques, la plus grande fête du Christianisme, est le plus souvent célébrée à des dates différentes par les communautés chrétiennes. Vous l’avez constaté, peut-être, d’habitude, il y a une semaine de décalage. Pourtant cette année, il y a un très grand décalage entre la Pâque orthodoxe, marquée le 5 mai, et celle catholique, déjà célébrée le 31 mars.  Pourquoi cette différence ? Nous allons donc expliquer les causes de ce fait et nous tenterons d’éclaircir quelques idées inexactes, transmises au fil du temps.

     

  • Dragobete – un Cupidon à la roumaine

    Dragobete – un Cupidon à la roumaine

    Selon les légendes
    locales de Roumanie, Dragobete est le fils de Baba Dochia, un homme fier, beau
    et très charmant, comparé par les ethnologues à Eros de la mythologie grecque
    ou à Cupidon de la mythologie romaine. Les préparatifs pour cette fête de la
    jeunesse et de l’amour commencent la veille du 24 février, lorsque les filles
    ramassent la neige de ce que l’on appelle symboliquement « la neige des
    fées », considérée comme la plus pure. Une fois cette dernière neige fondue,
    l’eau obtenue doit être très bien conservée pendant longtemps, car elle peut
    embellir celle qui l’utilise, selon la mentalité collective.

    La fête de Dragobete a ses origines dans les cycles de la nature, notamment dans le monde des oiseaux. Ce n’est pas un hasard, car l’oiseau était considéré comme l’une des divinités de la nature et de l’amour les plus anciennes. C’est précisément pourquoi, les Roumains appellent aussi la fête de Dragobete « Le fiancé des oiseaux », disant qu’à ce moment-là les oiseaux forment une famille et construisent un nid, une habitude qui a été reprise par les êtres humains aussi.

    La célébration commence à l’aube : les garçons et filles s’habillent en costumes traditionnels et se rendent dans les lieux où les premières fleurs du printemps ont déjà fait leur apparition : les perce-neiges, les scilles à deux feuilles, les crocus, les violettes et les corydales. Lorsque les garçons ramassent du bois de chauffage, les filles cueillent les fleurs mentionnées qu’elles utilisent ensuite pour divers rituels liés à l’amour ou à l’avenir. C’est le moment où la nature se réveille, après un long hiver, un moment où les gens, en particulier les jeunes, entrent en résonance avec l’environnement. Autour du feu allumé sur les collines entourant les villages, les garçons et les filles se rencontrent pour bavarder. Vers midi, les filles commencent à courir vers le village, la coutume étant connue dans le sud de la Roumanie sous le nom de « zburătorit », un mot qui renvoie à l’idée de « vol d’oiseau ». Chaque garçon commence à suivre la fille dont il est tombé amoureux, pour finir par la rattraper et l’embrasser longuement, devant tout le monde. Le baiser marque les fiançailles ludiques des deux pendant au moins un an, ce jeu d’engagement symbolique se transformant souvent en véritables fiançailles.

    Ce personnage appelé Dragobete n’est pas
    seulement un héros des jeunes, mais aussi des adultes. Et pour cause. On dit
    qu’il suffit aux femmes de toucher un étranger du village pour être aimées tout
    au long de l’année. Les jeunes épouses donnent de la bonne nourriture à tous
    les animaux de la ferme, mais surtout aux oiseaux, et aucun animal ne sera
    sacrifié ce jour-là. Dans la tradition roumaine, cette célébration de l’amour
    est considérée comme de bon augure. Et puis, si la tradition du Dragobete n’est
    pas respectée, on pense que les jeunes ne pourront plus tomber amoureux au
    cours de l’année à venir.

  • Les traditions du Nouvel An en Roumanie

    Les traditions du Nouvel An en Roumanie

    Des traditions ancestrales, ressuscitées

    Partout dans le monde, le réveillon du Nouvel An reste l’un des moments de
    l’année les plus festifs que personne ne veut rater. Des soirées de fête, des
    repas en familles, des sorties en ville, les Réveillonneurs sont nombreux, en
    Roumanie aussi. Néanmoins, parmi eux, il y en a qui préfèrent marquer le
    passage d’une année à l’autre à l’ancienne. Voilà pourquoi, dans certaines
    régions de la campagne roumaine, les villageois ressuscitent des traditions
    ancestrales pour le Réveillon du Nouvel An.

    Le repas en famille, un rituel bien mis au point

    Rien que le repas en famille se
    déroule selon un rituel bien mis au point, explique Sabina Ispas, à la tête de
    l’Institut d’Ethnographie et de Folklore Constantin Brailoiu de Bucarest.
    Elle s’attarde dans les minutes suivantes sur deux des rites importants de la
    nouvelle année: la Sorcova et le Plugusor. Le 1er janvier, le matin, après que
    les mauvaises esprits (symbolisés par les masques du minuit) aient pris congé
    de ce monde, les enfants partent en groupes, munis des branches de pommier
    fleuries appelées des Sorcove pour ensorceler la nouvelle année et souhaiter à
    tous leurs voisins une Nouvelle Année remplie d’amour, de paix, de prospérité
    et de santé. A défaut de ces branches, les enfants se fabriquent des branches
    en papier colorié.

    Sabina Ispas : Toute une série de rites et de rituels viennent marquer
    le passage d’une année à l’autre. Parmi ceux-ci, mentionnons la Sorcova, mais
    aussi le Plugusor, un rituel accompli aussi bien par les enfants que par les
    adultes censé protéger la communauté rurale. La série de traditions d’hiver
    spécifiques à la campagne roumaine se termine le jour de l’Epiphanie



    Des croyances bien fortes : les cieux s’ouvrent la nuit du Nouvel An





    Certaines communautés traditionnelles roumaines préservent
    la croyance que dans la nuit du Nouvel
    an les cieux s’ouvrent, en permettant aux gens d’accéder à l’univers spirituel.
    D’ailleurs, dans la croyance populaire, de tels moments privilégiés sont les
    seuls vraiment importants aussi bien pour l’ensemble de la communauté que pour
    chaque individu. Attention, il ne s’agit pas d’approcher les gens de la
    divinité, mais plutôt de leur permettre de se voir offrir un signe qui leur
    confirme l’existence d’une force spirituelle supérieure.

    Sabina Ispas : Noël et le Nouvel An se rattachent à la tradition de
    l’ouverture des cieux. Il s’agit, en fait, de percevoir, de comprendre et
    d’accepter la manifestation de Dieu, appelée théophanie. Cette nuit-là, la
    divinité descend sur Terre et dans la vie des gens. D’où cette image des cieux
    qui s’ouvrent afin que Dieu puisse communiquer directement avec l’homme qu’il a
    créé. Dans de tels moments privilégiés, on dit que les gens peuvent apprendre
    ce que l’avenir leur réserve dans le courant de l’année qui s’apprête à
    commencer. Il ne s’agit pas de lire l’avenir, pas du tout, mais d’une sorte de
    message que Dieu envoie sur Terre à un moment où la communication avec les gens
    devient possible.




    Coups de fouet, des tambours et des clochettes


    Si en ville, les feux d’artifice sont censés marquer la
    fin d’une année et le début d’une autre, à la campagne, ce passage se fait par
    des coups de fouet, des tambours et des clochettes qui résonnent, le tout
    accompagnés par les cris des villageois.

    Delia Suiogan est ethnologue à
    l’Université du Nord de Baia Mare. Elle se penche sur le rituel des cris la
    Nuit du Nouvel An.




    Un des rites
    perpétués de nos jours encore est celui dit des cris du village. La tradition
    veut que dans la nuit du Nouvel An, les jeunes hommes célibataires se regroupent et
    commencent à crier les noms des jeunes filles pas encore mariées, en les
    associant à des description rigolotes. Ce n’est pas une punition, mais tout
    simplement un rituel marrant qui permet aux jeunes du village de rétablir
    l’équilibre au sein de la communauté. Une autre coutume est celle de la
    réconciliation en masse. Tous ceux qui sont en froid doivent serrer leurs mains
    par-dessus la table au milieu de laquelle trône une galette de Noël. Cette
    période de fin d’année est riche en traditions et surtout elle est censée
    remédier à tous les déséquilibres.





    Le Réveillon du Nouvel
    an a des significations complexes.

    D’une part, on assiste à la mort de l’année
    qui touche à sa fin. C’est le moment du solstice d’hiver. D’autre part, nous assistons
    aux danses de toutes sortes de personnages masqués dont le rôle est de chasser
    les esprits maléfiques. A tous ces rituels d’autres viennent s’ajouter, comme
    par exemple, ceux en rapport avec la fertilité.

    Pour revenir aux masqués,
    disons qu’en Bucovine, par exemple, des villageois vêtus en costumes
    représentant des personnages fantastiques, accompagnés par des musiciens,
    déambulent dans les rues à la grande joie des villageois qui souvent rejoignent
    le joyeux cortège. La parade est censée se rendre dans un premier temps au
    centre du village et par la suite, elle passe devant toutes les maisons.
    Surnommés les Moches, les masqués font tout un spectacle: ils grimpent sur
    les toits, dans les arbres, ils font des acrobaties dans le cadre d’un
    spectacle de rue exubérant. C’est un rituel par lequel on essaie d’établir un
    nouvel équilibre à force d’exposer les faiblesses humaines. (trad. Ioana Stancescu)

  • Coutumes de danse en fin d’année en Roumanie

    Coutumes de danse en fin d’année en Roumanie

    « La danse de la chèvre »



    « La danse de la chèvre » renvoie à l’idée de fécondation et
    constitue l’une des formes les plus connues du théâtre populaire. Les costumes
    riches, l’agilité des joueurs, le rythme alerte, les paroles et les cris font
    de cette coutume un véritable spectacle. Du Noël au Nouvel An, dans certains
    villages de Bucovine (dans le nord du pays) ce rituel est pratiqué en groupe de
    plusieurs personnes portant des costumes qui imitent les chèvres, tandis que
    dans d’autres régions du pays il s’agit d’une seule chèvre, en présence du
    berger, d’un vieil homme et d’une vieille femme.

    Le masque se compose, d’une
    part, d’une tête de chèvre en bois avec le maxillaire inférieure mobile, qui
    est tiré avec une corde pendant la danse. Celui qui manipule le maxillaire de
    la chèvre et un deuxième chanteur ont les corps recouverts avec la deuxième
    partie du masque, c’est-à-dire avec le corps de la chèvre. Ensemble ils
    effectuent un mouvement de balayage d’un côté à l’autre. En Transylvanie, cette
    danse de la chèvre est connue sous le nom de « ţurca », et celui qui
    porte le masque transmet certains messages à travers des gestes et des danses,
    qui sont expliqués par le chef du groupe, appelé « birău ». La mort
    et la résurrection de la « ţurca » annoncent à l’hôte le passage de
    la communauté vers la nouvelle année, le triomphe de la vie sur la mort, de la
    lumière sur les ténèbres, du bien sur le mal.

    « Plugușorul »


    Une autre coutume présente dans la
    spiritualité roumaine, pratiquée à l’occasion du jour du Nouvel An est appelée
    en roumain « Plugușorul », c’est-à-dire un chant agraire déclamatoire
    avec des éléments théâtraux, ayant pour sujet le travail difficile pour obtenir
    du pain. Une charrue, décorée avec des papiers colorés, des rubans, des
    serviettes, des fleurs, sur laquelle parfois était posé un sapin de Noël aussi,
    était une présence indispensable dans ce chant. Le chant appelé « Pluguşorul »
    était récité de maison en maison le soir de la Saint Sylvestre ou jusqu’au
    matin du Nouvel An par des enfants ou des adolescents, portant des vêtements
    folkloriques spécifiques à leur région. Quand même, dans le passé, cette
    coutume était pratiquée uniquement par les adultes.

    « La danse de l’ours »



    Fort, violent, imprévisible et parfois même cruel, l’ours
    était un animal vénéré depuis l’époque paléolithique. La danse la plus
    spectaculaire de toutes les danses rencontrées dans les villages de la région
    de Bucovine est « La danse de l’ours », dansée le jour de la Saint Sylvestre,
    peut-être parce que l’ours était vénéré à cet endroit plus que dans des autres
    régions de la Roumanie actuelle. La préparation du masque d’ours pour le
    carnaval du jour du Sylvestre est faite avec beaucoup d’attention. La forme la
    plus archaïque de représentation de l’ours est celle en paille. Des cordes d’avoine,
    longues d’environ 40 m sont tordues. Ensuite, le matin de la Saint Sylvestre, elles
    sont cousues sur les vêtements de celui qui porte le masque. Ensuite, le masque
    de paille est jeté au feu pour brûler, symbolisant ainsi la mort et la
    renaissance de la végétation, avec le passage des saisons. (Trad. Andra Juganaru)

  • Les masques dans la tradition des fêtes d’hiver en Roumanie

    Les masques dans la tradition des fêtes d’hiver en Roumanie

    Les us et
    rituels pratiqués dans les villages
    roumains au mois de décembre sont étroitement liés aux fêtes de l’hiver et se
    superposent aux moments importants du calendrier religieux orthodoxe, en tant
    que traces de la période préchrétienne. Les groupes de jeunes hommes qui
    chantent des chansons traditionnelles à l’occasion de Noël et de la Nouvelle
    année – c’est probablement la manifestation la plus spectaculaire, avec des significations
    à part. Inclus par l’UNESCO au patrimoine culturel immatériel de l’Humanité,
    cette tradition spécifique à la région du Maramures (et pas seulement) illustre
    l’importance de la conservation de l’intégralité du rituel, depuis la formule
    de la danse, aux costumes et objets utilisés et jusqu’au déroulement par rôles
    du rituel, qui implique toute la communauté.


    Le masque est un
    des objets les plus utilisés dans le cadre de ces rituels de fin d’année.

    D’ailleurs, c’est la seule période de l’année où les masques apparaissent dans
    les traditions roumaines. Parcourons donc l’histoire de
    ces traditions et découvrons la signification du masque en tant qu’objet rituel
    et pièce vestimentaire à destination précise. Le cérémonial
    dans lequel il est utilisé est complexe. Il est organisé par un groupe
    spécifiquement constitué, qui transmet à travers des textes chantés (appelés
    chants de Noël) ou criés, et parfois à travers des pièces de théâtre, des
    accessoires, des danses, des actes et gestes rituels, des formules magiques, la
    nouvelle de la mort et de la renaissance de la divinité adorée. Les
    « acteurs » transmettent à ceux qui les accueillent des vœux de
    santé, qu’ils aient desrécoltes riches dans l’année à venir, etd’autres vœux pour
    la nouvelle année, en particulier pour le mariage des filles.



    Quelques textes
    décrivent la mort violente de la divinité au visage de cerf, de taureau, de
    lion, ou de cochon.Il s’agit d’éléments communs avec les chants funéraires païens.
    Un groupe de vierges représente l’entourage au sein duquel la divinité, souvent
    remplacée par un masque (chèvre, dinde, cerf, ou bouleau), naît, se régale et
    meurt pour marquer la fin et le début de l’année ou de la saison. Alors, le groupe
    d’« acteurs » peut être organisé selon le sexe (femme ou homme), l’âge
    (enfants, garçons, filles, personnes mariées) ou selon la thématique de leur
    jeu. Le groupe peut réunir de 2-3 acteurs ou chanteursjusqu’à plusieurs
    dizaines de personnes.




    « Au
    début, les masques étaient uniquement des outils rituels de protection magique.
    Ils étaient utilisés dans le processus de travail primitif, tandis que plus
    tard, ils sont devenus des outils complexes de représentations mythiques et
    ludiques. Lorsque les masques primitifs perdent leur caractère rituel dominant,
    et dans le contexte de l’apparition des éléments nouveaux, qui modifient leur
    structure et leur caractère, les masques populaires apparaissent. Les premières
    mentions de ces masques populaires dans la région carpato-danubienne-pontique
    remontent au 4e siècle, à l’époque des empereurs Dioclétien (note de
    la rédaction 244-312) et Maximien (note de la rédaction ca. 250-310). Les
    sources font référence à la célébration des Saturnales.A partir de la seconde
    moitié du 19esiècle, les jeux ruraux avec les masques commencent à
    être décrits par les spécialistes. »
    L’ethnologue Natalia Lazăr.


    Un martyrologue
    anonyme de la région de Mésie Inférieure comprend des détails extrêmement
    précieux concernant l’élection et le sort du roi des Saturnales. Trente jours
    avant la célébration des Saturnales, les soldats romains de Durostorum (en Mésie
    Inférieure, soit la ville Silistra du nord-est de la Bulgarie contemporaine)
    tiraient au sort pour choisir un jeune homme qu’ils habillaient ensuite de
    vêtements royaux, symbolisant le dieu Saturne. Le jeune roi traversait la
    foule, ayant une totale liberté de faire tout ce qui lui plaisait. Mais la
    joie était de courte durée, car un mois plus tard, à l’arrivée de la fête de
    Saturne, sa gorge était coupée sur l’autel du dieu. C’était à l’époque…


    Plus tard, dans
    les villages du département de Maramureş, les masques représentent des animaux,
    des visages humains ou des êtres démoniaques.Ils sont fabriqués en laine de
    mouton grise, cornes naturelles et soie. Ils sont liés à la coutume des chants
    de Noël.


    Pendant cette période des fêtes d’hiver,
    on va chanter des chants de Noël avec des masques. C’est une coutume
    préchrétienne qui s’est superposée à la coutume chrétienne. Cette pratique se
    retrouve dans la plupart des régions du pays, y compris dans le département de
    Maramureș, qui a quatre zones ethnographiques. Cette coutume se déroule à
    partir du jour appelé « Ignat », soit le 20 décembre, jusqu’à Noël ou
    jusqu’au Nouvel An. Les jeunes se sont déguisés en chèvres, ours ou autres
    incarnations d’animaux totémiques. Le jour de l’« Ignat » est la
    preuve vivante de la résistance des fêtes païennes dans le calendrier
    folklorique roumain. Cette coutume a été préservée jusqu’à nos jours, mais l’accent
    est mis sur l’aspect spectaculaire
    et sur la gastronomie(ndlr par le fait que le cochon est sacrifié selon
    un rituel stricte et sa viande est utilisée pour les plats de Noël)
    . Parallèlement,
    les groupes de chanteurs masqués se constituent selon certains critères
    socioculturels et présupposent l’existence d’un leader, des membres du groupe,
    des accessoires et, bien sûr, de l’animateur. »
    Natalia Lazar, ethnologue.


    D’ailleurs, les
    jeunes de la région de Maramures jouent aussi du théâtre. La pièce appelée « Viflaim »
    (mot en ancien roumain qui veut dire Bethlehem) est une coutume chrétienne, qui
    comporte de nombreux éléments laïques ou bien païens. Le thème de la pièce est
    la naissance de Jésus Christ. Les personnages principaux sont, donc, Marie, la
    mère de Jésus, Joseph, son fiancé, et Hérode (soit le roi Hérode le Ier le Grand, 74 av : J. Chr. – 4 av. Chr.
    – la date de sa mort pas surprenante, car la date de la naissance de Jésus
    Christ n’a pas été correctement calculée). D’autres personnages sont le
    messager, l’aubergiste, l’ange, deux bergers, les trois rois de l’Orient, deux
    soldats, la mort, le diable, le vieil homme et le gardien. Ceux qui l’incarnent
    font la satire de l’arrogance, du mensonge, de l’hypocrisie, de l’indifférence
    et de l’inhumanité des riches envers les pauvres

    .



    Voilà à
    quel point des traditions roumaines liées aux fêtes d’hiver sont riches en
    symboles !

  • Les journées des « Martini »

    Les journées des « Martini »

    C’est une fête de moins en moins connue parmi les Roumains aujourd’hui.

    Représentant la force, la
    verticalité et la royauté, l’ours est présent dans de nombreuses légendes et
    contes de fées roumains dans lesquels il seconde le héros. Par conséquent, les
    anciennes communautés lui consacraient des journées entières de festivités.
    Destinées à le persuader de rester loin des troupeaux de moutons ou de bovins,
    ces journées, appelées en roumain « Martini » étaient observées aussi
    bien en hiver qu’au printemps. Les fêtes d’automne se poursuivaient donc avec
    les journées des « Martini » à partir de la mi-novembre.

    Delia Suiogan,
    ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, nous donne des détails :




    « Dans certaines régions de Roumanie,
    cette fête est également appelée la Journée de « Moș Martin ». La fête des « Martini » fait
    référence à une demi-divinité de l’ancien calendrier dace, qui portait une peau
    d’ours et marquait l’union entre l’homme et cet animal. L’ours n’est
    généralement pas nommé, dans la tradition il est appelé « Moș » ou « ăl’ (n.a. cel) bătrân » soit « le vieil homme » en
    roumain. Evidemment cela fait référence à des ancêtres mythiques. C’est un
    culte des « vieux hommes ». Dans le calendrier populaire, nous
    verrons que tous ces jours consacrés à l’ours surviennent avant les fêtes
    appelées « Moşi » d’hiver, d’automne et de printemps.
    Toutes ces célébrations annoncent à ces ancêtres, appelés « Blajini », morts depuis plus de
    sept ans, qu’ils doivent revenir parmi les vivants et les aider d’une manière
    ou d’une autre. »






    Les communautés
    traditionnelles respectaient les fêtes appelées « Martini » d’automne
    pour éloigner les loups des troupeaux et des maisons.

    Pendant ces jours, les
    habitants n’allaient pas à la chasse ni ne tendaient pas de pièges aux animaux
    sauvages, afin d’améliorer l’esprit des forêts. D’ailleurs, les femmes ne
    balayaient pas la maison et ne sortaient pas les ordures, afin qu’elles ne
    soient pas considérées comme jetées devant les animaux de la forêt. Les femmes
    ne tressaient pas, ne tissaient pas, et ne cousaient pas. Elles n’utilisaient
    pas non plus d’objet pointu. Les femmes se rendaient vers les lisières des
    forêts pour chercher les racines des futures plantes médicinales et invoquer
    leur pouvoir de guérison.

    Delia Suiogan : « Les femmes vont vers la forêt, vers les
    champs, recherchent toutes ces plantes médicinales qu’elles récolteront à
    différents moments de l’année et prononcent une invocation pour recevoir la
    force de guérison, qu’elles transmettront ensuite à chaque homme. Après, elles
    les cueillent. Bien sûr, il y a tout un rituel. Les femmes mettent toutes ces
    actions sous le signe du pouvoir de l’ours. Elles reçoivent une partie du
    pouvoir de l’ours si elles font toutes ces choses ce jour-là. N’oublions pas
    que, également lors de cette fête, des chants de Noël étaient chantés avec
    l’ours, même si maintenant la tradition se fait, comme toutes les anciennes
    fêtes de printemps, pendant les moments du chant de Noel. Autrefois, des gens
    vêtus de peaux d’ours venaient dans les villages roumains et les malades
    étaient piétinés par ceux qui étaient masqués. Il y a un transfert de pouvoir
    de l’animal à l’homme »





    Les gens croyaient que les personnes qui suivaient ces
    règles seraient protégées tout au long de l’hiver des mauvaises influences.
    Ceux qui respectaient les « Martini » étaient à l’abri des
    « strigoi » (soit des morts-vivants), mais aussi des attaques des
    loups et des ours. Sur les toits des maisons, les gens accrochaient des haches
    en signe de protection. (Trad : Andra Juganaru)

  • La fête des Saints Archanges dans la tradition roumaine

    La fête des Saints Archanges dans la tradition roumaine

    Le 8
    novembre, les chrétiens célèbres les saints archanges Michel et Gabriel. Le
    terme « archange » provient du mot grec « angelos », dont
    la première signification était de « messager », et ensuite d’
    « ange », auquel s’ajoute le préfixe grec « arch- »,
    provenant du verbe « archo », qui veut dire tant « être le
    premier » que « commander ». Les anges sont des êtres
    spirituels, intermédiaires entre Dieu et les hommes. Les anges figurent dans de
    nombreuses traditions, y compris les trois grandes religions monothéistes (soit
    le judaïsme, le christianisme et l’Islam). Dans la tradition chrétienne, les
    anges sont organisés dans neuf rangs. Selon La
    Hiérarchie Céleste du Pseudo Denys l’Aréopagite, auteur grec d’inspiration néoplatonicienne, qui a
    vécu autour de l’an 500, ces êtres sont répartis en neuf niveaux : les
    Anges, les Archanges, les Principautés, les Puissances, les Vertus, les
    Dominations, les Trônes, les Chérubins et les Séraphins. Quant aux Archanges, l’Eglise
    orthodoxe en compte, à travers le temps, soit 7, soit 8. Michel est le prince de la milice céleste. Gabriel est le messager le plus connu, qui transmet de bonnes
    nouvelles. Raphaël est le protecteur
    des voyageurs. Le nom d’Uriel
    signifie « la Lumière/La Flamme de Dieu/Du Seigneur ». Barachiel est le chef des anges gardiens.
    Salathiel aide les croyants si leurs
    prières ont souffert à cause des distractions, des inattentions ou du froid. Le
    nom de Jophiel signifie « La
    Beauté de Dieu ». Camaël a le rôle
    de pacifier les gens.


    Comme
    d’habitude lors d’une fête importante, dans toutes les régions de la Roumanie
    les habitants respectent des traditions. Les Archanges étaient considérés des
    protecteurs des bergers.

    Avec des détails, Sabina Ispas, la directrice de
    l’Institut d’Ethnographie et de Folklore Constantin Brailoiu de Bucarest :


    « Il s’agit en fait de célébrer une autorité qui a fait l’objet d’un
    moment particulier de la création. Cet être, l’archange, fait partie du monde
    invisible, des êtres désincarnés, qui ont été créés avant notre ancêtre, Adam.
    Ils ont un rôle tout à fait particulier dans la relation de Dieu avec l’homme.
    Les saints archanges Michel et Gabriel occupent une place particulière dans la
    culture traditionnelle roumaine. Cette constitution de groupes angéliques reflète
    le modèle terrestre des structures militaires, qui ont des chefs. Michel et
    Gabriel sont deux des leaders des groupes angéliques qui, dans l’histoire de la
    relation entre l’homme et Dieu, ont joué un rôle particulier. »


    Le
    Saint Archange Gabriel est le seul à qui Dieu a révélé la bonne nouvelle de la
    naissance du Sauveur. C’était lui qui a en informé la Vierge Marie, participant
    ainsi à l’Annonciation (en grec « Evangelismos », du mot
    « angelia » qui veut dire « nouvelle » précédé par le
    préfixe « ev » qui veut dire « quelque-chose-de-bon. C’est ainsi
    que le terme « Evangile » est formé aussi). Tant dans la tradition
    roumaine que dans la tradition byzantine en général, l’archange Michel est
    connu comme le « porteur des âmes », qui veillait au chevet des
    personnes grièvement malades et conduisait les âmes au ciel, pour le jugement.

    Sabina Ispas nous explique d’avantage :


    « Il y a des légendes liées à la présence de
    l’archange Michel parmi les hommes. En général, les saints font le lien entre
    Dieu et l’homme, en transmettant les commandements de la divinité aux hommes et
    en les guidant sur le bon chemin. Selon la tradition, avec le baptême, chaque
    chrétien reçoit un ange gardien. Ils appartiennent à la catégorie des
    observateurs qu’on ne voit pas, mais qui aident les hommes à ne pas commettre
    de grosses erreurs et à éviter le péché. D’autant plus que, l’archange Michel
    apparaît dans la légende populaire comme un compagnon des voyageurs, comme une
    personnalité qui montre aux hommes pourquoi la volonté de Dieu doit être
    respectée et ce qui se passe lorsque cette volonté n’est pas respectée. Il y a
    un cycle de légendes, ayant aujourd’hui principalement une fonction de conte de
    fées, des exemples médiévaux du type « L’Archange et le moine ».
    Saint Michel accompagne le moine sur le chemin du monastère, il se révolte
    parce qu’il ne comprend pas pourquoi se produisent certaines choses qu’il
    considère comme des injustices et, à chaque fois, l’Archange lui montre ce que
    cela aurait signifié plus tard si cet événement ne s’était pas produit. Les
    deux Archanges sont toujours des moralisateurs, étant les messagers de
    Dieu. »


    Des
    croyances populaires sont liées à cette fête. Par exemple, si le 8 novembre il
    fait chaud et que le ciel est clair, les gens des communautés traditionnelles disent
    que c’est l’automne « des Archanges ». C’était un signe de bon
    augure, car l’on pensait que l’hiver allait être plus doux et que la saison
    chaude s’installerait en début de l’année suivante. Médiateurs entre l’homme et
    la divinité, les saints archanges Michel et Gabriel sont, pour les communautés
    traditionnelles, ceux qui annulent les péchés et libèrent les consciences.
    Autant de raisons pour lesquelles le 8 novembre, lorsque l’on marque les saints
    archanges Michel et Gabriel, est une fête extrêmement importante en Roumanie. D’ailleurs,
    de très nombreux Roumains portent les noms de Mihai, Mihaela, Gabriel ou
    Gabriela. (traduction et adaptation
    Andra Juganaru)



  • Les grandes fêtes du mois d’octobre

    Les grandes fêtes du mois d’octobre

    Chaque année, les 14, le 26 et le 27 octobre, les orthodoxes,
    tant de Roumanie, que de Grèce, célèbrent des saints protecteurs qui ont vécu
    il y a plusieurs siècles, et auxquels ils rendent hommage dans des pèlerinages.
    Le 14 octobre, ils fêtent la Sainte Parascève, qui a vécu au 11e
    siècle. Son village natal était Epivata, de la région de Thrace, (aujourd’hui
    Selimpaşa, à côté de Silivri, soit un district de la ville d’Istanbul), sur les
    rives de la mer de Marmara. Selon la tradition, lorsqu’elle était âgée de 10
    ans, Parascève avait entendu dans une église des mots de l’Evangile qui l’encourageaient
    à quitter la société et suivre une vie ascétique. Alors elle s’est décidée d’offrir
    ses riches vêtements aux pauvres et de fuir vers Constantinople, la capitale de
    l’Empire Byzantin. Ses parents, qui n’avaient pas soutenu sa décision de suivre
    une vie ascétique, l’ont cherchée. Elle s’est rendue vers la Chalcédoine, et
    par la suite a vécu dans l’église de la Theotokos (soit le nom de la Vierge
    Marie) à Héraclée du Pont (en Turquie actuelle). Ensuite elle s’est rendue à Jérusalem et après dans
    un monastère du désert de Judée, sur les bords du Jourdain. Lorsqu’elle était
    âgée de 25 ans, un ange lui est apparu en rêve, lui demandant de retourner dans
    sa patrie. Alors elle est rentrée à Constantinople et a vécu dans le village de
    Kallikráteia (aujourd’hui un quartier d’Istanbul), dans l’église des Saints
    Apôtres. Toujours selon la tradition, après qu’un vieux pêcheur avait été
    enterré près de la tombe de Saint Parascève, la sainte a « protesté »
    en apparaissant dans un rêve à un moine près de cet endroit.

    Lorsque le corps
    de Parascève a été déterré, il a été trouvé intact. C’est ainsi que ses
    reliques ont été transférées à l’église des Saints Apôtres de Kallikráteia.
    Dans les années suivant leur découverte, les reliques ont été transférées dans
    plusieurs églises de la région. En 1238, elles ont été transférées de
    Kallikráteia à Veliko Târnovo, soit la capitale du Second Empire bulgare. Plus
    d’un siècle plus tard, en 1393, les reliques de Parascève ont été apportées à Belgrade.
    Lorsque Belgrade a été conquise par les Ottomans en 1521, les reliques ont été
    transférées à Constantinople. En 1641, elles ont été offertes comme récompense
    au prince moldave Vasile Lupu. Celui-ci, très ambitieux, et en même temps loyal
    envers les Ottomans et protecteur des chrétiens, avait offert un soutient financier
    important au Patriarche Parthénios le 1er de Constantinople, lorsque
    le patriarcat était en état au bord de la banqueroute. Vasile Lupu souhaitait
    aussi transférer la capitale de la Moldavie de Suceava à Iaşi, mais Iaşi
    n’était pas une ville aussi développée que Suceava. C’est dans ce contexte que
    Vasile Lupu a décidé de faire construire la cathédrale dédiée aux Saints Trois
    Hiérarques (soit Basile le Grand, Grégoire de Nazianze et Jean Chrysostome,
    théologiens qui ont vécu au 4e et le 5e siècle).
    L’inauguration de la cathédrale était donc l’occasion parfaite de demander au
    Patriarche Parthénios le 1er les reliques de la Sainte Parascève,
    comme récompense pour le soutien financier qu’il lui avait offert, en l’aidant
    de payer la dette entière du patriarcat. Le périple des reliques de la Sainte
    Parascève s’est achevé en 1888, lorsqu’elles ont été transférées à la nouvelle cathédrale
    métropolitaine de Iași.

    De nos jours, un pèlerinage annuel très important a
    lieu à la mi-octobre à Iasi pour rendre hommage à la Sainte Parascève.


    Un autre saint très respecté, tant en Roumanie qu’en Grèce,
    est le Saint Démètre le Myroblite, le protecteur de la ville de Thessalonique,
    soit la deuxième ville de Grèce, une ville ayant une tradition religieuse
    qui remonte au 4e siècle. Démètre serait né quelque part entre 270 et 281 d’une
    famille noble chrétienne. Après s’être engagé dans l’armée romaine, il a
    commencé à propager le christianisme dans la région de Thessalonique, lorsque
    l’Empire romain se trouvait dans une période de persécutions envers les
    chrétiens, mise en place surtout en 303, par Dioclétien et Galère. Alors, Démètre
    a été dénoncé par des soldats romains et livré à Galère, qui se trouvait à ce
    moment-là à Thessalonique. Avec Nestor, son disciple, il a été condamné à mort.
    Peu de temps après cet événement, une basilique a été construite sur son
    tombeau de Thessalonique. Ce lieu est devenu à travers les siècles un grand
    centre de pèlerinage. En fait, le pèlerinage, un acte de mobilité
    dévotionnelle, est une pratique religieuse qui remonte jusqu’à l’Egypte
    pharaonique. L’église paléochrétienne originelle existe toujours à
    Thessalonique et fait partie de la liste du patrimoine UNESCO.


    En fin, un autre saint très vénéré est Saint Démètre le
    Nouveau, le protecteur de la ville de Bucarest, célébré le 27 octobre. Saint
    Démètre le Nouveau, aussi connu sous le nom de Basarabov, a été un moine qui a
    vécu au 13e siècle dans le sud du Danube, sur le territoire de la
    Bulgarie d’aujourd’hui. Son corps a été trouvé grâce à un miracle, lorsque le
    saint s’est révélé en rêve à une jeune fille malade, en lui indiquant le lieu
    précis où il pouvait être retrouvé. Il lui a dit aussi que, si elle touchait
    son corps, elle serait guérie. Alors les villageois ont déterré le lieu indiqué
    et retrouvé le corps du Saint intact. Durant la guerre russo-turque, en 1774,
    les reliques du Saint ont été apportées à Bucarest. A partir de ce moment-là,
    le Saint est devenu le protecteur de la capitale, Bucarest, ainsi que de la
    province historique de Valachie. Pendant la première guerre mondiale, en 1920,
    lorsque Bucarest se trouvait sous l’occupation allemande et la Bulgarie était
    alliée des forces Allemandes, 20 soldats bulgares ont volé les reliques du
    Saint Démètre pour les emporter en Bulgarie. Le métropolite a alors demandé de
    l’aide à l’armée allemande. Le commandant allemand a retrouvé les reliques, qui
    avaient été volées à l’aide d’une automobile et ensuite transférées dans un
    charriot avant de passer la frontière en Bulgarie. Les reliques ont été placées
    dans une église de Giurgiu, gardées par des soldats pour être ensuite retournées
    à Bucarest.


    Les pèlerinages aux églises de Iasi, de Thessalonique et de Bucarest,
    pour retrouver les saints célébrés, sont devenus non seulement des événements
    religieux majeurs, mais aussi des actes sociaux très importants. Des centaines
    de milliers de pèlerins se rendent chaque année à ces endroits, tandis que les
    villes elles-mêmes ont une atmosphère festive.


    Dans ce contexte, des traditions liées à ces fêtes se sont aussi
    développées. Le jour du Saint Démètre le Myroblite, connu en Roumanie aussi
    sous le nom de Sâmedru, les villageois allument le feu, pour faire place ainsi
    à la saison froide. L’ethnographe Florin-Ionuț Filip Neacșu nous en offre des
    détails.

    « Le Saint Grand Martyre Démètre le Myroblite
    est un saint militaire célébré par tout le monde orthodoxe et, bien sûr, par
    tous les Roumains du pays, mais aussi par ceux de la diaspora. Saint Démètre
    est l’un des saints militaires les plus importants du calendrier chrétien, aux
    côtés du Saint Georges. Il vivait en Macédoine, à Thessalonique, dans
    l’actuelle Grèce. A cette époque-là, la Macédoine était une province romaine,
    et saint Démétre était même le proconsul des armées romaines en Grèce. Il
    venait d’une famille noble macédonienne et, à cause de sa foi, il a été
    violemment tué par les soldats de l’empereur romain de l’époque, en 306 après
    JC. Après que le christianisme est devenu une religion reconnue par l’Empire
    romain, à commencer par l’année 313, à l’époque de l’empereur Constantin, une
    église a été construite à Thessalonique sur le lieu où saint Démètre avait été tué. Cette église existe toujours
    et elle est inscrite au patrimoine de l’UNESCO. »




    Allumer le feu est un rite important,
    car lié à la purification. Cette pratique symbolise aussi le départ du soleil
    et l’arrivée de la saison froide. Au micro de RRI, Florin-Ionuț Filip Neacșu
    explique: .


    « Le
    jour de la Saint Démètre, tant dans les villages roumains, que dans les villages
    des Balkans, il y a une ancienne tradition selon laquelle, la veille de la fête
    du Saint, les vieux arbres autour des maisons ou dans la forêt étaient coupés
    et réunis sous la forme d’un bûcher. Leur crémation symbolisait la mort et la
    renaissance de la végétation. Cette tradition est encore respectée dans les
    villages du sud de la Transylvanie (dans le centre de la Roumanie) et de
    Moldavie (dans de l’est), en Olténie et en Valachie (dans le sud). La mort
    violente du martyr chrétien Démètre a perpétué cette coutume, qui symbolise la
    mort et la renaissance par le feu. »



    Dans certaines régions de Roumanie,
    le jour du Saint Démètre, les bergers essayaient de prédire le temps. En
    Moldavie, les bergers étendaient les peaux de mouton sur l’herbe. Si un mouton
    noir choisissait de s’asseoir à cet endroit-là, cela signifiait que l’hiver allait
    être glacial mais sec, et si un mouton blanc s’y endormait, on croyait que la
    saison froide apporterait beaucoup de neige. En Olténie, les communautés
    traditionnelles observaient strictement la fête du Saint Démètre. Auparavant,
    les gens respectaient strictement un certain nombre de superstitions, étant
    convaincus que c’était le seul moyen d’éviter les ennuis. A la Sâmedru, la
    crinière des chevaux était coupée, pour qu’ils soient beaux et sains l’année
    suivante, mais personne n’utilisait le peigne, car s’arranger les cheveux était
    jugé comme un acte de mauvais augure. Autant que possible, les gens du passé
    essayaient de clôturer tous leurs comptes pendant l’été et de payer leurs
    dettes avant la Saint Démètre, qui était pour eux une limite symbolique du temps.


    Autant de moments symboliques au
    cours du mois d’octobre en Roumanie.

  • Les traditions de la période qui suit l’équinoxe d’automne

    Les traditions de la période qui suit l’équinoxe d’automne

    Les soi-disant « Berbecari »
    sont des personnages de la mythologie roumaine liés à l’une des occupations les
    plus importantes de la campagne roumaine: celle de berger. Tout comme les
    « Filipi » d’automne (dont nous avons déjà parlé lors des épisodes
    précédents de cette rubrique), les « Berbecari » sont à leur tour des
    personnages issus du calendrier des fêtes et traditions populaire d’automne. En
    Roumanie, tout comme dans la région des Balkans, les bergers font leur travail
    selon des normes très strictes qui remontent dans la nuit du temps. Les
    Berbecari ont donc pour mission de protéger les troupeaux de l’attaque des
    loups, d’où l’importance de la fête qui leur est consacrée à travers la
    Roumanie.

    L’ethnologue Florin-Ionuț Filip Neacșu nous dit davantage sur le rôle
    qu’ils occupent dans le calendrier des traditions roumaines.


    « Il s’agit d’une fête traditionnelle en milieu pastoral célébrée aussi
    bien dans les pays balkaniques, qu’en Roumanie. Cette fête est très importante,
    puisqu’elle marque un rituel par lequel les troupeaux sont protégés contre les
    maux qui risquent à survenir en hiver. Dans le calendrier populaire, les
    Journées des « Berbecari » sont du 26 au 29 septembre et elles sont
    consacrées aux rituels de protection contre les loups. C’est à ce moment-là que
    commence l’accouplement aussi bien des moutons, que de leurs ennemis, les loups.
    Les « Berbecari » prennent soin des troupeaux de moutons, assurant
    leur protection pour le bien-être des communautés pastorales roumaines et
    balkaniques. »


    Respectées jadis par toutes les
    communautés des bergers de Roumanie et des Balkans, les Journées des
    « Berbecari » s’accompagnaient de nombreuses interdictions dans la
    vie domestique. Florin-Ionuț Filip Neacșu nous en donne plus de détails :


    « Pendant les jours consacrés aux Berbecari, les paysans se voyaient obliger de respecter plusieurs interdictions. Par exemple, ils n’avaient pas le droit
    de se servir des objets pointus ou des outils pour couper. Ils ne jetaient pas
    les cendres de l’âtre de peur que les louves ne les retrouvent et ne mangent
    pas les braises ce qui, disaient les paysans, leur aurait permis d’avoir des
    louveteaux prêts à attaquer les brebis. Dans la région sous-carpatique, la
    célébration des « Berbecari » s’accompagnait de nombreuses autres
    interdictions. Il était interdit de faucher ou de coudre. Le premier des jours
    consacrés aux Berbecari, il était
    défendu de prêter des objets ou de donner des braises de l’âtre. Par ailleurs,
    ces jours là, les moulins arrêtaient de fonctionner et il était interdit de
    moudre car, disaient les bergers, une telle activité était susceptible
    d’attirer les loups. Tout comme les « Filipi » d’automne, les « Berbecari »,
    montraient la forte préoccupation des communautés rurales pour protéger les
    troupeaux à l’approche de l’hiver.»



    Dans
    les régions montagneuses de Roumanie, le loup était le principal protagoniste
    des contes de fées et des légendes populaires. Il s’agissait d’une bête féroce,
    particulièrement intelligente, intégrée au sein d’une société fondée sur des
    hiérarchies et des règles complexes. Dans le mental collectif de la campagne
    roumaine, il suffisait de respecter quelques contraintes pour bloquer les phénomènes
    négatifs ou pour chasser les animaux sauvages qui menaçaient les troupeaux. Par
    conséquent, la célébration des « Berbecari », avec toutes les
    restrictions qui en découlaient, avait pour but d’équilibrer le rapport de
    force entre le milieu paysan et celui sauvage. (Trad. Andra Juganaru)

  • La fête de la Nativité de la Mère de Dieu

    La fête de la Nativité de la Mère de Dieu

    La Nativité de la Mère de Dieu,
    soit la Sainte Petite Marie, qui a lieu le 8 septembre, est la première grande
    fête de l’année liturgique. Précisons que, dans le calendrier liturgique, le
    nouvel an débute le 1er septembre, de même que l’année civile dans
    l’Empire Byzantin (au moins à partir du 4e siècle).


    Comme toute fête importante de
    l’année, ce sont surtout les femmes des villages traditionnels qui respectaient
    la célébration en s’abstenant de travailler. Les croyants pensaient que ceux
    qui priaient ce jour-là pour avoir un enfant verraient leurs prières exaucées.
    DeliaSuiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare nous
    explique :




    « C’est
    une fête extrêmement respectée. Comme elle n’est pas précédée par une période
    de jeûne, les gens ont établi un jour avant et un jour après la fête pour cesser
    toute activité et se consacrer à la prière. Les jours du 7 et du 9 septembre
    sont appelés dans les communautés traditionnelles les « cercles de la
    Sainte Marie ». Rappelons qu’à l’occasion de la Sainte Grande Marie, des
    « cercles » étaient aussi organisés, mais ils étaient liés à un
    certain rituel visant à faire le tour de l’église à genoux, pour la prière. Toutefois,
    aujourd’hui, les deux jours qui précèdent et suivent le 8 septembre portent
    clairement le nom de « cercles », car la Sainte Marie est l’une des
    figures emblématiques du christianisme et cette transition est alors
    nécessaire. De nos jours, comme je le disais, même s’il ne s’agit pas d’un
    jeûne à proprement parler, les croyants sont encouragés à observer
    religieusement ces rituels. Ils sont aussi encouragés à prier car la Vierge
    Marie joue le rôle de médiatrice entre l’homme et le divin. »




    La fête du 8 septembre annonce
    également l’arrivée de l’automne. Après le départ des troupeaux de moutons vers
    les plaines, pour l’hiver, le 15 août, les bergers se mettent d’accord sur l’organisation
    des troupeaux pour l’année suivante. Ils partagent également les produits
    laitiers obtenus pendant l’été. La fête de la Sainte Petite Marie marque
    également le passage de la saison chaude à la saison froide, car la tradition
    roumaine divise l’année en deux grandes saisons et deux saisons intermédiaires.
    L’automne est donc un moment de transition. DeliaSuiogan, ethnologue à
    l’Université du Nord de Baia Mare, nous a parléde l’importance de ce seuil dans
    lecalendrier populaire :




    « Ce jour-là, on dit que l’automne commence vraiment. Jusqu’à présent,
    avec la fête de la Sainte Grande Marie, on parlait du passage de l’été à l’automne,
    à partir de la fête de la Sainte Petite Marie les gens ne pouvaient plus porter
    de chapeau. Dans les communautés traditionnelles, les personnes qui portaient
    des chapeaux étaient considérés comme anormales, on se moquait d’elles, pensant
    qu’elles ne correspondaient plus à leur époque. De nombreux rites étaient
    pratiqués en relation avec les bergers. Les brebis, revenus dans les bergeries,
    descendaient de la montagne, et les grandes fêtes du rassemblement des brebis
    se préparaient. De la même manière, on préparait aussile moment où les gens choisiraient
    clairement quelle quantité de fromage et de lait leur était due. »




    Les chrétiens orthodoxes allument
    des bougies devant toutes les icônes de la Vierge Marie, dans les églises, mais
    aussi dans leurs maisons, et offrent des fruits d’automne, notamment aux
    enfants, pour les âmes qui ont quitté ce monde. La
    Nativité de la Vierge Marie est la première grande fête de la nouvelle année
    liturgique et, à cette occasion, plus de deux millions de Roumains célèbrent
    leur fête onomastique.

  • Représentations du mois de septembre dans l’imaginaire populaire

    Représentations du mois de septembre dans l’imaginaire populaire

    Selon la tradition populaire, les
    Roumains célèbrent à la mi-septembre certains personnages de contes de fées
    appelés les « Filipii » d’automne ou « Tristfetiţele ». Ces
    derniers sont en fait des représentations du bien qui punissent et défendent à
    la fois, grâce à leurs pouvoirs magiques. Delia Suiogan, ethnologue à
    l’Université du Nord de Baia Mare, fait le point :




    « Le mois du septembre,
    appelé dans le calendrier populaire « Răpciune » (note de la
    rédaction : mot d’origine inconnue, impossible de le traduire), marque le
    début de la saison froide. Surtout après le 23 septembre, au moment de
    l’équinoxe, le jour devient aussi long que la nuit et le soleil perd de son
    pouvoir. Les gens de toutes les communautés traditionnelles respectaient ces
    diverses fêtes. Elles étaient liées à la fois à l’homme et à la terre. Pour les
    Roumains, la terre a toujours été l’élément central. En septembre, les brebis
    sont déjà redescendues de la montagne et se trouvent dans le village. Les
    béliers rejoignent les brebis. Tout un système de renaissance après la mort prend
    alors forme. Toutes les fêtes qui précèdent le mois d’octobre sont liées à
    l’idée de vaincre la mort par des formes symboliques de renaissance. Selon de
    nombreuses croyances, les « Filipi » d’automne sont célébrées en
    novembre, mais dans les calendriers les plus anciens les premiers
    « Filipi » sont célébrés dès le mois de septembre. »





    Les interdictions les plus importantes
    respectées à l’occasion des journées des « Filipi » dans la tradition
    populaire visent à tenir les loups loin des foyers. Jadis, les gens couvraient d’argile
    leurs cheminées ainsi que les portes des poêles et des crocs de loup étaient
    gravés sur les éléments en bois des constructions. Les jours fériés de la
    période de l’équinoxe étaient strictement respectés, quelque soit le nom qu’il
    leur soit donné dans les différentes régions de Roumanie. Delia Suiogan,
    ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, nous offre encore quelques
    détails :




    « C’est vrai qu’en dehors des
    Carpates, ces périodes sont aussi appelées les « Tristfete ».
    Qu’elles soient appelées « Filipi » ou « Tristfete »,
    l’élément central de ces festivités reste le loup. C’est un animal symbolique.
    D’ailleurs, beaucoup de fêtes et de rites lui sont consacrés jusqu’au mois de
    mars. Le loup fait aussi bien partie de la catégorie des bons que des mauvais
    animaux. Alors, si les habitants lui rendent hommage, il aura une action
    bénéfique sur leur foyer. Ceux qui, par contre, choisiraient de ne pas
    respecter cette tradition, seront punis. »





    Pendant
    la période des « Filipi » les gens des villages traditionnels ne fauchaient,
    ni ne labouraient, ni ne sortaient les ordures des maisons et ne prêtaient pas
    non plus d’argent. Ils pensaient que toutes ces actions pouvaient ouvrir la
    bouche du loup et que celui-ci pouvait donc attaquer les animaux des foyers ou
    les habitants. Qui plus est, on évitait les conflits entre les membres de la
    communauté, puisqu’à cette période, on croyait que même les conflits banals
    pouvaient être dangereux.

  • La fête du Saint-Jean d’automne

    La fête du Saint-Jean d’automne

    Dans les communautés
    traditionnelles roumaines, la fête du 29 août est strictement respectée. Il
    s’agit de la fête du « Saint Jean d’automne », soit le jour de la
    Décollation du prophète Jean Baptiste. Le prophète Jean Baptiste est mort par
    décapitation, exécuté sur ordre d’Hérode Antipas, tétrarque de Galilée et de
    Pérée (région située au nord-est de la mer Morte, à l’est du fleuve Jourdain).
    Après avoir répudié sa première épouse, Hérode
    Antipas a épousé Hérodiade, qui était déjà la femme de son demi-frère. Le
    prophète Jean Baptiste, qui avait déjà rassemblé beaucoup de partisans en
    annonçant la venue de Jésus Christ, avait critiqué le mariage illégitime
    d’Hérode Antipas. Par conséquent, à la demande d’Hérodiade, Hérode Antipas a
    ordonné la décapitation de Jean Baptiste.


    En Roumanie, les villageois
    d’autrefois observaient le jeûne total le 29 août, c’est-à-dire s’abstenir de
    toute nourriture ou boisson tout au long de la journée. Des fois, ils
    prolongeaient ce jeûne jusqu’au 14 septembre, soit l’Exaltation de la Croix, ou
    la Fête de la Croix, pour que leur grands péchés soient pardonnés. Pour rappel,
    dans l’Eglise Orthodoxe, durant une période de jeûne, on ne mange pas de
    viande, ni de poisson, ni de produits laitiers, ni d’œufs. Plus encore, les
    lundis, les mercredis et les vendredis, on s’abstient même de consommer de
    l’huile et du vin.


    A la fin de la période
    de carême, les gens des communautés traditionnelles préparaient des produits
    spécifiques du début de l’automne, soit des plats aux légumes ou aux fruits,
    qui étaient ensuite ramenés à l’église pour être bénis. Au micro de RRI, Delia
    Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, nous explique :


    « Le 29 août, les gens des villages de Roumanie font le
    jeûne total. C’est l’un des rares jeûnes de ce type, respecté très strictement,
    car on dit que ceux qui observent le jeûne total, sans eau ni nourriture,
    seront aidés par Saint Jean. De même que la Mère de Dieu, Saint Jean est très
    bien représenté dans le calendrier populaire, mais aussi dans le calendrier
    chrétien. Une des coutumes de la veille de ce jour dit que l’on ne mange rien dans
    un bol rond. Ce jour marque, en fait, la décapitation du saint Jean-Baptiste. En
    évitant tous les objets ronds, qui rappellent la forme de la tête, les gens n’assument
    pas ce sacrifice, ils glorifient en fait la renaissance de ce saint et non pas sa
    mort. Par conséquent, ils ne mangent ni de fruits ronds, ni de pommes, ni de
    poires. Ceux qui ne respectent pas le jeûne total ne peuvent manger que des
    raisins. »
    explique Delia Suiogan.


    Bref, en refusant les récipients ronds et la
    nourriture ayant une forme ronde, les gens se distançaient de la décapitation
    du Saint Jean. Puis, le jour de la fête
    de la Décollation du Saint Jean, il est interdit de boire du vin rouge, qui
    rappelle le sang versé par ce prophète. Dans le monde rural traditionnel, ce
    jour-là les gens n’utilisaient pas le couteau, toute la nourriture sur la table
    étant cassée et pas coupée. De même, ils ne balayaient la maison sous aucun
    prétexte, afin de ne pas perturber les esprits de ceux qui se reposaient dans le
    monde d’au-delà. Les ancêtres étaient eux aussi honorés ce jour-là, en offrant
    en aumône les premiers raisins des vendanges d’automne. Delia Suiogan,
    ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, revient avec des détails.


    « La « Saint Jean d’automne » est une fête qui
    appartient au calendrier chrétien, mais qui est incluse aussi dans le
    calendrier populaire. C’est une fête strictement respectée par les habitants
    des villages roumains partout dans le pays. On dit que cette fête marque la fin
    de l’année liturgique. D’ailleurs, toute fin est célébrée par une grande fête
    pour marquer la mort de l’année ancienne et sa renaissance sous la forme d’une
    nouvelle année sous le signe du bien. »
    a encore expliqué Delia Suiogan.



    Il faut dire aussi que le
    jour de la fête du Saint Jean d’automne, aucun mariage ni fête n’était
    organisé. Qui plus est, les gens grièvement malades observaient le jeûne total
    pendant trois jours, dans l’espoir d’être guéris. Si cela n’était pas indiqué
    pour un malade, sa famille ou ses proches jeûnaient à sa place. Dans les
    publications roumaines spécialisées, cette fête appelée « Sântion »
    est aussi connue sous le nom de « Brumariul » ou de « Petite
    Croix ». Même s’ils portent le prénom du Saint Jean-Baptiste, le 29 août,
    les chrétiens orthodoxes ne se font pas de vœux et n’organisent pas de fête de
    nom (comme ils le font le 7 janvier, le jour de la principale fête du Saint
    Jean-Baptiste, qui suit le jour de l’Epiphanie, lorsque les chrétiens fêtent le
    Baptême de Jésus Christ, où Saint Jean Baptiste a joué un rôle très important).